ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
19 décembre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’asile – Directive 2013/32/UE – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Demande de protection internationale – Motifs d’irrecevabilité – Article 2, sous q) – Notion de “demande ultérieure” – Article 33, paragraphe 2, sous d) – Rejet par un État membre d’une demande de protection internationale comme étant irrecevable en raison du
rejet d’une demande antérieure présentée dans un autre État membre ou de la clôture par un autre État membre de la procédure sur la demande antérieure »
Dans les affaires jointes C‑123/23 et C‑202/23 [Khan Yunis et Baabda] ( i ),
ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Verwaltungsgericht Minden (tribunal administratif de Minden, Allemagne), par décisions du 28 octobre 2022, parvenues à la Cour le 1er mars 2023 (C‑123/23) et le 28 mars 2023 (C‑202/23), dans les procédures
N.A.K.,
E.A.K.,
Y.A.K. (C‑123/23),
M.E.O. (C‑202/23)
contre
Bundesrepublik Deutschland,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Gratsias (rapporteur) et E. Regan, juges,
avocat général : M. N. Emiliou,
greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 février 2024,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller, Mme A. Hoesch et M. R. Kanitz, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement français, par MM. R. Bénard et J. Illouz, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes A. Azéma, J. Hottiaux, M. B. Schima et Mme J. Vondung, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 juin 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de cette directive.
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant N.A.K., E.A.K. et Y.A.K. (affaire C-123/23) ainsi que M.E.O. (affaire C‑202/23) à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne) au sujet de la légalité de deux décisions du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral pour les migrations et les réfugiés, Allemagne) (ci-après l’« Office fédéral ») ayant rejeté leurs demandes d’asile comme étant irrecevables.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2011/95/UE
3 L’article 2 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9), intitulé « Définitions », prévoit :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “protection internationale”, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points e) et g) ;
b) “bénéficiaire d’une protection internationale”, une personne qui a obtenu le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points e) et g) ;
[...]
d) “réfugié”, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle,
ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 ;
e) “statut de réfugié”, la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié pour tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride ;
f) “personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire”, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2,
n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ;
g) “statut conféré par la protection subsidiaire”, la reconnaissance, par un État membre, d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ;
h) “demande de protection internationale”, la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d’application de la présente directive et pouvant faire l’objet d’une demande séparée,
[...] »
La directive 2013/32
4 Le considérant 13 de la directive 2013/32 énonce :
« Le rapprochement des règles relatives aux procédures d’octroi et de retrait de la protection internationale devrait contribuer à limiter les mouvements secondaires des demandeurs d’une protection internationale entre les États membres dans les cas où ces mouvements seraient dus aux différences qui existent entre les cadres juridiques des États membres, et à créer des conditions équivalentes pour l’application de la directive [2011/95] dans les États membres. »
5 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », est ainsi libellé :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
b) “demande de protection internationale” ou “demande”, la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d’application de la directive [2011/95] et pouvant faire l’objet d’une demande séparée ;
[...]
e) “décision finale”, toute décision établissant si le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride se voit accorder le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire en vertu de la directive [2011/95] et qui n’est plus susceptible d’un recours formé dans le cadre du chapitre V de la présente directive, que ce recours ait ou n’ait pas pour effet de permettre à un demandeur de demeurer sur le territoire des État membres concernés en attendant son aboutissement ;
f) “autorité responsable de la détermination”, tout organe quasi juridictionnel ou administratif d’un État membre, responsable de l’examen des demandes de protection internationale et compétent pour se prononcer en première instance sur ces demandes;
[...]
q) “demande ultérieure”, une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel l’autorité responsable de la détermination a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 28, paragraphe 1. »
6 L’article 6 de ladite directive, intitulé « Accès à la procédure », dispose :
« 1. Lorsqu’une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande.
Si la demande de protection internationale est présentée à d’autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes, mais qui ne sont pas, en vertu du droit national, compétentes pour les enregistrer, les États membres veillent à ce que l’enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande.
[...]
2. Les États membres veillent à ce que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale aient la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais. Si les demandeurs n’introduisent pas leur demande, les États membres peuvent appliquer l’article 28 en conséquence.
[...] »
7 L’article 28 de la même directive, intitulé « Procédure en cas de retrait implicite de la demande ou de renonciation implicite à celle-ci », prévoit :
« 1. Lorsqu’il existe un motif sérieux de penser qu’un demandeur a retiré implicitement sa demande ou y a renoncé implicitement, les États membres veillent à ce que l’autorité responsable de la détermination prenne la décision soit de clore l’examen de la demande, soit, pour autant que l’autorité responsable de la détermination considère la demande comme infondée sur la base d’un examen approprié de celle-ci quant au fond, conformément à l’article 4 de la directive [2011/95], de rejeter
celle-ci.
Les États membres peuvent présumer que le demandeur a implicitement retiré sa demande de protection internationale ou y a implicitement renoncé, notamment lorsqu’il est établi :
a) qu’il n’a pas répondu aux demandes l’invitant à fournir des informations essentielles pour sa demande, au regard de l’article 4 de la directive [2011/95], ou ne s’est pas présenté à un entretien personnel conformément aux articles 14 à 17 de la présente directive, sauf si le demandeur apporte la preuve, dans un délai raisonnable, que cette absence était indépendante de sa volonté ;
b) qu’il a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il vivait ou était placé en rétention, sans contacter l’autorité compétente dans un délai raisonnable ou qu’il n’a pas, dans un délai raisonnable, respecté l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités ou d’autres obligations de communication, à moins que le demandeur ne démontre que cela était dû à des circonstances qui ne lui sont pas imputables.
[...]
