DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
18 juillet 2017 (*)
« REACH – Redevance due pour l’enregistrement d’une substance – Réduction accordée aux PME – Erreur dans la déclaration relative à la taille de l’entreprise – Décision imposant un droit administratif – Recommandation 2003/361/CE – Confiance légitime – Proportionnalité – Critères de calcul du montant du droit administratif »
Dans l’affaire T‑758/15,
EDF Toruń S.A., établie à Toruń (Pologne), représentée par M^e K. Sienkiewicz, avocat,
partie requérante,
contre
Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par MM. J.-P. Trnka, C. Schultheiss et M^me M. Heikkilä, en qualité d’agents, assistés de M^e C. Garcia Molyneux, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision SME(2015) 4950 de l’ECHA, du 3 novembre 2015, constatant que la requérante ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les moyennes entreprises et lui imposant un droit administratif et, d’autre part, de la facture n° 10054011 émise par l’ECHA à la suite de l’adoption de la décision SME(2015) 4950,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M^me I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 La requérante, EDF Toruń S.A., est une société de droit polonais qui exerce une activité de production et de distribution de chaleur.
2 Cette activité entraîne la fabrication de substances chimiques soumises à une obligation d’enregistrement auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en vertu du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la
directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1).
3 Le 30 novembre 2010, la requérante a procédé à l’enregistrement de la substance « cendres (résidus) de charbon » au titre du règlement n° 1907/2006. Lors de la procédure d’enregistrement, elle a déclaré qu’elle était une « moyenne entreprise ». Cette déclaration lui a permis de bénéficier d’une réduction du montant de la redevance due sur le fondement de l’article 6, paragraphe 4, du règlement n° 1907/2006.
4 Le même jour, l’ECHA a émis la facture n° 10025154, d’un montant de 16 275 euros correspondant à la redevance due par une moyenne entreprise, dans le cadre d’une soumission conjointe, pour une quantité de substances supérieure à 1 000 tonnes. Cette facture a été acquittée par la requérante.
5 Par un courrier du 26 mars 2013, l’ECHA a informé la requérante que le statut de petites et moyennes entreprises (PME) qu’elle avait déclaré faisait l’objet d’une procédure de vérification. L’ECHA a invité la requérante à fournir des informations et des documents de nature à prouver son éligibilité concernant la catégorie des moyennes entreprises.
6 Le 3 novembre 2015, après des échanges de courriers et de documents, l’ECHA a adopté la décision SME(2015) 4950 (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, l’ECHA a considéré que la requérante relevait de la catégorie des grandes entreprises au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36), et qu’elle n’avait pas le droit de bénéficier de la redevance
réduite applicable aux moyennes entreprises.
7 Du document intitulé « SME calculation report » (Rapport de calcul SME), annexé à la décision attaquée, il ressort que, pour déterminer la taille de la requérante, l’ECHA a considéré que celle-ci était une entreprise liée aux entreprises du groupe EDF France. Elle a ainsi tenu compte des données des entreprises de ce groupe pour aboutir à la conclusion que la requérante avait un effectif égal ou supérieur à 250 personnes, un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros et
un bilan annuel supérieur à 43 millions d’euros. Elle a sur cette base décidé que la requérante ne pouvait pas être qualifiée de moyenne entreprise au sens de la recommandation 2003/361.
8 Dans la décision attaquée, l’ECHA a indiqué que, à la suite de la procédure de vérification, la requérante était redevable, d’une part, d’une somme correspondant à la différence entre le montant de la redevance déjà acquittée et le montant de la redevance applicable aux grandes entreprises et, d’autre part, d’un droit administratif correspondant à 2,5 fois le gain financier obtenu du fait de la déclaration incorrecte en ce qui concerne la taille de l’entreprise.
9 Deux factures ont accompagné la décision attaquée, la facture n° 10054010, d’un montant de 6 975 euros au titre de la différence entre la redevance acquittée lors de l’enregistrement et la redevance due par les grandes entreprises, et la facture n° 10054011, d’un montant de 17 437 euros au titre du droit administratif (ci-après la « facture attaquée »).
II. Procédure et conclusions des parties
10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2015, la requérante a introduit le présent recours.
11 Le mémoire en défense de l’ECHA a été déposé au greffe du Tribunal le 4 mai 2016.
12 La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 12 juillet 2016.
13 La duplique a été déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2016.
14 Aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience dans le délai prévu à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.
15 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– annuler la facture attaquée ;
– condamner l’ECHA aux dépens.
16 L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer irrecevable la demande en annulation de la facture attaquée ;
– rejeter le recours en annulation de la décision attaquée ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur la demande de la requérante d’écarter les annexes non traduites dans la langue de procédure
17 Dans la réplique, la requérante observe que les annexes du mémoire en défense déposé par l’ECHA sont rédigées en anglais et ne sont accompagnées d’aucune traduction dans la langue de procédure, le polonais. Selon elle, le Tribunal ne pourrait par conséquent tirer aucune preuve des annexes produites par l’ECHA.
18 À cet égard, il convient de relever que le reproche exprimé par la requérante ne peut viser que les annexes B.1 à B.10, B.13 et B.14 et non les annexes B.11 et B.12 qui ont été produites dans la langue de procédure.
19 La traduction des pièces fournies par une partie est régie par l’article 46, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure, qui prévoit ce qui suit :
« 2. Toute pièce produite ou annexée et rédigée dans une langue autre que la langue de procédure est accompagnée d’une traduction dans la langue de procédure.
