ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)
21 juin 2017 ( *1 )
«Recours en annulation — Règlement (UE, Euratom) no 883/2013 — Enquête externe de l’OLAF — Rapport et recommandations — Actes non susceptibles de recours — Irrecevabilité»
Dans l’affaire T‑289/16,
Inox Mare Srl, établie à Rimini (Italie), représentée par Me R. Holzeisen, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée initialement par MM. J. Baquero Cruz, D. Nardi et Mme L. Grønfeldt, puis par MM. Baquero Cruz et Nardi, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du rapport final de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) relatif à l’enquête externe OF/2013/0086/B1 [THOR(2015) 40189 du 26 novembre 2015], de la recommandation du directeur général de l’OLAF s’y référant [THOR(2015) 42057 du 9 décembre 2015] et des actes préalables et strictement connexes de l’OLAF,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige
1 La requérante, Inox Mare Srl, est une société de capitaux de droit italien qui importe et commercialise dans l’Union européenne des produits de fixation en acier inoxydable. Entre 2010 et 2012, la requérante aurait acheté d’énormes quantités de produits de fixation en acier inoxydable originaires des Philippines.
2 À partir du mois de mars 2013, l’Agenzia delle Dogane e dei Monopoli (Agence des douanes et des monopoles, Italie), en se fondant sur des informations transmises par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) dans le cadre de l’enquête OF/2013/0086/B1, a notifié à la requérante, par le biais de cinq de ses bureaux périphériques, 42 procès-verbaux de constatation de contournement de droits de douane, suivis de 43 avis de recouvrement et de 43 décisions d’application de pénalités pour un montant
total de plus de 8,5 millions d’euros.
3 Le 25 mars 2016, dans le cadre d’une procédure l’opposant à l’un des services périphériques de l’Agence des douanes et des monopoles, la requérante a eu connaissance, en tant que documents joints aux mémoires de cette agence, du rapport final de l’OLAF relatif à l’enquête externe OF/2013/0086/B1 [THOR(2015) 40189 du 26 novembre 2015] (ci-après le « rapport du 26 novembre 2015 ») et de la recommandation du directeur général de l’OLAF s’y référant [THOR(2015) 42057 du 9 décembre 2015] (ci-après la
« recommandation du 9 décembre 2015 ») (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).
4 Le rapport du 26 novembre 2015 indique que des produits de fixation en acier inoxydable importés dans sept États membres en tant que produits originaires des Philippines, pays bénéficiant d’un traitement douanier préférentiel, auraient été en réalité originaires de Taïwan, pays sujet à des droits de douane et à des mesures antidumping. Le rapport du 26 novembre 2015 conclut au fait que des droits à l’importation relatifs à ces produits, pour un montant estimé à environ 19,2 millions d’euros, dont
environ 5,6 millions d’euros en Italie, n’auraient pas été payés et pourraient être récupérés.
5 Par la recommandation du 9 décembre 2015, le directeur général de l’OLAF recommande à l’Agence des douanes et des monopoles de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer le recouvrement du montant d’environ 5,6 millions d’euros indiqué dans le rapport du 26 novembre 2015 et de prévenir tout autre préjudice au budget de l’Union. Enfin, il lui demande par ladite recommandation d’informer l’OLAF des éventuelles actions ou décisions prises.
Procédure et conclusions des parties
6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 2016, la requérante a introduit le présent recours, tendant à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler les actes attaqués et les « actes préalables et strictement connexes de l’OLAF » ;
— condamner la Commission européenne aux dépens.
7 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 13 juillet 2016, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, tendant à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours comme irrecevable ;
— condamner la requérante aux dépens.
8 La requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 25 août 2016 dans lesquelles elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission comme non fondée.
En droit
9 En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.
10 La Commission fait valoir que les actes attaqués ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours de la part de la requérante en vertu de l’article 263 TFUE, puisqu’un rapport établi par l’OLAF à l’issue d’une enquête et une recommandation du directeur général de l’OLAF s’y référant ne produisent pas des effets juridiques obligatoires, même à l’égard des personnes qui y sont citées, ce qui, d’ailleurs, ne serait pas le cas de la requérante en l’espèce.
