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13/06/2022 | CJUE | N°T-334/21

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal, Ana Carla Mendes de Almeida contre Conseil de l'Union européenne., 13/06/2022, T-334/21


 ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

13 juin 2022 ( *1 )

« Fonction publique – Nomination des procureurs européens du Parquet européen – Nomination de l’un des candidats désignés par le Portugal – Absence de litige entre l’Union et l’un de ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le RAA – Article 270 TFUE – Incompétence manifeste »

Dans l’affaire T‑334/21,

Ana Carla Mendes de Almeida, demeurant à Sobreda (Portugal), représentée par Mes R. Leandro Vasconcelos, M. Marques d

e Carvalho et P. Almeida Sande, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représent...

 ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

13 juin 2022 ( *1 )

« Fonction publique – Nomination des procureurs européens du Parquet européen – Nomination de l’un des candidats désignés par le Portugal – Absence de litige entre l’Union et l’un de ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le RAA – Article 270 TFUE – Incompétence manifeste »

Dans l’affaire T‑334/21,

Ana Carla Mendes de Almeida, demeurant à Sobreda (Portugal), représentée par Mes R. Leandro Vasconcelos, M. Marques de Carvalho et P. Almeida Sande, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. K. Pleśniak et Mme J. Gil, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger et Mme O. Porchia (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, Mme Ana Carla Mendes de Almeida, demande l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2020/1117 du Conseil, du 27 juillet 2020, portant nomination des procureurs européens du Parquet européen (JO 2020, L 244, p. 18), en ce qu’elle nomme M. José Eduardo Moreira Alves d’Oliveira Guerra procureur européen du Parquet européen (ci‑après la « décision attaquée »), ainsi que l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne du 8 mars
2021 portant rejet de sa réclamation introduite le 10 février 2021 contre la décision attaquée (ci‑après la « décision de rejet de la réclamation »).

Antécédents du litige

2 Le 12 octobre 2017, le Conseil a adopté le règlement (UE) 2017/1939, mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (JO 2017, L 283, p. 1). Aux termes des articles 1er et 8 de ce règlement, ce dernier institue le Parquet européen en tant qu’organe de l’Union européenne et en fixe les modalités de fonctionnement.

3 Selon l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, relatif à la structure du Parquet européen, ce dernier est organisé à un double niveau : central et décentralisé.

4 Selon l’article 2, point 4, du règlement 2017/1939, le personnel du Parquet européen est défini comme le personnel qui, au niveau central, soutient au quotidien le collège, les chambres permanentes, le chef du Parquet européen, les procureurs européens, les procureurs européens délégués et le directeur administratif dans l’exécution des missions confiées au Parquet européen dans le cadre de ce règlement.

5 Les procureurs européens ont leurs missions et fonctions définies à l’article 12 dudit règlement.

6 En ce qui concerne leur nomination, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2017/1939, chaque État membre participant à la coopération renforcée concernant la création du Parquet européen doit désigner trois candidats au poste de procureur européen parmi des candidats qui sont des membres actifs du ministère public ou du corps judiciaire de l’État membre concerné, qui offrent toutes les garanties d’indépendance et qui disposent des qualifications requises pour l’exercice de hautes
fonctions au sein du ministère public ou du corps judiciaire dans leurs États membres respectifs et possèdent une expérience pratique pertinente des ordres juridiques nationaux, des enquêtes financières et de la coopération judiciaire internationale en matière pénale.

