ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
24 septembre 2019 ( *1 )
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative représentant un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques – Motif absolu de refus – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (UE) 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑261/18,
Roxtec AB, établie à Karlskrona (Suède), représentée par Mes J. Olsson et J. Adamsson, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. V. Ruzek et H. O’Neill, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Wallmax Srl, établie à Milan (Italie), représentée par Mes F. Ferrari et L. Goglia, avocats,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 8 janvier 2018 (affaire R 940/2017-2), relative à une procédure de nullité entre Wallmax et Roxtec,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg (rapporteur) et B. Berke, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 avril 2018,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2018,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 juillet 2018,
vu la question écrite du Tribunal aux parties du 28 février 2019 et leurs réponses à cette question déposées au greffe du Tribunal les 13 et 14 mars 2019,
à la suite de l’audience du 29 mars 2019,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 6 juillet 2015, la requérante, Roxtec AB, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé, et pour laquelle les couleurs « bleu et noir » ont été revendiquées, est le signe figuratif suivant :
Image
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 17 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Joints de pénétration en plastique ou en caoutchouc pour câbles et tuyaux ».
4 La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 127/2015, du 10 juillet 2015, et la marque a été enregistrée le 22 octobre 2015 sous le numéro 14338735.
5 La requérante développe et commercialise des modules d’étanchéité qui bénéficiaient d’une protection par brevet jusqu’en 2010.
6 Le 7 janvier 2016, l’intervenante, Wallmax Srl, qui produit et distribue des modules d’étanchéité similaires, a déposé une demande de nullité de la marque reproduite au point2 ci-dessus pour les produits couverts par celle-ci, en invoquant, en premier lieu, les causes de nullité absolue énoncées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), d) et e), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), d) et e), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1,
sous a), du même règlement [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], et, en second lieu, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], en faisant valoir que la requérante avait agi de mauvaise foi en déposant sa demande.
7 Par décision du 14 mars 2017, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité. S’agissant de la cause de nullité absolue énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001], elle a, notamment, considéré que, premièrement, ainsi d’ailleurs que l’admettait la requérante, le signe contesté faisait clairement allusion à une vue d’un module d’étanchéité de câble ; deuxièmement,
les caractéristiques essentielles du signe contesté sont sept cercles concentriques bleus placés sur un fond carré noir séparés les uns des autres par une distance identique à leur largeur, ainsi que le plus petit cercle, qui est le plus à l’intérieur, entourant en son centre un cercle noir plus grand, et, troisièmement, d’une part, la marque figurative contestée ne ressemblait objectivement en rien à un dessin technique ou à une représentation bidimensionnelle d’un produit tridimensionnel, et,
d’autre part, il y avait de nombreuses différences objectives entre la marque contestée et la forme du module d’étanchéité de la requérante (ci-après le « module d’étanchéité »), telles que la couleur, le nombre de cercles concentriques et l’absence de ligne de démarcation. La division d’annulation a ainsi conclu que l’enregistrement de la marque contestée ne risquait pas de compromettre indûment la possibilité pour les concurrents de mettre sur le marché des produits dont le système intègre une
technologie identique ou similaire à une solution technique et que, par conséquent, il ne devait pas être annulé en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement susmentionné.
8 Le 8 mai 2017, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001).
9 Par décision du 8 janvier 2018, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’annulation et a accueilli la demande en nullité sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement.
10 En premier lieu, la chambre de recours a considéré, premièrement, que mis à part l’élément de couleur d’arrière-plan qui n’est pas distinctif, le signe contesté consistait exclusivement en la caractéristique principale du module de joint, à savoir une représentation exacte de la vue de l’extrémité des couches concentriques amovibles qui tapissent l’intérieur de la cavité cylindrique et ne s’écartait pratiquement pas d’une photographie de la surface avant du module d’étanchéité. Deuxièmement, elle
a indiqué que tous les autres aspects du module d’étanchéité – le fait qu’il puisse être séparé en deux parties, le fait qu’il prenne la forme d’un bloc et le fait qu’il puisse avoir n’importe quelle couleur – sont en grande partie sans rapport avec sa fonction, puisque de tels éléments peuvent varier considérablement sans fausser la fonction du joint. Troisièmement, elle a estimé que l’extrémité avant de la surface du module qui montre clairement la structure en cercles concentriques, contient
toutes les indications pertinentes nécessaires en vue d’obtenir le résultat technique escompté.
11 En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré, premièrement, que les circonstances que la couleur de fond de la marque contestée, à savoir le noir, ne soit pas celle du module d’étanchéité, à savoir le bleu, et que le nombre de cercles concentriques diffère ne constituent pas des différences importantes dans la mesure où il s’agirait de variations marginales des caractéristiques non distinctives de la marque contestée. Deuxièmement, elle a souligné que, s’il est vrai que la marque contestée
n’est pas scindée par une ligne horizontale délimitant la partie supérieure et la partie inférieure pour permettre de retirer les différentes couches, dans la pratique, le degré de visibilité de la ligne serait directement proportionnel à la qualité de la finition, puisque dans le cas d’un produit fini de haute qualité, la ligne de démarcation pourrait ne pas être visible du tout. Dès lors, l’absence de ligne de démarcation dans la marque contestée n’est pas déterminante. Troisièmement, elle a
considéré qu’aucun élément ornemental ou fantaisiste ne constitue, en l’espèce, une caractéristique essentielle du signe en cause et quatrièmement, elle a estimé que le fait que la marque contestée soit figurative et représente un dessin bidimensionnel n’empêche en rien l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.
12 Enfin et en troisième lieu, la chambre de recours a considéré, d’une part, que l’enregistrement de la marque contestée risquait de compromettre indûment la possibilité pour les concurrents de mettre sur le marché des modules d’étanchéité dont la fonction repose sur le retrait de couches concentriques à partir d’une cavité cylindrique afin d’assurer une connexion sûre avec un tuyau, un tube, un fil ou un câble, et d’autre part, que la requérante avait effectué le dépôt des demandes de marques
comportant des cercles concentriques, y compris la marque contestée, dans une visée stratégique qui va à l’encontre de la logique de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.
Conclusions des parties
13 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens de la présente instance, ainsi qu’à ceux encourus dans le cadre des procédures devant l’EUIPO.
14 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
15 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– confirmer la décision attaquée ;
– déclarer nulle la marque contestée en application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.
En droit
Sur la recevabilité des chefs de conclusions de l’intervenante
16 À titre liminaire, il y a d’abord lieu de relever que, étant donné que confirmer la décision attaquée équivaut à rejeter le recours, il y a lieu de comprendre le premier chef de conclusions de l’intervenante comme visant, en substance, au rejet du recours [voir, en ce sens, arrêt du 5 février 2016, Kicktipp/OHMI – Italiana Calzature (kicktipp), T‑135/14, EU:T:2016:69, point 19 et jurisprudence citée].