11 La requérante conteste les arguments de la Commission. Elle soutient que les autorités douanières italiennes sont liées par le contenu des actes attaqués et agissent en qualité de simple percepteur des droits de douane, sans aucune marge d’appréciation.
12 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 263, premier alinéa, TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne contrôle la légalité des actes destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers.
13 Selon une jurisprudence constante de la Cour, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40,
point 51).
14 S’agissant des actes de l’OLAF, en premier lieu, il ressort de la jurisprudence du Tribunal élaborée à l’égard du règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF (JO 1999, L 136, p. 1), que le rapport que l’OLAF établit au terme de ses enquêtes externes et internes ne modifie pas de façon caractérisée la situation juridique des personnes qui y sont nommées (arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03,
EU:T:2006:110, point 48 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 22 juin 2015, In vivo/Commission, T‑690/13, non publiée, EU:T:2015:519, point 24). Il ressort de la même jurisprudence que le caractère final du rapport de l’OLAF au regard de la procédure qui régit les enquêtes de cet office ne lui confère pas davantage la nature d’un acte produisant des effets juridiques obligatoires (arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 49).
15 À cet égard, selon la jurisprudence constante du Tribunal, il découle des dispositions du règlement no 1073/1999, et en particulier du considérant 13 et de l’article 9 de ce règlement, que les conclusions de l’OLAF figurant dans un rapport final ne sauraient aboutir d’une manière automatique à l’ouverture de procédures judiciaires ou disciplinaires, dès lors que les autorités compétentes sont libres de décider de la suite à donner au rapport final et sont donc les seules autorités à pouvoir
arrêter des décisions susceptibles d’affecter la situation juridique des personnes à l’endroit desquelles le rapport aurait recommandé l’engagement de telles procédures (voir arrêts du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 51 et jurisprudence citée, et du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 69 et jurisprudence citée). Si l’OLAF peut, dans ses rapports, recommander l’adoption d’actes dotés d’effets juridiques obligatoires faisant grief
aux personnes concernées, l’avis qu’il soumet à cet égard n’emporte aucune obligation, même procédurale, pour les autorités auxquelles il est destiné (arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 50).
16 De même, selon la jurisprudence, la transmission d’informations par l’OLAF aux autorités nationales ne saurait être considérée comme un acte faisant grief, dès lors qu’elle ne modifie pas de façon caractérisée la situation juridique de l’intéressé, les autorités judiciaires nationales demeurant libres, conformément à l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999, d’apprécier dans le cadre de leurs pouvoirs propres le contenu et la portée desdites informations et, partant, les suites qu’il
convient d’y donner (voir arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 47 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 22 juin 2015, In vivo/Commission, T‑690/13, non publiée, EU:T:2015:519, point 24). Par conséquent, l’éventuelle ouverture d’une procédure judiciaire à la suite de la transmission d’informations par l’OLAF ainsi que les actes juridiques subséquents relèvent de la seule et entière responsabilité des autorités nationales
(arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 70).
17 En second lieu, les principes résultant de la jurisprudence rappelée aux points 14 à 16 ci-dessus demeurent applicables au cadre juridique relatif aux enquêtes externes de l’OLAF résultant du nouveau règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement no 1073/1999 et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1).
18 En effet, il ressort du considérant 31 du règlement no 883/2013 que, ainsi que le prévoyait le considérant 13 du règlement no 1073/1999, il incombe aux autorités compétentes des États membres de décider des suites à donner aux enquêtes terminées sur le fondement des rapports d’enquête finaux établis par l’OLAF. En outre, il ressort du considérant 32 du même règlement que les autorités compétentes des États membres devraient informer l’OLAF, à sa demande, des « suites éventuelles » données aux
informations qu’il leur a transmises.
