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10/12/2019 | CJUE | N°T-66/19

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal, Vlaamse Gemeenschap et Vlaams Gewest contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne., 10/12/2019, T-66/19


ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

10 décembre 2019 ( *1 )

« Recours en annulation – Marché intérieur – Libertés fondamentales – Règlement (UE) 2018/1724 – Établissement d’un portail numérique unique pour donner accès à des informations, à des procédures et à des services d’assistance et de résolution de problèmes – Autorité infra-étatique – Qualité pour agir – Affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑66/19,

Vlaamse Gemeenschap (Belgique),

Vlaams Gewest (Belgiqu

e),

représentées par Mes T. Eyskens, N. Bonbled et P. Geysens, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen...

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

10 décembre 2019 ( *1 )

« Recours en annulation – Marché intérieur – Libertés fondamentales – Règlement (UE) 2018/1724 – Établissement d’un portail numérique unique pour donner accès à des informations, à des procédures et à des services d’assistance et de résolution de problèmes – Autorité infra-étatique – Qualité pour agir – Affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑66/19,

Vlaamse Gemeenschap (Belgique),

Vlaams Gewest (Belgique),

représentées par Mes T. Eyskens, N. Bonbled et P. Geysens, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mme I. McDowell, M. R. van de Westelaken et Mme M. Peternel, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme K. Michoel et M. O. Segnana, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement (UE) 2018/1724 du Parlement européen et du Conseil, du 2 octobre 2018, établissant un portail numérique unique pour donner accès à des informations, à des procédures et à des services d’assistance et de résolution de problèmes, et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 (JO 2018, L 295, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige

1 Le 6 mai 2015, la Commission européenne a adopté une communication intitulée « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe » [COM(2015) 192 final]. Au point 4.3.2 de cette communication intitulé « Administration en ligne », la Commission note que les « points de contact entre les autorités publiques, d’une part, et les particuliers et les entreprises, d’autre part, sont fragmentés et incomplets » et qu'« [i]l serait possible d’apporter une réponse plus satisfaisante aux besoins des
entreprises et des particuliers dans leurs activités transfrontières en se fondant sur les infrastructures de services numériques du mécanisme pour l’interconnexion en Europe et en assurant l’extension et l’intégration des portails, réseaux, services et systèmes européens existants […] et en les reliant au [sein d’un] “portail numérique unique” ».

2 Ainsi, la Commission s’est engagée à présenter un nouveau plan d’action pour l’administration en ligne 2016-2020 qui comprendrait, notamment, « l’extension et l’intégration des portails européen et nationaux » afin d’œuvrer à la mise en place du portail numérique unique en question.

3 En outre, le 28 octobre 2015, la Commission a adopté une communication intitulée « Améliorer le marché unique : de nouvelles opportunités pour les citoyens et les entreprises » [COM(2015) 550 final]. Par cette communication, la Commission a établi sa stratégie pour le marché unique.

4 Dans ce contexte, la Commission a formulé une proposition législative qui a abouti à l’adoption du règlement (UE) 2018/1724 du Parlement européen et du Conseil, du 2 octobre 2018, établissant un portail numérique unique pour donner accès à des informations, à des procédures et à des services d’assistance et de résolution de problèmes, et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 (JO 2018, L 295, p. 1).

5 Selon son considérant 4, le règlement 2018/1724 propose aux citoyens et aux entreprises un accès aisé aux informations, aux procédures et aux services d’assistance et de résolution de problèmes dont ils ont besoin pour exercer leurs droits dans le marché intérieur. Ainsi, le portail établi en vertu de ce règlement pourrait contribuer à améliorer la transparence des règles et des réglementations relatives à différents événements de la vie des personnes et des entreprises dans des domaines tels que
les voyages, la retraite, l’éducation, l’emploi, la santé, les droits des consommateurs et les droits de la famille.

6 Selon son considérant 6, le règlement 2018/1724 poursuit trois objectifs, à savoir alléger la charge administrative supplémentaire pesant sur les citoyens et les entreprises qui exercent ou veulent exercer les droits que leur confère le marché intérieur, y compris la libre circulation des citoyens, en pleine conformité avec les règles et procédures nationales, éliminer les discriminations et assurer le fonctionnement du marché intérieur en ce qui concerne la mise à disposition d’informations, de
procédures et de services d’assistance et de résolution de problèmes.