2. Les États membres font en sorte qu’un demandeur qui se présente à nouveau devant l’autorité compétente après qu’une décision de clôture de l’examen visée au paragraphe 1 du présent article a été prise ait le droit de solliciter la réouverture de son dossier ou de présenter une nouvelle demande qui ne sera pas soumise à la procédure visée aux articles 40 et 41.
Les États membres peuvent prévoir un délai d’au moins neuf mois à l’issue duquel le dossier du demandeur ne peut plus être rouvert ou la nouvelle demande peut être traitée en qualité de demande ultérieure et être soumise à la procédure visée aux articles 40 et 41. Les États membres peuvent prévoir que le dossier du demandeur ne peut être rouvert qu’une seule fois.
Les États membres veillent à ce qu’une telle personne ne soit pas éloignée en violation du principe de non-refoulement.
Les États membres peuvent autoriser l’autorité responsable de la détermination à reprendre l’examen au stade auquel il avait été interrompu.
3. Le présent article s’entend sans préjudice du règlement (UE) no 604/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci-après le “règlement Dublin III”)]. »
8 Aux termes de l’article 33 de la directive 2013/32, intitulé « Demandes irrecevables » :
« 1. Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement [Dublin III], les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive [2011/95], lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.
2. Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :
[...]
d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95] ; [...]
[...] »
9 L’article 40 de cette directive, intitulé « Demandes ultérieures », prévoit :
« 1. Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale dans un État membre fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans ledit État membre, ce dernier examine ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure dans le cadre de l’examen de la demande antérieure ou de l’examen de la décision faisant l’objet d’un recours juridictionnel ou administratif, pour autant que les autorités compétentes puissent, dans ce cadre, prendre
en compte et examiner tous les éléments étayant les nouvelles déclarations ou la demande ultérieure.
2. Afin de prendre une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale en vertu de l’article 33, paragraphe 2, point d), une demande de protection internationale ultérieure est tout d’abord soumise à un examen préliminaire visant à déterminer si des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur, qui se rapportent à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une
protection internationale en vertu de la directive [2011/95].
[...]
5. Lorsque l’examen d’une demande ultérieure n’est pas poursuivi en vertu du présent article, ladite demande est considérée comme irrecevable conformément à l’article 33, paragraphe 2, point d).
[...]
7. Lorsqu’une personne à l’égard de laquelle une décision de transfert doit être exécutée en vertu du règlement [Dublin III] fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans l’État membre procédant au transfert, ces déclarations ou demandes ultérieures sont examinées par l’État membre responsable au sens dudit règlement, conformément à la présente directive. »
10 L’article 41 de ladite directive, intitulé « Dérogations au droit de rester sur le territoire en cas de demande ultérieure », énonce, à son paragraphe 1 :
« Les États membres peuvent déroger au droit de rester sur le territoire lorsqu’une personne :
a) n’a introduit une première demande ultérieure, dont l’examen n’est pas poursuivi en vertu de l’article 40, paragraphe 5, qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision qui entraînerait son éloignement imminent de l’État membre concerné ; ou
b) présente une autre demande ultérieure de protection internationale dans le même État membre à la suite de l’adoption d’une décision finale déclarant une première demande ultérieure irrecevable en vertu de l’article 40, paragraphe 5, ou à la suite d’une décision finale rejetant cette demande comme infondée.
Les États membres ne peuvent faire usage de cette dérogation que si l’autorité responsable de la détermination estime qu’une décision de retour n’entraînera pas de refoulement direct ou indirect en violation des obligations internationales et à l’égard de l’Union incombant à cet État membre. »
Le règlement Dublin III
11 En vertu de son article 48, premier alinéa, le règlement Dublin III a abrogé le règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p. 1), lequel avait remplacé, conformément à son article 24, la convention relative à la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande
d’asile présentée dans l’un des États membres des Communautés européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990 (JO 1997, C 254, p. 1).
12 Aux termes de son article 1er, intitulé « Objet », le règlement Dublin III établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride, dénommé « État membre responsable ».
13 Figurant au chapitre II de ce règlement, intitulé « Principes généraux et garanties », l’article 3 de celui‑ci, lui‑même intitulé « Accès à la procédure d’examen d’une demande de protection internationale », énonce, à son paragraphe 1 :
« Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. »
14 L’article 17 dudit règlement, intitulé « Clauses discrétionnaires », prévoit, à son paragraphe 1, premier et deuxième alinéas :
« Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement.
L’État membre qui décide d’examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l’État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. [...] »
15 L’article 18 du même règlement, intitulé « Obligations de l’État membre responsable », est ainsi libellé :
«1. L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :
a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ;
b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ;
c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l’apatride qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ;
d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre.
2. [...]
Dans les cas relevant du champ d’application du paragraphe 1, point c), lorsque l’État membre responsable avait interrompu l’examen d’une demande à la suite de son retrait par le demandeur avant qu’une décision [n’]ait été prise sur le fond en première instance, cet État membre veille à ce que le demandeur ait le droit de demander que l’examen de sa demande soit mené à terme ou d’introduire une nouvelle demande de protection internationale, qui ne doit pas être considérée comme une demande
ultérieure prévue par la directive [2013/32]. Dans ces cas, les États membres veillent à ce que l’examen de la demande soit mené à terme. »
16 L’article 27 du règlement Dublin III, intitulé « Voies de recours », énonce, à son paragraphe 1 :
« Le demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. »
17 L’article 29 de ce règlement, intitulé « Modalités et délais », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Le transfert du demandeur ou d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l’État membre requérant vers l’État membre responsable s’effectue conformément au droit national de l’État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la
personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l’effet suspensif est accordé conformément à l’article 27, paragraphe 3.
[...]
2. Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. »
Le droit allemand
L’AsylG
18 L’article 26 bis de l’Asylgesetz (loi relative au droit d’asile) (BGBl. 2008 I, p. 1798), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’« AsylG »), intitulé « États tiers sûrs », dispose, à son paragraphe 2 :
« Hormis les États membres de l’[Union], les États tiers sûrs sont les États recensés à l’annexe I. »
19 L’article 29 de l’AsylG, intitulé « Demandes irrecevables », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Une demande d’asile est irrecevable lorsque :
[...]
5. dans le cas d’une demande ultérieure au sens de l’article 71 ou d’une deuxième demande au sens de l’article 71 bis, il n’y a pas lieu de conduire une nouvelle procédure d’asile. »
20 L’article 31 de l’AsylG, intitulé « Décisions de l’Office fédéral relatives aux demandes d’asile », énonce, à son paragraphe 2 :
« Les décisions relatives aux demandes d’asile recevables [...] précisent expressément si l’étranger bénéficie du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire et s’il est reconnu comme bénéficiaire du droit d’asile. [...] »
21 L’article 71 de l’AsylG, intitulé « Demande ultérieure », dispose, à son paragraphe 1 :
« Si, après le retrait ou le rejet définitif d’une demande d’asile antérieure, l’étranger introduit une nouvelle demande d’asile (demande ultérieure), une nouvelle procédure d’asile ne doit être conduite que si les conditions prévues à l’article 51, paragraphes 1 à 3, du Verwaltungsverfahrensgesetz [(loi sur la procédure administrative) (BGBl. 2003 I, p. 102, ci‑après le “VwVfG”)] sont réunies ; l’examen incombe à l’Office fédéral. [...] »
22 L’article 71 bis de l’AsylG, intitulé « Deuxième demande », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Si un étranger, après qu’une procédure d’asile a été close par un rejet dans un pays tiers sûr (article 26 bis) pour lequel s’appliquent des dispositions juridiques de [l’Union] portant sur la responsabilité du traitement des procédures d’asile ou avec lequel la République fédérale d’Allemagne a conclu à ce sujet un traité international, présente sur le territoire fédéral une demande d’asile (deuxième demande), il n’y a lieu de conduire une autre procédure d’asile que lorsque la République
fédérale d’Allemagne est responsable du traitement de la procédure d’asile et que les conditions de l’article 51, paragraphes 1 à 3, [du VwVfG] sont réunies ; l’examen incombe à l’Office fédéral. »
Le VwVfG
23 L’article 51 du VwVfG dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« (1) Sur demande de l’intéressé, l’administration doit décider de l’annulation ou de la modification d’un acte administratif non susceptible de recours lorsque
1. la situation de fait ou de droit sur laquelle se fonde l’acte administratif s’est ultérieurement modifiée en faveur de l’intéressé ;
2. il existe de nouveaux éléments de preuve qui auraient abouti à une décision plus favorable à l’intéressé ;
[...]
(2) La demande n’est recevable que si, sans commettre de faute grave, l’intéressé n’a pas été en mesure d’invoquer, dans le cadre de la procédure antérieure, notamment par voie de recours, le motif de réouverture de la procédure. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
L’affaire C-123/23
24 N.A.K. est la mère de E.A.K. et de Y.A.K., enfants mineurs dont elle est le représentant légal. Ils sont Palestiniens apatrides, originaires de la bande de Gaza. Selon leurs déclarations, ils sont entrés en Allemagne le 11 novembre 2019 et ont demandé l’asile le 15 novembre suivant. Leurs demandes ont été enregistrées le 22 novembre 2019. À l’appui de ces demandes, N.A.K. a fait valoir qu’elle-même et ses enfants ont été persécutés par le Hamas en raison des activités politiques de son mari. En
outre, ses parents auraient voulu la contraindre à remettre ses enfants à la famille de son mari et à retourner seule dans le foyer parental.
25 Il ressort des déclarations de N.A.K. et des recherches effectuées par l’Office fédéral que N.A.K. avait antérieurement introduit des demandes d’asile auprès des autorités compétentes du Royaume d’Espagne et du Royaume de Belgique. Une demande de reprise en charge adressée par l’Office fédéral à l’autorité compétente espagnole a été rejetée par cette dernière. Aucune demande de reprise en charge n’a été adressée à l’autorité compétente belge.
26 En réponse à une demande d’information émanant de l’Office fédéral, l’autorité compétente belge a indiqué, le 5 mars 2021, que la demande de protection internationale introduite par N.A.K. le 21 août 2018 avait été rejetée par décision du 5 juillet 2019, laquelle n’avait fait l’objet d’aucun recours. L’autorité compétente belge a, notamment, considéré qu’il n’avait pas été démontré qu’il était vraisemblable que N.A.K. risquait, dans son pays d’origine, d’être persécutée ou de subir des atteintes
graves.
27 Par décision du 25 mai 2021, l’Office fédéral a rejeté les demandes d’asile de N.A.K., d’E.A.K. et d’Y.A.K. au motif, en substance, que l’article 71 bis de l’AsylG était applicable et que les conditions susceptibles de justifier l’ouverture d’une nouvelle procédure d’asile n’étaient pas réunies. Le 9 juin 2021, N.A.K., E.A.K. et Y.A.K ont introduit un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgericht Minden (tribunal administratif de Minden, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi.
