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23/01/2025 | CJUE | N°C-93/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle contre Neoperl AG., 23/01/2025, C-93/23


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

23 janvier 2025 ( *1 )

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 4 – Signes susceptibles de constituer une marque de l’Union européenne – Demande d’enregistrement d’une marque tactile de position représentant un insert sanitaire cylindrique – Article 7 – Motifs absolus de refus – Obligation d’examiner au préalable le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 – Absence – Règlement (UE) 2017/1

001 – Article 72, paragraphe 3 – Pouvoir du Tribunal
de réformer la décision de la chambre de recours – Limites »

Dans l...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

23 janvier 2025 ( *1 )

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 4 – Signes susceptibles de constituer une marque de l’Union européenne – Demande d’enregistrement d’une marque tactile de position représentant un insert sanitaire cylindrique – Article 7 – Motifs absolus de refus – Obligation d’examiner au préalable le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 – Absence – Règlement (UE) 2017/1001 – Article 72, paragraphe 3 – Pouvoir du Tribunal
de réformer la décision de la chambre de recours – Limites »

Dans l’affaire C‑93/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 février 2023,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Hanf, T. Klee et E. Markakis, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Neoperl AG, établie à Reinach (Suisse), représentée par Mes C. Mertzlufft-Paufler, M. Nielen et C. Schrempp, Rechtsanwälte,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la cinquième chambre, M. I. Jarukaitis, président de la quatrième chambre, MM. E. Regan, Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei (rapporteure), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 septembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 décembre 2022, Neoperl/EUIPO (Représentation d’un insert sanitaire cylindrique) (T‑487/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:780), par lequel celui-ci a annulé la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO, du 3 juin 2021 (affaire R 2327/2019‑5), relative à l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne d’une
marque tactile de position représentant un insert sanitaire cylindrique (ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

Le règlement no 207/2009

2 Le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (ci-après le « règlement no 207/2009 »), dispose, à son article 4, intitulé « Signes susceptibles de constituer une marque de l’Union européenne » :

« Peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. »

3 L’article 7 du règlement no 207/2009, intitulé « Motifs absolus de refus », prévoit :

« 1.   Sont refusés à l’enregistrement :

a) les signes qui ne sont pas conformes à l’article 4 ;

b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ;

d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ;

e) les signes constitués exclusivement :

i) par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit ;

ii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ;

iii) par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit ;

f) les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ;

g) les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ;

h) les marques qui, à défaut d’autorisation des autorités compétentes, sont à refuser en vertu de l’article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle[, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305)], ci-après dénommée “convention de Paris” ;

i) les marques qui comportent des badges, emblèmes ou écussons autres que ceux visés par l’article 6 ter de la convention de Paris et présentant un intérêt public particulier, à moins que leur enregistrement ait été autorisé par l’autorité compétente ;

j) les marques exclues de l’enregistrement en application de la législation de l’Union ou du droit national ou d’accords internationaux auxquels l’Union ou l’État membre concerné est partie, qui prévoient la protection des appellations d’origine et des indications géographiques ;

k) les marques exclues de l’enregistrement en application de la législation de l’Union ou d’accords internationaux auxquels l’Union est partie, qui prévoient la protection des mentions traditionnelles pour les vins ;

l) les marques exclues de l’enregistrement en application de la législation de l’Union ou d’accords internationaux auxquels l’Union est partie, qui prévoient la protection des spécialités traditionnelles garanties ;

m) les marques qui consistent en une dénomination d’une variété végétale antérieure enregistrée conformément à la législation de l’Union ou au droit national ou aux accords internationaux auxquels l’Union ou l’État membre concerné est partie, qui prévoient la protection des droits d’obtention végétale ou la reproduisent dans leurs éléments essentiels, et qui portent sur des variétés végétales de la même espèce ou d’une espèce étroitement liée.

4 L’article 26 de ce règlement, intitulé « Conditions auxquelles la demande doit satisfaire », dispose, à son paragraphe 1, sous d), et à son paragraphe 3 :

« 1.   La demande de marque de l’Union européenne doit contenir :

[...]

d) la reproduction de la marque.