3. Toutefois, dans le cas de pièces volumineuses, des traductions en extraits peuvent être présentées. À tout moment, le président peut exiger une traduction plus complète ou intégrale, soit d’office, soit à la demande d’une des parties. »
20 En l’espèce, la requérante n’a pas exigé la traduction des annexes, mais a seulement demandé que soient écartées de la procédure les pièces non traduites.
21 En l’absence d’une demande de traduction formellement présentée par la requérante, il convient de déterminer si une traduction des annexes litigieuses est indispensable au bon déroulement de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233, point 37).
22 À cet égard, il convient de constater, d’une part, que la langue dans laquelle les annexes litigieuses sont rédigées correspond à celle dans laquelle la requérante a choisi de procéder à l’enregistrement devant l’ECHA, à savoir l’anglais, et, d’autre part, que la requérante a elle-même produit certaines annexes constituées de documents établis par l’ECHA en anglais, y compris des documents dont elle était destinataire au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision
attaquée. Ainsi, il peut être considéré que la requérante maîtrise cette langue à un niveau satisfaisant, à tout le moins en ce qui concerne les documents de même nature et de même niveau linguistique que ceux qu’elle a elle-même soumis.
23 Or, les annexes déposées en anglais par l’ECHA, et dont la requérante demande qu’elles soient écartées par le Tribunal, ne sont pas plus complexes, en ce qui concerne leur contenu et leur niveau linguistique, que celles qu’elle a elle-même déposées.
24 Il s’ensuit qu’une traduction de ces pièces dans la langue de procédure n’apparaît pas nécessaire au sens de la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus.
25 Partant, il convient de conclure qu’une traduction des annexes soumises en anglais par l’ECHA n’est pas nécessaire au bon déroulement de la procédure et que la demande présentée par la requérante d’écarter ces annexes doit être rejetée.
B. Sur le fond
1. Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée
26 À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, premièrement, de l’identification erronée de la norme à prendre en compte pour vérifier sa qualité de PME, deuxièmement, de la violation du règlement (CE) n° 340/2008 de la Commission, du 16 avril 2008, relatif aux redevances et aux droits dus à l’ECHA en application du règlement n° 1907/2006 (JO 2008, L 107, p. 6), troisièmement, de la violation du principe de proportionnalité, quatrièmement, de l’excès de pouvoir et,
cinquièmement, de la violation du principe d’égalité.
a) Sur le premier moyen, tiré de l’identification erronée de la norme à prendre en compte pour vérifier la qualité de PME
27 Le premier moyen se divise en deux branches qui portent sur l’inapplicabilité de la recommandation 2003/361 que l’ECHA a appliquée pour déterminer la taille de la requérante et sur la nécessité d’appliquer les dispositions nationales définissant les PME.
1) Sur la première branche, relative à l’inapplicabilité de la recommandation 2003/361
28 La requérante soutient que la décision attaquée doit être annulée, car elle se fonde sur une recommandation dépourvue de force obligatoire. Selon elle, l’ECHA ne pouvait faire application des dispositions de la recommandation 2003/361 pour vérifier si elle devait être qualifiée de moyenne entreprise.
29 À cet égard, il convient de relever que, comme l’indique l’ECHA, le règlement n° 1907/2006 et le règlement n° 340/2008 renvoient à la recommandation 2003/361 aux fins de définir les PME.
30 En vertu de l’article 3, point 36, du règlement n° 1907/2006, les PME sont des petites et moyennes entreprises « conformément à la définition qui figure dans la recommandation [2003/361] ».
31 En vertu du considérant 9 du règlement n° 340/2008, « [d]es redevances et des droits réduits doivent […] s’appliquer aux [PME] au sens de la recommandation [2003/361] ».
32 Selon l’article 2 du règlement n° 340/2008, une moyenne entreprise est « une moyenne entreprise au sens de la recommandation [2003/361] ».
33 Ainsi, les deux règlements s’appliquant dans la présente affaire opèrent un renvoi exprès à la recommandation 2003/361 aux fins de définir ce qu’il convient d’entendre par « moyenne entreprise ».
34 Il s’ensuit que, lorsqu’elle a lieu dans le contexte de l’application des règlements n^os 1907/2006 et 340/2008, la qualification d’une entreprise de PME doit être effectuée, obligatoirement, selon ces deux règlements, sur la base des critères définis dans la recommandation 2003/361.
35 Dans la réplique, la requérante soutient que le renvoi opéré par les règlements n^os 1907/2006 et 340/2008 concerne la définition des PME donnée à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361 (ci-après l’« annexe »), mais non les dispositions qui, dans cette annexe, prévoient que les entreprises liées doivent être prises en considération pour le calcul de l’effectif et des montants financiers, lesquels servent de critères pour la définition des PME. Or, c’est
l’application de ces dernières dispositions qui aurait amené l’ECHA à considérer que la requérante était une grande entreprise.
36 À cet égard, il convient de relever que l’article 3, point 36, du règlement n° 1907/2006 renvoie à « la définition [des PME] qui figure dans la recommandation [2003/361] ».
37 Dans cette recommandation, c’est l’ensemble du titre I de l’annexe qui s’intitule « Définition des micro[-], petites et moyennes entreprises adoptée par la Commission ».
38 Ce titre comporte des dispositions concernant les critères à prendre en compte dans le cadre de cette définition – en particulier l’effectif en termes de personnel ainsi que les seuils financiers (article 2 de l’annexe).
