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24/10/2024 | CJUE | N°C-339/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Horyzont Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty contre LC., 24/10/2024, C-339/23


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

24 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48/CE – Risque de surendettement – Article 8 – Obligation du prêteur de vérifier la solvabilité du consommateur – Article 10 – Information à mentionner dans les contrats de crédit – Article 23 – Sanction en cas de violation de cette obligation – Sanctions équivalentes – Caractère effectif, proportionné et dissuasif de la sanction appliquée »

Dans l’affaire C‑339/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introdui...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

24 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48/CE – Risque de surendettement – Article 8 – Obligation du prêteur de vérifier la solvabilité du consommateur – Article 10 – Information à mentionner dans les contrats de crédit – Article 23 – Sanction en cas de violation de cette obligation – Sanctions équivalentes – Caractère effectif, proportionné et dissuasif de la sanction appliquée »

Dans l’affaire C‑339/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy w Siemianowicach Śląskich (tribunal d’arrondissement de Siemianowice Śląskie, Pologne), par décision du 28 avril 2023, parvenue à la Cour le 30 mai 2023, dans la procédure

Horyzont Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty

contre

LC,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, M. I. Jarukaitis, président de la quatrième chambre, et M. Z. Csehi (rapporteur), juge,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par Mme S. Šindelková, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. P. Ondrůšek et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 8, 10 et 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Horyzont Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty (ci-après « Horyzont »), cessionnaire de Nest Bank S.A., à LC, une personne physique, au sujet du paiement d’une créance résultant d’un contrat de crédit à la consommation (ci-après le « contrat de crédit à la consommation »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 26 et 47 de la directive 2008/48 énoncent :

« (26) [...] Il importe, en particulier sur un marché du crédit en expansion, que les prêteurs ne soient pas amenés à octroyer des prêts de manière irresponsable ou à accorder des crédits sans évaluation préalable de la solvabilité, et que les États membres exercent la surveillance nécessaire afin de prévenir de tels comportements, et définissent les moyens nécessaires pour sanctionner les prêteurs qui en seraient auteurs. [...] les prêteurs devraient avoir la responsabilité de vérifier la
solvabilité de chaque consommateur cas par cas. À cet effet, ils devraient être autorisés à utiliser les informations fournies par le consommateur non seulement pendant la préparation du contrat de crédit en question, mais également pendant une relation commerciale de longue date. Les autorités des États membres pourraient également donner des instructions et des lignes directrices appropriées aux prêteurs. De même, les consommateurs devraient agir avec prudence et respecter leurs
obligations contractuelles.

[...]

(47) Il convient que les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées en vertu de la présente directive et veillent à ce qu’elles soient appliquées. Bien que le choix de ce régime soit laissé à la discrétion des États membres, les sanctions prévues devraient être effectives, proportionnées et dissuasives. »

4 L’article 8 de cette directive, intitulé « Obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur évalue la solvabilité du consommateur, à partir d’un nombre suffisant d’informations, fournies, le cas échéant, par ce dernier et, si nécessaire, en consultant la base de données appropriée. Les États membres dont la législation prévoit l’évaluation obligatoire par le prêteur de la solvabilité du consommateur sur la base d’une consultation de la base de données appropriée peuvent maintenir cette obligation. »

5 L’article 10 de ladite directive, intitulé « Information à mentionner dans les contrats de crédit », énumère les informations à mentionner dans les contrats de crédit.

6 L’article 23 de la même directive, intitulé « Sanctions », dispose :

« Les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

Le droit polonais

La loi sur le crédit à la consommation

7 L’ustawa o kredycie konsumenckim (loi relative au crédit à la consommation), du 12 mai 2011 (Dz. U. no 126, position 715), dans sa version applicable au principal (ci-après la « loi sur le crédit à la consommation »), a transposé la directive 2008/48 dans l’ordre juridique polonais.

8 L’article 9 de la loi sur le crédit à la consommation dispose :

« 1.   Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur est tenu d’évaluer la solvabilité du consommateur. [...]

2.   La solvabilité est évaluée sur la base des informations fournies par le consommateur ou sur la base des informations extraites des bases de données appropriées ou des données dont dispose le prêteur.

3.   Le consommateur est tenu de présenter, à la demande du prêteur, les documents et informations nécessaires à l’évaluation de sa solvabilité.

4.   Lorsque le prêteur est une banque ou une autre institution légalement habilitée à accorder des crédits, l’évaluation de la solvabilité est effectuée conformément à l’article 70 de l’ustawa – Prawo bankowe (loi bancaire), du 29 août 1997 (Dz. U. no 140, position 939), et aux autres réglementations applicables à ces entités, en tenant compte des paragraphes 1 à 3. »

9 L’article 45, paragraphe 1, de la loi sur le crédit à la consommation prévoit que, en cas de violation de dispositions prévoyant différentes obligations du prêteur, dont l’obligation d’information, le consommateur, après avoir soumis une déclaration écrite au prêteur, rembourse le crédit sans les intérêts et autres frais liés au crédit dus au prêteur dans les délais et selon les modalités fixées par le contrat.

