ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
13 mars 2025 ( *1 )
« Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Lutte contre le terrorisme – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités – Gel des fonds – Position commune 2001/931/PESC – Article 1er, paragraphes 3, 4 et 6 – Règlement (CE) no 2580/2001 – Article 2, paragraphe 3 – Maintien d’une organisation sur la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme – Applicabilité aux situations de conflit armé – Groupe terroriste – Nature
des actes accomplis et motifs sous-jacents de ces actes – Distance temporelle – Persistance du risque d’implication dans des activités terroristes – Proportionnalité – Obligation de motivation »
Dans l’affaire C‑44/23 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 janvier 2023,
Kurdistan Workers’ Party (PKK), représenté par Mes T. Buruma et A. M. van Eik, advocaten,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-C. Cadilhac, M. B. Driessen et Mme S. Van Overmeire, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Commission européenne, représentée par M. C. Giolito, Mmes J. Norris et L. Puccio, en qualité d’agents,
République française, représentée initialement par MM. J.-L. Carré, B. Fodda et W. Zemamta, en qualité d’agents, puis par MM. J.-L. Carré et B. Fodda, en qualité d’agents, et enfin par M. B. Fodda et Mme B. Travard, en qualité d’agents,
Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. K. Bulterman, MM. J. M. Hoogveld et J. Langer, en qualité d’agents,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de la première chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de la cinquième chambre, et M. J. Passer, juge,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, le Kurdistan Workers’ Party (PKK) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 novembre 2022, PKK/Conseil (T‑316/14 RENV et T‑148/19, ci‑après l’ arrêt attaqué , EU:T:2022:727), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant à l’annulation :
– du règlement d’exécution (UE) 2015/513 du Conseil, du 26 mars 2015, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) no 790/2014 (JO 2015, L 82, p. 1),
– du règlement d’exécution (UE) 2015/1325 du Conseil, du 31 juillet 2015, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2015/513 (JO 2015, L 206, p. 12),
– du règlement d’exécution (UE) 2015/2425 du Conseil, du 21 décembre 2015, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2015/1325 (JO 2015, L 334, p. 1),
– du règlement d’exécution (UE) 2016/1127 du Conseil, du 12 juillet 2016, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2015/2425 (JO 2016, L 188, p. 1),
– du règlement d’exécution (UE) 2017/150 du Conseil, du 27 janvier 2017, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2016/1127 (JO 2017, L 23, p. 3), et
– du règlement d’exécution (UE) 2017/1420 du Conseil, du 4 août 2017, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2017/150 (JO 2017, L 204, p. 3),
– de la décision (PESC) 2019/25 du Conseil, du 8 janvier 2019, portant modification et mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2018/1084 (JO 2019, L 6, p. 6), et
– de la décision (PESC) 2019/1341 du Conseil, du 8 août 2019, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2019/25 (JO 2019, L 209, p. 15),
en tant que ces règlements et ces décisions (ci-après, ensemble, les « actes litigieux ») le concernent.
Le cadre juridique
La résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies
2 Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1373 (2001), arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement.
3 Le préambule de cette résolution réaffirme « la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme ». Il souligne également l’obligation pour les États « de compléter la coopération internationale en prenant des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de
terrorisme ».
4 Le point 1, sous c), de ladite résolution prévoit, notamment, que tous les États doivent geler sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles ainsi que des personnes et des entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités.
5 La même résolution ne prévoit pas de liste de noms de personnes auxquelles ces mesures restrictives doivent être appliquées.
Le droit de l’Union
La position commune 2001/931/PESC
6 Afin de mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 27 décembre 2001, la position commune 2001/931/PESC, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93).
7 L’article 1er, paragraphes 1, 3, 4 et 6, de cette position commune est libellé comme suit :
« 1. La présente position commune s’applique, conformément aux dispositions des articles qui suivent, aux personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et dont la liste figure à l’annexe.
[...]
3. Aux fins de la présente position commune, on entend par “acte de terrorisme”, l’un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d’infraction dans le droit national, lorsqu’il est commis dans le but de :
i) gravement intimider une population, ou
ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou
iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale :
a) les atteintes à la vie d’une personne, pouvant entraîner la mort ;
b) les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne ;
c) l’enlèvement ou la prise d’otage ;
d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ;
e) la capture d’aéronefs, de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ;
f) la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ;
g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;
h) la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;
i) la menace de réaliser un des comportements énumérés aux points a) à h) ;
j) la direction d’un groupe terroriste ;
k) la participation aux activités d’un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe.
Aux fins du présent paragraphe, on entend par “groupe terroriste”, l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes “association structurée” désignent une association qui ne s’est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure
élaborée.
4. La liste à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels
faits. Les personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil de sécurité des Nations unies comme liés au terrorisme et à l’encontre desquels il a ordonné des sanctions peuvent être inclus dans la liste.
Aux fins du présent paragraphe, on entend par “autorité compétente”, une autorité judiciaire, ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine.
[...]
6. Les noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié. »
8 Selon l’article 2 de ladite position commune :
« La Communauté européenne, agissant dans les limites des pouvoirs que lui confère le traité instituant la Communauté européenne, ordonne le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes et entités dont la liste figure à l’annexe. »
Le règlement (CE) no 2580/2001
9 Considérant qu’un règlement était nécessaire afin de mettre en œuvre, au niveau de l’Union européenne, les mesures décrites dans la position commune 2001/931, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 2580/2001, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70, et rectificatif JO 2010, L 52, p. 58).
10 L’article 2 de ce règlement prévoit :
« 1. À l’exception des dérogations autorisées dans le cadre des articles 5 et 6 :
a) tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques appartenant à, en possession de ou détenus par une personne physique ou morale, un groupe ou une entité inclus dans la liste visée au paragraphe 3, sont gelés ;
b) les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques ne doivent pas être mis, directement ou indirectement, à la disposition ni utilisés au bénéfice des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités inclus dans la liste visée au paragraphe 3.
2. À l’exception des dérogations autorisées dans le cadre des articles 5 et 6, il est interdit de fournir des services financiers aux personnes physiques ou morales, groupes ou entités inclus dans la liste visée au paragraphe 3 ou au bénéfice de ces personnes, groupes ou entités.
3. Le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels le présent règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4, 5 et 6, de la position commune 2001/931/PESC. Cette liste mentionne :
i) les personnes physiques commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation ;
ii) les personnes morales, groupes ou entités commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation ;
iii) les personnes morales, groupes ou entités détenus ou contrôlés par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, groupes ou entités visés aux points i) et ii) ou
iv) les personnes physiques ou morales, groupes ou entités agissant pour le compte ou sous les ordres d’une ou de plusieurs personnes physiques ou morales, groupes ou entités visés aux points i) et ii). »
Les antécédents du litige
11 Les antécédents du litige sont exposés aux points 3 à 14 de l’arrêt attaqué. Pour ce qui concerne l’examen du présent pourvoi, il convient d’en retenir ce qui suit.
12 Le PKK, requérant en première instance et au pourvoi, a été créé au cours de l’année 1978 et a engagé une lutte armée contre le gouvernement turc afin de faire reconnaître le droit des Kurdes à l’autodétermination.
13 Le nom du requérant ne figurait initialement ni sur la liste contenue à l’annexe de la position commune 2001/931 ni sur la liste visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001.
14 Le 2 mai 2002, le Conseil a adopté la position commune 2002/340/PESC, portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2002, L 116, p. 75). L’annexe de la position commune 2002/340 a mis à jour la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les mesures restrictives prévues par la position commune 2001/931 et y a inséré notamment le nom du requérant, identifié comme étant le « Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK) ». Ce 2 mai 2002, le Conseil a adopté la décision 2002/334/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et abrogeant la décision 2001/927/CE (JO 2002, L 116, p. 33). La décision 2002/334 a inscrit le nom du requérant sur la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement
no 2580/2001, dans les mêmes termes que ceux employés dans l’annexe de la position commune 2002/340.
15 Ces actes ont, depuis, été mis à jour régulièrement, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001. Le nom du requérant a toujours été maintenu sur les listes des groupes et entités auxquels s’appliquent les mesures restrictives (ci-après les « listes litigieuses »), et ce en dépit de la contestation devant le Tribunal ou de l’annulation par ce dernier de plusieurs des décisions et règlements auxquels
étaient annexées ces listes. Depuis le 2 avril 2004, le nom de l’entité inscrite sur les listes litigieuses est le « Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) (également connu sous les noms de “KADEK” et “KONGRA-GEL”) ».