28 Cette juridiction relève qu’il ressort des arrêts du 20 mai 2021, L.R. (Demande d’asile rejetée par la Norvège) (C‑8/20, EU:C:2021:404), et du 22 septembre 2022, Bundesrepublik Deutschland (Demande d’asile rejetée par le Danemark) (C‑497/21, EU:C:2022:721), qu’une disposition telle que l’article 71 bis de l’AsylG ne saurait trouver à s’appliquer lorsqu’une première demande d’asile du même intéressé a été rejetée, respectivement, par un État tiers ou par un État membre autre que celui auquel une
seconde demande est présentée qui n’applique pas la directive 2011/95. En revanche, la Cour aurait expressément laissé ouverte la question de savoir si une telle disposition peut trouver à s’appliquer en cas de rejet d’une première demande d’asile par un autre État membre qui applique cette directive. Or, cette question serait déterminante pour l’issue du litige au principal, puisque, en l’occurrence, les demandeurs n’auraient pas présenté d’éléments ou de faits nouveaux susceptibles de justifier
l’examen de leur demande, conformément à l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 et à l’article 71 bis, paragraphe 1, de l’AsylG, lu en combinaison avec l’article 51, paragraphes 1 et 2, du VwVfG.
29 À cet égard, la juridiction de renvoi considère que la notion de « demande ultérieure », au sens de l’article 2, sous q), de la directive 2013/32, couvre aussi le cas d’une demande de protection internationale introduite après l’adoption, par un autre État membre de l’Union, d’une décision finale sur une demande antérieure analogue du même demandeur, de sorte que l’article 33, paragraphe 2, sous d), de cette directive est applicable à une telle demande.
30 C’est dans ces conditions que le Verwaltungsgericht Minden (tribunal administratif de Minden) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive [2013/32], lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de cette directive, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle une demande de protection internationale introduite dans cet État membre doit être rejetée comme étant irrecevable lorsqu’une demande de protection internationale introduite précédemment dans un autre État membre a été rejetée de manière définitive comme étant
non fondée par cet autre État membre ? »
L’affaire C-202/23
31 Le 2 mars 2020, M.E.O., de nationalité libanaise, est entré en Allemagne et a présenté une demande d’asile, enregistrée par l’Office fédéral le 30 avril 2020. Une recherche effectuée par ce dernier a révélé que M.E.O. avait, antérieurement à son entrée en Allemagne, présenté une demande de protection internationale en Pologne.
32 Par lettre du 29 avril 2020, les autorités polonaises ont accepté de reprendre en charge M.E.O. Par décision du 25 juin 2020, notifiée à M.E.O. le 1er juillet 2020, l’Office fédéral a rejeté comme étant irrecevable la demande d’asile de celui-ci et ordonné son éloignement vers la Pologne. M.E.O. a formé un recours contre cette décision, assorti d’une demande en référé. Cette dernière demande a été rejetée le 31 juillet 2020. Il ressort, toutefois, des indications de la juridiction de renvoi que
la décision d’éloignement de M.E.O. vers la Pologne n’a pu être exécutée, sans qu’il puisse être considéré que M.E.O. ait pris la fuite, au sens de l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III.
33 Le 2 février 2021, l’Office fédéral a annulé la décision du 25 juin 2020, au motif que le délai pour le transfert de M.E.O. vers la Pologne avait expiré. Par ailleurs, en réponse à une demande de l’Office fédéral, les autorités polonaises l’ont informé que la procédure sur la demande de protection internationale présentée par M.E.O. en Pologne avait été close le 20 avril 2020 au motif que M.E.O. séjournait en Allemagne. La juridiction de renvoi indique que, conformément à la réglementation
polonaise, cette procédure aurait pu être reprise, à la demande de M.E.O., dans un délai de neuf mois à compter de sa clôture, à savoir jusqu’au 20 janvier 2021.
34 Par décision du 14 juillet 2021, l’Office fédéral a rejeté la demande d’asile de M.E.O. comme étant irrecevable et l’a menacé d’éloignement vers le Liban. Le 27 juillet 2021, M.E.O. a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Cette dernière a, par décision du 31 août 2021, suspendu la décision d’éloignement.
35 La juridiction de renvoi indique que, au vu des faits au principal, les conditions d’application de l’article 71 bis de l’AsylG sont réunies, de sorte que la demande d’asile de M.E.O. devrait être rejetée comme étant irrecevable. En effet, d’une part, la juridiction de renvoi considère que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle trouve à s’appliquer lorsque la procédure d’asile dans un État tiers sûr, au sens de l’article 26 bis de l’AsylG, a été close à la date de transfert à
la République fédérale d’Allemagne, conformément à l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III, de la responsabilité pour le traitement d’une demande de protection internationale. Tel serait le cas en l’occurrence, puisque le délai pour la reprise de la procédure concernant la demande de protection internationale présentée par M.E.O. en Pologne avait expiré le 20 janvier 2021, alors que la République fédérale d’Allemagne serait devenue responsable pour le traitement de la demande de
protection internationale de M.E.O. à l’expiration du délai, prévu à l’article 29, paragraphe 1, du règlement Dublin III, de six mois à partir de la décision, prise le 31 juillet 2020, sur la demande en référé de M.E.O. contre la décision ordonnant son éloignement vers la Pologne, à savoir le 31 janvier 2021.
36 D’autre part, l’article 51, paragraphes 1 et 2, du VwVfG ne trouverait pas à s’appliquer en l’occurrence, dans la mesure où la demande d’asile présentée par M.E.O. en Allemagne serait fondée sur des faits antérieurs à son départ du Liban. Or, il devrait être présumé que M.E.O. a invoqué les mêmes faits à l’appui de sa demande de protection internationale présentée en Pologne ou, au moins, qu’il aurait pu le faire, de telle sorte que ces faits ne pourraient être considérés comme des éléments
nouveaux qu’il n’a pas pu invoquer sans faute grave de sa part.
37 Toutefois, la juridiction de renvoi estime que, s’il devait s’avérer que le droit de l’Union s’oppose à une disposition telle que l’article 71 bis de l’AsylG, au motif qu’une nouvelle demande de protection internationale ne peut être considérée comme étant une « demande ultérieure », au sens de l’article 2, sous q), de la directive 2013/32, lorsqu’une décision finale sur une demande antérieure du même demandeur a été prise par un autre État membre de l’Union, le recours de M.E.O. devrait être
accueilli.
