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15/05/2025 | CJUE | N°C-623/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, UV contre Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS)., 15/05/2025, C-623/23


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

15 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 79/7/CEE – Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale – Article 4, paragraphes 1 et 2 – Article 7, paragraphe 1 – Législation nationale prévoyant un complément de pension octroyé aux femmes bénéficiant d’une pension contributive de retraite et ayant eu un ou plusieurs enfants biologiques ou adoptés – Possibilité d’octroyer ce complément aux hommes soumise à des conditions supplément

aires – Discrimination directe
fondée sur le sexe – Article 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

15 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 79/7/CEE – Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale – Article 4, paragraphes 1 et 2 – Article 7, paragraphe 1 – Législation nationale prévoyant un complément de pension octroyé aux femmes bénéficiant d’une pension contributive de retraite et ayant eu un ou plusieurs enfants biologiques ou adoptés – Possibilité d’octroyer ce complément aux hommes soumise à des conditions supplémentaires – Discrimination directe
fondée sur le sexe – Article 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Mesures d’action positive »

Dans les affaires jointes C‑623/23 [Melbán] i et C‑626/23 [Sergamo] ( i ),

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites, la première, par le Juzgado de lo Social no 3 de Pamplona (tribunal du travail no 3 de Pampelune, Espagne), et, la seconde, par le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid, Espagne), par décisions du 21 septembre 2023 et du 13 septembre 2023, parvenues à la Cour respectivement le 6 octobre 2023 et le 12 octobre 2023, dans les procédures

UV (C‑623/23),

XXX (C‑626/23)

contre

Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS),

en présence de :

OP (C-623/23),

Ministerio Fiscal (C-623/23),

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. E. Regan et B. Smulders (rapporteur), juges,

avocat général : M. R. Norkus,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS), par Mme A. Álvarez Moreno et M. A. R. Trillo García, en qualité de letrados,

– pour le gouvernement espagnol, par Mme M. Morales Puerta, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mmes I. Galindo Martín et E. Schmidt, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24), ainsi que des articles 20, 21, 23 et de l’article 34, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, UV (C‑623/23), père de deux enfants, et, d’autre part, XXX (C‑626/23), père de trois enfants, à l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) (Institut national de la sécurité sociale, Espagne) au sujet du refus, par ce dernier, de leur accorder un complément de pension (ci‑après le « complément de pension en cause »), prévu en droit national au bénéfice des femmes et des hommes ayant eu un ou plusieurs
enfants mais dont l’octroi aux hommes est soumis à des conditions supplémentaires.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er de la directive 79/7 énonce :

« La présente directive vise la mise en œuvre progressive, dans le domaine de la sécurité sociale et autres éléments de protection sociale prévu à l’article 3, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, ci-après dénommé “principe de l’égalité de traitement”. »

4 L’article 2 de cette directive prévoit :

« La présente directive s’applique à la population active, y compris les travailleurs indépendants, les travailleurs dont l’activité est interrompue par une maladie, un accident ou un chômage involontaire et les personnes à la recherche d’un emploi, ainsi qu’aux travailleurs retraités et aux travailleurs invalides. »

5 L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« La présente directive s’applique :

a) aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants :

– maladie,

– invalidité,

– vieillesse,

– accident du travail et maladie professionnelle,

– chômage ;

[...] »

6 L’article 4 de la même directive est libellé comme suit :

« 1.   Le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne :

– le champ d’application des régimes et les conditions d’accès aux régimes,

– l’obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

– le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.

2.   Le principe de l’égalité de traitement ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme en raison de la maternité. »

7 Aux termes de l’article 7 de la directive 79/7 :

« 1.   La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu’ont les États membres d’exclure de son champ d’application :

[...]

b) les avantages accordés en matière d’assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants ; l’acquisition de droits aux prestations à la suite de périodes d’interruption d’emploi dues à l’éducation des enfants ;

[...]

2.   Les États membres procèdent périodiquement à un examen des matières exclues en vertu du paragraphe 1, afin de vérifier, compte tenu de l’évolution sociale en la matière, s’il est justifié de maintenir les exclusions en question. »

Le droit espagnol

8 Intitulé « Complément de maternité dans les pensions contributives du système de sécurité sociale », l’article 60 de la Ley General de la Seguridad Social (loi générale sur la sécurité sociale), telle qu’approuvée par le Real Decreto Legislativo 8/2015 (décret royal législatif 8/2015), du 30 octobre 2015 (BOE no 261, du 31 octobre 2015, p. 103291) (ci-après l’« ancienne LGSS »), prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Eu égard à leur contribution démographique à la sécurité sociale, un complément de pension est accordé aux femmes qui ont eu des enfants biologiques ou adoptés et qui bénéficient de pensions contributives de retraite, de veuvage ou d’invalidité permanente au titre d’un régime quelconque de sécurité sociale.

Le montant de ce complément, qui présente à tous égards la nature juridique d’une pension publique contributive, résulte de l’application au montant initial desdites pensions d’un pourcentage déterminé, qui est fonction du nombre d’enfants, conformément à l’échelle suivante :

a) dans le cas de deux enfants : 5 pour cent ;

b) dans le cas de trois enfants : 10 pour cent ;

c) dans le cas de quatre enfants ou plus : 15 pour cent.

[...] »

9 À la suite de l’adoption du Real Decreto-Ley 3/2021, por el que se adoptan medidas para la reducción de la brecha de género y otras materias en los ámbitos de la Seguridad Social y économico (décret-loi royal 3/2021, portant adoption de mesures visant à réduire l’écart entre les sexes et ayant trait à d’autres matières relevant des domaines de la sécurité sociale et de l’économie), du 2 février 2021 (BOE no 29, du 3 février 2021, p. 12268) (ci-après le « décret-loi royal 3/2021 »), l’ancienne LGSS
a été modifiée (ci-après la « LGSS modifiée »). L’article 60 de la LGSS modifiée, intitulé « Complément aux pensions contributives afin de réduire l’écart entre les hommes et les femmes », dispose :

« 1.   Les femmes qui ont eu un ou plusieurs enfants et qui bénéficient d’une pension contributive de retraite, d’incapacité permanente ou de veuvage ont droit à un complément pour chaque enfant, en raison de l’incidence que l’écart entre les hommes et les femmes a, en général, sur le montant des pensions contributives de la sécurité sociale versées aux femmes. Le droit au complément pour chaque enfant est accordé ou maintenu à l’égard de la femme, pour autant que le complément ne soit pas demandé
par l’autre parent et accordé à celui-ci, et si ce dernier est également une femme, le complément est accordé à celle qui perçoit la pension publique dont le montant est le moins élevé.

