ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
16 juillet 2015 ( *1 )
«Référé — Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Gel des fonds — Demande de sursis à exécution — Fumus boni juris — Mise en balance des intérêts — Défaut d’urgence»
Dans l’affaire T‑207/15 R,
National Iranian Tanker Company, établie à Téhéran (Iran), représentée par M. T. de la Mare, QC, Mme M. Lester, M. J. Pobjoy, barristers, Mme R. Chandrasekera, M. S. Ashley et Mme C. Murphy, solicitors,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme N. Rouam et M. M. Bishop, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision (PESC) 2015/236 du Conseil, du 12 février 2015, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 39, p. 18), et du règlement d’exécution (UE) 2015/230 du Conseil, du 12 février 2015, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 39, p. 3), en ce que ces actes concernent la requérante,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
rend la présente
Ordonnance ( 1 )
Antécédents du litige
1 La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.
[omissis]
7 La requérante, National Iranian Tanker Company, une société iranienne spécialisée dans le transport de cargaisons de pétrole brut et de gaz qui exploite une grande flotte de pétroliers, s’est adressée à l’Union pour faire part, dans plusieurs lettres, de ses inquiétudes quant aux répercussions sur sa flotte des mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran. Dans ce contexte, elle a nié tout lien avec le programme nucléaire iranien et précisé qu’elle avait été
privatisée déjà en 2000.
8 Néanmoins, le 15 octobre 2012, le Conseil a effectivement inscrit le nom de la requérante sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives.
9 En effet, d’une part, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58). Selon le considérant 16 de la décision 2012/635, il convenait de soumettre à des mesures restrictives, notamment, les entités détenues par l’État iranien se livrant à des activités dans le secteur du pétrole et du gaz, étant donné qu’elles fournissaient une source de revenus substantielle au gouvernement iranien. Par conséquent, l’article 1er, paragraphe 8,
sous a), de la décision 2012/635 a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 en ce sens que feraient l’objet de mesures restrictives « d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ». L’article 2 de la décision 2012/635 a inscrit le nom de la requérante à
l’annexe II de la décision 2010/413 contenant la liste des noms des « [p]ersonnes et entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et [des] personnes et entités appuyant le gouvernement de l’Iran ».
10 D’autre part, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 945/2012, du 15 octobre 2012, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO L 282, p. 16). L’article 1er du règlement no 945/2012 a inscrit le nom de la requérante à l’annexe IX du règlement no 267/2012 contenant la liste des noms des « [p]ersonnes et entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et [des] personnes et entités appuyant le gouvernement de l’Iran ».
11 Le nom de la requérante a été inscrit sur les listes susmentionnées aux motifs – identiques dans les deux cas – suivants : « Effectivement contrôlée par le gouvernement iranien. Fournit un soutien financier au gouvernement iranien par l’intermédiaire de ses actionnaires qui entretiennent des liens avec le gouvernement. »
12 La décision 2012/635 et le règlement no 945/2012 ont été communiqués à la requérante par lettre du 16 octobre 2012.
13 Le 27 décembre 2012, la requérante a saisi le Tribunal d’un recours visant à l’annulation de ces deux actes, en ce qu’ils la concernaient.
14 Dans son arrêt du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil (T‑565/12, Rec, ci‑après l’« arrêt NITC », EU:T:2014:608), le Tribunal a accueilli le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Conseil en inscrivant le nom de la requérante sur les listes susmentionnées. Par conséquent, faisant droit au recours, il a annulé la décision 2012/635 et le règlement no 945/2012, en ce que ces actes concernaient la requérante.
15 S’agissant des effets dans le temps de l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608), le Tribunal a jugé qu’une annulation avec effet immédiat des actes en cause permettrait à la requérante de transférer tout ou partie de ses actifs hors de l’Union, sans que le Conseil puisse le cas échéant remédier, en temps utile, aux irrégularités constatées, de sorte qu’une atteinte sérieuse et irréversible risquerait d’être causée à l’efficacité de tout gel de fonds susceptible d’être, à l’avenir, décidé par
le Conseil à l’égard de la requérante. En effet, selon le Tribunal, une nouvelle inscription de cette dernière ne saurait être exclue d’emblée, le Conseil ayant la possibilité, dans le cadre d’un nouvel examen, de réinscrire le nom de la requérante sur la base de motifs étayés à suffisance de droit.
