ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
5 avril 2017 (*)
« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant deux lignes formant un angle aigu – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »
Dans l’affaire T‑291/16,
Anta (China) Co. Ltd, établie à Jinjiang City (Chine), représentée par M^es A. Franke et K. Hammerstingl, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 9 mars 2016 (affaire R 1292/2015-5), concernant une demande d’enregistrement d’un signe figuratif représentant deux lignes formant un angle aigu comme marque de l’Union européenne,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz et M^me N. Półtorak (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 2016,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 août 2016,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 17 décembre 2014, la requérante, Anta (China) Co. Ltd, a présenté une demande de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque figurative suivante :
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3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :
– classe 18 : « Cuir et imitations du cuir ; fourrures et peaux d’animaux ; sacs de voyage, sacs à main ; cartables, sacs à dos ; porte-documents, mallettes pour documents ; portefeuilles ; étuis à clés (maroquinerie) ; sacs (enveloppes et pochettes) en cuir pour l’emballage ; trousses de voyage (valises) en cuir ; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits “vanity cases” ; sacoches pour porter les enfants ; boîtes en cuir, comprises dans la classe 18 ; boîtes en toile,
comprises dans la classe 18 ; poignées de valises ; caisses en cuir ou en carton-cuir comprises dans la classe 18 ; filets à provisions ; parapluies, parasols et cannes ; sellerie, fouets, harnais ; boyaux pour la fabrication de saucisses » ;
– classe 25 : « Vêtements ; chaussures ; chapellerie ; ferrures de chaussures ; crampons de chaussures de football ; talonnettes pour chaussures ; chapeaux en papier ; vêtements en papier ; couvre-oreilles (habillement) ; chancelières non chauffées électriquement ; gants (habillement) ; manchons (habillement) ; ceintures (habillement), ceintures porte-monnaie (habillement), ceintures en cuir (vêtements), cache-col ; plastrons de chemises ; doublures confectionnées (partie de vêtements) ;
empiècements de chemises, manchettes (habillement) ; dessous-de-bras ; layettes ; robes de mariée, comprises dans la classe 25 » ;
– classe 28 : « Jeux et jouets ; articles de gymnastique et de sport, compris dans cette classe ; sacs pour crosses de golf, avec ou sans roulettes ; sacs de sport pour balles et raquettes ; housses spécialement conçues pour les skis et planches de surf ; sacs de frappe (pour l’entraînement) ; gants de boxe ; décorations pour arbres de Noël ».
4 Par décision du 8 mai 2015, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour tous les produits concernés, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.
5 Le 2 juillet 2015, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, auprès de l’EUIPO, contre la décision du 8 mai 2015.
6 Par décision du 9 mars 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.
7 Premièrement, la chambre de recours a indiqué que les produits concernés, qui sont des produits de consommation courante, susciteraient, de la part du public pertinent, soit le consommateur moyen de l’Union européenne, un niveau d’attention variant de moyen à supérieur à la moyenne. Elle a estimé néanmoins que les consommateurs de ces produits ne sauraient être considérés comme étant davantage que normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. Il n’y aurait pas lieu de les
présumer comme étant particulièrement critiques dans leur analyse des produits achetés ou comme accordant de l’importance à la notoriété associée aux produits concernés sur le marché en cause.
8 Deuxièmement, la chambre de recours, se ralliant aux constatations de l’examinateur, a considéré que l’impression d’ensemble du signe en cause était celle d’un élément figuratif très simple, non distinctif. Ledit signe serait, en effet, la représentation de deux lignes qui se coupent et serait incapable de transmettre un message permettant aux consommateurs de le percevoir comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage. En l’absence d’une caractéristique
particulière ou d’autres éléments distinctifs, le public pertinent percevrait le signe en cause comme un élément décoratif banal. La chambre de recours a ainsi estimé que le signe en cause n’était pas apte à retenir l’attention du public pertinent de sorte que, confronté ultérieurement aux produits concernés, il serait susceptible de s’en souvenir et de l’attribuer à une entreprise particulière.
