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10/07/2025 | CJUE | N°C-287/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Ligue royale belge pour la protection des oiseaux ASBL contre Région wallonne., 10/07/2025, C-287/24


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

10 juillet 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Règlement (UE) no 1307/2013 – Pratiques bénéfiques pour le climat et l’environnement – Décision d’exécution (UE) 2022/484 – Validité – Obligation de motivation – Invasion de l’Ukraine par la Russie – Accroissement du potentiel de production agricole de l’Union européenne – Dérogation à certaines conditions relatives au paiement direct en faveur du verdissement – Terres en jachère considérées comme culture

distincte et comme surfaces d’intérêt
écologique même lorsqu’elles ont été pâturées, moissonnées à des fins de pro...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

10 juillet 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Règlement (UE) no 1307/2013 – Pratiques bénéfiques pour le climat et l’environnement – Décision d’exécution (UE) 2022/484 – Validité – Obligation de motivation – Invasion de l’Ukraine par la Russie – Accroissement du potentiel de production agricole de l’Union européenne – Dérogation à certaines conditions relatives au paiement direct en faveur du verdissement – Terres en jachère considérées comme culture distincte et comme surfaces d’intérêt
écologique même lorsqu’elles ont été pâturées, moissonnées à des fins de production ou cultivées – Caractère nécessaire et justifié des mesures adoptées »

Dans l’affaire C‑287/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (Belgique), par décision du 11 avril 2024, parvenue à la Cour le 23 avril 2024, dans la procédure

Ligue royale belge pour la protection des oiseaux ASBL

contre

Région wallonne,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de chambre, MM. D. Gratsias (rapporteur), E. Regan, J. Passer et B. Smulders, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Ligue royale belge pour la protection des oiseaux ASBL, par Mes A. Lebrun et B. Legros, avocats,

– pour le gouvernement belge, par M. P. Cottin, Mmes C. Pochet et L. Van den Broeck, en qualité d’agents, assistés de Me P. Moërynck, avocat,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme L. Vignato, avvocata dello Stato,

– pour la Commission européenne, par Mmes A. C. Becker et C. Perrin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de la décision d’exécution (UE) 2022/484 de la Commission, du 23 mars 2022, prévoyant des dérogations au règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil et au règlement délégué (UE) no 639/2014 de la Commission en ce qui concerne la mise en œuvre de certaines conditions relatives au paiement en faveur du verdissement pour l’année de demande 2022 (JO 2022, L 98, p. 105).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ligue royale belge pour la protection des oiseaux ASBL (ci-après la « Ligue ») à la Région wallonne (Belgique) au sujet d’un arrêté adopté par cette dernière sur le fondement de la décision d’exécution 2022/484, dont la Ligue conteste la validité.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1307/2013

3 L’article 4 du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013 L 347, p. 608), tel que modifié par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017 (JO 2017, L 350,
p. 15) (ci-après le « règlement no 1307/2013 »), intitulé « Définitions et dispositions connexes », disposait, à son paragraphe 1 :

« Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

f) “terres arables”, les terres cultivées destinées à la production de cultures ou les superficies disponibles pour la production de cultures mais qui sont en jachère [...]

[...] »

4 Le titre III du règlement no 1307/2013, intitulé « Régime de paiement de base et régime de paiement unique à la surface et paiements connexes », comportait cinq chapitres. Le chapitre 3 de ce titre, intitulé « Paiement pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement », incluait, notamment, les articles 43, 44 et 46 de ce règlement.

5 L’article 43 dudit règlement, intitulé « Règles générales », prévoyait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les agriculteurs ayant droit à un paiement au titre du régime de paiement de base ou du régime de paiement unique à la surface observent, sur tous leurs hectares admissibles au sens de l’article 32, paragraphes 2 à 5, les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement visées au paragraphe 2 du présent article ou les pratiques équivalentes visées au paragraphe 3 du présent article.

2.   Les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement sont les suivantes :

a) diversification des cultures ;

b) maintien des prairies permanentes existantes ; et

c) disposer d’une surface d’intérêt écologique sur la surface agricole. »

6 L’article 44 du même règlement, intitulé « Diversification des cultures », était libellé comme suit :

« 1.   Lorsque les terres arables de l’agriculteur couvrent entre 10 et 30 hectares et ne sont pas entièrement consacrées à des cultures sous eau pendant une grande partie de l’année ou pendant une grande partie du cycle de culture, ces terres arables comprennent deux cultures différentes au moins. La culture principale ne couvre pas plus de 75 % desdites terres arables.