La loi portant code civil

10 Aux termes de l’article 58 de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal :

« 1.   Un acte juridique contraire à la loi ou visant à contourner la loi est nul et non avenu, à moins qu’une disposition pertinente n’en dispose autrement, notamment qu’elle prévoie que les dispositions invalides de l’acte juridique soient remplacées par les dispositions pertinentes de la loi.

2.   Un acte juridique contraire aux règles de la vie en société est nul et non avenu.

3.   Si une partie seulement de l’acte juridique est frappée de nullité, les autres parties de cet acte restent en vigueur, à moins qu’il ne ressorte des circonstances de l’espèce que ledit acte n’aurait pas été exécuté en l’absence des dispositions frappées de nullité. »

La loi portant code de procédure civile

11 L’article 5054, paragraphe 1, de l’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego (loi portant code de procédure civile), du 17 novembre 1964 (Dz. U. no 43, position 296), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« Toute modification de la demande est irrecevable. Les articles 75 à 85, les articles 194 à 196 et l’article 198 ne sont pas applicables. »

La loi bancaire

12 L’article 70 de loi bancaire, dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« 1.   La banque subordonne l’octroi d’un crédit à la solvabilité de l’emprunteur. La solvabilité s’entend comme étant la capacité à rembourser le crédit contracté, majoré des intérêts, aux dates spécifiées dans le contrat. L’emprunteur est tenu de présenter, à la demande de la banque, les documents et les informations nécessaires à l’évaluation de cette capacité.

2.   La banque peut accorder un crédit à une personne physique [...] qui n’est pas solvable, à condition que :

1) une modalité spécifique de garantir le remboursement du crédit soit prévue ;

[...]

3.   L’emprunteur est tenu de permettre à la banque d’effectuer toute activité d’évaluation de sa situation financière et économique et de contrôler l’utilisation et le remboursement du crédit. »

13 Aux termes de l’article 78a de cette loi, dans sa version applicable au litige au principal :

« Les dispositions de la loi s’appliquent aux contrats de crédit et de prêt d’argent conclus par une banque conformément aux dispositions de la loi [sur le] crédit à la consommation, dans la mesure où ils ne sont pas couverts par cette loi. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

14 Le 28 septembre 2017, LC et Nest Bank, établie à Varsovie (Pologne), ont conclu le contrat de crédit à la consommation. Le montant du crédit à la consommation ainsi contracté par LC s’élevait à 49148,06 zlotys polonais (PLN) (environ 10457 euros) et le montant total à rembourser s’élevait à 62573,16 PLN (environ 13313,44 euros). Cette somme se composait du capital emprunté, des intérêts pour toute la période de validité de ce contrat et d’une commission dite « commission d’octroi du prêt » d’un
montant de 7323,06 PLN (environ 1558 euros). Ce crédit à la consommation devait être remboursé en 60 mensualités d’un montant de 1042 PLN (environ 221 euros) au plus tard le 3 octobre 2022.

15 Dans le contrat de crédit à la consommation, LC a indiqué que son revenu mensuel net moyen s’élevait à 1755,62 PLN (environ 373 euros). Une dette contractée par LC se trouvait également mentionnée dans ce contrat, consistant en un crédit dont les mensualités s’élèvent à 320 PLN (environ 68 euros).

16 La créance résultant du contrat de crédit à la consommation a été cédée par Nest Bank à Horyzont, dont le siège se trouve également à Varsovie.

17 LC n’ayant pas remboursé la somme empruntée dans le délai imparti, Horyzont a saisi le Sąd Rejonowy Lublin Zachód w Lublinie (tribunal d’arrondissement de Lublin ouest, Pologne) d’une demande en paiement. Cette juridiction a accueilli cette demande et a émis une injonction de payer à l’égard de LC. LC a formé opposition de cette injonction de payer auprès du Sąd Rejonowy w Siemianowicach Śląskich (tribunal d’arrondissement de Siemianowice Śląskie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi. Dans
cette opposition, LC fait valoir que Nest Bank n’a pas évalué sa solvabilité au moment de la conclusion du contrat de crédit à la consommation.

18 Au cours de la procédure au principal, la juridiction de renvoi a constaté que le crédit à la consommation concerné avait été accordé par Nest Bank en violation des dispositions transposant, dans le droit polonais, l’obligation incombant au prêteur d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur, conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/48. Ainsi, cette juridiction s’interroge sur les conséquences de cette violation.