Pour que les hommes puissent avoir droit au complément, il doit être satisfait à l’une des conditions suivantes :

a) l’intéressé a droit à une pension de veuvage en raison du décès de l’autre parent pour les enfants en commun, à condition que l’un de ces enfants ait droit à une pension d’orphelin ;

b) l’intéressé a droit à une pension contributive de retraite ou d’incapacité permanente et doit avoir interrompu sa carrière professionnelle ou l’avoir vu être interrompue ou affectée à l’occasion d’une naissance ou d’une adoption, dans les conditions suivantes :

1) pour les enfants nés ou adoptés jusqu’au 31 décembre 1994, ne pas avoir cotisé pendant plus de 120 jours entre les neuf mois précédant la naissance et les trois années suivant la naissance ou, en cas d’adoption, entre la date de la décision judiciaire constatant l’adoption et les trois années suivantes, à condition que la somme des montants des pensions reconnues soit inférieure à la somme des pensions auxquelles la femme a droit ;

2) pour les enfants nés ou adoptés à partir du 1er janvier 1995, la somme des bases de cotisation des 24 mois suivant celui de la naissance ou de la décision judiciaire constatant l’adoption doit être inférieure de plus de 15 % à celle des 24 mois immédiatement antérieurs, à condition que la somme des montants des pensions reconnues soit inférieure à la somme des pensions auxquelles la femme a droit.

[...]

3) Si les deux parents sont des hommes et qu’ils remplissent tous les deux les conditions susmentionnées, le complément est accordé à celui qui perçoit la pension publique dont le montant est le moins élevé.

[...]

2.   L’octroi du complément au second parent entraîne l’extinction du complément déjà accordé au premier parent et produit des effets pécuniaires le premier jour du mois suivant celui de la décision [...]

Avant de rendre la décision octroyant le droit au second parent, le parent percevant le complément est entendu.

3.   Ce complément présente à tous les égards la nature juridique d’une pension publique contributive.

Le montant du complément par enfant est fixé dans la loi relative au budget général de l’État correspondante. Le montant à percevoir est limité à quatre fois le montant mensuel fixé par enfant et augmenté au début de chaque année du même pourcentage que celui prévu par la loi relative au budget général de l’État correspondante pour les pensions contributives. »

10 Aux termes de la trente-septième disposition additionnelle de la LGSS modifiée, laquelle est intitulée « Étendue temporelle du complément aux pensions contributives afin de réduire l’écart entre les hommes et les femmes » :

« 1. Le droit au complément aux pensions contributives afin de réduire l’écart entre les hommes et les femmes prévu à l’article 60 est maintenu aussi longtemps que l’écart entre les pensions de retraite des hommes et des femmes acquises au cours de l’année précédente est supérieur à 5 %.

2. Aux fins de la présente loi, on entend par écart entre les pensions de retraite des hommes et des femmes le pourcentage représentant la différence entre le montant moyen des pensions contributive[s] de retraite acquises au cours d’une année par les hommes et par les femmes.

3. Afin de garantir l’adéquation de la mesure de correction introduite pour réduire l’écart entre les pensions des hommes et des femmes, le gouvernement espagnol doit, dans le cadre du dialogue social, procéder à une évaluation périodique, tous les cinq ans, des effets de cette mesure.

4. Lorsque l’écart entre les hommes et les femmes au cours d’une période d’un an sera inférieur à 5 %, le gouvernement transmettra aux [Cortes Generales (Parlement espagnol)] un projet de loi visant à abroger l’article 60, après consultation des partenaires sociaux. »

11 La trente-troisième disposition transitoire de la LGSS modifiée, intitulée « Maintien provisoire du complément de maternité dans les pensions contributives du système de sécurité sociale », énonce :

« Les personnes qui, à la date d’entrée en vigueur de la modification prévue à l’article 60, percevaient le complément de maternité au titre de la contribution démographique continuent à le percevoir.

La perception de ce complément de maternité est incompatible avec le complément aux pensions contributives afin de réduire l’écart entre les hommes et les femmes qui pourrait être dû, en raison de l’octroi d’une nouvelle pension publique, les personnes concernées pouvant choisir l’un ou l’autre.

Si l’autre parent de l’un des enfants ayant donné droit au complément de maternité au titre de la contribution démographique demande le complément aux pensions contributives afin de réduire l’écart entre les hommes et les femmes et a le droit de le percevoir, en application de l’article 60 de la présente loi [...], le montant mensuel lui étant octroyé est déduit du complément de maternité perçu [...] »

12 L’article 3 de la Ley Orgánica 3/2007 para la igualdad efectiva de mujeres y hombres (loi organique 3/2007 pour l’égalité effective entre femmes et hommes), du 22 mars 2007 (BOE no 71, du 23 mars 2007, p. 12611), est libellé comme suit :

« Le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes implique l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, notamment celles découlant de la maternité, de la prise en charge d’obligations familiales et de l’état civil. »

13 L’article 11, paragraphe 1, de cette loi prévoit :

« Afin de rendre effectif le droit constitutionnel à l’égalité, les pouvoirs publics adoptent des mesures spécifiques en faveur des femmes visant à remédier à des situations manifestes d’inégalité de fait par rapport aux hommes. Ces mesures, qui sont applicables tant que ces situations persistent, doivent être dans chaque cas raisonnables et proportionnées au regard de l’objectif poursuivi. »

Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

L’affaire C-623/23

14 UV, père de deux enfants, s’est vu attribuer par l’INSS une pension de retraite s’élevant à un montant mensuel brut de 1637,08 euros et prenant effet le 1er juillet 2021.

15 Le 16 juin 2022, UV a demandé à l’INSS de bénéficier, à compter du 1er juillet 2021, du complément de pension visant à réduire l’écart entre les hommes et les femmes qui est prévu à l’article 60 de la LGSS modifiée.

16 Par décision du 14 novembre 2022, l’INSS a rejeté cette demande, estimant que UV ne remplissait pas les conditions prévues à cet article 60.

