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04/02/2025 | CJUE | N°C-158/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, T.G. contre Minister van Sociale Zaken en Werkgelegenheid., 04/02/2025, C-158/23


 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

4 février 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Statut de réfugié ou statut conféré par la protection subsidiaire – Directive 2011/95/UE – Article 34 – Accès aux dispositifs d’intégration – Obligation de réussir, sous peine d’amende, un examen d’intégration civique – Personne bénéficiant d’une protection internationale n’ayant pas réussi un tel examen dans les délais – Obligation de payer une amende – Obligation de supporter l’intégralité des frais des cours

et des examens d’intégration civique –
Possibilité d’obtenir un prêt en vue de payer ces frais »

Dans l’affaire C‑158...

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

4 février 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Statut de réfugié ou statut conféré par la protection subsidiaire – Directive 2011/95/UE – Article 34 – Accès aux dispositifs d’intégration – Obligation de réussir, sous peine d’amende, un examen d’intégration civique – Personne bénéficiant d’une protection internationale n’ayant pas réussi un tel examen dans les délais – Obligation de payer une amende – Obligation de supporter l’intégralité des frais des cours et des examens d’intégration civique –
Possibilité d’obtenir un prêt en vue de payer ces frais »

Dans l’affaire C‑158/23 [Keren] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), par décision du 15 mars 2023, parvenue à la Cour le 15 mars 2023, dans la procédure

T.G.

contre

Minister van Sociale Zaken en Werkgelegenheid,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. T. von Danwitz, vice‑président, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, I. Jarukaitis, A. Kumin et N. Jääskinen et M. Gavalec, présidents de chambre, M. E. Regan (rapporteur), Mme I. Ziemele et M. Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme A. Lamote, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 février 2024,

considérant les observations présentées :

– pour T.G., par Me E. E. M. Bezem, advocate, et Mme S. Rafi, experte,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman, M. H. S. Gijzen et C. Schillemans, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes A. Azéma, J. Hottiaux et M. S. Noë, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 6 juin 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 34 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant T.G. au Minister van Sociale Zaken en Werkgelegenheid (ministre des Affaires sociales et du Travail, Pays-Bas) (ci‑après le « Ministre ») au sujet d’une décision par laquelle ce dernier, d’une part, a imposé une amende d’un montant de 500 euros à T.G., au motif que ce dernier n’avait pas réussi dans le délai imparti l’examen d’intégration civique prévu par le droit néerlandais pour les bénéficiaires d’une protection internationale,
et, d’autre part, a ordonné à T.G. de rembourser le prêt d’un montant de 10000 euros qui lui avait été accordé par les pouvoirs publics néerlandais afin de lui permettre de financer les frais du programme d’intégration civique.

Le cadre juridique

Le droit international

3 La convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Elle a été complétée et amendée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, lui-même entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après la « convention de Genève »).

4 L’article 34 de la convention de Genève, intitulé « Naturalisation », prévoit :

« Les États contractants faciliteront, dans toute la mesure possible, l’assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s’efforceront notamment d’accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure possible, les taxes et les frais de cette procédure. »

Le droit de l’Union

La directive 2003/109/CE

5 L’article 5 de la directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JO 2004, L 16, p. 44), intitulé « Conditions relatives à l’acquisition du statut de résident de longue durée », dispose, à son paragraphe 2 :

« Les États membres peuvent exiger que les ressortissants de pays tiers satisfassent à des conditions d’intégration conformément à leur droit national. »

La directive 2011/95

6 Les considérants 12, 41 et 47 de la directive 2011/95 énoncent :

« (12) L’objectif principal de la présente directive est, d’une part, d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.

[...]

(41) Afin de rendre plus effectif l’exercice par les bénéficiaires d’une protection internationale des droits et avantages prévus dans la présente directive, il est nécessaire de tenir compte de leurs besoins spécifiques et des difficultés d’intégration particulières auxquelles ils sont confrontés. Cette prise en compte ne devrait normalement pas aboutir à un traitement plus favorable que celui accordé par les États membres à leurs propres ressortissants, sans préjudice de la possibilité qu’ont
les États membres de mettre en place ou de maintenir des normes plus favorables.

[...]

(47) Il convient, dans la mesure du possible, de tenir compte des besoins spécifiques et des caractéristiques de la situation des bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire dans les programmes d’intégration qui leur sont proposés, y compris, le cas échéant, les cours de langue et la communication d’informations relatives aux droits et obligations individuels afférents à leur statut de protection dans l’État membre concerné. »

7 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive a pour objet d’établir des normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés et les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et au contenu de cette protection. »

8 Le chapitre VII de ladite directive, intitulé « Contenu de la protection internationale », comporte les articles 20 à 35.

9 L’article 20 de la même directive, intitulé « Règles générales », dispose, à son paragraphe 3 :

« Lorsqu’ils appliquent le présent chapitre, les États membres tiennent compte de la situation spécifique des personnes vulnérables telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents seuls accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique,
physique ou sexuelle. »

10 Aux termes de l’article 24 de la directive 2011/95, intitulé « Titre de séjour » :

« 1.   Dès que possible après qu’une protection internationale a été octroyée, les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut de réfugié un titre de séjour valable pendant une période d’au moins trois ans et renouvelable, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent, et sans préjudice de l’article 21, paragraphe 3.

Sans préjudice de l’article 23, paragraphe 1, il peut être délivré aux membres de la famille des bénéficiaires du statut de réfugié un titre de séjour valable pendant une période de moins de trois ans et renouvelable.

2.   Dès que possible après qu’une protection internationale a été octroyée, les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire et aux membres de leur famille un titre de séjour valable pendant une période d’au moins un an et renouvelable pour une période d’au moins deux ans, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent. »

11 L’article 34 de cette directive, intitulé « Accès aux dispositifs d’intégration », dispose :

« Afin de faciliter l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale dans la société, les États membres leur garantissent l’accès aux programmes d’intégration qu’ils jugent appropriés de manière à tenir compte des besoins spécifiques des bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire, ou créent les conditions préalables garantissant l’accès à ces programmes. »

Le droit néerlandais

12 La Wet houdende algemene regels van bestuursrecht (algemene wet bestuursrecht) [loi fixant les règles générales du droit administratif (loi générale sur le droit administratif)], du 4 juin 1992 (Stb. 1992, no 315), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à son article 3:4 :

« 1.   L’organe administratif met en balance les intérêts directement concernés par la décision, dans les limites tracées par la loi ou par la nature de la compétence à exercer.

