ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
18 janvier 2018 ( *1 )
« Recherche et développement technologique – EIT – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon 2020 – Appel à propositions en vue de la désignation d’une communauté de la connaissance et de l’innovation – Rejet de l’offre des requérants – Règlement (CE) no 294/2008 – Règlement (UE) no 1290/2013 – Délégation illégale de compétences »
Dans l’affaire T‑76/15,
Kenup Foundation, établie à Kalkara (Malte),
Candena GmbH, établie à Lunebourg (Allemagne),
CO BIK Center odličnosti za biosenzoriko, instrumentacijo in procesno kontrolo, établi à Ajdovščina (Slovénie),
Evotec AG, établie à Hambourg (Allemagne),
représentés initialement par Mes U. Soltész, C. Wagner, H. Weiß et A. Richter, puis par Mes Soltész, Weiß et Richter et enfin par Mes Soltész et Weiß, avocats,
parties requérantes,
soutenus par
République de Malte, représentée par Mme M. E. Perici Calascione, en qualité d’agent,
et par
Stiftung Universität Lüneburg, représentée par Me F. Oehl, avocat,
parties intervenantes,
contre
Institut européen d’innovation et de technologie (EIT), représenté par M. M. Kern, en qualité d’agent, assisté de Mes P. de Bandt et M. Gherghinaru, avocats,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions du 9 décembre 2014, dont le sens a été communiqué par lettre du 10 décembre 2014, par lesquelles l’EIT a désigné la communauté de la connaissance et de l’innovation (CCI) « Innovation en faveur d’une vie saine et d’un vieillissement actif » et a rejeté la proposition déposée par le consortium Kenup,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
[omissis]
Procédure et conclusions des parties
9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2015, les requérants, Kenup Foundation, Candena GmbH, CO BIK Center odličnosti za biosenzoriko, instrumentacijo in procesno kontrolo (ci-après l’« organisme de recherche ») et Evotec AG, ont introduit le présent recours.
10 Le 1er juin 2015, l’EIT a produit un mémoire en défense.
11 Par décision du 6 juillet 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la République de Malte au soutien des conclusions des requérants.
12 Par ordonnance du 19 octobre 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis l’intervention de Stiftung Universität Lüneburg au soutien des conclusions des requérants.
13 Le mémoire en intervention de la République de Malte a été déposé le 16 novembre 2015.
14 La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 16 novembre 2015.
15 Le mémoire en intervention de Stiftung Universität Lüneburg a été déposé le 2 décembre 2015.
16 La duplique a été enregistrée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2016.
17 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, la présente affaire a été attribuée à la septième chambre, dans laquelle un nouveau juge rapporteur a été désigné.
18 Par acte du 10 mai 2016, les requérants ont produit une nouvelle offre de preuve, sur laquelle l’EIT, la République de Malte et Stiftung Universität Lüneburg ont produit leurs observations.
19 Le 5 mai 2017, le Tribunal a adressé, au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, des questions écrites aux parties, qui y ont répondu dans les délais impartis.
20 Par acte du 4 juillet 2017, les requérants ont soumis un moyen nouveau ainsi que de nouvelles offres de preuve, sur lesquels l’EIT et la République de Malte ont présenté leurs observations.
21 Le Tribunal (septième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure.
22 Les requérants, soutenus par la République de Malte et par Stiftung Universität Lüneburg, concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les décisions du 9 décembre 2014, dont le sens a été communiqué par lettre du 10 décembre 2014 (ci-après les « décisions attaquées »), par lesquelles l’EIT a désigné la CCI « Innovation en faveur d’une vie saine et d’un vieillissement actif » et a rejeté la proposition déposée par le consortium Kenup ;
– condamner l’EIT aux dépens.
