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24/10/2024 | CJUE | N°C-227/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Kwantum Nederland BV et Kwantum België BV contre Vitra Collections AG., 24/10/2024, C-227/23


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

24 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Droit d’auteur – Directive 2001/29/CE – Articles 2 à 4 – Droits exclusifs – Protection par le droit d’auteur d’objets des arts appliqués dont le pays d’origine n’est pas un État membre – Convention de Berne – Article 2, paragraphe 7 – Critère de réciprocité matérielle – Répartition des compétences entre l’Union européenne et ses États membres – Application par les États membres d

u critère de réciprocité matérielle – Article 351,
premier alinéa, TFUE »

Dans l’affaire C‑227/23,

ayant pour objet une ...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

24 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Droit d’auteur – Directive 2001/29/CE – Articles 2 à 4 – Droits exclusifs – Protection par le droit d’auteur d’objets des arts appliqués dont le pays d’origine n’est pas un État membre – Convention de Berne – Article 2, paragraphe 7 – Critère de réciprocité matérielle – Répartition des compétences entre l’Union européenne et ses États membres – Application par les États membres du critère de réciprocité matérielle – Article 351,
premier alinéa, TFUE »

Dans l’affaire C‑227/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), par décision du 31 mars 2023, parvenue à la Cour le 11 avril 2023, dans la procédure

Kwantum Nederland BV,

Kwantum België BV

contre

Vitra Collections AG,

LA COUR (première chambre),

composée de T. von Danwitz, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, M. A. Arabadjiev et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. C. Di Bella, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mars 2024,

considérant les observations présentées :

– pour Kwantum Nederland BV et Kwantum België BV, par Mes C. Garnitsch, M. R. Rijks et M. van Gerwen, advocaten,

– pour Vitra Collections AG, par Mes S. A. Klos, A. Ringnalda, advocaten, et Me M. A. Ritscher, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes E. M. M. Besselink et M. K. Bulterman, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par M. P. Cottin et Mme A. Van Baelen, en qualité d’agents, assistés de Me A. Strowel, avocat,

– pour le gouvernement français, par M. R. Bénard et Mme E. Timmermans, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes M. Afonso, O. Glinicka, M. P.‑J. Loewenthal et Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2 à 4 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10), de l’article 17, paragraphe 2, et de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), lus à la lumière de l’article 2, paragraphe 7, de
la convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci‑après la « convention de Berne »), ainsi que de l’article 351, premier alinéa, TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vitra Collections AG (ci-après « Vitra »), une société de droit suisse, à Kwantum Nederland BV et Kwantum België BV (ci-après, prises ensemble, « Kwantum »), qui exploitent, aux Pays-Bas et en Belgique, une chaîne de magasins d’articles d’aménagement intérieur, parmi lesquels du mobilier, au motif que ces dernières ont commercialisé une chaise qui, selon Vitra, enfreindrait des droits d’auteur dont elle est titulaire.

Le cadre juridique

Le droit international

La convention de Berne

3 L’article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne dispose :

« Il est réservé aux législations des pays de l’Union [instituée par cette convention] de régler le champ d’application des lois concernant les œuvres des arts appliqués et les dessins et modèles industriels, ainsi que les conditions de protection de ces œuvres, dessins et modèles, compte tenu des dispositions de l’article 7.4) de la présente Convention. Pour les œuvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d’origine, il ne peut être réclamé dans un autre pays de l’Union
[instituée par cette convention] que la protection spéciale accordée dans ce pays aux dessins et modèles ; toutefois, si une telle protection spéciale n’est pas accordée dans ce pays, ces œuvres sont protégées comme œuvres artistiques. »

4 L’article 5, paragraphe 1, de cette convention prévoit :

« Les auteurs jouissent, en ce qui concerne les œuvres pour lesquelles ils sont protégés en vertu de la présente Convention, dans les pays de l’Union [instituée par cette convention] autres que le pays d’origine de l’œuvre, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par la présente Convention. »