Lorsque les terres arables de l’agriculteur couvrent plus de 30 hectares et ne sont pas entièrement consacrées à des cultures sous eau pendant une grande partie de l’année ou pendant une grande partie du cycle de culture, ces terres arables comprennent trois cultures différentes au moins. La culture principale ne couvre pas plus de 75 % de ces terres arables et les deux cultures principales ne couvrent pas, ensemble, plus de 95 % desdites terres.

[...]

4.   Aux fins du présent article, on entend par “culture” l’un des éléments suivants :

a) une culture de l’un des différents genres définis dans la classification botanique des cultures ;

b) une culture de l’une des espèces dans le cas des Brassicaceae, Solanaceae et Cucurbitaceae ;

c) les terres mises en jachère ;

d) les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées.

[...] »

7 L’article 46 du règlement no 1307/2013, intitulé « Surface d’intérêt écologique », disposait :

« 1.   Lorsque les terres arables d’une exploitation couvrent plus de 15 hectares, les agriculteurs veillent à ce que, à compter du 1er janvier 2015, une surface correspondant à au moins 5 % des terres arables de l’exploitation que l’agriculteur a déclarées conformément à l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, point a), du règlement [no 1306/2013] et incluant, si elles sont considérées comme surface d’intérêt écologique par l’État membre conformément au paragraphe 2 du présent article, les
surfaces mentionnées audit paragraphe, points c), d), g), h), k) et l), constitue une surface d’intérêt écologique.

[...]

2.   Le 1er août 2014 au plus tard, les États membres décident que l’une ou plusieurs des surfaces ci-après doivent être considérées comme des surfaces d’intérêt écologique :

a) les terres en jachère ;

[...]

9.   La Commission [européenne] est habilitée, en conformité avec l’article 70, à adopter des actes délégués :

a) fixant de nouveaux critères pour déterminer quels types de surfaces visés au paragraphe 2 peuvent être considérés comme surfaces d’intérêt écologique ;

[...] »

8 Le titre VII de ce règlement, intitulé « Dispositions finales », comportait trois chapitres. Le chapitre 1 de ce titre, intitulé « Notifications et situations d’urgence », comportait notamment l’article 69 dudit règlement, lui-même intitulé « Mesures à prendre pour résoudre des problèmes spécifiques ». Cet article disposait :

« 1.   En vue de résoudre des problèmes spécifiques, la Commission adopte les actes d’exécution qui sont à la fois nécessaires et justifiés en cas d’urgence. Ces actes d’exécution peuvent déroger à certaines dispositions du présent règlement, dans la mesure et pour la durée où cela est strictement nécessaire. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 71, paragraphe 2.

2.   Lorsque des raisons d’urgence impérieuses dûment justifiées le requièrent et afin de résoudre des problèmes spécifiques et d’assurer la continuité du système de paiements directs dans des situations extraordinaires, la Commission adopte des actes d’exécution immédiatement applicables en conformité avec la procédure visée à l’article 71, paragraphe 3.

3.   Les mesures adoptées au titre du paragraphe 1 ou 2 restent en vigueur pendant une période n’excédant pas douze mois. Si, au terme de cette période, les problèmes spécifiques visés dans ces paragraphes persistent, la Commission peut soumettre une proposition législative appropriée afin d’y remédier de façon permanente.

[...] »

Le règlement délégué no 639/2014

9 Le règlement délégué (UE) no 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et modifiant l’annexe X dudit règlement (JO 2014, L 181, p. 1), tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2018/1784 de la Commission, du 9 juillet 2018 (JO 2018, L 293, p. 1) (ci-après le
« règlement délégué no 639/2014 »), comportait un chapitre 3, intitulé « Verdissement », qui se composait de quatre sections. La section 4 de ce chapitre, intitulée « Surfaces d’intérêt écologique », comportait notamment l’article 45 de ce règlement délégué, qui a été adopté sur la base de l’article 46, paragraphe 9, sous a), du règlement no 1307/2013. Cet article 45 était intitulé « Critères supplémentaires pour les types de surfaces d’intérêt écologique » et prévoyait :

« 1.   Les paragraphes 2 à 11 du présent article s’appliquent pour qualifier les types de surfaces énumérés à l’article 46, paragraphe 2, du [règlement no 1307/2013] de surfaces d’intérêt écologique.