23 L’EIT conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérants aux dépens, y compris ceux qu’il a exposés.
En droit
[omissis]
Sur le fond
[omissis]
47 Le Tribunal examinera en premier lieu le premier moyen.
48 Les requérants, soutenus par la République de Malte et Stiftung Universität Lüneburg, font valoir que, par leur évaluation, les experts indépendants mandatés par l’EIT ont agi au-delà du simple rôle consultatif qui leur était légalement confié. En effet, selon les requérants, ces experts se seraient vu attribuer une mission de présélection des propositions et auraient, à ce titre, pu éliminer la proposition présentée par le consortium Kenup sans qu’une décision soit adoptée par le comité
directeur et sans que ce dernier l’ait examinée. Or, si les experts jouent un rôle majeur dans l’évaluation des propositions de CCI, leur sélection et leur désignation relèveraient de la seule compétence du comité directeur, sans possibilité de délégation, compte tenu notamment de l’importance fondamentale d’une telle décision. La décision de présélection opérée par les experts pourrait d’autant moins être imputée au comité directeur que ce dernier n’a pas, en violation du règlement no 1290/2013,
nommé les experts, qui n’ont ni reçu d’instruction ou d’orientation, ni fait l’objet d’une surveillance de la part de ce dernier, ces missions ayant, en l’espèce, été assurées par l’ordonnateur, à savoir le directeur de l’EIT. À cet égard, les requérants font valoir que le directeur de l’EIT a exercé une influence indue sur la procédure d’évaluation. Enfin, les requérants soutiennent que, alors que les experts disposaient d’une large marge d’appréciation, le comité directeur ne pouvait s’appuyer
sur leur évaluation sans la vérifier.
49 L’EIT conteste ces arguments en faisant valoir que la décision de désignation de la CCI a été adoptée par le comité directeur, à l’issue d’une procédure qui s’est déroulée conformément aux règlements applicables à l’EIT et à l’appel à propositions. L’EIT insiste sur le fait que l’organisation et l’administration d’un appel à propositions ne relèvent pas de la seule responsabilité du comité directeur, des fonctions étant dévolues tant aux experts indépendants qu’au directeur de l’EIT. Sur ce
point, il soutient que, contrairement à ce que prétendent les requérants, la sélection des experts ne relève pas de la compétence du comité directeur. Par ailleurs, il fait valoir que l’ensemble du processus de désignation est demeuré sous l’entier contrôle du comité directeur. Ainsi, il soutient que ce dernier a adopté les critères de sélection de la CCI, le texte de l’appel à propositions et l’approche globale de l’évaluation. Il aurait également approuvé les profils, les critères et la
procédure de sélection des experts indépendants ainsi que la composition des panels d’experts. En outre, le comité directeur aurait été dûment informé des résultats du processus d’évaluation mené par les experts. Enfin, il aurait, à l’issue des auditions, adopté seul la décision de désignation de la CCI et de rejet de la proposition du consortium Kenup, les experts n’ayant adopté aucune décision sur ce point.
50 Il y a lieu de considérer que le premier moyen de la requête comporte deux branches. Par la première branche, les requérants soutiennent, en substance, que la décision de rejet de la proposition du consortium Kenup a été prise par une autorité incompétente dès lors qu’elle résulte d’une décision des experts indépendants et non d’une décision formelle du comité directeur. Par la seconde branche du moyen, les requérants se prévalent de la délégation illégale, au profit des experts indépendants, des
compétences dévolues au comité directeur, sans que ce dernier encadre ni contrôle leurs travaux.
51 À titre liminaire, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1290/2013, la participation aux actions indirectes menées aux fins de mise en œuvre du programme-cadre Horizon 2020 est régie par les dispositions du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO
2012, L 298, p. 1), et du règlement délégué, sous réserve des règles spécifiques définies par le règlement no 1290/2013. Selon l’article 1er, paragraphe 3, du règlement no 1290/2013, le règlement no 294/2008 peut également édicter des règles qui s’écartent des dispositions du règlement no 1290/2013.
52 Il en résulte que, lorsqu’il procède, comme en l’espèce, à la sélection et à la désignation d’une CCI visant à la mise en œuvre du programme-cadre Horizon 2020, l’EIT doit se conformer, d’abord, aux règles définies par le règlement no 294/2008, ensuite, aux règles de participation au programme-cadre Horizon 2020 et, enfin, au règlement no 1605/2002 et au règlement délégué.