7 L’article 16, paragraphe 2, du règlement 2017/1939 prévoit que, après avoir reçu l’avis motivé du comité de sélection visé à l’article 14, paragraphe 3, du même règlement, le Conseil choisit et nomme l’un des candidats à la fonction de procureur européen de l’État membre concerné. Cette disposition précise que, si le comité de sélection constate qu’un candidat ne remplit pas les conditions requises pour exercer les fonctions de procureur européen, son avis lie le Conseil. Conformément à
l’article 16, paragraphe 3, du règlement 2017/1939, le Conseil, statuant à la majorité simple, sélectionne et nomme les procureurs européens pour un mandat non renouvelable de six ans et peut décider de proroger ce mandat pour une durée maximale de trois années au terme de la période de six ans. L’article 16, paragraphe 4, de ce même règlement prévoit qu’un renouvellement partiel d’un tiers des procureurs européens a lieu tous les trois ans et que le Conseil, statuant à la majorité simple, adopte
des règles transitoires régissant la nomination des procureurs européens pour la première période de mandat et durant cette période.

8 Conformément à l’article 14, paragraphe 3, du règlement 2017/1939, le Conseil établit les règles de fonctionnement du comité de sélection.

9 L’article 96 du règlement 2017/1939, relatif aux dispositions générales en matière de personnel, prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa, que le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut ») et le régime applicable aux autres agents de l’Union (ci‑après le « RAA ») ainsi que les réglementations adoptées d’un commun accord par les institutions de l’Union aux fins de l’application du statut et du RAA s’appliquent au chef du Parquet européen et aux procureurs européens,
aux procureurs européens délégués, au directeur administratif et au personnel du Parquet européen, sauf disposition contraire de ce règlement. Selon le second alinéa de cette disposition, le chef du Parquet européen et les procureurs européens sont engagés en qualité d’agents temporaires du Parquet européen au titre de l’article 2, sous a), du RAA.

10 Pour ce qui concerne le personnel du Parquet européen, le paragraphe 2 du même article 96 dispose que ce personnel est recruté selon les règlements et réglementations applicables aux fonctionnaires et aux autres agents de l’Union.

11 Le 13 juillet 2018, le Conseil a adopté la décision d’exécution (UE) 2018/1696, sur les règles de fonctionnement du comité de sélection prévues à l’article 14, paragraphe 3, du règlement 2017/1939 (JO 2018, L 282, p. 8).

12 Le 23 avril 2019, à l’issue de la procédure de sélection nationale, les trois candidats au poste de procureur européen devant être désignés par la République portugaise ont été retenus. La requérante en faisait partie. Cette dernière exerce depuis 2012 les fonctions de procureur de la République portugaise auprès du Departamento Central de Investigação e Ação Penal (département central chargé des enquêtes et des poursuites) et, dans le courant du mois de janvier 2020, elle a été désignée
coordinatrice de la section d’enquête et de prévention de la criminalité relative aux fonds de l’Union. Parmi les deux autres candidats retenus figurait M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra. Les noms des trois candidats retenus ont été communiqués au comité de sélection visé à l’article 14, paragraphe 3, du règlement 2017/1939. Les candidats étaient classés par ordre alphabétique.

13 Le 24 octobre 2019, la requérante a été entendue par le comité de sélection et, le 18 novembre 2019, ce dernier a adressé son avis motivé au Conseil et a indiqué l’ordre de préférence suivant pour les trois candidats désignés par la République portugaise : 1) la requérante ; 2) M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra ; 3) M. João Conde Correia dos Santos.

14 Le 27 juillet 2020, le Conseil a adopté la décision attaquée.

15 Aux termes de l’article 2 de cette décision :

« Les personnes suivantes sont nommées procureurs européens du Parquet européen en tant qu’agents temporaires de grade AD 13 pour une période non renouvelable de trois ans à compter du 29 juillet 2020 :

[…]

M. […] Moreira Alves d’Oliveira Guerra ».

16 Le 22 octobre 2020, la requérante a adressé au Conseil, au titre de l’article 90 du statut, une réclamation contre la décision attaquée.

17 Le 5 février 2021, la requérante a introduit un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE, enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro d’affaire T‑75/21, tendant à l’annulation de la décision attaquée.

18 Le 10 février 2021, la requérante a introduit une réclamation complémentaire, dans laquelle elle a invoqué l’intervention de faits nouveaux devant être pris en compte par le Conseil dans sa réponse à sa réclamation.