2.   Les effets néfastes qu’une décision a pour un ou plusieurs intéressés ne peuvent pas être disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis par la décision. »

13 L’article 5:46 de cette loi, dans sa version applicable au litige au principal, prévoit à son paragraphe 2 :

« À moins que le montant de l’amende administrative ne soit fixé par une disposition légale, l’organe administratif adapte l’amende administrative à la gravité de la contravention et à la mesure dans laquelle celle-ci peut être reprochée au contrevenant. À cette fin, l’organe administratif tient compte, le cas échéant, des circonstances dans lesquelles la contravention a été commise. [...] »

14 La Wet inburgering (loi relative à l’intégration civique), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative à l’intégration civique »), prévoit, à son article 3 :

« Est tenu à l’obligation d’intégration civique le ressortissant étranger qui obtient un séjour régulier, au sens de l’article 8, sous a) et c), de la Wet tot algehele herziening van de Vreemdelingenwet (Vreemdelingenwet 2000) [loi portant révision complète de la loi sur les étrangers (loi de 2000 relative aux étrangers)], du 23 novembre 2000 (Stb. 2000, no 495), et qui :

a. réside aux Pays-Bas dans un but autre que temporaire, ou

b. est un ministre du culte. »

15 L’article 6 de la loi relative à l’intégration civique est libellé comme suit :

« 1.   Notre ministre dispense la personne qui y est tenue de l’obligation d’intégration civique lorsquecelle-ci a établi que, en raison d’un handicap psychique ou physique, ou d’une déficience mentale, elle n’est durablement pas en mesure de réussir l’examen d’intégration civique.

2.   Notre ministre dispense la personne tenue à l’obligation d’intégration civique des volets de l’examen d’intégration civique, visés à l’article 7, paragraphe 2, sous b) et c), si, sur le fondement des efforts démontrés fournis par la personne tenue à cette obligation, il apparaît qu’elle ne peut raisonnablement pas satisfaire à ces volets. »

16 Aux termes de l’article 7 de cette loi :

« 1.   La personne tenue à l’obligation d’intégration civique réussit :

a. l’examen d’intégration civique, ou

b. un diplôme, un certificat ou un autre document, au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous c).

2.   L’examen d’intégration civique comprend les volets suivants :

[...]

b. l’examen des aptitudes orales et écrites en langue néerlandaise correspondant au moins au niveau A 2 du Cadre européen commun de référence pour les langues [(CECR)], et

c. l’examen de la connaissance de la société néerlandaise.

[...]

4.   Notre ministre propose les volets de l’examen d’intégration civique visés au paragraphe 2, sous b) et c). »

17 L’article 7b de ladite loi dispose :

« 1.   La personne tenue à l’obligation d’intégration civique réussit, dans les trois ans, les volets de l’examen d’intégration civique visés à l’article 7, paragraphe 2, sous b) et c).

2.   Le délai de trois ans, visé au paragraphe 1, commence à courir à partir du moment où le ressortissant étranger est tenu à l’obligation d’intégration civique.

3.   Notre ministre prolonge le délai de trois ans, mentionné au paragraphe 1 :

a. si la personne tenue à l’obligation d’intégration civique démontre qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir réussi dans le délai ces volets de l’examen d’intégration civique, ou

b. d’un délai maximal de deux ans non renouvelable, lorsqu’un cours d’alphabétisation est ou a été suivi avant l’expiration de ce délai. »

18 L’article 16 de la même loi est libellé comme suit :

« 1.   Notre ministre accorde, sur demande, un prêt à la personne tenue à l’obligation d’intégration civique s’il est satisfait aux règles, à établir par ou en vertu d’une mesure générale d’administration, en ce qui concerne les conditions auxquelles le prêt est accordé et la manière dont il est accordé et en ce qui concerne la participation, auprès d’un établissement dispensant des cours, à un cours de formation en vue de l’examen d’intégration civique ou d’un diplôme, d’un certificat ou d’un
autre document visé à l’article 5, paragraphe 1, sous c).

2.   Le droit de bénéficier d’un prêt n’existe pas, ou n’existe plus, si la personne tenue à l’obligation d’intégration civique :

[...]

b. n’a pas satisfait à cette obligation six ans après l’expiration du délai visé à l’article 7b, paragraphe 1, ou du délai prolongé en application de l’article 7b, paragraphe 3, ou des règles fixées par ou en vertu de l’article 8, paragraphe 1, partie introductive et sous a).

3.   Le montant du prêt est versé à l’établissement dispensant les cours et au centre d’examen désignés par la personne tenue à l’obligation d’intégration civique.

4.   La personne tenue à l’obligation d’intégration civique ou la personne précédemment tenue à cette obligation rembourse le prêt, augmenté des intérêts calculés selon des règles à fixer par ou en vertu d’une mesure générale d’administration.

[...] »

19 L’article 31 de la loi relative à l’intégration civique prévoit, à son paragraphe 1 :

« Notre ministre inflige une amende administrative à la personne tenue à l’obligation d’intégration civique qui n’a pas réussi les volets de l’examen d’intégration civique visés à l’article 7, paragraphe 2, sous b) et c), dans le délai visé à l’article 7b, paragraphe 1, ou dans le délai prolongé en application de l’article 7b, paragraphe 3, ou des règles fixées en vertu de l’article 8, paragraphe 1, partie introductive et sous a). [...] »

20 L’article 32 de cette loi dispose :

« Dans la décision infligeant l’amende visée à l’article 31, paragraphe 1, notre ministre fixe un nouveau délai de deux ans au maximum, dans lequel la personne tenue à l’obligation d’intégration civique doit, après la communication de la décision infligeant l’amende, finalement réussir les volets de l’examen d’intégration civique visés à l’article 7, paragraphe 2, sous b) et c). »

21 Aux termes de l’article 33 de ladite loi :

« 1.   Notre ministre inflige une amende administrative à la personne tenue à l’obligation d’intégration civique qui n’a pas réussi les volets de l’examen d’intégration civique visés à l’article 7, paragraphe 2, sous b) et c), dans le délai fixé en vertu de l’article 32. L’article 32 s’applique mutatis mutandis.

2.   Tant que la personne tenue à l’obligation d’intégration civique ne réussit pas, après l’expiration du délai fixé en vertu de l’article 32, les volets de l’examen d’intégration civique visés à l’article 7, paragraphe 2, sous b) et c), notre ministre lui inflige une amende administrative tous les deux ans. »

22 Le Besluit inburgering (décret relatif à l’intégration civique), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « décret relatif à l’intégration civique »), prévoit, à son article 2.8a :

« 1.   Notre ministre accorde, sur demande, une dispense de l’obligation d’intégration civique, s’il est d’avis qu’une personne tenue à cette obligation a, de manière démontrable, à suffisance accompli le programme d’intégration civique. [...] »

23 L’article 4.1a du décret relatif à l’intégration civique dispose :

« 1.   Sous réserve des dispositions de l’article 16, paragraphe 2, de la loi [relative à l’intégration civique], un prêt d’un montant maximal de 10000 euros peut être accordé à la personne tenue à l’obligation d’intégration civique pour couvrir les frais afin de :

a. suivre un cours de formation aux volets, visés à l’article 7, paragraphe 2, sous b) et c), de cette loi, de l’examen d’intégration civique ou de l’examen d’État de langue néerlandaise comme deuxième langue I ou II, tel que visé à l’article 7.3.1, paragraphe 1, sous c), de la Wet houdende bepalingen met betrekking tot de educatie en het beroepsonderwijs (Wet educatie en beroepsonderwijs) [loi contenant des dispositions relatives à l’éducation et à la formation professionnelle (loi sur
l’enseignement et l’enseignement professionnel)], du 31 octobre 1995 (Stb. 1995, no 501) ;

b. passer l’examen d’État, visé au point a), ou l’examen d’intégration civique ; ou

c. suivre un cours d’alphabétisation.