17 S’agissant ensuite du deuxième chef de conclusions de l’intervenante, par lequel celle-ci demande au Tribunal de déclarer nulle la marque contestée en application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de
celles-ci, de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des jugements déclaratoires [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, GeoClimaDesign/EUIPO – GEO (GEO), T‑280/16, non publié, EU:T:2017:913, point 14 et jurisprudence citée].
18 Partant, dès lors qu’il vise à obtenir une déclaration de nullité de la marque contestée, le deuxième chef de conclusions de l’intervenante doit être rejeté comme irrecevable.
Sur le fond
19 À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.
20 Au soutien de son moyen unique, la requérante fait valoir, en premier lieu, en substance que la marque contestée ne constitue pas la forme du produit concret en cause dans la mesure où elle se borne à faire allusion au module d’étanchéité et ne le décrit pas. En effet, la marque contestée n’intégrerait pas trois caractéristiques du module d’étanchéité, à savoir la ligne de démarcation, la forme rectangulaire tridimensionnelle et les couches décollables dudit module. Par ailleurs, s’agissant en
particulier de l’absence de représentation par la marque contestée de la ligne de démarcation, le produit en question présenterait, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré, une ligne de démarcation très visible et qui ne viendra pas à disparaître en raison de la qualité de la finition du produit, puisque le module d’étanchéité est fabriqué en caoutchouc et destiné à un usage industriel. Ainsi, du fait de ces différences, la requérante estime que la marque contestée sera perçue
par le consommateur pertinent comme une marque figurative exhibant les couleurs caractéristiques de la requérante, à savoir le noir et le bleu, et évoquant sa ligne de produits, plutôt qu’une marque dépeignant le module d’étanchéité commercialisé par la requérante ou une vue de celui-ci.
21 En deuxième lieu, la requérante soutient en substance que la chambre de recours n’a pas correctement identifié les caractéristiques essentielles du signe contesté, en retenant que les cercles concentriques étaient la seule caractéristique essentielle pertinente aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, sans tenir compte de la « forme de boîte », de la couleur bleue et de la combinaison des couleurs noire et bleue, qui seraient également des
caractéristiques essentielles de la marque contestée.
22 En particulier, la combinaison des couleurs noire et bleue serait, premièrement, une caractéristique essentielle de la marque contestée dans la mesure où, d’une part, elle constituerait, avec les cercles concentriques, la caractéristique la plus distinctive de la marque contestée, ce qui serait démontré par la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 15 juin 2012 (affaire R 2244/2010-2), relative à une autre marque de la requérante composée seulement de ces deux couleurs, dans
laquelle il a été considéré que ladite marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage pour, notamment, les « joints de pénétration en plastique ou en caoutchouc pour câbles et tuyaux » relevant de la classe 17, et, d’autre part, elle dominerait l’impression visuelle globale produite par le signe contesté. Deuxièmement, ladite combinaison de couleurs serait un élément non fonctionnel majeur de la marque contestée, ce qui s’opposerait à ce que l’enregistrement de la marque contestée soit
annulé sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, conformément à la jurisprudence de la Cour.
23 En troisième lieu, la requérante soutient en substance que la marque contestée n’intègre pas les caractéristiques nécessaires et indispensables au fonctionnement et à l’utilisation du produit en cause, telles que la ligne de démarcation indiquant que le produit peut être divisé en deux parties, la forme rectangulaire tridimensionnelle et les couches décollables du produit, et que le résultat technique visé ne pourrait pas être obtenu sans elles. Elle ajoute que, dans la mesure où les
caractéristiques susmentionnées ne sont pas intégrées dans la marque contestée, celles-ci pourraient l’être dans des produits concurrents d’un design différent, ce qui s’opposerait à ce que l’enregistrement de la marque contestée soit annulé sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001. Par ailleurs, il n’y aurait pas de risque d’atteinte à la concurrence dans la mesure où il existerait de nombreuses combinaisons de couleurs disponibles sur le marché en
dehors de celles utilisées par la requérante, ainsi que le démontrerait la marque déposée par l’intervenante faisant l’objet de la décision de la division d’opposition B 3035 519, du 22 février 2019, dans laquelle il a été conclu à l’absence de risque de confusion entre la marque demandée par l’intervenante et les marques antérieures de la requérante compte tenu, notamment, des différences de couleur. Enfin, il existerait d’autres solutions d’étanchement sur le marché pour lesquelles cette
solution technique particulière ne serait même pas nécessaire.
24 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
25 À titre liminaire, il convient de rappeler, en premier lieu, que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
26 L’intérêt sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement 2017/1001 est d’éviter que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit, susceptibles d’être recherchées par l’utilisateur dans les produits des concurrents (voir, par analogie, arrêt du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, EU:C:2002:377, point 78).
27 Les règles fixées par le législateur reflètent, à cet égard, la mise en balance de deux considérations qui sont, chacune, susceptibles de contribuer à la réalisation d’un système de concurrence sain et loyal (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 44).
28 D’une part, l’insertion à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 de l’interdiction d’enregistrer en tant que marque tout signe constitué par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique assure que des entreprises ne puissent utiliser le droit des marques pour perpétuer, sans limitation dans le temps, des droits exclusifs portant sur des solutions techniques (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 45).
29 D’autre part, en limitant le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 aux signes constitués « exclusivement » par la forme du produit « nécessaire » à l’obtention d’un résultat technique, le législateur a dûment considéré que toute forme de produit est, dans une certaine mesure, fonctionnelle et qu’il serait, par conséquent, inapproprié de refuser à l’enregistrement en tant que marque une forme de produit au simple motif qu’elle présente des
caractéristiques utilitaires. Par les termes « exclusivement » et « nécessaire », ladite disposition assure que seules les formes de produit qui ne font qu’incorporer une solution technique et dont l’enregistrement en tant que marque gênerait donc réellement l’utilisation de cette solution technique par d’autres entreprises soient refusées à l’enregistrement (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 48).
30 Il convient de rappeler, en deuxième lieu, qu’une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 implique que les caractéristiques essentielles d’un signe tridimensionnel soient dûment identifiées par l’autorité statuant sur la demande d’enregistrement de celui-ci en tant que marque. L’expression « caractéristiques essentielles » doit être comprise comme visant les éléments les plus importants du signe (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego
Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 68 et 69).