2.   Les terres mises en jachère et les surfaces de jachères mellifères (composées d’espèces riches en pollen et en nectar) ne sont pas utilisées pour la production agricole. Les États membres fixent une période pendant laquelle les terres doivent être conservées en jachère au cours d’une année civile donnée. Cette période ne peut pas être inférieure à six mois. [...]

[...]

10 ter.   L’utilisation des produits phytopharmaceutiques est interdite sur toutes les surfaces visées aux paragraphes 2, 9 et 10, ainsi que sur les surfaces utilisées pour la production agricole visées au paragraphe 7.

[...] »

La décision d’exécution 2022/484

10 Les considérants 1 à 9 de la décision d’exécution 2022/484, adoptée sur le fondement de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013, énoncent :

« (1) Le titre III, chapitre 3, du [règlement no 1307/2013] prévoit le paiement en faveur des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement (“paiement en faveur du verdissement”). Ces pratiques comprennent la diversification des cultures conformément à l’article 43, paragraphe 2, point a), et les surfaces d’intérêt écologique conformément à l’article 43, paragraphe 2, point c), dudit règlement. Le chapitre 3 du [règlement délégué no 639/2014] énonce des règles supplémentaires
concernant ces pratiques [...]

(2) L’article 44, paragraphe 4, du [règlement no 1307/2013] dispose qu’aux fins de la diversification des cultures, les terres mises en jachère sont comptabilisées comme une culture distincte des terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées. En conséquence, les terres pâturées ou moissonnées à des fins de production ne peuvent être comptabilisées comme des terres mises en jachère.

(3) L’article 46, paragraphe 2, premier alinéa, point a), du [règlement no 1307/2013] dispose que les terres mises en jachère peuvent être qualifiées de surfaces d’intérêt écologique. L’article 45, paragraphe 2, du [règlement délégué no 639/2014] dispose que ces terres ne peuvent pas être utilisées pour la production agricole et l’article 45, paragraphe 10 ter, dudit règlement interdit l’utilisation de produits phytopharmaceutiques sur les terres mises en jachère pouvant être qualifiées de
surfaces d’intérêt écologique.

(4) L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a provoqué une forte hausse des prix des produits de base et a une incidence sur l’offre et la demande de produits agricoles. Pour remédier à cette situation, il convient d’accroître le potentiel de production agricole de l’Union, tant pour l’alimentation humaine que pour l’alimentation animale.

(5) Les terres mises en jachère restent des terres arables adaptées à la production de cultures qui, bien qu’à des degrés divers en fonction de leurs conditions, telles que la qualité du sol, pourraient être utilisées immédiatement pour produire des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Par conséquent, afin de permettre aux agriculteurs d’utiliser autant que possible leurs surfaces disponibles aux fins de la production alimentaire et de l’alimentation des animaux, il convient
d’autoriser les États membres à déroger aux conditions relatives au paiement en faveur du verdissement, y compris l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, pour l’année de demande 2022 en ce qui concerne les terres mises en jachère qui ont été déclarées conformes aux exigences relatives à la diversification des cultures ou aux surfaces d’intérêt écologique conformément à l’article 44, paragraphe 4, et à l’article 46, paragraphe 2, premier alinéa, point a), du [règlement no 1307/2013],
respectivement.

(6) La présente décision ne devrait prévoir de dérogations aux obligations relatives à la diversification des cultures et aux surfaces d’intérêt écologique que dans la mesure et pour la durée strictement nécessaires. Les dérogations devraient se limiter à l’année de demande 2022 et viser à remédier à l’incidence sur l’offre et la demande de produits agricoles en permettant une augmentation de la superficie totale des terres arables disponibles pour la production de denrées alimentaires et
d’aliments pour animaux.

(7) Lorsqu’ils décident de l’application des dérogations, ces États membres devraient dûment tenir compte des objectifs des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement et, en particulier, de la nécessité d’assurer une protection suffisante de la qualité des sols, de la qualité des ressources naturelles et de la biodiversité, en particulier pendant les périodes les plus sensibles pour la floraison et les oiseaux nicheurs.

(8) Afin de garantir l’efficacité des dérogations autorisées par la présente décision au regard des objectifs poursuivis, à savoir une atténuation de la hausse des prix des matières premières et de l’incidence sur l’offre et la demande, les États membres devraient prendre leurs décisions sur l’application des dérogations dans un délai de 21 jours à compter de la date de notification de la présente décision et notifier leurs décisions à la Commission dans un délai de 7 jours à compter de la date à
laquelle les décisions ont été prises.