[...]

3.   La demande de marque de l’Union européenne doit satisfaire aux conditions prévues par le règlement d’exécution visé à l’article 162, paragraphe 1, [...] »

Le règlement (UE) 2017/1001

5 Le règlement no 207/2009 a été abrogé et remplacé, avec effet au 1er octobre 2017, par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

6 L’article 31 du règlement 2017/1001, intitulé « Conditions auxquelles la demande doit satisfaire », dispose, à son paragraphe 1, sous d) :

« 1.   La demande de marque de l’Union européenne doit contenir :

[...]

d) une représentation de la marque, répondant aux exigences de l’article 4, point b).

[...]

3.   Outre les exigences visées aux paragraphes 1 et 2, la demande de marque de l’Union européenne satisfait aux conditions de forme établies par le présent règlement et par les actes d’exécution adoptés en application de celui-ci. Si ces conditions prévoient une représentation électronique de la marque, le directeur exécutif peut décider du format et de la taille maximale du fichier électronique. »

7 L’article 41 du règlement 2017/1001, intitulé « Examen des conditions de dépôt », prévoit, à ses paragraphes 1, 2 et 4 :

« 1.   L’[EUIPO] examine :

[...]

b) si la demande de marque de l’Union européenne satisfait aux conditions et exigences visées à l’article 31, paragraphe 3 ;

[...]

2.   Si la demande de marque de l’Union européenne ne satisfait pas aux exigences visées au paragraphe 1, l’[EUIPO] invite le demandeur à remédier dans un délai de deux mois à compter de la réception de la notification aux irrégularités ou au défaut de paiement constatés.

[...]

4.   S’il n’est pas remédié, dans les délais prescrits, aux irrégularités constatées en application du paragraphe 1, point b), l’[EUIPO] rejette la demande. »

8 L’article 71 de ce règlement, intitulé « Décision sur le recours », dispose :

« 1.   À la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure.

2.   Si la chambre de recours renvoie l’affaire, en vue de la poursuite de la procédure, à l’instance qui a pris la décision attaquée, cette instance est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours pour autant que les faits de la cause sont les mêmes.

3.   Les décisions de la chambre de recours ne prennent effet qu’à compter de la date d’expiration du délai visé à l’article 72, paragraphe 5, ou, si une action a été introduite devant le Tribunal dans ce délai, à compter de la date du rejet de celle-ci ou du rejet de tout pourvoi introduit devant la Cour de justice contre la décision du Tribunal. »

9 Aux termes de l’article 72 dudit règlement, intitulé « Recours devant la Cour de justice » :

« 1.   Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant le Tribunal.

2.   Le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité [FUE], violation du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.

3.   Le Tribunal a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée.

4.   Le recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions.

5.   Le recours est formé devant le Tribunal dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision de la chambre de recours.

6.   L’[EUIPO] prend les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal ou, en cas de pourvoi contre cet arrêt, de celui de la Cour de justice. »

10 L’article 94 du même règlement, intitulé « Décisions et communications de l’[EUIPO] », prévoit :

« 1.   Les décisions de l’[EUIPO] sont motivées. Elles ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position. [...]

[...] »

11 L’article 95 du règlement 2017/1001, intitulé « Examen d’office des faits », dispose :

« 1.   Au cours de la procédure, l’[EUIPO] procède à l’examen d’office des faits ; [...]

[...] »

12 L’article 159 de ce règlement, intitulé « Compétence », prévoit :

« Sont compétents pour prendre toute décision dans le cadre des procédures prescrites par le présent règlement :

a) les examinateurs ;

b) les divisions d’opposition ;

c) une instance chargée de la tenue du registre ;

d) les divisions d’annulation ;

e) les chambres de recours ;

f) toute autre unité ou personne nommée par le directeur exécutif à cet effet. »

Les antécédents du litige

13 Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 11 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

14 Le 1er septembre 2016, Neoperl AG a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, en vertu du règlement no 207/2009, pour le signe suivant :