9 Troisièmement, la chambre de recours a rappelé, en ce qui concerne les enregistrements de la marque demandée déjà effectués dans d’autres pays, que ces enregistrements n’avaient pas d’effet contraignant et ne conféraient aucun droit à l’enregistrement d’une marque.
10 Quatrièmement, la chambre de recours a observé, en ce qui concerne les enregistrements d’autres marques de l’Union européenne invoqués par la requérante, que celles-ci étaient différentes du signe en cause. En outre, le respect du principe d’égalité de traitement devrait être concilié avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui et qui exige que, dans tous les cas, la décision qui s’impose soit rendue lorsque
les conditions juridiques à cet égard sont remplies.
Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
12 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
13 La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle fait valoir, en substance, que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié, d’abord, le public pertinent, ensuite, l’impression d’ensemble produite par la marque demandée et, enfin, les décisions des chambres de recours de l’EUIPO et les enregistrements antérieurs concernant des marques de l’Union européenne similaires ainsi que les enregistrements de la
marque demandée déjà effectués dans d’autres pays qu’elle avait invoqués.
14 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.
15 Selon une jurisprudence constante, les marques visées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit en cause, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle
s’avère négative [arrêts du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, EU:T:2009:364, point 14, et du 6 novembre 2014, Vans/OHMI (Représentation d’une ligne ondulée), T‑53/13, EU:T:2014:932, point 66 (non publié)].
16 Conformément à la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits [arrêts du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 15, et du 6 novembre 2014, Représentation d’une ligne ondulée,
T‑53/13, EU:T:2014:932, point 67 (non publié)].
17 Un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne soit pas applicable [arrêts du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 16, et du 6 novembre 2014, Représentation d’une ligne ondulée, T‑53/13, EU:T:2014:932, point 68 (non publié)].
18 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle la marque demandée est pourvue de caractère distinctif.
Sur le public pertinent
19 Pour déterminer si un signe présente un caractère le rendant susceptible d’être enregistré en tant que marque, il convient de se placer dans l’optique du public pertinent. Lorsque les produits sur lesquels porte la demande d’enregistrement sont destinés à l’ensemble des consommateurs, il faut considérer que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532,
point 24 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, EU:C:2003:244, point 46).
20 La perception de la marque par le public pertinent est influencée par le niveau d’attention du consommateur moyen, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits en cause (voir arrêt du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 18 et jurisprudence citée).
21 En l’espèce, les produits concernés se composent, en substance, de cuir, de différents produits de bagagerie et de maroquinerie relevant de la classe 18, de vêtements, de chaussures et d’accessoires vestimentaires relevant de la classe 25 ainsi que de jeux, de jouets et d’articles de sport relevant de la classe 28. Au point 13 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits concernés étaient des biens de consommation courante et que le public pertinent était
composé des consommateurs moyens de l’Union, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.
22 À cet égard, la requérante fait valoir que, lors de l’achat de produits tels que des vêtements, des chaussures et de la chapellerie relevant de la classe 25, le niveau d’attention du public est habituellement plus élevé, car, en général, le public examine et essaye ces produits avant de les acheter. En outre, selon la requérante, du fait de la sensibilité à la mode de nombre de consommateurs qui achètent des produits relevant de la classe 25, y compris des vêtements de sport, et du pouvoir
particulier de la notoriété des marques et des étiquettes dans le marché en cause, les consommateurs accorderaient plus d’attention à ces produits lorsqu’ils effectuent leurs achats et leur niveau d’attention serait donc plus élevé que la moyenne. Il en irait de même pour un grand nombre de produits relevant de la classe 18, tels les sacs en cuir pour l’emballage, les trousses de voyage en cuir ou les sacs à main, qui ne seraient généralement pas bon marché et qui ne constitueraient pas des achats
quotidiens. Certains des produits relevant de la classe 28, tels les sacs de golf et les sacs de sport pour balles et raquettes, seraient des produits spécialisés destinés à des athlètes ou à des consommateurs spécifiques qui choisiraient généralement ces produits avec un soin tout particulier. Par conséquent, la requérante estime que le niveau d’attention du public pertinent varie de moyen à élevé, et que la chambre de recours a donc commis une erreur d’appréciation à cet égard.