38 Pour le cas où il serait considéré qu’une nouvelle demande de protection internationale peut être qualifiée de « demande ultérieure », au sens de cet article 2, sous q), également dans l’hypothèse où la procédure sur une demande antérieure du même demandeur, présentée dans un autre État membre, a été close par cet autre État membre au motif que le demandeur aurait omis de la poursuivre, la juridiction de renvoi se demande si l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 s’oppose au
rejet de la nouvelle demande comme étant irrecevable tant que la réouverture de la procédure sur la demande antérieure est encore possible. Si tel est le cas, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si la détermination du délai dans lequel le demandeur peut demander la réouverture de la procédure sur sa demande antérieure relève du droit national ou du droit de l’Union et, dans l’hypothèse où elle relèverait du droit de l’Union, quel est le délai prévu par ce droit.
39 C’est dans ces conditions que le Verwaltungsgericht Minden (tribunal administratif de Minden) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions combinées de l’article 33, paragraphe 2, sous d), et de l’article 2, sous q), de la directive [2013/32] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle une demande de protection internationale présentée dans cet État membre doit être rejetée comme étant irrecevable lorsque le demandeur a déjà présenté auparavant une demande de protection internationale dans un autre État membre et que cet autre État
membre a clos la procédure parce que le demandeur a renoncé à la poursuivre ?
2) En cas de réponse négative à la première question :
Les dispositions combinées de l’article 33, paragraphe 2, sous d), et de l’article 2, sous q), de la directive [2013/32] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle une demande de protection internationale présentée dans cet État membre doit être rejetée comme étant irrecevable lorsque le demandeur a déjà présenté auparavant une demande de protection internationale dans un autre État membre et que cet autre État
membre a clos la procédure parce que le demandeur a renoncé à la poursuivre bien que la procédure d’asile dans l’autre État membre puisse encore être rouverte par l’autre État membre si le demandeur en fait la demande ?
3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question :
Le droit de l’Union prescrit-il la date qui détermine, dans le cadre de la décision sur une demande de protection internationale, si une procédure d’asile qui a été auparavant close dans un autre État membre peut encore être rouverte ou bien cette question est-elle uniquement régie par le droit national ?
4) S’il faut répondre à la troisième question en ce sens que le droit de l’Union prescrit des règles correspondantes :
Quelle est, selon les règles du droit de l’Union, la date qui détermine, dans le cadre de la décision sur une demande de protection internationale, si une procédure d’asile qui a été auparavant close dans un autre État membre peut encore y être rouverte ? »
La procédure devant la Cour
40 Dans l’affaire C‑123/23, la juridiction de renvoi a demandé qu’un traitement prioritaire soit accordé à cette dernière, en vertu de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour. Par décision du 18 avril 2023, le président de la Cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à cette demande.
41 Par décision du président de la Cour du 10 mai 2023, les affaires C‑123/23 et C‑202/23 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.
Sur la question dans l’affaire C‑123/23
42 Par sa question dans l’affaire C‑123/23, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui prévoit la possibilité de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale, au sens de l’article 2, sous b), de ladite directive, présentée à cet État membre par un
ressortissant d’un pays tiers ou un apatride dont une demande de protection internationale antérieure présentée à un autre État membre a été rejetée par une décision finale prise par ce dernier État membre.
43 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 28 octobre 2022, Generalstaatsanwaltschaft München (Extradition et ne bis in idem), C‑435/22 PPU, EU:C:2022:852, point 67 et jurisprudence citée].
44 En ce qui concerne, en premier lieu, le libellé de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, lequel énumère de manière exhaustive les situations dans lesquelles les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme étant irrecevable [arrêt du 20 mai 2021, L.R. (Demande d’asile rejetée par la Norvège), C‑8/20, EU:C:2021:404, point 31 et jurisprudence citée], il convient de relever que cette disposition prévoit, à son point d), que les États membres peuvent
adopter une telle décision lorsque cette demande constitue une « demande ultérieure » dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95.
45 La notion de « demande ultérieure » est définie à l’article 2, sous q), de la directive 2013/32 comme « une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure ».
46 Cette définition reprend ainsi les notions de « demande de protection internationale » et de « décision finale », également définies à l’article 2 de cette directive, respectivement aux points b) et e).
47 S’agissant, d’une part, de la notion de « demande de protection internationale » ou de « demande », celle-ci est définie à l’article 2, sous b), de la directive 2013/32 comme étant une demande de protection présentée « à un État membre » par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, au sens de la directive 2011/95.
48 Pour ce qui est, d’autre part, de la notion de « décision finale », celle‑ci désigne, conformément à l’article 2, sous e), de la directive 2013/32, toute décision établissant si le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride se voit accorder le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire en vertu de la directive 2011/95 et qui n’est plus susceptible de faire l’objet d’un recours formé dans le cadre du chapitre V de la directive 2013/32.
49 Force est ainsi de constater que le libellé de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, lu en combinaison avec les dispositions mentionnées aux points 45 à 48 du présent arrêt, n’établit pas de condition selon laquelle, pour être qualifiée de « demande ultérieure » et rejetée comme étant irrecevable à défaut d’éléments ou de faits nouveaux, une nouvelle demande de protection internationale devrait avoir été présentée aux autorités du même État membre qui a pris la décision
finale sur une demande antérieure du même demandeur.
50 En deuxième lieu, cette interprétation est confortée par le contexte de cette disposition.
51 En effet, l’article 40 de la directive 2013/32, qui détaille la procédure applicable aux demandes ultérieures, prévoit, à son paragraphe 7, notamment, que, lorsqu’une personne à l’égard de laquelle une décision de transfert doit être exécutée en vertu du règlement Dublin III présente une demande ultérieure dans l’État membre procédant au transfert, cette dernière est examinée par l’État membre responsable au sens dudit règlement.