2.   Le montant du prêt est déterminé sur la base du montant des revenus de référence, à calculer conformément à l’article 8, paragraphes 1, 2, 3 et 5, de l’Algemene wet inkomensafhankelijke regelingen (loi générale relative aux régimes fondés sur des conditions de ressources), du 23 juin 2005 (Stb. 2005, 345), de la personne tenue à l’obligation d’intégration civique et de son partenaire, tel que visé à l’article 3 de cette loi générale.

3.   Le paragraphe 2 ne s’applique pas à la personne tenue à l’obligation d’intégration civique, visée au paragraphe 1, qui effectue un séjour régulier sur le fondement d’un :

a. permis de séjour à durée déterminée au titre de l’asile ; ou

[...]

4.   Le prêt destiné à suivre un cours n’est accordé que si la personne tenue à l’obligation d’intégration civique suit un cours auprès d’un établissement dispensant des cours qui est titulaire d’un certificat, tel que visé à l’article 9, paragraphe 1, de la loi [relative à l’intégration civique] ou d’un label visé à l’article 12a, paragraphe 1, de cette loi. »

24 L’article 4.2 du décret relatif à l’intégration civique est libellé comme suit :

« 1.   Sous réserve des dispositions de l’article 16, paragraphe 1, deuxième phrase, de la loi [relative à l’intégration civique], la personne tenue à l’obligation d’intégration civique a droit au bénéfice du prêt pendant le délai visé [à l’article] 7b, paragraphe 1, de cette loi, pendant le délai prolongé visé [à l’article] 7b, paragraphe 3, [...] de ladite loi et pendant le délai indiqué dans la décision infligeant l’amende, visé aux articles 29 et 32 de la même loi. »

25 L’article 4.6 de ce décret prévoit :

« 1.   Le délai de remboursement est de dix ans au maximum. [...] »

26 L’article 4.9 dudit décret dispose :

« Si le débiteur n’est pas en mesure de payer la mensualité déterminée conformément à l’article 4.8, il peut introduire une demande auprès de notre ministre afin de déterminer sa capacité financière pour la période de remboursement restante. »

27 Aux termes de l’article 4.13 du même décret :

« 1.   La dette peut, à la demande de la personne tenue à l’obligation d’intégration civique, faire l’objet d’une remise de dette, en tout ou en partie, accordée par notre ministre dans les cas à désigner par un règlement de notre ministre. [...]

3.   Il est accordé d’office une remise intégrale de la dette aux ressortissants étrangers, tels que visés à l’article 4.1a, paragraphe 3, qui sont tenus à l’obligation d’intégration civique depuis le 1er janvier 2013 ou après cette date, si :

a. le parcours aboutissant à la déclaration de participation visé à l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la loi [relative à l’intégration civique] a été mené à bien et les volets de l’examen d’intégration civique visés à l’article 7, paragraphe 2, sous b) et c), de cette loi, ont été réussis ;

b. une exonération de l’obligation d’intégration civique est applicable en vertu de l’article 5 de la loi [relative à l’intégration civique] ; ou

c. il est accordé une dispense de l’obligation d’intégration civique, comme visée à l’article 6, paragraphes 1 à 3, de la loi [relative à l’intégration civique].

4.   La remise de dette, visée au paragraphe 3, n’est accordée que si la circonstance visée aux points a), b) ou c) de celui-ci est survenue au cours du délai visé à l’article 7a, paragraphe 1, de la loi [relative à l’intégration civique] ou du délai visé à l’article 7b, paragraphe 1, de cette loi, ou du délai prolongé par application de l’article 7a, paragraphe 3, de ladite loi ou de l’article 7b, paragraphe 3, de celle-ci, ou par ou en vertu de l’article 8, paragraphe 1, partie introductive et
sous a), de la même loi. »

28 La Regeling inburgering (règlement relatif à l’intégration civique), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à son article 3.1 :

« Les frais d’examen visés à l’article 3.3, paragraphe 1, du décret relatif à l’intégration civique s’élèvent à :

a. 50,00 euros pour chacun des volets de l’examen d’intégration civique visés à l’article 3.9, paragraphe 2, sous a) à c), de ce décret ;

b. 60,00 euros pour le volet de l’examen d’intégration civique visé à l’article 3.9, paragraphe 2, sous d), de celui-ci ;

c. 40,00 euros pour le volet de l’examen d’intégration civique visé à l’article 3.9, paragraphe 3, sous a), dudit décret ;

d. 40,00 euros pour le volet de l’examen d’intégration civique visé à l’article 3.9, paragraphe 3, sous b), du même décret. [...] »

29 Les Beleidsregel boetevaststelling inburgering (lignes directrices en matière de détermination des amendes dans le contexte de l’intégration civique), dans leur version applicable au litige au principal, prévoient, à leur article 1er :

« Aux fins de la détermination du montant de l’amende visé à l’article 34, partie introductive et sous c) et d), de la [loi relative à l’intégration civique], il est tenu compte de ce qui suit :

a. le nombre d’heures pendant lesquelles la personne tenue à l’obligation d’intégration civique a participé à un cours d’intégration civique ou à un cours de langue néerlandaise comme deuxième langue auprès d’une institution portant le label Blik op Werk ;

b. le nombre de fois où la personne tenue à l’obligation d’intégration civique a passé les volets de l’examen d’intégration civique ou de l’examen d’État de langue néerlandaise comme deuxième langue ;

c. le nombre de volets de l’examen d’intégration civique ou de l’examen d’État de langue néerlandaise comme deuxième langue que la personne tenue à l’obligation d’intégration civique a réussis.

2.   Le montant de l’amende est déterminé sur la base du tableau des amendes, tel qu’il figure à l’annexe des présentes lignes directrices. »

30 Le tableau prévu à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe de ces lignes directrices vise à déterminer le montant de l’amende en fonction du nombre d’heures, suivies par l’intéressé, de cours d’intégration civique ou de cours de langue néerlandaise comme deuxième langue et du nombre de fois où celui-ci a présenté des volets de l’examen d’intégration civique ou de l’examen d’État de langue néerlandaise comme deuxième langue. Cette disposition précise également ce qui suit :

« Une personne qui a participé pendant au moins 300 heures à un cours d’intégration civique ou à un cours de langue néerlandaise comme deuxième langue et qui a présenté au moins deux fois les volets non réussis de l’examen d’intégration civique ou de l’examen d’État de langue néerlandaise comme deuxième langue peut bénéficier d’une prolongation du délai d’intégration civique sur le fondement de l’article 2.4c, paragraphe 1, du règlement relatif à l’intégration civique pour un dépassement, ne
pouvant lui être reproché, du délai d’intégration civique. Dans ce cas, aucune amende n’est appliquée. »