19 Par la décision de rejet de la réclamation, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») du Conseil a considéré la réclamation comme étant manifestement irrecevable en raison de son incompétence pour y faire droit.

20 Par ordonnance du 8 juillet 2021, Mendes de Almeida/Conseil (T‑75/21, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2021:424), le Tribunal a rejeté le recours introduit le 5 février 2021 comme étant irrecevable pour cause de tardivité. Le pourvoi dont cette ordonnance a fait l’objet est pendant devant la Cour.

Conclusions des parties

21 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision de rejet de la réclamation ;

– annuler la décision attaquée ;

– condamner le Conseil aux dépens.

22 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

23 En vertu de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque ce dernier est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

24 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

25 D’emblée, il importe de rappeler que la requérante a introduit le présent recours, tendant à l’annulation de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation, au titre de l’article 270 TFUE.

26 Il résulte des termes de cet article que la compétence qui y est prévue s’étend à tout litige entre l’Union et ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le RAA.

27 À cet égard, dans la requête, la requérante justifie l’introduction du recours au titre dudit article par le fait que l’article 96, paragraphe 1, du règlement 2017/1939 prévoit que le statut et le RAA ainsi que les réglementations adoptées d’un commun accord par les institutions aux fins de l’application du statut et du RAA s’appliquent notamment aux procureurs européens, sauf disposition contraire, et que ceux‑ci sont engagés en qualité d’agents temporaires du Parquet européen au titre de
l’article 2, sous a), du RAA. Or, aucune disposition du règlement 2017/1939 n’exclurait l’application du statut et du RAA à leur nomination.

28 La requérante précise que, si la nomination des procureurs européens a lieu au plus haut niveau politique, c’est aussi le cas pour le chef du Parquet européen, qui est nommé par le Conseil et par le Parlement européen. Or, elle relève que la décision d’exécution 2018/1696, au paragraphe VII.1 de son annexe, prévoit expressément l’application des voies de recours du statut aux candidats au poste de chef du Parquet européen exclus par le comité de sélection. Cela devrait conduire, par cohérence
organique interne, à interpréter cette décision d’exécution en ce sens que les mêmes voies de recours sont applicables aux candidats à un poste de procureur européen. Le législateur n’aurait entendu écarter que les règles du statut qui sont incompatibles avec la nature de la procédure de sélection des procureurs européens, afin de garantir le choix d’un procureur européen pour chaque État membre participant à cette coopération renforcée et l’irrecevabilité des candidatures de ressortissants des
autres États membres.

29 Le fait que la décision d’exécution 2018/1696 ne prévoit pas expressément l’application des dispositions du statut aux procureurs européens ne ferait pas obstacle à ce qu’un recours contre la décision attaquée puisse être formé au titre de l’article 270 TFUE. Il serait possible d’introduire une réclamation au titre de l’article 90 du statut, pour autant qu’elle satisfasse aux exigences de forme et de délai qui lui sont applicables et l’article 270 TFUE devrait être compris en ce sens qu’il
s’applique, de façon exclusive, non seulement aux personnes qui ont la qualité de fonctionnaire ou d’agent autre que local, mais aussi à celles qui revendiquent ces qualités. Conformément à l’article 46 du RAA, les dispositions du titre VII du statut, qui précisent que les candidats à une fonction relevant du champ d’application du RAA sont soumis aux articles 90 et 91 du statut, seraient applicables par analogie. La requérante se réfère en outre à la jurisprudence selon laquelle
l’article 270 TFUE s’applique aussi aux candidats à la fonction de fonctionnaire ou d’agent autre que local.

30 La requérante ajoute que le fait qu’elle a aussi introduit, le 5 février 2021, un recours au titre de l’article 263 TFUE, enregistré sous le numéro d’affaire T‑75/21, contre la décision attaquée est sans conséquence et elle conteste qu’il puisse y avoir une situation de litispendance en ce qui concerne le présent recours.