39 Ce titre comporte aussi des dispositions déterminant le type d’entreprises à prendre en compte pour calculer l’effectif et pour établir les seuils financiers, à savoir les entreprises partenaires et les entreprises liées à l’entreprise en cause (article 3 de l’annexe) (arrêt du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA, T‑392/13, EU:T:2016:478, point 81).
40 Il s’ensuit que le renvoi opéré par le règlement n° 1907/2006 et par le règlement n° 340/2008 s’exerce à l’égard de la recommandation considérée dans son ensemble sans être limité, contrairement à ce que soutient la requérante, à la disposition qui, figurant dans ce document, énonce la définition donnée à la notion de « moyenne entreprise ».
41 Au regard des considérations qui précèdent, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
2) Sur la seconde branche, concernant l’application du droit national et la violation du principe de protection de la confiance légitime
42 La requérante soutient que la qualité de PME doit être déterminée au regard du droit en vigueur dans l’État membre où l’entreprise a son siège social. En Pologne, ce serait l’Ustawa o swobodzie działalności gospodarczej (loi relative au libre exercice de l’activité économique), du 2 juillet 2004 (Dz. U. n° 2015, position 584), qui contiendrait les dispositions applicables. Or, ces dispositions ne tiendraient pas compte des données relatives aux entreprises liées. Leur application aurait
eu pour conséquence que, au vu des critères qu’elles contiennent, la requérante aurait été considérée comme une moyenne entreprise.
43 À cet égard, il convient de relever que, comme il a été indiqué aux points 29 à 40 ci-dessus, les règlements n^os 1907/2006 et 340/2008 renvoient à la recommandation 2003/361 pour déterminer si une entreprise doit être considérée comme une PME dans le contexte de cette règlementation.
44 En revanche, ces règlements ne renvoient pas au droit national sur ce point. Partant, le droit national n’est pas applicable pour définir la taille d’une entreprise redevable d’une redevance pour l’enregistrement d’une substance chimique.
45 La requérante ajoute que les informations disponibles sur le site Internet du service national d’assistance réglementaire mis en place dans le cadre du règlement n° 1907/2006 indiquaient que la taille d’une entreprise devait être appréciée au regard des dispositions nationales citées au point 42 ci-dessus. Elle invoque en substance une violation de la confiance qu’elle a pu avoir, selon elle, de manière légitime, en l’exactitude des informations présentées sur ce site.
46 À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, le principe de protection de la confiance légitime peut être invoqué à l’encontre d’une réglementation de l’Union européenne lorsque la situation susceptible d’engendrer une telle confiance a été créée par une institution de l’Union (arrêt du 14 juin 2012, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, C‑606/10, EU:C:2012:348, point 78).
47 En revanche, ce principe ne peut être invoqué à l’encontre d’une telle réglementation dans l’affaire qui nous est soumise, dès lors que le comportement engendrant la confiance est imputable à une autorité nationale.
48 En l’espèce, les services nationaux d’assistance technique ont été mis en place par les États membres afin d’aider les entreprises à se conformer aux exigences du règlement n° 1907/2006.
49 À supposer que les autorités nationales se soient référées exclusivement au droit national sur le site Internet du service national d’assistance technique, cette pratique des autorités nationales ne peut avoir donné à la requérante l’assurance que l’ECHA procéderait à la vérification du statut de PME sur la base de ce droit national.
50 Du reste, il convient d’observer que, dans ses écritures, la requérante n’a pas démontré que, en ce qui la concernait, l’ECHA avait pu faire naître une attente légitime par un comportement qui lui aurait été imputable.
51 Au contraire, il résulte des informations fournies par l’ECHA que, sans ambiguïté, cette dernière a rappelé aux déclarants éventuels, à plusieurs reprises, l’obligation leur incombant de vérifier leur qualité de PME conformément aux critères contenus dans la recommandation 2003/361.
52 Ainsi, l’ECHA a publié deux communiqués sur son site Internet les 20 octobre et 26 novembre 2010 – soit moins d’un mois avant l’enregistrement de la substance chimique par la requérante. Dans ces communiqués, l’ECHA indiquait que les entreprises ayant déclaré à tort être une PME se verraient imposer le remboursement du solde de la redevance applicable ainsi qu’un droit administratif. Il était précisé dans ces documents que les droits de vote et les relations qu’une entreprise
entretenait avec d’autres entreprises étaient pris en compte pour déterminer la qualité de PME de cette entreprise.
53 Par ailleurs, la requérante a procédé à l’enregistrement de la substance chimique, le 30 novembre 2010, au moyen du formulaire en ligne intégré dans le système informatique REACH-IT. Or, ce formulaire renvoie, pour le calcul de la taille du déclarant, à la recommandation 2003/361, qui, comme indiqué aux points 37 à 39, contient la définition des PME et les critères ayant conduit à la rectification effectuée par l’ECHA dans la décision attaquée.
54 Enfin, l’ECHA a publié sur son site Internet, le 21 février 2012, un communiqué encourageant les entreprises à vérifier que leur taille avait été correctement déclarée. Dans ce communiqué, l’ECHA annonçait que les entreprises déclarant volontairement leur erreur éviteraient de payer un droit administratif. Ce texte indiquait que la qualité de PME d’une entreprise était déterminée conformément à la recommandation 2003/361.
55 Il résulte des considérations énoncées aux points 43 à 54 ci-dessus que, contrairement à ce qu’indique la requérante, la notion de PME pouvait être définie comme elle l’a été par l’ECHA et que le principe de la confiance légitime n’a pas été violé par cette autorité.