19 De plus, l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 883/2013 dispose tout d’abord que, à l’issue d’une enquête effectuée par l’OLAF, un rapport est établi sous l’autorité du directeur général, lequel fait le point, notamment, sur la procédure, sur les faits constatés, leur qualification juridique préliminaire et leur incidence financière estimée ainsi que sur les conclusions de l’enquête. L’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, du même règlement précise également que « [l]e
rapport est accompagné des recommandations du directeur général sur les suites qu’il convient ou non de donner à l’enquête » et l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement indique que les rapports constituent, au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux, des éléments de preuve recevables dans les procédures administratives ou judiciaires de l’État membre où leur utilisation s’avère nécessaire, qu’ils sont soumis
aux mêmes règles d’appréciation que celles applicables auxdits rapports administratifs et qu’ils ont la même force probante que ceux-ci. L’article 11, paragraphe 3, du même règlement dispose ensuite que les rapports et les recommandations élaborés à la suite d’une enquête externe sont transmis aux autorités compétentes des États membres concernés et, s’il y a lieu, aux services compétents de la Commission. Enfin, l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 883/2013 dispose que, à la demande de
l’OLAF, les autorités compétentes des États membres concernés lui envoient, en temps utile, des informations sur « les suites éventuellement données » aux recommandations transmises à la suite d’une enquête externe.
20 D’une part, il ressort des dispositions de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 883/2013 que les rapports de l’OLAF ne constituent que des éléments de preuve susceptibles d’être utilisés dans les procédures administratives ou judiciaires nationales, qu’ils sont à apprécier selon les règles établies en matière de preuve dans le droit national et qu’ils ont la force probante établie par ledit droit national. Il ne s’agit donc pas d’actes qui, en vertu du règlement no 883/2013, font grief, en
tant que tels, aux personnes qui y sont nommées.
21 D’autre part, en vertu des dispositions de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 883/2013, la transmission du rapport et des recommandations aux autorités nationales compétentes n’est pas assortie d’obligations quant aux suites que lesdites autorités devraient donner aux actes en cause à l’égard des personnes qui y sont nommées. Si l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 883/2013, tel qu’invoqué par la requérante, prévoit, certes, que les autorités nationales sont tenues d’informer
l’OLAF, à sa demande, des suites données à ses recommandations, il n’en demeure pas moins que, selon le libellé de cette même disposition, lesdites suites ne sont pas obligatoires mais « éventuelles ».
22 Il découle donc des dispositions du règlement no 883/2013, et en particulier du considérant 31 et de l’article 11 de ce règlement, que, ainsi qu’indiqué dans la jurisprudence rappelée au point 15 ci-dessus, le rapport et les recommandations établies par l’OLAF à la suite d’une enquête externe et transmises aux autorités compétentes des États membres concernés ne sauraient aboutir d’une manière automatique à l’ouverture d’une procédure administrative ou judiciaire à l’échelle nationale ni, a
fortiori, à l’adoption d’actes juridiques subséquents. En effet, il incombe aux autorités nationales de décider des suites à leur donner et ces dernières sont donc les seules autorités à pouvoir arrêter des décisions susceptibles d’affecter la situation juridique des personnes à l’endroit desquelles l’OLAF aurait recommandé l’engagement de telles procédures.
23 Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance, invoquée par la requérante, que l’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 883/2013 dispose que les recommandations établies par l’OLAF « indiquent, le cas échéant, les mesures disciplinaires, administratives, financières et/ou judiciaires que doivent prendre […] les autorités compétentes des États membres concernés ».
24 En effet, il y a lieu de relever que l’expression « doivent prendre », qui figure dans la version française de l’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 883/2013 ainsi qu’en substance dans la version italienne (devono adottare), ne figure pas dans d’autres versions linguistiques de cette même disposition, telles que les versions anglaise, allemande, bulgare, grecque ou portugaise.