5 L’article 7, paragraphe 8, de ladite convention se lit comme suit :

« Dans tous les cas, la durée sera réglée par la loi du pays où la protection sera réclamée ; toutefois, à moins que la législation de ce dernier pays n’en décide autrement, elle n’excédera pas la durée fixée dans le pays d’origine de l’œuvre. »

6 L’article 14ter, paragraphe 2, de la même convention stipule :

« La protection prévue à l’alinéa ci‑dessus n’est exigible dans chaque pays de l’Union [instituée par cette convention] que si la législation nationale de l’auteur admet cette protection et dans la mesure où le permet la législation du pays où cette protection est réclamée. »

7 L’article 19 de la convention de Berne dispose :

« Les dispositions de la présente Convention n’empêchent pas de revendiquer l’application de dispositions plus larges qui seraient édictées par la législation d’un pays de l’Union [instituée par cette convention]. »

L’accord ADPIC

8 L’article 3 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’« accord ADPIC »), qui constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales
du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1), intitulé « Traitement national », dispose :

« 1.   Chaque Membre accordera aux ressortissants des autres Membres un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, sous réserve des exceptions déjà prévues dans, respectivement, la Convention de Paris (1967), la Convention de Berne (1971), la Convention de Rome ou le traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés. En ce qui concerne les artistes interprètes ou
exécutants, les producteurs de phonogrammes et les organismes de radiodiffusion, cette obligation ne s’applique que pour ce qui est des droits visés par le présent accord. Tout Membre qui se prévaudra des possibilités offertes par l’article 6 de la Convention de Berne (1971) ou par le paragraphe 1 b) de l’article 16 de la Convention de Rome présentera une notification au Conseil des ADPIC, comme il est prévu dans ces dispositions.

2.   Les Membres pourront se prévaloir des exceptions autorisées en vertu du paragraphe 1 en ce qui concerne les procédures judiciaires et administratives, y compris l’élection de domicile ou la constitution d’un mandataire dans le ressort d’un Membre, uniquement dans les cas où ces exceptions seront nécessaires pour assurer le respect des lois et réglementations qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord et où de telles pratiques ne seront pas appliquées de façon à
constituer une restriction déguisée au commerce. »

9 L’article 9 de l’accord ADPIC, intitulé « Rapports avec la Convention de Berne », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les Membres se conformeront aux articles premier à 21 de la Convention de Berne (1971) et à l’Annexe de ladite Convention. Toutefois, les Membres n’auront pas de droits ni d’obligations au titre du présent accord en ce qui concerne les droits conférés par l’article 6bis de ladite Convention ou les droits qui en sont dérivés. »

Le TDA

10 Le traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur (ci‑après le « TDA »), adopté à Genève le 20 décembre 1996, a été approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000 (JO 2000, L 89, p. 6).

11 L’article 1er du TDA, intitulé « Rapports avec la Convention de Berne », dispose, à son paragraphe 4 :

« Les Parties contractantes doivent se conformer aux articles 1er à 21 et à l’annexe de la Convention de Berne. »

Le droit de l’Union

La directive 2001/29

12 Les considérants 6, 9 et 15 de la directive 2001/29 énoncent :

« (6) En l’absence d’harmonisation à l’échelle communautaire, les processus législatifs au niveau national, dans lesquels plusieurs États membres se sont déjà engagés pour répondre aux défis technologiques, pourraient entraîner des disparités sensibles en matière de protection et, partant, des restrictions à la libre circulation des services et des marchandises qui comportent des éléments relevant de la propriété intellectuelle ou se fondent sur de tels éléments, ce qui provoquerait une nouvelle
fragmentation du marché intérieur et des incohérences d’ordre législatif. [...]

[...]

(9) Toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. Leur protection contribue au maintien et au développement de la créativité dans l’intérêt des auteurs, des interprètes ou exécutants, des producteurs, des consommateurs, de la culture, des entreprises et du public en général. La propriété intellectuelle a donc été reconnue comme faisant partie intégrante de la propriété.

[...]