7 Selon le considérant 7 du règlement 2018/1724, pour que les citoyens et les entreprises de l’Union européenne soient en mesure d’exercer leur droit à la libre circulation dans le marché intérieur, il convient que l’Union se dote de mesures non discriminatoires spécifiques permettant aux citoyens et entreprises d’obtenir aisément des informations suffisamment complètes et fiables sur les droits que leur confère le droit de l’Union ainsi que sur les règles et les procédures applicables au niveau
national auxquelles ils doivent se conformer pour pouvoir se déplacer, vivre ou étudier ou pour pouvoir s’établir ou exercer une activité commerciale dans un État membre autre que le leur.

8 Or, ainsi que l’indique le considérant 9 du règlement 2018/1724, les citoyens et les entreprises d’autres États membres sont parfois pénalisés par leur méconnaissance des règles et des systèmes administratifs nationaux, de même que par les différentes langues parlées et par la distance géographique qui les sépare des autorités compétentes d’un État membre autre que le leur. Selon ce même considérant, pour lever le plus efficacement possible les obstacles entravant le marché intérieur qui en
découlent, la meilleure solution est de permettre aux utilisateurs transfrontières et non transfrontières de consulter des informations en ligne, dans une langue qu’ils sont à même de comprendre, afin d’accomplir complètement, en ligne, les procédures requises pour se conformer au droit national et de leur proposer de l’aide lorsque lesdites règles et procédures ne sont pas suffisamment claires ou lorsqu’ils sont face à des obstacles qui les empêchent d’exercer leurs droits.

9 Ainsi, selon son considérant 12, le règlement 2018/1724 a pour objet de mettre en place un portail numérique unique qui servirait de point d’accès unique permettant aux citoyens et aux entreprises d’avoir accès à des informations sur les règles et exigences auxquelles ils doivent se conformer, qu’elles découlent du droit de l’Union ou du droit national.

10 Dans ce contexte, le considérant 35 du règlement 2018/1724 indique que l’accès aux informations est nettement facilité pour les utilisateurs transfrontières si celles-ci sont disponibles dans une langue officielle de l’Union largement comprise par le plus grand nombre possible d’utilisateurs transfrontières.

11 L’article 2 du règlement 2018/1724 prévoit ce qui suit :

« 1.   Un portail numérique unique (ci-après dénommé “portail”) est mis en place par la Commission et les États membres conformément au présent règlement. Le portail consiste en une interface utilisateur commune administrée par la Commission (ci-après dénommée “interface utilisateur commune”), qui est intégrée dans le site “L’Europe est à vous” et donne accès aux pages Internet pertinentes de l’Union et nationales.

2.   Le portail donne accès aux éléments suivants :

a) des informations sur les droits, les obligations et les règles, établis par le droit de l’Union ou le droit national, qui s’appliquent aux utilisateurs lorsqu’ils exercent ou ont l’intention d’exercer les droits qu’ils tirent du droit de l’Union dans le contexte du marché intérieur, dans les domaines énumérés à l’annexe I ;

b) des informations sur les procédures en ligne et hors ligne ainsi que des liens vers des procédures en ligne, y compris celles visées à l’annexe II, établies au niveau de l’Union ou au niveau national pour permettre aux utilisateurs d’exercer les droits et de se conformer aux obligations et aux règles dans le domaine du marché intérieur, dans les domaines énumérés à l’annexe I ;

c) des informations sur des services d’assistance et de résolution de problèmes énumérés à l’annexe III ou visés à l’article 7, ainsi que les liens y renvoyant, auxquels les citoyens et les entreprises peuvent avoir recours s’ils ont des questions ou des problèmes en rapport avec les droits, obligations, règles ou procédures visés aux points a) et b) du présent paragraphe. »

12 En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement 2018/1724, les États membres veillent à ce que les utilisateurs aient aisément accès en ligne, sur leurs pages Internet nationales, aux informations visées à l’article 2, paragraphe 2, du même règlement (voir point 11 ci-dessus).

13 En outre, selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2018/1724, « [c]haque État membre veille à ce que les utilisateurs puissent accéder à toutes les procédures énumérées à l’annexe II et les accomplir intégralement en ligne, à condition que la procédure en question ait été établie dans l’État membre concerné ».

14 Les articles 9 à 11 du règlement 2018/1724 prévoient une série d’exigences de qualité des renseignements publiés en vertu de l’article 2, paragraphe 2, et de l’article 4 du règlement 2018/1724 aux fins d’une information aussi précise que possible s’agissant de l’exercice des droits et de l’engagement des procédures énumérés aux annexes I et II du même règlement, tels le droit de voyager, de travailler, de séjourner, d’étudier ou de démarrer une entreprise dans un autre État membre ou bien
d’adresser à l’administration des demandes relatives à la résidence, aux études ou à la vie professionnelle.