31 En vertu de cet article 1er, paragraphe 2, le montant de l’amende établie sur la base de ce tableau est réduit en fonction de la réussite des volets de l’examen d’intégration civique ou de l’examen d’État de langue néerlandaise comme deuxième langue de la manière suivante :

« 1volet   de l’examen réussi : → 20 % de réduction du montant de l’amende ;

2volets   de l’examen réussis : → 40 % de réduction du montant de l’amende ;

3volets   de l’examen réussis : → 60 % de réduction du montant de l’amende ;

4volets   ou plus de l’examen réussis : → 80 % de réduction du montant de l’amende. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

32 Le requérant au principal, de nationalité érythréenne, est arrivé aux Pays-Bas à l’âge de 17 ans et, par la suite, a été reconnu comme bénéficiaire d’une protection internationale. Le 8 janvier 2016, lorsque le requérant au principal avait atteint l’âge de 18 ans, le Ministre l’a informé que, à compter du 1er février suivant, il était tenu à l’obligation d’intégration civique en vertu de la loi relative à l’intégration civique, ce qui signifiait qu’il devait réussir, en principe dans les
trois ans, tous les volets de l’examen d’intégration civique. Le Ministre a prolongé ce délai à plusieurs reprises, en dernier lieu jusqu’au 1er février 2020, au motif que le requérant au principal avait séjourné durablement dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile et avait suivi une formation. Par la suite, le requérant au principal s’est inscrit à plusieurs cours et examens d’intégration civique. Toutefois, il ne s’est pas présenté à certains cours et examens et il n’a pas réussi ceux
auxquels il était présent.

33 Par une décision du 31 mars 2020, le Ministre a infligé au requérant au principal une amende d’un montant de 500 euros et a décidé que celui‑ci devait rembourser intégralement le prêt qu’il avait contracté auprès du Dienst Uitvoering Onderwijs (Service de mise en application de l’enseignement, Pays‑Bas), lequel s’élevait à un montant de 10000 euros, au motif qu’il n’avait pas accompli le programme d’intégration civique dans le délai prévu.

34 Par une décision du 25 février 2021, le Ministre a déclaré non fondée la réclamation introduite par le requérant au principal contre sa décision du 31 mars 2020.

35 Par un arrêt du 4 novembre 2021, le rechtbank (tribunal de première instance, Pays-Bas) saisi a déclaré non fondé le recours introduit par le requérant au principal contre cette décision du 25 février 2021. Cette juridiction a jugé, en effet, que la réglementation nationale en cause au principal ne méconnaissait pas l’article 34 de la directive 2011/95, dès lors qu’elle mettait en place un régime offrant des possibilités de prolongation, d’exonérations et de dispenses permettant d’adopter une
approche sur mesure si cela était nécessaire. Le prêt accordé pourrait, en outre, être remboursé en fonction de la capacité financière de l’intéressé. Le principe de proportionnalité n’aurait pas été violé, étant donné que le Ministre avait tenu compte de toutes les circonstances invoquées et qu’il les avait mises en balance. Selon ladite juridiction, le Ministre aurait tenu suffisamment compte de la situation personnelle du requérant au principal en prolongeant le délai d’intégration civique de
trois à quatre ans et en réduisant le montant de l’amende infligée. Enfin, la même juridiction a jugé, par renvoi à l’arrêt du 4 juin 2015, P et S (C‑579/13, EU:C:2015:369), que le montant de cette amende n’était pas trop élevé et que le Ministre ne devait pas renoncer à infliger ladite amende ou à se prévaloir de l’obligation de remboursement du prêt.

36 Le 2 décembre 2021, soit un an et dix mois après l’expiration du délai d’intégration civique, le requérant au principal a été dispensé de l’obligation d’intégration civique, parce que, selon le Ministre, il avait, à ce moment‑là, fait suffisamment d’efforts afin d’accomplir le programme d’intégration civique. Cette dispense est, cependant, sans préjudice de son obligation de payer l’amende et de rembourser le prêt.

37 Le requérant au principal a introduit un pourvoi devant le Raad van State (Conseil d’État, Pays‑Bas), qui est la juridiction de renvoi, contre l’arrêt du 4 novembre 2021.

38 Dans le cadre de son pourvoi, le requérant au principal fait valoir que l’article 34 de la directive 2011/95 a été incorrectement transposé dans le droit néerlandais. Il résulterait, en effet, de cet article un droit positif à l’intégration, alors que le montant élevé de l’amende et l’obligation de remboursement du prêt prévus dans le droit néerlandais entraveraient, au contraire, cette intégration. Les frais élevés prévus dans ce droit constitueraient également une entrave à l’accès aux
programmes d’intégration. En outre, dans ledit droit, il serait insuffisamment tenu compte des besoins spécifiques et des difficultés d’intégration particulières des bénéficiaires d’une protection internationale. Pour ces raisons, notamment, le Ministre aurait dû renoncer à infliger une amende et à demander le remboursement du prêt en l’occurrence.

39 Selon le Ministre, la directive 2011/95 ne fait pas obstacle au régime d’intégration civique prévu par le droit néerlandais dès lors que le requérant au principal aurait eu la possibilité de participer à des programmes d’intégration, comme l’exigerait l’article 34 de cette directive. Il résulterait, de surcroît, de l’arrêt du 4 juin 2015, P et S (C‑579/13, EU:C:2015:369), qu’une amende, en tant qu’incitation à accomplir le programme d’intégration civique, est acceptable et que l’amende infligée
au requérant au principal est appropriée et nécessaire. Le fait que le requérant au principal doive rembourser l’intégralité du prêt ne serait pas déraisonnable. Par sa nature, un prêt devrait être remboursé dans son intégralité et le requérant au principal n’aurait été dispensé de l’obligation d’intégration civique que bien après l’expiration du délai imparti.

40 Compte tenu des moyens soulevés devant elle, la juridiction de renvoi se demande si l’article 34 de la directive 2011/95 s’oppose à l’imposition d’une obligation d’intégration civique aux bénéficiaires d’une protection internationale, qui comporte l’obligation de réussir, sous peine d’amende, les examens concernés, en principe, dans un délai de trois ans, et au fait que les frais des programmes d’intégration soient supportés par les personnes tenues à cette obligation.

41 S’agissant, en premier lieu, de l’obligation d’intégration civique, la juridiction de renvoi fait observer que la Cour a, certes, considéré, au point 48 de l’arrêt du 4 juin 2015, P et S (C‑579/13, EU:C:2015:369), qu’une obligation de réussir un examen d’intégration civique permet d’assurer l’acquisition par les ressortissants de pays tiers concernés de connaissances qui sont incontestablement utiles pour établir des liens avec l’État membre d’accueil et qu’une telle obligation, assortie d’une
amende, peut participer à la réalisation des objectifs poursuivis par la directive 2003/109. Toutefois, la juridiction de renvoi hésite à transposer ces enseignements dans l’affaire au principal, étant donné que cette directive accorde, à son article 5, paragraphe 2, la faculté aux États membres d’imposer une obligation d’intégration, alors qu’une telle faculté n’est pas prévue par la directive 2011/95. Une autre différence entre ces deux textes réside dans le fait que cette dernière directive
concerne des personnes qui ont besoin d’une protection, mais qui ne souhaitent pas nécessairement s’installer durablement dans l’État membre d’accueil.