23 Il y a lieu tout d’abord de rappeler, comme cela est indiqué au point 12 de la décision attaquée, que les vêtements et, par extension, les accessoires vestimentaires relevant de la classe 25 sont des produits qui varient beaucoup en termes de qualité et de prix. Dans ces circonstances, il a déjà été considéré que, même s’il peut être admis que le consommateur est plus attentif au choix d’une marque quand il achète un article vestimentaire particulièrement onéreux, une telle attitude ne
saurait être présumée à l’égard de l’ensemble des produits relevant du secteur vestimentaire [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, EU:T:2004:293, point 43].
24 Par ailleurs, la chambre de recours était fondée à considérer que le niveau d’attention du public pertinent variait de moyen à supérieur à la moyenne en ce qui concerne tant les vêtements et les accessoires vestimentaires que les autres produits visés par la marque demandée. En effet, ainsi que le reconnaît d’ailleurs expressément la requérante, lesdits produits sont principalement des biens de consommation courante. Il ne ressort également pas de leur description qu’il s’agirait de produits
d’une telle sophistication ou d’un tel prix que le public pertinent serait susceptible d’être particulièrement attentif à leur égard [voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 19, et du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier gris), T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 27].
25 En outre, en ce qui concerne certains produits relevant de la classe 28, tels les sacs de golf et les sacs de sport pour balles et raquettes, il y a lieu de relever que ces produits ne sont ni onéreux ni rares, que leur acquisition et leur utilisation ne nécessitent pas de connaissances spécifiques et qu’ils n’ont pas d’impact grave sur le budget ou la vie du consommateur [voir, par analogie, arrêt du 20 octobre 2009, Aldi Einkauf/OHMI – Goya Importaciones y Distribuciones (4 OUT Living),
T‑307/08, non publié, EU:T:2009:409, point 21]. Quand bien même lesdits produits peuvent être destinés à des athlètes, ceux-ci peuvent également être proposés à la vente aux particuliers dans les magasins d’articles de sports. Ces produits peuvent être achetés aussi bien par les consommateurs pratiquant régulièrement un sport que par ceux qui n’en pratiquent pas ou pas régulièrement. Il ne saurait donc être considéré, contrairement à ce que fait valoir la requérante, que les produits en cause
seraient des produits spécialisés destinés à des athlètes ou à des consommateurs spécifiques qui choisiraient généralement ces produits avec un soin tout particulier [voir, par analogie, arrêt du 16 octobre 2013, Zoo Sport/OHMI – K-2 (zoo sport), T‑455/12, non publié, EU:T:2013:531, points 36 et 38].
26 En conséquence, la chambre de recours a estimé à juste titre que, même s’il était possible que certains consommateurs fassent preuve d’un plus grand niveau d’attention lors de certains achats par rapport à d’autres, il restait néanmoins dans le public pertinent un vaste groupe de consommateurs qui ne seraient rien de plus que normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. Il ne saurait donc être présumé que cette partie du public pertinent se montrerait particulièrement
critique dans son analyse des produits achetés ou accorderait de l’importance à la notoriété des marques et des étiquettes dans le marché en cause comme le fait valoir, en substance, la requérante.
27 Il convient donc d’entériner les conclusions de la chambre de recours relatives au public pertinent qui ne sont entachées d’aucune erreur d’appréciation.
Sur l’impression d’ensemble de la marque demandée
28 Il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit (voir arrêts du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, EU:C:2005:422, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, point 39 et jurisprudence citée).
29 La constatation du caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’est pas subordonnée à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits visés par elle et de les distinguer de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié
d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 27 et jurisprudence citée).
30 Cependant, un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est pas par exemple, selon la jurisprudence, susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage (voir arrêt du 29 septembre 2009, Représentation de
la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 26 et jurisprudence citée).
31 En l’espèce, il est constant que le signe en cause ne représente pas une figure géométrique de base. Cette circonstance ne suffit toutefois pas, en tant que telle, pour considérer qu’il dispose du minimum de caractère distinctif nécessaire pour pouvoir être enregistré en tant que marque de l’Union européenne. En effet, encore faut-il que le signe présente des caractéristiques facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent, qui lui permettraient d’être appréhendé
immédiatement comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause [voir arrêt du 15 décembre 2016, Novartis/EUIPO (Représentation d’une courbe grise et représentation d’une courbe verte), T‑678/15 et T‑679/15, non publié, EU:T:2016:749, points 40 et 41 et jurisprudence citée].