17 En outre, par décision du 22 décembre 2022, prenant effet le 10 décembre 2022, l’INSS a accordé à la mère des deux enfants concernés une pension de retraite anticipée s’élevant à un montant mensuel brut de 2790,99 euros, augmenté du complément de pension en cause à hauteur de 56 euros par mois.

18 UV a introduit un recours contre la décision du 14 novembre 2022 devant le Juzgado de lo Social no 3 de Pamplona (tribunal du travail no 3 de Pampelune, Espagne), qui est la juridiction de renvoi dans l’affaire C-623/23, en faisant valoir que l’article 60 de la LGSS modifiée est contraire à la directive 79/7 en ce qu’il opère une discrimination fondée sur le sexe.

19 L’INSS rappelle que, par l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075), la Cour a jugé que l’article 60 de l’ancienne LGSS était discriminatoire et estime que cet article 60, qui a été modifié pour tenir compte de cet arrêt, est désormais conforme aux exigences de la directive 79/7.

20 La juridiction de renvoi relève, à titre liminaire, que le complément de pension en cause s’ajoute au montant de la pension de retraite, calculé sur la base des cotisations versées au cours de la vie active, et relève du champ d’application de la directive 79/7 en ce qu’il fait partie d’un régime légal de protection contre l’un des risques énumérés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.

21 Elle rappelle, en outre, que, bien que UV se soit effectivement consacré à l’éducation de ses deux enfants, l’INSS a rejeté la demande d’octroi du complément de pension en cause au motif que l’absence de cotisation de UV au système de sécurité sociale n’aurait pas atteint la période minimale prévue, pour les hommes, à l’article 60 de la LGSS modifiée, UV n’ayant en effet pas cessé de cotiser pendant plus de 120 jours entre les neuf mois précédant la naissance et les trois années suivant celle-ci.

22 Estimant, partant, qu’elle est tenue de statuer sur le point de savoir si cet article 60 introduit une discrimination fondée sur le sexe contraire à la directive 79/7, la juridiction de renvoi indique qu’il ne fait aucun doute que, eu égard à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, ledit article 60 accorde un traitement moins favorable aux hommes qu’aux femmes, dans la mesure où les femmes bénéficiant d’une pension de retraite et ayant eu un ou plusieurs enfants se voient reconnaître
automatiquement le droit au complément de pension en cause, alors que les hommes se trouvant dans une situation comparable doivent satisfaire à des conditions supplémentaires tenant notamment à une interruption effective de leur carrière et de leur cotisation au système de sécurité sociale.

23 Toutefois, la juridiction de renvoi se demande, en premier lieu, si une telle différence de traitement fondée sur le sexe peut se justifier par le fait notoire que, en Espagne, l’éducation des enfants est majoritairement assurée par les femmes, ce qui découlerait d’une discrimination historique et structurelle à leur égard et produirait un effet préjudiciable sur leur carrière professionnelle ainsi que, partant, sur leur cotisation au système de sécurité sociale. Le complément de pension en
cause, prévu à l’article 60 de la LGSS modifiée, viserait ainsi à réparer un préjudice subi par les femmes au cours de leur carrière, comme cela résulterait de l’exposé des motifs du décret-loi royal 3/2021.

24 Cela étant, ce complément serait reconnu sans distinction à toutes les femmes ayant eu des enfants, indépendamment du point de savoir si elles se sont effectivement occupées de l’éducation de leurs enfants et quel que soit le montant de leur pension, lequel pourrait être supérieur au montant de la pension moyenne, voire correspondre au montant maximal des pensions admis en Espagne. Selon la juridiction de renvoi, il n’apparaît donc pas que cette mesure soit réellement de nature à atteindre
l’objectif de réduire l’écart entre les hommes et les femmes en matière de pensions de retraite.

25 Dans ces conditions, la juridiction de renvoi se demande, en particulier, si, compte tenu de l’existence d’un tel écart, l’octroi du complément de pension en cause peut être considéré comme étant une mesure d’action positive en faveur des femmes.

26 À cet égard, elle évoque la possibilité que la mesure prévue à l’article 60 de la LGSS modifiée relève des mesures admises par l’article 157, paragraphe 4, TFUE, au regard, notamment, de l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075), qui semble l’exclure.

27 Cependant, la juridiction de renvoi n’exclut pas qu’il puisse être considéré que, eu égard à la finalité poursuivie par l’article 60 de la LGSS modifiée, laquelle consiste à compenser les conséquences financières provoquées par la situation des femmes sur le marché du travail résultant du fait qu’elles ont historiquement assumé un rôle principal dans l’éducation des enfants, les hommes ne se trouvent pas, en réalité, dans la même situation que les femmes, excluant, partant, l’existence d’une
discrimination entre eux.

28 Elle estime, par ailleurs, que le complément de pension en cause prévu par cet article 60 n’est pas lié à la protection spécifique de la femme en raison de la grossesse, de l’accouchement ou de la maternité, si bien qu’il ne semble pas relever de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 79/7. Il en irait de même s’agissant de la dérogation prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, dans la mesure où l’octroi de ce complément aux femmes ne serait,
précisément, pas subordonné à l’éducation de leurs enfants.

29 En second lieu, dans l’hypothèse où l’article 60 de la LGSS modifiée ne serait pas conforme au principe de l’égalité de traitement, la juridiction de renvoi se demande quelles seraient les conséquences du constat d’une telle non-conformité au regard de cet article 60 qui prévoit que le complément de pension en cause ne peut être accordé qu’à un seul parent, à savoir celui dont le montant de la pension contributive de retraite est le moins élevé.

30 En l’occurrence, la mère des deux enfants concernés se serait déjà vu octroyer le complément concerné. L’INSS aurait dès lors soutenu que, dans l’hypothèse où une discrimination fondée sur le sexe serait constatée en application de la directive 79/7, l’octroi du complément de pension en cause en faveur du père devrait entraîner la cessation du versement de ce complément jusqu’alors versé à la mère au motif que le montant de la pension contributive de retraite de celle-ci serait supérieur à celui
de la pension du père.