52 Or, il ressort de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III qu’une décision de transfert en vertu de ce règlement ne peut être adoptée lorsque l’État membre dans lequel se trouve la personne concernée a examiné lui‑même une demande de protection internationale présentée par cette personne, puisque le fait pour cet État membre d’avoir procédé à un tel examen a pour conséquence qu’il est devenu l’« État membre responsable », au sens dudit règlement, et ne peut plus demander le transfert
du demandeur vers un autre État membre.
53 Il s’ensuit logiquement que la « demande ultérieure » visée à l’article 40, paragraphe 7, de la directive 2013/32 est une nouvelle demande présentée dans l’État membre qui a demandé le transfert après qu’une décision sur une demande antérieure du même demandeur a été prise par l’État membre vers lequel la personne concernée doit être transférée. Cette disposition confirme, ainsi, que la notion de « demande ultérieure », telle que définie à l’article 2, sous q), de cette directive, couvre aussi le
cas d’une nouvelle demande présentée après l’adoption, par un autre État membre, d’une décision sur une demande antérieure du même demandeur.
54 L’article 40, paragraphe 1, de la directive 2013/32, qui vise, notamment, l’éventuelle présentation, par une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale dans un État membre déterminé, d’une « demande ultérieure dans ledit État membre », confirme aussi l’interprétation exposée au point 49 du présent arrêt. En effet, si, pour être qualifiée de « demande ultérieure », au sens de l’article 2, sous q), de cette directive, une demande de protection internationale devait avoir
été présentée aux autorités compétentes du même État membre que celui qui a pris une décision sur une demande antérieure du même demandeur, la référence, à l’article 40, paragraphe 1, de ladite directive, à une demande ultérieure présentée « dans ledit État membre » aurait été superflue.
55 En troisième lieu, l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 en ce sens qu’un État membre peut qualifier de « demande ultérieure » et rejeter comme étant irrecevable, si elle n’est pas étayée par des éléments ou des faits nouveaux, une nouvelle demande de protection internationale présentée par un demandeur dont une demande antérieure a été rejetée par une décision finale prise par un autre État membre est aussi conforme à l’objectif de la limitation des
mouvements secondaires des demandeurs d’une protection internationale entre les États membres, objectif poursuivi par cette directive, ainsi qu’il ressort du considérant 13 de celle‑ci.
56 En effet, comme M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 82 à 84 de ses conclusions, une interprétation de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 en ce sens qu’une nouvelle demande de protection internationale présentée aux autorités compétentes d’un État membre ne peut être qualifiée de « demande ultérieure » et être rejetée comme étant irrecevable à défaut d’éléments ou de faits nouveaux que dans le cas où une demande antérieure du même demandeur a été
rejetée par une décision finale prise par le même État membre pourrait inciter les demandeurs dont les demandes de protection internationale ont été définitivement rejetées par les autorités compétentes d’un État membre de se déplacer vers un deuxième, voire un troisième État membre pour y présenter une nouvelle demande analogue, en espérant que l’examen complet de celle-ci qu’il appartiendrait, selon cette interprétation, aux autorités de ces autres États membres d’effectuer, aboutirait à un
résultat qui leur serait favorable.
57 Il convient encore de souligner que la possibilité de rejeter comme étant irrecevable une nouvelle demande de protection internationale qui n’est pas fondée sur des éléments ou des faits nouveaux ni ne fait apparaître de tels éléments ou de tels faits, dans le cas où une demande antérieure du même demandeur a été rejetée par une décision prise par un autre État membre, est conforme au principe de la confiance mutuelle entre les États membres, sur lequel, selon la jurisprudence de la Cour, est
fondé le régime d’asile européen commun et qui présente, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale, étant donné qu’il permet la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures [voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2020, Minister for Justice and Equality (Demande de protection internationale en Irlande), C‑616/19, EU:C:2020:1010, point 48 et jurisprudence citée].
58 Par ailleurs, il convient de relever que l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 exposée au point 55 du présent arrêt est conforme à la jurisprudence de la Cour résultant de l’arrêt du 22 septembre 2022, Bundesrepublik Deutschland (Demande d’asile rejetée par le Danemark) (C‑497/21, EU:C:2022:721).
59 Certes, dans cet arrêt, la Cour a jugé que l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de celle‑ci, ainsi qu’avec l’article 2 du protocole (no 22) sur la position du Danemark annexé au traité UE et au traité FUE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre autre que le Royaume de Danemark qui prévoit la possibilité de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale, au
sens de l’article 2, sous b), de cette directive, présentée à cet autre État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride dont une demande de protection internationale antérieure, présentée au Royaume de Danemark, a été rejetée par ce dernier État membre.
60 Toutefois, comme il ressort des points 35 et 43 dudit arrêt, la Cour a motivé cette interprétation de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 par le statut particulier dont jouit, en vertu du protocole mentionné au point précédent, le Royaume de Danemark en ce qui concerne la troisième partie, titre V, du traité FUE, dont relèvent, notamment, les politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration. En effet, conformément audit protocole, la
directive 2011/95 ne s’applique pas à cet État membre, de sorte qu’une demande de protection internationale présentée aux autorités compétentes dudit État membre ne saurait constituer une demande « visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire », au sens de la directive 2011/95.
61 Du reste, au point 46 de l’arrêt du 22 septembre 2022, Bundesrepublik Deutschland (Demande d’asile rejetée par le Danemark) (C‑497/21, EU:C:2022:721), la Cour a souligné que l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 opérée dans cet arrêt était sans préjudice de la question distincte de savoir si la notion de « demande ultérieure » s’applique à une nouvelle demande de protection internationale présentée à un État membre après le rejet, par une décision
finale, d’une demande antérieure par un autre État membre qui n’est pas le Royaume de Danemark.