31 L’identification desdites caractéristiques essentielles doit être opérée au cas par cas. Il n’existe, en effet, aucune hiérarchie systématique entre les différents types d’éléments qu’un signe peut comporter. Au demeurant, dans sa recherche des caractéristiques essentielles d’un signe, l’autorité compétente peut soit se fonder directement sur l’impression globale dégagée par le signe, soit procéder, dans un premier temps, à un examen successif de chacun des éléments constitutifs du signe (arrêt
du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 70).
32 Par conséquent, l’identification des caractéristiques essentielles d’un signe tridimensionnel en vue d’une éventuelle application du motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de difficulté de celui-ci, être effectuée par une simple analyse visuelle dudit signe ou, au contraire, être fondée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels
que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec le produit concerné (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 71).
33 La possibilité offerte à l’autorité compétente de prendre en compte les éléments utiles à l’identification des caractéristiques essentielles d’un signe tridimensionnel contesté a été étendue à l’examen des signes bidimensionnels (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 55).
34 Il y a lieu de relever, en troisième lieu, que dès que les caractéristiques essentielles du signe sont identifiées, il incombe encore à l’EUIPO de vérifier si ces caractéristiques répondent toutes à la fonction technique du produit en cause. En effet, l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 ne saurait s’appliquer lorsque la demande d’enregistrement en tant que marque porte sur une forme de produit dans laquelle un élément non fonctionnel, tel qu’un élément ornemental ou
fantaisiste, joue un rôle important [voir arrêt du 28 juin 2016, Peri/EUIPO (Forme d’un verrou de coffrage), T‑656/14, non publié, EU:T:2016:367, point 18 et jurisprudence citée].
35 L’examen de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles d’un signe constitué par la forme d’un produit doit être fait en analysant le signe déposé en vue de son enregistrement en tant que marque, et non les signes constitués par d’autres formes de produit. La fonctionnalité technique peut être appréciée, notamment, en tenant compte de la documentation relative aux brevets antérieurs qui décrivent les éléments fonctionnels de la forme concernée [voir arrêt du 31 janvier 2018,
Novartis/EUIPO – SK Chemicals (Représentation d’un timbre transdermique), T‑44/16, non publié, EU:T:2018:48, point 25 et jurisprudence citée].
36 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments développés au soutien du moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.
37 En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée ne constitue pas la forme du produit concret dans la mesure où elle se borne à faire allusion au module d’étanchéité et ne le décrit pas (voir point 20 ci-dessus), il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence, d’une part, que la représentation graphique d’une marque doit être complète par elle-même, facilement accessible et intelligible afin qu’un signe puisse faire l’objet d’une perception
constante et sûre qui garantisse la fonction d’origine de ladite marque. D’autre part, l’exigence de la représentation graphique a pour fonction notamment de définir la marque elle-même afin de déterminer l’objet exact de la protection conférée par la marque enregistrée à son titulaire (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 57 et jurisprudence citée).
38 Il ressort également de la jurisprudence mentionnée aux points 30 à 33 ci-dessus que, aux fins d’identifier les caractéristiques essentielles d’un signe bidimensionnel tel que le signe contesté, la chambre de recours peut effectuer un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte, outre la représentation graphique et les éventuelles descriptions déposées lors du dépôt de la demande d’enregistrement, les éléments utiles qui permettent d’apprécier ce que représente concrètement le
signe.
39 À cet égard, il ressort du point 21 de la décision attaquée, que, afin d’évaluer les caractéristiques de la marque contestée, la chambre de recours a d’abord pris en compte la représentation graphique bidimensionnelle du signe ainsi que le module d’étanchéité, protégé par un brevet de la requérante qui a expiré en 2010. À la lumière de ces deux éléments, c’est ainsi qu’elle a d’emblée constaté, au point 22 de ladite décision, que la structure en cercles concentriques de la marque contestée
pouvait être distinguée dans les deux dessins techniques du module d’étanchéité provenant du document du brevet original.
40 Elle s’est ensuite référée, d’une part, au point 23 de la décision attaquée, à la description du module d’étanchéité issue du brevet de la requérante, de laquelle il ressort notamment ce qui suit : « [l]’invention, constituée d’un joint ‘traversant ou passant’, constitue un procédé garantissant un ajustement serré pour l’insertion sécurisée d’un câble, d’un tube ou d’un fil. La cavité longitudinale circulaire intérieure est constituée de couches d’étanchéité amovibles concentriques. Les couches
sont décollées jusqu’à ce que le diamètre correct soit atteint pour l’insertion d’un câble. Le module est constitué de caoutchouc de haute qualité ». D’autre part, au point 25 de ladite décision, elle a fait référence au catalogue de produits de la requérante dans lequel cette dernière revendique que « [l’invention] est une solution basée sur des modules en caoutchouc constitués de couches amovibles » et qu’« [e]lle permet une étanchéité parfaite, quelles que soient les dimensions extérieures du
câble ou du tuyau ».
41 Elle s’est enfin référée, au point 27 de la décision attaquée, aux photographies du module d’étanchéité issues du matériel publicitaire de la requérante qui illustrent l’utilisation du module d’étanchéité, à savoir, notamment, le décollage des couches d’étanchéité amovibles concentriques et l’insertion d’un câble.
42 Sur la base de l’ensemble de ces éléments, la chambre de recours a conclu en substance, aux points 38 et 44 de la décision attaquée, que la marque contestée constituait une représentation bidimensionnelle de la surface avant du module d’étanchéité.
43 Il y a lieu d’entériner cette conclusion de la chambre de recours. En effet, il ressort, d’une part, d’une comparaison entre la marque contestée et les dessins techniques du module d’étanchéité issus du brevet expiré de la requérante et, d’autre part, d’une comparaison de ladite marque avec les photographies du module d’étanchéité issues du matériel publicitaire de la requérante, que la marque contestée, qui est constituée d’un fond carré noir contenant sept cercles bleus concentriques, ne
s’écarte qu’à très peu de chose près de la surface avant du module d’étanchéité, qui consiste en une forme carrée à partir de laquelle l’extrémité des couches d’étanchéité amovibles concentriques tapissant l’intérieur de sa cavité cylindrique est mise en évidence, et qui est scindée par une fine ligne horizontale.
44 Il ressort également des descriptions du module d’étanchéité issues du brevet susmentionné et du catalogue de produits de la requérante que « l’invention » est une solution fondée sur des modules en caoutchouc constitués de couches d’étanchéité amovibles concentriques. Il peut ainsi en être déduit que les cercles concentriques de la marque contestée sont « la conséquence visible de la ‘multitude’ de couches à retirer » et que chacun d’entre eux correspond « à une vision latérale de la couche à
retirer », ainsi que l’a constaté à bon droit la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée.
