ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
30 avril 2025 (*)
« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Articles 4 et 5 – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire – Clause de commission d’ouverture du prêt – Caractère clair et compréhensible des clauses »
Dans l’affaire C‑39/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción n^o 6 de Ceuta (tribunal de première instance et d’instruction n^o 6 de Ceuta, Espagne), par décision du 2 janvier 2024, parvenue à la Cour le 15 janvier 2024, dans la procédure
Justa
contre
Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. S. Rodin (rapporteur), président de chambre, MM. N. Piçarra et N. Fenger, juges,
avocat général : M. D. Spielmann,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, par M^es M. Á. Cepero Aránguez, J. M. Martínez Gimeno et C. Vendrell Cervantes, abogados,
– pour le gouvernement espagnol, par M^me M. J. Ruiz Sánchez, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. J. Baquero Cruz, P. Kienapfel et N. Ruiz García, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que, d’autre part, de l’article 7 de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les
directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n^o 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Justa à Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle relative à une commission d’ouverture d’un prêt.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 93/13
3 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 :
« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »
4 L’article 4 de cette directive prévoit :
« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
5 L’article 5 de ladite directive est rédigé comme suit :
« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7, paragraphe 2. »
La directive 2014/17
6 L’article 7 de la directive 2014/17, intitulé « Règles de conduite pour la fourniture de crédits à des consommateurs », dispose, à son paragraphe 1 :
« Les États membres exigent que, dans le cadre de l’élaboration, l’octroi, l’intermédiation ou la fourniture de services de conseil relatifs à des formules de crédits et, le cas échéant, de services auxiliaires destinés aux consommateurs ou dans le cadre de l’exécution d’un contrat de crédit, les prêteurs, les intermédiaires de crédit ou les représentants désignés agissent d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle, en tenant compte des droits et des intérêts des
consommateurs. [...] »
7 Aux termes de l’article 43, paragraphe 1, de cette directive :
« La présente directive ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours au 21 mars 2016. »
Le droit espagnol
La loi 5/2019
8 L’article 14 de la Ley 5/2019, reguladora de los contratos de crédito inmobiliario (loi 5/2019, portant réglementation des contrats de crédit immobilier), du 15 mars 2019 (BOE n^o 65, du 16 mars 2019), prévoit :
« 3. Des frais ne peuvent être répercutés ou des commissions perçues que pour des services liés à des prêts qui ont été expressément acceptés ou demandés par un emprunteur ou un emprunteur potentiel, à condition qu’ils correspondent à des services effectivement fournis ou à des coûts supportés qui peuvent être attestés.
4. Si une commission d’ouverture est convenue, elle est due une seule fois et comprend la totalité des frais liés à l’examen, au traitement ou à l’octroi du prêt ou d’autres frais similaires inhérents à l’activité du prêteur occasionnée par l’octroi du prêt. Dans le cas de prêts libellés en devises, la commission d’ouverture comprend également toute commission de change correspondant à la première utilisation du prêt. »
L’arrêté du ministère de la présidence relatif à la transparence des conditions financières des prêts hypothécaires
9 L’annexe II de l’Orden del Ministerio de la Presidencia sobre transparencia de las condiciones financieras de los préstamos hipotecarios (arrêté du ministère de la présidence relatif à la transparence des conditions financières des prêts hypothécaires), du 5 mai 1994 (BOE n^o 112, du 11 mai 1994, p. 14444), dispose, à son paragraphe 4.^a, intitulé « Commissions » :
« 1. Commission d’ouverture – Toutes les dépenses d’étude du prêt, d’octroi ou de traitement du prêt hypothécaire, ou autres dépenses similaires inhérentes à l’activité de l’entité prêteuse occasionnées par l’octroi du prêt, doivent obligatoirement être intégrées dans une commission unique, appelée commission d’ouverture, et elle n’est payable qu’une seule fois. Son montant, ainsi que sa forme et sa date de règlement, seront précisés dans la présente clause.
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 Le 3 novembre 2005, Justa a conclu, par acte authentique, avec Banco Bilbao Vizcaya Argentaria un contrat de crédit avec garantie hypothécaire.
11 Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ce contrat, l’emprunteur devait s’acquitter, à la signature de l’acte, d’une commission d’ouverture correspondant à 0,25 % du capital prêté.