(9) Pour permettre à la Commission de contrôler l’application correcte des dérogations prévues et leur incidence, il y a lieu que les États membres fournissent des informations sur le nombre d’exploitations et d’hectares couverts par les dérogations. Ces informations devraient être mises à la disposition de la Commission d’ici le 15 décembre 2022, au moyen des instruments de notification existants. »

11 L’article 1er de cette décision d’exécution, intitulé « Décisions dérogeant à certaines conditions relatives au paiement en faveur du verdissement pour l’année de demande 2022 », dispose :

« 1.   Par dérogation à l’article 44, paragraphe 4, du [règlement no 1307/2013], pour l’année de demande 2022, les États membres peuvent décider que les terres en jachère sont considérées comme une culture distincte même si ces terres ont été pâturées ou moissonnées à des fins de production ou ont été cultivées.

2.   Par dérogation à l’article 45, paragraphe 2, du [règlement délégué no 639/2014], pour l’année de demande 2022, les États membres peuvent décider que les terres en jachère sont considérées comme des surfaces d’intérêt écologique conformément à l’article 46, paragraphe 2, premier alinéa, point a), du [règlement no 1307/2013] même si ces terres ont été pâturées ou moissonnées à des fins de production ou ont été cultivées. [...]

Par dérogation à l’article 45, paragraphe 10 ter, du [règlement délégué no 639/2014], lorsque les États membres ont recours à la dérogation visée au premier alinéa du présent paragraphe, ils peuvent également décider d’autoriser l’utilisation de produits phytopharmaceutiques sur les surfaces pâturées ou moissonnées à des fins de production ou cultivées. »

12 L’article 2 de ladite décision d’exécution, intitulé « Délai », prévoit :

« Les décisions visées à l’article 1er sont prises dans un délai de 21 jours à compter de la date de notification de la présente décision. »

13 Aux termes de l’article 3 de la même décision d’exécution, intitulé « Notifications » :

« 1.   Les États membres notifient à la Commission les décisions prises en vertu de l’article 1er dans un délai de 7 jours à compter de la date à laquelle ces décisions ont été prises.

2.   D’ici le 15 décembre 2022, les États membres communiquent à la Commission le nombre d’exploitations ayant eu recours aux dérogations prévues à l’article 1er et le nombre d’hectares auxquels ces dérogations ont été appliquées. »

Le droit belge

14 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de l’arrêté du gouvernement wallon, du 12 mai 2022, prévoyant des dérogations à certaines conditions relatives à la mise en œuvre des jachères pour l’année 2022 (Moniteur belge du 19 mai 2022, p. 43644, ci-après l’« arrêté du 12 mai 2022 »), prévoit :

« § 1er   En application de l’article 1er de la [décision d’exécution 2022/484], les dispositions suivantes sont adoptées pour l’année 2022 :

1o par dérogation à l’article 44, [paragraphe] 4, du [règlement no 1307/2013], les terres en jachère pâturées, moissonnées à des fins de production ou cultivées sont considérées comme des cultures distinctes ;

2o par dérogation à l’article 45, [paragraphe] 2, du [règlement no 639/2014], les terres en jachère pâturées, moissonnées à des fins de production ou cultivées sont considérées comme des surfaces d’intérêt écologique.

§ 2   Pour l’application du paragraphe 1er, la mise en culture des terres en jachère est autorisée pour les cultures suivantes :

1° le maïs grain [...] ;

2° le maïs ensilage [...] ;

3° les trèfles [...] ;

4° la luzerne [...] ;

5° la luzerne lupuline [...] ;

6° le lotier corniculé [...] ;

7° le sainfoin [...] ;

8° le soja [...] ;

9° les fèves et féveroles d’hiver [...] ;

10° les fèves et féveroles de printemps [...] ;

11° le lupin doux [...] ;

12° les mélanges d’hiver de légumineuses et de céréales ou autres espèces [...] ;

13° les mélanges de printemps de légumineuses et de céréales ou autres espèces [...] ;

14° les pois protéagineux d’hiver [...] ;

15° les pois protéagineux de printemps [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

15 Par requête introduite le 18 juillet 2022 devant le Conseil d’État (Belgique), qui est la juridiction de renvoi, la Ligue a demandé l’annulation de l’arrêté du 12 mai 2022.

16 À l’appui de sa demande, la Ligue fait valoir que la décision d’exécution 2022/484, sur la base de laquelle a été adopté l’arrêté du 12 mai 2022, enfreint, d’une part, le règlement no 1307/2013 et, d’autre part, l’article 45, paragraphes 2 et 10 ter, du règlement délégué no 639/2014.