16 Ainsi, les mesures restrictives appliquées au requérant ont ultérieurement été maintenues par des actes adoptés au cours des années 2014 à 2020, à savoir, notamment :
– le règlement d’exécution (UE) no 125/2014 du Conseil, du 10 février 2014, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) no 714/2013 (JO 2014, L 40, p. 9), et le règlement d’exécution (UE) no 790/2014 du Conseil, du 22 juillet 2014, mettant en œuvre l’article 2,
paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) no 125/2014 (JO 2014, L 217, p. 1) (ci-après, ensemble, les « actes de 2014 ») ;
– les règlements d’exécution 2015/513, 2015/1325, 2015/2425, 2016/1127, 2017/150 et 2017/1420 (ci-après, ensemble, les « règlements de 2015 à 2017 »),
– la décision (PESC) 2015/521 du Conseil, du 26 mars 2015, portant mise à jour et modification de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2014/483/PESC (JO 2015, L 82, p. 107) ; la décision (PESC) 2015/1334 du Conseil, du 31 juillet 2015, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités
auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2015/521 (JO 2015, L 206, p. 61), et la décision (PESC) 2017/1426 du Conseil, du 4 août 2017, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue
de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2017/154 (JO 2017, L 204, p. 95) (ci-après, ensemble, les « décisions PESC de 2015 à 2017 ») ;
– les décisions 2019/25 et 2019/1341 ;
– le règlement d’exécution (UE) 2019/1337 du Conseil, du 8 août 2019, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2019/24 (JO 2019, L 209, p. 1) ;
– le règlement d’exécution (UE) 2020/19 du Conseil, du 13 janvier 2020, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2019/1337 (JO 2020, L 8I, p. 1), et le règlement d’exécution (UE) 2020/1128 du Conseil, du 30 juillet 2020, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du
règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2020/19 (JO 2020, L 247, p. 1);
– la décision (PESC) 2020/1132 du Conseil, du 30 juillet 2020, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2020/20 (JO 2020, L 247, p. 18).
17 Dans les exposés des motifs des actes de 2014, le Conseil a décrit le PKK comme étant une entité impliquée dans des actes de terrorisme qui, à partir de l’année 1984, avait commis de nombreux actes de cette nature. Il a indiqué que les activités terroristes du PKK se poursuivaient, nonobstant un certain nombre de cessez-le-feu que ce dernier avait déclarés unilatéralement, notamment depuis l’année 2009. À cet égard, le Conseil a précisé que les actes de terrorisme commis par le PKK comprenaient
des attentats à la bombe, des attaques à la roquette, l’utilisation d’explosifs, l’assassinat et l’enlèvement de citoyens turcs et de touristes étrangers, la prise d’otages, des attaques contre les forces de sécurité turques et des affrontements armés avec celles-ci, des attaques contre des installations pétrolières, des transports publics, des installations diplomatiques, culturelles et commerciales turques dans différents pays, l’extorsion visant des citoyens turcs vivant à l’étranger ainsi que
d’autres actes criminels visant à financer ses activités. À titre d’exemple, le Conseil a dressé une liste de 69 incidents, survenus entre le 14 novembre 2003 et le 19 octobre 2011, qualifiés d’actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.
18 Le Conseil a ajouté que le PKK avait fait l’objet de décisions d’autorités nationales compétentes au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en citant à cet égard, notamment, une ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, du 29 mars 2001 (ci-après la « décision de 2001 du Royaume-Uni »), visant à interdire le PKK en vertu de l’UK Terrorism Act 2000 (loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme), telle que complétée
par une ordonnance du 14 juillet 2006, considérant que « KADEK » et « KONGRA-GEL » constituaient d’autres appellations du PKK.
19 Dans les exposés des motifs des actes adoptés au cours des années 2015 à 2017, le Conseil a relevé que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses était fondé, entre autres, sur les décisions des autorités du Royaume-Uni adoptées au cours des années 2001 et 2006, déjà précédemment prises en compte, telles que complétées par une décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 3 décembre 2014 maintenant l’interdiction du PKK, par un arrêt du 2 novembre 2011 du
tribunal de grande instance de Paris (France) condamnant le centre culturel kurde Ahmet Kaya pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme et financement d’entreprise terroriste, confirmé en appel par un arrêt du 23 avril 2013 de la cour d’appel de Paris (France) et, sur pourvoi, par un arrêt du 21 mai 2014 de la Cour de cassation (France), et par un réexamen mené par les autorités des États-Unis d’Amérique et finalisé le 21 novembre 2013,
confirmant la désignation du PKK en tant qu’« organisation terroriste étrangère ».
20 Les exposés des motifs des actes adoptés au cours des années 2019 et 2020 reprennent, en substance, les motifs précédents.
Les recours devant le Tribunal
L’affaire T‑316/14 RENV
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mai 2014, le PKK a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution no 125/2014, en ce que celui-ci le concerne.
22 Par des mémoires en adaptation ultérieurs, le requérant a également demandé l’annulation du règlement d’exécution no 790/2014 ainsi que des actes adoptés au cours des années 2015 à 2017 (décisions PESC de 2015 à 2017 et règlements de 2015 à 2017), en ce que ces actes le concernent.
23 La Commission européenne a été admise à intervenir dans la procédure devant le Tribunal au soutien des conclusions du Conseil.
24 Par arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), le Tribunal a annulé, pour défaut de motivation, tous les actes visés par le recours, en tant qu’ils concernent le PKK.
25 Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 janvier 2019, le Conseil a introduit un pourvoi tendant à l’annulation de cet arrêt. La République française et le Royaume des Pays-Bas ont été admis à intervenir dans la procédure devant la Cour au soutien des conclusions du Conseil.
26 Par arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), dans la mesure où celui-ci avait accueilli le recours en annulation, et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.
27 À l’appui de son recours dans l’affaire T‑316/14 RENV, le PKK a soulevé, en substance, sept moyens. Ces moyens étaient tirés, le premier, de la qualification erronée du requérant de groupe terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le deuxième, de l’absence de décision prise par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position commune, le troisième, de la violation des articles 4 et 51 de la charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne en ce que les actes de 2014 et les actes adoptés au cours des années 2015 à 2017 étaient en partie fondés sur des informations obtenues sous la torture ou à la suite de mauvais traitements, le quatrième, de l’absence de réexamen conforme aux exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de ladite position commune, le cinquième, de la violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité, le sixième, de la violation de l’obligation de motivation et, le septième, de la
méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.
L’affaire T‑148/19
28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mars 2019, le PKK a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2019/25, en ce que cette décision le concerne.
29 Par des mémoires en adaptation ultérieurs, le requérant a également demandé l’annulation des autres actes adoptés au cours de l’année 2019 (décision 2019/1341 et règlement d’exécution 2019/1337) ainsi que des actes adoptés au cours de l’année 2020 (décision 2020/1132 ; règlements d’exécution 2020/19 et 2020/1128) en ce que ces actes le concernent.
30 À l’appui de son recours, le requérant a soulevé six moyens. Ces moyens étaient tirés, le premier, de la qualification erronée du requérant de groupe terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le deuxième, de l’absence de décision prise par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position commune, le troisième, de l’absence de réexamen conforme aux exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de ladite position commune, le
quatrième, de la violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité, le cinquième, de la violation de l’obligation de motivation et, le sixième, de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.
31 Par décision du 8 février 2022, les affaires T‑316/14 RENV et T‑148/19 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.
L’arrêt attaqué
32 Le Tribunal a déclaré irrecevables les recours en ce qu’ils tendent à l’annulation des décisions PESC de 2015 à 2017 (affaire T‑316/14 RENV), ainsi que de la décision 2020/1132 et des règlements d’exécution 2019/1337, 2020/19 et 2020/1128 (affaire T‑148/19), de sorte qu’il n’a examiné le bien-fondé desdits recours qu’en ce qu’ils portent sur les actes de 2014 et les actes litigieux, à savoir les règlements de 2015 à 2017, ainsi que les décisions 2019/25 et 2019/1341 (ci-après les « décisions de
2019 »).
33 Compte tenu des similitudes existant entre six des moyens soulevés dans chacune des deux affaires T‑316/14 RENV et T‑148/19, le Tribunal les a examinés ensemble, en distinguant entre lesdites affaires uniquement lorsque des arguments spécifiques avancés au soutien de ces moyens et certaines différences entre les actes attaqués le nécessitaient.
34 Cinq desdits moyens sont pertinents aux fins du présent pourvoi.
35 Ainsi, en premier lieu, pour ce qui est de l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, le Tribunal a rappelé, au point 43 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait de faire une distinction entre l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds, conformément à cette disposition, et le maintien sur cette liste du nom d’une personne ou d’une entité déjà inscrite sur celle-ci, tel que visé à l’article 1er,
paragraphe 6, de cette position commune. Alors que l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste présuppose l’existence d’une décision nationale émanant d’une autorité compétente, une telle condition n’est pas prévue pour le maintien du nom de cette personne ou de cette entité sur la liste, dès lors que ce maintien constitue, en substance, le prolongement de l’inscription initiale et présuppose la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée
dans des activités terroristes.
