ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
19 juin 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Droits d’accise – Directive 2008/118/CE – Article 1er, paragraphe 2 – Taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise – Électricité – Réglementation nationale instituant une taxe supplémentaire à l’accise sur l’électricité – Absence de fins spécifiques – Taxe supplémentaire en faveur des collectivités régionales et locales considérée comme étant contraire à la directive 2008/118 par les juridictions nationales – Récupération par le consommateur
final de la taxe indûment payée auprès du fournisseur »
Dans l’affaire C‑645/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte d’appello di Bologna (cour d’appel de Bologne, Italie), par décision du 26 octobre 2023, parvenue à la Cour le 26 octobre 2023, dans la procédure
Hera Comm SpA
contre
Falconeri Srl,
LA COUR (première chambre),
composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. T. von Danwitz (rapporteur), vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, M. A. Kumin, Mme I. Ziemele et M. S. Gervasoni, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Falconeri Srl, par Me R. Cinti, avvocato,
– pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Pérez-Zurita Gutiérrez, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia, M. M. Björkland et Mme F. Moro, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Hera Comm SpA, une société fournissant de l’électricité, et Falconeri Srl, une société cliente, au sujet du remboursement d’une taxe supplémentaire à l’accise sur l’électricité, prévue par la réglementation italienne.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2008/118
3 La directive 2008/118 a été abrogée par la directive (UE) 2020/262 du Conseil, du 19 décembre 2019, établissant le régime général d’accise (JO 2020, L 58, p. 4). Néanmoins, la directive 2008/118 reste applicable ratione temporis aux faits du litige au principal.
4 Le considérant 2 de cette directive énonçait :
« Les conditions relatives à la perception de l’accise sur les produits relevant de la directive 92/12/CEE [du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO 1992, L 76, p. 1)], ci-après dénommés “produits soumis à accise”, doivent rester harmonisées afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. »
5 L’article 1er de ladite directive prévoyait :
« 1. La présente directive établit le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits suivants, ci-après dénommés “produits soumis à accise” :
a) les produits énergétiques et l’électricité relevant de la directive 2003/96/CE [du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51)] ;
[...]
2. Les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt, ces règles n’incluant pas les dispositions relatives aux exonérations.
[...] »
6 L’article 9, deuxième alinéa, de la même directive disposait :
« Les droits d’accise sont prélevés, perçus et, le cas échéant, remboursés ou remis selon les modalités établies par chaque État membre. Les États membres appliquent les mêmes modalités aux produits nationaux et aux produits en provenance des autres États membres. »
7 L’article 48, paragraphe 1, de la directive 2008/118 énonçait :
« Les États membres adoptent et publient, avant le 1er janvier 2010, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avec effet au 1er avril 2010. [...] »
La directive 2003/96
8 L’article 1er de la directive 2003/96 dispose :
« Les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à la présente directive. »
9 L’article 2, paragraphe 1, de cette directive établit la liste des produits relevant de la notion de « produits énergétiques », au sens de ladite directive. L’article 2, paragraphe 2, de la même directive précise qu’elle s’applique également à l’électricité relevant du code NC 2716.
10 L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2003/96 prévoit :
« 1. Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres peuvent appliquer sous contrôle fiscal des exonérations totales ou partielles ou des réductions du niveau de taxation :
[...]
h) à l’électricité, au gaz naturel, au charbon et aux combustibles solides consommés par les ménages et/ou par les organisations reconnues comme caritatives par l’État membre concerné. [...] En cas de consommation mixte, la taxation s’applique proportionnellement à chaque type d’utilisation. Si l’utilisation est négligeable, elle peut être considérée comme nulle ;
[...] »
Le droit italien
Le code civil
11 L’article 2033 du Codice civile (code civil) dispose :
« Toute personne ayant effectué un paiement indu est en droit de demander la répétition de ce qu’elle a payé. Elle a également droit aux fruits et intérêts à compter du jour du paiement si la personne qui l’a reçu était de mauvaise foi, ou, si celle-ci était de bonne foi, à compter du jour de la demande en justice. »
Le décret-loi no 511/1988
12 Dans sa version applicable aux faits du litige au principal, le decreto-legge n. 511 – Disposizioni urgenti in materia di finanza regionale e locale (décret-loi no 511 portant dispositions urgentes en matière de finances régionales et locales), du 28 novembre 1988 (GURI no 280, du 29 novembre 1988), tel que modifié par l’article 5 du decreto legislativo n. 26 – Attuazione della direttiva 2003/96/CE che ristruttura il quadro comunitario per la tassazione dei prodotti energetici e dell’elettricita
(décret législatif no 26 mettant en œuvre la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité), du 2 février 2007 (GURI no 68, du 22 mars 2007, supplément ordinaire no 77) (ci-après le « décret‑loi no 511/1988 »), mentionnait dans son préambule « la nécessité, à titre extraordinaire et urgent, d’assurer les ressources nécessaires aux finances des collectivités régionales et locales afin de garantir l’accomplissement des missions
institutionnelles ».