19 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, s’il existe une multiplicité de sanctions prévues dans le droit national, lorsque le législateur polonais a transposé la directive 2008/48, ce dernier n’a cependant pas prévu de sanction spécifique en cas de violation de l’obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur souhaitant obtenir un crédit à la consommation.

20 La juridiction de renvoi précise que l’article 45 de la loi sur le crédit à la consommation prévoit une sanction dite « crédit gratuit ». Cette sanction est l’une de celles qui ne s’appliquent qu’aux infractions prévues, parmi lesquelles ne figure pas la violation de l’obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur visée à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/48. Cette juridiction relève, en outre, qu’il est possible d’appliquer l’article 58 de la loi portant code civil, lequel
permet l’infliction éventuelle d’une sanction consistant en la nullité de l’acte juridique en cause. Ladite juridiction ajoute qu’elle ne demande pas à la Cour de lui indiquer quelle disposition du droit national doit être appliquée au litige au principal, mais qu’elle sollicite l’interprétation qu’il y a lieu de donner des dispositions pertinentes du droit de l’Union, dans la mesure où la multiplicité des sanctions prévues par le droit national établit également une différence en termes de
proportionnalité de la sanction de la violation des obligations découlant de la directive 2008/48.

21 La juridiction de renvoi souligne que, dans l’arrêt du 10 juin 2021, Ultimo Portfolio Investment (Luxembourg) (C‑303/20, EU:C:2021:479), la Cour a évoqué la marge d’appréciation dont dispose le juge national dans l’application et, notamment, dans le choix d’une mesure proportionnée à la gravité de la violation constatée. Elle se demande si cela signifie que cette mesure doit être équivalente aux sanctions prévues en cas de violation des autres obligations découlant des dispositions transposant la
directive 2008/48.

22 À cet égard, la juridiction de renvoi précise qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, tant l’obligation prévue à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/48 que les obligations d’information résultant de cette directive revêtent une importance fondamentale pour les consommateurs. Par conséquent, elle se demande si une différenciation des sanctions visées à l’article 23 de la directive 2008/48 est admissible dans le droit national, alors que les obligations imposées au
professionnel aux articles 8 et 10 de la directive 2008/48 doivent être considérées comme étant équivalentes, c’est-à-dire de même rang, et poursuivant les mêmes objectifs.

23 C’est dans ces conditions que le Sąd Rejonowy w Siemianowicach Śląskich (tribunal d’arrondissement de Siemianowice Śląskie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 8 de la directive [2008/48] doit-il être interprété en ce sens que l’obligation faite au prêteur d’évaluer la solvabilité du consommateur (emprunteur) est équivalente aux autres obligations prévues par cette directive (notamment les obligations d’information visées aux articles 10 et suivants de celle-ci) de sorte que les sanctions auxquelles l’article 23 de ladite directive renvoie ne sauraient être différentes, c’est-à-dire qu’elles ne sauraient prévoir des conséquences juridiques
différentes en cas de violation de chaque obligation envisagée séparément ? »

Sur la question préjudicielle

24 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 23 de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une sanction appliquée en cas de violation de l’obligation d’examiner la solvabilité du consommateur, prévue à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, diffère de la sanction prévue en cas de violation d’autres obligations éventuellement équivalentes prévues dans ladite directive et notamment de l’obligation mentionnée à
l’article 10, paragraphe 2, de celle-ci, concernant les informations à inclure dans les contrats de crédit à la consommation.

25 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 23 de la directive 2008/48, les États membres doivent définir le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à cette directive et prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

26 Il résulte ainsi du libellé de cet article 23 que le régime de sanctions applicables en cas de violation des obligations découlant de ladite directive doit être défini de telle manière que les sanctions soient effectives, proportionnées ainsi que dissuasives et que les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que celles-ci soient appliquées. Dans ces limites, ainsi que l’énonce le considérant 47 de la même directive, le choix de ce régime de sanctions est
laissé à la discrétion des États membres (arrêt du 27 mars 2014, LCL Le Crédit Lyonnais, C‑565/12, EU:C:2014:190, point 43).

27 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence que, afin d’atteindre l’objectif poursuivi à l’article 23 de la directive 2008/48, à savoir garantir que les sanctions soient effectives, proportionnées et dissuasives, ce n’est pas seulement le législateur national, mais également les juridictions nationales qui doivent jouir, dans les limites définies par l’objet du litige dont elles sont saisies, d’un pouvoir d’appréciation leur permettant de choisir, selon les circonstances
de l’espèce, la mesure proportionnée à la gravité de la violation de l’obligation constatée. Ces juridictions doivent donc prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et les interpréter, dans toute la mesure possible, à la lumière du libellé et de la finalité de cette directive, afin d’obtenir un résultat compatible avec les objectifs qu’elle poursuit [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, Ultimo Portfolio Investment (Luxembourg), C‑303/20, EU:C:2021:479, point 36 ainsi
que jurisprudence citée].