(15) La Conférence diplomatique qui s’est tenue en décembre 1996, sous les auspices de l’[OMPI], a abouti à l’adoption de deux nouveaux traités, à savoir le [TDA] et le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes[, adopté à Genève le 20 décembre 1996, et approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2000/278], qui portent respectivement sur la protection des auteurs et sur celle des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes.
[...] La présente directive vise aussi à mettre en œuvre certaines de ces nouvelles obligations internationales. »

13 L’article 1er de la directive 2001/29, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive porte sur la protection juridique du droit d’auteur et des droits voisins dans le cadre du marché intérieur, avec une importance particulière accordée à la société de l’information. »

14 L’article 2 de cette directive, intitulé « Droit de reproduction », prévoit :

« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie :

a) pour les auteurs, de leurs œuvres ;

[...] »

15 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Droit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégés », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. »

16 L’article 4 de la même directive, intitulé « Droit de distribution », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies de celles‑ci. »

17 L’article 5 de la directive 2001/29 énumère les cas dans lesquels les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions et des limitations aux droits exclusifs prévus aux articles 2 à 4 de cette directive.

18 L’article 10 de cette directive, intitulé « Application dans le temps », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les dispositions de la présente directive s’appliquent à toutes les œuvres et à tous les autres objets protégés visés par la présente directive qui, le 22 décembre 2002, sont protégés par la législation des États membres dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins, ou qui remplissent les critères de protection en application des dispositions de la présente directive ou des directives visées à l’article 1er, paragraphe 2. »

La directive 2001/84/CE

19 L’article 7 de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale (JO 2001, L 272, p. 32), intitulé « Bénéficiaires des pays tiers », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prévoient que les auteurs ressortissants de pays tiers et, sous réserve de l’article 8, paragraphe 2, leurs ayants droit bénéficieront du droit de suite conformément à la présente directive et à la législation de l’État membre concerné uniquement si la législation du pays dont est ressortissant l’auteur ou son ayant droit admet la protection dans ce pays du droit de suite des auteurs des États membres et de leurs ayants droit. »

La directive 2006/116/CE

20 L’article 7 de la directive 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (JO 2006, L 372, p. 12), intitulé « Protection vis-à-vis des pays tiers », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsque le pays d’origine d’une œuvre, au sens de la convention de Berne, est un pays tiers et que l’auteur n’est pas un ressortissant de la Communauté, la durée de protection accordée dans les États membres prend fin à la date d’expiration de la protection accordée dans le pays d’origine de l’œuvre, sans pouvoir dépasser la durée indiquée à l’article 1er. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

21 Vitra fabrique des meubles design, dont des chaises conçues par les époux, entretemps décédés, Charles et Ray Eames, ressortissants des États-Unis d’Amérique, et est titulaire de droits de propriété intellectuelle sur ces chaises.

22 L’une des chaises fabriquées par Vitra est la Dining Sidechair Wood (ci‑après la « chaise DSW »), conçue par ces époux dans le cadre d’un concours de conception de meubles lancé par le Museum of Modern Art de New York (États-Unis) dans le courant de l’année 1948 et exposée dans ce musée à partir de l’année 1950.

23 Kwantum exploite, aux Pays-Bas et en Belgique, une chaîne de magasins d’articles d’aménagement intérieur, et notamment de mobilier d’intérieur.

24 Dans le courant de l’année 2014, Vitra a constaté que Kwantum commercialisait une chaise, dénommée « chaise Paris », en méconnaissance, selon Vitra, des droits d’auteur détenus par cette dernière sur la chaise DSW.

25 Saisi par Vitra, le rechtbank Den Haag (tribunal de la Haye, Pays-Bas) a jugé que Kwantum n’enfreignait pas les droits d’auteur de Vitra aux Pays-Bas et en Belgique et qu’elle n’agissait pas de manière illicite en commercialisant la chaise Paris. Il a donc rejeté les demandes de Vitra et a, en grande partie, fait droit aux demandes de Kwantum.

26 Ce jugement a été annulé par le Gerechtshof Den Haag (cour d’appel de La Haye, Pays-Bas), qui a considéré que, en commercialisant la chaise Paris, Kwantum enfreignait aux Pays-Bas et en Belgique les droits d’auteur de Vitra sur la chaise DSW.