Image

15 Dans cette demande d’enregistrement, le signe en cause a été qualifié de « marque tactile de position » et a été décrit de la manière suivante :

« La marque est une marque tactile de position. La protection est revendiquée pour une structure, disposée à une extrémité d’un élément sanitaire cylindrique à insérer, destiné à l’écoulement de l’eau, orientée vers l’extérieur et dépassant d’une base non élastique, cette structure étant faite de lamelles circulaires, concentriques et élastiques de quelques millimètres de hauteur sur toute la surface de l’extrémité, les lamelles élastiques étant déformables en appuyant d’un doigt contre la base
et de façon parallèle à la base. Aucune protection n’est revendiquée pour le reste du contour de l’élément à insérer, en pointillés dans la représentation. »

16 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 11, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Éléments sanitaires à insérer, notamment régulateurs de jet et formateurs de jet ».

17 Ladite demande d’enregistrement a donné lieu à des objections en raison des motifs formels de refus d’enregistrement prévus à l’article 26, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009 [devenu article 31, paragraphe 1, sous d), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec la règle 9, paragraphe 3, sous a), du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303,
p. 1) (devenu article 41, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), étant donné que, « de façon générale, les marques tactiles [...] ne seraient pas acceptées par l’[EUIPO] ». Il a ainsi été suggéré à Neoperl de requalifier la marque demandée en « marque de position ».

18 Par une lettre du 22 décembre 2016, Neoperl a refusé de requalifier la marque demandée et a réaffirmé, à cet égard, son souhait de conserver la qualification de « marque tactile de position » ainsi que la description l’accompagnant, figurant au point 15 du présent arrêt.

19 Par une décision du 11 octobre 2019, l’examinatrice a rejeté la même demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 41, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, lu en combinaison, notamment, avec l’article 4 et l’article 31, paragraphe 3, de ce règlement, pour des motifs formels, en ce que, en substance, la demande, en ce qu’elle visait l’enregistrement d’une marque tactile, n’était pas suffisamment précise, au sens de ces dispositions.

20 Le 16 octobre 2019, Neoperl a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinatrice.

21 Par une communication du rapporteur du 3 août 2020, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a indiqué à Neoperl que, indépendamment de la question de savoir si la demande d’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne du signe en cause satisfaisait ou non aux exigences de l’article 31 du règlement 2017/1001, elle estimait que le motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement était pertinent en l’espèce et que la marque demandée était dépourvue de
caractère distinctif, au sens de cette dernière disposition.

22 Le 3 mars 2021, Neoperl a présenté ses observations sur cette communication du 3 août 2020.

23 Par la décision litigieuse, la chambre de recours a considéré que le signe dont l’enregistrement était demandé en tant que marque de l’Union européenne était dépourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et a rejeté le recours.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

24 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 2021, Neoperl a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

25 À l’appui de son recours, Neoperl a soulevé deux moyens. Par le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, Neoperl a fait valoir, en substance, que la chambre de recours n’avait pas suffisamment tenu compte des particularités de la marque demandée. Neoperl en a conclu que, contrairement à ce qu’avait considéré la chambre de recours, le signe en cause présentait un caractère distinctif.

26 Par le second moyen, tiré d’une violation de l’article 95, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, Neoperl a fait valoir, en substance, que, si la chambre de recours avait prétendu que l’impression tactile produite par le signe en cause ne différait que légèrement de celle produite par une structure non élastique traditionnelle, elle n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour étayer cette affirmation, malgré l’obligation lui incombant de procéder à un examen d’office de tels
faits au cours de l’examen des motifs absolus de refus.

27 Le Tribunal a, aux points 14 à 17 de l’arrêt attaqué, formulé des observations liminaires relatives aux dispositions applicables au litige.

28 Après avoir relevé que la date d’introduction de la demande d’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne du signe en cause, à savoir le 1er septembre 2016, était déterminante pour l’identification du droit matériel applicable aux fins de l’examen de l’existence de motifs absolus de refus, le Tribunal a considéré que le litige était régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, donc, le cas échéant, telles que ces dispositions matérielles résultaient des
modifications apportées par le règlement 2015/2424.