31 La juridiction de renvoi, qui précise que la mère a été assignée à comparaître en tant que partie intervenante bien qu’elle n’ait pas comparu au procès, est toutefois d’avis que le fait de reconnaître ce complément uniquement au pensionné percevant la pension dont le montant est le moins élevé serait de nature à ôter tout effet utile à la constatation de l’existence d’une discrimination dans le cas où la pension de retraite ayant le montant le plus élevé est celle perçue par le père. En outre, la
juridiction de renvoi estime que l’article 60 de la LGSS modifiée prévoit expressément que ledit complément ne pourrait être versé qu’à l’un des deux parents dans le cas où les deux parents rempliraient les conditions légales pour l’obtenir, de sorte que cette disposition de cet article 60 ne devrait pas s’appliquer lorsque le complément de pension en cause est accordé au père qui ne remplit pas les conditions prévues par une règle nationale introduisant une discrimination fondée sur le sexe.

32 Dans ces conditions, le Juzgado de lo Social no 3 de Pamplona (tribunal du travail no 3 de Pampelune) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La directive [79/7] doit-elle être interprétée en ce sens qu’est contraire au principe de l’égalité de traitement, qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe, consacré aux articles 1er et 4 de [cette directive], une réglementation nationale telle que celle contenue à l’article 60 de la [LGSS modifiée] qui, sous l’intitulé “Complément aux pensions contributives afin de réduire l’écart entre les hommes et les femmes”, octroie le droit à un complément aux pensions contributives de
retraite et d’incapacité permanente aux femmes qui ont eu des enfants biologiques ou adoptés et qui bénéficient de telles pensions, sans aucune autre condition et indépendamment du montant de leurs pensions, et ne reconnaît pas ce droit dans les mêmes conditions aux hommes se trouvant dans une situation identique, dès lors qu’elle exige, pour qu’ils bénéficient du complément à la pension de retraite ou d’incapacité permanente, des périodes données d’absence de cotisations ou des cotisations
inférieures à la suite de la naissance ou de l’adoption des enfants, à savoir, pour les enfants nés ou adoptés jusqu’au 31 décembre 1994, ne pas avoir cotisé pendant plus de 120 jours entre les neuf mois précédant la naissance et les trois années suivant cette date ou, en cas d’adoption, entre la date de la décision judiciaire constatant celle-ci et les trois années suivantes, à condition que la somme des montants des pensions reconnues soit inférieure à la somme des pensions auxquelles la
femme a droit, et, pour les enfants nés ou adoptés à partir du 1er janvier 1995, que la somme des bases de cotisation des 24 mois suivant celui de la naissance ou de la décision judiciaire constatant l’adoption soit inférieure de plus de 15 % à celle des 24 mois immédiatement antérieurs, à condition que la somme des montants des pensions reconnues soit inférieure à la somme des pensions auxquelles la femme a droit ?

2) Dans le cas où une discrimination fondée sur le sexe serait constatée, la directive 79/7 impose-t-elle, en raison de la discrimination résultant de l’exclusion du retraité de sexe masculin, l’octroi à ce dernier du complément à la pension de retraite, nonobstant le fait que l’article 60 de la [LGSS modifiée] prévoit que le complément ne peut être accordé qu’à l’un des parents et, dans le même temps, la reconnaissance du complément au retraité de sexe masculin ne doit-elle pas, sous l’effet de
l’arrêt de la Cour et de la non‑conformité de la réglementation nationale à la directive [79/7], entraîner la suppression du complément accordé à la femme percevant une pension de retraite du fait qu’elle remplit les conditions légales consistant à être mère d’un ou de plusieurs enfants ? »

L’affaire C-626/23

33 Par décision de l’INSS, notifiée à XXX le 6 avril 2022, celui-ci, père de trois enfants, s’est vu attribuer une pension de retraite prenant effet le 11 janvier 2022.

34 Estimant que le montant de cette pension avait été calculé de manière erronée et que ce montant devait également inclure le complément de pension en cause, XXX a introduit une réclamation contre cette décision auprès de l’INSS.

35 Cette réclamation étant restée sans réponse, XXX a, le 16 septembre 2022, introduit un recours devant le Juzgado de lo Social no 4 de Madrid (tribunal du travail no 4 de Madrid, Espagne), qui, par jugement du 15 février 2023, a été intégralement rejeté.

36 XXX a interjeté appel de ce jugement devant le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid, Espagne), qui est la juridiction de renvoi dans l’affaire C-626/23, en faisant valoir que la différence de traitement entre les hommes et les femmes résultant de l’article 60 de l’ancienne LGSS perdurait dans le cadre de l’article 60 de la LGSS modifiée en ce qui concerne l’octroi du complément de pension en cause, dans la mesure où l’exigence d’une « interruption de la
carrière professionnelle » est uniquement requise pour les hommes, et ce en violation de la directive 79/7.

37 Ainsi, la juridiction de renvoi estime qu’il est nécessaire de déterminer si l’article 60 de la LGSS modifiée est compatible avec cette directive ainsi qu’avec les articles 20, 21, 23 et l’article 34, paragraphe 1, de la Charte.

38 À cet égard, cette juridiction relève que l’article 60 de l’ancienne LGSS a été modifié pour tenir compte des enseignements issus de l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075). L’octroi du complément de pension, qui serait prévu à l’article 60 de la LGSS modifiée et qui serait qualifié non plus de « complément de maternité dans les pensions contributives du système de sécurité sociale », mais de
« complément aux pensions contributives afin de réduire l’écart entre les hommes et les femmes », serait subordonné à l’existence d’un ou de plusieurs enfants et le montant de ce complément serait variable en fonction du nombre d’enfants.

39 Par ailleurs, dans la LGSS modifiée, il aurait été prévu que ledit complément ne serait plus accordé lorsque le pourcentage représentant la différence entre le montant moyen des pensions contributives de retraite acquises au cours d’une année par les hommes et par les femmes cesserait d’être supérieur à 5 %.

40 Cela étant, à la différence des femmes qui perçoivent une pension de retraite et qui ont eu un ou plusieurs enfants, lesquelles bénéficient d’un droit automatique au complément de pension prévu à l’article 60 de la LGSS modifiée, les hommes peuvent prétendre à ce complément uniquement si certaines conditions supplémentaires sont remplies, tenant soit à la perception d’une pension de veuvage en raison du décès de l’autre parent et à l’octroi à l’un des enfants d’une pension d’orphelin, soit à un
préjudice dans leur carrière professionnelle et, partant, dans leur période de cotisation au système de sécurité sociale.