27 Saisi sur pourvoi, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi, considère que le litige porte sur l’applicabilité et la portée de l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne, qui, pour les œuvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d’origine, prévoit notamment que ne peut être réclamée dans un autre pays de l’Union instituée par cette convention que la protection spéciale qui est accordée dans ce pays
aux dessins et modèles, en posant, ainsi, un critère de réciprocité matérielle.

28 À cet égard, cette juridiction relève, premièrement, que, si l’Union européenne n’est pas partie à la convention de Berne, elle s’est engagée, par des traités internationaux, à se conformer aux articles 1er à 21 de celle-ci. En outre, la législation de l’Union ne comporterait aucune disposition relative au critère de réciprocité matérielle visé à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de cette convention, de sorte que la question se poserait de savoir si les États membres peuvent déterminer
eux-mêmes s’ils laissent ou non inappliqué ce critère pour une œuvre dont le pays d’origine est un pays tiers et dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers.

29 Deuxièmement, la juridiction de renvoi indique que le droit d’auteur sur une œuvre des arts appliqués fait partie intégrante du droit à la protection de la propriété intellectuelle consacré à l’article 17, paragraphe 2, de la Charte. Elle estime que l’arrêt du 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers (C‑265/19, EU:C:2020:677), par lequel la Cour a interprété une disposition du traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, auquel l’Union est partie,
soulève la question de savoir si le droit de l’Union, en particulier l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, exige, pour la limitation de l’exercice du droit d’auteur sur une œuvre des arts appliqués par le critère de réciprocité matérielle visé à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne, que cette limitation soit prévue par la loi, à savoir par une norme claire et précise. À cet égard, il pourrait être déduit de cet arrêt qu’il appartient au seul législateur de
l’Union, et non aux législateurs nationaux, de déterminer si, dans l’Union, le droit d’auteur sur une œuvre des arts appliqués peut être limité par l’application de l’article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne à l’égard d’une œuvre des arts appliqués qui provient d’un pays tiers et dont l’auteur n’est pas un ressortissant d’un État membre de l’Union et, dans l’affirmative, de définir cette limitation de manière claire et précise. Or, en l’état actuel du droit de l’Union, le législateur de
l’Union n’aurait pas prévu une telle limitation.

30 Troisièmement, devant la juridiction de renvoi, Kwantum aurait fait valoir que le critère de réciprocité matérielle visé à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne relève du champ d’application de l’article 351, premier alinéa, TFUE. Or, il conviendrait de déterminer dans quelle mesure cette disposition est susceptible d’avoir une incidence sur l’application, à l’égard des prétentions relatives au Royaume de Belgique, de cet article 2, paragraphe 7, deuxième phrase.

31 Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La situation en cause dans la présente procédure relève-t-elle du champ d’application matériel du droit de l’Union ?

Sont posées, en outre, dans la mesure où la question susmentionnée appelle une réponse affirmative, les questions qui suivent.

2) La circonstance que le droit d’auteur sur une œuvre des arts appliqués fait partie intégrante du droit à la protection de la propriété intellectuelle consacré à l’article 17, paragraphe 2, de la Charte implique-t-elle que, pour la limitation de l’exercice du droit d’auteur (au sens de la directive [2001/29]) sur une œuvre des arts appliqués par l’application du critère de réciprocité matérielle de l’article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne, le droit de l’Union, en particulier
l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, exige que cette limitation soit prévue par la loi ?

3) Les articles 2 à 4 de la directive [2001/29] ainsi que l’article 17, paragraphe 2, et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, lus à la lumière de l’article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il appartient au seul législateur de l’Union (et non aux législateurs nationaux) de déterminer si l’exercice du droit d’auteur (au sens de la directive [2001/29]) peut être limité dans l’Union à l’égard d’une œuvre des arts appliqués dont le pays
d’origine au sens de cette convention est un pays tiers et dont l’auteur n’est pas un ressortissant d’un État membre de l’Union par l’application du critère de réciprocité matérielle de l’article 2, paragraphe 7, de ladite convention et, dans l’affirmative, de définir cette limitation de manière claire et précise [...] ?

