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24/06/2025 | CJUE | N°C-351/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, GR REAL s. r. o. contre PO et RT., 24/06/2025, C-351/23


ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 juin 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 6, paragraphe 1 – Article 7, paragraphe 1 – Contrat de crédit à la consommation – Contrat garanti par une sûreté consentie sur un bien immobilier constituant le logement familial d’un consommateur – Déchéance du terme – Vente aux enchères extrajudiciaire de ce bien immobilier – Réglementation nationale permettant la réalisation de cet

te vente sans
vérification préalable, par une juridiction, de la créance concernée – Motifs de nu...

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 juin 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 6, paragraphe 1 – Article 7, paragraphe 1 – Contrat de crédit à la consommation – Contrat garanti par une sûreté consentie sur un bien immobilier constituant le logement familial d’un consommateur – Déchéance du terme – Vente aux enchères extrajudiciaire de ce bien immobilier – Réglementation nationale permettant la réalisation de cette vente sans
vérification préalable, par une juridiction, de la créance concernée – Motifs de nullité de ladite vente excluant l’existence de clauses abusives – Effectivité de la protection reconnue aux consommateurs – Articles 7 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑351/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov, Slovaquie), par décision du 11 mai 2023, parvenue à la Cour le 6 juin 2023, dans la procédure

GR REAL s. r. o.

contre

PO,

RT,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. T. von Danwitz, vice‑président, MM. C. Lycourgos, I. Jarukaitis, M^me M. L. Arastey Sahún, MM. A. Kumin et N. Jääskinen, présidents de chambre, MM. E. Regan, N. Piçarra, M^mes I. Ziemele, O. Spineanu‑Matei (rapporteure), MM. B. Smulders, M. Condinanzi, F. Schalin et S. Gervasoni, juges,

avocat général : M^me L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour GR REAL s. r. o., par M^e M. Krutek, advokát,

–        pour PO et RT, par M^e Z. Pitoňáková, advokátka,

–        pour le gouvernement slovaque, par M^me E. V. Larišová et M. A. Lukáčik, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. R. Lindenthal, P. Ondrůšek et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 14 novembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que des articles 5, 8 et 9 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans
le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n^o 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant GR REAL s. r. o. à PO et à RT au sujet, d’une part, de l’expulsion de ces derniers de leur logement familial à la suite de l’acquisition de celui-ci par cette société lors d’une vente aux enchères extrajudiciaire et, d’autre part, d’une action reconventionnelle par laquelle PO et RT contestent la légalité du transfert de propriété de ce bien immobilier.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 93/13

3        Le vingt-quatrième considérant de la directive 93/13 énonce :

« considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».

4        L’article 6, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

5        Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

 La directive 2005/29

6        L’article 5 de la directive 2005/29 dispose :

« 1.      Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2.      Une pratique commerciale est déloyale si :

a)      elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b)      elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

[...]

4.      En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont :

[...]

b)      agressives au sens des articles 8 et 9.

[...] »

7        L’article 8 de cette directive est libellé comme suit :

« Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale
qu’il n’aurait pas prise autrement. »

8        Aux termes de l’article 9 de ladite directive :

« Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération :

a)      le moment et l’endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ;

b)      le recours à la menace physique ou verbale ;

c)      l’exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou circonstance particulière d’une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d’influencer la décision du consommateur à l’égard du produit ;

d)      tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;

e)      toute menace d’action alors que cette action n’est pas légalement possible. »

 Le droit slovaque

 Le code civil

9        L’article 53 du zákon č. 40/1964 Zb. Občiansky zákonník (loi n^o 40/1964 portant code civil), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code civil »), prévoyait, à son paragraphe 9 :

« Dans le cas de l’exécution par paiements échelonnés d’un contrat conclu avec un consommateur, le professionnel peut exercer le droit que lui reconnaît l’article 565 du code civil au plus tôt trois mois après le retard de paiement d’une échéance et lorsqu’il a averti le consommateur au moins 15 jours au préalable de l’exercice de ce droit. »

10      Aux termes de l’article 151j, paragraphe 1, du code civil :

« Si une créance garantie par une sûreté n’est pas honorée dûment et en temps voulu, le créancier garanti peut engager l’exécution de la sûreté. Dans le cadre de l’exécution de la sûreté, le créancier garanti peut être désintéressé de la manière spécifiée dans le contrat ou au moyen d’une vente aux enchères de la sûreté conformément à une loi particulière, [...] ou réclamer son désintéressement par la vente de la sûreté conformément aux lois particulières, [...] sauf dispositions contraires du
présent code ou d’une loi particulière. »

11      Il ressort de la décision de renvoi que cette disposition comporte une première note en bas de page, insérée après les termes « conformément à une loi particulière », qui renvoie au zákon č. 527/2002 Z. z. o dobrovoľných dražbách a o doplnení zákona Slovenskej národnej rady č. 323/1992 Zb. o notároch a notárskej činnosti (Notársky poriadok) v znení neskorších predpisov [loi n^o 527/2002 relative aux ventes aux enchères volontaires et complétant la loi du Conseil national slovaque
n^o 323/1992 relative aux notaires et à l’activité notariale (code des notaires), telle que modifiée (ci-après la « loi relative aux ventes aux enchères volontaires »)], et une seconde note en bas de page, figurant après les termes « lois particulières », laquelle renvoyait au zákon č. 99/1963 Zb., Občiansky súdny poriadok (loi n^o 99/1963 portant code de procédure civile ancien), qui a été remplacé, à partir du 1^er juillet 2016, par le zákon č. 160/2015 Z. z. Civilný sporový poriadok (loi
n^o 160/2015 portant code de procédure civile, ci-après le « code de procédure civile »), et au zákon č. 233/1995 Z. z., o súdnych exekútoroch a exekučnej činnosti (Exekučný poriadok) a o zmene a doplnení ďalších zákonov [loi n^o 233/1995 relative aux huissiers de justice et aux procédures d’exécution forcée (code des procédures d’exécution), modifant et complétant d’autres loi].

12      L’article 565 du code civil est libellé comme suit :

« Dans le cas d’une exécution par paiements échelonnés, le créancier ne peut demander le paiement de l’intégralité de la créance en raison du non‑respect de l’une des échéances que si cela a été convenu ou indiqué dans une décision. Le créancier ne peut toutefois exercer ce droit au plus tard que jusqu’à la date d’échéance de la première mensualité suivante. »

 Le code de procédure civile

13      Aux termes de l’article 325, paragraphes 1 et 2, sous d), du code de procédure civile :

« 1.      Le juge peut ordonner une mesure provisoire s’il est nécessaire de corriger sans délai une situation ou si l’on peut craindre qu’une exécution sera compromise.

2.      Le juge peut adresser à une partie au litige, au moyen d’une mesure provisoire, notamment

[...]

d)      une injonction de faire, une injonction de s’abstenir ou une injonction de laisser faire ».

 La loi relative aux ventes aux enchères volontaires

14      L’article 6, paragraphe 1, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires dispose :

« Le commissaire-priseur est la personne qui organise la vente aux enchères, qui remplit les conditions fixées par la présente loi et par une loi particulière, et qui est habilitée à exercer l’activité en cause. [...] »

15      L’article 19, paragraphe 1, sous a) et b), de cette loi est libellé comme suit :

« Le commissaire-priseur est tenu de renoncer à la vente aux enchères au plus tard au début de celle-ci

a)      sur demande écrite du demandeur de la vente aux enchères,

b)      s’il est prouvé au commissaire-priseur, par une décision exécutoire, que le demandeur de la vente aux enchères n’a pas le droit de demander l’exécution de l’enchère ; s’il s’agit d’une mesure provisoire d’un tribunal, il suffit de démontrer au commissaire-priseur qu’elle a été ordonnée par un tribunal ».