62 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question dans l’affaire C‑123/23 que l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre qui prévoit la possibilité de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale, au sens de l’article 2, sous b), de ladite directive, présentée à cet État membre par
un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride dont une demande de protection internationale antérieure, présentée à un autre État membre auquel s’applique la directive 2011/95, a été rejetée par une décision finale prise par ce dernier État membre.
Sur les questions dans l’affaire C‑202/23
63 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en
considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 15 juillet 2021, Ministrstvo za obrambo, C‑742/19, EU:C:2021:597, point 31 et jurisprudence citée).
64 En effet, la circonstance que, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a visé, dans ses questions, certaines dispositions déterminées du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire au principal, en extrayant de l’ensemble des éléments fournis par cette juridiction, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation
compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Profi Credit Slovakia, C‑485/19, EU:C:2021:313, point 50 et jurisprudence citée).
65 En l’occurrence, il ressort des indications de la juridiction de renvoi, résumées aux points 31 à 35 du présent arrêt, que M.E.O. a, tout d’abord, présenté une demande de protection internationale aux autorités polonaises, puis, le 2 mars 2020, est entré en Allemagne et y a présenté une demande d’asile, enregistrée par l’Office fédéral le 30 avril 2020. Entre-temps, le 20 avril 2020, l’autorité compétente polonaise avait clos la procédure entamée par la demande présentée par M.E.O. au motif que
ce dernier séjournait en Allemagne.
66 Pour sa part, l’Office fédéral, par sa décision du 14 juillet 2021, en cause au principal dans l’affaire C‑202/23, a rejeté comme étant irrecevable la demande d’asile de M.E.O., au motif que, à la date de transfert à la République fédérale d’Allemagne, conformément à l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III, de la responsabilité pour le traitement de la demande de protection internationale de M.E.O., à savoir le 31 janvier 2021, l’autorité compétente polonaise avait déjà, par une
décision finale, conformément à l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2013/32, clos la procédure sur la demande de protection internationale antérieure de ce demandeur, ladite demande ayant, selon cette autorité, fait l’objet d’un retrait implicite.
67 Il en ressort que, pour rejeter comme étant irrecevable la demande de protection internationale de M.E.O., l’Office fédéral s’est fondé sur la prémisse que, dans des circonstances telles que celles décrites aux points 65 et 66 du présent arrêt, il était possible de qualifier la nouvelle demande de protection internationale de M.E.O. de « demande ultérieure », au sens de l’article 2, sous q), de la directive 2013/32, et de faire application, à son égard, de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de
cette directive. Les questions posées dans l’affaire C‑202/23 sont fondées sur la même prémisse.
68 Dans ce contexte, il y a lieu de reformuler les questions posées dans l’affaire C‑202/23 et de considérer que, par celles-ci, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui prévoit la possibilité de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale, au sens
de l’article 2, sous b), de ladite directive, présentée à cet État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou par un apatride ayant déjà présenté à un autre État membre une demande de protection internationale, lorsque la nouvelle demande a été présentée avant que l’autorité compétente du second État membre n’ait, conformément à l’article 28, paragraphe 1, de la même directive, pris la décision de clore l’examen de la demande antérieure en raison du retrait implicite de celle-ci.
69 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 2, sous q), de la directive 2013/32 prévoit de manière expresse la possibilité de qualifier une nouvelle demande de protection internationale de « demande ultérieure » lorsqu’elle est « présentée » après qu’une décision finale, au sens de l’article 2, sous e), de cette directive, a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel l’autorité responsable de la
détermination, au sens de l’article 2, sous f), de ladite directive, a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 28, paragraphe 1, de la même directive.
70 L’article 28, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2013/32 énonce que, lorsqu’il existe un motif sérieux de penser qu’un demandeur a retiré implicitement sa demande ou y a renoncé implicitement, les États membres veillent à ce que l’autorité responsable de la détermination prenne la décision soit de clore l’examen de la demande, soit, pour autant que l’autorité responsable de la détermination considère la demande comme infondée sur la base d’un examen approprié de celle-ci quant au fond,
conformément à l’article 4 de la directive 2011/95, de rejeter celle‑ci.
71 Conformément à l’article 28, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), de la directive 2013/32, les États membres peuvent présumer que le demandeur a implicitement retiré sa demande de protection internationale ou y a implicitement renoncé lorsqu’il est établi qu’il a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il vivait ou était placé en rétention, sans contacter l’autorité compétente dans un délai raisonnable ou qu’il n’a pas, dans un délai raisonnable, respecté l’obligation de se présenter
régulièrement aux autorités ou d’autres obligations de communication, à moins que le demandeur ne démontre que cela était dû à des circonstances qui ne lui sont pas imputables.
72 En outre, l’article 28, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2013/32 prévoit que les États membres font en sorte qu’un demandeur qui se présente à nouveau devant l’autorité compétente après qu’une décision de clôture de l’examen visée au paragraphe 1 de cet article a été prise ait le droit de solliciter la réouverture de son dossier ou de présenter une nouvelle demande qui ne sera pas soumise à la procédure visée aux articles 40 et 41 de cette directive. Conformément à l’article 28,
paragraphe 2, deuxième alinéa, de ladite directive, les États membres peuvent, d’une part, prévoir un délai d’au moins neuf mois à l’issue duquel le dossier du demandeur ne peut plus être rouvert ou la nouvelle demande peut être traitée en qualité de demande ultérieure et être soumise à la procédure visée aux articles 40 et 41 de la même directive et, d’autre part, prévoir que le dossier du demandeur ne peut être rouvert qu’une seule fois.