4) Les articles 2 à 4 de la directive [2001/29], lus en combinaison avec l’article 17, paragraphe 2, et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, doivent-ils être interprétés en ce sens que, tant que le législateur de l’Union n’a pas prévu une limitation de l’exercice du droit d’auteur (au sens de la directive [2001/29]) sur une œuvre des arts appliqués par l’application du critère de réciprocité matérielle de l’article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne, les États membres ne peuvent pas
appliquer ce critère à l’égard d’une œuvre des arts appliqués dont le pays d’origine au sens de cette convention est un pays tiers et dont l’auteur n’est pas un ressortissant d’un État membre ?

5) Dans les circonstances telles que celles qui sont en cause dans la présente procédure, et eu égard au moment où la disposition (antérieure à celle) de l’article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne a été établie, est-il satisfait, pour le Royaume de Belgique, aux conditions de l’article 351, premier alinéa, TFUE de sorte que, pour cette raison, il est loisible à cet État membre d’appliquer le critère de réciprocité matérielle de l’article 2, paragraphe 7, de cette convention, compte tenu
du fait que, en l’espèce, le pays d’origine a adhéré à ladite convention le 1er mai 1989 ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

32 En premier lieu, Kwantum fait valoir que la juridiction de renvoi n’a pas exposé en quoi la « situation en cause dans la présente procédure », expression qu’elle emploie dans sa première question sans la définir, relèverait du champ d’application matériel du droit de l’Union et que la demande de décision préjudicielle n’est pas nécessaire pour lui permettre de rendre sa décision dans l’affaire au principal, de sorte que les questions posées par celle-ci seraient hypothétiques.

33 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 27 avril 2023, Castorama Polska et Knor, C‑628/21, EU:C:2023:342, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

34 Il importe de rappeler, à cet égard, que, dans le cadre de cette procédure, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Par conséquent, dès lors que les questions posées portent sur
l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore
lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 27 avril 2023, Castorama Polska et Knor, C‑628/21, EU:C:2023:342, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

35 Il résulte également d’une jurisprudence constante que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit, en outre, indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur
l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour (arrêt du 27 avril 2023, Castorama Polska et Knor, C‑628/21, EU:C:2023:342, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

36 En l’occurrence, il ressort des considérations figurant aux points 28 à 30 du présent arrêt que la juridiction de renvoi a exposé de manière claire le contexte juridique et factuel du litige au principal, la première question préjudicielle visant spécifiquement à déterminer si celui-ci relève du champ d’application matériel du droit de l’Union. En outre, il ressort des mêmes points que cette juridiction a exposé à suffisance de droit les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur
l’interprétation de certaines dispositions qu’elle considère nécessaire pour être en mesure de rendre sa décision, de sorte qu’il ne saurait être considéré que l’interprétation sollicitée est sans rapport avec l’objet du litige au principal ou que le problème soulevé présente un caractère hypothétique. Dans ces conditions, la présomption de pertinence rappelée au point 34 du présent arrêt ne saurait être remise en cause.

37 En second lieu, dans leurs observations écrites, Kwantum ainsi que le gouvernement néerlandais font valoir que les questions qu’il incombe à la juridiction de renvoi de trancher dans le litige au principal portent uniquement sur l’article 2, paragraphe 7, et l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Berne, de sorte qu’aucune disposition du droit de l’Union ne requerrait une interprétation de la Cour.

38 Un tel argument, qui porte, en substance, sur la nécessité des questions préjudicielles aux fins de décider le litige au principal, ne saurait être retenu. En effet, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la juridiction de renvoi demande à la Cour si le droit de l’Union, en particulier la directive 2001/29, lue à la lumière des dispositions pertinentes de la Charte ainsi que l’article 351 TFUE, s’oppose à l’application, par le juge national, dans le litige au principal, de l’article 2,
paragraphe 7, de la convention de Berne.