16      L’article 21, paragraphe 2, de ladite loi prévoit :

« En cas de contestation de la validité du contrat constitutif de sûreté ou d’infraction aux dispositions de la présente loi, la personne alléguant une violation de ses droits du fait de cette infraction peut demander au juge de déclarer la nullité de la vente. Le droit de demander la nullité de la vente aux enchères s’éteint s’il n’est pas invoqué dans un délai de trois mois à compter de la date de l’adjudication, sauf si les raisons de la nullité de la vente aux enchères sont liées à la commission
d’une infraction pénale et que la vente aux enchères a pour objet une maison ou un appartement dans lequel l’ancien propriétaire du bien vendu aux enchères avait sa résidence permanente déclarée au moment de l’adjudication en vertu d’une réglementation spéciale ; [...] dans ce cas, il est également possible de demander la nullité de la vente aux enchères après l’expiration du délai. [...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      Le 7 avril 2011, Slovenská sporiteľňa, a.s. (ci-après la « banque ») a conclu avec les défendeurs au principal un contrat de crédit portant sur une somme de 63 000 euros. Ceux-ci se sont engagés à rembourser cette somme par mensualités de 424,41 euros, à partir du 20 juin 2011, l’échéance finale ayant été fixée au 20 janvier 2030. En cas de retard de paiement, une clause contenue dans les conditions générales appliquées par la banque prévoyait la déchéance d’un tel terme. Ladite somme était
garantie par la constitution d’une hypothèque sur un bien immobilier, à savoir le logement familial de ces défendeurs.

18      En raison du retard des défendeurs au principal dans le paiement de ces mensualités, la banque, par une lettre du 3 novembre 2016, a déclaré la déchéance du terme et a invité ces défendeurs à régler la totalité de la somme restant due au titre de ce contrat, à savoir 56 888,08 euros. Elle a également introduit une demande d’exécution forcée de la sûreté hypothécaire en cause au moyen d’une vente aux enchères « volontaire », c’est-à-dire une vente aux enchères extrajudiciaire de ce bien
immobilier.

19      Le 21 avril 2017, les défendeurs au principal ont saisi l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov, Slovaquie) d’un recours visant à ce qu’il soit enjoint à la banque de s’abstenir d’exécuter cette sûreté au moyen d’une vente aux enchères extrajudiciaire et, à titre de mesure provisoire, la suspension de l’exécution de ladite sûreté jusqu’à ce que la procédure au fond soit définitivement close. À l’appui de leur recours, ces défendeurs ont fait valoir que la banque n’était pas en
droit de déclarer la déchéance du terme en l’absence d’un accord à cet effet, et que, malgré leur demande de restructuration du prêt, la banque avait procédé à cette exécution sur la base de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires.

20      Le 25 avril 2017, la première séance de la vente aux enchères a eu lieu sans que personne ait enchéri. Au cours de cette première séance, PO aurait soulevé une objection à cette vente, au motif qu’une procédure judiciaire tendant à empêcher ladite exécution était en cours.

21      Par une ordonnance du 26 mai 2017, l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov) a rejeté la demande de mesure provisoire des défendeurs au principal, sans répondre à leur objection selon laquelle la banque avait violé leurs droits en appliquant la clause de déchéance du terme. Ces défendeurs ont fait appel de cette ordonnance devant le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov, Slovaquie).

22      La seconde séance de la vente aux enchères a eu lieu le 18 juillet 2017, avant que cette dernière juridiction ne se prononce sur cet appel. À cette occasion, PO aurait de nouveau signalé qu’une procédure judiciaire était en cours afin d’empêcher l’exécution de la sûreté hypothécaire en cause. Toutefois, le bien immobilier concerné a été acquis par la requérante au principal, qui est une société opérant notamment dans le secteur du crédit, de la gestion et de l’entretien de biens immobiliers,
et qui a été par la suite inscrite au registre foncier en tant que propriétaire de ce bien.

23      Par une ordonnance du 9 août 2017, le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) a annulé l’ordonnance du 26 mai 2017 de l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov), par laquelle celui-ci avait rejeté la demande de mesure provisoire formée par les défendeurs au principal, et a ordonné un nouvel examen de cette demande, au motif, notamment, que ce tribunal aurait dû examiner les objections de ces défendeurs, que le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) considère
comme étant fondées, relatives à l’absence d’accord sur la clause de déchéance du terme. Cette dernière juridiction a également constaté que ledit tribunal n’avait pas examiné le respect du principe de proportionnalité dans le cadre de la demande d’exécution de la sûreté hypothécaire, en ce sens qu’il n’avait tenu compte ni du montant de la créance réclamée par rapport à la valeur du bien immobilier concerné, à savoir le logement familial desdits défendeurs, ni de la personnalité de ces derniers, ni
encore de la possibilité, pour ceux-ci, de solder cette créance par d’autres moyens.

24      Le 19 décembre 2017, le recours, mentionné au point 19 du présent arrêt, visant à obtenir, à l’égard de la banque, une injonction de s’abstenir d’exécuter la sûreté hypothécaire en cause au moyen d’une vente aux enchères extrajudiciaire, a été retiré par les défendeurs au principal au motif que cette vente avait déjà eu lieu et que ce recours n’avait donc plus de raison d’être.

25      Par une ordonnance du 11 janvier 2018, l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov) a, partant, clos la procédure et a condamné les défendeurs au principal aux dépens dans le cadre dudit recours.

26      Ces défendeurs ont refusé de libérer le bien immobilier concerné. Celui-ci est le seul logement dont ils disposent, qu’ils occupent ensemble avec leurs enfants, dont deux enfants mineurs qui seraient atteints d’un trouble psychologique grave. La requérante au principal a dès lors intenté une action en expulsion devant l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov).

27      Dans une première phase procédurale, cette juridiction a rejeté cette action, par un jugement confirmé en appel par le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov). Par une ordonnance du 8 avril 2021, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a annulé les décisions de ces deux juridictions et a renvoyé l’affaire devant l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov) afin que cette dernière juridiction examine le droit de propriété de la
requérante au principal.

28      Dans une seconde phase procédurale, l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov) a fait droit à ladite action et a ordonné aux défendeurs au principal de libérer le bien immobilier concerné. Cette juridiction a rejeté leur action reconventionnelle visant à contester la légalité du transfert de propriété de ce bien immobilier, au motif que celui-ci avait été acquis lors d’une vente aux enchères extrajudiciaire et qu’elle n’était pas compétente pour se prononcer sur la validité de
cette vente.

29      Tant la requérante au principal que les défendeurs au principal ont fait appel de cette décision devant le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) en ce qui concerne respectivement la non-condamnation de ces derniers aux dépens et le rejet de cette action reconventionnelle.

30      Devant cette juridiction, qui est la juridiction de renvoi, les défendeurs au principal allèguent une violation de leurs droits en tant que consommateurs et de leur droit au logement.

31      Ladite juridiction admet que le non-paiement des mensualités prévues par un contrat de prêt constitue une violation grave de l’obligation contractuelle qui incombe aux consommateurs au titre d’un tel contrat. Toutefois, elle estime que la protection reconnue aux consommateurs par le droit de l’Union est méconnue lorsqu’il existe une disproportion extrême entre la violation de cette obligation et les conséquences d’une déchéance du terme.

32      La juridiction de renvoi considère que les circonstances particulières qui caractérisent l’affaire dont elle est saisie distinguent celle-ci d’autres affaires ayant donné lieu à des arrêts de la Cour en matière de protection des consommateurs.

33      En premier lieu, cette juridiction émet des doutes quant à la conformité de la clause de déchéance du terme ayant entraîné la vente aux enchères extrajudiciaire en cause au principal à l’exigence de transparence, telle que précisée par la Cour, notamment, dans l’arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb (C‑92/11, EU:C:2013:180). À cet égard, elle indique que cette clause figurait dans les conditions générales de la banque, mais que cette dernière ne l’aurait pas portée à la connaissance des
défendeurs au principal, alors que la déchéance du terme n’est applicable que si elle est expressément convenue entre les parties.