29 À cet égard, le Tribunal a précisé que l’article 4 du règlement 2015/2424 prévoyait que ce règlement entrerait en vigueur le 23 mars 2016, mais que certaines dispositions du règlement no 207/2009, au nombre desquelles figurent l’article 4 et l’article 26, paragraphe 3 de celui-ci, ne s’appliqueraient qu’à compter du 1er octobre 2017.

30 Le Tribunal a estimé que, par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, l’article 4 et l’article 26, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, dans leur version applicable avant la modification apportée par le règlement 2015/2424, ainsi que l’article 7 du règlement no 207/2009 étaient applicables. Il a ajouté que, toutefois, s’agissant de ce dernier article, l’application ratione temporis du règlement no 207/2009 ne conduisait pas à un résultat différent pour l’examen du recours
dont il était saisi, car les modifications apportées par le règlement 2015/2424 ne concernaient pas les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009, seules pertinentes en l’espèce. Le Tribunal a considéré que, partant, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convenait de regarder les références faites par la chambre de recours dans la décision litigieuse et par Neoperl dans la requête à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du
règlement 2017/1001 comme étant, en réalité, des références à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, ces deux dernières dispositions étant d’une teneur identique.

31 Enfin, le Tribunal a précisé que, dans la mesure où les règles de procédure étaient généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, le litige était régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001, ce dernier étant en vigueur au moment de l’adoption de la décision litigieuse.

32 Dans le cadre de l’appréciation du recours, le Tribunal a commencé par rappeler, en substance, aux points 20 à 22 de l’arrêt attaqué, que l’examinatrice avait rejeté la demande d’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne du signe en cause sur le fondement de l’article 41, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et que la chambre de recours avait décidé d’examiner uniquement le motif absolu de refus d’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009,
indiquant qu’était dépourvue de pertinence la question de savoir si le signe en cause devait être par ailleurs refusé à l’enregistrement conformément à l’article 41, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 4 du règlement no 207/2009 (devenu, après modification, article 4 du règlement 2017/1001), ou conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, dans la mesure où il était suffisant qu’un motif de refus visé à cet article 7, paragraphe 1,
s’opposât à cet enregistrement.

33 En premier lieu, le Tribunal a, pour les motifs énoncés aux points 20 à 49 de l’arrêt attaqué, soulevé d’office le moyen tiré de la violation du champ d’application de la loi.

34 À cet égard, le Tribunal a, tout d’abord, rappelé, au point 24 de l’arrêt attaqué, que, selon la jurisprudence de la Cour, si certains moyens peuvent, voire doivent, être soulevés d’office, un moyen portant sur la légalité au fond de la décision litigieuse ne peut être examiné par le juge de l’Union que s’il est soulevé par la partie requérante, quod non en l’espèce. Le Tribunal a ajouté, au point 25 de l’arrêt attaqué, que, selon cette jurisprudence, tout en ne devant statuer que sur la demande
des parties, auxquelles il appartient de délimiter le cadre du litige, le juge de l’Union ne saurait être tenu par les seuls arguments invoqués par celles-ci au soutien de leurs prétentions, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées. Au point 26 de l’arrêt attaqué, le Tribunal en a déduit la faculté et, le cas échéant, l’obligation pour le juge de l’Union de relever d’office certains moyens de légalité interne. Au point 27 de
l’arrêt attaqué, considérant que le moyen tiré du champ d’application de la loi était d’ordre public, le Tribunal a jugé qu’il lui appartenait de l’examiner d’office. En effet, le Tribunal a souligné qu’il méconnaîtrait son office de juge de la légalité s’il s’abstenait de relever, même en l’absence de contestation des parties sur ce point, que la décision litigieuse avait été prise sur le fondement d’une norme insusceptible de trouver application au cas d’espèce et si, par suite, il était
conduit à statuer sur le litige dont il est saisi en faisant lui-même application d’une telle norme.