36 S’agissant des griefs du requérant contestant la qualification de la décision de 2001 du Royaume-Uni comme étant une décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, le Tribunal a analysé la qualification d’autorité compétente, les indications requises pour montrer qu’une décision a été prise et la date des incidents retenus par cette décision, pour conclure, au point 83 de l’arrêt attaqué, que ces griefs n’étaient pas fondés.
37 S’agissant, en deuxième lieu, de l’examen des griefs tirés de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le Tribunal a retenu, au point 126 de l’arrêt attaqué, que le principe coutumier d’autodétermination n’implique pas que, pour exercer le droit à l’autodétermination, un peuple ou les habitants d’un territoire puissent recourir à des moyens tombant sous le coup de cette disposition. Au point 131 de cet arrêt, le Tribunal a considéré qu’il convient d’établir
une distinction entre, d’une part, les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et, d’autre part, les comportements qu’ils adoptent afin d’y parvenir, de sorte que les « buts » mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de cette position commune ne coïncident pas avec ces objectifs, lesquels peuvent être qualifiés d’ultimes ou de sous-jacents. Il a précisé, au point 132 dudit arrêt, que le but poursuivi par les atteintes portées
aux structures fondamentales de l’État turc, qui consisterait à modifier ces structures pour les rendre plus démocratiques, ne doit pas être pris en compte, de même que le terme « indûment » doit être compris comme visant le caractère illégal de la contrainte exercée et ne doit pas être évalué à la lumière du caractère prétendument légitime du but poursuivi par l’exercice de cette contrainte. Le Tribunal a conclu, au point 133 du même arrêt, que ladite position commune et, plus généralement,
l’ensemble du système des mesures restrictives de l’Union ne sauraient être considérés comme formant un obstacle à l’exercice du droit à l’autodétermination de populations au sein d’États oppressifs, étant donné que ces instruments visent non pas à déterminer qui, dans un conflit opposant un État à un groupe, a raison ou a tort, mais à lutter contre le terrorisme. Par conséquent, l’argumentation relative à la prise en compte du conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde aux
fins de l’interprétation des buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la même position commune a été écartée comme étant non fondée.
38 Pour ce qui est de la contestation du caractère terroriste des buts poursuivis par certains des actes attribués au PKK, en relation avec la prétendue violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le Tribunal l’a également écartée, en soulignant, notamment, au point 144 de l’arrêt attaqué, que la divergence entre la définition de l’acte de terrorisme dans la législation du Royaume-Uni et celle figurant à cet article 1er, paragraphe 3, est dépourvue de conséquences,
dans la mesure où les deux notions comportent la même définition en deux temps des actes de terrorisme.
39 En troisième lieu, dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Tribunal a rappelé, aux points 147 et 150 de l’arrêt attaqué, que le Conseil peut maintenir le nom d’une personne ou d’une entité concernée sur la liste de gel des fonds s’il conclut à la persistance du risque d’implication de celle-ci dans les activités terroristes ayant justifié l’inscription initiale, mais que les conditions tenant à l’écoulement du
temps et à l’évolution des circonstances constituent des éléments déclenchant une obligation d’actualisation du risque d’implication. En l’espèce, ayant constaté, au point 167 de cet arrêt, une évolution des circonstances justifiant une appréciation actualisée de la situation, le Tribunal a conclu, au point 175 dudit arrêt, que le Conseil avait manqué à son obligation d’actualisation découlant de l’article 1er, paragraphe 6, de cette position commune, ce qui l’a conduit à annuler les actes de
2014, en tant que ces actes concernent le PKK. En revanche, s’agissant des règlements de 2015 à 2017 ainsi que des actes adoptés au cours de l’année 2019, le Tribunal a conclu, notamment aux points 186 et 202 du même arrêt, que le Conseil avait valablement actualisé son appréciation du risque d’implication terroriste par rapport à la date de ces actes, de sorte que le réexamen effectué au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de ladite position commune avait été mené en bonne et due forme.
40 En quatrième lieu, en réponse au moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité, le Tribunal a répondu, aux points 207 à 215 de l’arrêt attaqué, que, de manière générale, les mesures restrictives, d’une part, poursuivent un objectif d’intérêt général et, d’autre part, ne sont pas considérées comme étant démesurées et intolérables ou comme portant atteinte à la substance des droits fondamentaux. Pour ce qui est plus précisément de l’argument selon lequel les mesures restrictives
adoptées dans le cas d’espèce empêcheraient une résolution pacifique et démocratique du conflit opposant les Kurdes aux autorités turques, voire auraient des effets néfastes sur les Kurdes et sur toute personne souhaitant leur apporter son soutien, le Tribunal a considéré, aux points 212 et 213 de cet arrêt, que les actes litigieux mentionnaient clairement comme objectif la lutte contre le terrorisme et le PKK, de sorte que l’existence d’un conflit armé et les agissements dénoncés par le
requérant comme étant commis à l’égard de tiers ne pouvaient pas être considérés comme résultant desdits actes et, par conséquent, ne permettaient pas de constater le caractère disproportionné de ces derniers.
41 En cinquième et dernier lieu, en ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, le Tribunal a rappelé, aux points 216 à 219 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence en vertu de laquelle, pour satisfaire à l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, il incombe au Conseil de fournir des motifs suffisamment précis et concrets pour permettre au requérant concerné de connaître les motifs venant au soutien du maintien de l’inscription de son nom sur les listes de
gel de fonds et au Tribunal d’exercer son contrôle. Aux points 221 à 238 de cet arrêt, il a pris position par rapport aux différents griefs soulevés par le requérant à cet égard, en soulignant, notamment, au point 234 dudit arrêt, que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte en cause, de sorte que les griefs et les arguments visant à contester le
bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation.
42 En conséquence, par l’arrêt attaqué, le Tribunal a, dans l’affaire T‑316/14 RENV, annulé les actes de 2014, en ce qu’ils concernent le PKK, et rejeté le surplus du recours et, dans l’affaire T‑148/19, rejeté le recours dans son intégralité.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
43 Le PKK demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a rejeté les recours tendant à l’annulation des actes litigieux, dans la mesure où ils concernent le requérant ;
– de statuer définitivement sur les points qui font l’objet du présent pourvoi et d’annuler les actes litigieux en ce qu’ils concernent le requérant, et
– de condamner le Conseil aux dépens afférents à la procédure de pourvoi ainsi qu’aux procédures de première instance, majorés des intérêts.
44 Le Conseil demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi ;
– à titre subsidiaire, de rejeter les recours tendant à l’annulation des actes attaqués dans les affaires T‑316/14 RENV et T‑148/19, et
– de condamner le PKK aux dépens afférents à la procédure de pourvoi ainsi qu’aux procédures de première instance.
45 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner le requérant aux dépens.
46 La République française demande à la Cour de rejeter le pourvoi.
47 Le Royaume des Pays-Bas demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner le PKK aux dépens.
Sur le pourvoi
48 Le requérant soulève cinq moyens à l’appui de son pourvoi, tirés, le premier, d’une erreur de droit en ce qui concerne l’interprétation effectuée par le Tribunal de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, en particulier quant à l’interprétation donnée au terme « buts » qui y figure et à son application en l’espèce, le deuxième, d’une erreur de droit commise par le Tribunal en ce que celui-ci a considéré que le Conseil pouvait se fonder sur la décision de 2001
du Royaume-Uni au mépris des conditions de l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de cette position commune, le troisième, d’une erreur commise par le Tribunal dans l’appréciation du réexamen effectué par le Conseil conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de ladite position commune, le quatrième, d’une erreur commise par le Tribunal dans l’interprétation du principe de proportionnalité et, le cinquième, d’une erreur commise par le Tribunal dans l’appréciation du caractère adéquat de la motivation
fournie par le Conseil dans l’exposé des motifs des actes litigieux.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
49 Par son premier moyen, le requérant fait valoir que, aux points 126 à 146 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est livré à une interprétation erronée de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 et a procédé à une application également erronée de cette disposition au cas d’espèce, en jugeant que les « buts » énoncés aux points i) à iii) de ladite disposition visent la nature même des actes accomplis.
50 Le requérant estime que l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 établit une distinction entre les actes dont le degré de gravité permet de les qualifier d’actes de terrorisme, tels qu’énumérés à ses points a) à k), et les buts dans lesquels ces actes doivent être commis, tels qu’énoncés à ses points i) à iii). Ces conditions étant cumulatives, il appartiendrait au Conseil d’établir, d’une part, qu’une organisation a commis un ou plusieurs des actes énumérés
auxdits points a) à k) et, d’autre part, que ce ou ces actes ont été commis dans un but terroriste, afin de pouvoir conclure à l’existence d’un acte de terrorisme, au sens de cette position commune. Or, en ayant indiqué, au point 131 de l’arrêt attaqué, que les « buts » énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de ladite position commune visent « la nature même des actes accomplis », le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans l’interprétation de cette double
condition, en supprimant, de facto, la condition autonome relative au but terroriste.