16 En conséquence, l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608), a maintenu les effets de la décision 2012/635 et du règlement no 945/2012 à l’égard de la requérante jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, en cas d’introduction d’un pourvoi dans ce délai, jusqu’à la date de son rejet.
17 Le Conseil s’est abstenu d’introduire un pourvoi contre l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608).
18 En revanche, après avoir informé la requérante par lettre du 23 octobre 2014 qu’il avait l’intention de réinscrire son nom sur les listes susmentionnées et à la suite d’un échange de courriers entre les parties, le Conseil a adopté, le 12 février 2015, la décision (PESC) 2015/236 modifiant la décision 2010/413 (JO L 39, p. 18) et le règlement d’exécution (UE) no 2015/230 mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 39,
p. 3), par lesquels le nom de la requérante a été réinscrit sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives (ci‑après les « actes attaqués »).
19 Cette réinscription de la requérante a été fondée sur les motifs – identiques dans les deux cas – suivants :
« La [requérante] fournit un soutien financier au gouvernement iranien par l’intermédiaire de ses actionnaires, à savoir l’Iranian State Retirement Fund, l’Iranian Social Security Organization et l’Oil Industry Employees Retirement and Savings Fund qui sont des entités contrôlées par le gouvernement. En outre, la [requérante] est un des plus grands exploitants de transporteurs de pétrole brut dans le monde et un des principaux transporteurs de pétrole brut iranien. En conséquence, la [requérante]
fournit un appui logistique au gouvernement iranien en transportant du pétrole iranien. »
20 Par lettre du 16 février 2015, le Conseil a transmis à la requérante copie des actes attaqués.
Procédure et conclusions des parties
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 avril 2015, la requérante a introduit un recours visant à ce que les actes attaqués soient annulés en ce qu’ils la concernent et, à titre subsidiaire, à ce que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, tel que modifié, soient déclarés inapplicables à son égard par voie d’exception d’illégalité fondée sur l’article 277 TFUE. À l’appui de son
recours, elle fait valoir, en substance, que le Conseil, en la sanctionnant de nouveau sur le fondement des mêmes reproches que ceux qui avaient été censurés dans l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608), l’a privée de son droit à un recours effectif, au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tout en violant l’autorité de la chose jugée et le principe de sécurité juridique. En outre, le Conseil aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation et
enfreint les droits de la défense de la requérante ainsi que son droit fondamental de propriété.
22 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
— surseoir à l’exécution des actes attaqués, en ce qu’ils la concernent, jusqu’à ce que le Tribunal statue sur le recours principal ;
— condamner le Conseil aux dépens.
[omissis]
En droit
[omissis]
Sur le fumus boni juris
[omissis]
39 À cet égard, il convient de souligner que, selon une jurisprudence bien établie, rappelée par le Conseil, lorsqu’un acte adopté par une institution de l’Union a été annulé pour vices de forme ou de fond, cette institution est en droit d’adopter à nouveau un acte identique, en respectant cette fois les règles de forme et en veillant à ce que ce nouvel acte ne soit pas entaché du même vice de fond (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil,
T‑256/07, Rec, EU:T:2008:461, points 65 et 75 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2012, Grèce/Commission, T‑588/10, EU:T:2012:688, points 476 et 478).
40 En outre, en ce qui concerne plus particulièrement le cas d’espèce, après avoir rappelé que les motifs de l’inscription initiale du nom de la requérante sur les listes en cause n’étaient pas étayés par des preuves suffisantes, le Tribunal a pris soin d’indiquer, au point 77 de l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608), que le Conseil avait la possibilité de réinscrire le nom de la requérante sur la base de motifs étayés à suffisance de droit.
41 Le Conseil en conclut, en substance, qu’il était en droit de se fonder, en l’espèce, sur des documents datant d’avant l’inscription initiale de la requérante même s’il n’avait pas présenté ces documents pour justifier l’inscription initiale, et d’utiliser lesdits documents « anciens » en vue d’étayer de nouveaux motifs d’inscription, tels que l’« appui logistique » fourni au gouvernement iranien, d’autant qu’il agissait de cette façon précisément pour répondre aux censures figurant dans l’arrêt
NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608), et qu’il avançait de nouvelles preuves démontrant que la requérante fournissait effectivement un « appui logistique » à ce gouvernement.