45 Eu égard à ce qui précède, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la marque contestée est constituée par la forme du produit concret en cause, à savoir une représentation bidimensionnelle de la surface avant du module d’étanchéité qui met en évidence l’extrémité des couches d’étanchéité amovibles concentriques composant l’intérieur de la cavité cylindrique dudit module.
46 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.
47 En effet, premièrement, s’agissant de l’absence de représentation de la ligne de démarcation du module d’étanchéité dans la marque contestée, il y a lieu de relever, ainsi que l’intervenante l’a fait à juste titre, que les deux moitiés composant le module ne sauraient être considérées indépendamment, mais doivent l’être dans leur ensemble, car le produit remplit concrètement ses fonctions d’étanchéité uniquement lorsque les deux moitiés se chevauchent. Ainsi, une fois qu’elles se sont
chevauchées, les deux moitiés forment un seul élément uniforme et la ligne de démarcation entre elles est peu visible, ce qui ressort manifestement, d’une part, des photographies dudit module reproduites au point 27 de la décision attaquée, et d’autre part, du catalogue de produits de la requérante, où il est indiqué qu’une fois que les deux moitiés du module sont chevauchées l’une par l’autre, l’épaisseur de la ligne de démarcation du module en cause varie entre 0,1 et 1,0 mm. Partant, il y a
lieu de considérer que, dans la mesure où la ligne de démarcation constitue une caractéristique mineure et peu visible du module d’étanchéité, la circonstance que cet élément ne soit pas représenté dans la marque contestée n’est pas déterminante, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 37 de la décision attaquée, puisque cela n’empêche pas de percevoir la marque contestée comme une représentation de la surface avant du module d’étanchéité au vu des considérations
formulées aux points 43 à 45 ci-dessus.
48 Deuxièmement, en ce qui concerne l’absence de représentation de la forme rectangulaire tridimensionnelle du module d’étanchéité dans la marque contestée, il y a lieu de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 ne définit pas les signes qui doivent être considérés comme une forme au sens de cette disposition. Il ne fait aucune distinction entre des formes tridimensionnelles, des formes bidimensionnelles ou encore des représentations bidimensionnelles d’une forme
tridimensionnelle. Force est donc de constater que cette disposition peut s’appliquer au signe contesté, qui constitue une représentation bidimensionnelle de la surface avant du module d’étanchéité (voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2018, Représentation d’un timbre transdermique, T‑44/16, non publié, EU:T:2018:48, point 19 et jurisprudence citée). Partant, l’argument de la requérante selon lequel le signe contesté ne reproduit pas une caractéristique tridimensionnelle n’est pas pertinent, dès
lors que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement s’applique au signe contesté, qui constitue une représentation bidimensionnelle de la surface avant du module d’étanchéité.
49 Enfin et troisièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée ne reproduit pas les couches décollables du module d’étanchéité, il suffit de renvoyer aux considérations formulées au point 44 ci-dessus, par lesquelles il a été établi que les couches d’étanchéité amovibles concentriques sont représentées par les cercles concentriques de la marque contestée, dans la mesure où ceux-ci sont « la conséquence visible de la ‘multitude’ de couches à retirer » et
correspondent chacun d’entre eux « à une vision latérale de la couche à retirer ». Partant, il y a lieu de rejeter cet argument.
50 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas correctement identifié les caractéristiques essentielles de la marque contestée (voir point 21 ci-dessus), il y a lieu de constater, à titre liminaire, qu’il ressort des écritures des parties que celles-ci se réfèrent au caractère distinctif des éléments du signe contesté pour identifier les caractéristiques essentielles de ce dernier. En effet, la requérante fait valoir que la combinaison
des couleurs noire et bleue est une caractéristique essentielle de la marque contestée dans la mesure où elle constitue, avec les cercles concentriques, sa caractéristique « la plus distinctive ». L’EUIPO, quant à lui, soutient que les éléments clairement dépourvus de caractère distinctif intrinsèque ne sauraient être qualifiés de caractéristiques essentielles. Enfin, l’intervenante fait notamment valoir que « l’élément distinctif du signe » est indubitablement le « dessin concentrique », qui
illustre les caractéristiques techniques principales du module d’étanchéité.
51 Or, à cet égard, il ne ressort pas de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que la notion de « caractéristiques essentielles » du signe, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, renvoie à celle d’« éléments distinctifs » du signe, mais seulement à celle d’« éléments les plus importants du signe », ainsi qu’il a été relevé au point 30 ci-dessus, qui doivent être identifiés au cas par cas.
52 Il y a également lieu de relever que les marques qui peuvent être refusées à l’enregistrement pour les motifs énumérés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement 2017/1001 peuvent, conformément au paragraphe 3 de cette même disposition, acquérir un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait. En revanche, un signe qui est refusé à l’enregistrement sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement 2017/1001 ne peut jamais acquérir un caractère distinctif aux fins
de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, par l’usage qui en a été fait. L’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement 2017/1001 vise donc certains signes qui ne sont pas de nature à constituer des marques et il est un obstacle préliminaire susceptible d’empêcher qu’un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit puisse être enregistré en tant que marque (voir, par analogie, arrêt du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, EU:C:2002:377, points 75 et 76).
53 Ainsi, dans la mesure où le motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 constitue un obstacle préliminaire susceptible d’empêcher qu’un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit puisse être enregistré, force est de constater que son examen ne relève pas des mêmes règles que celui des éléments distinctifs, dont l’identification vise à évaluer la fonction d’indication de l’origine des produits aux yeux du consommateur,
ce qui est différent de la détermination des éléments essentiels d’une forme.
54 En effet, contrairement à ce qui est le cas dans l’hypothèse visée à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, où la perception du public pertinent doit impérativement être prise en compte, car elle est essentielle pour déterminer si le signe déposé en vue de l’enregistrement en tant que marque permet de distinguer les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, une telle obligation ne saurait être imposée dans le cadre de l’application du
motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001. Ainsi, la perception présumée du signe par le consommateur moyen n’est pas un élément décisif dans le cadre de l’application du motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, mais peut, tout au plus, constituer un élément d’appréciation utile pour l’autorité compétente lorsque celle-ci identifie les caractéristiques essentielles du signe. Par conséquent, il n’est pas
impératif que l’identification des caractéristiques essentielles d’un signe dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 soit effectuée du point de vue du public pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 75 à 77).