31 Pour ce qui concerne tant la décision attaquée que la décision de rejet de la réclamation, le Conseil conclut au rejet du recours. Il considère comme manifestement irrecevable la demande d’annulation de la décision attaquée, pour cause de litispendance et, en tout état de cause, en raison de l’incompétence du Tribunal à en connaître au titre de l’article 270 TFUE. Il estime manifestement non fondée la demande d’annulation de la décision de rejet de la réclamation.

32 En l’espèce, il importe de relever que le litige porte sur deux décisions du Conseil, l’une tendant à nommer une personne plutôt qu’une autre en qualité de procureur européen pour la République portugaise et l’autre visant à rejeter la réclamation que la requérante, qui n’a pas été nommée au poste de procureur européen pour cet État membre, a formée à l’encontre de la décision de nomination prise par le Conseil.

33 Pour déterminer si c’est à juste titre que la requérante a introduit le recours au titre de l’article 270 TFUE à l’encontre de ces décisions, il importe d’examiner si le litige entre elle et le Conseil concernant lesdites décisions relève des litiges entre l’Union et ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le RAA.

34 À cet égard, il convient de rappeler que la notion de litige entre l’Union et ses agents est entendue par la jurisprudence de façon extensive, ce qui conduit à examiner dans ce cadre les litiges concernant des personnes qui n’ont ni la qualité de fonctionnaire ni celle d’agent, mais qui y prétendent (voir arrêt du 5 octobre 2004, Sanders e.a./Commission, T‑45/01, EU:T:2004:289, point 45 et jurisprudence citée). Cela vise les personnes qui sont candidates à un poste dont les conditions de
nomination sont déterminées par le statut ou le RAA.

35 S’agissant du Parquet européen, il importe de relever que toutes les dispositions du statut ne lui sont pas applicables per se. Il ressort du règlement 2017/1939 que ce sont les dispositions de ce règlement qui déterminent dans quelle mesure certaines des dispositions du statut ou du RAA s’appliquent aux procureurs européens.

36 En effet, l’article 96, paragraphe 1, du règlement 2017/1939 prévoit que le statut et le RAA s’appliquent au chef du Parquet européen et aux procureurs européens, aux procureurs européens délégués, au directeur administratif et au personnel du Parquet européen « sauf disposition contraire du présent règlement ».

37 Il est utile de souligner que, conformément aux dispositions de l’article 2, point 4, et de l’article 12 du règlement 2017/1939, telles que mentionnées aux points 4 et 5 ci‑dessus, les procureurs européens ne font pas partie du personnel du Parquet européen.

38 En ce qui concerne leur nomination, laquelle est en cause dans la présente affaire, l’article 16 dudit règlement, tel que rappelé aux points 6 et 7 ci‑dessus, établit une procédure spécifique avec des modalités propres.

39 Notamment, cette disposition garantit aux seuls États membres participant à la coopération renforcée concernant la création du Parquet européen d’avoir, à la fin de la procédure de nomination, un procureur européen nommé par le Conseil. Elle leur permet, préalablement à cette nomination, de désigner trois candidats, qui, compte tenu de l’obligation qui pèse sur ces derniers d’être des membres actifs du ministère public ou du corps judiciaire de l'État membre qui les désigne, ont en principe la
nationalité de celui‑ci.

40 Ce faisant, ladite disposition prévoit une procédure sui generis qui est différente de celle applicable au recrutement du personnel du Parquet européen, étant précisé que celui‑ci est recruté, conformément à l’article 96, paragraphe 2, du règlement 2017/1939, selon les règlements et réglementations applicables aux fonctionnaires et aux autres agents de l’Union.

41 Il importe d’observer que la procédure de nomination des procureurs européens ne requiert pas de respecter le principe de non‑discrimination fondée sur la nationalité, tel qu’il est prévu à l’article 27 du statut, au bénéfice des ressortissants de tous les États membres, à savoir même de ceux ne participant pas à la coopération renforcée.