42 La requérante estime, en revanche, que, sous peine de violer son droit fondamental à un recours effectif, le Conseil ne pouvait, en l’espèce, ni avancer des motifs d’inscription qu’il aurait déjà pu invoquer lors de son inscription initiale en octobre 2012 ni présenter des preuves qui étaient déjà à sa disposition à la date de cette inscription, d’autant que, selon elle, les allégations de fait sur lesquelles s’appuient les actes attaqués sont identiques, en substance, à celles sur lesquelles
avait été fondée son inscription initiale et qui ont été censurées dans l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608).
43 Le juge des référés considère que le débat mené par les parties révèle l’existence d’une controverse juridique sur la portée de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux et de l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui consacrent, tous deux, le droit à un recours effectif, c’est‑à‑dire à une protection juridictionnelle effective « en pratique comme en droit » (arrêt de la Cour EDH,
Ramadhi e.a./Albanie, § 48, 13 novembre 2007). Il s’agit de déterminer si le Conseil est autorisé, eu égard à ce droit à un recours effectif, à invoquer la jurisprudence citée aux points 39 et 40 ci‑dessus pour remédier à des constatations d’illégalité qui ont motivé l’annulation d’une mesure restrictive, en adoptant une nouvelle mesure ayant le même effet pratique que la précédente, et ce dans un contexte factuel qui n’a pas changé en substance.
44 Le caractère sensible de cette question réside notamment dans le fait que les mesures restrictives adoptées par le Conseil sous forme d’un règlement bénéficient de l’effet protecteur conféré par l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, en ce sens que l’annulation d’un tel règlement ne prend effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui‑ci par la Cour (voir points 55 à 57 ci‑après). Il s’ensuit que,
s’il pouvait effectivement agir de la sorte décrite au point 43 ci‑dessus, le Conseil serait en mesure – nonobstant l’annulation, pour illégalité des motifs d’inscription allégués ou pour défaut de preuves suffisantes, de chacun de ses règlements successifs instituant des mesures restrictives à l’égard d’une même entreprise – de maintenir en vigueur, par l’introduction systématique de pourvois, une suite ininterrompue de telles mesures, et ce même sans que le contexte factuel à la base de ces
mesures et annulations ait changé en substance.
45 Il y a lieu de s’interroger alors si le respect du droit fondamental à un recours effectif ne requiert pas l’introduction d’un élément de forclusion dans la suite des procédures judiciaires susceptibles d’être engagées par une même entreprise, ce qui obligerait le Conseil de présenter dans son premier dossier de mesures restrictives l’ensemble des motifs d’inscription et de preuves à charge qu’il pouvait aisément se procurer à la date de constitution du dossier et ce qui l’empêcherait, en cas de
censure par le Tribunal de ces motifs et preuves, de s’en servir pour justifier une réinscription de l’entreprise. Cela aurait pour conséquence qu’une telle réinscription ne pourrait être envisagée qu’en cas d’apparition de faits ou d’éléments de preuve nouveaux et pertinents, alors qu’il serait interdit au Conseil de se servir, à l’occasion de futures réinscriptions, d’éléments qu’il n’avait certes pas encore invoqués, mais qui étaient déjà prêts à l’être à la date de la première inscription.
46 Le cas d’espèce semble illustrer la nécessité de l’introduction d’un tel élément de forclusion : l’activité économique de la requérante consistant à transporter du pétrole iranien n’a pas changé entre le mois d’octobre 2012, date de son inscription initiale, et la date d’adoption des actes attaqués en l’espèce. Par conséquent, il est évident qu’il s’agit là d’un service logistique fourni aux clients qui ont commandé ce transport. Or, il ne ressort pas du dossier que le Conseil aurait été empêché
de fonder l’inscription initiale déjà sur le motif pris d’un « appui logistique ». Il en va de même de la composition de l’actionnariat de la requérante, qui ne semble pas avoir changé entre 2012 et 2015. Le Conseil, qui en avait exposé la structure précise en cours de l’instance ayant abouti à l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608, point 51), n’a pas soutenu que le motif pris d’un « appui financier » fondé sur cet actionnariat n’aurait pas été disponible lors de l’inscription initiale de
la requérante en octobre 2012. S’agissant des preuves tendant à étayer les actes attaqués, le Conseil n’en a mentionné concrètement que cinq documents dans ses observations (note en bas de page 28). Or, quatre de ces documents sont antérieurs à octobre 2012, tandis que le seul à en être postérieur (février 2014) ne semble pas être d’une nouveauté pertinente en ce qu’il consiste à évoquer le rôle de la requérante en tant que transporteur de pétrole iranien et l’importance de ce rôle pour
l’économie iranienne, ce qui n’est contesté par personne.