53 Ensuite, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 4 du règlement no 294/2008, dans sa version applicable à l’espèce, « [l]’EIT dispose [d’u]n comité directeur composé de membres de haut niveau ayant une grande expérience du monde de l’enseignement supérieur, de la recherche, de l’innovation et des entreprises [qui] est chargé de la direction des activités de l’EIT, de la sélection, de la désignation et de l’évaluation des CCI, ainsi que de toutes les autres décisions stratégiques ».
L’article 5 du même règlement dispose que, « [d]ans le but d’atteindre son objectif, l’EIT […] sélectionne et désigne des CCI ». Selon l’article 7 dudit règlement, « [l’]EIT sélectionne et désigne les partenariats appelés à devenir des CCI au terme d’une procédure concurrentielle, ouverte et transparente [et] adopte et publie des critères détaillés, fondés sur les principes de l’excellence et de l’intérêt pour l’innovation, applicables à la sélection des CCI ». Cet article précise également que
« [d]es experts externes et indépendants participent à la procédure de sélection ».
54 Enfin, l’article 15 du règlement no 1290/2013 dispose que « [l]es propositions soumises sont évaluées sur la base [de divers] critères d’attribution[, à savoir l’]excellence[, l’]incidence [et la] qualité et [l’]efficacité de la mise en œuvre », que « [l]es propositions sont classées en fonction des résultats de l’évaluation », que « [l]a sélection se fait sur la base de ce classement » et que « [l]’évaluation est effectuée par des experts indépendants ». L’article 40 du même règlement dispose
ainsi que « [l]a Commission et, le cas échéant, les organismes de financement peuvent désigner des experts indépendants pour évaluer les propositions conformément à l’article 15 ou fournir des conseils ou de l’assistance concernant […] l’évaluation des propositions […] ».
55 Il résulte de l’ensemble des dispositions rappelées aux points 53 et 54 ci-dessus que, d’une part, la sélection et la désignation des CCI relèvent de la compétence du comité directeur et que, d’autre part, des experts indépendants participent à la procédure de sélection en évaluant les propositions, afin de procéder à leur classement. Le comité directeur procède à la sélection des CCI sur la base de ce classement.
56 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que, même lorsque l’EIT s’adjoint le concours d’experts extérieurs, il ne s’en trouve pas pour autant dispensé d’apprécier leurs travaux (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 juillet 2009, Zenab/Commission, T‑33/06, non publié, EU:T:2009:250, point 64 et jurisprudence citée).
57 C’est au regard des dispositions et du principe rappelés aux points 51 à 56 ci-dessus qu’il convient d’apprécier le bien-fondé de chacune des deux branches du premier moyen.
Sur la première branche
58 Il convient, tout d’abord, de relever que les décisions attaquées ont été adoptées dans le cadre de la procédure de sélection de la CCI « Innovation en faveur d’une vie saine et d’un vieillissement actif », telle que définie par l’appel à propositions adopté par l’EIT. Selon les indications du point 7 de cet appel, dont il est constant qu’elles ont été respectées tant par les experts indépendants que par l’EIT, les propositions éligibles devaient être évaluées par des experts externes
indépendants de haut niveau. Chaque proposition était ainsi examinée par cinq experts, soit trois experts thématiques et deux experts dits « horizontaux », chacun devant établir un rapport d’évaluation par proposition. Le panel d’experts devait ensuite élaborer un rapport d’évaluation consolidé pour chaque proposition. Ensuite, les trois propositions les mieux classées étaient évaluées par un second panel d’experts indépendants de haut niveau chargé d’établir une recommandation finale contenant
un aperçu de ces trois propositions ainsi que des recommandations sur la façon dont elles pourraient être améliorées ou renforcées. Enfin, les représentants des trois propositions les mieux notées devaient être auditionnés par le comité directeur avant que celui-ci désigne la CCI retenue.