17 Dans cette mesure, la Ligue a demandé à la juridiction de renvoi d’interroger la Cour, à titre préjudiciel, sur le point de savoir si la décision d’exécution 2022/484 est « conforme à l’article 69 du règlement no 1307/2013, combiné à l’article 45 du règlement délégué no 639/2014 ».

18 À cet égard, la Ligue soutient qu’il ne ressort pas du considérant 4 de la décision d’exécution 2022/484 que la Commission a établi l’existence de « raisons d’urgence impérieuses », au sens de l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013. En outre, le principe de proportionnalité et 1’article 69, paragraphe 1, de ce règlement imposeraient de justifier l’urgence de façon plus convaincante, détaillée et objective ainsi que de préciser les produits de base dont le prix aurait augmenté et
pour lesquels il faudrait limiter l’application de cette décision d’exécution. En effet, une autorisation de déroger au règlement no 1307/2013 et au règlement d’exécution no 639/2014 ne saurait être large et imprécise.

19 Tout en observant que la Ligue fait reposer son argumentation sur une prémisse erronée dans la mesure où la décision d’exécution 2022/484 a été adoptée sur le fondement non pas du paragraphe 2, mais du paragraphe 1 de l’article 69 du règlement no 1307/2013, la juridiction de renvoi observe que le recours dont elle est saisie soulève la question de savoir si, à l’aune des motifs énoncés dans ses considérants 4 à 8, cette décision d’exécution est valide au regard de l’article 69 du règlement
no 1307/2013 et de l’article 45 du règlement no 639/2014.

20 La juridiction de renvoi rappelle que l’obligation de motivation impose que tout acte de l’Union produisant des effets juridiques contienne un exposé des raisons qui ont amené l’institution à l’adopter et ajoute que, si la question préjudicielle proposée par la Ligue est rédigée dans des termes généraux, la lecture de la requête en annulation permet de connaître à suffisance les motifs d’invalidité qui y sont développés et qui consistent à « la critique formulée à propos de la proportionnalité de
la [décision d’exécution 2022/484], ou plus exactement de la motivation de celle-ci ».

21 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La [décision d’exécution 2022/484] est-elle conforme à l’article 69 du [règlement no 1307/2013], combiné à l’article 45 du [règlement délégué no 639/2014] ? »

Sur la question préjudicielle

22 Selon une jurisprudence constante, eu égard à l’esprit de coopération qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel et conformément à l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour, il est indispensable que la juridiction nationale expose, dans sa décision de renvoi, les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur la validité de certaines dispositions du droit de l’Union ainsi que les motifs d’invalidité qui lui paraissent pouvoir être retenus [arrêt du
11 janvier 2024, Friends of the Irish Environment (Possibilités de pêche supérieures à zéro), C‑330/22, EU:C:2024:19, point 45 et jurisprudence citée].

23 Bien que la demande de décision préjudicielle ne contienne pas de développements détaillés à ce sujet, il en ressort toutefois que la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la validité de la décision d’exécution 2022/484 au regard de la question de savoir si, à l’aune des conditions prévues à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013, disposition qui constitue le fondement juridique de cette décision d’exécution, celle-ci est motivée à suffisance de droit, et si,
par ailleurs, cette décision respecte l’exigence énoncée à la même disposition, relative au caractère nécessaire et justifié de la mesure qu’elle arrête.

24 S’agissant du respect de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les
éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 40 et jurisprudence citée].

25 En ce qui concerne, en particulier, les actes de portée générale, tels que la décision d’exécution 2022/484, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution qui l’a adopté [voir, en ce
sens, arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 42 et jurisprudence citée].

26 En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, du contexte et des règles régissant la matière concernée, il y a lieu de relever que, afin de bénéficier du paiement direct pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, tel que ce paiement est prévu par les dispositions du titre III, chapitre 3, du règlement no 1307/2013, les agriculteurs doivent, conformément à l’article 43, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, se conformer à certaines pratiques agricoles. Parmi ces
pratiques comptent la diversification des cultures et la préservation, sur la surface agricole, d’une surface d’intérêt écologique.

27 En particulier, premièrement, il découle de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013 que la diversification des cultures implique que, à partir de certains seuils de superficie, les terres arables de l’agriculteur comprennent deux, voire trois, cultures différentes au moins. Conformément au paragraphe 4, sous c), de cet article, les terres mises en jachère sont considérées, aux fins de cette exigence de diversification, comme étant une culture distincte des terres consacrées à la
production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées, de telle sorte que les terres pâturées ou moissonnées à des fins de production ne peuvent être comptabilisées en tant que terres mises en jachère.