34      En deuxième lieu, ladite juridiction relève que les défendeurs au principal se sont opposés à la vente aux enchères extrajudiciaire de leur logement familial au moyen d’un recours tendant à obliger la banque à s’abstenir d’exécuter la sûreté hypothécaire en cause. Dans le cadre de cette procédure, ils auraient également demandé, à titre de mesure provisoire, la suspension de l’exécution de cette sûreté, ce qui constituait, selon la juridiction de renvoi, la seule voie procédurale permettant
de suspendre cette exécution. Elle relève également que l’ordonnance de la juridiction de première instance rejetant la mesure provisoire demandée a été annulée par la juridiction d’appel, notamment pour absence d’examen du grief tiré de la nullité de la clause de déchéance au regard de la directive 93/13. Toutefois, cette vente a été réalisée avant cette annulation et, partant, avant que la juridiction de première instance n’ait pu examiner de nouveau cette demande de mesure provisoire.

35      En troisième lieu, la juridiction de renvoi fait état de l’importance attachée, dans la jurisprudence slovaque, à la protection du tiers acquéreur de bonne foi. Toutefois, cette juridiction relève que la bonne foi ne doit pas être reconnue lorsque la situation du tiers est entourée de « circonstances troublantes ». Or, ladite juridiction considère comme constituant une circonstance « très troublante » le fait que, au moment de l’acquisition d’un bien immobilier dans le cadre d’une vente aux
enchères extrajudiciaire, la société adjudicataire soit informée de l’existence d’une procédure judiciaire pendante portant sur la validité de la clause à l’origine de cette vente.

36      Une question d’interprétation de la directive 93/13 se poserait ainsi afin de savoir si une telle société adjudicataire bénéficie d’une protection absolue ou si cette protection pourrait être limitée, eu égard, notamment, au comportement actif des consommateurs concernés et aux doutes relatifs à la bonne foi de cette société. Cette question s’avérerait d’autant plus importante quand l’exécution forcée d’une sûreté concerne le logement du consommateur, le droit au logement constituant un
droit fondamental, garanti à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

37      En quatrième lieu, la juridiction de renvoi affirme qu’il existe des différences significatives entre la situation en cause dans l’affaire au principal et celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander (C‑598/15, EU:C:2017:945). D’une part, dans cette dernière affaire, le bien immobilier concerné avait été vendu aux enchères et les droits réels qui s’y rapportaient avaient été transférés sans que le consommateur ait exercé les voies de
recours qui étaient à sa disposition. En revanche, en l’occurrence, les défendeurs au principal ont été actifs et ont mis en œuvre la seule voie de recours disponible ex ante pour empêcher la réalisation de la vente aux enchères extrajudiciaire de leur logement familial. S’ils se sont par la suite désistés de ce recours, ce ne fut qu’après que cette exécution eût abouti au transfert de la propriété de ce logement à la requérante au principal, dans le cadre d’une vente aux enchères extrajudiciaire.
D’autre part, à la différence du contexte procédural dans lequel s’inscrivait l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, en l’occurrence, les défendeurs au principal ont opposé à l’action en expulsion une action reconventionnelle visant à contester la légalité de ce transfert de propriété, la requérante au principal ayant qualité, en droit slovaque, pour se défendre dans le cadre de cette action reconventionnelle.

38      En cinquième et dernier lieu, la juridiction de renvoi souligne que des consommateurs tels que les défendeurs au principal ne pourraient que très difficilement faire valoir leurs droits dans le cadre d’une action ex post en nullité d’une vente aux enchères, étant donné que l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires ne prévoit que trois motifs de nullité, à savoir la violation de cette loi, la nullité du contrat constitutif d’une sûreté et la commission
d’une infraction pénale, à l’exclusion de la protection des consommateurs contre les clauses illicites d’un contrat de crédit.

39      Dans ces conditions, le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] sont-ils applicables à une procédure, telle que celle en cause au principal, qui a été engagée par une personne (l’adjudicataire) ayant obtenu l’adjudication d’un bien immobilier et dans le cadre de laquelle a été introduite également une demande reconventionnelle d’un consommateur visant à rétablir la situation antérieure à l’adjudication, lorsque, avant la vente aux enchères extrajudiciaire, le consommateur
a utilisé des moyens légaux pour empêcher l’exécution de la sûreté en demandant au tribunal une mesure provisoire et que, par ailleurs, avant la vente aux enchères, le consommateur a informé les personnes impliquées dans la vente aux enchères de la procédure judiciaire en cours visant à empêcher l’exécution de la sûreté par une vente aux enchères volontaire, mais que la vente aux enchères a eu lieu malgré la procédure judiciaire ?

2)      La directive [93/13] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, dans le cadre de l’exécution, par un entrepreneur effectuant des ventes aux enchères privées (ci-après le “commissaire-priseur”), d’une sûreté sur un bien immobilier d’un consommateur afin de désintéresser une banque dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation

a)      ne permet pas au consommateur, en vue de retarder la vente aux enchères, d’opposer efficacement à un commissaire-priseur des objections quant au caractère illicite des clauses contractuelles sur [lesquelles] la créance de la banque [est fondée], alors même que cette créance est fondée sur des clauses contractuelles illicites, notamment la clause contractuelle relative à la déchéance du terme,

b)      ne permet pas à un consommateur d’obtenir l’abandon de la vente aux enchères de son bien immobilier qui constitue son logement alors que le consommateur a informé le commissaire-priseur et les personnes présentes à la vente aux enchères qu’une procédure judiciaire était en cours pour obtenir des mesures provisoires enjoignant de s’abstenir de procéder à la vente aux enchères, mais que le tribunal n’a pas encore rendu de décision définitive sur la demande et qu’une mesure provisoire est le
seul moyen pour le consommateur d’obtenir une protection judiciaire provisoire contre la vente aux enchères du bien immobilier découlant de [l’application de] clauses contractuelles illicites,

c)      ne permet pas au consommateur, dans les circonstances visées aux paragraphes précédents, d’exercer pleinement les droits découlant de la transposition de la directive [93/13] et d’atteindre les objectifs de cette directive, dès lors que la réglementation [nationale] en cause limite à trois motifs seulement la possibilité de [demander] la nullité d’une vente aux enchères[, à savoir] :

–        la nullité du contrat constitutif de sûreté,

–        la violation [de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires]

–        [la commission d’]une infraction [pénale] ?

3)      La directive [2005/29] doit-elle être interprétée en ce sens que l’exécution d’une sûreté sur le fondement d’une clause contractuelle illicite prévoyant la déchéance du terme d’une créance résultant d’un contrat de crédit à la consommation, [impliquant] donc une erreur quant à la somme due pour retard de paiement, peut constituer une pratique commerciale déloyale au sens de son article 5, et, plus précisément, une pratique commerciale agressive, au sens des articles 8 et 9 de cette
directive, et en ce sens que la responsabilité tant de la banque que de la société de vente aux enchères qui exécute la sûreté de la banque est engagée et que les objectifs de la directive [2005/29] s’appliquent à ces dernières ? »

40      Eu égard aux informations portées à la connaissance de la Cour par le gouvernement slovaque relatives à une jurisprudence du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) selon laquelle la protection contre les clauses abusives figurant dans les contrats de consommation relèverait des motifs de nullité d’une vente aux enchères extrajudiciaire, prévus à l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, la Cour a adressé, le
9 avril 2024, une demande d’éclaircissements à la juridiction de renvoi, en application de l’article 101 du règlement de procédure de la Cour.

41      Par une lettre déposée au greffe de la Cour le 13 mai 2024, la juridiction de renvoi a précisé que, à la date de la vente aux enchères en cause au principal, il n’existait pas de jurisprudence constante des juridictions slovaques en ce sens qu’une vente aux enchères volontaire pourrait être annulée pour violation de la directive 93/13 et que, encore à ce jour, il n’existe aucune décision judiciaire ayant annulé une vente aux enchères pour un tel motif.