51 Certes, après avoir établi, au point 131 de l’arrêt attaqué, une distinction entre les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et les comportements adoptés afin d’y parvenir, le Tribunal aurait considéré, à juste titre, que les « buts » énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 ne correspondent pas aux objectifs qui peuvent être qualifiés d’ultimes ou de sous-jacents. Toutefois, il ne saurait en être déduit que
l’objectif ultime est « indifférent » pour l’interprétation du but immédiat d’un acte. Partant, ce serait à tort que le Tribunal a jugé, au point 132 de cet arrêt, qu’il n’y avait pas lieu d’en tenir compte.
52 En outre, le requérant, qui se réfère à ce point 132, considère que le terme « indûment » figurant à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous ii), de la position commune 2001/931 ne vise pas uniquement le caractère illégal de la contrainte exercée, faute de quoi ce terme serait superflu, puisque, pour relever de cet article 1er, paragraphe 3, l’acte doit être illégal. Par conséquent, il conviendrait de comprendre ledit terme en ce sens qu’il vise à rendre plus difficile la qualification
d’un acte comme étant un acte de terrorisme.
53 Ce serait également à tort que le Tribunal a estimé, au point 131 de l’arrêt attaqué, que les « termes employés (intimidation, contrainte, déstabilisation ou destruction) » visent « la nature même des actes accomplis », dès lors que l’on ne saurait établir si un acte est déstabilisateur ou destructeur de structures fondamentales d’un État sans tenir compte des objectifs poursuivis par l’organisation concernée à l’égard de ces structures fondamentales. Ainsi, si le but recherché est de rendre
lesdites structures fondamentales plus respectueuses des principes de droit international et des droits de l’homme, cet acte ne pourrait être regardé comme visant à les déstabiliser ou à les détruire. Étant donné que la Cour aurait déjà constaté que le principe coutumier d’autodétermination est « un droit opposable erga omnes ainsi qu’un des principes essentiels du droit international » (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 88), le Conseil serait
tenu d’en tenir compte lorsqu’il décide d’inscrire une organisation sur une liste de sanctions. Ce serait donc également à tort que le Tribunal a jugé, au point 133 de l’arrêt attaqué, que l’application des dispositions de la position commune 2001/931 ne fait pas obstacle au principe coutumier d’autodétermination.
54 Selon le requérant, si le raisonnement du Tribunal devait être suivi, les actes commis par une personne qui, pour permettre à son peuple d’exercer son droit à l’autodétermination, n’a d’autre choix que de recourir à la force armée, répondraient à la définition de l’acte de terrorisme. Cela reviendrait à désavouer l’idée d’un droit international humanitaire dans son ensemble, selon lequel de nombreux actes militaires commis dans un conflit de cet ordre seraient légitimes. Au lieu de se référer,
comme il l’a fait au point 133 de l’arrêt attaqué, au large pouvoir d’appréciation reconnu au Conseil, le Tribunal aurait dû tenir compte du principe d’autodétermination dans le cadre de l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.
55 Enfin, en renvoyant aux développements avancés en première instance, le requérant reproche au Tribunal d’avoir refusé de se prononcer, au point 126 de l’arrêt attaqué, sur l’application dans le cas d’espèce du principe d’autodétermination et sur la question de la légalité du recours à la force armée pour parvenir à l’autodétermination.
56 Le Conseil, soutenu par la République française, le Royaume des Pays‑Bas et la Commission, conclut au rejet du premier moyen.
Appréciation de la Cour
57 Le premier moyen vise l’interprétation faite par le Tribunal, aux points 126 à 146 de l’arrêt attaqué, de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, interprétation selon laquelle les « buts » mentionnés à cette disposition viseraient la « nature même des actes accomplis » et ne pourraient prendre en considération l’existence éventuelle d’un conflit armé ayant en vue l’autodétermination d’un peuple.
58 À cet égard, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il ressort d’une jurisprudence constante qu’il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings, C‑884/19 P et C‑888/19 P, EU:C:2021:973, point 70].
59 S’agissant des termes de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, il convient de relever que la définition d’un acte comme étant un « acte de terrorisme » repose sur deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, que cet acte figure au nombre de ceux énumérés à ses points a) à k) et, d’autre part, que le but dans lequel celui-ci est commis relève de l’un des buts visés à ses points i) à iii).
60 C’est donc à bon droit que, comme l’a d’ailleurs admis le requérant, le Tribunal a considéré, au point 144 de l’arrêt attaqué, que cette position commune définit les actes de terrorisme à la fois par les buts poursuivis et par les moyens employés à ces fins.
61 En revanche, contrairement à ce qu’avance le requérant, les termes de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de ladite position commune ne permettent aucunement de considérer qu’un objectif politique poursuivi par l’acte en cause ou la nature des revendications de son auteur seraient susceptibles d’avoir une quelconque pertinence aux fins de la définition de la notion d’« acte de terrorisme ».
62 Cette lecture de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 se trouve confirmée par le contexte de cette disposition ainsi que par les objectifs poursuivis par le Conseil lors de l’adoption de cette position commune.
63 En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 5 à 7 de la position commune 2001/931 et des considérants 3, 5 et 6 du règlement no 2580/2001, le Conseil a adopté cette position commune puis, conformément à celle-ci, ce règlement afin, notamment, de mettre en œuvre, au niveau de l’Union, la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, laquelle « réaffirm[ait] la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à la paix et
à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme » et demandait aux États membres de « compléter la coopération internationale en prenant des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de terrorisme ».
64 À cet égard, il convient aussi de rappeler que la position commune 2001/931 poursuit essentiellement cet objectif préventif de lutte contre le terrorisme international en coupant celui-ci de ses ressources financières par le gel des fonds et des ressources économiques des personnes ou des entités soupçonnées d’être impliquées dans des activités qui y sont liées (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 67).
65 Ainsi, les actes intentionnels énumérés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de la position commune 2001/931 sont considérés comme étant des actes de terrorisme s’ils sont commis dans le but de gravement intimider une population, de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou de gravement déstabiliser ou de détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles,
économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale, sans qu’il y ait lieu de prendre en compte l’objectif, politique ou autre, de l’auteur de l’acte terroriste en cause.
66 À cet égard, il importe de souligner que la position commune 2001/931 et le règlement no 2580/2001 ont pour objectif non pas de sanctionner les actes de terrorisme, mais de lutter contre le terrorisme en prévenant le financement des actes de terrorisme (arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, point 96).
67 En revanche, aucun des considérants ou objectifs visés ne saurait être compris en ce sens que les actes qui poursuivent un objectif prétendument légitime devraient être exclus du champ d’application de la position commune 2001/931, de sorte que l’argumentation du requérant selon laquelle il convient de prendre en compte l’existence éventuelle d’un objectif d’autodétermination en vue de déterminer si un acte a été commis dans un but terroriste doit être rejetée.
68 Le Tribunal, aux points 122 et 124 de l’arrêt attaqué, a pris position sur cet argument en rappelant, ce que le requérant ne conteste d’ailleurs pas, que l’existence d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international n’exclut pas l’application des dispositions du droit de l’Union concernant la prévention du terrorisme, telles que la position commune 2001/931, aux éventuels actes de terrorisme commis dans ce cadre (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202,
points 97 et 98), et en précisant que cette position commune n’opère aucune distinction en ce qui concerne son champ d’application selon que l’acte en cause est ou non commis dans le cadre d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international.
69 Si le Tribunal, au point 125 de l’arrêt attaqué, a relevé que le principe coutumier d’autodétermination, rappelé, notamment, à l’article 1er de la charte des Nations unies, est un principe de droit international applicable à tous les territoires non autonomes et à tous les peuples n’ayant pas encore accédé à l’indépendance (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 88), ce principe n’implique toutefois pas que, pour exercer le droit à
l’autodétermination, un peuple ou les habitants d’un territoire puissent recourir à des moyens relevant de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.
70 En effet, la Cour a déjà jugé que le droit international humanitaire et la position commune 2001/931 poursuivent des buts différents et instituent des mécanismes distincts, de sorte que l’application de cette position commune ne dépend pas des qualifications découlant du droit international humanitaire. La Cour en a déduit que ladite position commune et le règlement no 2580/2001 doivent être interprétés en ce sens que des activités de forces armées en période de conflit armé, au sens du droit
international humanitaire, peuvent constituer des « actes de terrorisme », au sens de ces actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, points 89, 91 et 97).