47 Il convient d’ajouter que l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608), ayant annulé l’inscription initiale de la requérante a acquis l’autorité de la chose jugée. Or, il est vrai que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire en cause et ne saurait être invoquée que si le recours ayant donné lieu à cette décision a opposé les mêmes parties, a porté sur le même objet et a été fondé sur
la même cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2015, Walton/Commission, T‑261/14 P, RecFP, EU:T:2015:110, points 35 et 36 et jurisprudence). Il n’est dès lors pas possible pour la requérante d’invoquer, à l’égard des actes attaqués, l’autorité de l’arrêt NITC, au sens strict du terme, étant donné que ces actes portent sur une autre période d’activité économique de la requérante que celle objet des actes qui avaient été annulés par cet arrêt. Cependant, il ne saurait être négligé que cette
activité de la requérante consistant à transporter du pétrole iranien est restée inchangée en substance et que la différence des périodes d’activité visées est le résultat de sa réinscription, opérée par le Conseil sur une base factuelle également inchangée en substance. Il pourrait donc être considéré que, en l’espèce, l’application du concept de l’autorité de la chose jugée n’est exclue que grâce à l’action du Conseil consistant à prolonger artificiellement les mesures restrictives imposées à
la requérante, en alléguant à présent des éléments qui auraient pu être invoqués lors de l’inscription initiale de celle‑ci. Or, une telle approche, même si elle n’est pas considérée comme incompatible avec le concept de l’autorité de la chose jugée, pourrait, en tout état de cause, contribuer à une violation du droit de la requérante à un recours effectif.
48 Il s’ensuit que la jurisprudence citée aux points 39 et 40 ci‑dessus pourrait nécessiter, sous l’aspect du droit à un recours effectif, une interprétation restrictive dans le sens indiqué au point 45 ci‑dessus.
49 Il pourrait néanmoins être objecté contre une telle interprétation restrictive que la portée du droit à un recours effectif, reconnu à une entreprise victime de mesures restrictives, ne doit pas être indûment limitée au seul recours en annulation assorti d’une demande de sursis à exécution, alors même que cette entreprise a la possibilité d’invoquer l’illégalité des mesures imposées dans le cadre d’un recours en indemnité visant à obtenir la réparation, par le Conseil, des préjudices subis en
raison de cette illégalité. En effet, dans un autre contexte, celui du contentieux des marchés publics, le juge de l’Union a considéré que le droit du soumissionnaire évincé à un recours effectif devait être considéré comme respecté, même s’il n’était pas en mesure de s’opposer valablement à la perte du marché en cause par l’introduction d’un recours en annulation assorti d’une demande en référé, dès lors qu’il avait la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts par l’introduction d’un
recours en indemnité [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), Rec, EU:C:2015:275, points 34, 35 et 38]. Le juge des référés estime qu’il appartiendra au juge du fond d’examiner, le cas échéant, s’il existe des motifs contraignants qui excluraient l’extension de cette jurisprudence au contentieux des mesures restrictives.
50 Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de conclure à l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui doit faire l’objet de la procédure au fond, de sorte que, à première vue, le recours n’apparaît pas dépourvu de fondement sérieux (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Pilkington Group, EU:C:2013:558, point 67 et jurisprudence citée).
Sur la mise en balance des intérêts
[omissis]
52 S’agissant du contentieux des mesures restrictives, il a été jugé itérativement qu’un sursis à l’exécution de mesures restrictives pourrait être de nature à faire obstacle à leur plein effet en cas de rejet du recours principal et, partant, à rendre impossible le renversement de la situation. En effet, un tel sursis permettrait à l’entité objet de ces mesures de procéder immédiatement au retrait de ses fonds détenus auprès des banques obligées d’en assurer le gel et de vider ses comptes bancaires
avant le prononcé de la décision au fond. Ainsi, il lui serait possible de contourner la finalité des mesures restrictives prises à son égard en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que celle‑ci mette fin aux activités nucléaires, alors que les mesures provisoires demandées au juge des référés ne doivent pas neutraliser par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement dans la procédure principale [voir, en ce sens, ordonnances du 14 juin 2012, Qualitest
FZE/Conseil, C‑644/11 P(R), EU:C:2012:354, points 73 à 77, et Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, EU:T:2013:118, point 34 et jurisprudence citée].