42      Selon cette juridiction, la jurisprudence évoquée par le gouvernement slovaque, qui consiste en deux ordonnances rendues au cours de l’année 2022, soit cinq ans après la vente aux enchères en cause au principal, demeure isolée, même dans la pratique judiciaire du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), de sorte qu’il ne pourrait être reproché aux défendeurs au principal de ne pas avoir introduit une demande en nullité de cette vente aux enchères afin de
faire valoir leurs droits tirés de la directive 93/13 et d’avoir choisi de contester, dans le cadre d’une action reconventionnelle, le droit de propriété de la requérante au principal.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

 Sur la recevabilité

43      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité des première et deuxième questions, la requérante au principal soutient, en substance, qu’elle n’est pas concernée en l’occurrence par la directive 93/13, dont l’interprétation est sollicitée dans le cadre de ces questions, puisqu’elle n’était pas partie à la procédure judiciaire engagée contre la banque par les défendeurs au principal, et estime que la Cour ne devrait pas répondre à ces questions.

44      Par ailleurs, le gouvernement slovaque émet des doutes sur la recevabilité de la deuxième question en ce qu’elle porte sur le point de savoir si la directive 93/13 s’oppose à une réglementation nationale qui exclut des motifs de nullité d’une vente aux enchères extrajudiciaire d’un bien immobilier l’existence de clauses abusives dans le contrat à l’origine de l’exécution forcée d’une sûreté hypothécaire portant sur ce bien immobilier. Ce gouvernement souligne que les défendeurs au principal
n’ont pas introduit une demande en nullité de la vente aux enchères en cause au principal, de sorte que la raison pour laquelle une réponse de la Cour serait nécessaire afin que cette juridiction puisse statuer sur l’affaire au principal n’apparaît pas clairement.

45      À cet égard, il importe de rappeler que, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Par conséquent, dès lors que
les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de
nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 29 juillet 2024, LivaNova, C‑713/22, EU:C:2024:642, point 53 et jurisprudence citée).

46      Or, il convient d’observer, d’une part, que le litige au principal a pour objet une action en expulsion intentée par la requérante contre les défendeurs et une action reconventionnelle par laquelle ces derniers contestent la légalité du transfert de propriété à cette requérante de l’immeuble constituant leur logement familial. Ce transfert est intervenu à l’issue d’une vente aux enchères extrajudiciaire qui a été organisée en exécution d’une sûreté hypothécaire prévue dans le contrat de prêt
conclu par ces défendeurs avec la banque et sur le fondement d’une réglementation nationale dont la juridiction de renvoi doute qu’elle satisfasse à l’exigence d’une protection effective des consommateurs contre les clauses abusives, résultant de la directive 93/13. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la requérante au principal aurait, en vertu du droit slovaque, qualité pour se défendre dans le cadre d’une telle action reconventionnelle. Par conséquent, le fait que cette requérante
n’était pas partie à la procédure judiciaire engagée par les défendeurs au principal contre la banque n’exclut nullement que l’interprétation de cette directive sollicitée par ladite juridiction soit nécessaire pour permettre à celle-ci de rendre sa décision dans l’affaire au principal, au sens de la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt.

47      D’autre part, comme il a été relevé au point 42 du présent arrêt, la juridiction de renvoi a indiqué, dans sa réponse à la demande d’éclaircissements qui lui a été adressée par la Cour, qu’il ne saurait être reproché aux défendeurs au principal, dans l’état actuel du droit slovaque, de ne pas avoir introduit une demande en nullité de la vente aux enchères en cause au principal, en alléguant la présence d’une clause abusive dans le contrat de prêt conclu avec la banque. La troisième partie de
la deuxième question, que la juridiction de renvoi a expressément maintenue dans cette réponse, vise précisément à déterminer si l’impossibilité, pour ces défendeurs, d’introduire une telle demande est contraire aux dispositions de la directive 93/13. Partant, cette question est étroitement liée à l’objet du litige au principal, qui porte notamment sur la validité de cette vente.

48      Il résulte de ce qui précède que les première et deuxième questions sont recevables.

 Sur le fond

–       Observations liminaires

49      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information (arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C‑600/19, EU:C:2022:394, point 35 et jurisprudence citée).

50      Dans ce contexte, et en vue d’assurer le niveau élevé de protection des consommateurs énoncé à l’article 38 de la Charte, le juge national est tenu d’apprécier, même d’office, le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (arrêts du 21 décembre 2016, Gutiérrez
Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 58, ainsi que du 9 novembre 2023, Všeobecná úverová banka, C‑598/21, EU:C:2023:845, point 74 et jurisprudence citée).

51      L’article 6, paragraphe 1, de cette directive prévoyant que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, les juridictions nationales sont également tenues d’écarter l’application de ces clauses afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard d’un consommateur, sauf si ce dernier s’y oppose [voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 52, ainsi que du 15 juin 2023, Getin Noble Bank
(Suspension de l’exécution d’un contrat de crédit), C‑287/22, EU:C:2023:491, point 37].

52      L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec le vingt-quatrième considérant de celle-ci, impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 68, et du 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C‑600/19, EU:C:2022:394, point 38 ainsi que
jurisprudence citée).

53      L’obligation pour les États membres d’assurer l’effectivité des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union implique, notamment pour les droits découlant de la directive 93/13, une exigence de protection juridictionnelle effective, réaffirmée à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive et consacrée également à l’article 47 de la Charte, qui s’applique, entre autres, à la définition des modalités procédurales relatives aux actions en justice fondées sur de tels droits (arrêts
du 17 mai 2022, SPV Project 1503 e.a., C‑693/19 et C‑831/19, EU:C:2022:395, point 61 ainsi que jurisprudence citée ; du 17 mai 2022, Impuls Leasing România, C‑725/19, EU:C:2022:396, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que du 17 mai 2022, Unicaja Banco, C‑869/19, EU:C:2022:397, point 29 et jurisprudence citée).

54      Il convient également de rappeler que, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive 93/13 assure aux consommateurs, l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci doit être considéré comme étant une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public (arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, EU:C:2009:615, point 52, et du 17 mai 2022, Unicaja
Banco, C‑869/19, EU:C:2022:397, point 24). L’article 7, paragraphe 1, de cette directive est, lui aussi, directement lié à cet intérêt public (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 56).

55      S’agissant, en particulier, des procédures d’exécution forcée, la Cour a précisé, à plusieurs reprises et en tenant compte des exigences de l’article 6, paragraphe 1, ainsi que de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, la manière dont le juge national doit assurer la protection des droits que les consommateurs tirent de cette directive dans le cadre de ces procédures.

56      Ainsi, en l’absence d’harmonisation desdites procédures, les modalités de leur mise en œuvre relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe d’autonomie procédurale de ces derniers. Néanmoins, ces modalités doivent répondre à la double condition de ne pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et de ne pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés
aux consommateurs par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir notamment, en ce sens, arrêt du 26 juin 2019, Addiko Bank, C‑407/18, EU:C:2019:537, point 46 et jurisprudence citée).

57      En ce qui concerne le principe d’effectivité, seul visé par la juridiction de renvoi, il convient de relever que chaque situation dans laquelle se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysée en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, du déroulement et des particularités de celle-ci, ainsi que, le cas échéant, des principes qui sont à
la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure. Toutefois, les caractéristiques spécifiques des procédures ne sauraient constituer un élément susceptible d’affecter la protection juridique dont doivent bénéficier les consommateurs en vertu des dispositions de la directive 93/13 (arrêt du 17 mai 2022, Impuls Leasing România, C‑725/19, EU:C:2022:396, point 45 et jurisprudence citée).

58      En outre, la Cour a estimé que le respect du principe d’effectivité ne saurait néanmoins aller jusqu’à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (arrêt du 17 mai 2022, Unicaja Banco, C‑869/19, EU:C:2022:397, point 28 et jurisprudence citée).