35 Ensuite, le Tribunal a implicitement constaté, au point 38 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait méconnu le champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 en estimant que celle-ci avait à tort omis d’examiner préalablement à l’examen de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement si le signe dont l’enregistrement était demandé en tant que marque de l’Union européenne satisfaisait aux conditions énoncées à l’article 4 dudit règlement, dont
celle d’être susceptible d’une représentation graphique et s’il devait, par conséquent, être refusé à l’enregistrement conformément à cet article 7, paragraphe 1, sous a). En effet, dès lors que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les « marques » qui sont dépourvues de caractère distinctif, le Tribunal a considéré, au point 36 de l’arrêt attaqué, que le caractère distinctif d’un signe ne saurait être apprécié, aux fins de son
enregistrement en tant que marque de l’Union européenne, qu’une fois qu’il a été constaté que celui-ci constituait une marque, au sens de l’article 4 de ce règlement, à savoir à partir du moment où il a été constaté qu’il était susceptible d’une représentation graphique.

36 En second lieu, le Tribunal a examiné, aux points 50 à 61 de l’arrêt attaqué, si, en l’espèce, le signe en cause satisfaisait aux conditions visées à l’article 4 du règlement no 207/2009 et, par conséquent, si le motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 était susceptible de s’appliquer.

37 À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 57 de l’arrêt attaqué, que l’impression tactile produite par le signe en cause ne ressortait pas de manière précise et complète de la représentation graphique de ce signe en elle-même, mais, tout au plus, de la description l’accompagnant. Ainsi, selon le Tribunal, non seulement cette description ne contribuait pas à préciser l’objet et l’étendue de la protection sollicitée au titre du droit des marques, au sens de la jurisprudence de la Cour, mais
pouvait susciter, au contraire, des doutes en ce qui concerne l’objet et l’étendue de cette représentation graphique en ce qu’elle tentait d’élargir l’objet de la protection demandée. Par conséquent, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le signe en cause ne satisfaisait pas aux conditions visées à l’article 4 du règlement no 207/2009 et que l’enregistrement de celui-ci se heurtait au motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de ce règlement.

38 Au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal en a déduit que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’était pas susceptible de s’appliquer à l’appréciation de la demande d’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne du signe en cause et que, partant, la chambre de recours ne pouvait faire légalement application de cette disposition pour adopter la décision litigieuse.

39 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

40 Par un acte déposé à la même date que le présent pourvoi, l’EUIPO a demandé, sur le fondement de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, que son pourvoi soit admis, conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

41 Par une ordonnance du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl (C‑93/23 P, EU:C:2023:601), le pourvoi a été admis.

42 L’EUIPO demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de rejeter le recours dirigé contre la décision litigieuse, et

– de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

43 Neoperl demande à la Cour :

– de faire droit au pourvoi dans la mesure où il tend à l’annulation de l’arrêt attaqué et de le rejeter pour le surplus ;

– de prononcer l’annulation de l’arrêt attaqué sur la base de l’absence de prise en compte de son moyen tiré de la violation, par l’EUIPO, de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, et avec l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ;

– de renvoyer la procédure devant l’EUIPO afin qu’il examine pour la première fois les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 4 de celui-ci, et

– de condamner l’EUIPO aux dépens.

Sur le pourvoi

44 L’EUIPO soulève un moyen unique au soutien de son pourvoi.

Argumentation des parties

45 À l’appui de son pourvoi, l’EUIPO soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Ce moyen unique se subdivise en deux branches.

46 Par la première branche du moyen unique, l’EUIPO reproche au Tribunal d’avoir outrepassé les limites de sa compétence fixées à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 en examinant, d’office et contrairement aux conclusions de Neoperl, l’applicabilité du motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 4 de ce dernier règlement. En particulier, l’EUIPO estime que le Tribunal a jugé à tort, au point 47 de
l’arrêt attaqué, que la question de savoir si le signe en cause satisfaisait aux conditions prévues à l’article 4 du règlement no 207/2009, dont celle d’être susceptible d’une représentation graphique, était une « question préalable » dont la résolution était nécessaire pour procéder à l’examen des moyens du recours tirés d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement et de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

47 Par la seconde branche de ce moyen, l’EUIPO reproche au Tribunal d’avoir outrepassé les limites de sa compétence fixées à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 en statuant lui-même sur les conditions de fond de ce motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, laissées explicitement non examinées par la chambre de recours dans la décision litigieuse, en lieu et place de celle-ci, annulant et réformant, de fait, aux points 50 à 58 de
l’arrêt attaqué, la décision litigieuse, tout en confirmant le bien-fondé du dispositif de cette dernière.