13 L’article 6 du décret‑loi no 511/1988, qui a été abrogé avec effet au 1er avril 2012, était libellé comme suit :
« 1. Il est institué une taxe supplémentaire à l’accise sur l’électricité visée aux articles 52 et suivants du texte unique des dispositions législatives concernant les taxes sur la production et la consommation, ainsi que les sanctions pénales et administratives, approuvé par le [decreto legislativo n. 504 – Testo unico delle disposizioni legislative concernenti le imposte sulla produzione e sui consumi e relative sanzioni penali e amministrative (décret législatif no 504 portant texte unique
des dispositions législatives concernant les taxes sur la production et la consommation, ainsi que les sanctions pénales et administratives), du 26 octobre 1995 (GURI no 279, du 29 novembre 1995, supplément ordinaire no 143) (ci-après le “décret législatif no 504/1995”)], à hauteur de :
a) 18,59 [euros] par 1000 kWh, en faveur des communes, pour toute utilisation effectuée dans les habitations, [...]
b) 20,40 [euros] par 1000 kWh, en faveur des communes, pour toute utilisation effectuée dans les résidences secondaires ;
c) 9,30 [euros] par 1000 kWh, en faveur des provinces, pour toute utilisation effectuée dans des locaux et lieux autres que les habitations, pour tous les contrats, dans la limite maximale de 200000 kWh de consommation mensuelle.
[...]
3. Les taxes supplémentaires visées au paragraphe 1 sont dues par les assujettis visés à l’article 53 du [décret législatif no 504/1995] lors de la fourniture de l’électricité aux consommateurs finals ou, dans le cas de l’électricité produite ou achetée pour leur propre usage, au moment de sa consommation. Les taxes supplémentaires sont perçues et recouvrées selon les mêmes modalités que l’accise sur l’électricité.
4. Les taxes supplémentaires visées au paragraphe 1 relatives à la fourniture d’électricité d’une puissance disponible ne dépassant pas 200 kW sont versées directement aux communes et aux provinces sur le territoire desquelles se trouvent les utilisateurs. Les taxes supplémentaires relatives à la fourniture d’électricité d’une puissance disponible supérieure à 200 kW et celles relatives à la consommation d’électricité produite ou achetée pour son propre usage sont versées au Trésor public, à
l’exception de celles perçues sur le territoire de la région du Val d’Aoste [Italie] et des provinces autonomes de Trente [Italie] et de Bolzano [Italie], qui sont versées directement aux communes et aux provinces elles‑mêmes.
5. Les dispositions de l’article 52, paragraphe 3, du [décret législatif no 504/1995] ne s’appliquent pas aux taxes supplémentaires visées au paragraphe 1 ; toutefois, la consommation relative à l’éclairage public et à l’exercice des activités de production, de transport et de distribution d’électricité est exonérée des taxes supplémentaires.
[...] »
Le décret législatif no 504/1995
14 La procédure relative à la demande de remboursement de l’accise indûment payée est régie par le décret législatif no 504/1995.
15 L’article 14 de ce décret législatif, intitulé « Remboursements de l’accise », prévoit, à son paragraphe 1 :
« L’accise est remboursée lorsqu’il s’avère qu’elle a été indûment payée ; les règles de remboursement visées au présent article s’appliquent également aux demandes relatives aux facilités accordées par la voie de la restitution, totale ou partielle, de l’accise payée, ou par d’autres moyens prévus par les règles régissant chaque facilité. »
16 L’article 16 dudit décret législatif, intitulé « Privilège », énonce, à son paragraphe 3 :
« Les créances détenues par les assujettis, après acquittement de la taxe, sur les acquéreurs des produits au titre desquels ils ont versé cette taxe, peuvent être répercutées dans la facturation [...] »
17 L’article 52 du même décret législatif est libellé comme suit :
« 1. L’énergie électrique (code NC 2716) est soumise à un droit d’accise, aux taux prévus à l’annexe I, au moment de la fourniture aux consommateurs finals ou au moment de la consommation de l’électricité produite par le producteur pour son usage propre.