71 C’est dans ce contexte que le Tribunal a relevé, au point 131 de l’arrêt attaqué, qu’une distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et, d’autre part, les comportements qu’ils mettent en œuvre afin d’y parvenir, de sorte que les « buts » mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de la position commune 2001/931 ne correspondent pas à de tels objectifs, qui peuvent être qualifiés
d’ultimes ou de sous-jacents.
72 Alors même que le requérant admet que le Tribunal a correctement constaté qu’il existe une différence entre l’objectif ultime ou sous-jacent pour lequel l’entité s’engage dans un conflit armé et le but dans lequel les actions spécifiques sont accomplies dans le cadre de ce conflit, il n’avance aucun argument juridique valable permettant de conclure que l’objectif ultime ou sous-jacent présente une pertinence aux fins de l’appréciation du but de ces actions spécifiques.
73 Il s’ensuit que des actes commis dans l’un des trois buts mentionnés aux points i) à iii) de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 peuvent être qualifiés d’actes de terrorisme, même si leur objectif ultime ou sous-jacent consiste, par exemple, à rendre plus démocratiques les structures fondamentales d’un État. C’est donc à bon droit que, au point 132 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, si les actes sont commis dans l’un de ces trois buts, il n’y a
pas lieu de rechercher quels sont les objectifs visés par l’organisation concernée, sauf à vouloir supprimer l’une des deux conditions cumulatives requises pour qu’un acte puisse être qualifié d’acte de terrorisme. Lesdits buts, qui consistent à caractériser les actes énumérés aux points a) à k) de cet article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, et qui sont donc de nature purement fonctionnelle, n’ont aucun rapport avec un objectif politique ou des revendications que se seraient fixés les auteurs
d’un acte, de sorte que l’objectif ultime ou sous-jacent de cet acte est dépourvu de toute incidence quant à la qualification de celui-ci comme étant un « acte de terrorisme ».
74 Au vu de ce qui précède, il convient également de rejeter l’argument du requérant dirigé contre le point 126 de l’arrêt attaqué non seulement parce que cet argument se borne à contester en des termes généraux l’affirmation du Tribunal qui y figure, mais également parce qu’il procède d’une lecture erronée de ce point. En effet, audit point, le Tribunal a estimé qu’il n’était pas nécessaire de prendre position sur l’application dans le cas d’espèce du principe d’autodétermination pour répondre à
l’argumentation portant sur l’interprétation des buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 et n’a pas, contrairement à ce qu’avance le requérant, refusé de se prononcer sur l’applicabilité de ce principe.
75 Admettre le raisonnement du requérant, selon lequel une organisation ou une entité serait en droit de commettre l’un des actes énumérés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de la position commune 2001/931, pour autant que ces actes sont accomplis dans un objectif général d’autodétermination, aboutirait d’ailleurs à un résultat en opposition avec les termes et le contexte de cette disposition ainsi qu’avec les objectifs de la réglementation dont celle-ci fait partie, et
serait contraire à la jurisprudence citée aux points 68 à 70 du présent arrêt.
76 Enfin, pour ces raisons, le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur de droit, au point 132 de l’arrêt attaqué, en jugeant que le terme « indûment » figurant à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous ii), de la position commune 2001/931 ne doit pas être évalué à la lumière du caractère prétendument légitime du but poursuivi par l’exercice de la contrainte en cause.
77 Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
78 Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré que le Conseil pouvait se fonder sur la décision de 2001 du Royaume-Uni en tant que « décision », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, puisque les faits indiqués dans les motifs de cette décision étaient temporellement dépassés et ne pouvaient donc justifier de considérer que le requérant avait commis des actes de terrorisme permettant de le qualifier de « groupe
terroriste ».
79 Le requérant estime que le Tribunal a commis une erreur en évoquant, au point 142 de l’arrêt attaqué, les faits ayant fondé la décision de 2001 du Royaume-Uni, à savoir l’enlèvement de touristes occidentaux au début des années 1990, l’attaque d’une raffinerie au cours de la période 1993/1994, une campagne d’attentats contre des installations touristiques les mêmes années et des menaces d’attaques d’installations touristiques au cours des années 1995 à 1999, en analysant ces faits et en concluant
que le Conseil pouvait les qualifier d’actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931. En effet, dès lors que, aux points 77 à 83 de cet arrêt, le Tribunal n’aurait pris en compte que les faits survenus entre l’année 1995 et l’année 1999, il conviendrait d’en déduire que les autres faits, plus anciens, ne seraient pas pertinents. Par conséquent, ces derniers faits n’auraient pu étayer la conclusion selon laquelle le requérant devait
être considéré comme étant un groupe terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de cette position commune, ce d’autant plus que le Tribunal serait parvenu, au point 72 dudit arrêt, à la conclusion que le PKK « semblait avoir abandonné [sa] campagne [terroriste] ».
80 En tout état de cause, ce serait à tort que le Tribunal a considéré, aux points 80 à 83 de l’arrêt attaqué, que les menaces d’attaques contre des installations touristiques entre l’année 1995 et l’année 1999 pouvaient être prises en compte eu égard à leur distance temporelle. Même en admettant que le Conseil n’a pas à contrôler si les faits constatés dans les décisions nationales de condamnation ont effectivement eu lieu, il lui incomberait de vérifier que l’autorité nationale compétente a estimé
qu’ils sont bien intervenus, en justifiant son constat de manière claire et cohérente dans l’exposé des motifs.
81 Par conséquent, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant, au point 98 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait d’écarter le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en ce que les actes litigieux ont été pris sur le fondement de la décision de 2001 du Royaume-Uni, et, au point 146 de cet arrêt, qu’il y avait lieu d’écarter le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de cette position commune.
82 En outre, ni le Conseil ni le Tribunal n’auraient pu considérer que les menaces alléguées répondaient aux critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931. En effet, ces prétendues menaces ne pouvaient être regardées comme étant des actes de terrorisme, au sens de ladite disposition, puisque la campagne d’attentats ayant conduit au décès de personnes avait été abandonnée.
83 Selon le requérant, il y a également lieu de tenir compte des divergences existant entre la définition de l’acte de terrorisme prévue dans la législation du Royaume-Uni et celle énoncée dans la position commune 2001/931. Le Tribunal aurait ainsi commis une erreur, au point 144 de l’arrêt attaqué, en considérant comme dépourvue de conséquences la circonstance que le critère de gravité se rattache aux « moyens » dans la législation du Royaume-Uni et aux « buts » dans cette position commune, puisque
la différence serait importante, surtout s’agissant des menaces.
84 Le Conseil, soutenu par la République française, le Royaume des Pays‑Bas et la Commission, conteste les arguments du requérant.
Appréciation de la Cour
85 Le deuxième moyen est relatif à la prétendue erreur commise par le Tribunal, aux points 77 à 83, 98 et 136 à 146 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a pris en considération la décision de 2001 du Royaume-Uni pour établir, d’une part, que le Conseil s’était acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et, d’autre part, que les actes commis étaient des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de cette position
commune.
86 Afin de statuer sur le bien-fondé de ce moyen, il importe d’emblée d’opérer une distinction entre, d’une part, la question de savoir si la décision de 2001 du Royaume-Uni peut être qualifiée de décision d’une autorité compétente, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, notamment au regard de la date de survenance des incidents sur lesquels elle est fondée et, d’autre part, la question de savoir si ces incidents peuvent être qualifiés, compte tenu notamment de leur
nature, d’actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de cette position commune.
87 S’agissant, en premier lieu, de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, celui-ci dispose, à son premier alinéa, que la liste de gel de fonds « est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la
facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits ».
88 Pour ce qui est des obligations du Conseil lors de l’inscription d’une personne ou d’une entité sur la liste, il résulte de la référence à une décision nationale ainsi que des termes « informations précises » et « preuves ou indices sérieux et crédibles », figurant à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, que cette disposition a pour objectif de protéger les personnes concernées en assurant que leur inscription dans la liste de gel de fonds n’ait lieu que sur une base
factuelle suffisamment solide, et que cette position commune vise à atteindre cet objectif en recourant à l’exigence d’une décision prise par une autorité nationale (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al‑Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 68).
89 En effet, en l’absence de moyens de l’Union pour mener elle-même des investigations concernant l’implication d’une personne dans des actes terroristes, le recours à une telle exigence a pour fonction d’établir l’existence de preuves ou d’indices sérieux et crédibles de l’implication de cette personne dans des activités terroristes, considérés comme étant fiables par les autorités nationales et les ayant conduites à prendre, à tout le moins, des mesures d’investigation, sans exiger que la décision
nationale ait été prise sous une forme juridique particulière ou qu’elle ait été publiée ou notifiée (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 69).