25 Il y a lieu de rappeler que toutes les versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union doivent, par principe, se voir reconnaître la même valeur. Afin de préserver l’unité d’interprétation du droit de l’Union, il importe dès lors, en cas de divergences entre ces versions, d’interpréter la disposition concernée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêt du 20 septembre 2012, Hongrie/Commission, T‑89/10, non publié,
EU:T:2012:451, point 43 et jurisprudence citée).
26 Or, en l’espèce, tout d’abord, force est de constater que l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 ne porte pas sur les effets, mais uniquement sur le contenu du rapport et des recommandations. Ainsi, notamment, dans la version anglaise de cette disposition, le terme « shall » se réfère expressément au contenu des recommandations (shall […] indicate). Ensuite, ce sont les paragraphes 3 et 6 de l’article 11 du règlement no 883/2013 qui régissent, respectivement, la transmission du
rapport et des recommandations aux autorités nationales compétentes et le suivi de cette transmission. Ces dispositions ne prévoient pas d’obligations quant aux suites que lesdites autorités devraient donner aux actes en question à l’égard des personnes qui y sont nommées. Enfin, il y a lieu de rappeler qu’il ressort du considérant 31 du règlement no 883/2013 qu’il appartient aux autorités nationales de décider des suites à donner aux rapports de l’OLAF.
27 Par conséquent, en considération de l’économie générale et de la finalité de la réglementation en cause, l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 ne saurait être interprété dans le sens qu’il emporte des obligations pour les autorités nationales destinataires du rapport et des recommandations de l’OLAF quant aux suites que lesdites autorités devraient donner aux actes en question à l’égard des personnes qui y sont nommées.
28 En conclusion, la jurisprudence constante du Tribunal relative aux actes de l’OLAF et les dispositions pertinentes du règlement no 883/2013 démontrent que les actes attaqués ne produisent aucun effet juridique obligatoire de nature à modifier de façon caractérisée la situation juridique de la requérante au sens de la jurisprudence rappelée au point 13 ci-dessus, dès lors qu’il appartient aux autorités nationales de décider, dans l’exercice de leurs compétences propres, des suites qu’il convient
de donner au rapport du 26 novembre 2015 et, en particulier, à la recommandation du 9 décembre 2015.
29 La même conclusion s’impose à l’égard des « actes préalables et strictement connexes de l’OLAF », à savoir, tels qu’indiqués dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, des « informations intermédiaires visées à l’article 12 du [règlement no 883/2013] » que l’OLAF aurait transmises aux autorités douanières italiennes. En effet, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si le recours a été régulièrement dirigé à leur égard, ce qui est contesté par la Commission,
il convient de rappeler que, en tout état de cause, la transmission d’informations par l’OLAF aux autorités nationales ne saurait être considérée comme un acte faisant grief, puisque, en vertu de l’article 12 du règlement no 883/2013, il incombe aux autorités recevant des informations de l’OLAF d’apprécier, dans le cadre de leurs pouvoirs propres, le contenu et la portée desdites informations et, partant, les suites qu’il convient d’y donner (voir, par analogie, arrêt du 20 mai 2010,
Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 47 et jurisprudence citée, et ordonnance du 22 juin 2015, In vivo/Commission, T‑690/13, non publiée, EU:T:2015:519, point 24).
30 Même à supposer que, en l’espèce, les autorités douanières italiennes ayant notifié à la requérante les actes douaniers mentionnés au point 2 ci-dessus se soient effectivement fondées sur les informations intermédiaires visées au point 29 ci-dessus, voire, après en avoir eu connaissance, sur le rapport du 26 novembre 2015 ou sur la recommandation du 9 décembre 2015, cette circonstance n’implique pas pour autant que les actes de l’OLAF produiraient des effets juridiques obligatoires, puisque les
actes douaniers mentionnés au point 2 ci-dessus n’ont pas découlé automatiquement desdits actes de l’OLAF, mais ont été décidés par les autorités douanières italiennes dans le cadre de leurs compétences propres.