48 Par cette réformation illicite de la décision litigieuse, le Tribunal aurait, tout d’abord, enfreint la compétence originaire dont la chambre de recours serait investie pour examiner le recours porté devant elle, telle qu’elle a été établie par le législateur de l’Union. Ensuite, il aurait compromis le pouvoir originaire spécifique de la chambre de recours de ne pas se limiter au contrôle de la décision de l’examinatrice (deuxième hypothèse de l’article 71, paragraphe 1, deuxième phrase, du
règlement 2017/1001), mais également, le cas échéant, d’exercer les compétences de l’examinatrice (première hypothèse de l’article 71, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001), comprenant notamment la possibilité d’effectuer une analyse plus approfondie ou plus complète des faits qui n’ont pas encore été appréciés par l’examinatrice. Enfin, le Tribunal aurait porté atteinte à la protection juridique garantie par le législateur de l’Union à la requérante en première instance.

49 En tout état de cause, l’arrêt attaqué serait entaché d’une « incohérence interne » qui mettrait l’EUIPO dans l’impossibilité de l’exécuter. Cette incohérence reposerait sur le fait que le Tribunal n’a ni formellement reformé la décision litigieuse ni rejeté le recours, et ce en dépit du fait que, en remplaçant le fondement juridique de cette décision, il a confirmé précisément le bien-fondé du dispositif de celle-ci.

50 Dans son mémoire en réponse, Neoperl ne conteste pas le bien-fondé du moyen unique soulevé par l’EUIPO, tiré de la violation par le Tribunal de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. En effet, à l’instar de l’EUIPO, Neoperl considère que le Tribunal a outrepassé les limites de sa compétence fixées à cette disposition en s’estimant matériellement compétent pour procéder lui-même, pour la première fois, à un examen de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en
combinaison avec l’article 4 de ce dernier règlement, et pour statuer sur le fond en lieu et place de la chambre de recours. Neoperl partage également les arguments de l’EUIPO concernant l’atteinte à la protection juridique garantie par le législateur de l’Union, considérant que les conclusions du Tribunal énoncées aux points 47 à 58 de l’arrêt attaqué lui font grief dans son droit d’être entendue. Par conséquent, il y aurait lieu d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant l’EUIPO
pour qu’il procède lui-même à un examen complet de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 4 de ce règlement.

51 En revanche, s’agissant de l’articulation entre l’article 7, paragraphe 1, sous a), et l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, Neoperl considère que c’est à bon droit que le Tribunal a constaté en substance, dans l’arrêt attaqué, qu’un ordre devait être respecté dans le cadre de l’examen de ces motifs absolus de refus, de sorte que les conditions d’application de la première disposition devaient être examinées au préalable.

52 Dans son mémoire en réplique, l’EUIPO conteste l’argumentation de Neoperl concernant l’existence d’un tel ordre d’examen des motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, soutenant, en substance, qu’il ne saurait être déduit du libellé, de l’économie et de la finalité de cette disposition que l’examen et l’application du motif de refus prévu au point b) de celle-ci impliquent nécessairement au préalable ceux du motif de refus prévu au point a) de ladite
disposition.

53 Dans son mémoire en duplique, Neoperl souligne que, si elle estime, à l’instar de l’EUIPO, que l’arrêt attaqué viole l’article 72, paragraphe 3, du règlement no 2017/1001 et que, partant celui-ci doit être annulé, elle considère que le litige n’est pas entièrement en état d’être jugé.