15 Dans ce contexte, l’article 9, paragraphe 2, l’article 10, paragraphe 4, et l’article 11, paragraphe 2, du règlement 2018/1724 prévoient que les États membres rendent les informations en question accessibles dans une langue officielle de l’Union qui est largement comprise par le plus grand nombre possible d’utilisateurs transfrontières.

16 En outre, selon l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement 2018/1724, s’agissant des procédures visées à l’article 2, paragraphe 2, sous b), du même règlement, les États membres font en sorte que les utilisateurs aient la possibilité de consulter les instructions leur permettant d’accomplir la procédure concernée dans une langue officielle de l’Union largement comprise par le plus grand nombre possible d’utilisateurs transfrontières.

17 Selon l’article 12, paragraphe 1, du règlement 2018/1724, lorsqu’un État membre ne fournit pas les informations, explications et instructions exposées aux articles 9 à 11 et à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du même règlement dans une langue officielle de l’Union largement comprise par le plus grand nombre possible d’utilisateurs transfrontières, cet État membre demande à la Commission de fournir des traductions dans cette langue, dans les limites du budget disponible à cette fin.

Procédure et conclusions des parties

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2019, les requérantes, Vlaamse Gemeenschap (Communauté flamande) et Vlaams Gewest (Région flamande), ont introduit le présent recours.

19 Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal respectivement le 26 avril et le 29 avril 2019, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont excipé de l’irrecevabilité du recours au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal. Les requérantes ont déposé leurs observations sur ces exceptions d’irrecevabilité le 11 juin 2019.

20 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 mai 2019, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

21 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement 2018/1724 ;

– condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

22 Le Parlement et le Conseil concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme irrecevable ;

– condamner les requérantes aux dépens.

En droit

23 En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Parlement et le Conseil ayant demandé qu’il soit statué sur la recevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

24 Le Parlement et le Conseil font valoir que les requérantes ne sont pas individuellement concernées par le règlement 2018/724, si bien qu’elles n’ont pas qualité pour agir en annulation de celui-ci.

25 Il y a lieu de relever, d’une part, que les requérantes sont des entités régionales belges. D’autre part, ainsi qu’il ressort de ses premier et cinquième visas, le règlement 2018/1724 a été adopté sur le fondement de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 114, paragraphe 1, TFUE et, par conséquent, selon la procédure législative ordinaire au sens de l’article 289, paragraphe 1, et de l’article 294 TFUE.

26 Il s’ensuit que, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en tant qu’entités infra-étatiques, les requérantes ont qualité pour agir en annulation du règlement 2018/1724 à condition qu’elles soient directement et individuellement concernées par celui-ci au sens de cette disposition. En effet, le recours d’une entité régionale ou locale ne peut être assimilé au recours d’un État membre, la notion d’État membre au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE ne visant que les autorités
gouvernementales des États membres. Cette notion ne saurait être étendue aux gouvernements de régions ou d’autres entités infra-étatiques sans porter atteinte à l’équilibre institutionnel prévu par le traité (voir, en ce sens, ordonnance du 26 novembre 2009, Região autónoma dos Açores/Conseil, C‑444/08 P, non publiée, EU:C:2009:733, points 31 et 33 et jurisprudence citée).

27 Il ressort, par ailleurs, d’une jurisprudence constante que des règles constitutionnelles nationales attributives de compétence ne sauraient déterminer, au sens de l’article 263 TFUE, la qualité pour agir des entités régionales (voir ordonnance du 26 novembre 2009, Região autónoma dos Açores/Conseil, C‑444/08 P, non publiée, EU:C:2009:733, point 63 et jurisprudence citée). Par conséquent, le seul fait qu’une autorité régionale détienne certaines compétences dans la matière concernée par l’acte
qu’elle attaque ne lui confère pas qualité pour agir si l’acte en question ne l’affecte pas directement ou, le cas échéant, individuellement.

28 Le Parlement et le Conseil excipant de l’irrecevabilité du recours faute d’affectation individuelle des requérantes, il y a lieu d’examiner si le recours est recevable au regard de cette condition.

29 À cet égard, il convient de relever que la condition, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, selon laquelle les personnes physiques ou morales autres que les destinataires d’un acte doivent être individuellement concernées par celui-ci, requiert que la mesure contestée les atteigne en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue
à celle dont le destinataire d’un tel acte le serait (voir ordonnance du 26 novembre 2009, Região autónoma dos Açores/Conseil, C‑444/08 P, non publiée, EU:C:2009:733, point 36 et jurisprudence citée).