59      La Cour a également souligné l’importance de prévoir, en droit national, la possibilité de demander à un juge d’apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle avant la finalisation d’une procédure d’exécution forcée fondée sur le contrat comportant une telle clause. Elle a ainsi jugé que, dans l’hypothèse où une telle procédure aboutit avant le prononcé de la décision du juge du fond déclarant le caractère abusif de la clause contractuelle à l’origine de l’exécution forcée et, par
voie de conséquence, la nullité de cette procédure, cette décision ne permettrait d’assurer au consommateur concerné qu’une protection a posteriori indemnitaire, qui, en principe, se révélerait incomplète et insuffisante et ne constituerait un moyen ni adéquat ni efficace pour faire cesser l’utilisation de cette clause, contrairement à ce que prévoit l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 60, et du 17 mai 2022,
Impuls Leasing România, C‑725/19, EU:C:2022:396, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

60      Afin de garantir l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13, la Cour a souligné l’importance, pour le juge national saisi, de disposer du pouvoir d’adopter des mesures provisoires permettant de suspendre une procédure illicite d’exécution forcée ou d’y faire échec, et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une procédure d’exécution forcée d’une sûreté hypothécaire qui pourrait conduire à l’éviction du consommateur et de sa famille du logement constituant leur logement
familial, le droit au logement étant un droit fondamental garanti à l’article 7 de la Charte dont ce juge doit tenir compte dans la mise en œuvre de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2023, Všeobecná úverová banka, C‑598/21, EU:C:2023:845, point 85 et jurisprudence citée).

61      En second lieu, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. La circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un
plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la
décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige. En vue de fournir à la juridiction qui lui a adressé une question préjudicielle une réponse utile, la Cour peut également être amenée à prendre en considération des normes de droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêts du 20 mars 1986, Tissier, 35/85, EU:C:1986:143, point 9, ainsi que du 6 mars 2025, ONB e.a., C‑575/23,
EU:C:2025:141, point 57).

–       Sur la première question

62      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière des articles 7 et 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que relève de leur champ d’application une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle, d’une part, la société adjudicataire d’un bien immobilier constituant le logement familial d’un consommateur, vendu dans le cadre d’une exécution forcée
extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire consentie sur ce bien par ce consommateur au profit d’un prêteur professionnel, demande l’expulsion dudit consommateur et, d’autre part, ce dernier conteste, par une action reconventionnelle, la légalité du transfert de propriété dudit bien à cette société adjudicataire, opéré en dépit d’une procédure juridictionnelle, qui était encore pendante au moment de ce transfert, visant à la suspension de cette exécution forcée au motif de l’existence de clauses
abusives dans le contrat à l’origine de ladite exécution, dont ladite société adjudicataire a été préalablement informée par le même consommateur.

63      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, afin de déterminer si la directive 93/13 peut être utilement invoquée dans une procédure dont est saisie une juridiction nationale, il y a lieu d’examiner l’objet de cette procédure et les spécificités du litige dans lequel elle s’insère (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander, C‑598/15, EU:C:2017:945, points 39, 42 et 49).

64      Il ressort également de cette jurisprudence que les dispositions de la directive 93/13 ne sauraient être utilement invoquées en l’absence d’indices concordants quant à la présence éventuelle d’une clause potentiellement abusive dans le contrat de prêt hypothécaire ayant fait l’objet d’une procédure d’exécution extrajudiciaire (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander, C‑598/15, EU:C:2017:945, point 48).

65      S’agissant, en premier lieu, de l’objet de la procédure, la Cour a jugé que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne sauraient être utilement invoqués, en principe, dans un litige qui concerne non pas la procédure d’exécution forcée de la garantie hypothécaire prévue par le contrat de prêt conclu entre un consommateur et un professionnel, mais la protection des droits réels liés à la propriété légalement acquise par ce professionnel au terme d’une
vente par adjudication (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander, C‑598/15, EU:C:2017:945, points 44 et 47).

66      Dans de telles circonstances, en effet, permettre au débiteur ayant consenti une hypothèque sur un bien immobilier d’opposer à l’acquéreur de ce bien des exceptions tirées du contrat de prêt hypothécaire, auquel cet acquéreur est pourtant susceptible d’être tiers, risquerait d’affecter la sécurité juridique de rapports de propriété établis (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander, C‑598/15, EU:C:2017:945, point 45).

67      La Cour a également jugé que, dans une situation dans laquelle la procédure d’exécution hypothécaire a pris fin et les droits de propriété à l’égard d’un bien immobilier ont été transférés à un tiers, le juge, agissant d’office ou sur demande du consommateur, ne peut plus procéder à un examen du caractère abusif de clauses contractuelles qui conduirait à l’annulation des actes transférant la propriété et, partant, à la remise en cause de la sécurité juridique de ce transfert de propriété et
dont la légalité n’était pas contestée (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C‑600/19, EU:C:2022:394, point 57).

68      En l’occurrence, il résulte de la décision de renvoi que le litige au principal concerne néanmoins deux actions ayant des objets juridiques qui se distinguent de ceux en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts visés aux points 65 à 67 du présent arrêt. D’une part, la juridiction de renvoi est saisie d’une action en expulsion des défendeurs au principal de leur logement familial, introduite par la requérante au principal dans l’exercice des prérogatives qui lui ont été conférées
par le droit de propriété qu’elle a acquis à la suite de la vente aux enchères extrajudiciaire de ce logement.

69      D’autre part, ledit litige porte sur une action reconventionnelle par laquelle les défendeurs au principal contestent la légalité du transfert de propriété dudit logement à la requérante au principal, au motif que la loi relative aux ventes aux enchères volontaires ne répondrait pas à l’exigence de protection juridictionnelle effective, réaffirmée à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, et consacrée également à l’article 47 de la Charte. Ces défendeurs soutiennent que cette loi a
permis que l’exécution forcée de la sûreté hypothécaire en cause se poursuive en dépit d’une demande de mesure provisoire, pendante devant un juge, visant à obtenir la suspension de cette exécution forcée. Ainsi qu’il a été mentionné aux points 37 et 46 du présent arrêt, la juridiction de renvoi est d’avis que la requérante au principal a, en vertu du droit slovaque, qualité pour se défendre dans le cadre d’une telle action.

70      Par conséquent, à la différence du litige qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander (C‑598/15, EU:C:2017:945), le litige au principal concerne non pas seulement la protection des droits réels de propriété acquis à la suite d’une vente d’un bien immobilier par adjudication, mais également les conditions dans lesquelles la procédure d’exécution forcée de la sûreté hypothécaire consentie sur ce bien a pu aboutir au transfert de ces droits à
la société adjudicataire.

71      En effet, dans le cadre de leur action reconventionnelle, les défendeurs au principal n’opposent pas à l’acquéreur d’un bien immobilier, tiers au contrat de prêt hypothécaire relatif à ce bien, des causes de nullité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, mais contestent la légalité même du transfert de propriété dudit bien à cet acquéreur.

72      En ce qui concerne, en deuxième lieu, les spécificités du litige dans lequel s’insère la procédure, il ressort de la jurisprudence que la Cour a déjà tenu compte du fait que le consommateur concerné avait l’opportunité, lors de la procédure d’exécution forcée d’une garantie hypothécaire, de s’opposer à cette procédure ou d’en demander la suspension au motif qu’une clause abusive aurait entaché le contrat de prêt auquel cette garantie se rapportait, ainsi que du point de savoir si ce
consommateur avait fait usage de telles voies de droit (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander, C‑598/15, EU:C:2017:945, point 49).

73      À cet égard, la Cour a conclu à l’inapplicabilité de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 à un litige qui avait pour objet la protection de droits réels légalement acquis par l’adjudicataire d’un bien immobilier, lorsque ces droits ont été transférés sans que le consommateur ait fait usage des voies de droit prévues dans ce contexte (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander, C‑598/15, EU:C:2017:945, point 50).

74      En revanche, dans une situation telle que celle du litige au principal, l’attitude des consommateurs en ce qui concerne la procédure d’exécution forcée extrajudiciaire ne saurait être qualifiée de totalement passive. Au contraire, premièrement, les défendeurs au principal ont introduit un recours visant à empêcher la poursuite de cette procédure, tout en assortissant ce recours d’une demande de mesure provisoire visant à la suspension de ladite procédure. Or, selon la juridiction de renvoi,
cette voie de droit aurait été la seule permettant de s’opposer à la réalisation d’une vente aux enchères extrajudiciaire.