90 En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 72 de l’arrêt attaqué, que le Conseil s’était fondé sur l’existence de décisions qu’il a qualifiées de décisions d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, dont la décision de 2001 du Royaume-Uni. Le Tribunal a, tout d’abord, énuméré à cet effet les preuves et les indices sérieux et crédibles, tels qu’indiqués par le Conseil et considérés comme étant fiables par les autorités nationales et qui
comprenaient des attaques terroristes imputées au PKK depuis l’année 1984, une campagne terroriste au début des années 1990, incluant l’enlèvement de touristes occidentaux, l’attaque d’une raffinerie et des attentats contre des installations touristiques ayant conduit au décès de touristes étrangers pendant les années 1993-1994. Le Tribunal a indiqué, toujours au point 72 de cet arrêt et contrairement à ce que soutient le requérant, que le Conseil avait relevé que, même si le PKK semblait avoir
abandonné cette campagne au cours des années 1995 à 1999, il avait continué de menacer d’attaquer des installations touristiques durant cette période. Le Tribunal a, ensuite, rappelé, au point 73 dudit arrêt, que, selon la jurisprudence, les « informations précises ou [...] éléments du dossier » requis par l’article 1er, paragraphe 4, de cette position commune doivent montrer qu’une décision de l’autorité nationale répondant à la définition de cette disposition a été prise à l’égard des personnes
ou des entités concernées, de manière notamment à permettre à ces dernières d’identifier cette décision, sans pour autant que ces informations ou ces éléments se rapportent au contenu de ladite décision. Le Tribunal a, enfin, au point 74 du même arrêt, conclu que le Conseil avait donné des informations suffisamment précises relatives à la décision de 2001 du Royaume-Uni, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de ladite position commune.
91 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a pu considérer, au point 76 de l’arrêt attaqué, que le Conseil disposait d’informations précises et d’éléments de dossier découlant d’une décision d’une autorité compétente, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Le requérant ne contestant pas cette conclusion du Tribunal et, en tout état de cause, n’apportant aucun élément permettant de l’infirmer, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que le Conseil pouvait se
fonder sur la décision de 2001 du Royaume-Uni.
92 Pour ce qui est de l’argument tiré de ce que le Tribunal aurait, aux points 77 à 83, 143, 144 et 146 de l’arrêt attaqué, considéré à tort que des actes antérieurs à l’année 1995 pouvaient être valablement pris en compte dans le cadre de la vérification au titre de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 alors qu’ils ne pouvaient l’être dans le cadre de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position commune, il importe d’opérer une distinction entre, d’une part, les exigences
relatives à l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité, énoncées à l’article 1er, paragraphe 4, de ladite position commune, en ce qui concerne, notamment, les conditions de distance temporelle, et, d’autre part, les exigences relatives à la définition de la notion d’« acte de terrorisme », figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la même position commune.
93 En effet, l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, requiert que les actes sur lesquels une telle décision est fondée soient suffisamment récents, en particulier compte tenu de l’objectif de cette disposition qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 88 du présent arrêt, vise à protéger les personnes ou les entités concernées.
94 En revanche, l’article 1er, paragraphe 3, de cette position commune se borne à établir la définition de la notion d’« acte de terrorisme », au sens de ladite position commune. Dans ce cadre, il est loisible au Conseil de tenir compte d’autres éléments plus anciens qui peuvent être pertinents pour apprécier l’histoire et l’ampleur des activités terroristes de la personne ou de l’entité concernée, au sens de cette disposition.
95 Il en résulte que, en l’espèce, le Tribunal a pu prendre en compte à bon droit des actes antérieurs à l’année 1995, survenus au cours des années 1990, 1993 et 1994, pour déterminer le caractère terroriste des buts poursuivis par les actes attribués au requérant, au titre de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, et que c’est également à bon droit que le Tribunal a jugé que la « distance temporelle » d’environ deux ans entre les derniers faits pris en compte, datant de
l’année 1999, et la décision de 2001 du Royaume-Uni ne pouvait être considérée comme étant excessive, permettant par conséquent de qualifier cette décision de décision d’une autorité compétente, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position commune.
96 En ce qui concerne la référence faite par le Tribunal, au point 81 de l’arrêt attaqué, à une distance temporelle de moins de cinq ans, en ce qu’il n’aurait pris en considération que les derniers faits sur lesquels était fondée la décision de 2001 du Royaume-Uni, il convient de relever que le Tribunal s’est référé à ce délai de cinq ans en citant une jurisprudence selon laquelle un délai de cinq ans n’est pas excessif. Il ne ressort cependant nullement de l’arrêt attaqué que le Tribunal aurait,
par la référence faite à ce délai de cinq ans, estimé que les autres faits indiqués dans la décision de 2001 du Royaume-Uni étaient trop anciens pour être pris en considération. L’argument du requérant procède d’une lecture erronée dudit arrêt et doit donc être écarté.
97 S’agissant, en second lieu, de l’argument selon lequel le Tribunal aurait conclu à tort que les menaces d’attaques contre des installations touristiques turques remplissaient les critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, celui‑ci doit également être écarté.
98 En effet, il résulte de cette disposition que celle-ci vise explicitement, à son point i), « la menace de réaliser un des comportements énumérés aux points a) à h) », tels que des atteintes à la vie d’une personne ou le fait de causer des destructions massives.
99 L’existence de menaces de réaliser un des comportements énumérés à ces points a) à h) est donc suffisante pour justifier un gel de fonds et la circonstance que le PKK aurait abandonné ses campagnes d’attaques entre l’année 1995 et l’année 1999 est sans incidence sur la qualification des menaces comme étant un acte de terrorisme.
100 Partant, le Tribunal a conclu à juste titre que le fait de ne pas avoir commis d’attaques durant une certaine période n’empêchait pas que des menaces d’attaques puissent perdurer, celles-ci constituant alors des actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931.
101 Quant à l’argument du requérant tenant aux divergences entre la définition de l’acte terroriste dans la législation du Royaume-Uni et celle figurant à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a considéré, au point 144 de l’arrêt attaqué, que la circonstance selon laquelle le critère de gravité est attaché aux « moyens » dans la législation du Royaume-Uni et aux « buts » dans cette position commune est dépourvue de
conséquences.
102 À cet égard, il découle du point 73 du présent arrêt que les buts énumérés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de la position commune 2001/931 sont de nature purement fonctionnelle et permettent de caractériser les actes visés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de cette position commune comme étant des actes de terrorisme. Dès lors, le raisonnement du Tribunal n’est entaché d’aucune incohérence compte tenu du fait que tant le droit de l’Union
que la décision de 2001 du Royaume-Uni retiennent une définition en deux temps des actes de terrorisme, en les définissant à la fois par les buts poursuivis et par les moyens employés à ces fins.
103 Le deuxième moyen doit, par conséquent, être écarté comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
104 Par son troisième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a considéré à tort, aux points 182 à 188 et 191 à 203 de l’arrêt attaqué, que le réexamen effectué par le Conseil en ce qui concerne les règlements de 2015 à 2017 et les décisions de 2019 répondait aux conditions requises à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.
105 Le requérant souligne que le Tribunal a constaté qu’un laps de temps important s’était écoulé entre l’adoption de la décision de 2001 du Royaume-Uni et la survenance des actes de 2014, au cours duquel plusieurs événements marquant une évolution des circonstances étaient intervenus, de sorte que le Conseil avait violé son obligation de réactualiser son appréciation du risque d’implication terroriste pour l’année 2014. Or, le requérant estime que le Tribunal aurait dû parvenir à la même conclusion
concernant les règlements de 2015 à 2017 et les décisions de 2019.
106 Renvoyant à ses développements figurant dans le cadre du deuxième moyen, le requérant relève que la décision de 2001 du Royaume-Uni ne répond pas aux conditions requises à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Le requérant estime également que le Tribunal a considéré à tort, au point 185 de l’arrêt attaqué, que le Conseil avait pu se fonder sur l’attaque d’un site de construction d’un nouveau poste militaire avancé turc au mois de mai 2014 et qualifier cette attaque
d’acte de terrorisme. En effet, un tel acte constituerait un exemple type d’acte qu’on ne saurait accuser le requérant d’avoir commis dans un but terroriste, étant donné qu’il aurait été une réponse directe à la violation, par le gouvernement turc, des négociations de paix et devrait être considéré, en droit international humanitaire, comme étant un acte militaire légitime.
107 Même si la Cour devait conclure que le Tribunal n’a pas commis d’erreur dans l’interprétation de l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de la position commune 2001/931, s’agissant de la décision de 2001 du Royaume-Uni, le requérant fait valoir que, eu égard à la nature nettement différente de l’attaque commise au mois de mai 2014 par rapport aux incidents qui étaient avancés en lien avec cette décision, ladite attaque ne permettait pas de justifier à suffisance la persistance d’un risque d’actes
terroristes.