32 À cet égard, il y a lieu de relever que la marque demandée représente une combinaison de deux lignes noires, ce que reconnaît la requérante. Ces lignes noires se coupent en formant un angle aigu. La première ligne est large et en forme d’arc. La seconde ligne est plus petite, légèrement incurvée et placée au-dessus de la première. Il y a lieu de constater que la marque demandée ne possède aucun élément visuellement accrocheur ou susceptible d’être gardé en mémoire par le public pertinent. En
effet, prise dans son ensemble, elle ne présente aucune caractéristique susceptible de créer une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple combinaison des deux lignes qui la composent de sorte qu’elle lui conférerait le minimum de caractère distinctif nécessaire à son enregistrement comme marque de l’Union européenne.
33 Ainsi, comme l’a justement relevé la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, la marque demandée est la représentation de deux lignes qui se coupent dont la simplicité est comparable à celle d’une forme géométrique de base et est incapable de transmettre un message aux consommateurs permettant de la percevoir comme l’indication de l’origine commerciale des produits en cause.
34 Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation de l’impression d’ensemble de la marque demandée.
35 Aucun des arguments de la requérante n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.
36 S’agissant de l’argument selon lequel la chambre de recours n’aurait pas correctement apprécié l’impression d’ensemble produite par l’interaction des éléments graphiques de la marque demandée, et notamment l’aspect irrégulier des lignes en cause,il y a lieu d’observer que celle-ci a correctement estimé au point 16 de la décision attaquée que, à supposer même que cet aspect irrégulier soit remarqué par le public pertinent, la marque demandée restait une forme très simple et dépourvue
d’éléments visuellement accrocheurs ou susceptibles d’être gardés en mémoire par les consommateurs. De même, en ce qui concerne l’angle prétendument inhabituel que formeraient les lignes en cause, rien ne permet de conclure que cet élément sera perçu comme caractéristique, marquant ou accrocheur. Ainsi, l’aspect irrégulier des lignes, s’il est admis, et l’angle aigu que celles-ci forment ne sont pas suffisants pour permettre à la marque demandée d’être perçue comme davantage qu’une figure banale qui
n’est pas susceptible d’identifier l’origine des produits concernés et de les distinguer de ceux d’autres entreprises.
37 S’agissant de l’argument selon lequel la marque demandée peut être interprétée de « diverses manières créatives », notamment comme étant le bec d’un oiseau, la crête d’un oiseau, un animal bondissant ou un poisson, ou même une flèche pointée vers le haut et la gauche, il y a lieu de constater, comme l’a observé la chambre de recours à juste titre, que la marque demandée, telle qu’elle est représentée au point 2 ci-dessus, ne présente aucun indice permettant d’affirmer qu’elle donnera lieu à
de telles interprétations de la part du public pertinent.
38 De plus, contrairement à ce que suggère la requérante, la chambre de recours n’a pas écarté ces interprétations, au point 18 de la décision attaquée, en raison de l’absence de lien entre les produits en cause et lesdites interprétations, mais en se fondant sur le fait que le public pertinent n’attribuerait pas de telles significations à un signe qu’il percevrait comme la simple représentation de deux lignes formant un angle aigu.
39 Par ailleurs, si, comme le fait valoir la requérante, une image totalement abstraite ne donnant lieu à aucune interprétation pourrait être enregistrée comme marque de l’Union européenne,en l’espèce, du fait de son absence de caractère distinctif intrinsèque, la marque demandée ne répond pas aux critères exposés aux points 15 et 16 ci-dessus et, partant, ne peut être enregistrée comme marque de l’Union européenne.