12 Justa a introduit un recours contre Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, devant le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción n^o 6 de Ceuta (tribunal de première instance et d’instruction n^o 6 de Ceuta, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, visant, notamment, à faire constater le caractère abusif de la clause prévoyant la commission d’ouverture.
13 Dans la décision de renvoi, cette juridiction relève que, dans l’arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578), la Cour a, notamment, interprété la directive 93/13 en ce qui concerne le contrôle du caractère abusif et de l’exigence de transparence de la clause, contenue dans un contrat de prêt régi par le droit espagnol, imposant à l’emprunteur le paiement d’une commission d’ouverture. Elle précise que, à la suite de cet arrêt,
plusieurs juridictions nationales ont rendu des décisions annulant les clauses prévoyant une telle commission, ce qui a conduit le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) à présenter une demande de décision préjudicielle portant, de nouveau, sur cette clause et ayant donné lieu à l’arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt) (C‑565/21, EU:C:2023:212).
14 La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) avec ce dernier arrêt.
15 À cet égard, la juridiction de renvoi fait état d’un arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) du 29 mai 2023 (816/2023, ES:TS:2023:2131), dans lequel ce dernier a estimé que la commission d’ouverture, qui rémunère les frais d’étude, d’octroi, ou de traitement du prêt ou du crédit hypothécaire, ne relève pas de l’objet principal d’un contrat de prêt et peut, dès lors, faire l’objet d’un contrôle par le juge national au titre de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, tout en
précisant qu’une clause prévoyant cette commission ne présente pas, en soi, de caractère abusif. Il appartiendrait ainsi à ce juge de s’assurer que le consommateur soit mis en mesure de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus, de vérifier l’absence de chevauchement entre les différents frais prévus, de prendre suffisamment connaissance, à partir des informations fournies par l’établissement financier en vertu de la réglementation nationale, du contenu économique et
du fonctionnement de la clause, même si le prêteur n’est pas obligé de spécifier dans le contrat la nature de tous les services fournis en contrepartie de la commission d’ouverture, le juge national devant, à cet égard, prendre en compte l’attention particulière que le consommateur moyen accorderait à une clause de ce type. En outre, le Tribunal Supremo (Cour suprême) imposerait au juge national de vérifier que le coût de la commission d’ouverture ne soit pas disproportionné par rapport au montant
du prêt et ce au regard du coût moyen d’une telle commission.
16 Dans ces conditions, le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción n^o 6 de Ceuta (tribunal de première instance et d’instruction n° 6 de Ceuta) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La réglementation de l’Union s’oppose-t-elle à l’interprétation donnée par le Tribunal Supremo (Cour suprême) s’agissant de la commission d’ouverture, selon laquelle la simple mention dans l’acte d’hypothèque du montant de la clause et le fait que ce montant ne dépasse pas le plafond fixé suffisent pour considérer que cette clause ne présente pas de caractère abusif tiré d’un défaut de transparence, au vu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 [...], même si cette clause ne
comporte aucune indication de contenu et de date ?
2) Si la clause en question est préalablement portée à la connaissance du consommateur, qu’elle n’est pas considérée comme relevant de l’activité de prêt bancaire, en vertu de la directive 2014/17 [...], et qu’elle est réputée dénuée de lien avec l’intérêt rémunératoire lui‑même, n’est-il pas nécessaire d’établir des factures et de préciser en fin de compte les services y afférents avant de répercuter ces coûts sur le consommateur, et s’en abstenir ne serait-il pas contraire à la réglementation
de l’Union, en ce que cela affecterait la transparence au sens matériel de la clause susmentionnée ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
17 Dans leurs observations écrites soumises à la Cour, la défenderesse au principal, le Royaume d’Espagne et la Commission européenne émettent des doutes quant à la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle ou, à tout le moins, de la seconde question préjudicielle posée.
18 S’agissant de la fin de non-recevoir concernant la demande de décision préjudicielle, soulevée par la défenderesse au principale, elle est tirée du fait que cette demande ne répond pas aux exigences visées à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, faute pour la juridiction de renvoi d’avoir décrit les motifs pour lesquels elle nourrit des doutes quant à l’interprétation du droit de l’Union. Elle ajoute que la problématique sous-tendant les questions préjudicielles transmises a
d’ores et déjà été abordée par la Cour dans son arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt) (C‑565/21, EU:C:2023:212), de sorte qu’une réponse à ces questions ne serait plus nécessaire.