31 Aucun des arguments avancés par la requérante n’est susceptible de remettre en cause ces conclusions.
32 Premièrement, la requérante argue que les actes attaqués excluraient son droit à ce que l’Agence des douanes et des monopoles procède, en application des articles 116 à 121 du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes de l’Union »), au remboursement ou à la remise en sa faveur de droits à l’importation. De même, elle soutient que les actes attaqués léseraient
son droit à se faire enregistrer, en application des articles 38 et 39 du code des douanes de l’Union, en tant qu’opérateur économique agréé.
33 Ces arguments ne sauraient être retenus, puisque, à la lumière des constatations opérées au point 22 ci-dessus, le rapport du 26 novembre 2015 et les recommandations du 9 décembre 2015 n’emportent aucune obligation automatique pour les autorités nationales d’adopter une mesure donnée à l’encontre de la requérante et qu’il appartient à ces seules autorités de décider, dans l’exercice de leurs compétences propres, des suites qu’il convient d’y donner, y inclus en matière douanière.
34 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante du Tribunal que l’application du droit matériel douanier de l’Union, y compris l’adoption de décisions exigeant le paiement a posteriori des droits non perçus, relève de la compétence exclusive des autorités douanières nationales. Les décisions adoptées par ces autorités, en application de ce droit, peuvent être attaquées devant les juridictions nationales, ces dernières pouvant saisir la Cour en vertu de
l’article 267 TFUE (arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency/Commission, T‑576/11, EU:T:2015:206, point 49 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2013, Wünsche Handelsgesellschaft International/Commission, T‑147/12, non publié, EU:T:2013:587, points 24 et 25 et jurisprudence citée).
35 En particulier, s’agissant, d’une part, d’une éventuelle demande de remboursement ou de remise de droits à l’importation, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que les autorités douanières nationales exercent une appréciation propre sur les demandes présentées par chaque importateur, afin de prendre en compte toute particularité, de fait ou de droit, de nature à caractériser la situation spécifique de chaque opérateur (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2015, Vestel Iberia et
Makro autoservicio mayorista/Commission, T‑249/12 et T‑269/12, non publié, EU:T:2015:150, points 79 à 82).
36 S’agissant, d’autre part, d’une éventuelle demande d’octroi du statut d’opérateur économique agréé, il ne découle nullement des articles 38 et 39 du code des douanes de l’Union ni de l’article 24 du règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 558, ci-après le « règlement d’exécution »), que, en l’espèce, en vertu des actes attaqués, la requérante
devrait automatiquement être considérée comme ne satisfaisant pas au critère, mentionné à l’article 39, sous a), du code des douanes de l’Union, relatif à l’absence d’infractions graves ou répétées à la législation douanière et aux dispositions fiscales et d’infractions pénales graves liées à l’activité économique du demandeur.
37 En effet, en vertu de l’article 29, paragraphe 4, du règlement d’exécution, il incombe à l’autorité douanière nationale d’examiner si les critères énoncés à l’article 39 du code des douanes de l’Union sont satisfaits. À cette fin, elle dispose d’un pouvoir d’appréciation propre, lui permettant, notamment, de prendre en compte les « caractéristiques spécifiques des opérateurs économiques, en particulier des petites et moyennes entreprises ». L’autorité douanière nationale peut également
considérer, en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement d’exécution, concernant le critère mentionné à l’article 39, sous a), du code des douanes de l’Union, qu’« une infraction est de moindre importance par rapport au nombre ou à l’ampleur des opérations concernées » et prendre en compte le fait qu’elle « ne nourrit aucun doute sur la bonne foi du demandeur ».
38 Par conséquent, dès lors qu’il incombe aux autorités douanières italiennes d’appliquer le droit douanier de l’Union et, notamment, de porter leur appréciation sur une éventuelle demande de remboursement ou de remise présentée par la requérante ainsi que sur une éventuelle demande d’octroi du statut d’opérateur économique agréé, les actes attaqués ne préjugent nullement l’exercice dudit pouvoir d’appréciation.
39 Deuxièmement, la requérante allègue que, si son recours devait être considéré comme étant irrecevable, elle serait privée d’une protection juridictionnelle effective, la possibilité d’un renvoi préjudiciel étant incertaine et hypothétique.