42 En outre, il découle de l’article 16 du règlement 2017/1939 que ce n’est ni l’AIPN ni l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci‑après l’« AHCC ») du Parquet européen qui nomment les procureurs européens, mais le Conseil. Le fait que, dans la décision attaquée, il est indiqué que les personnes retenues, dont M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra, sont nommées procureurs européens en tant qu’agents temporaires de grade AD 13 ne saurait d’ailleurs suffire à en déduire que le Conseil
a agi en qualité d’AIPN ou d’AHCC lors de la nomination des procureurs européens.

43 Le caractère sui generis de la procédure de nomination des procureurs européens peut s’expliquer par le fait que, ainsi que le relève à juste titre, en substance, le Conseil, elle concerne des personnalités amenées à exercer, dans le cadre de cette coopération, une responsabilité particulière de haut niveau dans le système institutionnel de l’Union.

44 Il importe de préciser que ce n’est qu’après la nomination des procureurs européens, en vertu de l’article 16 du règlement 2017/1939, que ceux‑ci sont engagés, conformément à l’article 96, paragraphe 1, second alinéa, dudit règlement, en qualité d’agents temporaires du Parquet européen au titre de l’article 2, sous a), du RAA. Il découle dudit alinéa que seules les conditions d’emploi et de rémunération des procureurs européens relèvent du RAA et de la compétence de l’AHCC du Parquet européen. Il
en est différemment des conditions et des procédures conduisant à la nomination de ceux‑ci.

45 Ces dernières conditions et procédures n’étant pas déterminées par le statut ou par le RAA, les litiges qui y sont relatifs ne sauraient donc être considérés comme des litiges entre l’Union et l’un de ses agents, au sens de l’article 270 TFUE.

46 Les autres arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause une telle conclusion.

47 D’une part, la requérante ne peut valablement se prévaloir de l’ordonnance du 11 juillet 1996, Gomes de Sá Pereira/Conseil (T‑30/96, EU:T:1996:107), pour soutenir qu’elle a introduit à bon droit son recours au titre de l’article 270 TFUE.

48 Certes, les points 22 à 25 de l’ordonnance du 11 juillet 1996, Gomes de Sá Pereira/Conseil (T‑30/96, EU:T:1996:107), contiennent un rappel, en substance, de la jurisprudence selon laquelle la compétence du juge de l’Union pour statuer sur tout litige entre l’Union et ses agents doit être comprise en ce sens qu’elle porte non seulement sur les litiges concernant les personnes qui ont la qualité de fonctionnaire ou d’agent autre que local, mais aussi sur ceux relatifs à des personnes qui
revendiquent cette qualité, et il a été considéré que la nomination des membres des chambres de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) devait être contestée en suivant les voies de recours prévues par le statut.

49 Toutefois, la solution retenue dans l’ordonnance du 11 juillet 1996, Gomes de Sá Pereira/Conseil (T‑30/96, EU:T:1996:107), n’est pas transposable à la présente affaire, dès lors que, comme le relève à juste titre le Conseil, la nomination des membres des chambres de recours de l’EUIPO procède d’une réglementation différente de celle applicable à la nomination des procureurs européens. Pour ce qui concerne les membres de ces chambres de recours, la réglementation qui y est relative prévoit
l’application du statut, du RAA et des réglementations d’exécution de ces dispositions au personnel, dont lesdits membres font partie (voir, en ce sens, ordonnance du 11 juillet 1996, Gomes de Sá Pereira/Conseil, T‑30/96, EU:T:1996:107, points 22 et 23). En revanche, pour ce qui concerne la nomination des procureurs européens, comme il ressort des points 35 à 44 ci‑dessus, le législateur, dans le règlement 2017/1939, a choisi d’établir un régime sui generis, selon lequel les procureurs européens
ne font pas partie du personnel du Parquet européen, comme il a été déjà indiqué au point 37 ci‑dessus.