56 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter comme étant non fondée la seconde branche du premier moyen et, partant, la première branche ayant déjà été écartée, ce premier moyen dans son ensemble.
b) Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du règlement n° 340/2008
57 Le deuxième moyen est divisé en deux branches concernant, premièrement, l’absence de compétence de l’ECHA pour imposer une amende et, deuxièmement, le défaut d’intention de la requérante d’induire l’ECHA en erreur.
1) Sur la première branche, relative à l’absence de compétence de l’ECHA pour imposer une amende
58 La requérante soutient que le droit administratif qui lui a été imposé a le caractère d’une amende, car il est supérieur aux frais administratifs exposés par l’ECHA pour vérifier sa taille et lui imposer ledit droit administratif. Le montant trop élevé de ce droit démontrerait que, en l’imposant, l’objectif poursuivi par l’ECHA était de sanctionner l’erreur prétendument commise par la requérante. Or, seuls les États membres seraient compétents pour imposer des amendes dissuasives.
59 L’ECHA soutient que le droit administratif défini dans la décision MB/D/29/2010 du conseil d’administration de l’ECHA, du 12 novembre 2010, sur la classification des services pour lesquels des droits sont perçus, telle que modifiée par la décision MB/21/2012, puis par la décision n° 14/2015 (ci-après la « décision MB/D/29/2010 modifiée ») ne vise pas à imposer une sanction. Selon elle, l’objectif poursuivi dans le cadre de ce droit est de décourager les entreprises de transmettre des
informations erronées. Il serait également de recouvrer les frais encourus par l’ECHA pour ses activités de vérification.
60 À cet égard, il convient de relever que, à supposer que l’argument de la requérante puisse être interprété comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de la décision MB/D/29/2010 modifiée, il serait en tout état de cause non fondé.
61 En effet, selon le considérant 11 du règlement n° 340/2008, la transmission de fausses informations doit être découragée par l’ECHA par l’imposition d’un droit administratif et, le cas échéant, par l’imposition d’une amende dissuasive par les États membres.
62 Il résulte ainsi du considérant 11 du règlement n° 340/2008 que les compétences sont réparties entre l’ECHA et les États membres. S’agissant de l’ECHA, elle impose un droit administratif qui participe à l’objectif de décourager la transmission de fausses informations par les entreprises. Pour ce qui concerne les États membres, ils sont seuls habilités à imposer une amende à ces mêmes entreprises.
63 Cette répartition des compétences a pour conséquence que, en application du règlement n° 340/2008, comme le souligne la requérante, l’ECHA n’a pas le pouvoir d’imposer un droit administratif qui s’apparenterait à une amende.
64 Toutefois, la requérante ne démontre pas que, comme elle le soutient pourtant, le droit administratif qui lui a été imposé présente le caractère d’une amende.
65 Selon les explications fournies par l’ECHA dans ses écritures, le montant du droit administratif est calculé en fonction de l’ensemble des coûts qu’elle supporte pour effectuer les vérifications de la qualité de PME déclarée par les entreprises lors de l’enregistrement de substances chimiques.
66 Or, le fait que le montant du droit administratif soit calculé sur la base des coûts de vérification supportés par l’ECHA ne peut, en tant que tel, conduire à la conclusion que le montant du droit administratif s’apparente à une amende (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA, T‑392/13, EU:T:2016:478, point 112).
67 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le montant du droit administratif qui lui a été imposé est supérieur aux frais exposés par l’ECHA dans la procédure de vérification qui la concerne, il convient de relever que, à supposer que cela puisse avoir une incidence sur la nature du droit administratif imposé, la requérante n’apporte aucun élément pour étayer cette affirmation.
68 Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.
2) Sur la seconde branche, concernant l’absence d’intention d’induire l’ECHA en erreur
69 La requérante soutient qu’elle n’avait pas l’intention d’induire l’ECHA en erreur sur sa taille. Elle pensait, sur la base des informations dont elle disposait, qu’elle avait le droit de payer la redevance due par les moyennes entreprises. Or, l’ECHA ne pourrait imposer de droit administratif qu’après avoir démontré l’intention de l’entreprise concernée de l’induire en erreur.
70 L’ECHA rejette l’argumentation de la requérante. Elle fait valoir, premièrement, qu’il appartient à la requérante de prouver qu’elle peut bénéficier de la réduction de la redevance réservée aux PME, comme il résulte de l’article 13 du règlement n° 340/2008. A défaut, l’ECHA pourrait lui imposer un droit administratif. Deuxièmement, l’ambiguïté du terme « fausses » utilisé dans le considérant 11 du règlement n° 340/2008 pourrait être levée en effectuant une comparaison des différentes
versions linguistiques du règlement. Il découlerait de la version néerlandaise utilisant les termes « onjuiste informatie » et de la version allemande utilisant ceux de « falscher Auskünfte », que le terme « fausses » devrait être compris comme « erronées ».
71 À cet égard, il convient de relever qu’aucune disposition du règlement n° 340/2008 n’impose à l’ECHA d’établir que l’entreprise redevable d’un droit administratif avait l’intention de l’induire en erreur sur sa taille.
72 Selon l’article 13, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 340/2008, il revient à l’entreprise déclarante, sur demande de l’ECHA, de démontrer qu’elle a droit à une réduction ou à une exemption de redevance.
73 Lorsque l’entreprise ne peut démontrer avoir droit à une telle réduction ou exemption, l’ECHA, en application de l’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 340/2008, perçoit la redevance ou le droit intégral ainsi qu’un droit administratif.
74 Pour être redevable d’un droit administratif, il suffit ainsi que l’entreprise déclarante soit en défaut de démontrer qu’elle a droit à une réduction de redevance.