28 Deuxièmement, conformément à l’article 46 du règlement no 1307/2013, lorsque les terres arables d’une exploitation couvrent plus de quinze hectares, les agriculteurs doivent veiller à ce qu’une surface minimale définie constitue une « surface d’intérêt écologique ». En vertu du paragraphe 2 de cet article, les terres en jachère comptent parmi les surfaces que les États membres peuvent considérer comme étant d’intérêt écologique.

29 Troisièmement, l’article 45 du règlement délégué no 639/2014 précise, à son paragraphe 2, que les terres en jachère ne sont pas utilisées pour la production agricole et interdit, à son paragraphe 10 ter, l’utilisation de produits phytopharmaceutiques sur les terres en question.

30 Quatrièmement, l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013 habilite la Commission à adopter des actes d’exécution qui visent à résoudre des problèmes spécifiques et sont à la fois nécessaires et justifiés en cas d’urgence. Ces actes d’exécution peuvent déroger à certaines dispositions de ce règlement dans la mesure et pour la durée où cela est strictement nécessaire.

31 Cette habilitation doit être considérée comme autorisant la Commission à adopter des actes d’exécution dérogeant non seulement à des dispositions du règlement no 1307/2013 lui-même, mais également aux dispositions des actes délégués, tels que le règlement délégué no 639/2014, qui, conformément à l’article 290, paragraphe 1, TFUE, visent à compléter ou à modifier le règlement no 1307/2013.

32 Sur la base de ladite habilitation, la Commission a adopté la décision d’exécution 2022/484, dont l’article 1er a permis aux États membres de déroger, pour l’année de demande 2022, au règlement no 1307/2013 ainsi qu’au règlement délégué no 639/2014, et cela à trois égards.

33 Premièrement, les États membres ont pu, par dérogation à l’article 44, paragraphe 4, du règlement no 1307/2013, décider que les terres en jachère seraient considérées comme une culture distincte, même si ces terres avaient été pâturées ou moissonnées à des fins de production ou avaient été cultivées.

34 Deuxièmement, les États membres ont pu, par dérogation à l’article 45, paragraphe 2, du règlement délégué no 639/2014, décider que les terres en jachère seraient considérées comme des surfaces d’intérêt écologique, même si ces terres avaient été pâturées ou moissonnées à des fins de production ou avaient été cultivées.

35 Troisièmement, par dérogation à l’article 45, paragraphe 10 ter, du règlement délégué no 639/2014, lorsque les États membres avaient recours à la dérogation visée au point précédent, ils pouvaient également décider d’autoriser l’utilisation de produits phytopharmaceutiques sur les surfaces pâturées ou moissonnées à des fins de production ou cultivées.

36 Les agriculteurs actifs dans un État membre ayant décidé d’accorder ces dérogations ont pu, par conséquent, être éligibles au paiement direct pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, même s’ils utilisaient leurs terres mises en jachère à des fins de production agricole et même s’ils employaient sur celles-ci des produits phytopharmaceutiques.

37 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’étendue de l’obligation de motivation, rappelée au point 25 du présent arrêt, qui pèse sur la Commission lors de l’adoption, en particulier, d’un acte de portée générale tel que la décision d’exécution 2022/484, il y a lieu de relever, premièrement, que, au considérant 4 de cette décision d’exécution, la Commission a exposé que la forte hausse des prix des produits de base provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie a eu une incidence
sur l’offre et la demande de produits agricoles. Force est de constater que ce considérant expose de manière synthétique mais intelligible la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption de cette décision d’exécution et qu’il décrit avec suffisamment de clarté le problème spécifique à caractère urgent que celle-ci vise à résoudre.