59 Il résulte de ce qui précède que les experts indépendants se sont bornés à évaluer les propositions transmises sans prendre aucune décision formelle d’élimination des offres classées en deçà du troisième rang. Contrairement à ce que prétendent les requérants, la décision formelle rejetant la proposition formée par le consortium Kenup a été prise par le comité directeur concomitamment à la décision de désigner la proposition identifiée sous le nom « InnoLife – Better, longer lives » en tant que
CCI « Innovation en faveur d’une vie saine et d’un vieillissement actif ».
60 Par suite, la première branche du moyen doit être écartée.
Sur la seconde branche
61 Il ressort du processus d’évaluation des propositions tel que décrit au point 58 ci-dessus que le panel d’experts chargé de la recommandation finale ne devait examiner que les trois propositions les mieux notées à l’issue de l’évaluation par le premier panel d’experts. Par ailleurs, seuls les représentants de ces trois propositions devaient être auditionnés par le comité directeur. À cet égard, il y a lieu de relever que l’appel à propositions indiquait clairement que la CCI serait sélectionnée
par l’EIT sur la base, premièrement, des rapports d’évaluation consolidés relatifs aux trois meilleures propositions, tel qu’établis par le panel d’experts, deuxièmement, du rapport établi par le panel chargé de la recommandation finale ainsi que, troisièmement, du résultat des auditions. Ainsi, l’EIT ne devait opérer sa sélection qu’au vu des seuls travaux menés par les experts indépendants sur les trois propositions les mieux notées et du résultat des auditions menées avec les représentants de
ces dernières.
62 À cet égard, il ressort des pièces du dossier que les membres du comité directeur avaient à leur disposition, par le biais d’un site Internet protégé, l’ensemble des propositions présentées au titre de la CCI « Innovation en faveur d’une vie saine et d’un vieillissement actif », dont la proposition du consortium Kenup. Par ailleurs, avant les auditions, le directeur de l’EIT avait rappelé au comité directeur les différentes étapes de la procédure d’évaluation, y compris les différentes notes
attribuées globalement et par sous-critères aux cinq propositions soumises. En revanche, aucune des analyses de la proposition du consortium Kenup effectuées par les experts indépendants n’avait été transmise aux membres du comité directeur. En effet, l’annexe 1 de la note d’information datée du 1er décembre 2014 établie par le directeur de l’EIT à l’attention des membres du comité directeur, versée à l’instance par l’EIT à la demande du Tribunal, ne comportait qu’un résumé des rapports
d’évaluation réalisés par le panel d’experts afférents aux seules propositions sélectionnées pour les auditions. Par ailleurs, il ne résulte pas de la procédure d’appel à propositions, et il n’est d’ailleurs pas soutenu, que des membres du comité directeur aient assisté aux séances de travaux des experts.
63 Certes, ainsi que le fait valoir l’EIT dans le mémoire en défense, les membres du comité directeur étaient libres de poser des questions et de solliciter des informations complémentaires concernant l’ensemble des propositions et leur évaluation par les experts. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 62 ci-dessus, les membres du comité directeur ne disposaient pas des évaluations ou d’un résumé des évaluations menées par le panel d’experts concernant les deux propositions non sélectionnées pour
les auditions.
64 En tout état de cause, les éventuelles initiatives du comité directeur étaient insusceptibles de remettre en cause le fait que seules les trois propositions les mieux notées par les experts pouvaient être désignées en tant que CCI « Innovation en faveur d’une vie saine et d’un vieillissement actif ». En effet, la procédure fixée par l’appel à propositions faisait obstacle à toute possibilité pour le comité directeur tant de sélectionner la proposition du consortium Kenup que d’inviter ses
représentants à participer aux auditions dès lors que cette proposition avait été classée en quatrième position par les experts indépendants. Cette conclusion est confirmée par les termes de la lettre du 10 décembre 2014 informant le coordinateur du consortium Kenup du rejet de sa proposition, qui lient sans conteste cette éviction au classement de la proposition du consortium en deçà de la troisième place. Sur ce point, il peut être relevé, à l’instar des requérants, que, dans sa réponse à leur
demande d’informations complémentaires, l’EIT avait indiqué que les experts s’étaient vu accorder, par l’appel à propositions, une délégation de compétence en vue de procéder à la présélection des propositions.