53 En l’espèce, force est de constater que, du fait qu’il s’est abstenu d’introduire un pourvoi contre l’arrêt NITC, point 14 supra (EU:T:2014:608), le Conseil a, lui‑même, permis à la requérante de bénéficier pleinement des effets de l’annulation, par ledit arrêt, des mesures restrictives qui lui avaient été imposées le 15 octobre 2012 (voir points 9 et 10 ci‑dessus), en disposant librement, entre la mi‑septembre 2014 et la mi‑février 2015, de ses avoirs à la suite du dégel de ses comptes
bancaires. Il s’ensuit que, au vu de cet état de fait, le Conseil ne saurait guère invoquer le risque de voir contourner la finalité des mesures restrictives prises.
54 Cependant, ce raisonnement n’est valable que pour les anciennes mesures restrictives que le Conseil avait adoptées le 15 octobre 2012. En revanche, en ce qui concerne les nouvelles mesures restrictives imposées à la requérante par les actes attaqués, il ne saurait être exclu d’emblée que le juge du fond, refusant de procéder à l’interprétation restrictive mentionnée au point 48 ci‑dessus, rejette le recours en annulation formé par la requérante. Dans ces circonstances, il conviendrait de tenir
compte, à nouveau, de la finalité de ces mesures et d’éviter que la requérante puisse procéder immédiatement au retrait des fonds qu’elle aurait éventuellement accumulés sur ses comptes bancaires pendant les cinq mois d’absence de mesures restrictives.
55 En tout état de cause, selon une jurisprudence bien établie, les règlements arrêtant des mesures restrictives, tel que le règlement no 2015/230 (voir point 18 ci‑dessus), s’apparentent, à la fois, à des actes de portée générale, dans la mesure où ils interdisent à une catégorie de destinataires déterminés de manière générale et abstraite, de mettre des fonds à la disposition des personnes et des entités mentionnées dans leurs annexes, et à un faisceau de décisions individuelles à l’égard de ces
personnes et entités (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec, EU:C:2008:461, points 241 à 243 ; du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec, EU:C:2011:735, point 45, et du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, Rec, EU:C:2013:258, point 56). Cette interdiction de mise à disposition s’adresse, en effet, à quiconque est susceptible de détenir
matériellement les fonds en question (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat/Conseil, T‑176/12, EU:T:2015:43, point 68). Le fait que l’acte en cause doive être notifié individuellement à ceux dont les fonds seront gelés n’enlève rien à son application générale à l’encontre de tous ceux qui sont susceptibles de posséder de tels fonds (voir conclusions de l’avocat général Sharpston dans les affaires Conseil/Bank Mellat, C‑176/13 P, Rec, EU:C:2015:130, et Conseil/Bank Saderat Iran,
C‑200/13 P, Rec, EU:C:2015:134, point 177).
56 Or, ainsi qu’il a déjà été évoqué au point 44 ci‑dessus, s’agissant des effets dans le temps de l’annulation d’un règlement arrêtant des mesures restrictives, l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour dispose que les décisions du Tribunal annulant un tel acte ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui‑ci par la Cour. Ce maintien de la validité de telles mesures, qui est justifié par la
nécessité de donner au Conseil la chance de remédier à l’illégalité constatée en adoptant de nouvelles mesures, a été systématiquement étendu aux décisions imposant des mesures restrictives, et ce en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, qui autorise le Tribunal à indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs, motif pris de ce que l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation d’un règlement imposant une mesure restrictive
déterminée et celle d’une décision imposant une mesure identique serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique (voir, en ce sens, ordonnance Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, point 51 supra, EU:T:2013:118, points 37 et 38 et jurisprudence citée).