38 Il convient d’ajouter que, ainsi qu’il ressort de la première phrase du considérant 4 de la décision d’exécution 2022/484, la notion de « produits de base » se distingue de celle de « produits agricoles ». En effet, il résulte d’une lecture combinée des considérants 4 et 8 de la version en langue française de cette décision d’exécution que la notion de « produits de base » désigne les « matières premières », à savoir les éléments nécessaires à la production agricole. Ce constat est conforté par
le fait que d’autres versions linguistiques de ladite décision d’exécution, telles que les versions en langues allemande, anglaise et italienne, utilisent, à ces deux considérants, le terme équivalent à celui de « matières premières » en langue française, à savoir, respectivement, « Rohstoff(e) », « commodity » et « materie prime ». Par ailleurs, la décision d’exécution 2022/484 n’opère pas de distinction entre les différents produits agricoles, la première phrase du considérant 4 de celle-ci se
référant à l’incidence de la forte hausse des prix des produits de base sur l’offre et la demande de tous les produits agricoles indistinctement. Par conséquent, l’argumentation avancée par la Ligue devant la juridiction de renvoi, telle qu’elle ressort du dossier dont dispose la Cour, selon laquelle la décision d’exécution 2022/484 serait insuffisamment motivée en ce qu’elle ne préciserait pas quels produits agricoles sont à considérer comme produits de base qui, seuls, auraient dû être
concernés par la mesure dérogatoire adoptée, méconnait le fait qu’il s’agit de deux notions différentes dont les portées respectives ne se recoupent pas.

39 De surcroît, l’argument de la Ligue avancé devant la juridiction de renvoi, tel qu’il ressort également du dossier dont dispose la Cour, et pris de ce que la Commission aurait dû préciser, dans la décision d’exécution 2022/484, les « raisons d’urgence impérieuses » qui justifiaient son adoption est fondé sur une prémisse erronée.

40 En effet, d’une part, l’existence de « raisons d’urgence impérieuses » est nécessaire pour justifier l’adoption d’actes d’exécution pris sur le fondement du paragraphe 2 de l’article 69 du règlement no 1307/2013, alors que, comme l’a également observé cette juridiction, ladite décision d’exécution a été adoptée sur la base du paragraphe 1 de cet article, lequel fait référence au « cas d’urgence ».

41 D’autre part, la Ligue a soutenu devant la juridiction de renvoi que l’urgence n’était pas, en l’occurrence, démontrée par la Commission, étant donné que cette institution n’avait ni défini la notion de « produits de base » ni présenté le calcul démontrant la « forte hausse des prix » de ces produits.

42 À cet égard, il suffit de constater que, compte tenu des exigences de la motivation des actes de portée générale, rappelées au point 25 du présent arrêt, l’article 296, deuxième alinéa, TFUE n’exige pas que la Commission présente une motivation définissant de manière spécifique les produits de base dont les prix seraient affectés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 ou qu’elle effectue un calcul de la hausse de ces prix.

43 En ce qui concerne, deuxièmement, l’objectif général poursuivi par la décision d’exécution 2022/484, celui-ci est exposé dans la deuxième phrase du même considérant 4. La Commission y précise que, en vue de faire face au problème spécifique décrit au point 37 du présent arrêt, il convenait d’accroître le potentiel de production agricole de l’Union pour l’alimentation humaine et animale.

44 Il ressort du considérant 5 de la décision d’exécution 2022/484 que, aux fins d’atteindre cet objectif, la Commission a considéré qu’il était nécessaire de permettre aux agriculteurs d’utiliser autant que possible leurs surfaces disponibles, étant donné que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1307/2013, les terres en jachère restent des terres arables adaptées à la production des cultures et pourraient, de ce fait, être utilisées immédiatement pour produire des
denrées alimentaires et des aliments pour animaux. C’est dans ce contexte que, ainsi qu’il ressort de ce considérant 5, la Commission a estimé qu’il convenait d’autoriser les États membres à déroger aux conditions relatives au paiement direct pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, y compris à l’interdiction d’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

45 Par ailleurs, au considérant 6 de la décision d’exécution 2022/484, la Commission a indiqué que ces mesures relatives à la diversification des cultures et aux surfaces d’intérêt écologique ne dérogeaient aux dispositions du règlement no 1307/2013 que dans la mesure et pour la durée strictement nécessaire, dès lors qu’elles étaient limitées à l’année de demande 2022 et qu’elles visaient à remédier à l’incidence sur l’offre et la demande de produits agricoles en permettant une augmentation de la
superficie totale des terres arables disponibles pour la production de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux.

46 Il ressort de tout ce qui précède que la Commission a exposé à suffisance de droit, au regard des conditions prévues à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013, les motifs pour lesquels les mesures prévues par la décision d’exécution 2022/484, d’une part, étaient nécessaires et justifiées en vue de résoudre un problème spécifique apparu dans un contexte d’urgence et, d’autre part, ne dérogeaient à ce règlement que dans la mesure et pour une durée strictement nécessaire afin de
réaliser cet objectif.

47 S’agissant, ensuite, du respect du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que les mesures d’exécution adoptées sur la base de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013 doivent être nécessaires et justifiées en cas d’urgence et ne peuvent déroger aux dispositions de ce règlement que dans la mesure et pour la durée où cela est strictement nécessaire.