65 Partant, selon la procédure définie par l’appel à propositions, le comité directeur ne pouvait, à l’issue des auditions, que modifier le classement des trois meilleures propositions opéré par les experts, ainsi que l’indique d’ailleurs l’EIT au point 63 du mémoire en défense. Or, la circonstance que, selon l’article 15 du règlement no 1290/2013, la sélection de la CCI est opérée sur la base du classement des propositions, en fonction de l’évaluation effectuée par les experts indépendants, ne
saurait impliquer que l’EIT soit lié, même partiellement, quant à l’ordre des propositions ainsi retenu.
66 À cet égard, le fait que les membres du consortium Kenup n’ont pas contesté les termes de l’appel à propositions avant la clôture de cet appel ne saurait les priver de la possibilité de faire valoir, à l’occasion du présent recours, l’irrégularité de la procédure de sélection définie par cet appel à propositions. Sur ce point, il peut être rappelé qu’un document d’appel à la concurrence, tel que, en l’espèce, l’appel à propositions, n’est pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en
annulation sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Les décisions attaquées étaient donc les premiers actes attaquables par les requérants et, partant, les premiers actes les autorisant à contester incidemment la légalité de la procédure de sélection de la CCI fixée par l’EIT (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, points 73 et 74 et jurisprudence citée). Partant, l’EIT ne saurait utilement faire valoir que l’exclusion du
consortium Kenup résulte de la stricte application de la procédure d’appel à propositions définie par le comité directeur.
67 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les requérants sont fondés à soutenir que le comité directeur n’a pas pleinement exercé les compétences de sélection des propositions, en violation des dispositions de l’article 4 du règlement no 294/2008, une partie desdites compétences ayant été déléguée à des experts sans que ledit comité ait, à un quelconque moment, pu utilement porter une appréciation sur leurs travaux menés sur les propositions non classées parmi les trois
premières.
68 Les circonstances que le comité directeur a adopté le texte de l’appel à propositions, les critères de sélection de la CCI ainsi que les critères de sélection des experts chargés de l’évaluation des propositions et qu’il a suivi toute la procédure aboutissant à leur sélection ne sauraient remettre en cause ce constat.
69 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le premier moyen, pris en sa seconde branche, et d’annuler, pour ce motif, tant la décision par laquelle l’EIT a rejeté la proposition du consortium Kenup que la décision, étroitement liée, par laquelle il a désigné la proposition identifiée sous le nom « InnoLife – Better, longer lives », sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les neuf autres moyens de la requête, en particulier sur le moyen tiré de l’existence d’une situation de conflit d’intérêts en
ce qui concerne les membres du comité directeur, notamment sur la question de savoir si l’EIT a entrepris l’ensemble des diligences requises en vue de s’assurer de l’exercice impartial et objectif des fonctions desdits membres, alors, au demeurant, que, d’une part, l’exigence d’impartialité recouvre l’impartialité subjective, mais également l’impartialité objective, de ces derniers, en ce sens que l’organe ou l’organisme de l’Union doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute
légitime à cet égard (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155), et que, d’autre part, un tel contrôle doit être mené indépendamment de toute appréciation quant à leur niveau d’expertise.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Les décisions en date du 9 décembre 2014, dont le sens a été communiqué par lettre du 10 décembre 2014, par lesquelles l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) a désigné la communauté de la connaissance et de l’innovation (CCI) « Innovation en faveur d’une vie saine et d’un vieillissement actif » et a rejeté la proposition déposée pour le consortium Kenup, sont annulées.
2) L’EIT supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Kenup Foundation, Candena GmbH, CO BIK Center odličnosti za biosenzoriko, instrumentacijo in procesno kontrolo et Evotec AG.
Tomljenović
Marcoulli
Kornezov
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 janvier 2018.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.