42 Par ailleurs, la juridiction de renvoi observe, d’une part, qu’il semble découler du point 95 de l’arrêt du 24 juin 2015, T. (C‑373/13, EU:C:2015:413), que les États membres ne disposent d’aucun pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser les avantages substantiels garantis par la directive 2011/95, parmi lesquels figure le droit d’accès aux programmes d’intégration. Toutefois, se poserait la question de savoir si une obligation d’intégration constitue une restriction à ce droit ou si elle
ne fait que garantir que les personnes concernées s’intègrent effectivement.

43 D’autre part, cette juridiction souligne que, dans sa proposition de règlement visant à remplacer la directive 2011/95 [proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2016, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu [de]
cette protection, et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée [COM(2016) 466 final]], la Commission européenne a introduit une disposition qui prévoit expressément que « [l]es États membres peuvent rendre obligatoire la participation [aux] mesures d’intégration ». Se poserait ainsi la question de savoir s’il doit en être déduit qu’une telle obligation n’est pas encore prévue par la
directive 2011/95 ou si cette proposition ne fait que consacrer une faculté déjà existante.

44 Dans le cas où une obligation d’intégration civique pourrait être imposée, la juridiction de renvoi considère que, en principe, le Ministre est en droit d’assortir cette obligation d’une amende, pour autant que cette dernière soit proportionnée.

45 En deuxième lieu, en ce qui concerne les frais des programmes d’intégration, la juridiction de renvoi est d’avis que le fait d’imposer le paiement de l’intégralité de ces frais aux bénéficiaires d’une protection internationale est contraire à l’article 34 de la directive 2011/95, compte tenu du montant élevé desdits frais et de la capacité financière généralement limitée de ces bénéficiaires. La possibilité de demander un prêt afin de financer les mêmes frais n’y changerait rien. S’il pourrait
être soutenu que les bénéficiaires d’une protection internationale ont eux‑mêmes le contrôle sur l’accomplissement, dans le délai, des programmes concernés et donc sur l’obligation de rembourser le prêt, il n’en reste pas moins que cet article 34 imposerait aux États membres de garantir l’accès aux programmes d’intégration pour tous les bénéficiaires d’une protection internationale. La juridiction de renvoi ajoute que le fait que les personnes concernées puissent obtenir un aménagement des
modalités de paiement ne semble pas revêtir la moindre importance, étant donné que l’obligation de remboursement d’une dette importante subsiste pendant une période pouvant aller jusqu’à dix ans, ce qui peut entraver l’intégration effective dans l’État membre d’accueil.

46 En troisième lieu, se poserait la question de savoir si le niveau des montants de l’amende et du prêt compromet la réalisation de l’objectif et l’effet utile de l’article 34 de la directive 2011/95. À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que l’organe administratif et, le cas échéant, le juge national sont tenus de réduire l’amende si cela est nécessaire afin de la rendre proportionnée. Toutefois, le prêt, lequel pourrait être accordé jusqu’à hauteur d’un montant de 10000 euros, pourrait,
avec l’amende, être considéré comme excédant ce qui est nécessaire afin d’atteindre l’objectif poursuivi à cet article 34, à savoir faciliter l’intégration. Si l’aménagement des modalités de remboursement dans le cadre duquel il est tenu compte de la capacité financière de la personne concernée pourrait atténuer cela, la prise en compte de cette capacité financière pourrait également constituer une incitation négative pour elle à travailler, ce qui nuit à l’intégration de cette personne.

47 Dans ces conditions, le Raad van State (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 34 de la directive [2011/95] doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à une réglementation nationale telle que celle prévue à l’article 7b de la [loi relative à l’intégration civique], en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une protection internationale ont l’obligation de réussir, sous peine d’amende, un examen d’intégration civique ?

2) L’article 34 de la directive [2011/95] doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à une réglementation nationale ayant pour principe que les bénéficiaires d’une protection internationale supportent eux-mêmes l’intégralité des frais des programmes d’intégration ?

3) Le fait que les bénéficiaires d’une protection internationale puissent obtenir un prêt des pouvoirs publics en vue de payer les frais des programmes d’intégration et qu’il leur soit accordé une remise de dette pour ce prêt en cas de réussite, dans le délai, de leur examen d’intégration civique ou en cas d’exonération ou de dispense, dans le délai, de l’obligation d’intégration civique a-t-il une incidence sur la réponse à la deuxième question ?

4) Si l’article 34 de la directive [2011/95] permet d’imposer aux bénéficiaires d’une protection internationale une obligation de réussir, sous peine d’amende, un examen d’intégration civique et permet de leur faire supporter l’intégralité des frais des programmes d’intégration, le montant du prêt à rembourser, conjointement ou non avec l’amende, compromet-il la réalisation de l’objectif et l’effet utile de l’article 34 de [cette directive] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

48 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 34 de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une protection internationale ont l’obligation de réussir, sous peine d’amende, un examen d’intégration civique.

49 Ainsi que la Cour l’a jugé, les bénéficiaires d’une protection internationale, aussi longtemps qu’ils possèdent ce statut, doivent bénéficier des droits qui leur sont garantis par la directive 2011/95, parmi lesquels figure le droit à l’accès aux programmes d’intégration prévu à l’article 34 de cette directive (voir, par analogie, arrêt du 24 juin 2015, T., C‑373/13, EU:C:2015:413, points 95 et 97).

50 Afin de déterminer si l’article 34 de la directive 2011/95 s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, il y a lieu de tenir compte des termes de celui-ci, du contexte dans lequel il s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2024, Sagrario, C‑63/23, EU:C:2024:739, point 37 et jurisprudence citée).

51 S’agissant, tout d’abord, des termes employés à l’article 34 de la directive 2011/95, il résulte de ceux-ci que, afin de faciliter l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale dans la société, les États membres leur garantissent l’accès aux programmes d’intégration qu’ils jugent appropriés de manière à tenir compte des besoins spécifiques des bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire, ou créent les conditions préalables garantissant
l’accès à ces programmes.

52 Par conséquent, si cet article impose aux États membres de garantir aux bénéficiaires d’une protection internationale un accès aux programmes d’intégration qu’ils jugent appropriés afin de tenir compte de leurs besoins spécifiques, son libellé ne permet pas, en revanche, de déterminer si un État membre peut rendre obligatoire la participation à un programme d’intégration, voire la réussite, sous peine d’amende, à l’examen qui y est afférent.

53 Ensuite, en ce qui concerne le contexte dans lequel l’article 34 de la directive 2011/95 s’inscrit, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er de cette directive, celle-ci a pour objet d’établir des normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés et les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et au contenu de cette
protection.