41 Selon la juridiction de renvoi, s’agissant de telles mesures, qui instaurent une différence de traitement fondée sur le sexe, il ne saurait suffire, pour justifier celles-ci, de déclarer que ces mesures visent à restaurer l’égalité matérielle entre les femmes et les hommes, mais il devrait, en outre, être établi que l’atteinte qu’elles portent au droit formel à l’égalité de traitement est proportionnée à l’objectif poursuivi.

42 En l’occurrence, il ressortirait de l’exposé des motifs du décret-loi royal 3/2021 que la justification de la différence de traitement opérée par l’article 60 de la LGSS modifiée résiderait dans l’objectif consistant à réduire l’écart existant entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale, qui serait le reflet de la situation des femmes sur le marché du travail résultant du fait qu’elles ont historiquement assumé un rôle principal dans l’éducation des enfants. Cet article 60
instaurerait ainsi une mesure d’action positive en faveur des femmes, à laquelle les hommes auraient néanmoins accès pour autant qu’ils se trouvent dans une situation comparable.

43 Cependant, la juridiction de renvoi émet des doutes quant au caractère suffisant de cette justification. En effet, non seulement les conditions régissant l’octroi du complément de pension en cause empêcheraient, en fait, la plupart des hommes d’accéder à ce complément, mais de plus ces conditions n’empêcheraient pas que ledit complément soit également accordé à des femmes dont la carrière professionnelle n’a pas été affectée par l’éducation de leurs enfants. En outre, étant donné que le montant
du complément de pension en cause constituerait un pourcentage du montant de la pension de retraite, ce complément bénéficierait davantage aux personnes ayant des pensions de retraite élevées, alors que, selon la juridiction de renvoi, ces personnes sont probablement les moins susceptibles de subir un préjudice dans leur carrière professionnelle en raison de l’éducation de leurs enfants, celles‑ci ayant notamment les moyens financiers d’engager des tierces personnes à cette fin.

44 La juridiction de renvoi souligne enfin que la LGSS modifiée prévoit désormais que, lorsque les deux parents ont droit au complément de pension concerné, seule la pension de retraite la moins élevée des deux parents est complétée par ce complément. À cet égard, bien que, en l’occurrence, seul soit en cause le droit du père audit complément, se poserait néanmoins la question de savoir si, pour atteindre l’objectif consistant à réduire l’écart entre les femmes et les hommes en matière de pensions
de retraite, tel que poursuivi par la LGSS modifiée, ainsi que pour assurer la compatibilité de l’article 60 de cette loi avec l’article 23 de la Charte ou, le cas échéant, avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 79/7, il n’aurait pas suffi d’accorder le complément de pension uniquement au parent bénéficiant de la pension de retraite la moins élevée, quel que soit le sexe du parent.

45 Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La directive [79/7] et les articles 20, 21[, 23 et l’article] 34, paragraphe 1, de la [Charte] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit le droit à un complément de pension pour les bénéficiaires de pensions contributives de retraite ayant eu des enfants biologiques ou adoptés, complément qui est accordé automatiquement aux femmes, alors que cette règle exige, en ce qui concerne les hommes, soit qu’ils
soient titulaires d’une pension de veuvage en raison du décès de l’autre parent et que l’un des enfants perçoive une pension d’orphelin, soit qu’ils aient subi une interruption ou un préjudice dans leur carrière professionnelle (dans les termes prévus par la loi et décrits précédemment) à l’occasion de la naissance ou de l’adoption de l’enfant ? »

46 Par décision du président de la Cour du 13 décembre 2023, les affaires C-623/23 et C‑626/23 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question dans l’affaire C-623/23 et la question unique dans l’affaire C-626/23

47 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans l’affaire C-626/23, la juridiction de renvoi sollicite, par sa question, l’interprétation non seulement de la directive 79/7, mais également des articles 20, 21, 23 et de l’article 34, paragraphe 1, de la Charte.

48 S’agissant des articles 20 et 21 de la Charte, ceux-ci consacrent, le premier, le principe d’égalité en droit de toute personne et, le second, l’interdiction de toute discrimination fondée, notamment, sur le sexe. En outre, l’article 34, paragraphe 1, de la Charte porte notamment sur la reconnaissance et le respect, par l’Union européenne, du droit d’accès aux prestations de sécurité sociale.

49 Dans ce cadre, il convient de rappeler que la directive 79/7 concrétise le principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale, de sorte que les États membres doivent agir dans le respect de cette directive lorsqu’ils adoptent des mesures entrant dans le champ d’application de celle-ci. Il s’ensuit que la question posée par la juridiction de renvoi dans l’affaire C-626/23 doit être examinée au regard de ladite directive et non de ces dispositions de
la Charte [voir, en ce sens, arrêts du 24 septembre 2020, YS (Pensions d’entreprise de personnel cadre), C‑223/19, EU:C:2020:753, points 83 et 84, ainsi que du 2 septembre 2021, INPS (Allocations de naissance et de maternité pour les titulaires de permis unique), C‑350/20, EU:C:2021:659, points 46 et 47].

50 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par la première question dans l’affaire C-623/23 et par la question unique dans l’affaire C‑626/23, qu’il convient d’examiner conjointement, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si la directive 79/7, notamment l’article 4 et l’article 7, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, lue à la lumière de l’article 23 de la Charte, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en vue de
réduire l’écart entre les hommes et les femmes en matière de prestations de sécurité sociale dû à l’éducation des enfants, un complément de pension est octroyé aux femmes bénéficiant d’une pension contributive de retraite et ayant eu un ou plusieurs enfants, tandis que l’octroi de ce complément aux hommes placés dans une situation identique est soumis à des conditions supplémentaires tenant à ce que leur carrière professionnelle ait été interrompue ou affectée à l’occasion de la naissance ou de
l’adoption de leurs enfants.

51 Selon l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7, cette directive s’applique aux régimes légaux qui assurent une protection contre notamment la vieillesse. En outre, conformément à l’article 4, paragraphe 1, troisième tiret, de ladite directive, le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement, par référence notamment à l’état matrimonial ou familial, en ce qui concerne le calcul des
prestations.