[...]
3. Est exonérée de l’accise l’électricité :
a) utilisée pour l’activité de production d’électricité et pour le maintien de la capacité de production d’électricité ;
b) produite par des installations fonctionnant à partir de sources renouvelables au sens de la législation en vigueur en la matière, d’une puissance disponible supérieure à 20 kW, consommée par les entreprises d’autoproduction dans des locaux et des lieux autres que les habitations ;
c) utilisée pour l’installation et l’exploitation de lignes ferroviaires destinées au transport de marchandises et de passagers ;
d) utilisée pour l’installation et l’exploitation des lignes de transport urbain et interurbain ;
e) consommée pour toute application au domicile enregistré des utilisateurs, d’une puissance engagée allant jusqu’à 3 kW, jusqu’à une consommation mensuelle de 150 kWh. [...]
[...] »
18 L’article 53 du décret législatif no 504/1995 dispose :
« 1. Sont tenues de payer l’accise sur l’électricité :
a) les entités qui facturent l’électricité aux consommateurs finals, ci-après dénommées “vendeurs” ;
[...] »
19 L’article 60 de ce décret législatif prévoit :
« Les dispositions du présent titre, à l’exception de celles de l’article 52, [troisième alinéa], s’appliquent également aux taxes supplémentaires à une accise sur l’électricité, lorsque leurs modalités d’application sont les mêmes que celles prévues pour l’accise. »
Le décret législatif no 23/2011
20 L’article 2, paragraphe 6, du decreto legislativo no 23 – Disposizioni in materia di federalismo Fiscale Municipale (décret législatif no 23 portant dispositions relatives au fédéralisme fiscal municipal), du 14 mars 2011 (GURI no 67 du 23 mars 2011), énonce que, à partir de l’année 2012, la taxe supplémentaire s’ajoutant à l’accise sur l’électricité prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous a) et b), du décret‑loi no 511/1988 cesse d’être appliquée dans les régions à statut ordinaire. La taxe
supplémentaire a été définitivement abrogée à compter du 1er avril 2012.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
21 En vertu d’un contrat conclu le 1er octobre 2009, Hera Comm a fourni périodiquement de l’électricité à Falconeri.
22 Jusqu’au 1er avril 2012, date à laquelle a été abrogé l’article 6 du décret‑loi no 511/1988, Hera Comm a versé au Trésor public italien la taxe supplémentaire à l’accise sur l’électricité prévue à cette disposition (ci-après la « taxe supplémentaire »). Elle a répercuté la taxe ainsi acquittée sur Falconeri, récupérant ainsi intégralement la contre‑valeur de cette taxe.
23 Estimant que ladite taxe était contraire au droit de l’Union, Falconeri a introduit une demande en répétition de l’indu devant le Tribunale di Bologna (tribunal de Bologne, Italie), en vue d’obtenir la condamnation de Hera Comm au remboursement des montants versés à ce titre.
24 Par ordonnance du 19 avril 2021, le Tribunale di Bologna (tribunal de Bologne) a fait droit à cette demande, considérant que l’article 6 du décret‑loi no 511/1988 était contraire à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, tel qu’interprété par la jurisprudence constante de la Cour, et que, par conséquent, son application devait être écartée. Les paiements effectués par Falconeri au titre de la taxe supplémentaire étant donc sans fondement juridique, cette juridiction a condamné Hera
Comm à rembourser les sommes correspondantes, à compter de l’expiration du délai de transposition de la directive 2008/118 jusqu’à l’abrogation de l’article 6, paragraphe 1, du décret‑loi no 511/1988.
25 Par conséquent, Hera Comm a procédé au remboursement des paiements indus. Pour autant, le 19 mai 2021, elle a interjeté appel de cette ordonnance devant la Corte d’appello di Bologna (cour d’appel de Bologne, Italie), la juridiction de renvoi, en faisant valoir que la taxe supplémentaire était une simple majoration du taux de l’accise sur l’électricité et ne constituait donc pas une « taxe indirecte supplémentaire », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118.