54 Ce contenu de la protection internationale fait l’objet du chapitre VII de la directive 2011/95, qui comporte un certain nombre de droits et d’avantages, parmi lesquels figurent, outre l’accès aux programmes d’intégration visé à cet article 34, notamment l’accès aux informations (article 22 de la directive 2011/95), l’accès à l’emploi (article 26 de cette directive), l’accès à l’éducation (article 27 de ladite directive), l’accès aux procédures de reconnaissance des qualifications (article 28 de
la même directive), la protection sociale (article 29 de la directive 2011/95), les soins de santé (article 30 de cette directive), l’accès au logement (article 32 de ladite directive) et la liberté de circulation à l’intérieur de l’État membre (article 33 de la même directive).

55 Or, si ces autres droits et avantages contribuent également à assurer une intégration effective du bénéficiaire d’une protection internationale dans la société de l’État membre d’accueil, il est constant que leur exercice est, quant à lui, facilité, voire, en substance, conditionné, par le fait que l’intéressé a pu acquérir, grâce aux programmes d’intégration visés audit article 34, les connaissances, notamment linguistiques, nécessaires.

56 L’acquisition de ces connaissances et, partant, la participation à ces programmes des bénéficiaires d’une protection internationale qui n’ont pas encore lesdites connaissances constituent donc un moyen important à la fois pour assurer l’intégration de ces personnes dans la société de l’État membre d’accueil et pour leur permettre d’exercer effectivement les droits et avantages prévus par la directive 2011/95.

57 Il convient toutefois de relever qu’il ressort notamment des considérants 41 et 47 de la directive 2011/95, à la lumière desquels l’article 34 de celle-ci doit être lu, qu’il est nécessaire de tenir compte des besoins spécifiques des bénéficiaires d’une protection internationale et des difficultés d’intégration particulières auxquelles ils sont confrontés et qu’il convient, dans la mesure du possible, de tenir compte de ces besoins spécifiques et des caractéristiques de leur situation dans les
programmes d’intégration qui leur sont proposés, y compris, le cas échéant, les cours de langue.

58 En outre, ainsi qu’il ressort de la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Plan d’action pour l’intégration des ressortissants de pays tiers [COM(2016) 377 final, p. 4], les besoins d’intégration individuels peuvent varier en fonction, notamment, de la durée prévisible du séjour de l’intéressé.

59 À cet égard, il ressort de l’article 24 de la directive 2011/95 que, en principe, la durée du titre de séjour que l’État membre d’accueil est tenu de délivrer aux bénéficiaires du statut de réfugié, d’une part, et aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire, d’autre part, est, respectivement, d’au moins trois ans, renouvelable, et d’au moins un an, renouvelable. Les personnes bénéficiant de l’un ou de l’autre de ces statuts sont donc susceptibles de rester sur le territoire
de l’État membre d’accueil pour une période suffisamment longue pour que législateur de l’Union veuille assurer une intégration effective de celles‑ci dans la société de l’État membre d’accueil. Il en va, en particulier, ainsi lorsque ces bénéficiaires sont installés ou ont vocation à s’installer durablement au sein de l’Union européenne.

60 Dans ce contexte, il importe également de rappeler que l’article 34 de la convention de Genève, dans le respect duquel l’article 34 de la directive 2011/95 doit être interprété [voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, M e.a. (Révocation du statut de réfugié), C-391/16, C-77/17 et C‑78/17, EU:C:2019:403, point 74], dispose que les États contractants faciliteront, dans toute la mesure possible, l’assimilation et la naturalisation des réfugiés, l’intégration de ces derniers étant ainsi vue, dans ce
cadre, comme étant une étape logique vers leur éventuelle naturalisation par l’État membre d’accueil.

61 Enfin, quant à l’objectif poursuivi par l’article 34 de la directive 2011/95 ainsi que, plus généralement, par cette dernière, il ressort des termes mêmes de cet article qu’il vise à faciliter l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale dans la société de l’État membre d’accueil, tandis que cette directive vise, ainsi qu’il ressort du considérant 12 de celle-ci, à assurer l’application de critères communs pour l’identification des personnes ayant besoin d’une protection
internationale ainsi qu’un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres. Les États membres ne sauraient, dès lors, transposer cet article 34 d’une manière qui porte atteinte à ces objectifs.

62 Il découle de l’interprétation contextuelle et téléologique de l’article 34 de la directive 2011/95, retenue aux points 53 à 61 du présent arrêt, que, si les États membres jouissent d’une marge d’appréciation pour décider du contenu des programmes d’intégration, visés à cet article, ainsi que des modalités pratiques d’organisation de ces programmes et des obligations susceptibles d’être mises à la charge des participants dans ce cadre, cette marge d’appréciation ne doit pas être utilisée d’une
manière qui porterait atteinte aux objectifs mentionnés au point 61 du présent arrêt ou à l’effet utile de cette directive ou qui méconnaîtrait le principe de proportionnalité. Conformément à ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, les moyens mis en œuvre par la réglementation nationale transposant ledit article 34 doivent être de nature à permettre de réaliser les objectifs visés au même article et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour les
atteindre (voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2015, K et A, C‑‑153/14, EU:C:2015:453, points 50 et 51).

63 Partant, les États membres sont tenus d’assurer que le contenu des programmes d’intégration, visés à l’article 34 de la directive 2011/95, ainsi que les modalités pratiques d’organisation de ces programmes et les obligations susceptibles d’être mises à la charge des participants dans ce cadre n’entravent pas de manière disproportionnée l’accès effectif par les bénéficiaires d’une protection internationale auxdits programmes ou bien l’exercice effectif par ces personnes des autres droits et
avantages qu’elles tirent de cette directive, auquel cas les objectifs de celle-ci et de son article 34 seraient compromis.

64 C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner la première question.

65 S’agissant de l’obligation en cause au principal, il ne saurait être contesté que, ainsi qu’il est relevé aux points 55 et 56 du présent arrêt, l’acquisition de connaissances tant de la langue que de la société de l’État membre d’accueil favorise l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale dans la société de l’État membre d’accueil, en assurant la communication entre ces bénéficiaires et les ressortissants nationaux et en favorisant l’interaction et le développement de
rapports sociaux entre ceux-ci. Il ne saurait non plus être contesté que l’acquisition de la connaissance de la langue de l’État membre d’accueil rend moins difficile l’exercice par lesdites personnes des droits et avantages qu’elles tirent de la directive 2011/95, en particulier l’accès au marché du travail et à la formation professionnelle (voir, par analogie, arrêts du 4 juin 2015, P et S, C‑579/13, EU:C:2015:369, point 47, ainsi que du 9 juillet 2015, K et A, C‑153/14, EU:C:2015:453,
point 53).

66 Dans cette perspective, dans la mesure où la participation des bénéficiaires d’une protection internationale, qui n’ont pas encore ces connaissances, aux programmes d’intégration et la réussite d’un examen d’intégration civique permettent d’assurer l’acquisition par ces bénéficiaires des connaissances qui sont incontestablement utiles pour favoriser leur intégration dans la société de l’État membre d’accueil et l’exercice des droits et avantages conférés par la directive 2011/95, il y a lieu de
considérer qu’une réglementation nationale prévoyant l’obligation de suivre de tels programmes et de réussir l’examen qui y est afférent est compatible avec l’article 34 de cette directive, pour autant qu’elle respecte les conditions rappelées aux points 62 et 63 du présent arrêt.