52 Comme le relèvent les juridictions de renvoi, la Cour a déjà dit pour droit, en substance, aux points 39, 41, 66 et 67 de son arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075), que la directive 79/7 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit le droit à un complément de pension pour les femmes ayant eu au moins deux enfants biologiques ou adoptés et bénéficiant de
pensions contributives, notamment dans le cas d’invalidité permanente, au titre d’un régime du système de sécurité sociale national, alors que les hommes placés dans une situation identique ne disposent pas du droit à un tel complément de pension, en tant qu’une telle réglementation est constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de l’article 4, paragraphe 1, troisième tiret, de cette directive.

53 En l’occurrence, il ressort des explications fournies par les juridictions de renvoi que la réglementation nationale ayant conduit à cet arrêt, à savoir celle issue de l’article 60, paragraphe 1, de l’ancienne LGSS, a été modifiée en ce sens notamment que, désormais, ont droit à un tel complément de pension non plus uniquement les femmes, mais également les hommes, pour autant que ces derniers satisfassent à des conditions supplémentaires tenant à ce que leur carrière professionnelle ait été
interrompue ou affectée à l’occasion de la naissance ou de l’adoption de leurs enfants, en particulier, pour ce qui est des litiges au principal, celle de ne pas avoir cotisé pendant plus de 120 jours entre les neufs mois précédant la naissance de leurs enfants et les trois années suivant cette naissance.

54 Comme l’ont précisé l’INSS et le gouvernement espagnol, la LGSS modifiée se fonde, ainsi que cela découlerait de l’exposé des motifs de cette loi, sur la présomption que l’éducation des enfants est prise en charge, en principe, par les femmes, au détriment de leur carrière professionnelle, cette présomption reposant sur le constat empirique que l’éducation des enfants par leur mère affecte de manière prépondérante la carrière professionnelle de celle-ci. Une telle présomption ne pourrait être
renversée que s’il est établi que les conditions applicables aux hommes, prévues à l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS modifiée, sont réunies, la réunion de ces conditions permettant, partant, de considérer que c’est en réalité l’homme qui s’est consacré à l’éducation des enfants.

55 À cet égard, en premier lieu, force est de constater, d’une part, à l’instar des juridictions de renvoi et de la Commission européenne, que les modifications apportées à l’ancienne LGSS n’ont pas mis fin à l’existence d’un traitement moins favorable des hommes par rapport aux femmes.

56 En effet, seuls les hommes doivent, pour avoir droit au complément de pension en cause, répondre aux conditions supplémentaires mentionnées au point 53 du présent arrêt. Ainsi, la qualité de parent n’est pas suffisante pour permettre aux hommes bénéficiant d’une pension de retraite de se voir octroyer un tel complément, alors qu’elle l’est pour les femmes ayant un statut identique.

57 D’autre part, il convient de vérifier si la différence de traitement entre les hommes et les femmes instituée par la réglementation nationale en cause au principal concerne des catégories de personnes se trouvant dans des situations comparables, conformément aux considérations rappelées aux points 42 à 45 de l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075).

58 En particulier, le caractère comparable des situations doit être apprécié non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent, à la lumière notamment de l’objet et du but de la réglementation nationale qui institue la distinction en cause ainsi que, le cas échéant, des principes et des objectifs du domaine dont relève cette réglementation nationale [arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad
Social (Complément de pension pour les mères), C-450/18, EU:C:2019:1075, point 45 ainsi que jurisprudence citée].

59 En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour ainsi que du libellé même de cette réglementation que celle-ci a pour objectif de réduire l’écart existant entre les sexes en matière de sécurité sociale en compensant le préjudice financier que les mères subissent dans leur carrière professionnelle en raison de leur rôle prépondérant dans l’éducation de leurs enfants, préjudice qui se traduirait notamment par le versement de cotisations moindres au système de sécurité sociale et donc
par l’octroi de prestations de sécurité sociale réduites.

60 Or, la Cour a déjà jugé que, au regard d’un tel objectif, il ne saurait être exclu que les travailleurs féminins et masculins ayant assumé l’éducation de leurs enfants se trouvent dans une situation comparable, dans la mesure où les uns et les autres peuvent subir, en raison de leur implication dans l’éducation de leurs enfants, les mêmes désavantages de carrière, appréciation qui n’est pas remise en cause par la circonstance, soulignée par l’INSS et le gouvernement espagnol, que les tâches liées
à l’éducation des enfants soient, dans la pratique, majoritairement assumées par les femmes [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères), C‑450/18, EU:C:2019:1075, points 50 à 52].

61 Il s’ensuit qu’une réglementation nationale telle que l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS modifiée instaure un traitement moins favorable des hommes par rapport aux femmes, alors que ces personnes peuvent se trouver dans des situations comparables.

62 Une telle réglementation est ainsi constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7.

63 Il y a lieu de rappeler, en deuxième lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour, une dérogation à l’interdiction, énoncée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, de toute discrimination directe fondée sur le sexe n’est possible que dans les cas énumérés exhaustivement par les dispositions de cette directive [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères), C‑450/18, EU:C:2019:1075, point 54 et jurisprudence
citée].

64 À cet égard, s’agissant, d’une part, de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 79/7, selon lequel le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme en raison de la maternité, force est de constater, comme le relève également la juridiction de renvoi dans l’affaire C-623/23, que l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS modifiée ne contient aucun élément établissant un lien entre l’octroi du complément de pension en cause et la prise
d’un congé de maternité ou les désavantages que subirait une femme dans sa carrière en raison de son éloignement du service pendant la période qui suit l’accouchement [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères), C‑450/18, EU:C:2019:1075, point 57].

65 Par ailleurs, comme le relève la Commission, le fait même que le complément de pension en cause puisse désormais, sous réserve des conditions supplémentaires évoquées au point 53 du présent arrêt, être également accordé aux hommes confirme un tel constat.

66 Dès lors, un complément de pension tel que celui en cause au principal ne relève pas du champ d’application de la dérogation à l’interdiction des discriminations prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 79/7.

67 D’autre part, selon l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, celle-ci ne fait pas obstacle à la faculté qu’ont les États membres d’exclure de son champ d’application les avantages accordés en matière d’assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants ainsi que l’acquisition de droits aux prestations à la suite de périodes d’interruption d’emploi dues à l’éducation des enfants.