Appréciation de la Cour

54 À titre liminaire, il convient de relever que la demande d’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne du signe en cause a été déposée le 1er septembre 2016. Par conséquent, le litige est régi, d’une part, par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 et, d’autre part, par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 juin 2024, EUIPO/Indo European Foods, C‑801/21 P, EU:C:2024:528, point 50 et jurisprudence citée).

Sur la première branche du moyen unique

55 D’emblée, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 énumère, à ses points a) à m), les motifs absolus de refus d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne.

56 Même si une application concomitante de plusieurs de ces motifs est possible, les motifs absolus de refus énumérés à cet article sont autonomes, chacun de ces motifs étant indépendant des autres et exigeant un examen séparé (voir, par analogie, arrêts du 8 avril 2003, Linde e.a., C‑53/01 à C‑55/01, EU:C:2003:206, point 67, et du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé, C‑215/14, EU:C:2015:604, point 46).

57 En l’espèce, le Tribunal a déduit d’une comparaison de l’article 4 du règlement no 207/2009, qui fait référence à la condition de la représentation graphique du signe en cause, avec l’article 7 de ce règlement qu’il y avait lieu d’opérer une distinction entre le terme « signe » et le terme « marque ». Partant, au point 36 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en se fondant sur le point 46 de l’arrêt du 6 octobre 2021, M/S. Indeutsch International/EUIPO – 135 Kirkstall (Représentation de
chevrons entre deux lignes parallèles) (T‑124/20, EU:T:2021:668), que le caractère distinctif d’un signe ne saurait être apprécié, aux fins de son enregistrement en tant que marque de l’Union européenne, qu’une fois qu’il a été constaté que celui-ci constituait une marque, au sens de cet article 4, à savoir à partir du moment où il a été constaté qu’il était susceptible d’une représentation graphique.

58 Certes, l’article 4 du règlement no 207/2009 et le point a) de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement emploient le terme « signes », tandis que les autres dispositions de cet article 7, paragraphe 1, utilisent soit ce terme, soit le terme « marques ».

59 Cependant, si le législateur de l’Union avait voulu, au moyen de cette distinction terminologique, établir, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, un ordre d’examen en faveur du motif de refus visé au point a) de cette disposition, il aurait utilisé systématiquement le terme « marque » pour tous les autres motifs de refus, prévus aux points b) à m) de celle-ci. Or, tel n’est pas le cas, l’article 7, paragraphe 1, sous e), de ce règlement faisant référence aux
« signes ». Ces deux termes doivent donc être considérés comme étant utilisés de manière interchangeable à cet article 7, paragraphe 1, de telle sorte que leur utilisation alternative aux points a) et b) de cette disposition ne saurait traduire la volonté du législateur de l’Union d’accorder une priorité à l’application du motif de refus visé à ce point a) par rapport à celle des autres motifs absolus de refus, y compris notamment celui mentionné à ce point b).

60 En outre, il convient de relever qu’il ne ressort d’aucun autre élément du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 qu’un quelconque ordre doit être respecté dans le cadre de l’examen des motifs absolus de refus prévus aux points a) à m) de cette disposition.

61 Partant, dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement, la chambre de recours peut estimer plus approprié, dans certains cas, d’analyser, en premier lieu, le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et, dans d’autres cas, le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, sans qu’un tel choix entache la décision prise par cette chambre à l’issue de cet examen d’une erreur de droit.

62 En particulier, lorsqu’un signe n’est pas susceptible d’une représentation graphique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 4 de ce règlement, il n’est pas nécessaire d’examiner, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, si ce signe présente un caractère distinctif. Néanmoins, l’inverse est tout aussi exact, puisque, lorsqu’un signe ne présente pas de caractère distinctif, au sens de cette dernière
disposition, il est inutile de se prononcer sur la question de savoir s’il peut faire l’objet d’une représentation graphique.

63 Ainsi, le fait que, dans la décision litigieuse, la chambre de recours n’ait pas examiné préalablement au motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 celui figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de ce règlement ne caractérisait pas une méconnaissance du champ d’application de la loi.