48 À cet égard, premièrement, au vu de l’objectif poursuivi par la décision d’exécution 2022/484, qui, ainsi qu’il ressort des points 40 et 41 du présent arrêt, vise à résoudre un problème spécifique apparu dans un contexte d’urgence, la mesure introduite par cette décision d’exécution apparaît comme étant nécessaire et justifiée. En effet, d’une part, sans requérir des actions complexes, l’utilisation des terres mises en jachère est apte à contribuer de manière directe à l’accroissement de la
production agricole. D’autre part, une mesure consistant à ne pas priver les agriculteurs du paiement direct au titre de pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement lorsque ceux-ci utilisent leurs terres en jachère à des fins de production agricole est de nature à inciter ces derniers à exploiter ces terres.

49 Deuxièmement, par la décision d’exécution 2022/484, la Commission s’est limitée à autoriser les États membres à déroger, seulement pendant la période couverte par l’année de demande 2022, à certaines dispositions des actes de l’Union visés à l’article 1er de celle-ci, et sans leur imposer une obligation en ce sens.

50 D’autre part, dans la mesure où certains États membres décideraient de faire usage d’une telle possibilité, la Commission a circonscrit leur action de sorte à minimiser l’impact potentiellement négatif de celle-ci pour l’environnement.

51 En effet, au considérant 7 de la décision d’exécution 2022/484, la Commission a rappelé que les États membres étaient tenus, lors de la mise en œuvre de celle-ci, de tenir dûment compte des objectifs des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement et, en particulier, de la nécessité d’assurer une protection suffisante de la qualité des sols, de la qualité des ressources naturelles et de la biodiversité, en particulier pendant les périodes les plus sensibles pour la floraison
et les oiseaux nicheurs. Dans ce contexte, ainsi que le relève la Commission dans ses observations écrites, il revenait aux États membres de définir, dans le respect de ces obligations, le champ d’application territorial des dérogations ainsi que de préciser les utilisations et les cultures permises, ce que le gouvernement wallon a fait, en l’occurrence, à l’article 2, paragraphe 2, de l’arrêté du 12 mai 2022.

52 Dans le même contexte, l’article 3 de la décision d’exécution 2022/484 impose aux États membres de notifier à la Commission les décisions prises en vertu de l’article 1er de celle-ci et de lui communiquer le nombre d’exploitations ayant eu recours aux dérogations ainsi que le nombre d’hectares auxquels ces dérogations ont été appliquées. Il ressort du considérant 9 de cette décision d’exécution que la Commission a imposé ces obligations en vue, notamment, de vérifier que les décisions par
lesquelles les États membres recourent au régime dérogatoire introduit par ladite décision d’exécution sont conformes aux limites prescrites par celle-ci.

53 Il s’ensuit que les mesures d’exécution adoptées dans la décision d’exécution 2022/484 n’apparaissent pas manquer à l’exigence prévue à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013, à savoir qu’elles soient nécessaires et justifiées.

54 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’examen de celle-ci n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision d’exécution 2022/484.

Sur les dépens

55 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  L’examen de la question posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision d’exécution (UE) 2022/484 de la Commission, du 23 mars 2022, prévoyant des dérogations au règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil et au règlement délégué (UE) no 639/2014 de la Commission en ce qui concerne la mise en œuvre de certaines conditions relatives au paiement en faveur du verdissement pour l’année de demande 2022.

Arastey Sahún

Gratsias

Regan

Passer

Smulders
 
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2025.

Le greffier

A. Calot Escobar

La présidente de chambre

M. L. Arastey Sahún

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-287/24
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (Belgique).

Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Règlement (UE) no 1307/2013 – Pratiques bénéfiques pour le climat et l’environnement – Décision d’exécution (UE) 2022/484 – Validité – Obligation de motivation – Invasion de l’Ukraine par la Russie – Accroissement du potentiel de production agricole de l’Union européenne – Dérogation à certaines conditions relatives au paiement direct en faveur du verdissement – Terres en jachère considérées comme culture distincte et comme surfaces d’intérêt écologique même lorsqu’elles ont été pâturées, moissonnées à des fins de production ou cultivées – Caractère nécessaire et justifié des mesures adoptées.


Parties
Demandeurs : Ligue royale belge pour la protection des oiseaux ASBL
Défendeurs : Région wallonne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina
Rapporteur ?: Gratsias

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:550

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