50 D’autre part, l’annexe de la décision d’exécution 2018/1696, dans sa partie relative à la nomination du chef du Parquet européen, que la requérante invoque par ailleurs, ne permet pas à cette dernière de fonder son recours sur l’article 270 TFUE.

51 En effet, il ressort des dispositions de cette annexe, lues conjointement avec les articles 14 et 16 du règlement 2017/1939, que les mécanismes de nomination du chef du Parquet européen et des procureurs européens sont chacun gouvernés par des spécificités propres, à tous les stades de la procédure.

52 À cet égard, compte tenu, notamment, du fait que la procédure de sélection du chef du Parquet européen commence par un appel ouvert à candidatures, publié au Journal officiel de l’Union européenne, la possibilité d’introduire une réclamation auprès du Conseil, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, est ouverte aux seuls candidats à ce poste de chef du Parquet européen à l’encontre des décisions du comité de sélection qui leur font grief ainsi que de la liste établie par ce comité
sur laquelle ces candidats ne figurent pas.

53 En revanche, dans le cadre de la procédure de nomination des procureurs européens, qui commence par la désignation de trois candidats par chaque État membre participant à la coopération renforcée, la possibilité de réclamation ne peut pas être étendue aux décisions du Conseil de ne pas nommer certains candidats au poste de procureur européen, en l’absence d’une volonté clairement exprimée par le législateur.

54 Il résulte de tout ce qui précède que le présent litige ne saurait être considéré comme un litige entre l’Union et l’un de ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le RAA, au sens de l’article 270 TFUE.

55 Le Tribunal est donc manifestement incompétent pour connaître du présent recours contre la décision attaquée.

56 Par ailleurs, dès lors que cette dernière n’est pas une décision relevant du statut et du RAA, il ne saurait être considéré que la réclamation formulée par la requérante à l’encontre de la décision attaquée ainsi que la décision prise par le Conseil pour rejeter cette réclamation puissent relever du statut et du RAA. Le Tribunal est donc également manifestement incompétent pour connaître de la décision de rejet de la réclamation.

57 Selon la jurisprudence, c’est à la partie requérante qu’il appartient de faire le choix du fondement juridique de son recours, et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (voir arrêt du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 24 et jurisprudence citée). Or il n’est pas possible de considérer le présent recours contre la décision attaquée comme introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, la requérante ayant
expressément invoqué l’article 270 TFUE, indépendamment du fait qu’elle a déjà introduit un recours fondé sur l’article 263 TFUE contre la décision attaquée dans l’affaire T‑75/21, qui a déjà donné lieu à l’ordonnance du 8 juillet 2021, Mendes de Almeida/Conseil (T‑75/21, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2021:424).

58 Quant à la décision de rejet de la réclamation, en tout état de cause, à supposer même que la requérante ait entendu introduire son recours contre cette décision au titre de l’article 263 TFUE dans la présente affaire et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si un tel recours est recevable, il suffit de constater, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 35 à 54 ci‑dessus, que l’AIPN du Conseil n’était pas compétente pour connaître de la réclamation
introduite par la requérante sur le fondement de l’article 90 du statut et que c’est donc à juste titre qu’elle a rejeté celle‑ci. Le recours est donc, en tout état de cause, manifestement non fondé à cet égard.

59 Le recours doit en conséquence être rejeté.

Sur les dépens

60 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de celui‑ci.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Mme Ana Carla Mendes de Almeida est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 13 juin 2022.

Le greffier

  E. Coulon

Le président

H. Kanninen

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( *1 ) Langue de procédure : le portugais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : T-334/21
Date de la décision : 13/06/2022
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonction publique – Nomination des procureurs européens du Parquet européen – Nomination de l’un des candidats désignés par le Portugal – Absence de litige entre l’Union et l’un de ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le RAA – Article 270 TFUE – Incompétence manifeste.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Ana Carla Mendes de Almeida
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2022:375

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