75      Sous réserve de l’appréciation à laquelle il appartient à cette juridiction de procéder, le fait que, après la réalisation de la vente aux enchères en cause, les défendeurs au principal se sont désistés de ce recours ne saurait remettre en cause le constat selon lequel ces défendeurs ne sont pas restés passifs. En effet, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, ledit recours visait à obtenir qu’il soit fait injonction à la banque de s’abstenir d’exécuter la sûreté hypothécaire concernée
au moyen d’une vente aux enchères extrajudiciaire et comportait également une demande de suspension de cette procédure d’exécution. Lesdits défendeurs pouvaient donc raisonnablement considérer que le recours était devenu sans objet après que cette vente aux enchères avait été réalisée, une juridiction ne pouvant plus rendre, à ce moment, un jugement afin d’empêcher ou de suspendre l’exécution de cette sûreté.

76      Par ailleurs, comme la requérante au principal et le gouvernement slovaque le font valoir, les défendeurs au principal n’ont certes pas introduit une demande en nullité de ladite vente au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires. À cet égard, il convient d’observer, d’une part, que, selon les explications de la juridiction de renvoi, cette disposition ne permet de demander la nullité d’une vente aux enchères volontaire que pour trois motifs
qui n’incluent pas l’illicéité des clauses d’un contrat de crédit conclu par un consommateur. D’autre part, le gouvernement slovaque s’est référé à deux ordonnances du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) rendues au cours de l’année 2022 et dont il découlerait que la protection contre les clauses abusives figurant dans les contrats de consommation relève des motifs de nullité d’une vente aux enchères extrajudiciaire, prévus à ladite disposition. Néanmoins, eu
égard à la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissements qui lui a été adressée à ce sujet, exposée aux points 41 et 42 du présent arrêt, il ne pouvait être attendu d’un consommateur moyen, défini comme étant normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du 4 juillet 2024, Caixabank e.a. (Contrôle de transparence dans l’action collective), C‑450/22, EU:C:2024:577, point 48 ainsi que jurisprudence citée], qu’il anticipe l’interprétation de l’article 21,
paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires à laquelle est parvenu le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) cinq ans après la réalisation de la vente en cause au principal. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard.

77      Deuxièmement, la juridiction de renvoi indique que les défendeurs au principal ont, lors de la seconde séance de la vente aux enchères du bien immobilier en cause, informé la requérante au principal et le commissaire-priseur de l’existence d’une demande de mesure provisoire en cours visant à la suspension de l’exécution forcée de la sûreté hypothécaire concernée. S’il est vrai que, dans ses observations écrites, cette requérante conteste avoir été informée de l’existence de cette demande, il
y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence de la juridiction nationale (arrêt du 19 décembre 2024, Rustrans, C‑392/23, EU:C:2024:1052, point 38 et jurisprudence citée), de sorte que la Cour est liée par cette appréciation.

78      De même, il revient exclusivement à la juridiction de renvoi d’établir, au moment de statuer sur le fond du litige au principal, s’il peut être déduit des circonstances dans lesquelles la vente aux enchères en cause au principal a été réalisée, qu’elle qualifie de « troublantes », notamment du fait que la société adjudicataire qui opère dans le secteur du crédit, de la gestion et de l’entretien de biens immobiliers a été informée de l’existence d’une procédure, pendante devant un juge,
visant à la constatation du caractère abusif de la clause de déchéance du terme à la base de cette vente, que cette société a agi de mauvaise foi lors de ladite vente et, si tel était le cas, de tirer les conséquences que le droit national attache à la mauvaise foi en ce qui concerne la légalité de la même vente.

79      En troisième et dernier lieu, il y a lieu de relever, en conformité avec la jurisprudence citée au point 64 du présent arrêt, que, de l’avis de la juridiction de renvoi, des indices concordants existaient, à la date de la vente aux enchères en cause au principal, quant à la présence éventuelle d’une clause potentiellement abusive dans le contrat à l’origine de l’exécution forcée de la sûreté hypothécaire concernée. En effet, ainsi qu’il ressort du point 33 du présent arrêt, cette juridiction
exprime un doute quant à la conformité de la clause de déchéance du terme ayant entraîné cette exécution forcée à l’exigence de transparence.

80      Il résulte de ce qui précède que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 décembre 2017, Banco Santander (C‑598/15, EU:C:2017:945), les défendeurs au principal ne sont pas restés passifs dans le cadre de la procédure d’exécution forcée extrajudiciaire, mais que, au contraire, ils ont fait usage des voies de droit prévues par la réglementation slovaque afin de s’opposer à cette exécution, tout en informant de leurs démarches les personnes concernées par ladite exécution.
Toutefois, cette procédure s’est poursuivie et a abouti à la vente aux enchères de leur logement familial, en l’absence de tout contrôle judiciaire du fondement de la créance dont la banque demandait le paiement, et ce alors même que des indices concordants existaient quant au caractère potentiellement abusif de la clause de déchéance du terme à l’origine de la même exécution.

81      Or, dans le cadre d’un litige caractérisé par l’ensemble de ces circonstances, la pleine effectivité de la protection conférée aux consommateurs par la directive 93/13 et l’exigence d’une protection juridictionnelle effective prévue à l’article 47 de la Charte requièrent que les consommateurs concernés puissent se prévaloir, dans le cadre d’une action reconventionnelle telle que celle en cause au principal, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive
afin de contester la légalité du transfert, à la société adjudicataire, de la propriété du bien immobilier en cause.

82      En effet, il résulte de ce qui précède que, dans de telles circonstances, la protection de la sécurité juridique du transfert de propriété déjà opéré envers un tiers, à laquelle la Cour s’est référée dans le contexte des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 7 décembre 2017, Banco Santander (C‑598/15, EU:C:2017:945), et du 17 mai 2022, Ibercaja Banco (C‑600/19, EU:C:2022:394), ne peut pas être regardée comme présentant un caractère absolu.

83      Il convient dès lors de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière des articles 7 et 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que relève de leur champ d’application une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle, d’une part, la société adjudicataire d’un bien immobilier constituant le logement familial d’un consommateur, vendu dans le cadre d’une exécution forcée extrajudiciaire d’une
sûreté hypothécaire consentie sur ce bien par ce consommateur au profit d’un prêteur professionnel, demande l’expulsion dudit consommateur et, d’autre part, ce dernier conteste, par une action reconventionnelle, la légalité du transfert de propriété dudit bien à cette société adjudicataire, opéré en dépit d’une procédure juridictionnelle, qui était encore pendante au moment de ce transfert, visant à la suspension de l’exécution de cette sûreté au motif de l’existence de clauses abusives dans le
contrat à l’origine de cette exécution, dont ladite société adjudicataire a été préalablement informée par le même consommateur. Il en va ainsi pour autant que des indices concordants aient existé, à la date de la vente concernée, quant au caractère potentiellement abusif de ces clauses, et que le consommateur ait fait usage des voies de droit dont l’enclenchement pouvait être raisonnablement attendu de la part d’un consommateur moyen, en vue d’obtenir un contrôle juridictionnel desdites clauses.

–       Sur la deuxième question

84      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière des articles 7 et 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet qu’une exécution forcée extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire consentie par un consommateur au profit d’un prêteur professionnel sur un bien immobilier constituant le logement familial de
ce consommateur se poursuive malgré l’existence d’une demande de mesure provisoire en cours visant à la suspension de cette exécution et qui ne prévoit par ailleurs aucune possibilité de demander la nullité de ladite exécution en raison de l’existence de clauses abusives dans le contrat à l’origine de celle-ci.

85      À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 57 du présent arrêt, chaque situation dans laquelle se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysée en tenant compte, notamment, de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, du déroulement et des particularités de celle-ci.