67 Or, une telle réglementation porterait atteinte au droit conféré aux bénéficiaires d’une protection internationale à l’article 34 de la directive 2011/95 et ne serait pas de nature à permettre de réaliser l’objectif poursuivi par cet article si elle ne tenait pas compte, s’agissant du contenu des programmes d’intégration ainsi que des modalités pratiques d’organisation de ces programmes et des obligations susceptibles d’être mises à la charge des participants dans ce cadre, des circonstances
spécifiques caractérisant leur situation, en particulier en ce qui concerne le niveau des connaissances exigible pour réussir l’examen d’intégration civique et l’accessibilité aux cours et au matériel nécessaire pour préparer cet examen.

68 En effet, l’importance de la prise en compte, par les États membres, des besoins spécifiques et de la situation personnelle des bénéficiaires d’une protection internationale, tout comme des difficultés d’intégration particulières auxquelles ces derniers sont confrontés, découle des termes mêmes de l’article 34 de la directive 2011/95 ainsi que des considérants 41 et 47 de celle-ci, lesquels soulignent qu’une telle appréciation individualisée est nécessaire afin de rendre effectif l’exercice par
les personnes concernées des droits et avantages qu’elles tirent de cette directive et, par là même, de faciliter une intégration rapide et réussie de ces personnes.

69 La nécessité de tenir compte, dans ce contexte, des circonstances personnelles et très variables des bénéficiaires d’une protection internationale s’impose d’autant plus eu égard à la vulnérabilité particulière de ceux-ci, ce qui justifie précisément l’octroi de cette protection. En outre, l’article 20, paragraphe 3, de la directive 2011/95 prévoit que, lorsqu’ils appliquent le chapitre VII de cette directive, les États membres tiennent compte de la situation spécifique des personnes vulnérables
telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents seuls accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle.

70 Ainsi, les mesures d’intégration visées à l’article 34 de la directive 2011/95 doivent avoir pour but non pas de pénaliser les bénéficiaires d’une protection internationale rencontrant des difficultés à acquérir les connaissances qui ont vocation à être transmises au moyen des programmes d’intégration, mais de faciliter l’intégration de ces bénéficiaires dans la société des États membres, en fonction de leurs capacités individuelles.

71 En particulier, des circonstances individuelles particulières, telles que l’âge, le niveau d’éducation, la situation financière ou l’état de santé de la personne concernée, doivent être prises en considération, également en vue de la dispenser de l’obligation de réussir un examen tel que celui en cause au principal, lorsque, en raison de ces circonstances, cette personne n’est pas en mesure de se présenter à cet examen ou de réussir celui-ci. Ainsi, dans le cas où il échouerait audit examen en
raison de telles circonstances, le bénéficiaire d’une protection internationale devrait être en mesure d’apporter la preuve des efforts raisonnables qu’il a déployés afin de réussir le même examen.

72 En outre, tout bénéficiaire d’une protection internationale devrait être dispensé de l’obligation de réussir cet examen dans le cas où il serait en mesure de démontrer, eu égard aux conditions de vie et aux circonstances caractérisant son séjour dans l’État membre d’accueil, qu’il est déjà effectivement intégré dans la société de celui‑ci

73 Au demeurant, les connaissances requises pour réussir un tel examen devraient être fixées à un niveau élémentaire, sans excéder ce qui est nécessaire pour favoriser l’intégration des bénéficiaires de la protection internationale dans la société de l’État membre d’accueil. Ainsi, il faut tenir compte de la situation particulière de ces personnes, notamment lorsque lesdites personnes ne sont pas encore installées durablement dans cet État membre.

74 En tout état de cause, le fait d’avoir échoué à un tel examen ne saurait être systématiquement sanctionné par une amende. Une telle sanction ne saurait être infligée que dans des cas exceptionnels, tels que ceux témoignant, sur la base d’éléments objectifs, d’une absence avérée et persistante de volonté d’intégration du bénéficiaire concerné. En outre, une telle amende ne saurait, en tout état de cause, être d’un montant à ce point élevé qu’elle ferait peser une charge financière déraisonnable
sur le bénéficiaire concerné, compte tenu de sa situation personnelle et familiale.

75 En l’occurrence, l’amende prévue par la réglementation néerlandaise en cause au principal s’applique de manière systématique et peut atteindre 1250 euros. Or, une telle mesure apparaît comme étant manifestement disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi par cette réglementation.

76 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 34 de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui oblige les bénéficiaires d’une protection internationale à réussir un examen d’intégration civique, à condition que :

– la mise en œuvre de cette obligation permette une réelle prise en compte des besoins spécifiques et des caractéristiques de la situation de ces bénéficiaires ainsi que des difficultés d’intégration particulières auxquelles ceux‑ci sont confrontés ;

– les connaissances requises pour réussir cet examen soient fixées à un niveau approprié, sans excéder ce qui est nécessaire pour favoriser l’intégration desdits bénéficiaires dans la société de l’État membre d’accueil ;

– tout bénéficiaire d’une protection internationale soit dispensé de l’obligation de réussir cet examen dans le cas où il serait en mesure de démontrer, eu égard aux conditions de vie et aux circonstances caractérisant son séjour dans l’État membre d’accueil, qu’il est déjà effectivement intégré dans la société de celui‑ci.

En revanche, cet article 34 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le fait d’avoir échoué à un tel examen soit systématiquement sanctionné par une amende tout comme à ce que cette amende puisse être d’un montant tel qu’elle constitue une charge financière déraisonnable pour la personne concernée, compte tenu de sa situation personnelle et familiale.

Sur les deuxième à quatrième questions

77 Par ses deuxième à quatrième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 34 de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une protection internationale supportent eux‑mêmes l’intégralité des frais des cours et des examens d’intégration civique. Elle demande également si le fait que ces bénéficiaires puissent obtenir un prêt des pouvoirs
publics en vue de payer ces frais et qu’il leur soit accordé une remise de dette pour ce prêt en cas de réussite, dans le délai prévu, de leur examen d’intégration civique ou en cas d’exonération ou de dispense, dans ce délai, de l’obligation d’intégration civique a une incidence à cet égard.

78 À titre liminaire, il convient de faire observer que le libellé de l’article 34 de la directive 2011/95 impose aux États membres de garantir l’accès aux programmes d’intégration qu’ils jugent appropriés ou de créer les conditions préalables garantissant l’accès à ces programmes, sans exclure expressément la possibilité, pour ces États, de faire supporter par les bénéficiaires de la protection internationale les frais qui y sont afférents.

79 Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 62 et 63 du présent arrêt, les États membres, tout en jouissant d’une marge d’appréciation, sont tenus d’assurer que le contenu de ces programmes ainsi que les modalités pratiques d’organisation de ceux-ci et les obligations susceptibles d’être mises à la charge des participants dans ce cadre n’entravent pas de manière disproportionnée l’accès effectif par ces bénéficiaires auxdits programmes ou bien l’exercice effectif par ces personnes des autres droits
et avantages qu’elles tirent de cette directive.