19 Selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la
Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 19 septembre 2024, Booking.com et Booking.com (Deutschland), C‑264/23, EU:C:2024:764, point 34 ainsi que jurisprudence citée].
20 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et
de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 19 septembre 2024, Booking.com et Booking.com (Deutschland), C‑264/23, EU:C:2024:764, point 35 ainsi que jurisprudence citée].
21 En l’occurrence, les questions posées portent, en substance, sur l’interprétation des articles 4 et 5 de la directive 93/13 et de l’article 7 de la directive 2014/17. En outre, il ressort d’une lecture d’ensemble de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi a défini de manière suffisamment précise le cadre factuel et juridique du litige au principal, dans lequel s’inscrit sa demande, pour permettre tant aux parties intéressées de présenter des observations,
conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’à la Cour de répondre utilement à ladite demande. En particulier, la juridiction de renvoi a clairement fait état de la jurisprudence nationale en cause et des doutes qu’elle nourrit sur la compatibilité de l’arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) du 29 mai 2023 (816/2023, ES:TS:2023:2131) avec la directive 93/13, telle qu’interprétée par la Cour dans l’arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du
prêt) (C‑565/21, EU:C:2023:212). Ces interrogations se déduisent également du libellé des questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi et portent, notamment, sur les critères d’appréciation du caractère transparent d’une clause prévoyant une commission d’ouverture. Elles nécessitent d’apporter des précisions complémentaires à l’arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt) (C‑565/21, EU:C:2023:212).
22 Il s’ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par la défenderesse au principal doit être écartée.
23 Quant à l’irrecevabilité de la seconde question préjudicielle, le Royaume d’Espagne et la Commission considèrent que la directive 2014/17, sur laquelle elle porte, n’est pas applicable rationae temporis au litige au principal.
24 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conséquences d’une qualification des services rémunérés par la commission d’ouverture les excluant, en vertu de la directive 2014/17, de l’activité de prêt bancaire. Cette question repose sur l’hypothèse selon laquelle cette directive est applicable au litige au principal.
25 Il convient de relever que, en vertu de l’article 43, paragraphe 1, la directive 2014/17, cette dernière ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours au 21 mars 2016. Or, le contrat de crédit en cause au principal a été conclu le 3 novembre 2005.
26 Ainsi, il y a lieu de constater que la directive 2014/17, dont l’interprétation est, en substance, demandée dans la seconde question préjudicielle, ne trouve pas à s’appliquer ratione temporis aux circonstances de l’affaire au principal.
27 Dans ces conditions, il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union dans le cadre de la seconde question posée n’a pas de rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal. Partant, conformément à la jurisprudence visée aux points 19 et 20 du présent arrêt, la seconde question doit être déclarée irrecevable.
Sur le fond
28 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale qui, eu égard à une réglementation nationale prévoyant que la commission d’ouverture rémunère les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, considère que la clause imposant une telle commission à l’emprunteur
satisfait à l’exigence de transparence sans qu’elle précise le détail des services fournis en contrepartie de la commission ni le temps nécessaire à l’exécution de ces services.
29 À titre liminaire, il y a lieu de relever que cette question concerne l’appréciation du caractère clair et compréhensible, et, partant, de la transparence, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, d’une clause établissant une commission d’ouverture telle que celle en cause dans le litige au principal.
30 La Cour a jugé que les clauses du contrat qui relèvent de la notion d’« objet principal du contrat », au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, doivent s’entendre comme étant celles qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci. En revanche, les clauses qui revêtent un caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel ne sauraient relever de cette notion [voir, en ce sens,
arrêts du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, points 35 et 36, ainsi que du 21 mars 2024, Profi Credit Bulgaria (Services accessoires au contrat de crédit), C‑714/22, EU:C:2024:263, point 60].
31 Les prestations essentielles d’un contrat de crédit sont que le prêteur s’engage, principalement, à mettre à la disposition de l’emprunteur une certaine somme d’argent, ce dernier s’engageant, pour sa part, principalement à rembourser, en règle générale avec intérêts, cette somme selon les échéances prévues [arrêt du 21 mars 2024, Profi Credit Bulgaria (Services accessoires au contrat de crédit), C‑714/22, EU:C:2024:263, point 61].
32 Dans l’arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 64), la Cour a dit pour droit qu’une commission d’ouverture ne saurait être considérée comme étant une prestation essentielle d’un contrat de prêt hypothécaire du seul fait qu’elle est comprise dans le coût total de celui-ci.