86      Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, dont la conformité à la directive 93/13 est mise en doute par la juridiction de renvoi, permet à un prêteur professionnel d’exécuter une sûreté sur la base d’un contrat de crédit sans l’intervention préalable d’une juridiction pour la vérification du fondement de la créance concernée, y compris lorsqu’il s’agit d’une hypothèque constituée sur le logement familial d’un consommateur.

87      Si la directive 93/13 ne s’oppose pas, en soi, aux procédures d’exécution forcée extrajudiciaires menées par des acteurs autres que des juridictions et au cours desquelles les consommateurs ne peuvent pas invoquer l’existence de clauses abusives dans le contrat à l’origine de la procédure d’exécution concernée (voir, par analogie, en ce qui concerne le rôle pouvant être dévolu au notaire en matière de contrôle de clauses contractuelles abusives, arrêt du 1^er octobre 2015, ERSTE Bank
Hungary, C‑32/14, EU:C:2015:637, points 47, 48 et 65), il n’en reste pas moins que les États membres doivent mettre à la disposition des consommateurs des voies de droit adéquates et efficaces, propres à garantir qu’ils ne soient pas liés par de telles clauses.

88      Toutefois, il convient également de rappeler que, s’agissant de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, la Cour a jugé que la directive 93/13 s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un professionnel peut, à l’occasion de la mise en œuvre d’une clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de crédit à la consommation, procéder au recouvrement des sommes dues au titre de cette clause par la vente, en dehors de tout processus judiciaire, du logement
familial du consommateur (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2023, Všeobecná úverová banka, C‑598/21, EU:C:2023:845, points 84 et 90).

89      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, afin de s’opposer à une vente aux enchères extrajudiciaire et de faire valoir l’existence d’une clause potentiellement abusive dans le contrat à l’origine de cette vente, un consommateur doit engager une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle il peut également demander, à titre de mesure provisoire, la suspension de ladite vente jusqu’à la décision sur le recours au fond. Toutefois, il ressort de l’article 19, paragraphe 1,
sous b), seconde phrase, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires que le commissaire-priseur est tenu de renoncer à la vente seulement si une mesure provisoire en ce sens a été ordonnée par un tribunal.

90      Cette disposition permettrait, ainsi qu’en témoigne la situation en cause au principal, de poursuivre une exécution forcée alors même qu’une demande de mesure provisoire visant à la suspension de celle-ci est pendante devant un juge et d’aboutir ainsi au transfert du droit de propriété sur un bien immobilier, y compris lorsqu’il s’agit du logement familial du consommateur, avant que ce juge ne se soit prononcé sur cette demande et alors même qu’il existe des indices concordants quant à la
présence éventuelle d’une clause potentiellement abusive dans le contrat à l’origine de cette exécution.

91      Par conséquent, bien que l’article 325 du code de procédure civile permette au juge d’ordonner une mesure provisoire, telle que la suspension d’une vente aux enchères extrajudiciaire, il y a lieu de constater que cette voie de droit ne semble pas offrir au consommateur une possibilité effective d’obtenir, avant la réalisation de ladite vente, un contrôle juridictionnel des clauses potentiellement abusives du contrat à l’origine de l’exécution concernée, ou au moins un contrôle prima facie
dans le cadre d’une demande de mesure provisoire, alors même que l’octroi d’une telle mesure est nécessaire pour garantir l’efficacité de la décision sur le recours au fond.

92      À cet égard, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 59 du présent arrêt, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 exige que le consommateur ne soit pas privé de la possibilité effective d’obtenir la suspension d’une procédure d’exécution engagée en vertu d’un titre exécutoire fondé sur une clause contractuelle dont la validité est contestée en justice en raison de son caractère abusif, dès lors que, en l’absence de cette suspension, la décision sur le recours au fond,
constatant le caractère abusif de cette clause, ne procurerait à ce consommateur qu’une protection a posteriori purement indemnitaire, qui serait incomplète et insuffisante, et, dès lors, ne constituerait un moyen ni adéquat ni efficace pour faire cesser l’utilisation de ladite clause.

93      Cette exigence se justifie d’autant plus, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 60 du présent arrêt, lorsque, comme dans l’affaire au principal, la procédure d’exécution forcée vise le domicile du consommateur et de sa famille, dont la protection relève du droit fondamental au respect de la vie privée et familiale, garanti à l’article 7 de la Charte.

94      S’agissant de la possibilité offerte aux consommateurs de remédier a posteriori aux conséquences d’une vente aux enchères extrajudiciaire, l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires prévoit le droit de demander la nullité d’une vente dans un délai de trois mois à compter de la date de l’adjudication, en cas de contestation de la validité du contrat constitutif de la sûreté concernée ou d’infraction aux dispositions de cette loi.

95      La juridiction de renvoi a précisé que cette disposition ne permet pas aux consommateurs de demander la nullité d’une vente aux enchères extrajudiciaire au motif de l’existence de clauses abusives dans le contrat à l’origine de l’exécution concernée et que, en l’occurrence, à la date à laquelle la vente aux enchères en cause au principal a été réalisée, aucun jugement ayant constaté la nullité de cette vente pour un tel motif n’avait été rendu en Slovaquie. Ainsi qu’il a été mentionné au
point 41 du présent arrêt, cette juridiction a indiqué qu’il n’existe toujours pas, actuellement, de jurisprudence suffisamment établie en ce sens.

96      En revanche, dans ses observations écrites, le gouvernement slovaque a fait valoir que l’interprétation de l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires retenue par la juridiction de renvoi n’est pas correcte. À cet égard, ce gouvernement a évoqué une jurisprudence du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), illustrée par deux ordonnances rendues par cette juridiction suprême au cours de l’année 2022, dans lesquelles
ladite juridiction suprême aurait interprété cette disposition en ce sens que l’existence de clauses abusives dans le contrat à l’origine d’une exécution forcée extrajudiciaire constitue un motif permettant de déclarer la nullité de la vente intervenue dans le cadre de cette exécution. Une telle interprétation s’avérerait nécessaire dès lors qu’une vente aux enchères n’est pas nécessairement précédée d’un contrôle juridictionnel de la créance réclamée.

97      Dans sa réponse aux questions qui lui ont été adressées conformément à l’article 62 du règlement de procédure, ledit gouvernement a ajouté que cette jurisprudence a été confirmée par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) dans un nouvel arrêt, prononcé le 27 novembre 2023, dans lequel cette juridiction suprême aurait retenu que, dans les procédures en nullité d’une vente aux enchères extrajudiciaire, les juges sont tenus d’examiner d’office si le
contrat de sûreté conclu avec un consommateur ne contient pas de clauses abusives, afin d’assurer une protection juridique adéquate des consommateurs.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 267 TFUE, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales, une telle interprétation relevant en effet de la compétence exclusive des juridictions nationales (arrêt du 28 février 2019, Gradbeništvo Korana, C‑579/17, EU:C:2019:162, point 59 et jurisprudence citée).

99      Or, à supposer que l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires soit désormais interprété par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) de la manière exposée aux points 96 et 97 du présent arrêt, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de déterminer, cette circonstance serait, ainsi que M^me l’avocate générale l’a fait valoir au point 79 de ses conclusions, sans préjudice de la question de savoir si, eu égard à la
date de la vente aux enchères en cause au principal, les défendeurs au principal pouvaient raisonnablement envisager d’obtenir la nullité de cette vente au titre d’un recours formé sur la base de cette disposition dans les trois mois à compter de l’adjudication du bien immeuble qui faisait l’objet de ladite vente. Sous réserve des vérifications qui incombent à ladite juridiction, l’interprétation de ladite disposition à laquelle est parvenu le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la
République slovaque) semble avoir été justifiée précisément par la nécessité de combler l’absence, à la même disposition, de toute mention relative à la possibilité de demander la nullité d’une vente aux enchères en raison de l’existence de clauses abusives dans le contrat à l’origine de cette vente.