39 Or, cette question relève du fond des questions posées.

40 En outre, comme l’a relevé à juste titre la juridiction de renvoi, même si l’Union n’est pas partie contractante à la convention de Berne, elle est tenue de respecter les articles 1er à 21 de cette convention, en vertu, d’une part, de l’article 1er, paragraphe 4, du TDA, auquel elle est partie, (arrêts du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C‑310/17, EU:C:2018:899, point 38, ainsi que du 12 septembre 2019, Cofemel, C‑683/17, EU:C:2019:721, point 41 et jurisprudence citée), et, d’autre part, de
l’article 9 de l’accord ADPIC, de sorte que cette convention produit des effets indirects au sein de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 15 mars 2012, SCF, C‑135/10, EU:C:2012:140, point 50, et du 18 novembre 2020, Atresmedia Corporación de Medios de Comunicación, C‑147/19, EU:C:2020:935, point 36) et que la Cour peut être amenée à interpréter ses dispositions (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International, C‑5/08, EU:C:2009:465, point 34 ; du 16 mars 2017, AKM, C‑138/16,
EU:C:2017:218, points 21 et 44, ainsi que du 12 septembre 2019, Cofemel, C‑683/17, EU:C:2019:721, point 42).

41 Il s’ensuit que les questions préjudicielles sont recevables.

Sur le fond

Sur la première question

42 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si la situation en cause au principal relève du champ d’application matériel du droit de l’Union.

43 En l’occurrence, il est constant que le litige au principal concerne une action intentée par Vitra devant les juridictions néerlandaises, par laquelle cette société revendique, aux Pays-Bas et en Belgique, une protection par le droit d’auteur de la chaise DSW, conçue par des ressortissants des États-Unis d’Amérique et originaire de ce pays tiers, dont Kwantum aurait commercialisé des imitations.

44 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/29, cette directive porte sur la protection juridique du droit d’auteur et des droits voisins dans le cadre du marché intérieur.

45 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 31 et 33 de ses conclusions, le champ d’application de ladite directive est défini non pas selon le critère du pays d’origine de l’œuvre ou de la nationalité de son auteur, mais par référence au marché intérieur, qui équivaut au champ d’application territorial des traités, énoncé à l’article 52 TUE. Sous réserve de l’article 355 TFUE, ce champ d’application consiste dans les territoires des États membres (voir, en ce sens, arrêt
du 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers, C‑265/19, EU:C:2020:677, point 59 et jurisprudence citée).

46 En outre, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/29, les dispositions de cette directive, qui harmonise certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, s’appliquent à toutes les œuvres et à tous les autres objets protégés visés par celle-ci qui, à la date prévue pour sa transposition, remplissent les critères de protection en application de ses dispositions. Il s’ensuit que ladite directive est susceptible d’être applicable au
litige au principal.

47 En particulier, la Cour a déjà jugé que l’article 2, sous a), et l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 définissent, d’une manière non équivoque, les droits exclusifs de reproduction et de communication au public dont jouissent les titulaires du droit d’auteur dans l’Union, ces dispositions offrant un cadre juridique harmonisé assurant une protection élevée et homogène des droits de reproduction et de communication au public et constituant des mesures d’harmonisation complète du
contenu matériel des droits qui y sont visés (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Funke Medien NRW, C‑469/17, EU:C:2019:623, points 35 à 38). En outre, s’agissant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, il ressort de son libellé que cette disposition définit, également d’une manière non équivoque, le droit exclusif de distribution au public qui y est visé, cette mesure constituant, à l’instar des dispositions susmentionnées, une mesure d’harmonisation complète du contenu
matériel du droit qui y est visé.

48 Il y a lieu d’ajouter, s’agissant du point de savoir si ces dispositions s’appliquent à un objet des arts appliqués, tel que la chaise DSW en cause au principal, que la Cour a considéré qu’un tel objet peut être qualifié d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, lorsque deux conditions cumulatives sont réunies. D’une part, l’objet concerné doit être original, en ce sens qu’il constitue une création intellectuelle propre à son auteur. D’autre part, la qualification d’« œuvre », au sens de la
directive 2001/29, est réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création intellectuelle (arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C‑310/17, EU:C:2018:899, points 35 à 37 et jurisprudence citée).