55 La Cour a ainsi confirmé la jurisprudence du Tribunal selon laquelle la détermination des caractéristiques essentielles de la forme en cause, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, se fait avec le but précis de permettre l’examen de la fonctionnalité de la forme en cause. Or, la perception du consommateur moyen n’est pas pertinente pour l’analyse de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles d’une forme. En effet, le consommateur moyen peut ne
pas disposer des connaissances techniques nécessaires à l’appréciation des caractéristiques essentielles d’une forme, de sorte que certaines caractéristiques peuvent être essentielles de son point de vue, alors qu’elles ne le sont pas dans le contexte d’une analyse de la fonctionnalité et inversement. Dès lors, il convient de considérer que les caractéristiques d’une forme doivent être déterminées, aux fins de l’appréciation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, de
manière objective, à partir de sa représentation graphique et des éventuelles descriptions déposées lors de la demande de marque [voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge), T‑270/06, EU:T:2008:483, point 70, et du 31 janvier 2018, Représentation d’un timbre transdermique, T‑44/16, non publié, EU:T:2018:48, point 99].
56 Eu égard à la jurisprudence citée aux points 54 et 55 ci-dessus, il y a lieu de relever, premièrement, que l’analyse du caractère distinctif d’un signe implique impérativement de prendre en compte la perception du public pertinent, à la différence de l’appréciation des caractéristiques essentielles d’un signe constitué par une forme, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, dans le cadre duquel la perception du public pertinent n’est ni impérative ni décisive
pour les raisons exposées au point 55 ci-dessus et peut, tout au plus, constituer un élément d’appréciation utile pour l’autorité compétente lorsque celle-ci identifie les caractéristiques essentielles du signe, sans que celui-ci soit déterminant.
57 Deuxièmement, il y a lieu de relever que la perception du public pertinent dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 a un objet différent de celle qui « peut, tout au plus, constituer un élément d’appréciation utile pour l’autorité compétente lorsque celle-ci identifie les caractéristiques essentielles du signe », dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement susmentionné.
58 En effet, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la perception du public pertinent vise à déterminer si le signe déposé en vue de l’enregistrement en tant que marque permet de distinguer les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, tandis que dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement, elle vise seulement, en tant qu’élément d’appréciation utile, à déterminer quels éléments sont perçus
comme étant les plus importants, dans le but précis de permettre l’examen de la fonctionnalité de la forme en cause. Il ressort ainsi que la perception du public pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et ladite perception dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement ne partagent ni le même objet ni la même finalité. Il en découle ainsi que le caractère distinctif de l’élément d’un signe n’est pas pertinent aux fins de
l’identification de ses caractéristiques essentielles dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement.
59 S’agissant du caractère distinctif acquis par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, que la requérante invoque à l’égard de la combinaison des couleurs noire et bleue du signe contesté aux fins de démontrer que celle-ci constitue une caractéristique essentielle dudit signe, comme cela a été rappelé au point 52 ci-dessus, le législateur a établi d’une manière particulièrement rigoureuse l’inaptitude à l’enregistrement en tant que marque de formes nécessaires à
l’obtention d’un résultat technique, en ce qu’il a exclu les motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement 2017/1001 du champ d’application de l’exception prévue au paragraphe 3 du même article. Il ressort, ainsi, de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 que, même si une forme de produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique a, par l’usage qui en a été fait, acquis un caractère distinctif, il est interdit de l’enregistrer en tant que marque
(voir arrêt du 31 janvier 2018, Représentation d’un timbre transdermique, T‑44/16, non publié, EU:T:2018:48, point 103 et jurisprudence citée). Partant, dans la mesure où l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 ne s’applique pas à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement, il convient de relever que le caractère distinctif acquis par l’usage d’un signe n’a aucune pertinence dans le cadre de cette dernière disposition.
60 Par ailleurs, il convient de relever que la perception du public pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, d’une part, est impérative et décisive et, d’autre part, vise à déterminer si le signe est devenu apte à distinguer les produits et services de ceux d’autres entreprises, car ils sont perçus comme provenant d’une entreprise particulière. Dès lors, force est de constater que la perception du public pertinent dans le cadre de la disposition susmentionnée a
un objet et une finalité différents de celle qui pourrait être prise en compte dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, ainsi qu’il a été constaté aux points 54 à 58 ci-dessus s’agissant de la perception du public pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
61 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a dès lors lieu de constater que le caractère distinctif acquis par l’usage d’un signe n’est pas non plus pertinent aux fins de l’identification de ses caractéristiques essentielles.
62 Enfin, s’il ressort certes de la jurisprudence, déjà évoquée au point 34 ci-dessus, que l’application du motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 doit être exclue si la forme des produits en cause incorpore un élément non fonctionnel majeur, tel qu’un élément ornemental ou fantaisiste qui joue un rôle important dans ladite forme, et que, en revanche, la présence d’un ou de quelques éléments arbitraires mineurs n’est pas de nature à exclure
l’application de la disposition susmentionnée (voir également, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 51 et 52), il y a toutefois lieu de relever que, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, les termes « fantaisiste » ou « arbitraire » employés par la jurisprudence susmentionnée et qui se rapprocheraient de la terminologie utilisée dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement
2017/1001 ne sauraient pour autant appuyer la thèse qui est la sienne selon laquelle le caractère distinctif figure parmi les facteurs à prendre en considération en vue d’identifier les caractéristiques essentielles d’un signe.
63 En effet, il y a lieu de relever qu’il découle de la jurisprudence rappelée aux points 30 à 32 et 34 ci-dessus, qu’une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 implique, dans un premier temps, que l’autorité compétente identifie les caractéristiques essentielles du signe en cause, puis qu’elle vérifie, dans un second temps, si ces caractéristiques répondent toutes à la fonction technique du produit en cause. Dès lors, force est de constater que
l’appréciation du caractère « ornemental », « fantaisiste » ou « arbitraire » d’une caractéristique essentielle n’intervient que lors de la seconde étape de l’analyse opérée dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement susmentionné, relative à la fonctionnalité des caractéristiques essentielles préalablement identifiées, et non lors de la première étape relative à l’identification des caractéristiques essentielles du signe. Partant, contrairement à ce que soutient
l’EUIPO, les termes « fantaisiste » ou « arbitraire » utilisés par la jurisprudence mentionnée au point 62 ci-dessus ne sauraient appuyer la thèse selon laquelle le caractère distinctif figure parmi les facteurs à prendre en considération en vue d’identifier les caractéristiques essentielles d’un signe.
64 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’il n’est pas pertinent de se référer au caractère distinctif des éléments d’un signe ou au caractère distinctif acquis par l’usage d’un signe pour déterminer ses caractéristiques essentielles aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.