68 À cet égard, il suffit cependant de relever que, s’il est vrai que l’article 60, paragraphe 1, sous b), points 1 et 2, de la LGSS modifiée impose aux hommes des conditions visant notamment à limiter l’octroi du complément de pension en cause aux seuls travailleurs masculins dont la carrière professionnelle a été interrompue ou affectée à l’occasion de la naissance ou de l’adoption de leurs enfants, il résulte des précisions fournies par les juridictions de renvoi que, pour ce qui est des femmes,
cette disposition continue à ne pas subordonner un tel octroi à l’éducation des enfants ou à l’existence de périodes d’interruption de leur carrière professionnelle dues à l’éducation de leurs enfants [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères), C‑450/18, EU:C:2019:1075, point 62].

69 Par conséquent, l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 79/7 ne saurait s’appliquer à un tel complément de pension.

70 En troisième lieu, il convient d’examiner si la discrimination mentionnée au point 62 du présent arrêt, qui résulte de l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS modifiée, peut être justifiée en vertu de l’article 23 de la Charte.

71 Cet article 23 dispose, à son second alinéa, que le principe de l’égalité n’empêche pas le maintien ou l’adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté. À cet égard, il convient de préciser que cette disposition reprend, « dans une formule plus courte », l’article 157, paragraphe 4, TFUE, mais « ne [le] modifie pas », ainsi que cela ressort des explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17).

72 Selon cet article 157, paragraphe 4, pour assurer concrètement une pleine égalité entre les hommes et les femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.

73 Dans ce cadre, l’INSS fait valoir que l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS modifiée relève de ladite disposition en ce qu’il doit être considéré comme constituant une mesure d’action positive s’inscrivant dans le cadre de la poursuite de l’objectif, dont l’importance serait reconnue au niveau de l’Union, visant à combler l’écart entre les hommes et les femmes en matière de pensions de retraite, qui résulte du fait que les femmes ont historiquement assumé un rôle principal dans l’éducation des
enfants. L’INSS ajoute que le complément de pension en cause fait partie d’un ensemble de mesures adoptées par le Royaume d’Espagne qui portent entre autres sur des dispositifs destinés à favoriser la coresponsabilité des parents dans la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle et à atteindre, partant, les objectifs énoncés à l’article 157, paragraphe 4, TFUE. Ainsi, l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS modifiée permettrait de compléter ces autres mesures en compensant les
désavantages que les femmes ont subis dans leur carrière professionnelle, en raison de l’éducation de leurs enfants et qui se répercutent, en fin de carrière, sur leurs pensions de retraite.

74 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a jugé, en substance, au point 65 de l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075), que l’article 157, paragraphe 4, TFUE ne saurait s’appliquer à une réglementation nationale, telle que l’article 60, paragraphe 1, de l’ancienne LGSS, qui se borne à accorder aux femmes un complément de pension au moment de l’octroi d’une pension, sans remédier aux problèmes
qu’elles peuvent rencontrer durant leur carrière professionnelle, un tel complément de pension n’apparaissant pas comme étant de nature à compenser les désavantages auxquels seraient exposées les femmes en aidant celles-ci dans cette carrière et, ainsi, à assurer concrètement une pleine égalité entre les hommes et les femmes dans la vie professionnelle.

75 Or, les considérations énoncées au point précédent valent également en ce qui concerne l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS modifiée. À cet égard, la circonstance que cette disposition complète, pour autant que cela soit établi, d’autres dispositifs qui, quant à eux, sont destinés à atteindre les objectifs énoncés à l’article 157, paragraphe 4, TFUE n’est pas, en tant que telle, de nature à affecter une telle conclusion.

76 Partant, il y a lieu de constater qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal ne saurait être justifiée en vertu de l’article 23 de la Charte.

77 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question dans l’affaire C-623/23 et à la question unique dans l’affaire C-626/23 que la directive 79/7, notamment l’article 4 et l’article 7, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, lue à la lumière de l’article 23 de la Charte, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en vue de réduire l’écart entre les hommes et les femmes en matière de prestations de
sécurité sociale dû à l’éducation des enfants, un complément de pension est octroyé aux femmes bénéficiant d’une pension contributive de retraite et ayant eu un ou plusieurs enfants, tandis que l’octroi de ce complément aux hommes placés dans une situation identique est soumis à des conditions supplémentaires tenant à ce que leur carrière professionnelle ait été interrompue ou affectée à l’occasion de la naissance ou de l’adoption de leurs enfants.

Sur la seconde question dans l’affaire C-623/23

Sur la recevabilité

78 L’INSS et le gouvernement espagnol font valoir que la seconde question dans l’affaire C-623/23, qui porte sur l’incidence que l’octroi du complément de pension en cause au père pourrait avoir sur le maintien du complément déjà accordé à la mère, est irrecevable dans la mesure où l’éventuelle suppression de ce complément à la mère des enfants concernés n’est pas en cause dans le litige au principal.

79 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la
pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 24 février 2022, TGSS (Chômage des employés de maison), C‑389/20, EU:C:2022:120, point 23 et jurisprudence citée].

80 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit
nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 24 février 2022, TGSS (Chômage des employés de maison), C‑389/20, EU:C:2022:120, point 24 et jurisprudence citée].

81 En l’occurrence, il est vrai que la question de la suppression du complément de pension accordé à la mère ne semble pas, en tant que telle, faire l’objet du litige au principal. Cela étant, selon l’article 60, paragraphe 2, de la LGSS modifiée, « [l]’octroi du complément au second parent entraîne l’extinction du complément déjà accordé au premier parent », ce parent devant alors être entendu « avant [que ne soit rendue] la décision octroyant le droit au second parent ». Par ailleurs, il résulte
des précisions fournies par la juridiction de renvoi que la mère a été assignée à comparaître dans le litige au principal en tant que partie intervenante.

82 Dans ces circonstances, il ne saurait être exclu que la juridiction de renvoi doive, afin de trancher le litige au principal dans le respect des règles procédurales applicables, tenir compte de l’éventualité d’une telle suppression. Par conséquent, il n’apparaît pas de manière manifeste que la compatibilité d’une telle suppression avec le droit de l’Union n’ait aucun rapport avec l’objet du litige au principal.