75 Les dispositions pertinentes du règlement n° 340/2008 ne s’accordent donc pas avec l’argumentation de la requérante, le considérant 11 dudit règlement ne pouvant être interprété comme ajoutant une condition que ces dispositions ne prévoient pas.
76 Il convient par conséquent de rejeter la seconde branche du deuxième moyen comme étant non fondée et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.
c) Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité
77 Selon la requérante, le montant du droit administratif qui lui a été imposé est anormalement élevé et porte ainsi atteinte au principe de proportionnalité tel qu’interprété par le Tribunal dans l’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849).
78 À cet égard, il convient de relever que, à supposer que le moyen puisse être interprété comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de la décision MB/D/29/2010 modifiée, il serait en tout état de cause non fondé.
79 En effet, le principe de proportionnalité exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union puissent permettre la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51).
80 L’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849), cité par la requérante, concerne une entité déclarée comme étant une petite entreprise et ayant été invitée, par l’ECHA, sur la base des déclarations effectuées, à acquitter une facture de 480 euros.
81 Après vérification, il s’est avéré que la somme qui aurait dû être réclamée s’élevait à 1 200 euros – ce qui correspond à la redevance due par les grandes entreprises. La déclaration erronée de l’entreprise lui avait donc permis d’éviter le versement de la somme de 720 euros (arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA, T‑177/12, EU:T:2014:849, point 37).
82 À la suite de l’enquête menée à ce sujet, l’entreprise déclarante a été sommée de payer à l’ECHA l’ensemble du montant qui était dû. En outre, l’entreprise s’est vu imposer le paiement d’un droit administratif s’élevant à 20 700 euros, correspondant au montant dû par toute grande entreprise ayant fait une déclaration erronée (arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA, T‑177/12, EU:T:2014:849, points 7 et 8).
83 Le Tribunal a relevé que le droit administratif réclamé à l’entreprise était plus de 17 fois supérieur au montant de la redevance normalement due et plus de 28 fois supérieur au gain obtenu du fait de l’indication incorrecte de la taille de l’entreprise (arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA, T‑177/12, EU:T:2014:849, point 38).
84 Selon le Tribunal, cette différence entre le droit administratif et l’avantage financier que l’entreprise déclarante avait pu obtenir en raison de sa déclaration devait être tenue pour considérable et ne pouvait être justifiée au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation. Sur cette base, le Tribunal a conclu à la violation du principe de proportionnalité (arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA, T‑177/12, EU:T:2014:849, points 38 et 39).
85 Or, la situation examinée par le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849), est différente de celle qui doit être prise en considération dans la présente affaire.
86 Il convient de relever que, afin de tenir compte de l’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849), le conseil d’administration de l’ECHA a adopté la décision n° 14/2015, du 4 juin 2015, qui a limité le montant du droit administratif à 2,5 fois le gain financier obtenu du fait de l’indication incorrecte de la taille de l’entreprise.
87 En l’espèce, la requérante a déclaré être une moyenne entreprise. Sur la base de cette déclaration, elle a reçu une facture d’un montant de 16 275 euros de la part de l’ECHA. Après vérification, il s’est avéré que la somme finalement due par la requérante était une redevance d’un montant de 23 250 euros due par les grandes entreprises.
88 La déclaration erronée de sa taille par la requérante lui a donc permis d’éviter le versement de la somme de 6 975 euros, qu’elle a été sommée de rembourser à l’ECHA.
89 Par ailleurs, la requérante s’est vu imposer un droit administratif d’un montant de 17 437 euros, qui correspond à 2,5 fois le gain financier obtenu du fait de la déclaration erronée.
90 Ainsi, le montant du droit administratif appliqué à la requérante est inférieur au montant de la redevance normalement due. Il est par ailleurs 2,5 fois supérieur au gain qu’elle a réalisé du fait de la déclaration erronée.
91 Dès lors, la question posée dans la présente affaire est de savoir si le coefficient correspondant à 2,5 fois le gain obtenu, qui a été appliqué pour fixer le montant du droit administratif imposé à la requérante en raison de sa déclaration erronée, est conforme, ou non, au principe de proportionnalité.
92 Pour effectuer cette appréciation, il convient de rappeler que la transmission d’informations fausses par la requérante a conduit à la fixation d’un montant de redevance erroné. La requérante disposait pourtant de toutes les informations nécessaires pour évaluer, avec clarté, la catégorie dont elle relevait et, par suite, le montant qui aurait dû lui être réclamé.
93 Par ailleurs, il convient de relever que, depuis la décision MB/21/2012 du conseil d’administration de l’ECHA, du 12 février 2013, portant modification de la décision MB/D/29/2010 sur la classification des services pour lesquels des droits sont perçus, les entreprises faisant l’objet d’une vérification bénéficient d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif si elles corrigent leur erreur dans le délai imparti par l’ECHA.
94 Cette possibilité, qui n’existait pas à l’époque des faits soumis au Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849), a été portée à la connaissance de la requérante quand la procédure de vérification a été ouverte à son égard, sans que celle-ci en fasse toutefois usage afin d’obtenir une diminution du montant qui lui serait réclamé.
95 Dans le cadre du contrôle de proportionnalité, il convient de prendre en compte, d’une part, l’importance des valeurs que cherche à protéger l’autorité concernée en imposant le droit administratif considéré et, d’autre part, la gravité du comportement adopté par la requérante.