64 Par conséquent, au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en reprochant à la chambre de recours de ne pas avoir examiné, dans la décision litigieuse, si le signe en cause était susceptible de constituer une marque et d’avoir ainsi considéré qu’un tel examen était dénué de pertinence au motif que ce signe était en tout état de cause dépourvu de caractère distinctif. En effet, en statuant ainsi, le Tribunal a déterminé un ordre devant être respecté dans le cadre de
l’examen des motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, lequel n’a pourtant aucunement été envisagé par le législateur de l’Union.

65 Il s’ensuit que la première branche du moyen unique doit être accueillie.

Sur la seconde branche du moyen unique

66 Il importe de relever, à titre liminaire, que le Tribunal n’a pas formellement indiqué dans l’arrêt attaqué qu’il exerçait son pouvoir de réformation, en application de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. En particulier, dans le dispositif de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est contenté d’annuler la décision litigieuse.

67 Toutefois, aux points 50 à 58 de l’arrêt attaqué, sous un sous-titre présenté comme étant relatif au bien-fondé du moyen tiré de la violation du champ d’application de la loi, le Tribunal a statué lui-même sur les conditions de fond du motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, et a constaté, sur le fondement de cette disposition, dont il venait de considérer que l’application du motif de refus concerné devait être examinée en premier lieu, que
le signe en cause ne satisfaisait pas aux conditions prévues à ladite disposition. Ainsi, le Tribunal a implicitement, mais nécessairement, procédé à la réformation de la décision litigieuse.

68 Certes, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, « [l]e Tribunal a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision [d’une chambre de recours de l’EUIPO] ».

69 Cependant, ce pouvoir de réformation ainsi reconnu au Tribunal par cet article 72, paragraphes 2 et 3, n’a pas pour effet de conférer à cette juridiction la compétence de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice dudit pouvoir de réformation est en effet limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait
et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72, et du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/centrotherm Clean Solutions, C‑609/11 P, EU:C:2013:592, point 48).

70 En l’espèce, le fait que la chambre de recours n’avait pas examiné le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 excluait que le Tribunal puisse contrôler l’appréciation portée par celle-ci et que, par conséquent, il puisse valablement réformer la décision litigieuse à cet égard. En effet, cette réformation de la décision litigieuse revenait pour le Tribunal à apprécier pour la première fois des faits ou des éléments de preuve que la chambre de
recours n’avait pas examinés.

71 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 98 et 99 de ses conclusions, un tel exercice par le Tribunal de son pouvoir de réformation constitue une méconnaissance manifeste du cadre institutionnel contraignant dans lequel s’inscrit le pouvoir de réformation en matière de propriété intellectuelle, consacré à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 qui vise à assurer aux justiciables le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective dans cette matière.

72 Il s’ensuit que la seconde branche du moyen unique doit également être accueillie.

73 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le moyen unique du pourvoi dans son ensemble et, partant, d’annuler l’arrêt attaqué.

Sur le recours devant le Tribunal

74 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit statuer définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

75 En l’espèce, la Cour estime que le litige n’est pas en état d’être jugé, dès lors que le Tribunal n’a examiné aucun des deux moyens soulevés par Neoperl devant lui, lesquels nécessitent de procéder à une appréciation des faits.

76 Par conséquent, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

Sur les dépens

77 Le litige étant renvoyé devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents au pourvoi.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 décembre 2022, Neoperl/EUIPO (Représentation d’un insert sanitaire cylindrique) (T‑487/21, EU:T:2022:780), est annulé.

  2) L’affaire T-487/21 est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

  3) Les dépens sont réservés.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-93/23
Date de la décision : 23/01/2025

Analyses

Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 4 – Signes susceptibles de constituer une marque de l’Union européenne – Demande d’enregistrement d’une marque tactile de position représentant un insert sanitaire cylindrique – Article 7 – Motifs absolus de refus – Obligation d’examiner au préalable le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 – Absence – Règlement (UE) 2017/1001 – Article 72, paragraphe 3 – Pouvoir du Tribunal de réformer la décision de la chambre de recours – Limites.


Parties
Demandeurs : Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle
Défendeurs : Neoperl AG.

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:33

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