40 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 22 ci-dessus, il incombe aux autorités nationales de décider des suites à réserver aux recommandations qui leur sont transmises par l’OLAF. Il leur incombe ainsi de vérifier elles-mêmes si les informations reçues justifient ou exigent que des poursuites soient engagées. En conséquence, la protection juridictionnelle contre de telles poursuites doit être assurée à l’échelle nationale avec toutes les garanties prévues par
le droit interne, y compris celles qui découlent des droits fondamentaux, qui, faisant partie intégrante des principes généraux du droit de l’Union, doivent également être respectées par les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre une réglementation de l’Union. Dans le cadre d’un recours introduit à l’échelle nationale, la juridiction saisie a la possibilité, voire dans certains cas l’obligation, par la voie d’une demande de décision préjudicielle adressée à la Cour sur le fondement de
l’article 267 TFUE, d’interroger cette dernière, le cas échéant à l’instigation des parties, sur l’interprétation des dispositions du droit de l’Union qu’elle estime nécessaire pour rendre son jugement [voir, en ce sens, ordonnance du 19 avril 2005, Tillack/Commission, C‑521/04 P(R), EU:C:2005:240, points 38 et 39, et arrêt du 20 juillet 2016, Oikonomopoulos/Commission, T‑483/13, EU:T:2016:421, points 28 et 32].
41 En outre, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré, en substance, de la supposée ineffectivité relative du renvoi préjudiciel en l’espèce au regard du recours direct en annulation, il convient de rappeler qu’une telle allégation, à la supposer établie, ne saurait autoriser le Tribunal à se substituer au pouvoir constituant de l’Union en vue de procéder à une modification du système des voies de recours et des procédures établi par les traités et destiné à confier à la Cour et au
Tribunal le contrôle de la légalité des actes des institutions. En aucun cas elle ne permet de rendre attaquables des actes qui ne le sont pas faute de produire des effets juridiques obligatoires au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 27 juin 2000, Salamander e.a./Parlement et Conseil, T‑172/98 et T‑175/98 à T‑177/98, EU:T:2000:168, point 75 et jurisprudence citée, et ordonnance du 12 janvier 2007, SPM/Commission, T‑447/05, EU:T:2007:3, point 82 et
jurisprudence citée).
42 Troisièmement, s’agissant des prétendues violations commises par l’OLAF des règles procédurales, du droit à la preuve et au contradictoire ainsi que des droits fondamentaux et du droit de la requérante à une protection juridictionnelle contre les actes d’instruction illégaux, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, invoquées dans le cadre d’un recours en annulation, des irrégularités procédurales, dont il serait soutenu, comme en l’espèce, qu’elles auraient entaché un
rapport d’enquête de l’OLAF, ne sauraient conférer audit rapport le caractère d’acte faisant grief. En effet, de telles méconnaissances ne peuvent être contestées qu’à l’appui d’un recours dirigé contre un acte attaquable ultérieur, dans la mesure où elles auraient influencé son contenu, et non de façon indépendante d’un tel acte (voir arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 55 et jurisprudence citée).
43 En outre, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que la gravité d’un prétendu manquement de l’institution concernée ou l’importance de l’atteinte qui en découlerait quant au respect des droits fondamentaux ne permet pas d’écarter l’application des fins de non-recevoir d’ordre public prévues par le traité et de rendre attaquables des actes qui ne le sont pas faute de produire des effets juridiques obligatoires. En effet, le caractère attaquable d’un acte ne saurait se déduire de
son illégalité éventuelle (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2003, Philip Morris International/Commission, T‑377/00, T‑379/00, T‑380/00, T‑260/01 et T‑272/01, EU:T:2003:6, point 87).
44 Quatrièmement, la requérante allègue que les informations transmises par l’OLAF à l’Agence des douanes et des monopoles lui ont causé un préjudice moral, par le biais de certains communiqués de presse de ladite agence et d’articles de presse s’y référant. Or, même à supposer que de tels éléments soient susceptibles de constituer un préjudice, ils ne sauraient toutefois conférer au rapport du 26 novembre 2015 et à la recommandation du 9 décembre 2015 le caractère d’actes faisant grief au sens de
l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 56).