26 La juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur le point de savoir si la taxe supplémentaire doit être considérée comme une taxe différente de l’accise sur l’électricité, puisqu’elle ne constitue qu’une fraction ou un multiple de celle-ci. Elle précise que cette accise et cette taxe ont une structure similaire et des régimes qui coïncident partiellement. En particulier, ladite taxe augmenterait le taux de l’accise sur l’électricité et aurait des modalités de liquidation,
d’établissement et de perception identiques à celle-ci. Dans ces conditions, la taxe supplémentaire pourrait être comprise comme une simple majoration du taux de l’accise, ne constituant ainsi pas une « taxe indirecte supplémentaire », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, et ne serait pas soumise à l’obligation d’affectation à des fins spécifiques prévue à cette disposition.
27 En revanche, s’il s’agissait de taxes distinctes, il pourrait y avoir une contradiction entre la règle de droit interne, ayant instauré la taxe supplémentaire sans l’affecter à des fins spécifiques, et l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, qui requiert une telle affectation. La possibilité de répercuter le paiement de cette taxe sur le client final dépendrait ainsi de la résolution de cette contradiction.
28 Selon la juridiction de renvoi, l’interprétation littérale, globale et téléologique de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 s’oppose à ce que l’accise sur l’électricité et la taxe supplémentaire soient considérés comme une seule et même taxe indirecte. Cette directive limiterait le pouvoir d’imposition des États membres non pas en fonction des formes dans lesquelles il peut être exercé, mais sous l’angle des finalités poursuivies et des répercussions que les impositions en
résultant produisent sur le marché.
29 En second lieu, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 est susceptible de produire des effets directs horizontaux dans le cadre d’un litige entre particuliers, tel que celui dont elle est saisie. Plus particulièrement, elle se réfère à la jurisprudence établie de la Cour sur l’interdiction de l’effet direct horizontal des directives, qui ne permettrait cependant pas expressément de déterminer si cette interdiction s’étend ou non à
l’« effet d’exclusion », qui vise à écarter l’application de la règle de droit interne contraire à une directive.
30 Cette juridiction considère que, selon un premier courant jurisprudentiel national, il y a lieu d’écarter l’article 6, paragraphes 1 et 2, du décret‑loi no 511/1988, indépendamment de l’effet direct, horizontal ou vertical, de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, en raison du principe de l’applicabilité immédiate de l’interprétation du droit de l’Union donnée par la Cour sur le fondement de l’article 267 TFUE. En revanche, selon un second courant jurisprudentiel, l’absence
d’effet des directives « auto-exécutoires » dans les rapports horizontaux empêcherait un consommateur final d’invoquer la directive 2008/118 à l’encontre d’un fournisseur et ne lui laisserait ouverte que la voie de l’action en réparation.
31 En l’occurrence, l’ordonnance rendue en première instance s’inscrirait dans une jurisprudence établie de la Corte di cassazione (Cour de cassation, Italie), selon laquelle les règles régissant le remboursement de la taxe supplémentaire sont compatibles avec le droit de l’Union, dès lors que, en l’absence de règles communes à ce titre, il appartient aux États membres de réglementer un tel remboursement conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité. Selon cette jurisprudence nationale,
l’accise et la taxe supplémentaire constitueraient deux taxes distinctes. Il serait toutefois exclu que cette taxe réponde à la condition tenant à la poursuite de fins spécifiques, requise à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, le seul objectif poursuivi par elle étant celui d’« assurer les ressources nécessaires aux finances des collectivités régionales et locales, afin de garantir l’accomplissement de leurs missions institutionnelles ».
32 La juridiction de renvoi précise encore que Hera Comm n’est pas une entreprise à participation publique et qu’elle n’est pas non plus chargée d’un service public. Partant, le rapport de droit qu’elle entretient avec son client pour la répercussion de la taxe supplémentaire serait de nature horizontale. Selon cette juridiction, affirmer l’effet direct de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 dans ce rapport horizontal assurerait pleinement la mise en œuvre des principes
d’équivalence et d’effectivité, et éviterait de discriminer de façon déraisonnable le client qui ne pourrait pas opposer à son cocontractant l’illégalité de la taxe supplémentaire dont il a supporté le poids économique, au motif que cette taxe est contraire au droit de l’Union.