96 À cet égard, il importe de rappeler que la réglementation dont il s’agit d’assurer l’application vise à décourager la transmission de fausses informations par l’imposition d’un droit administratif par l’ECHA. L’objectif poursuivi est in fine de protéger la santé publique. Pour atteindre cet objectif, des redevances sont appliquées aux entreprises. Ces redevances dépendent de la taille de ces dernières. De manière à limiter les coûts du système, ces redevances sont fixées sur la base des
déclarations fournies par les entreprises elles-mêmes.
97 Dans ce contexte, le caractère correct des informations servant à établir les redevances doit être assuré. C’est précisément pour atteindre cet objectif qu’il a été décidé, dans le cadre des règlements n^os 1907/2006 et 340/2008, d’imposer un droit administratif aux entreprises ayant présenté des déclarations erronées. Parmi ces entreprises, figure la requérante.
98 Au vu de l’importance de l’objectif recherché dans le cadre de la réglementation, de l’effet négatif que peuvent avoir des déclarations erronées sur la réalisation de cet objectif et de la possibilité ouverte à la requérante de diminuer le montant dû par elle par une rectification de sa déclaration, le montant qui lui a été réclamé ne peut pas être considéré comme étant contraire au principe de proportionnalité.
99 La requérante soutient toutefois que l’ECHA ne pouvait lui imposer un droit administratif, car elle était déjà tenue de payer une somme correspondant à la différence entre le montant de la redevance acquittée et le montant de la redevance applicable aux grandes entreprises.
100 À cet égard, il convient de préciser que la compétence de l’ECHA pour imposer un droit administratif découle de l’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 340/2008. Selon cette disposition, le droit administratif s’ajoute au solde de la redevance applicable qui doit être payé par le déclarant.
101 La requérante fait encore valoir que l’ECHA n’a pas démontré avoir supporté des frais administratifs pour mener la procédure de vérification relative à sa taille.
102 À cet égard, il convient de relever que l’imposition d’un droit administratif par l’ECHA n’est pas conditionnée, dans le règlement n° 340/2008, à l’engagement de frais effectifs de la part de l’ECHA et que ce droit est dû dès que l’entreprise est en défaut de prouver qu’elle relevait de la catégorie des PME.
103 Du reste, il convient de constater que la correspondance échangée entre la requérante et l’ECHA montre que la vérification de la taille de la requérante a nécessairement entraîné des coûts administratifs pour l’ECHA.
104 Il ressort des points 96 à 103 ci-dessus que le montant réclamé à la requérante au titre du droit administratif ne saurait être regardé comme étant disproportionné et que les différents arguments avancés par elle dans ce cadre doivent être rejetés. Partant le troisième moyen doit être écarté.
d) Sur le quatrième moyen, tiré de l’excès de pouvoir
105 Par le quatrième moyen, la requérante fait valoir que l’ECHA a commis un excès de pouvoir en se fondant sur la décision n° 14/2015, qui ne serait pas d’application générale (première branche), et en utilisant des critères illégaux pour calculer le montant du droit administratif (seconde branche).
1) Sur la première branche, tirée de l’application erronée de la décision n° 14/2015
106 La requérante soutient que la décision n° 14/2015, par laquelle le conseil d’administration de l’ECHA a fixé le montant du droit administratif dû par chaque catégorie d’entreprise (petite, moyenne et grande), n’a pas une portée générale. L’ECHA aurait commis un excès de pouvoir en se fondant sur cette décision pour lui imposer un droit administratif.
107 L’ECHA estime au contraire que la décision n° 14/2015 dispose d’une force obligatoire et qu’elle pouvait s’appliquer afin de déterminer le montant du droit administratif imposé à la requérante.
108 À cet égard, il convient de relever que, comme indiqué au point 73 ci-dessus, la compétence pour imposer un droit administratif est conférée à l’ECHA par l’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 340/2008.
109 Au sein de l’ECHA, c’est au conseil d’administration qu’il appartient de fixer le montant des droits sous réserve de l’avis favorable de la Commission, conformément à l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 340/2008.
110 En application de cette disposition, le conseil d’administration de l’ECHA a adopté la décision MB/D/29/2010 modifiée.
111 La décision MB/D/29/2010 modifiée prévoit que le droit administratif s’élève, pour une grande entreprise, à 19 900 euros ou à 2,5 fois le gain financier réalisé par l’entreprise en soumettant une déclaration erronée. Entre ces deux montants, celui qui est le plus bas doit être retenu pour être acquitté par l’entreprise concernée.
112 C’est sur le fondement de la décision MB/D/29/2010 modifiée qu’a été adoptée la décision attaquée.
113 De ces éléments, il apparaît que la décision MB/D/29/2010 modifiée, dont la portée est mise en cause par la requérante, a été adoptée en application d’une habilitation conférée par l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 340/2008.
114 La décision MB/D/29/2010 modifiée doit être prise en compte, selon le règlement n° 340/2008, dans la détermination du montant à payer par l’entreprise au titre du droit administratif.
115 Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’indique la requérante, la décision MB/D/29/2010 modifiée pouvait être utilisée pour calculer le montant du droit administratif à payer par elle et que l’acte adopté par l’ECHA contre elle ne présente à cet égard aucun vice de légalité.
116 Par suite, il convient de rejeter la première branche du quatrième moyen comme étant non fondée.
2) Sur la seconde branche, concernant les critères retenus pour le calcul du montant du droit administratif
117 La requérante soutient que le montant du droit administratif doit correspondre aux coûts qui ont été effectivement supportés par l’ECHA pour effectuer la vérification de la taille de l’entreprise. En réclamant un montant supérieur à ces coûts, l’ECHA commettrait un excès de pouvoir.