83 Par ailleurs, le gouvernement espagnol estime que la directive 79/7 est dépourvu de tout rapport avec l’objet de la seconde question dans l’affaire C-623/23, la juridiction de renvoi n’ayant pas précisé laquelle des dispositions de cette directive serait violée si la constatation du caractère discriminatoire de la réglementation nationale en cause au principal entraînait la suppression du complément de pension en cause accordé à la mère.

84 À cet égard, il suffit de constater que les doutes de la juridiction de renvoi tiennent au fait qu’elle considère qu’une telle suppression pourrait ôter tout effet utile à la constatation du caractère discriminatoire de cette réglementation nationale, opérée au regard de la directive 79/7. Il est ainsi permis de comprendre le lien que cette juridiction établit entre la suppression du complément de pension en cause accordé à la mère et les exigences découlant de cette directive.

85 Il s’ensuit que la seconde question dans l’affaire C-623/23 est recevable.

Sur le fond

86 Par sa seconde question dans l’affaire C-623/23, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 79/7 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que, dans le cas où est rejetée une demande de complément de pension introduite par un père en vertu d’une réglementation nationale jugée constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de cette directive, et où le père doit, partant, se voir octroyer ce complément en application des conditions
applicables aux mères, un tel octroi entraîne la suppression du complément de pension déjà accordé à la mère, dès lors que, aux termes de cette réglementation, ledit complément ne peut être octroyé qu’à celui des parents qui perçoit une pension de retraite dont le montant est le moins élevé et que ce parent est le père.

87 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, dès lors qu’une discrimination, contraire au droit de l’Union, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées, le respect du principe d’égalité ne saurait être assuré que par l’octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée. Dans une telle hypothèse, le juge national
est tenu d’écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle‑ci par le législateur, et d’appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l’autre catégorie [arrêt du 14 septembre 2023, TGSS (Refus du complément de maternité), C‑113/22, EU:C:2023:665, point 41 et jurisprudence citée].

88 En l’occurrence, si, s’agissant du complément de pension en cause, l’application au père du même régime que celui applicable à la mère entraîne l’octroi de ce complément à ce père et, en même temps, la suppression du complément déjà accordé à cette mère, en ce que, d’une part, la réglementation nationale prévoit que ledit complément ne peut être accordé qu’à un seul parent, à savoir celui qui perçoit la pension dont le montant est le moins élevé, et, d’autre part, la mère perçoit la pension la
plus élevée, cette suppression ne saurait être considérée comme privant d’effet utile le constat du caractère discriminatoire de la réglementation nationale en vertu de laquelle les pères étaient privés de ce complément.

89 En effet, une telle suppression n’est que la conséquence de l’application, au père, des mêmes conditions que celles applicables aux mères en ce qui concerne l’octroi du complément de pension en cause.

90 Il en irait de même s’agissant de la situation, évoquée par la juridiction de renvoi, dans laquelle le père percevrait la pension la plus élevée et où ce complément serait, pour ce motif, octroyé uniquement à la mère.

91 Il appartient à cette juridiction d’interpréter son droit national et d’apprécier si ce droit permet ou non le maintien du complément de pension déjà accordé à la mère lorsque le père peut prétendre au complément de pension en cause dans les mêmes conditions que celles applicables aux mères, étant précisé que ladite juridiction semble considérer que la condition prévoyant que ce complément est octroyé au seul parent qui perçoit la pension la moins élevée n’est pas applicable « lorsque [ledit]
complément est accordé au père qui ne remplit pas les conditions prévues par une règle nationale introduisant une discrimination fondée sur le sexe ».

92 Si la juridiction de renvoi constate que son droit national permet un tel maintien, rien dans le droit de l’Union n’exige de priver d’un complément de pension tel que celui en cause au principal la catégorie des personnes qui en bénéficient déjà, comme l’a relevé à juste titre la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2011, Landtová, C‑399/09, EU:C:2011:415, point 53).

93 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question posée dans l’affaire C-623/23 que la directive 79/7 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que, dans le cas où est rejetée une demande de complément de pension introduite par un père en vertu d’une réglementation nationale jugée constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de cette directive, et où le père doit, partant, se voir octroyer ce complément en application des
conditions applicables aux mères, un tel octroi entraîne la suppression du complément de pension déjà accordé à la mère, dès lors que, aux termes de cette réglementation, ledit complément ne peut être octroyé qu’à celui des parents qui perçoit une pension de retraite dont le montant est le moins élevé et que ce parent est le père.

Sur les dépens

94 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  1) La directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, notamment l’article 4 et l’article 7, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, lue à la lumière de l’article 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doit être interprétée en ce sens que :

elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en vue de réduire l’écart entre les hommes et les femmes en matière de prestations de sécurité sociale dû à l’éducation des enfants, un complément de pension est octroyé aux femmes bénéficiant d’une pension contributive de retraite et ayant eu un ou plusieurs enfants, tandis que l’octroi de ce complément aux hommes placés dans une situation identique est soumis à des conditions supplémentaires tenant à ce que leur carrière
professionnelle ait été interrompue ou affectée à l’occasion de la naissance ou de l’adoption de leurs enfants.

  2) La directive 79/7

doit être interprétée en ce sens que :

elle ne s’oppose pas à ce que, dans le cas où est rejetée une demande de complément de pension introduite par un père en vertu d’une réglementation nationale jugée constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de cette directive, et où le père doit, partant, se voir octroyer ce complément en application des conditions applicables aux mères, un tel octroi entraîne la suppression du complément de pension déjà accordé à la mère, dès lors que, aux termes de cette
réglementation, ledit complément ne peut être octroyé qu’à celui des parents qui perçoit une pension de retraite dont le montant est le moins élevé et que ce parent est le père.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-623/23
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Juzgado de lo Social de Pamplona.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 79/7/CEE – Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale – Article 4, paragraphes 1 et 2 – Article 7, paragraphe 1 – Législation nationale prévoyant un complément de pension octroyé aux femmes bénéficiant d’une pension contributive de retraite et ayant eu un ou plusieurs enfants biologiques ou adoptés – Possibilité d’octroyer ce complément aux hommes soumise à des conditions supplémentaires – Discrimination directe fondée sur le sexe – Article 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Mesures d’action positive.

Droits fondamentaux

Charte des droits fondamentaux


Parties
Demandeurs : UV
Défendeurs : Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS).

Composition du Tribunal
Avocat général : Norkus
Rapporteur ?: Smulders

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:358

Source

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