33 Dans ces conditions, la Corte d’appello di Bologna (cour d’appel de Bologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La taxe [supplémentaire] appliquée par l’État membre en tant que fraction ou multiple de l’accise à laquelle est déjà soumis le produit, relève‑t‑elle de la notion de “taxes indirectes supplémentaires”, expression employée à l’article 1er, paragraphe 2, de la [directive 2008/118], ou doit-elle être vue comme une simple majoration du taux de l’accise, avec pour conséquence que l’État membre est libre de ne pas l’affecter aux “fins spécifiques” requises par l’article 1er, paragraphe 2, de la
[directive 2008/118] ?
2) Dans le cas où la taxe [supplémentaire] relève de la notion de “taxes indirectes supplémentaires”, l’article 1er, paragraphe 2, de la [directive 2008/118] doit-il être interprété en ce sens qu’il remplit les conditions pour pouvoir être invoqué par le particulier devant une juridiction nationale afin :
– d’opposer au vendeur du produit soumis à la taxe [supplémentaire], auquel le particulier a remboursé la taxe indirecte, le fait que le prélèvement fiscal opéré par l’État membre sur le vendeur est illégal, car fondé sur une disposition nationale contraire aux dispositions de la directive ?
– par voie de conséquence, d’agir contre le vendeur en répétition du paiement indu qui a été répercuté sur lui‑même ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
34 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 doit être interprété en ce sens qu’une taxe supplémentaire à l’accise sur un produit, qui ne constitue qu’une fraction ou un multiple de l’accise à laquelle est déjà soumis ce produit, mais dont les recettes sont affectées à des collectivités publiques différentes de celle à laquelle est affectée l’accise, et qui ne suit pas les règles d’exonération applicables à
celle-ci, peut être considérée comme une taxe distincte de cette accise et relever ainsi de la notion de « taxes indirectes supplémentaires », au sens de cette disposition, laquelle taxe peut être perçue par les États membres dans la mesure où elle poursuit une finalité spécifique, distincte de l’accise.
35 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi, l’accise sur l’électricité et la taxe supplémentaire ont une structure et un régime qui coïncident partiellement, étant donné que la seconde augmente le taux de la première et qu’elle a des modalités de liquidation, d’établissement et de perception identiques à celle-ci. D’après Hera Comm, la taxe supplémentaire ne constitue qu’une majoration de l’accise sur l’électricité et non une taxe distincte. Or,
selon les précisions données par la juridiction de renvoi, l’ordonnance rendue en première instance dans le cadre du litige au principal s’inscrirait dans un courant jurisprudentiel national selon lequel l’accise et la taxe supplémentaire sont considérées comme étant constitutives de deux taxes distinctes.
36 À titre liminaire, il y a lieu de relever que la qualification d’une imposition, d’une taxe, d’un droit ou d’un prélèvement au regard du droit de l’Union incombe à la Cour en fonction des caractéristiques objectives de l’imposition, indépendamment de la qualification qui lui est donnée dans le droit national (arrêt du 3 mars 2021, Promociones Oliva Park, C‑220/19, EU:C:2021:163, point 45 et jurisprudence citée).
37 À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt, ces règles
n’incluant pas les dispositions relatives aux exonérations.
38 S’agissant, en particulier, de la notion de « taxes indirectes supplémentaires », au sens de cette disposition, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, cette notion désigne les taxes indirectes qui frappent la consommation des produits énumérés à l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, autres que les « droits d’accise », au sens de cette dernière disposition, et qui sont prélevées à des fins spécifiques (arrêts du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems, C‑5/14,
EU:C:2015:354, point 59, et du 3 mars 2021, Promociones Oliva Park, C‑220/19, EU:C:2021:163, point 48).
39 À cet égard, premièrement, l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/118 consacre le principe selon lequel cette directive établit le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits tels que l’électricité, en harmonisant les conditions relatives à la perception de l’accise, ainsi que l’énonce le considérant 2 de cette directive.
40 Deuxièmement, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2003/96, l’électricité fait l’objet du régime de taxation harmonisé établi par cette directive.
41 Troisièmement, la Cour a précisé que la faculté reconnue aux États membres par l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 vise à tenir compte de la diversité des traditions fiscales des États membres en la matière et du recours fréquent aux impositions indirectes pour la mise en œuvre de politiques non budgétaires (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2021, Promociones Oliva Park, C‑220/19, EU:C:2021:163, point 48 et jurisprudence citée).