108 En effet, comme la situation du requérant aurait évolué de manière radicale au cours des seize années qui ont suivi l’arrestation, lors de l’année 1999, de M. Abdullah Öcalan, fondateur et leader du PKK, il ne saurait être considéré que cette attaque d’un poste militaire avancé turc en cours de construction au mépris des négociations de paix équivalait à la menace d’attaques contre des installations touristiques turques au courant des années 1990.
109 S’agissant de l’incident du 23 octobre 2017, lors duquel un véhicule militaire a fait l’objet d’une attaque, le requérant fait valoir que c’est à tort que, dans le cadre de sa qualification d’acte de terrorisme, le Tribunal a considéré, au point 191 de l’arrêt attaqué, comme étant sans pertinence la circonstance que cet acte s’inscrivait dans le cadre du conflit armé opposant le PKK à la République de Turquie, alors qu’il ressortirait clairement du premier moyen qu’une opération militaire
nécessaire et proportionnée ne peut être considérée comme ayant un but terroriste.
110 En considérant, en substance, aux points 198 à 200 de l’arrêt attaqué, que la poursuite du conflit armé permettait au Conseil de retenir la persistance d’un risque d’actes terroristes, le Tribunal aurait fait abstraction du rôle joué par la République de Turquie, alors que le PKK aurait modifié son mode opératoire de manière significative.
111 Le Conseil, soutenu par la République française, le Royaume des Pays‑Bas et la Commission, considère que le troisième moyen doit être rejeté.
Appréciation de la Cour
112 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Conseil peut maintenir la personne ou l’entité concernée sur une liste de gel de fonds s’il conclut à la persistance du risque de l’implication de celle-ci dans des activités terroristes ayant justifié son inscription initiale sur cette liste (arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, EU:C:2020:691, point 38 et jurisprudence citée).
113 La seule question pertinente pour apprécier l’opportunité d’un tel maintien est, en principe, celle de savoir si, depuis l’inscription en cause ou depuis le réexamen précédent, la situation factuelle a changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion relative à ce risque (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 46).
114 La persistance d’un tel risque peut être établie notamment par la référence à la décision nationale ayant justifié l’inscription initiale, lorsque cette décision a récemment fait l’objet d’un réexamen à la suite duquel il a été conclu que son maintien est justifié en raison d’incidents récents mettant en évidence que la personne ou l’organisation en cause reste impliquée dans des activités terroristes. En effet, un tel réexamen vise à assurer que la décision du Conseil soit prise sur une base
factuelle suffisante permettant à ce dernier de conclure à l’existence d’un tel risque (arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, EU:C:2020:691, point 39).
115 Dans le cadre de la vérification de la persistance du risque d’implication de la personne, du groupe ou de l’entité concernés dans des activités terroristes, il convient notamment de prendre en compte, outre le sort ultérieurement réservé à la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale de cette personne, de ce groupe ou de cette entité sur la liste de gel de fonds, des éléments factuels plus récents, démontrant que ledit risque subsiste (arrêt du 10 septembre 2020,
Hamas/Conseil, C‑122/19 P, EU:C:2020:690, point 38).
116 En l’espèce, le Tribunal ne s’est pas écarté de cette jurisprudence.
117 À cet égard, il convient, premièrement, de considérer que les arguments du requérant tendant à contester la qualification d’actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, de l’attaque d’un chantier de construction d’un nouveau poste militaire avancé turc au mois de mai 2014 et de l’attaque d’un véhicule militaire le 23 octobre 2017 sont inopérants dans le cadre du réexamen effectué au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de cette
position commune et doivent être rejetés sur la base de la jurisprudence citée au point 112 du présent arrêt. En effet, pour maintenir l’inscription d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel de fonds, le Conseil doit établir non pas que cette personne ou cette entité a commis un acte de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de ladite position commune, mais seulement que le risque qu’elle soit impliquée dans des activités terroristes persiste.
118 Deuxièmement, doivent également être écartés les arguments du requérant tirés de ce que les actes sur lesquels le Conseil s’est fondé lors de son réexamen de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK n’établiraient pas à suffisance l’existence de ce risque en raison de la nature sensiblement différente de ces actes et du fait que sa situation a évolué de manière radicale, puisqu’il militerait désormais en faveur de solutions pacifiques.
119 À cet égard, il convient de relever que, d’une part, l’argument selon lequel l’attaque d’un site de construction d’un nouveau poste militaire avancé turc, survenue au mois de mai 2014, serait justifiée est irrecevable. En effet, en se limitant à faire référence à l’existence d’un conflit armé permettant prétendument de justifier l’acte commis, qu’il estime être d’une nature sensiblement différente de celle des incidents invoqués dans la décision de 2001 du Royaume-Uni, et en faisant valoir que
cet acte serait une réponse directe à la violation des négociations de paix par le gouvernement turc, le requérant n’invoque pas une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal, mais demande à la Cour de substituer sa propre appréciation de cet élément de preuve à celle du Tribunal.
120 Or, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour
dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance du 27 janvier 2022, FT e.a./Commission, C‑518/21 P, EU:C:2022:70, point 12 ainsi que jurisprudence citée).
121 D’autre part, l’argument du requérant selon lequel l’incident du 23 octobre 2017 devrait être considéré comme étant une opération militaire manifestement nécessaire et proportionnée doit être rejeté comme étant non fondé.
122 Ainsi qu’il ressort du point 191 de l’arrêt attaqué, le requérant ne conteste ni la matérialité de cette attaque militaire ni le fait que celle-ci lui soit imputable, puisqu’il indique qu’elle s’inscrivait dans le cadre du conflit armé l’opposant à la République de Turquie.
123 Il convient dès lors de constater que, dans le cadre du troisième moyen de son pourvoi, le requérant n’avance aucune argumentation de nature à remettre en cause l’appréciation juridique du Tribunal selon laquelle ces actes, dont la matérialité n’a pas été contestée, permettaient au Conseil de valablement actualiser son appréciation du risque d’implication terroriste du requérant.
124 Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
125 Par son quatrième moyen, le requérant invoque une erreur commise par le Tribunal, aux points 207 à 215 de l’arrêt attaqué, dans l’interprétation du principe de proportionnalité.
126 En premier lieu, le requérant fait valoir que le Tribunal a méconnu, aux points 211 à 213 de l’arrêt attaqué, le principe de proportionnalité qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients
causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50).
127 De plus, en retenant le caractère dénué de pertinence d’une solution pacifique et démocratique du conflit, le Tribunal se serait mis en contradiction avec le constat effectué au point 198 de l’arrêt attaqué, selon lequel le Conseil aurait considéré à juste titre qu’aucun changement de circonstances n’avait eu lieu au cours de l’année 2019. Si, dans le cadre du réexamen au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, la poursuite d’une solution pacifique était considérée
comme revêtant une pertinence, le requérant estime qu’il devrait en être de même pour l’examen de la proportionnalité, ce d’autant plus que l’objectif ultime du conflit armé est l’autodétermination d’un peuple. Même si, dans le cadre du premier moyen, il ne pourrait être souscrit à cet argument, celui-ci devrait être retenu dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité.
128 Ainsi qu’il ressort du point 207 de l’arrêt attaqué, les actes litigieux poursuivraient un objectif d’intérêt général, qui est celui de concourir à la paix et à la sécurité internationales. Or, le maintien de l’inscription du PKK sur les listes litigieuses entraverait en fait le processus de paix, de sorte que les mesures restrictives prévues par ces actes devraient être jugées comme étant inappropriées au regard des objectifs poursuivis.
129 En second lieu, en se contentant d’examiner, de manière restrictive, l’objectif poursuivi par les actes litigieux, le Tribunal n’aurait pas correctement vérifié, aux points 206 à 215 de l’arrêt attaqué, si les inconvénients causés, qui comprennent également les conséquences prévisibles (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2019, Tjebbes e.a., C‑221/17, EU:C:2019:189, point 40), ne sont pas démesurés par rapport aux buts visés. En effet, il ne saurait être admis que, pour déterminer si les
inconvénients causés par un acte ne sont pas démesurés par rapport aux buts visés, seuls les objectifs propres à cet acte soient pris en compte et non les conséquences prévisibles de celui-ci.
130 Dans ce contexte, le requérant rappelle que, si le Conseil ne peut tenir compte de chaque conséquence possible d’un acte, il n’en avait pas moins connaissance, en l’espèce, ne fût-ce qu’en raison du recours en annulation introduit le 1er mai 2014 dans l’affaire PKK/Conseil (T‑316/14), des effets produits par les actes litigieux sur les Kurdes, de sorte que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant, aux points 212 et 213 de l’arrêt attaqué, que ces effets étaient dépourvus de
pertinence.