57 Par conséquent, dans l’hypothèse où le Tribunal, au terme de la procédure principale, annulerait le règlement no 2015/230 avec l’effet suspensif prévu à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, il annulerait également la décision 2015/236 (voir point 18 ci‑dessus), en alignant, selon toute probabilité, la prise d’effet de cette annulation, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, à celle de l’annulation du règlement no 2015/230. En tout état de cause, même si les effets dans le
temps d’une annulation de la décision 2015/236 n’étaient pas alignés sur ceux d’une annulation du règlement no 2015/230, il n’en resterait pas moins que les mesures restrictives prises à l’égard de la requérante au titre dudit règlement seraient impérativement maintenues, au titre de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, au‑delà de la date du prononcé de l’arrêt d’annulation, de sorte que le nom de la requérante ne serait, en aucun cas, immédiatement supprimé en vertu de cet arrêt.
58 Or, il est de jurisprudence constante que la procédure de référé a un caractère purement accessoire par rapport à la procédure principale sur laquelle elle se greffe et ne vise qu’à garantir la pleine efficacité de la future décision au fond (voir ordonnances du 16 novembre 2012, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑345/12 R, Rec, EU:T:2012:605, point 25 et jurisprudence citée, et du 16 juin 2015, Alcogroup et Alcodis/Commission, T‑274/15 R, EU:T:2015:389, point 20 et jurisprudence citée) et que toute
mesure provisoire ordonnée par le juge des référés cesse automatiquement de produire ses effets, en vertu de l’article 158, paragraphe 3, du règlement de procédure, dès le prononcé de l’arrêt qui met fin à l’instance. Il s’ensuit que l’intérêt de la requérante à se voir accorder le dégel provisoire de ses fonds vise à l’octroi d’un bénéfice qu’elle ne pourrait même pas obtenir par un arrêt d’annulation. En effet, un tel arrêt ne produirait les effets pratiques voulus par la requérante, à savoir
la suppression de son nom dans la liste des entités dont les fonds sont gelés, qu’à une date postérieure à celle du prononcé de cet arrêt, alors que, à cette date, le juge des référés de première instance aura perdu toute compétence ratione temporis et que, en tout état de cause, le nom de la requérante pourrait être maintenu dans ladite liste du fait d’une nouvelle mesure restrictive, qui aurait, dans le délai prévu à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, remplacé les mesures
annulées. Dans ces circonstances, l’intérêt de la requérante tendant à obtenir, par voie de référé, le dégel provisoire de ses fonds n’est pas à même d’être protégé par le juge des référés (voir, en ce sens, ordonnance Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, point 51 supra, EU:T:2013:118, point 40).
59 Il s’ensuit que la balance des différents intérêts en présence ne penche pas en faveur de la requérante.
Sur l’urgence
[omissis]
63 En l’espèce, il y a lieu de constater, d’emblée, que, ainsi qu’il ressort des précisions fournies par la requérante dans son mémoire du 4 juin 2015, le préjudice allégué est de nature financière. Toutefois, si la requérante a fourni, dans ce mémoire, des chiffres relatifs à son activité économique, elle n’a pas présenté la moindre preuve documentaire visant à étayer ces chiffres.
[omissis]
66 S’agissant du caractère irréparable de ce préjudice, il est de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure. Dans un tel cas de figure, la mesure provisoire demandée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la partie qui la sollicite se trouverait dans
une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière irrémédiable et importante au regard, notamment, de la taille de son entreprise (voir, en ce sens, ordonnance Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, point 51 supra, EU:T:2013:118, point 20 et jurisprudence citée).
67 En ce qui concerne le cas d’espèce, il a déjà été constaté ci‑dessus que la requérante avait perdu, à la suite des mesures restrictives prises à son égard, l’ensemble de ses parts de marché dans le secteur du transport maritime dans l’Union. Cependant, cette perte est précisément l’un des objectifs poursuivis par lesdites mesures et témoigne plutôt de leur efficacité. Dans cette optique, une telle perte ne peut être pertinente, dans le cadre du contentieux des mesures restrictives, que si son
caractère irrémédiable est établi. Or, sur ce point, la requérante est restée silencieuse. Elle n’a, notamment, pas démontré que des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêcheraient de reconquérir une fraction appréciable des parts de marché perdues. Le préjudice invoqué à ce titre ne saurait donc être considéré comme irréparable [voir, en ce sens, ordonnance du 24 mars 2009, Cheminova e.a./Commission, C‑60/08 P(R), EU:C:2009:181, point 64].