42 Dès lors que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/118 et de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2003/96, la taxation de l’électricité fait l’objet d’une harmonisation au sein de l’Union européenne, une taxe supplémentaire qui serait distincte de l’accise sur électricité, en tant qu’elle n’en constituerait pas une simple majoration du taux, ne saurait, cependant, être admise que si elle satisfaisait aux conditions prévues à l’article 1er, paragraphe 2, de la
directive 2008/118.
43 En premier lieu, quant au caractère distinct de la taxe supplémentaire en cause au principal, il ressort de la décision de renvoi, d’une part, que la base d’imposition de cette taxe était calculée de la même manière que celle de l’accise sur l’électricité et, d’autre part, que ladite taxe suivait les mêmes règles d’établissement, de liquidation et de perception que celles applicables à cette dernière. En outre, le fait générateur de la taxe supplémentaire était identique à celui de l’accise, à
savoir la fourniture et la vente d’électricité.
44 Cela étant, tout d’abord, le bénéficiaire final de la taxe supplémentaire était différent de celui de l’accise. En effet, ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé, pour la même quantité d’électricité distribuée aux consommateurs finaux, d’une part, l’accise devait être payée au Trésor public italien et, d’autre part, la taxe supplémentaire bénéficiait aux collectivités locales ou régionales.
45 Ensuite, l’article 6 du décret-loi no 511/1988 permettait de différencier la taxation de l’électricité en fonction de l’usage, du lieu de fourniture ainsi que de la quantité consommée. Or, de tels critères de différenciation ne sont pas applicables à l’accise, dès lors qu’ils ne sont pas prévus par les directives 2008/118 et 2003/96.
46 Enfin, alors que l’article 52, paragraphe 3, du décret législatif no 504/1995 prévoyait, conformément à la directive 2003/96, certaines exonérations de l’accise, les assujettis à la taxe supplémentaire ne bénéficiaient pas de ces mêmes exonérations.
47 Or, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations écrites, si ladite taxe n’avait été qu’une majoration du taux de l’accise sur l’électricité, elle aurait dû être réglementée comme celle-ci et faire l’objet des mêmes exonérations que celles prévues par le législateur national pour cette dernière, conformément à la directive 2003/96.
48 Il ressort de ce qui précède que la taxe supplémentaire en cause ne peut être considérée comme une simple majoration du taux d’accise sur l’électricité, en tant que fraction ou multiple de celle‑ci, mais est susceptible de constituer une taxe indirecte supplémentaire qui frappe directement ou indirectement la consommation de l’électricité visée par la directive 2003/96.
49 En second lieu, il y a lieu de rappeler que, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 permet, en substance, aux États membres de prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, c’est à la double condition que ces impositions poursuivent une ou plusieurs « fins spécifiques » et qu’elles respectent les règles de taxation de l’Union applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul,
l’exigibilité et le contrôle de l’impôt, ces règles n’incluant pas les dispositions relatives aux exonérations (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Statoil Fuel & Retail, C‑553/13, EU:C:2015:149, point 35).
50 Ces deux conditions, qui visent à éviter les impositions indirectes supplémentaires entravant indûment les échanges, revêtent, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, un caractère cumulatif (arrêt du 5 mars 2015, Statoil Fuel & Retail, C‑553/13, EU:C:2015:149, point 36 et jurisprudence citée).
51 S’agissant de la première de ces conditions, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une « fin spécifique », au sens de cette disposition, ne doit pas être purement budgétaire. Cependant, dès lors que toute taxe poursuit nécessairement une finalité budgétaire, cette seule circonstance ne saurait exclure qu’une taxe supplémentaire puisse avoir également une finalité spécifique, au sens de cette disposition, sauf à vider celle-ci de tout effet utile (arrêt du 14 mars 2024, f6 Cigarettenfabrik,
C‑336/22, EU:C:2024:226, point 37 et jurisprudence citée).
52 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’objectif poursuivi par la taxe supplémentaire était, aux termes du préambule du décret‑loi no 511/1988, d’« assurer les ressources nécessaires aux finances des collectivités régionales et locales, afin de garantir l’accomplissement de leurs missions institutionnelles ». Par ailleurs, la juridiction de renvoi indique qu’il existerait un autre objectif, hypothétique, à savoir la contribution au service d’élimination des déchets, qui ne
serait toutefois présenté par la législation nationale que comme étant potentiel, et qu’il n’y aurait aucune preuve que cette finalité ait été effectivement poursuivie.