30 En l’espèce, il ressort des points 29, 35, 52, 57 et 72 de la requête que, même si les requérantes demandent formellement l’annulation du règlement 2018/1724 dans son intégralité, elles focalisent leur argumentation sur les prétendues illégalités dont seraient entachées les dispositions de celui-ci en vertu desquelles les États membres sont obligés de rendre certaines informations accessibles dans une langue officielle de l’Union qui est largement comprise par le plus grand nombre possible
d’utilisateurs transfrontières (voir points 15 et 16 ci-dessus).

31 Corrélativement, il ressort des points 20 et 22 de la requête que les requérantes affirment avoir qualité pour agir en annulation du règlement 2018/1724 en faisant référence aux effets qu’engendrent sur leurs compétences les dispositions de celui-ci ayant pour objet d’imposer les obligations mentionnées au point 30 ci-dessus.

32 Par conséquent, il y a lieu d’apprécier si les requérantes sont individuellement affectées, au sens exposé au point 29 ci-dessus, par l’article 9, paragraphe 2, l’article 10, paragraphe 4, l’article 11, paragraphe 2, et l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement 2018/1724.

33 À cet égard, les requérantes font valoir que les dispositions en question remettent en cause les politiques mises en œuvre en vertu de nombreux actes dont elles sont les auteures et qui visent à confirmer ou à mettre en œuvre l’utilisation exclusive du néerlandais dans les communications entre elles et le public. Ainsi, en ce que les dispositions citées au point 32 ci-dessus entraîneraient l’utilisation d’une langue autre que le néerlandais dans les rapports des requérantes avec les administrés,
elles empêcheraient les requérantes d’exercer leurs compétences comme elles l’entendent et les obligeraient même à les exercer d’une manière contraire à la législation applicable, dont certains aspects seraient d’envergure constitutionnelle.

34 En outre, les dispositions citées au point 32 ci-dessus porteraient atteinte à l’effectivité de la politique d’intégration civique, mise en place par les requérantes, selon laquelle les étrangers qui s’installent en Flandre (Belgique) sont incités à apprendre le néerlandais.

35 Les requérantes ajoutent que leur qualité pour agir découle de la division du Royaume de Belgique en régions linguistiques et de la répartition des compétences en matière linguistique prévues par la constitution belge, forgée ainsi dans le cadre d’un « conflit linguistique » non observé au sein d’autres États membres.

36 Il y a lieu de relever, premièrement, que l’obligation établie en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement 2018/1724 de veiller à ce que les utilisateurs aient aisément accès en ligne, sur leurs pages Internet nationales, aux informations visées à l’article 2, paragraphe 2, du même règlement (voir points 11 et 12 ci-dessus) pèse sans aucune distinction sur l’ensemble des États membres.

37 Deuxièmement, de manière similaire, il ressort de l’article 9, paragraphe 2, de l’article 10, paragraphe 4, et de l’article 11, paragraphe 2, du règlement 2018/1724 que l’obligation de rendre les informations en question accessibles dans une langue officielle de l’Union qui est largement comprise par le plus grand nombre possible d’utilisateurs transfrontières pèse sans aucune exception sur l’ensemble des autorités nationales compétentes en la matière. Tel est également le cas de l’obligation de
donner aux utilisateurs, conformément à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du même règlement, la possibilité de consulter les instructions leur permettant d’accomplir les procédures visées à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de celui-ci dans une langue officielle de l’Union largement comprise par le plus grand nombre possible d’utilisateurs transfrontières.

38 Il s’ensuit que toute autorité nationale compétente pour mettre en œuvre les règles établies par le règlement 2018/1724 est affectée par celui-ci de la même manière que le sont les requérantes, en leur qualité d’autorités dotées de telles compétences en vertu du droit belge.

39 À cet égard, certes, une autorité infra-étatique peut être considérée comme étant individuellement concernée par un acte de l’Union lorsque celui-ci affecte un acte dont elle est l’auteure et l’empêche ainsi d’exercer comme elle l’entend les compétences propres que lui confère le droit national (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2005, Land Oberösterreich et Autriche/Commission, T‑366/03 et T‑235/04, EU:T:2005:347, point 28).

40 Toutefois, eu égard à la définition de l’affectation individuelle au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir point 29 ci-dessus), ces circonstances ne peuvent justifier une telle affectation de l’autorité infra-étatique que dans un contexte dans lequel l’acte attaqué a pour objet exclusif l’exercice de la compétence de l’Union au regard d’un acte précis adopté par ladite autorité (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, EU:T:1998:77, points 17
et 29 ; du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑346/99 à T‑348/99, EU:T:2002:259, points 14 et 37, et du 5 octobre 2005, Land Oberösterreich et Autriche/Commission, T‑366/03 et T‑235/04, EU:T:2005:347, points 11 à 14 et 27 à 30).