118 L’ECHA allègue que le droit administratif imposé aux entreprises peut avoir pour objet de couvrir les coûts afférents à la gestion générale du système de vérification, sans être limité aux frais encourus pour la vérification d’une entreprise en particulier.
119 L’ECHA explique que le montant du droit à acquitter est calculé en fonction de la charge de travail estimée pour l’ensemble des procédures de vérification qu’elle prévoit de mettre en œuvre. Ce calcul se fonderait sur des critères objectifs. Il s’ensuivrait que le droit administratif ne serait ni excessif, ni arbitraire.
120 À cet égard, il convient de relever que, à supposer que l’argument de la requérante puisse être interprété comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de la décision MB/D/29/2010 modifiée, il serait en tout état de cause non fondé.
121 En effet, le règlement n° 340/2008 ne précise pas comment le montant du droit administratif doit être calculé et indique seulement, à l’article 11, paragraphe 5, que ledit montant doit être fixé par le conseil d’administration de l’ECHA après avoir reçu un avis favorable de la Commission.
122 Il découle de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 340/2008 que le mode de calcul à utiliser pour établir le montant dû par les entreprises au titre du droit administratif peut être fixé par l’ECHA. La compétence accordée à cette autorité sur ce point est toutefois encadrée de deux manières. Tout d’abord, elle doit obtenir l’avis favorable de la Commission. En outre, les décisions prises par elle dans ce cadre doivent être conformes au droit de l’Union et en particulier aux
règlements applicables à la matière visée.
123 Or, le règlement n° 340/2008 précise, comme indiqué au point 61 ci-dessus, la finalité assignée au droit administratif, qui est de décourager les entreprises de fournir des déclarations erronées.
124 Par ailleurs, la fixation du montant du droit administratif en fonction des coûts de vérification ne signifie pas qu’il doit y avoir une corrélation exacte entre le montant du droit administratif imposé à une entreprise et les coûts effectivement encourus par l’ECHA pour la vérification de la taille de cette entreprise particulière. Pour peu qu’il vise à assurer la finalité assignée au droit administratif et qu’il respecte par ailleurs le droit de l’Union, le calcul du montant de ce
droit peut être fondé sur une estimation des coûts généraux supportés par cette autorité pour ses activités de vérification considérées dans leur ensemble.
125 Comme le relève l’ECHA, cette méthode de calcul permet de garantir une certaine efficacité administrative ainsi que le requiert le considérant 15 du règlement n° 1907/2006, selon lequel « il est nécessaire d’assurer une gestion efficace des aspects techniques, scientifiques et administratifs du présent règlement au niveau [de l’Union] ».
126 Exiger de l’ECHA qu’elle fournisse une grille détaillée des coûts supportés pour chaque procédure de vérification impliquerait, comme l’indique l’ECHA, qu’elle consacrât du temps et des ressources excessives pour le suivi du temps investi dans chaque dossier – ce qui conduirait à l’augmentation du coût des procédures et à une perte d’efficacité.
127 Par ailleurs, la méthode de calcul retenue par l’ECHA assure l’égalité de traitement entre les entreprises imposées. En effet, étant fondée sur les coûts généraux de vérification, cette méthode assure que les entreprises se trouvant dans une même catégorie sont traitées de la même manière.
128 Enfin, la méthode suivie par l’ECHA permet de connaître le montant du droit administratif à l’avance. Or, la connaissance préalable du montant du droit administratif participe à la finalité de ce droit, qui, comme l’indique le considérant 11 du règlement n° 340/2008, est de décourager les entreprises de transmettre de fausses informations concernant leur taille.
129 Il convient d’ajouter que la liberté de choisir la méthode de calcul du droit administratif ne dispense pas l’ECHA de l’obligation de fonder ce calcul sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 juillet 2011, Telefónica de España, C‑284/10, EU:C:2011:513, point 26).
130 En l’espèce, la requérante soutient que certains frais inclus dans les estimations de l’ECHA ne sont pas liés à la procédure de vérification. Il en serait ainsi des coûts liés aux rémunérations des agents qui sont employés pour réaliser les vérifications. Il en irait de même pour les coûts engendrés par des « contrôles positifs », c’est-à-dire des contrôles au cours desquels l’autorité constate que l’entreprise contrôlée avait correctement déclaré sa taille.
131 À cet égard, il convient de relever que, comme il a été indiqué au point 124 ci-dessus, l’ECHA a la possibilité de déterminer la méthode à utiliser pour le calcul des droits administratifs à la condition de respecter le droit de l’Union et de fixer cette méthode en conformité avec la finalité de ce droit, qui est de décourager la fourniture d’informations erronées.
132 Au regard de ces exigences, il est légitime que l’ECHA ait inclus dans les coûts de vérification la rémunération des agents qu’elle affecte à cette tâche et qu’elle ait considéré que les recherches conduisant à confirmer les déclarations fournies par certaines entreprises faisaient partie des activités de vérification à prendre en compte pour le calcul des droits.
133 La requérante conteste enfin que le coût moyen de vérification d’une entreprise estimé par l’ECHA ait été retenu comme montant dû par les moyennes entreprises. Selon elle, l’ECHA aurait dû appliquer ce montant aux grandes entreprises et le diminuer pour les moyennes et les petites entreprises.
134 À cet égard, il convient de relever que, selon l’ECHA, le coût moyen de vérification d’une entreprise a été évalué à 14 500 euros, sur la base d’une enquête effectuée en 2010.