65 Ainsi, dans la mesure où il a notamment été démontré aux points 51 à 64 ci-dessus, que le caractère distinctif des éléments d’un signe n’est pas pertinent aux fins de déterminer ses caractéristiques essentielles, il y a lieu de constater que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte la forme de boîte du module d’étanchéité, la couleur bleue et la combinaison des couleurs noire et bleue au motif qu’il s’agissait d’éléments « purement non
distinctifs ». Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où la conclusion à laquelle la chambre de recours est parvenue, à savoir que la caractéristique essentielle du signe contesté correspond aux cercles concentriques, demeure correcte.
66 En effet, en premier lieu, sur la base d’une simple analyse visuelle du signe contesté, il y a lieu de constater que ledit signe est constitué d’un fond carré noir contenant sept cercles bleus concentriques. Or, eu égard à la disposition des cercles concentriques, qui sont placés au centre, qui occupent au moins les trois quarts du signe, et qui sont mis en exergue du fait du contraste créé entre leur couleur bleue et la couleur noire du fond carré sur lequel lesdits cercles sont placés, force
est de constater qu’ils constituent l’élément le plus important dudit signe.
67 En deuxième lieu, sur la base d’un examen approfondi au sens de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, il y a lieu de relever que l’importance des couches d’étanchéité amovibles concentriques du module d’étanchéité qui sont représentées par les cercles concentriques de la marque contestée est étayée, premièrement, par les descriptions de l’invention issues du brevet expiré et du catalogue de produits de la requérante dans lesquelles il est indiqué que le module d’étanchéité est constitué
de couches d’étanchéité amovibles concentriques et que ce sont précisément lesdites couches qui lui permettent de garantir une « étanchéité parfaite, quelles que soient les dimensions extérieures du câble ou du tuyau ». Deuxièmement, l’importance des couches d’étanchéité amovibles concentriques est illustrée par les photographies du module d’étanchéité issues du matériel publicitaire de la requérante et reproduites au point 27 de la décision attaquée, qui constituent toutes des prises de vue
montrant la surface avant dudit module et qui mettent non seulement en évidence les couches d’étanchéité amovibles concentriques qui le composent, mais également l’importance de leur fonction, à savoir celle d’être décollées une à une jusqu’à ce que le diamètre correct soit atteint pour l’insertion d’un câble. Troisièmement, l’importance des couches d’étanchéité amovibles concentriques est étayée par les autres marques déposées par la requérante et reproduites au point 40 de la décision attaquée,
qui ne diffèrent de la marque contestée que par leurs couleurs et par l’ajout d’une ligne de démarcation à peine perceptible, dans la mesure où elles reproduisent toutes la série de cercles concentriques qui ne varie jamais.
68 Partant, dans la mesure où il ressort tant d’une simple analyse visuelle que d’un examen approfondi du signe contesté que les cercles concentriques du signe contesté constituent son élément le plus important, c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu, au point 41 de la décision attaquée, que la seule caractéristique importante du signe était constituée par les cercles concentriques.
69 Il y a lieu de relever que, si la requérante ne conteste pas que les cercles concentriques constituent une caractéristique essentielle du signe contesté, elle fait néanmoins valoir que lesdits cercles ne constituent pas sa seule caractéristique essentielle. En effet, la combinaison des couleurs noire et bleue, la forme de boîte du module d’étanchéité et la couleur bleue seraient également des caractéristiques essentielles. Toutefois, force est de constater qu’aucun de ces arguments n’est de
nature à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours, au point 41 de la décision attaquée, selon laquelle la seule caractéristique importante du signe contesté est constituée par les cercles concentriques.
70 En effet, premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la combinaison des couleurs noire et bleue constitue une caractéristique essentielle du signe contesté au motif qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage et qu’elle domine l’impression visuelle produite par la marque, il suffit de rappeler, d’une part, que le caractère distinctif acquis par l’usage d’un signe et le caractère distinctif d’un ou de plusieurs éléments d’un signe ne sont pas pertinents aux fins
d’identifier ses caractéristiques essentielles dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, ainsi qu’il a été démontré aux points 59 à 61 ci-dessus. Partant, la combinaison des couleurs noire et bleue ne saurait être considérée comme une caractéristique essentielle au motif qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage.
71 D’autre part, il ressort de la simple analyse visuelle du signe contesté exposée au point 66 ci-dessus, que la combinaison de couleurs susmentionnée ne fait que mettre en exergue la série de cercles concentriques de la marque contestée du fait du contraste créé entre le noir du fond carré et le bleu des cercles concentriques placés sur ce fond. Partant, contrairement à ce que soutient en substance la requérante, ce n’est pas ladite combinaison de couleurs qui constitue l’élément le plus important
du signe contesté, mais la série de cercles concentriques.
72 Ainsi, dès lors que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit que la combinaison des couleurs noire et bleue constituait une caractéristique essentielle du signe contesté, il y a également lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel cette combinaison de couleurs constitue un élément non fonctionnel majeur du signe en cause. En effet, si, comme cela a été rappelé aux points 34 et 62 ci-dessus, l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 ne saurait,
certes, s’appliquer lorsque la demande d’enregistrement en tant que marque porte sur une forme de produit dans laquelle un élément non fonctionnel, tel qu’un élément ornemental ou fantaisiste, joue un rôle important (voir également, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2018, Représentation d’un timbre transdermique, T‑44/16, non publié, EU:T:2018:48, point 24 et jurisprudence citée), force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, dans la mesure où la requérante n’a pas démontré
à suffisance de droit que la combinaison des couleurs noire et bleue constituait une caractéristique essentielle du signe contesté, à savoir un de ses « éléments les plus importants », ladite combinaison de couleurs ne constitue dès lors qu’un élément arbitraire mineur. Or, comme cela a été rappelé au point 62 ci-dessus, la présence d’un ou de quelques éléments arbitraires mineurs n’est pas de nature à exclure l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement susmentionné
(voir également, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2018, Représentation d’un timbre transdermique, T‑44/16, non publié, EU:T:2018:48, point 86 et jurisprudence citée). Il y a dès lors lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel ladite combinaison de couleurs constitue un élément non fonctionnel majeur du signe contesté.
73 Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante par lequel elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la forme de boîte du module d’étanchéité et de la couleur bleue qui constitueraient également des caractéristiques essentielles du signe contesté, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a été constaté au point 65 ci-dessus, quand bien même la chambre de recours a, à tort, exclu ces deux éléments au motif qu’il s’agissait d’« éléments purement non
distinctifs », il n’en demeure pas moins que la requérante n’étaye pas son assertion selon laquelle ces deux éléments devraient être considérés comme des caractéristiques essentielles du signe contesté. Partant, il y a lieu de rejeter cet argument.