40 S’agissant de l’argument selon lequel la chambre de recours aurait considéré, à tort, que sur des vêtements, tels que des vestes ou des pantalons, la marque demandée ne serait pas perçue comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, bien que son niveau d’attention variera de moyen à supérieur à la moyenne, le public pertinent ne se montrera pas particulièrement critique dans son analyse des produits concernés lorsqu’il les
achètera. Dans ces conditions, le signe en cause, apposé sur des vêtements, tels que les vestes ou les pantalons, ne sera pas capable d’attirer l’attention des consommateurs et d’individualiser ces produits par rapport à ceux des concurrents, mais sera simplement perçu comme un élément décoratif. En effet, comme le souligne justement l’EUIPO, le signe en cause sera perçu comme une simple combinaison de deux lignes, susceptible de rappeler d’autres combinaisons de lignes utilisées sur des vêtements à
des fins esthétiques ou ornementales. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a pu estimer, à juste titre, au point 19 de la décision attaquée, que sur des vêtements, par exemple sur la poche d’une veste ou celle d’un pantalon, le public pertinent percevra la marque demandée simplement comme un élément décoratif banal et ne lui attribuera pas l’importance d’une marque.
41 S’agissant de l’argument selon lequel les consommateurs des produits concernés sont habitués à percevoir des signes d’aspect simple comme étant des marques, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où la requérante se prévaut du caractère distinctif de la marque demandée, en dépit de l’analyse de la chambre de recours fondée sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, il lui appartient de fournir des indications concrètes et
étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif, étant donné qu’elle est beaucoup mieux à même de le faire, au vu de sa connaissance approfondie du marché [arrêt du 13 juin 2014, K-Swiss/OHMI – Künzli SwissSchuh (Bandes parallèles sur une chaussure), T‑85/13, non publié, EU:T:2014:509, point 18].
42 En l’espèce, la requérante se contente de présenter à l’appui de son argument des affirmations tirées de plusieurs décisions des chambres de recours de l’EUIPO. Or, quand bien même ces décisions démontreraient que le public pertinent est habitué, dans les secteurs des produits concernés, à percevoir des signes d’aspect simple comme des marques, il ne ressort pas du dossier que ledit public sera capable de répéter son achat grâce au signe en cause.
43 En outre, comme l’a observé l’EUIPO, les trois exemples proposés par la requérante au point 34 de la requête, afin d’illustrer son allégation selon laquelle les consommateurs qui achètent les produits concernés, en particulier les vêtements et le matériel de sport, sont habitués à percevoir des signes simples exclusivement figuratifs, sont des marques détenues par des entreprises dont il n’est pas exclu qu’elles pourraient, si elles devaient à présent, à l’instar de la requérante, démontrer
le caractère distinctif de leur marque, se prévaloir d’un caractère distinctif acquis par l’usage. À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que la circonstance que certains signes soient reconnus en tant que marque par les consommateurs ne signifie pas nécessairement qu’ils sont pourvus d’un caractère distinctif intrinsèque. Il est en effet possible pour une marque d’acquérir un caractère distinctif à travers son usage dans le temps [(voir arrêt du 9 novembre 2016, Birkenstock Sales/EUIPO
(Représentation d’un motif de lignes ondulées entrecroisées), T‑579/14, EU:T:2016:650, point 150 et jurisprudence citée]. En l’espèce, aucun élément soumis au Tribunal ne permet d’établir que la marque demandée possède un caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage.
44 Eu égard à tout ce qui précède, la chambre de recours a considéré à bon droit, au vu des principes exposés aux points 15 à 17 et 28 à 31 ci-dessus, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif par rapport aux produits concernés et à la perception du public pertinent.
Sur les décisions des chambres de recours de l’EUIPO et les enregistrements antérieurs concernant d’autres marques de l’Union européenne
45 La requérante invoque une série de décisions des chambres de recours de l’EUIPO. Selon elle, ces décisions sont une indication importante en ce qui concerne les signes qui sont considérés comme distinctifs et enregistrables en tant que marque de l’Union européenne. Bien qu’elle admette que la chambre de recours n’était pas liée par ces décisions, elle estime que celle-ci aurait dû appliquer les mêmes critères lors de son appréciation de la marque demandée. La requérante soutient que si les
marques figuratives ayant fait l’objet desdites décisions ont pu être considérées comme distinctives, alors il devrait en être indiscutablement de même pour la marque demandée. La requérante invoque également des enregistrements antérieurs d’autres marques figuratives qu’elle considère comme étant semblables à la marque demandée. Elle soutient que, même si l’EUIPO n’est pas lié par ses décisions antérieures, il est toutefois tenu d’exercer ses pouvoirs conformément aux principes généraux du droit de
l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration.