100    Il ressort de ce qui précède que, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, les voies de droit dont disposaient les défendeurs au principal à la date de la réalisation de la vente aux enchères en cause au principal ne répondaient pas à l’exigence d’une protection juridictionnelle effective, car elles n’offraient ni une possibilité effective de suspendre la réalisation de cette vente, dans le cadre d’une exécution forcée, pour permettre le contrôle
juridictionnel d’une clause potentiellement abusive dans le contrat à l’origine de cette exécution, alors même qu’une demande de suspension était pendante devant un juge, ni la possibilité de demander la nullité de ladite vente en raison de la présence de cette clause, et ce malgré l’existence d’indices concordants quant au caractère potentiellement abusif de cette clause.

101    Les aspects mis en exergue par la juridiction de renvoi dans le cadre de la présente demande de décision préjudicielle, rappelés notamment au point 95 du présent arrêt, démontrent ainsi que, au moins à la date à laquelle la vente aux enchères en cause au principal a été réalisée, les dispositions de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires rendaient en pratique excessivement difficile, voire impossible, la sauvegarde de ces droits.

102    Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi en ce qui concerne la possibilité d’une interprétation de l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires qui soit conforme aux dispositions de la directive 93/13, il convient d’observer que, eu égard à la jurisprudence récente du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), évoquée aux points 96 et 97 du présent arrêt, telle que présentée par le gouvernement
slovaque, une telle interprétation ne semble pas exclue.

103    Si la juridiction de renvoi arrive à la conclusion qu’il lui est permis de procéder à une interprétation de l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires conforme aux dispositions de la directive 93/13, en ce qui concerne les motifs d’annulation qu’il prévoit, il y a lieu d’observer que cet article 21, paragraphe 2, prévoit également qu’une demande en nullité devait être introduite dans un délai de trois mois à compter de la date de l’adjudication. À cet
égard, ainsi qu’il résulte des points 76 et 99 du présent arrêt, il ne pouvait, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, être raisonnablement attendu des défendeurs au principal qu’ils introduisent une demande en nullité de la vente aux enchères concernée sur le fondement de cette disposition. Or, l’importance de l’intérêt public sous-tendant la protection que cette directive confère aux consommateurs et la nécessité de garantir l’effectivité des droits que les justiciables tirent
de ladite directive, qui implique, notamment, une exigence de protection juridictionnelle effective, justifient, en l’absence de voies de recours effectives leur permettant de faire valoir leurs droits découlant de la même directive avant la date de l’adjudication, que les défendeurs au principal ne soient pas forclos, dans le litige au principal, à contester l’exécution forcée ayant donné lieu à cette adjudication (voir, par analogie, arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C‑600/19, EU:C:2022:394,
points 45, 49 et 50).

104    Par ailleurs, dès lors qu’il découle de tout ce qui précède que la juridiction de renvoi pourrait être amenée à constater la nullité de la vente aux enchères en cause au principal et, par voie de conséquence, à rétablir les rapports juridiques existant entre les défendeurs au principal et la banque avant que cette vente n’ait été réalisée, cette juridiction devrait examiner, au regard du droit national applicable, la possibilité de permettre à cette banque de participer à la procédure, selon
toute modalité procédurale adéquate, notamment, soit par la voie d’une intervention volontaire, soit, le cas échéant, par la voie d’une intervention forcée.

105    Eu égard à ces motifs, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière des articles 7 et 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet qu’une exécution forcée extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire consentie par un consommateur au profit d’un prêteur professionnel sur un bien immobilier constituant le logement familial de ce
consommateur se poursuive malgré l’existence d’une demande de mesure provisoire en cours devant une juridiction visant à la suspension de cette exécution ainsi que d’indices concordants quant à la présence éventuelle d’une clause potentiellement abusive dans le contrat à l’origine de ladite exécution, et qui ne prévoit par ailleurs aucune possibilité d’obtenir par la voie judiciaire la nullité de la même exécution en raison de l’existence de clauses abusives dans ce contrat.

 Sur la troisième question

106    Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2005/29 doit être interprétée en ce sens que l’exécution d’une sûreté sur le fondement d’une clause contractuelle illicite prévoyant la déchéance du terme d’une créance résultant d’un contrat de crédit à la consommation constitue une pratique commerciale déloyale, au sens de l’article 5 de cette directive, à savoir, en particulier, une pratique commerciale agressive, au sens des articles 8 et 9 de
ladite directive, pouvant engager la responsabilité tant du prêteur professionnel que de la société de vente aux enchères qui exécute cette sûreté.

107    La requérante au principal, le gouvernement slovaque et la Commission européenne concluent à l’irrecevabilité de cette question.

108    À cet égard, il convient d’observer que la juridiction de renvoi ne précise pas les raisons pour lesquelles une réponse à ladite question serait nécessaire pour lui permettre de rendre une décision dans le litige dont elle est saisie, au sens de la jurisprudence citée au point 45 du présent arrêt.

109    En outre, ainsi que la Commission le fait valoir dans ses observations écrites, une pratique commerciale vise, par sa nature même, à inciter le consommateur à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Or, la décision de renvoi n’indique pas clairement le type de décision commerciale prise par les défendeurs au principal que la banque, voire le commissaire-priseur, aurait altéré.

110    Une réponse à la troisième question excédant ainsi le cadre de la mission juridictionnelle qui incombe à la Cour en vertu de l’article 267 TFUE, cette question est, dès lors, irrecevable.

 Sur les dépens

111    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière des articles 7 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doivent être interprétés en ce sens que :

relève de leur champ d’application une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle, d’une part, la société adjudicataire d’un bien immobilier constituant le logement familial d’un consommateur, vendu dans le cadre d’une exécution forcée extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire consentie sur ce bien par ce consommateur au profit d’un prêteur professionnel, demande l’expulsion dudit consommateur et, d’autre part, ce dernier conteste, par une action reconventionnelle, la légalité du transfert de
propriété dudit bien à cette société adjudicataire, opéré en dépit d’une procédure juridictionnelle, qui était encore pendante au moment de ce transfert, visant à la suspension de l’exécution de cette sûreté au motif de l’existence de clauses abusives dans le contrat à l’origine de cette exécution, dont ladite société adjudicataire a été préalablement informée par le même consommateur. Il en va ainsi pour autant que des indices concordants aient existé, à la date de la vente concernée, quant au
caractère potentiellement abusif de ces clauses, et que le consommateur ait fait usage des voies de droit dont l’enclenchement pouvait être raisonnablement attendu de la part d’un consommateur moyen, en vue d’obtenir un contrôle juridictionnel desdites clauses.

2)      L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière des articles 7 et 47 de la charte des droits fondamentaux,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet qu’une exécution forcée extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire consentie par un consommateur au profit d’un prêteur professionnel sur un bien immobilier constituant le logement familial de ce consommateur se poursuive malgré l’existence d’une demande de mesure provisoire en cours devant une juridiction visant à la suspension de cette exécution ainsi que d’indices concordants quant à la présence éventuelle d’une clause potentiellement
abusive dans le contrat à l’origine de ladite exécution, et qui ne prévoit par ailleurs aucune possibilité d’obtenir par la voie judiciaire la nullité de la même exécution en raison de l’existence de clauses abusives dans ce contrat.

Signatures

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*      Langue de procédure : le slovaque.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-351/23
Date de la décision : 24/06/2025

Analyses

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 6, paragraphe 1 – Article 7, paragraphe 1 – Contrat de crédit à la consommation – Contrat garanti par une sûreté consentie sur un bien immobilier constituant le logement familial d’un consommateur – Déchéance du terme – Vente aux enchères extrajudiciaire de ce bien immobilier – Réglementation nationale permettant la réalisation de cette vente sans vérification préalable, par une juridiction, de la créance concernée – Motifs de nullité de ladite vente excluant l’existence de clauses abusives – Effectivité de la protection reconnue aux consommateurs – Articles 7 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


Parties
Demandeurs : GR REAL s. r. o.
Défendeurs : PO et RT.

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:474

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