74 Ainsi, dans la mesure où aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les cercles concentriques constituent la seule caractéristique essentielle du signe contesté, il y a dès lors lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré de ce que la chambre de recours n’a pas correctement identifié les caractéristiques essentielles dudit signe.
75 En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée n’intègre pas les caractéristiques nécessaires et indispensables au fonctionnement et à l’utilisation du produit en cause, telles que la ligne de démarcation, la forme rectangulaire tridimensionnelle et les couches décollables du produit sans lesquelles le résultat technique visé ne pourrait pas être obtenu (voir point 23 ci-dessus), il y a d’abord lieu de relever que, pour que le motif absolu de refus
visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 s’applique, il suffit que les caractéristiques essentielles de la forme réunissent les caractéristiques techniquement causales et suffisantes à l’obtention du résultat technique visé, de sorte qu’elles soient attribuables au résultat technique (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2008, Brique de Lego rouge, T‑270/06, EU:T:2008:483, point 39).
76 Par ailleurs, il y a également lieu de rappeler qu’il a été démontré au point 48 ci-dessus, que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 peut s’appliquer au signe contesté, qui constitue une représentation bidimensionnelle de la surface avant du module d’étanchéité.
77 Il peut ainsi en être déduit que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 est applicable à un signe qui n’intègre pas dans leur totalité les moindres caractéristiques du produit en cause, ce qui est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, le signe constitue la représentation bidimensionnelle d’une forme tridimensionnelle, à condition qu’il soit démontré que les caractéristiques essentielles dudit signe réunissent au moins les caractéristiques techniquement causales et
suffisantes à l’obtention du résultat technique visé.
78 Cette considération amène ainsi à examiner, dans un premier temps, si les cercles concentriques, en ce qu’ils constituent la seule caractéristique essentielle du signe contesté, répondent à une fonction technique du produit en cause, puis, dans un second temps, s’ils réunissent les caractéristiques techniquement causales et suffisantes à l’obtention du résultat technique visé.
79 S’agissant, premièrement, de la question de savoir si les cercles concentriques répondent à une fonction technique, il y a d’abord lieu de rappeler qu’il a notamment été démontré au point 44 ci-dessus que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à bon droit au point 28 de la décision attaquée, les cercles concentriques de la marque contestée représentent les couches d’étanchéité amovibles concentriques du module d’étanchéité puisqu’ils sont « la conséquence visible de la ‘multitude’ de
couches à retirer » et que chacun d’entre eux correspond « à une vision latérale de la couche à retirer ».
80 Il y a ensuite lieu de rappeler qu’il ressort de la description du module d’étanchéité telle que reproduite aux points 23 à 25 de la décision attaquée que l’invention « constituée d’un joint ‘traversant ou passant’, constitue un procédé garantissant un ajustement serré pour l’insertion sécurisée d’un câble, d’un tube ou d’un fil », que « [l]a cavité longitudinale circulaire intérieure est constituée de couches d’étanchéité amovibles concentriques », que « [l]es couches sont décollées jusqu’à ce
que le diamètre correct soit atteint pour l’insertion d’un câble », que l’invention est « une solution basée sur des modules en caoutchouc constitués de couches amovibles » et qu’« [e]lle permet une étanchéité parfaite, quelles que soient les dimensions extérieures du câble ou du tuyau ».
81 Ainsi, eu égard à la description du module d’étanchéité susmentionnée, il y a également lieu de constater que les couches d’étanchéité amovibles concentriques, qui sont représentées par les cercles concentriques de la marque contestée, répondent à une fonction technique du produit en cause, à savoir celle d’être décollées « jusqu’à ce que le diamètre correct soit atteint pour l’insertion d’un câble ».
82 S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si les cercles concentriques, en ce qu’ils représentent les couches d’étanchéité amovibles concentriques du module d’étanchéité, réunissent les caractéristiques techniquement causales et suffisantes à l’obtention du résultat technique visé, il y a d’abord lieu de relever qu’il ressort de la description rappelée au point 80 ci-dessus que le résultat technique visé par le module d’étanchéité est de garantir « un ajustement serré pour l’insertion
sécurisée d’un câble, d’un tube ou d’un fil » et de permettre « une étanchéité parfaite, quelles que soient les dimensions extérieures du câble ou du tuyau ». Il ressort également de cette description que ce résultat technique s’obtient précisément par le décollage des couches amovibles puisqu’il y est énoncé que « les couches sont décollées jusqu’à ce que le diamètre correct soit atteint pour l’insertion d’un câble ».
83 Cela est confirmé par le catalogue de produits de la requérante dans lequel il est spécifiquement énoncé que le produit en cause est « basé sur les couches à peler »,démontrant ainsi que les couches d’étanchéité amovibles concentriques constituent le principal concept technique sur lequel est fondé le module d’étanchéité, ce que la marque contestée décrit en représentant la surface avant du module d’étanchéité, qui constitue, par ailleurs, la seule vue dudit module à partir de laquelle les
couches d’étanchéité amovibles concentriques sont visibles et qui permet ainsi de déceler le procédé sur lequel le module s’appuie afin de parvenir au résultat technique visé, à savoir « un ajustement serré » et « une étanchéité parfaite, quelles que soient les dimensions extérieures du câble ou du tuyau ».
84 Par ailleurs, et ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 35 de la décision attaquée, afin que le joint du module d’étanchéité fonctionne, il doit notamment se présenter sous la forme telle que reproduite par la marque contestée. En effet, la section transversale doit être circulaire, car la section transversale des éléments à insérer dans le module d’étanchéité, à savoir le câble, le fil ou le tube, l’est elle aussi généralement, et les couches doivent être concentriques
de sorte à pouvoir être retirées une par une, jusqu’à obtention du diamètre de la cavité recherchée.
85 Eu égard à la fonction technique des couches d’étanchéité amovibles concentriques et au résultat technique visé par le module d’étanchéité tels que décrits aux points 81 à 84 ci-dessus, force est de constater que la caractéristique essentielle de la forme en cause, qui correspond aux cercles concentriques représentant les couches concentriques amovibles du module d’étanchéité, réunit les caractéristiques techniquement suffisantes et causales à l’obtention du résultat technique visé dans la mesure
où « l’ajustement serré pour l’insertion sécurisée d’un câble, d’un tube ou d’un fil » et « l’étanchéité parfaite, quelles que soient les dimensions extérieures du câble ou du tuyau » s’obtiennent précisément en retirant les couches concentriques amovibles une à une jusqu’à ce que le diamètre correct soit atteint pour l’insertion d’un câble, et que les cercles concentriques représentant les couches d’étanchéité amovibles concentriques du module d’étanchéité constituent une caractéristique
indispensable de l’invention, puisqu’ils forment le principal concept technique sur lequel est fondé le produit en cause, ainsi que la chambre de recours l’a pertinemment relevé au point 39 de la décision attaquée.