80 À cet égard, il y a lieu de considérer que, compte tenu des besoins spécifiques des bénéficiaires d’une protection internationale, des caractéristiques de leur situation ainsi que de leur vulnérabilité particulière, le principe de proportionnalité et l’effet utile du droit d’accès aux programmes d’intégration prévu à l’article 34 de la directive 2011/95 s’opposent à ce que les États membres fassent supporter à ces bénéficiaires les frais afférents aux mesures d’intégration rendues obligatoires.
De telles mesures devraient donc, en principe, être gratuites. Cela étant, ni le principe de proportionnalité ni l’effet utile de cet article 34 ne s’opposent à ce que les États membres imposent, le cas échéant, aux bénéficiaires d’une protection internationale disposant de moyens financiers suffisants une contribution financière qui ne soit pas déraisonnable.

81 Or, en l’occurrence, il ressort des éléments dont dispose la Cour que la réglementation nationale en cause au principal impose, en principe, à tous les bénéficiaires d’une protection internationale de supporter l’intégralité des frais des dispositifs d’intégration, lesquels peuvent être très élevés.

82 Certes, les bénéficiaires d’une protection internationale peuvent demander un prêt d’un montant maximal de 10000 euros afin de supporter les frais du programme d’intégration civique, ce prêt ne devant pas être remboursé s’ils réussissent tous les volets des examens de ce programme dans le délai prévu ou s’ils sont exonérés ou dispensés, dans ce délai, de l’obligation d’intégration civique. En revanche, s’ils n’ont pas satisfait à cette obligation ou y ont satisfait tardivement, ces bénéficiaires
doivent rembourser ledit prêt, en principe, dans son intégralité dans un délai de dix ans au maximum, étant entendu, toutefois, que, dans des cas particuliers, une remise de dette, totale ou partielle, est possible sous certaines conditions.

83 Par ailleurs, il peut être tenu compte de la capacité financière du débiteur à l’occasion de la fixation du montant des échéances qui doivent être remboursées chaque mois. En cas de capacité financière insuffisante de l’intéressé, le Ministre fixe à 0 euros le montant à rembourser par mois. Le solde éventuel fait l’objet d’une remise de dette après dix ans, à l’exception des arriérés de mensualités.

84 S’il ressort des considérations exposées aux points 82 et 83 du présent arrêt que la possibilité de contracter un prêt afin de supporter les frais du programme d’intégration civique est conçue d’une manière qui implique une certaine prise en compte de la capacité financière individuelle du bénéficiaire d’une protection internationale, il n’en reste pas moins que, contrairement aux considérations émises au point 80 du présent arrêt, ce bénéficiaire reste, en principe, obligé de supporter les
frais, potentiellement très élevés, de ce programme, à moins qu’il ne réussisse l’examen d’intégration civique dans les délais ou qu’il ne soit exonéré ou dispensé de l’obligation de rembourser le prêt contracté. De surcroît, tant que l’obligation de réussir l’examen d’intégration civique lui incombe, une incertitude entoure nécessairement à la fois le montant total du prêt que ledit bénéficiaire devra finalement rembourser et la durée de la période pendant laquelle celui-ci restera endetté
auprès des autorités publiques, laquelle peut être très longue.

85 Dans de telles conditions, le fait de faire supporter, en principe, au bénéficiaire d’une protection internationale la totalité des frais des cours et des examens du programme d’intégration civique compromet l’objectif consistant à assurer l’intégration effective de ce bénéficiaire dans la société de l’État membre d’accueil en faisant peser sur lui une charge déraisonnable qui entrave non seulement l’accès effectif dudit bénéficiaire au programme d’intégration civique, mais également l’exercice
par le même bénéficiaire des autres droits et avantages qu’il tire de la directive 2011/95.

86 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième à quatrième questions que l’article 34 de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une protection internationale supportent eux‑mêmes l’intégralité des frais des cours et des examens d’intégration civique. Le fait que ces bénéficiaires puissent obtenir un prêt des pouvoirs publics en vue de payer ces frais
et qu’il leur soit accordé une remise de dette pour ce prêt en cas de réussite, dans le délai prévu, de leur examen d’intégration civique ou en cas d’exonération ou de dispense, dans ce délai, de l’obligation d’intégration civique n’est pas susceptible de remédier à l’incompatibilité de cette réglementation avec cet article 34.

Sur les dépens

87 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

  1) L’article 34 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui oblige les bénéficiaires d’une protection internationale à réussir un examen d’intégration civique, à condition que :

– la mise en œuvre de cette obligation permette une réelle prise en compte des besoins spécifiques et des caractéristiques de la situation de ces bénéficiaires ainsi que des difficultés d’intégration particulières auxquelles ceux‑ci sont confrontés ;

– les connaissances requises pour réussir cet examen soient fixées à un niveau approprié, sans excéder ce qui est nécessaire pour favoriser l’intégration desdits bénéficiaires dans la société de l’État membre d’accueil ;

– tout bénéficiaire d’une protection internationale soit dispensé de l’obligation de réussir cet examen dans le cas où il serait en mesure de démontrer, eu égard aux conditions de vie et aux circonstances caractérisant son séjour dans l’État membre d’accueil, qu’il est déjà effectivement intégré dans la société de celui‑ci.

En revanche, cet article 34 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le fait d’avoir échoué à un tel examen soit systématiquement sanctionné par une amende tout comme à ce que cette amende puisse être d’un montant tel qu’elle constitue une charge financière déraisonnable pour la personne concernée, compte tenu de sa situation personnelle et familiale.

  2) L’article 34 de la directive 2011/95

doit être interprété en ce sens que :

– il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une protection internationale supportent eux‑mêmes l’intégralité des frais des cours et des examens d’intégration civique ;

– le fait que ces bénéficiaires puissent obtenir un prêt des pouvoirs publics en vue de payer ces frais et qu’il leur soit accordé une remise de dette pour ce prêt en cas de réussite, dans le délai prévu, de leur examen d’intégration civique ou en cas d’exonération ou de dispense, dans ce délai, de l’obligation d’intégration civique n’est pas susceptible de remédier à l’incompatibilité de cette réglementation avec cet article 34.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-158/23
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Raad van State.

Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Statut de réfugié ou statut conféré par la protection subsidiaire – Directive 2011/95/UE – Article 34 – Accès aux dispositifs d’intégration – Obligation de réussir, sous peine d’amende, un examen d’intégration civique – Personne bénéficiant d’une protection internationale n’ayant pas réussi un tel examen dans les délais – Obligation de payer une amende – Obligation de supporter l’intégralité des frais des cours et des examens d’intégration civique – Possibilité d’obtenir un prêt en vue de payer ces frais.

Politique d'asile

Espace de liberté, de sécurité et de justice


Parties
Demandeurs : T.G.
Défendeurs : Minister van Sociale Zaken en Werkgelegenheid.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Regan

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:52

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