53 Or, l’existence d’une « fin spécifique », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, ne saurait être établie par la seule affectation des recettes de la taxe considérée au financement de dépenses générales incombant à la collectivité publique dans un domaine donné. En effet, si tel était le cas, la prétendue fin spécifique ne saurait être distinguée d’une finalité purement budgétaire (arrêt du 5 mars 2015, Statoil Fuel & Retail, C‑553/13, EU:C:2015:149, point 40).
54 Dans ces conditions, sous réserve d’une vérification à opérer par la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour constater et apprécier les faits du litige au principal, il ne ressort pas des éléments du dossier dont dispose la Cour que la taxe supplémentaire, qui ne semble poursuivre qu’une finalité générale de soutien au budget des collectivités territoriales, satisfasse aux critères relatifs à la finalité spécifique visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 (voir,
en ce sens, ordonnance du 9 novembre 2021, Agenzia delle dogane e dei monopoli – Ufficio delle dogane di Gaeta, C‑255/20, EU:C:2021:926, points 38 et 39).
55 S’agissant de la seconde des conditions, mentionnée au point 49 du présent arrêt, le fait que la taxe supplémentaire suit les mêmes règles d’établissement, de liquidation et de perception que celles applicables à l’accise sur l’électricité permet de conclure qu’elle a été conçue dès l’origine par le législateur national comme une taxe devant être conforme aux règles de taxation de l’Union applicables aux droits d’accise.
56 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 doit être interprété en ce sens qu’une taxe supplémentaire à l’accise sur un produit, qui ne constitue qu’une fraction ou un multiple de l’accise à laquelle est déjà soumis ce produit, mais dont les recettes sont affectées à des collectivités publiques différentes de celle à laquelle est affectée l’accise, et qui ne suit pas les règles
d’exonération applicables à celle-ci, peut être considérée comme une taxe distincte de cette accise et relever ainsi de la notion de « taxes indirectes supplémentaires », au sens de cette disposition, laquelle taxe peut être perçue par les États membres dans la mesure où elle poursuit une finalité spécifique, distincte de l’accise.
Sur la seconde question
57 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 peut être invoqué dans un litige entre particuliers portant sur le remboursement d’une taxe indûment payée au motif que la disposition nationale ayant institué cette taxe est contraire à cet article 1er, paragraphe 2, de sorte qu’une juridiction nationale, saisie d’un tel litige, est tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, d’écarter l’application de cette
disposition nationale.
58 À titre liminaire, il y a lieu de relever que la Cour s’est déjà prononcée sur des questions similaires soulevées dans un cadre juridique identique dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 avril 2024, Gabel Industria Tessile et Canavesi (C‑316/22, EU:C:2024:301).
59 À cet égard, la Cour a relevé que, en vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, le caractère contraignant d’une directive, sur lequel est fondée la possibilité d’invoquer celle-ci, n’existe qu’à l’égard de « tout État membre destinataire ». Il s’ensuit, selon une jurisprudence constante, qu’une directive ne peut par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à l’encontre d’une telle personne devant une juridiction nationale
(arrêt du 11 avril 2024, Gabel Industria Tessile et Canavesi, C‑316/22, EU:C:2024:301, point 22 ainsi que jurisprudence citée).
60 Il s’ensuit qu’une juridiction nationale n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, de laisser inappliquée une disposition de son droit interne contraire à une disposition du droit de l’Union si cette dernière disposition est dépourvue d’effet direct, sans préjudice toutefois de la possibilité, pour cette juridiction, ainsi que pour toute autorité administrative nationale compétente, d’écarter, sur le fondement de ce droit interne, toute disposition de ce dernier contraire à une
disposition du droit de l’Union dépourvue d’un tel effet (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin, C‑261/20, EU:C:2022:33, point 33).
61 Ainsi, nonobstant l’absence d’effet horizontal d’une directive, une juridiction nationale peut permettre à un particulier de se prévaloir de l’illégalité, au regard d’une disposition claire, précise et inconditionnelle d’une directive, d’une taxe lui ayant été indûment répercutée par un vendeur, si une telle faculté lui est reconnue par la législation nationale, afin d’obtenir la neutralisation de la charge économique supplémentaire qu’il a, en définitive, dû supporter, ce que, dans l’affaire en
cause au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer (arrêt du 11 avril 2024, Gabel Industria Tessile et Canavesi, C‑316/22, EU:C:2024:301, point 25).