86 Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé, au point 45 de la décision attaquée, que « l’extrémité avant de la surface qui montre clairement la structure en cercle concentrique, contient – compte tenu des produits en cause – toutes les indications pertinentes nécessaires en vue d’obtenir le résultat technique escompté », que « [b]ien que le produit réel, étant de trois dimensions, ait de la profondeur, il n’y a pas de variation sur cette profondeur », que « [t]oute coupe
transversale sélectionnée au hasard sur toute sa longueur révélerait une structure identique » et que « [b]ien que les autres faces du module ne soient pas visibles, cela n’a pas d’importance, car elles ne transmettent aucune information technique pertinente pour la fonction de la marque ».
87 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.
88 En effet, s’agissant d’abord de l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée n’intègre pas la ligne de démarcation et la forme rectangulaire tridimensionnelle qui seraient des caractéristiques indispensables à l’utilisation et au fonctionnement du produit en cause, sans lesquelles le résultat technique visé par le module d’étanchéité ne pourrait être obtenu, force est de constater que la requérante n’étaye pas son assertion selon laquelle le fait que le produit en cause puisse
être divisé en deux moitiés et qu’il se présente sous une forme rectangulaire est « une condition absolument indispensable » pour parvenir au résultat technique visé, tel que rappelé au point 82 ci-dessus. Partant, il y a lieu de rejeter cet argument.
89 S’agissant ensuite de l’argument de la requérante selon lequel, d’une part, les caractéristiques du module d’étanchéité qui ne sont pas représentées dans la marque contestée, à savoir la ligne de démarcation et la forme rectangulaire tridimensionnelle, pourraient être intégrées dans des produits concurrents d’un design différent et, d’autre part, il existerait d’autres solutions d’étanchement sur le marché pour lesquelles cette solution technique particulière ne serait même pas nécessaire, il y a
lieu de rappeler que la jurisprudence relative à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 précise que la condition de nécessité ne signifie pas que la forme en cause doit être la seule permettant d’obtenir le résultat technique en question. Il est vrai que, ainsi que le souligne la requérante, dans certains cas, un résultat technique peut être obtenu par le biais de différentes solutions. Toutefois, et contrairement à ce qu’affirme la requérante, cette circonstance n’a pas
en soi pour conséquence qu’un enregistrement en tant que marque de la forme en cause laisserait intacte la disponibilité de la solution technique qu’elle incorpore pour les autres opérateurs économiques. À cet égard, il convient de relever que l’enregistrement d’une forme exclusivement fonctionnelle d’un produit en tant que marque est susceptible de permettre au titulaire de cette marque d’interdire aux autres entreprises l’utilisation tant de la même forme que de formes similaires. Un nombre
important de formes alternatives risque ainsi de devenir inutilisables pour les concurrents dudit titulaire (voir arrêt du 31 janvier 2018, Représentation d’un timbre transdermique, T‑44/16, non publié, EU:T:2018:48, point 56 et jurisprudence citée).
90 Ensuite, concernant l’allégation de la requérante selon laquelle il n’y aurait pas de risque d’atteinte à la concurrence dans la mesure où il existerait de nombreuses combinaisons de couleurs disponibles sur le marché en dehors de celle utilisée par elle, ainsi que le démontrerait la marque déposée par l’intervenante faisant l’objet de la décision de la division d’opposition B 3035 519, du 22 février 2019, il y a lieu de rappeler que le fait de répondre à la question de savoir si le signe
comporte un élément ornemental ou fantaisiste qui joue un rôle important est de permettre de déterminer si les entreprises concurrentes auront facilement accès à des formes alternatives de fonctionnalité équivalente, de sorte qu’il n’existe pas un risque d’atteinte à la disponibilité de la solution technique. Or, dans la mesure où il a été constaté au point 72 ci-dessus que la combinaison des couleurs noire et bleue constituait un élément arbitraire mineur et non un élément décoratif majeur qui
permettrait d’exclure l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel il n’y aurait pas de risque d’atteinte à la concurrence du fait de l’existence de nombreuses combinaisons de couleurs dès lors que la combinaison de couleurs en cause ne joue qu’un rôle mineur ne permettant pas aux entreprises concurrentes d’avoir facilement accès à des formes alternatives de fonctionnalité équivalente.
91 Par ailleurs, la circonstance que, dans le cadre de la décision B 3035 519, du 22 février 2019, la division d’opposition ait conclu à l’absence de risque de confusion entre la marque déposée par l’intervenante et les marques antérieures de la requérante compte tenu, notamment, des différences de couleur n’est pas non plus pertinente pour conclure à l’absence de risque d’atteinte à la concurrence, dès lors que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 répond à un intérêt général
différent de celui qui sous-tend l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement. En effet, l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 vise à protéger la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 1998,
Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 28 et jurisprudence citée), et non à éviter, à l’instar de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, que des entreprises puissent utiliser le droit des marques pour perpétuer, sans limitation dans le temps, des droits exclusifs portant sur des solutions techniques. Partant, l’appréciation des couleurs d’un signe s’opère de manière différente dans le cadre des deux dispositions susmentionnées.
92 Ainsi, dès lors qu’il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, que toutes les conditions visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 sont remplies et qu’aucun argument de la requérante n’est de nature à infirmer cette conclusion, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 49 de la décision attaquée, que l’enregistrement de la marque contestée risquait de compromettre indûment la possibilité pour les concurrents de mettre sur le
marché des modules d’étanchéité dont la fonction repose sur le retrait de couches concentriques à partir d’une cavité cylindrique afin d’assurer une connexion sûre avec un tuyau, un tube, un fil ou un câble, et que l’enregistrement de la marque contestée devait dès lors être annulé sur le fondement de la disposition susmentionnée.
93 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le moyen unique de la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, et, dès lors, le recours dans son intégralité.
94 Dans ces circonstances, et eu égard au chef de conclusions de l’intervenante par lequel celle-ci demande au Tribunal de rejeter le recours (voir points 15 et 16 ci-dessus), il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur les moyens qu’elle invoque à titre subsidiaire et qui sont tirés, en substance, de ce que la marque contestée est nulle pour d’autres motifs que ceux visés à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, à savoir ceux visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et d),
dudit règlement et à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du même règlement.
Sur les dépens
95 En application de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
96 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de celui-ci. L’intervenante, qui n’a pas conclu sur les dépens, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Roxtec AB supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).
3) Wallmax Srl supportera ses propres dépens.
Prek
Buttigieg
Berke
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.