46 À cet égard, il convient de rappeler que les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement n° 207/2009 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle
antérieure à celles-ci [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 3 juillet 2013, Warsteiner Brauerei Haus Cramer/OHMI – Stuffer (ALOHA 100% NATURAL), T‑243/12, non publié, EU:T:2013:344, point 43].
47 Quant aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, il a certes été jugé que l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139,
point 74).
48 Cependant, ces principes doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 et 76).
49 En outre, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un
motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77).
50 La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours d’avoir fondé la décision attaquée sur le règlement n° 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, plutôt que sur des décisions « comparables » des chambres de recours de l’EUIPO ou sur la pratique antérieure de l’EUIPO en matière d’enregistrement de marque de l’Union européenne.
51 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours s’est dûment interrogée, notamment aux points 23 à 30 de la décision attaquée, sur la pertinence des enregistrements antérieurs d’autres marques de l’Union européenne et des décisions des chambres de recours de l’EUIPO invoqués par la requérante. Toutefois, elle a estimé, et ce à bon droit comme il a été exposé précédemment, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7,
paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Or, cette appréciation ne saurait être remise en cause au seul motif qu’elle ne serait pas conforme à la pratique antérieure de l’EUIPO.
52 Au demeurant, il a déjà été jugé que, contrairement à ce que suggère la requérante, le seul fait que d’autres marques, même simples, ont été considérées comme ayant la capacité d’être perçues, par le public pertinent, comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause, sans confusion possible avec ceux qui ont une autre provenance et, dès lors, comme n’étant pas dépourvues de tout caractère distinctif, n’est pas concluant pour déterminer si la marque demandée possède le
caractère distinctif minimal nécessaire pour pouvoir être enregistrée comme marque de l’Union européenne [arrêts du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 34, et du 6 novembre 2014, Représentation d’une ligne ondulée, T‑53/13, EU:T:2014:932, point 78 (non publié)].
53 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir erronément apprécié les décisions des chambres de recours de l’EUIPO et les enregistrements antérieurs d’autres marques de l’Union européenne invoqués par la requérante.
Sur les enregistrements de la marque demandée déjà effectués dans d’autres pays
54 La requérante invoque plusieurs enregistrements antérieurs de la marque demandée effectués dans d’autres pays, en soutenant que ces enregistrements constituent une indication importante en faveur du caractère distinctif de la marque demandée.
55 À cet égard, il ressort en effet des documents soumis par la requérante que la marque demandée a été enregistrée dans plusieurs pays de l’Union tels l’Allemagne, l’Autriche, les pays du Benelux, le Royaume-Uni, l’Espagne ou l’Italie ainsi que dans des pays tiers, tels l’Albanie, Singapour, l’Australie et le Canada.
56 Néanmoins, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le régime de la marque de l’Union européenne est un système juridique autonome poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, EU:T:2000:283, point 47, et du 3 décembre 2015, Infusion Brands/OHMI (DUALTOOLS), T‑648/14, non publié, EU:T:2015:930, point 36]. Par conséquent, le caractère
enregistrable ou protégeable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente de l’Union. Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale, qui ne constitue qu’un élément qui, sans être déterminant, peut seulement être pris en
considération aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne [voir arrêt du 24 novembre 2016, Azur Space Solar Power/EUIPO (Représentation de lignes et de briques noires), T‑614/15, non publié, EU:T:2016:675, point 44 et jurisprudence citée].
57 Par conséquent, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir erronément apprécié les enregistrements de la marque demandée déjà effectués dans d’autres pays invoqués par la requérante.
58 Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, et partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
59 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Anta (China) Co. Ltd est condamnée aux dépens.
Frimodt Nielsen Kreuschitz Półtorak
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 avril 2017.
Signatures
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* Langue de procédure : l’anglais.