62 La Cour a par ailleurs admis que des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive peuvent être invoquées par les justiciables non seulement à l’encontre d’un État membre et de l’ensemble des organes de son administration, mais également à l’encontre d’organismes ou d’entités qui sont soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État ou qui détiennent des pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers (arrêt
du 11 avril 2024, Gabel Industria Tessile et Canavesi, C‑316/22, EU:C:2024:301, point 26 ainsi que jurisprudence citée).
63 La Cour a, par conséquent, conclu que l’article 288, troisième alinéa, TFUE s’oppose à ce qu’une juridiction nationale écarte, dans un litige entre particuliers, l’application d’une norme nationale instituant une taxe indirecte contraire à une disposition claire, précise et inconditionnelle d’une directive non transposée ou mal transposée, sauf si le droit interne en dispose autrement ou si l’entité à l’encontre de laquelle la contrariété de ladite taxe est invoquée est soumise à l’autorité ou au
contrôle de l’État ou détient des pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers (arrêt du 11 avril 2024, Gabel Industria Tessile et Canavesi, C‑316/22, EU:C:2024:301, point 27). Il appartiendra, en l’occurrence, à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires afin de déterminer si le fournisseur en cause au principal relève de l’une de ces catégories.
64 En tout état de cause, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les États membres sont tenus, en principe, de rembourser les impôts et taxes perçus en violation du droit de l’Union, le droit d’obtenir le remboursement de ces impôts et taxes étant en effet la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union prohibant de telles taxes (arrêt du 20 octobre 2011, Danfoss et Sauer-Danfoss, C‑94/10, EU:C:2011:674,
point 20 ainsi que jurisprudence citée).
65 À cet égard, il importe de rappeler que, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les modalités procédurales précises par lesquelles le droit d’obtenir le remboursement de ladite charge économique doit être exercé, étant entendu que ces modalités doivent respecter les principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt du 11 avril 2024, Gabel Industria Tessile et Canavesi, C‑316/22, EU:C:2024:301, point 33
ainsi que jurisprudence citée).
66 En particulier, si un tel remboursement s’avérait impossible ou excessivement difficile à obtenir des fournisseurs concernés, le principe d’effectivité exigerait que le consommateur final soit en mesure de diriger sa demande de remboursement directement contre l’État membre concerné (arrêt du 11 avril 2024, Gabel Industria Tessile et Canavesi, C‑316/22, EU:C:2024:301, point 34 ainsi que jurisprudence citée).
67 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige entre particuliers portant sur le remboursement d’une taxe indûment payée au motif que les dispositions de droit national ayant institué cette taxe sont contraires à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, qui constate l’impossibilité d’interpréter ces dispositions de droit
national en conformité avec le droit de l’Union, n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, d’écarter l’application desdites dispositions de droit national. Le droit de l’Union exige toutefois que, en cas d’impossibilité ou de difficulté excessive à obtenir du fournisseur le remboursement de la taxe indûment payée, le consommateur final soit en mesure de diriger sa demande de remboursement directement contre l’État membre concerné.
Sur les dépens
68 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
1) L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE,
doit être interprété en ce sens que :
une taxe supplémentaire à l’accise sur un produit, qui ne constitue qu’une fraction ou un multiple de l’accise à laquelle est déjà soumis ce produit, mais dont les recettes sont affectées à des collectivités publiques différentes de celle à laquelle est affectée l’accise, et qui ne suit pas les règles d’exonération applicables à celle-ci, peut être considérée comme une taxe distincte de cette accise et relever ainsi de la notion de « taxes indirectes supplémentaires », au sens de cette
disposition, laquelle taxe peut être perçue par les États membres dans la mesure où elle poursuit une finalité spécifique, distincte de l’accise.
2) Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige entre particuliers portant sur le remboursement d’une taxe indûment payée au motif que les dispositions de droit national ayant institué cette taxe sont contraires à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, qui constate l’impossibilité d’interpréter ces dispositions de droit national en conformité avec le droit de l’Union, n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union,
d’écarter l’application desdites dispositions de droit national. Le droit de l’Union exige toutefois que, en cas d’impossibilité ou de difficulté excessive à obtenir du fournisseur le remboursement de la taxe indûment payée, le consommateur final soit en mesure de diriger sa demande de remboursement directement contre l’État membre concerné.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.