41 Or, le règlement 2018/1724 a été adopté dans le cadre des compétences de l’Union visant à atteindre les objectifs décrits aux articles 21 et 114 TFUE, à savoir améliorer le fonctionnement du marché intérieur en facilitant les conditions d’exercice des droits qui en découlent. Dans ce contexte, ainsi qu’il ressort des dispositions mentionnées aux points 36 et 37 ci-dessus, le règlement 2018/1724 concerne la mise à disposition, de la part des États membres, de certaines informations essentielles
aux fins de l’exercice des droits de libre circulation et de séjour que tirent les citoyens de certaines dispositions du droit de l’Union. L’adoption de ce règlement n’a donc pas pour objet l’exercice de la compétence de l’Union au regard d’actes précis adoptés par les requérantes au sujet de l’emploi du néerlandais dans les relations entre l’administration et les citoyens.

42 En outre, une approche selon laquelle toute interférence entre le champ d’application d’un acte de l’Union et celui d’actes adoptés par une autorité infra-étatique implique que celle-ci est une personne individuellement affectée par l’acte de l’Union élèverait pratiquement les autorités infra-étatiques ainsi concernées au rang des États membres destinataires des actes de l’Union. Ce faisant, une telle approche mettrait en cause l’équilibre institutionnel prévu par le traité (voir point 26
ci-dessus), si bien que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, elle ne saurait être adoptée.

43 Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la législation belge relative à l’emploi des langues en matière administrative résulterait, selon les requérantes, d’une série de compromis forgés à l’issue d’une longue période de négociations exigeantes, qui trouveraient aujourd’hui partiellement leur expression dans la constitution de cet État membre. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 27 ci-dessus, l’aménagement des compétences en vertu des règles constitutionnelles
nationales attributives de compétence ne saurait déterminer la qualité pour agir des entités infra-étatiques.

44 Enfin, il y a lieu de rappeler que les moyens soulevés par les requérantes visent exclusivement les prétendues illégalités dont seraient entachés l’article 9, paragraphe 2, l’article 10, paragraphe 4, l’article 11, paragraphe 2, et l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement 2018/1724. En outre, les requérantes affirment avoir qualité pour agir en annulation du règlement 2018/1724 en faisant référence exclusivement aux effets qu’engendrent les dispositions en question sur leurs compétences
(voir points 30 et 31 ci-dessus).

45 Dans ces conditions, force est de constater que, ainsi que le font valoir le Parlement et le Conseil, le règlement 2018/1724 ne concerne pas individuellement les requérantes, si bien que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

46 Conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure, lorsque la partie défenderesse a déposé une exception d’irrecevabilité ou d’incompétence visée à l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, il n’est statué sur la demande d’intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception au fond. En l’espèce, le recours étant rejeté comme irrecevable dans son ensemble, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention de la Commission, conformément à
l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure.

Sur les dépens

47 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement et le Conseil, conformément aux conclusions de ces derniers.

48 En outre, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, dans le cas où, comme en l’espèce, il est mis fin à l’instance dans l’affaire principale avant qu’il ne soit statué sur la demande d’intervention, le demandeur en intervention et les parties principales supportent chacun leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention. Étant donné que la demande d’intervention n’a pas été notifiée aux parties principales et que, dès lors, celles-ci n’ont pas été mises
en situation d’engager des dépens, il y a lieu de considérer que la Commission supportera ses propres dépens à cet égard.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

  1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

  2) Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention de la Commission européenne.

  3) Vlaamse Gemeenschap et Vlaams Gewest supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen et par le Conseil de l’Union européenne.

  4) La Commission supportera ses propres dépens afférents à la demande en intervention.

Fait à Luxembourg, le 10 décembre 2019.

Le greffier

  E. Coulon

La présidente

M. J. Costeira

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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : T-66/19
Date de la décision : 10/12/2019
Type de recours : Recours en annulation - irrecevable

Analyses

Recours en annulation – Marché intérieur – Libertés fondamentales – Règlement (UE) 2018/1724 – Établissement d’un portail numérique unique pour donner accès à des informations, à des procédures et à des services d’assistance et de résolution de problèmes – Autorité infra-étatique – Qualité pour agir – Affectation individuelle – Irrecevabilité.

Libre circulation des travailleurs


Parties
Demandeurs : Vlaamse Gemeenschap et Vlaams Gewest
Défendeurs : Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Gratsias

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2019:848

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