33 Il résulte des explications fournies par la juridiction de renvoi relatives à la réglementation nationale applicable que la commission d’ouverture couvre la rémunération des services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit ou d’autres services similaires inhérents à l’activité du prêteur occasionnée par l’octroi du prêt ou du crédit.
34 Eu égard à l’obligation d’interpréter strictement l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, l’obligation de rémunérer de tels services ne saurait être considérée comme relevant des engagements principaux résultant d’un contrat de crédit tels qu’identifiés par la jurisprudence rappelée au point 31 du présent arrêt. En effet, il serait contraire à cette obligation d’interprétation stricte d’inclure dans la notion d’« objet principal du contrat » toutes les prestations qui sont
simplement liées à l’objet principal lui-même et qui revêtent dès lors un caractère accessoire, au sens de la jurisprudence rappelée au point 30 du présent arrêt [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 23 ainsi que jurisprudence citée].
35 Cela étant précisé, la même exigence de transparence que celle visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 figure également à l’article 5 de cette directive, qui prévoit que les clauses contractuelles écrites doivent « toujours » être rédigées de façon claire et compréhensible. Comme la Cour l’a jugé, l’exigence de transparence figurant à la première de ces dispositions a la même portée que celle visée à la seconde de celles-ci [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission
d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 28 ainsi que jurisprudence citée].
36 Partant, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de considérer que, par sa première question, celle-ci demande, en substance, si l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale qui, eu égard à une réglementation nationale prévoyant que la commission d’ouverture rémunère les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires,
considère que la clause imposant une telle commission à l’emprunteur satisfait à l’exigence de transparence sans qu’elle ne précise le détail des services fournis en contrepartie de la commission ni le temps nécessaire à l’exécution de ces services.
37 À cet égard, la Cour a souligné que l’exigence de transparence figurant à l’article 5 de la directive 93/13 ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de ces clauses, mais que, au contraire, le système de protection mis en œuvre par cette directive reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de rédaction
claire et compréhensible des clauses contractuelles et, partant, de transparence, posée par ladite directive, doit être entendue de manière extensive [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 30 et jurisprudence citée].
38 Ainsi, ladite exigence doit être comprise comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais aussi que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et
intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 31 et jurisprudence citée].
39 Il ne découle pas de cette jurisprudence que le prêteur est tenu de détailler, dans le contrat concerné, la nature de tous les services fournis en contrepartie des frais prévus par une ou plusieurs clauses contractuelles. Toutefois, eu égard à la protection que la directive 93/13 vise à accorder au consommateur en raison du fait qu’il se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, il importe
que la nature des services effectivement fournis puisse être raisonnablement comprise ou déduite à partir du contrat considéré dans sa globalité. En outre, le consommateur doit être en mesure de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais ou entre les services que ces derniers rémunèrent [arrêts du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 43, ainsi que du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 32].
40 À cet égard, au point 70 de l’arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578), la Cour a précisé qu’il appartient au juge national de vérifier si l’établissement financier a communiqué au consommateur les éléments suffisants pour que ce dernier prenne connaissance du contenu et du fonctionnement de la clause lui imposant le paiement d’une commission d’ouverture, ainsi que son rôle dans le contrat de prêt. De cette manière, le
consommateur aura accès aux motifs justifiant la rémunération correspondant à cette commission et pourra ainsi évaluer la portée de son engagement et, en particulier, le coût total dudit contrat [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 35 et jurisprudence citée].
41 Le caractère clair et compréhensible d’une clause, telle que celle en cause dans le litige au principal, doit être apprécié par le juge compétent au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents et, notamment, le libellé de la clause examinée, les informations que l’établissement financier a fournies à l’emprunteur, en ce compris celles qu’il est tenu de fournir conformément à la réglementation nationale pertinente, ainsi que la publicité réalisée par cet établissement au sujet du
type de contrat souscrit, et ce en tenant compte du niveau d’attention pouvant être attendu d’un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 40].
42 S’agissant du moment auquel l’information du consommateur doit intervenir, la Cour a jugé que la fourniture, avant la conclusion du contrat, de l’information relative aux conditions contractuelles et aux conséquences de cette conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur le fondement de cette information que ce dernier décide s’il souhaite être lié par les conditions rédigées préalablement par le professionnel [arrêts du 9 juillet 2020, Ibercaja
Banco, C‑452/18, EU:C:2020:536, point 47, et du 12 janvier 2023, D. V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 39].