68 Il convient d’ajouter que la requérante ne se prévaut pas d’une mise en péril de sa viabilité financière. Au contraire, elle indique, dans son mémoire du 4 juin 2015, qu’elle exerce actuellement des activités commerciales consistant à transporter du pétrole iranien à destination de la Chine, de l’Inde, de la Corée du Sud, de Taiwan et de la Turquie, que son chiffre d’affaires total était d’environ 895 millions de USD en 2013 et que, selon ses estimations, ce chiffre d’affaires sera similaire
l’année en cours.
69 La requérante fait encore valoir qu’il serait difficile pour elle de prouver par avance le préjudice directement imputable aux actes attaqués, étant donné qu’il existerait des difficultés techniques pour distinguer le préjudice causé par les anciens actes ou par les régimes de sanctions internationaux plus vastes et le préjudice causé par les actes attaqués. Selon la requérante, cela nécessiterait de réaliser des expertises techniques détaillées qui ne pourraient être fournies par avance sur la
base de prévisions. Exiger de fournir ces preuves à ce stade constituerait un obstacle insurmontable à l’obtention de mesures provisoires. Ainsi, le préjudice causé à la requérante par les actes attaqués serait au moins en partie irréparable, dès lors qu’il ne pourrait être chiffré de manière adéquate. Par conséquent, un recours en indemnité n’offrirait pas à la requérante une protection juridictionnelle effective au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.
70 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, un préjudice d’ordre financier peut être considéré comme irréparable si ce préjudice, même lorsqu’il se produit, ne peut pas être chiffré [ordonnances Commission/Pilkington Group, point 30 supra, EU:C:2013:558, point 52, et EDF/Commission, EU:C:2013:157, point 60 et jurisprudence citée].
71 Certes, l’incertitude liée à la réparation d’un préjudice financier dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité ne saurait être considérée, en elle‑même, comme une circonstance de nature à établir le caractère irréparable d’un tel préjudice. En effet, au stade du référé, la possibilité d’obtenir ultérieurement la réparation d’un préjudice d’ordre pécuniaire dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité, qui pourrait être intenté à la suite de l’annulation des actes attaqués, est
nécessairement incertaine. Or, la procédure de référé n’a pas pour objet de se substituer à un tel recours en indemnité pour éliminer cette incertitude, sa finalité étant seulement de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive à intervenir dans la procédure au fond sur laquelle le référé se greffe, à savoir, en l’espèce, un recours en annulation [voir, en ce sens, ordonnances Commission/Pilkington Group, point 30 supra, EU:C:2013:558, point 53, et du 14 décembre 2011, Alcoa
Trasformazioni/Commission, C‑446/10 P(R), EU:C:2011:829, points 55 à 57].
72 En revanche, il en va autrement lorsqu’il apparaît clairement, dès l’appréciation effectuée par le juge des référés, que le préjudice invoqué, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité ne saurait par conséquent permettre de le réparer (ordonnance Commission/Pilkington Group, point 30 supra, EU:C:2013:558, point 54).
73 En l’espèce, il n’apparaît pas que la requérante soit empêchée d’obtenir, en cas d’annulation des actes attaqués, une compensation financière du préjudice financier qui lui aura été causé par ces actes, en intentant un recours en indemnité contre le Conseil, au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE, étant entendu que la seule possibilité de pouvoir former un tel recours suffit à attester du caractère en principe réparable du préjudice financier en cause [voir, en ce sens, ordonnance du
14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a., C‑404/01 P(R), Rec, EU:C:2001:710, points 70 à 75].
74 En effet, le juge des référés ne voit pas pourquoi la requérante serait empêchée de quantifier utilement le préjudice financier qui lui aura été causé par les actes attaqués, en chiffrant les revenus tirés des activités économiques qu’elle avait exercées dans l’Union pendant une année représentative, antérieure à l’imposition des premières mesures restrictives, et en mettant ces revenus en rapport avec ceux réalisés à la suite des actes attaqués, étant précisé que, dans l’hypothèse où ces revenus
auraient déjà été réduits à zéro dans les années antérieures à l’adoption de ces actes, le préjudice causé par ces derniers consisterait dans le maintien de cette situation et pourrait donc être chiffré par une référence annuelle moyenne.