131 Le Conseil, soutenu par la République française, le Royaume des Pays‑Bas et la Commission, considère que le quatrième moyen doit être rejeté.
Appréciation de la Cour
132 Tout d’abord, en tant que le requérant se borne à renvoyer à l’objectif ultime des mesures restrictives, à savoir la préservation de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, au sens de l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE, et qu’il fait valoir, en reprenant des arguments invoqués en première instance, que le maintien de l’inscription du PKK sur les listes litigieuses entrave le processus de paix et a des répercussions sur les Kurdes, puisque l’objectif ultime du conflit armé
dans lequel est engagé le PKK est l’autodétermination du peuple kurde, le quatrième moyen est irrecevable. En effet, dans cette mesure, le pourvoi vise en réalité à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi.
133 Ensuite, le PKK n’étaye aucunement son grief tiré de la pertinence du principe d’autodétermination dans le cadre de l’appréciation de la proportionnalité des mesures restrictives décidées par les actes litigieux, si bien qu’il doit, lui aussi, être déclaré irrecevable.
134 Enfin, s’agissant du grief tiré de ce que le Tribunal n’a pas pris en considération l’objectif des mesures restrictives ordonnées et en a ignoré les conséquences prévisibles en omettant de déterminer si les inconvénients causés ne seraient pas disproportionnés par rapport à l’objectif poursuivi, il y a lieu de rappeler que, s’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée au regard de l’objectif que
l’institution compétente entend poursuivre peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Vnesheconombank/Conseil, C‑731/18 P, EU:C:2020:500, point 84).
135 Il convient également de rappeler que les mesures restrictives comportent, par définition, des effets négatifs, en particulier pour les entités visées par celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Vnesheconombank/Conseil, C‑731/18 P, EU:C:2020:500, point 86).
136 Or, l’importance de l’objectif poursuivi par les actes litigieux, à savoir, notamment, la lutte contre le terrorisme, qui s’inscrit dans l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationales, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives (voir, par analogie, arrêt du 25 juin 2020, Vnesheconombank/Conseil, C‑731/18 P, EU:C:2020:500, point 87).
137 Compte tenu de la jurisprudence citée aux points 134 à 136 du présent arrêt, c’est à juste titre que le Tribunal a estimé, au point 209 de l’arrêt attaqué, que, dans la mesure où l’objectif poursuivi par le Conseil en adoptant les actes litigieux était, notamment, la lutte contre le terrorisme, ceux-ci répondaient, de manière cohérente, à cet objectif et ne pouvaient, en tout état de cause, être considérés comme étant manifestement inappropriés au regard dudit objectif.
138 Le requérant n’apportant pas d’argument juridiquement pertinent au soutien de ce grief, celui-ci doit être écarté.
139 Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le cinquième moyen
Argumentation des parties
140 Par son cinquième moyen, le requérant fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré, aux points 221 à 238 de l’arrêt attaqué, que le Conseil s’était acquitté de son obligation de motivation, alors que, comme il a été indiqué dans les moyens précédents du présent pourvoi, il ne ressort pas de façon claire des exposés des motifs des actes litigieux que les événements survenus entre l’année 2015 et l’année 2019, invoqués en lien avec la décision de 2001 du Royaume‑Uni, étayeraient
effectivement cette décision.
141 Pour le requérant, c’est à tort que le Tribunal a considéré que le Conseil s’était acquitté de son obligation de motivation. En effet, ce dernier n’aurait pas tenu compte de l’objectif d’autodétermination et du contexte dans lequel s’inscrit le conflit armé. Il se serait fondé à tort sur les incidents visés par la décision de 2001 du Royaume-Uni. Il aurait, dans le cadre de son réexamen, erronément qualifié les incidents mentionnés dans les actes litigieux d’actes de terrorisme sans suffisamment
avancer les raisons justifiant que l’existence d’une opération militaire puisse établir la persistance d’un risque d’implication dans des activités terroristes. Il n’aurait pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles les actes litigieux devaient être considérés comme étant proportionnés, alors même qu’il avait été informé des conséquences que l’inscription du PKK sur les listes litigieuses était susceptible d’emporter sur la paix ainsi que sur la situation des Kurdes et de leurs
partisans.
142 En outre, le requérant estime que le Tribunal a commis une erreur en constatant, aux points 232 à 238 de l’arrêt attaqué, que, dès lors qu’ils visaient la question du bien-fondé de la motivation, il convenait de rejeter les arguments avancés pour prouver que le Conseil avait méconnu son obligation de motivation en ne vérifiant pas si les incidents examinés par les autorités nationales pouvaient être qualifiés d’actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la
position commune 2001/931 et en ne démontrant pas la pertinence des décisions du Royaume-Uni au regard de l’article 1er, paragraphes 4 et 6, de cette position commune. Cette vérification concernerait non pas seulement le fondement de la motivation, mais aussi l’obligation de motivation elle-même.
143 Le Conseil, soutenu par la République française, le Royaume des Pays‑Bas et la Commission, considère que le cinquième moyen est irrecevable et, en tout cas, non fondé.
Appréciation de la Cour
144 En ce qui concerne la recevabilité du cinquième moyen, il importe de constater que le requérant, en dirigeant ses griefs contre les points 221 à 238 de l’arrêt attaqué, n’indique clairement ni les passages qu’il considère comme étant entachés d’une erreur de droit, à l’exception des griefs dirigés contre les points 232 à 238 de cet arrêt, ni les arguments juridiques invoqués au soutien de sa position. En particulier, il ne précise pas en quoi la jurisprudence de la Cour, citée par le Tribunal,
serait incorrecte. Ainsi, les arguments du requérant visent à obtenir un simple réexamen des requêtes présentées devant le Tribunal, au lieu d’être dirigés contre l’arrêt attaqué pour permettre à la Cour d’effectuer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 48).
145 En effet, certains des arguments invoqués par le requérant dans le cadre de ce moyen visent en réalité à contester l’appréciation portée par le Tribunal non pas sur la motivation des actes litigieux, mais sur l’adéquation des mesures restrictives en cause à leurs objectifs. Or, ces arguments, relatifs à l’objectif d’autodétermination et au contexte dans lequel s’inscrit le conflit armé, aux incidents visés par la décision de 2001 du Royaume-Uni, à la qualification de ceux mentionnés dans les
actes litigieux comme étant des actes de terrorisme et aux raisons pour lesquelles les actes litigieux doivent être considérés comme étant proportionnés, relèvent des autres moyens du pourvoi auxquels le requérant se réfère d’ailleurs expressément et ont été rejetés. Ils sont par conséquent dénués de pertinence dans le cadre du cinquième moyen, tiré de l’insuffisance de motivation.
146 Il convient également de rappeler que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive doit, ainsi que l’a indiqué à juste titre le Tribunal au point 216 de l’arrêt attaqué, identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et
jurisprudence citée).
147 Cependant, comme l’a rappelé le Tribunal au point 217 de l’arrêt attaqué, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à
recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de
comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).
148 En ce qui concerne, plus particulièrement, les actes portant maintien de l’inscription d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel de fonds, le Conseil est tenu de vérifier si, depuis l’inscription initiale ou le précédent réexamen, la situation factuelle n’a pas changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion concernant l’implication de cette personne ou de cette entité dans des activités terroristes (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK,
C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 49 et jurisprudence citée).
149 À cet égard, il convient de préciser que, s’agissant de tels actes, le juge de l’Union est tenu de vérifier, d’une part, le respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et, partant, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués, ce que le Tribunal a d’ailleurs rappelé au point 218 de l’arrêt attaqué, ainsi que, d’autre part, le point de savoir si ces motifs sont étayés, ce qui implique que ce juge s’assure, au titre du contrôle de la légalité au fond de ces
motifs, que ces actes reposent sur une base factuelle suffisamment solide et vérifie les faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend lesdits actes (arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 52 et jurisprudence citée).
150 Cela étant, la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316,
point 55 et jurisprudence citée).
151 À cet égard, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré, au point 236 de l’arrêt attaqué, que le respect par le Conseil de son obligation de vérifier que les faits retenus par les autorités nationales pouvaient être qualifiés d’actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, a été examiné en réponse au moyen tiré de la violation de cette disposition.
152 Il résulte de ce qui précède que les arguments visant à contester le bien‑fondé desdits faits sont, dans le cadre du cinquième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation, dénués de pertinence, de sorte que ce moyen doit être rejeté comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé.
153 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, aucun moyen n’étant accueilli, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
154 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
155 Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et ce dernier ayant succombé en tous ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.
156 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable, mutatis mutandis, à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la Commission, la République française et le Royaume des Pays-Bas, ayant participé à la procédure devant la Cour, supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Le Kurdistan Workers’ Party (PKK) est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.
3) La Commission européenne, la République française et le Royaume des Pays-Bas supportent leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.