135 Dans la décision MB/D/29/2010, fixant le montant des droits administratifs, le conseil d’administration de l’ECHA a décidé que ce coût moyen constituerait le montant à payer au titre du droit administratif par les moyennes entreprises. Ledit montant a été réduit à 8 300 euros pour les petites entreprises et a été augmenté pour atteindre 20 700 euros pour les grandes entreprises. En 2012, le coût moyen de vérification par entreprise a été réévalué, ce qui a entraîné une légère diminution
du montant du droit administratif pour les trois catégories d’entreprises par la décision MB/21/2012.
136 La décision de l’ECHA d’appliquer le coût moyen estimé au montant dû par les moyennes entreprises est de nature à permettre de récupérer l’intégralité des coûts encourus au titre de la vérification en ventilant ces coûts entre trois catégories d’entreprises sans chercher à obtenir des fonds supérieurs aux dépenses exposées.
137 Cet objectif de récupération n’aurait pu être poursuivi si, comme le demande la requérante, l’ECHA avait appliqué le coût moyen estimé aux grandes entreprises et réduit ce montant pour les moyennes et pour les petites entreprises. L’ECHA aurait couru le risque que les droits administratifs perçus aient été insuffisants pour couvrir l’ensemble des dépenses exposées au titre de la récupération, ce qui aurait été à l’encontre de la contrainte d’efficacité imposée à cette agence par les
règlements applicables.
138 Compte tenu de ce qui précède, aucun élément ne permet de considérer que l’ECHA a commis un excès de pouvoir en fixant le montant du droit administratif en fonction des coûts prévisionnels relatifs à l’ensemble des procédures de vérification.
139 Il convient, par conséquent, de rejeter la seconde branche du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble comme étant non fondé.
e) Sur le cinquième moyen, relatif à la violation du principe d’égalité
140 Selon la requérante, la charge de travail de l’ECHA est la même que l’entreprise contrôlée soit petite, moyenne ou grande. Par conséquent, la variation du droit administratif en fonction de la taille de l’entreprise entraînerait une violation du principe d’égalité. Elle irait par ailleurs à l’encontre de l’article 5 du code européen de bonne conduite administrative, approuvé par résolution du Parlement européen du 6 septembre 2001 (JO 2002, C 72 E, p. 331).
141 À cet égard, il convient de relever que, à supposer que le moyen puisse être interprété comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de la décision MB/D/29/2010 modifiée, il serait en tout état de cause non fondé.
142 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le code européen de bonne conduite administrative n’est pas un texte juridiquement contraignant et qu’il ne crée aucun droit dont la requérante pourrait se prévaloir à l’appui du recours (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2015, Synergy Hellas/Commission, T‑106/13, EU:T:2015:860, point 139).
143 Par ailleurs, il convient de souligner que l’égalité de traitement est un principe général du droit de l’Union, consacré aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
144 Selon ce principe, des situations comparables ne peuvent être traitées de manière différente et des situations différentes ne peuvent être traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51).
145 Contrairement à ce que soutient la requérante, les grandes, les moyennes et les petites entreprises ne se trouvent pas dans des situations comparables lorsqu’il s’agit de leur imposer un droit administratif.
146 Aux termes de la réglementation applicable, la taille de l’entreprise constitue un critère pertinent afin de fixer le montant du droit administratif. Selon le considérant 11 du règlement n° 340/2008, l’imposition du droit administratif a pour objectif de décourager la transmission de fausses informations par les entreprises. Or, la nécessité d’avoir un effet dissuasif peut impliquer de tenir compte de la taille réelle des entreprises déclarantes et donc de leur capacité contributive
(voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA, T‑392/13, EU:T:2016:478, point 113).
147 Par ailleurs, le fait que des droits administratifs de montants différents soient imposés selon la taille de l’entreprise permet de tenir compte de la situation particulière des PME. Or, l’un des objectifs du règlement n° 1907/2006 est de tenir compte de la situation particulière des PME, ainsi que cela résulte notamment du considérant 8 et de l’article 74, paragraphe 3, dudit règlement. Par ailleurs, et plus spécifiquement, le considérant 9 du règlement n° 340/2008 indique que « [d]es
redevances et des droits réduits doivent […] s’appliquer aux [PME] ». Cet objectif peut se traduire par l’imposition d’un droit administratif moins élevé pour ces entreprises.
148 Au regard de ces considérations, il convient de rejeter le cinquième moyen soulevé par la requérante et, partant, les conclusions à fin d’annulation de la décision attaquée.
2. Sur les conclusions en annulation de la facture attaquée
149 Par le deuxième chef de conclusions, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la facture attaquée.
150 À l’encontre de ce chef de conclusions, l’ECHA soulève une fin de non-recevoir au motif que la facture attaquée ne constituerait pas un acte attaquable.
151 À cet égard, il convient de relever que les moyens, branches et arguments soulevés par la requérante en ce qui concerne la facture attaquée se confondent avec ceux avancés au soutien du premier chef de conclusions. En l’espèce, les motifs qui ont été développés pour rejeter le premier chef de conclusions conduisent au même résultat en ce qui concerne les conclusions dirigées contre la facture attaquée. Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions doit également être rejeté, en tout
état de cause, sans qu’il soit nécessaire de prendre position sur sa recevabilité. Par suite, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.
IV. Sur les dépens
152 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) EDF Toruń S.A. est condamnée aux dépens.
Pelikánová Nihoul Svenningsen
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juillet 2017.
Signatures
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* Langue de procédure : le polonais.