75 Dans ce contexte, il convient de rappeler que la requérante a, elle‑même, fourni de tels chiffres dans son mémoire du 4 juin 2015. Ainsi, elle a indiqué les revenus bruts tirés de ses activités dans l’Union, à savoir ses relations d’affaires avec les plus grandes compagnies pétrolières de l’Union et des négociants de l’Union, pour les années 2009 à 2013. Il en ressort que lesdits revenus se sont constamment réduits de 500 millions de USD (2009) à 160 millions de USD (2010), à 100 millions de USD
(2011), à 40 millions de USD (2012) et à 0 USD (2013).
76 Or, dans un litige indemnitaire ultérieur, le Tribunal serait habilité à calculer, par voie d’estimation abstraite, le préjudice causé à la requérante par les actes attaqués, en se fondant sur l’évolution probable, selon le cours normal des choses, de ses parts de marché et de ses bénéfices si les illégalités reprochées au Conseil n’avaient pas été commises (voir, en ce sens, ordonnance du 5 juin 2013, Rubinum/Commission, T‑201/13 R, EU:T:2013:296, point 50). En effet, s’agissant de la
quantification d’un préjudice, le Tribunal peut évaluer souverainement les faits et dispose d’une marge d’appréciation quant à la méthode à retenir pour déterminer l’étendue d’une indemnisation (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, Rec, EU:C:2008:107, points 72, 74 et 76). En l’occurrence, le Tribunal pourrait même se contenter d’estimations sur la base de valeurs statistiques moyennes, étant entendu que la requérante devrait prouver les données sur
lesquelles se fonderaient ces estimations (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, Rec, EU:T:2010:167, point 168 et jurisprudence citée).
77 En tout état de cause, il semble être permis de conclure d’une jurisprudence du président de la Cour qu’une entreprise victime de mesures restrictives ne saurait valablement prétendre subir un préjudice financier irréparable, dès lors qu’elle peut invoquer les dispositions spécifiques du régime de l’Union visant le gel de fonds ou de ressources économiques qui habilitent les autorités nationales compétentes à autoriser, de manière dérogatoire, le déblocage de certains fonds gelés, ces
dispositions permettant de couvrir des dépenses et des besoins essentiels ou de remplir des obligations contractuelles souscrites avant la prise d’effet dudit gel [ordonnance du 11 mars 2013, North Drilling/Conseil, T‑552/12 R, EU:T:2013:120, point 21 ; voir également, en ce sens, ordonnances Qualitest FZE/Conseil, point 52 supra, EU:C:2012:354, points 41, 42 et 44, et du 25 octobre 2012, Hassan/Conseil, C‑168/12 P(R), EU:C:2012:674, point 39].
78 En effet, ces dispositions dérogatoires assurent l’équilibre entre, d’une part, l’objectif poursuivi par les mesures restrictives et visant à diminuer le risque de prolifération nucléaire en Iran et, d’autre part, la nécessité de garantir la survie de l’entreprise désignée. Par conséquent, le sort à réserver à une demande de sursis à l’exécution de mesures restrictives dépend de l’application, dans le cas concret, desdites procédures dérogatoires d’autorisation en vue du déblocage de certains
fonds gelés (voir, en ce sens, ordonnance Qualitest FZE/Conseil, point 52 supra, EU:C:2012:354, points 45 et 66).
79 En l’occurrence, ce sont l’article 20, paragraphes 3 à 4 bis, 6 et 7, de la décision 2010/413, telle que modifiée, et les articles 24 à 28 ter du règlement no 267/2012, tel que modifié, qui prévoient un certain nombre de dérogations permettant le déblocage des fonds de la requérante dans des circonstances précises. Or, la requérante s’est limitée à contester la pertinence de ces possibilités de dérogation pour le cas d’espèce, sans se prononcer sur la jurisprudence susmentionnée du président de
la Cour. En particulier, elle n’a pas indiqué si elle avait présenté aux autorités nationales compétentes des demandes visant à obtenir l’autorisation d’utiliser des fonds gelés ou si elle avait rencontré des difficultés ou s’était vu opposer des refus ne lui permettant pas d’obtenir une telle autorisation de la part de ces autorités.
80 Par conséquent, la condition relative à l’urgence n’est pas remplie.
81 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande en référé doit être rejetée.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 16 juillet 2015.
Le greffier
E. Coulon
Le président
M. Jaeger
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points de la présente ordonnance dont le Tribunal estime la publication utile.