43 En ce qui concerne un contrat de services juridiques facturables à l’heure, la Cour a précisé que s’il ne peut pas être exigé d’un professionnel qu’il informe le consommateur sur les conséquences financières finales de son engagement, qui dépendent d’évènements futurs, imprévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel, il n’en reste pas moins que les informations qu’il est tenu de communiquer avant la conclusion du contrat doivent permettre au consommateur de prendre sa
décision avec prudence et en toute connaissance, d’une part, de la possibilité que de tels évènements surviennent et, d’autre part, des conséquences qu’ils sont susceptibles d’entraîner concernant la durée de la prestation de services juridiques concernée [arrêt du 12 janvier 2023, D. V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 43].
44 En l’occurrence, il y a lieu d’observer que la clause imposant à l’emprunteur une commission d’ouverture de 435 euros, correspondant à 0,25 % du montant du prêt accordé, est définie par la réglementation nationale comme étant la rémunération des services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires. L’exigence de transparence, qui vise principalement à s’assurer que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer les conséquences
financières d’une clause telle que celle en cause au principal, n’implique pas d’obligation, pour l’établissement bancaire, de détailler précisément la nature des services fournis en contrepartie de la commission d’ouverture, comme cela découle de la jurisprudence citée au point 38 du présent arrêt, ni le volume horaire consacré à la fourniture de chacun de ces services, à la condition que la clause en question respecte le cadre législatif national.
45 En vue d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il peut également être précisé qu’il ne découle pas davantage de la directive 93/13 que l’établissement bancaire est tenu de fournir au consommateur des factures détaillant la nature des services fournis, pour autant que le juge national puisse contrôler la réalité de ces services. En effet, une telle obligation ne serait pas, par définition, susceptible de faciliter la compréhension du consommateur avant la conclusion du
contrat dès lors que le paiement de la commission d’ouverture se fait en une seule fois, au moment de l’octroi du prêt, et que la facturation intervient après la signature dudit contrat.
46 Il importe de rappeler que l’appréciation du caractère « clair et compréhensible », au sens de l’article 5 de la directive 93/13, d’une clause contractuelle, telle que celle en cause au principal, doit être effectuée par le juge national au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents et en tenant compte de toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat. Dans le cadre de cette appréciation doivent, notamment, être prises en considération les informations que
l’établissement a fournies à l’emprunteur lors des différentes étapes précédant la signature du contrat de prêt, en ce compris celles qu’il est tenu de fournir conformément à la réglementation nationale. Un tel examen au cas par cas s’avère d’autant plus important que le caractère transparent d’une clause contractuelle, tel qu’exigé à l’article 5 de la directive 93/13, constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause qu’il appartient
au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 49). Ainsi, en principe, le caractère abusif d’une clause contractuelle spécifique ne peut être présumé, puisqu’une telle qualification est susceptible de dépendre des circonstances spécifiques à la conclusion de chaque contrat, y compris des informations particulières fournies par chaque professionnel à chaque consommateur ainsi que de la
réalité des services fournis.
47 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une jurisprudence nationale qui considère que satisfait à l’exigence de transparence une clause contractuelle prévoyant, conformément à la réglementation nationale, le paiement par le consommateur d’une commission d’ouverture destinée à rémunérer les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du
crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, qui ne comporte pas la description détaillée de la nature de ces services ni l’indication du temps consacré à leur réalisation, pour autant que le consommateur a bien été mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques qui en découlent pour lui, de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus par ladite clause et de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais prévus par le contrat ou
entre les services que ces derniers rémunèrent.
Sur les dépens
48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
L’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une jurisprudence nationale qui considère que satisfait à l’exigence de transparence une clause contractuelle prévoyant, conformément à la réglementation nationale, le paiement par le consommateur d’une commission d’ouverture destinée à rémunérer les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, qui ne comporte pas la description détaillée de la nature de ces services ni l’indication du temps consacré à
leur réalisation, pour autant que le consommateur a bien été mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques qui en découlent pour lui, de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus par ladite clause et de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais prévus par le contrat ou entre les services que ces derniers rémunèrent.
Signatures
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* Langue de procédure : l’espagnol.