28 Ainsi, pour autant que le régime de sanctions des violations des obligations découlant de la directive 2008/48, prévu par un État membre, respecte les exigences de la jurisprudence citée aux points 26 et 27 du présent arrêt, l’article 23 de cette directive ne s’oppose pas à ce que la violation de diverses obligations emporte des sanctions différentes.

29 Or, à cet égard, il convient de préciser que la directive 2008/48 prévoit différentes obligations qui poursuivent des objectifs distincts.

30 En effet, la finalité de l’obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur avant de conclure un contrat de crédit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/48, vise, ainsi que l’indique expressément le considérant 26 de cette directive, à responsabiliser les prêteurs ainsi qu’à protéger les consommateurs en assurant que les prêteurs ne soient pas amenés à octroyer des prêts de manière irresponsable sans évaluation préalable de la solvabilité du consommateur (voir, en ce
sens, arrêt du 11 janvier 2024, Nárokuj, C‑755/22, EU:C:2024:10, points 34 et 46 ainsi que jurisprudence citée).

31 Une telle obligation, en ce qu’elle vise à protéger les consommateurs contre les risques de surendettement et d’insolvabilité, est, pour ceux-ci, d’une importance fondamentale [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, Ultimo Portfolio Investment (Luxembourg), C‑303/20, EU:C:2021:479, point 29 et jurisprudence citée].

32 Quant à elles, les informations préalables et concomitantes à la conclusion d’un contrat de crédit, relatives aux conditions contractuelles et aux conséquences de cette conclusion, notamment les informations, prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, permettent au consommateur de décider s’il souhaite être lié par les conditions préalablement rédigées par le professionnel. Ces informations sont ainsi pour le consommateur également d’une importance fondamentale (voir, en ce
sens, arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14, EU:C:2016:283, point 64 ainsi que jurisprudence citée).

33 S’il ressort de la jurisprudence que tant l’obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur avant de conclure un contrat de crédit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/48, que l’obligation d’information, prévue notamment à l’article 10, paragraphe 2, de cette directive, revêtent une importance fondamentale, force est cependant de constater que ces obligations poursuivent des objectifs différents et que leur violation n’emporte pas des conséquences similaires, tant du
point de vue de l’intérêt juridique protégé par la disposition en cause que du point de vue des parties au contrat de crédit.

34 Ainsi, il pourrait résulter de la violation de l’obligation de vérifier la solvabilité du consommateur que ce dernier conclut un contrat de crédit qui l’expose à un surendettement et à une insolvabilité. En revanche, les conséquences de la violation des obligations d’information peuvent varier considérablement selon l’obligation spécifique en cause, la gravité de cette violation dépendant, en outre, dans la pratique, du nombre et de l’importance des éléments manquants dans ce contrat de crédit.
Par exemple, de telles violations peuvent rendre difficile pour le consommateur la comparaison des offres de crédit ou l’exercice des droits résultant dudit contrat de crédit.

35 Il s’ensuit que la violation de deux obligations d’importance fondamentale peut comporter des conséquences différentes pour le consommateur et les sanctions appliquées, sans être nécessairement les mêmes, doivent être, dans les deux cas de figure, notamment proportionnées en prenant en compte tant la gravité individuelle de la violation que les conséquences différentes qui en découlent pour le consommateur.

36 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 23 de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une sanction appliquée en cas de violation de l’obligation d’examiner la solvabilité du consommateur, prévue à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, diffère de la sanction prévue en cas de violation d’autres obligations éventuellement équivalentes prévues dans ladite directive et
notamment celle de l’obligation prévue à l’article 10, paragraphe 2, de la même directive concernant les informations à inclure dans les contrats de crédit à la consommation, pour autant que les conditions prévues audit article 23 soient satisfaites.

Sur les dépens

37 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  L’article 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil,

  doit être interprété en ce sens que :

  il ne s’oppose pas à ce qu’une sanction appliquée en cas de violation de l’obligation d’examiner la solvabilité du consommateur, prévue à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive diffère de la sanction prévue en cas de violation d’autres obligations éventuellement équivalentes prévues dans ladite directive et notamment celle de l’obligation prévue à l’article 10, paragraphe 2, de la même directive concernant les informations à inclure dans les contrats de crédit à la consommation, pour autant
que les conditions prévues audit article 23 soient satisfaites.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-339/23
Date de la décision : 24/10/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48/CE – Risque de surendettement – Article 8 – Obligation du prêteur de vérifier la solvabilité du consommateur – Article 10 – Information à mentionner dans les contrats de crédit – Article 23 – Sanction en cas de violation de cette obligation – Sanctions équivalentes – Caractère effectif, proportionné et dissuasif de la sanction appliquée.


Parties
Demandeurs : Horyzont Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty
Défendeurs : LC.

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:918

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