45 Cinquièmement, la solution retenue dans l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172), invoquée par la requérante pour étayer la conclusion selon laquelle le rapport du 26 novembre 2015 et la recommandation du 9 décembre 2015 seraient des actes attaquables, n’est pas transposable en l’espèce, au regard notamment des caractéristiques des actes qui étaient en cause.
46 En effet, d’une part, il convient de rappeler qu’il ressort des points 21 à 27 et 53 de l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172), que l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance concernait des actes adoptés au terme d’une « procédure spéciale » visant à l’inscription d’une entité dans une liste d’alerte et, plus précisément, la demande de l’OLAF au comptable de la Commission d’activer le signalement d’une entité dans le système d’alerte précoce (SAP) et
l’activation du signalement elle-même par le comptable de la Commission. D’autre part, il ressort des points 47 et 48 de ladite ordonnance que lesdits actes produisaient des effets qui modifiaient de façon caractérisée la situation juridique de l’entité inscrite sur la liste d’alerte, dès lors que, suivant l’activation du signalement, afin d’obtenir l’engagement de ressources financières de l’Union, elle était obligée de se conformer à des conditions ou à des mesures de prudence accrues imposées
par les ordonnateurs concernés.
47 Or, en l’espèce, les actes attaqués de l’OLAF ne lient pas les autorités qui en sont les destinataires et ne modifient pas de façon caractérisée la situation juridique de la requérante quant aux conséquences que lesdites autorités devraient en tirer.
48 Sixièmement, la jurisprudence citée par la requérante pour démontrer l’absence de pouvoir d’appréciation des autorités douanières italiennes, à savoir les arrêts du 23 novembre 1971, Bock/Commission (62/70, EU:C:1971:108), et du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18), n’est pas transposable en l’espèce.
49 En effet, il convient de relever qu’il ressort des points 3 à 11 de l’arrêt du 23 novembre 1971, Bock/Commission (62/70, EU:C:1971:108), et des points 2 à 32 de l’arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18), que ces arrêts ne concernent pas la question de savoir si les actes qui étaient en cause produisaient des effets juridiques obligatoires au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE, mais celle de savoir si les parties requérantes étaient directement et
individuellement concernées par lesdits actes au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
50 En tout état de cause, il convient d’observer que, aux points 23 et 26 de l’ordonnance du 6 mars 2014, Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission (C‑248/12 P, non publiée, EU:C:2014:137), la Cour elle-même a constaté que la solution consacrée dans l’arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18), s’expliquait par les situations spécifiques au regard desquelles elle avait été rendue et que cela ressortait des termes mêmes de cet
arrêt.
51 À ce titre, il suffit de rappeler que tant l’arrêt du 23 novembre 1971, Bock/Commission (62/70, EU:C:1971:108), que l’arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18), concernaient des cas particuliers où la Commission avait autorisé, à la demande d’un État membre, l’adoption par ce dernier de mesures de sauvegarde. Dans ces circonstances, il ne fait aucun doute que l’État membre ayant demandé de telles mesures y donnera suite pour en tirer toutes les conséquences
(voir ordonnance du 8 juillet 2004, Regione Siciliana/Commission, T‑341/02, EU:T:2004:228, point 79). Ces circonstances n’existent cependant pas en l’espèce.
52 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les actes attaqués et, en tout état de cause, les « actes préalables et strictement connexes de l’OLAF », étant dépourvus d’effets juridiques obligatoires, ne sauraient être considérés comme des actes attaquables au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE.
53 Partant, le présent recours doit être rejeté comme irrecevable.
Sur les dépens
54 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Inox Mare Srl supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
Fait à Luxembourg, le 21 juin 2017.
Le greffier
E. Coulon
Le président
V. Tomljenović
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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.