73 Bien que l’article 2, sous q), de la directive 2013/32 ne vise pas de manière expresse l’hypothèse où l’État membre auquel le demandeur avait présenté sa demande de protection internationale a pris la décision de clore l’examen de cette demande à la suite de son retrait implicite, une nouvelle demande présentée après l’adoption d’une telle décision est aussi susceptible d’être qualifiée de « demande ultérieure », au sens de cette disposition. En effet, si tel n’était pas le cas, il n’aurait pas
été nécessaire de prévoir, à l’article 28, paragraphe 2, premier alinéa, de cette directive, qu’une nouvelle demande, présentée par un demandeur qui se présente à nouveau devant l’autorité compétente après qu’une décision de clôture de l’examen visée au paragraphe 1 de cet article 28 a été prise, ne sera pas soumise à la procédure visée aux articles 40 et 41 de ladite directive, laquelle concerne les demandes ultérieures.
74 Néanmoins, il ressort des termes mêmes de l’article 2, sous q), de la directive 2013/32 qu’une nouvelle demande de protection internationale, présentée par un ressortissant d’un pays tiers ou par un apatride ayant déjà présenté une telle demande, ne saurait être qualifiée de « demande ultérieure » et être rejetée comme étant irrecevable, conformément à l’article 33, paragraphe 2, sous d), de cette directive, que si elle a été présentée après qu’une décision finale a été prise sur cette demande
antérieure. Par conséquent, la qualification de « demande ultérieure » d’une nouvelle demande du même demandeur est exclue lorsque cette nouvelle demande a été présentée avant l’adoption d’une décision finale sur la demande antérieure de ce demandeur.
75 À cet égard, il importe de rappeler que l’article 6 de la directive 2013/32 distingue entre la présentation de la demande de protection internationale, l’enregistrement de celle‑ci, lequel incombe à l’État membre concerné en vertu du paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, de cet article, et son introduction, qui exige, en principe, du demandeur de protection internationale qu’il remplisse un formulaire prévu à cet effet, conformément aux paragraphes 3 et 4 dudit article [voir, en ce sens,
arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C‑36/20 PPU, EU:C:2020:495, points 87 et 93].
76 Ainsi que l’a déjà jugé la Cour, l’action de « présenter » une demande de protection internationale ne requiert aucune formalité administrative, lesdites formalités devant être respectées lors de l’« introduction » de la demande [arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C‑36/20 PPU, EU:C:2020:495, point 93].
77 Or, au regard de l’utilisation du terme « présentée » à l’article 2, sous q), de la directive 2013/32, il doit être constaté que, aux fins de la qualification d’une demande de protection internationale de « demande ultérieure », au sens de cette disposition, seule importe la date de sa présentation.
78 Par ailleurs, la décision prise par l’autorité responsable de la détermination, conformément à l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2013/32, de clore l’examen d’une demande de protection internationale au motif que le demandeur a retiré implicitement sa demande ne saurait être considérée comme étant une décision finale, au sens de l’article 2, sous e), de cette directive, aussi longtemps que le demandeur dispose de la possibilité, prévue à l’article 28, paragraphe 2, de ladite directive,
de solliciter la réouverture de son dossier ou de présenter une nouvelle demande qui ne sera pas soumise à la procédure visée aux articles 40 et 41 de la directive 2013/32. Partant, une nouvelle demande présentée par un demandeur dans cette situation ne saurait être qualifiée de « demande ultérieure », au sens de l’article 2, sous q), de cette directive et être rejetée comme étant irrecevable, conformément à l’article 33, paragraphe 2, sous d), de ladite directive.
79 En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que M.E.O. a présenté une demande d’asile aux autorités allemandes le 2 mars 2020, alors que la décision de l’autorité polonaise compétente de clore la procédure sur sa demande de protection internationale présentée aux autorités polonaises n’a été adoptée que le 20 avril 2020 et que cette procédure était, de surcroît, susceptible de faire l’objet d’une réouverture. Si tel est effectivement le cas, ce qu’il appartient à la juridiction de
renvoi de vérifier, il conviendra de conclure que la qualification de la demande d’asile présentée aux autorités allemandes par M.E.O. de « demande ultérieure » et le rejet de cette demande comme étant irrecevable, à défaut pour M.E.O. d’avoir présenté des éléments ou des faits nouveaux par rapport à sa demande antérieure, n’est pas conforme aux dispositions de l’article 2, sous q), et de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32.
80 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la juridiction de renvoi que l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui prévoit la possibilité de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale, au sens de l’article 2, sous b), de ladite directive, présentée à cet
État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou par un apatride ayant déjà présenté à un autre État membre une demande de protection internationale, lorsque la nouvelle demande a été présentée avant que l’autorité compétente du second État membre n’ait, conformément à l’article 28, paragraphe 1, de la même directive, pris la décision de clore l’examen de la demande antérieure en raison du retrait implicite de celle-ci.
Sur les dépens
81 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
1) L’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de cette directive,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre qui prévoit la possibilité de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale, au sens de l’article 2, sous b), de ladite directive, présentée à cet État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride dont une demande de protection internationale antérieure, présentée à un autre État membre auquel s’applique la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les
normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, a été rejetée par une décision finale prise par ce dernier État membre.
2) L’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 2, sous q), de cette directive,
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui prévoit la possibilité de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale, au sens de l’article 2, sous b), de ladite directive, présentée à cet État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou par un apatride ayant déjà présenté à un autre État membre une demande de protection internationale, lorsque la nouvelle demande a été présentée avant que l’autorité compétente du second État membre n’ait, conformément à
l’article 28, paragraphe 1, de la même directive, pris la décision de clore l’examen de la demande antérieure en raison du retrait implicite de celle-ci.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.
( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.