49 Lorsqu’un objet des arts appliqués présente les caractéristiques rappelées au point précédent du présent arrêt, et constitue donc une œuvre, il doit, en cette qualité, bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, conformément à cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Cofemel, C‑683/17, EU:C:2019:721, point 35 et jurisprudence citée).

50 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, pour autant que les conditions matérielles prévues par la directive 2001/29 sont remplies et, en particulier, qu’un objet des arts appliqués tel que celui en cause au principal peut être qualifié d’« œuvre », au sens de cette directive, les dispositions de celle-ci sont applicables.

51 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question qu’une situation dans laquelle une société revendique une protection par le droit d’auteur d’un objet des arts appliqués commercialisé dans un État membre, pour autant qu’il peut être qualifié d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, relève du champ d’application matériel du droit de l’Union.

Sur les deuxième à quatrième questions

52 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. Il lui appartient, à cet égard, d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment
de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige [arrêt du 30 avril 2024, M.N. (EncroChat), C‑670/22, EU:C:2024:372, point 78 et jurisprudence citée].

53 Ainsi que M. l’avocat général l’a fait observer, en substance, au point 22 de ses conclusions, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, dans le litige au principal, le comportement litigieux consiste en la commercialisation par Kwantum d’objets, à savoir d’exemplaires d’une chaise, en méconnaissance du droit d’auteur dont Vitra serait titulaire, de sorte que sont pertinents l’article 2, sous a), ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, qui confèrent à l’auteur d’une
œuvre, respectivement, les droits exclusifs de reproduction et de distribution de cette œuvre. En revanche, il ne ressort pas de ce dossier que ce comportement est susceptible de constituer une communication au public d’une œuvre, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.

54 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par ses deuxième à quatrième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous a), et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, lus en combinaison avec l’article 17, paragraphe 2, et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les États membres appliquent le critère de réciprocité matérielle prévu à
l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne à l’égard d’une œuvre des arts appliqués dont le pays d’origine est un pays tiers et dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers.

55 Afin de répondre à ces questions, il importe de déterminer, dans un premier temps, si les dispositions susmentionnées s’appliquent à une œuvre des arts appliqués dont le pays d’origine est un pays tiers ou dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers et, dans un second temps, si ces dispositions s’opposent à l’application, en droit national, du critère de réciprocité matérielle prévu à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne.

56 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du libellé de cette disposition, du contexte dans lequel elle s’insère et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 8 septembre 2020,
Recorded Artists Actors Performers, C‑265/19, EU:C:2020:677, point 46 et jurisprudence citée).

57 En premier lieu, en ce qui concerne le libellé de l’article 2, sous a), et de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, il convient de relever que, selon ces dispositions, les États membres prévoient, pour les auteurs, les droits exclusifs d’autoriser ou d’interdire, d’une part, la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, de leurs œuvres et, d’autre part, toute forme de distribution au public,
par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies de celles-ci.

58 À cet égard, il y a lieu de relever que ces dispositions ne précisent pas expressément si la notion d’« œuvre », qui y est visée, couvre une œuvre des arts appliqués dont l’origine est un pays tiers, ni si la notion d’« auteur », au sens de celles-ci, couvre l’auteur d’une telle œuvre qui est ressortissant d’un pays tiers.

59 Il n’en demeure pas moins que la Cour a déjà jugé, ainsi qu’il a été relevé aux points 48 et 49 du présent arrêt, que, lorsqu’un objet peut être qualifié d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, il doit, en cette qualité, bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, conformément à cette directive, celle-ci ne prévoyant, par ailleurs, aucune condition tenant au pays d’origine de l’œuvre en cause ou à la nationalité de son auteur.

60 En deuxième lieu, en ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrivent ces dispositions, premièrement, eu égard à ce qui ressort des points 44 et 45 du présent arrêt, il convient de constater que, en définissant le champ d’application de la directive 2001/29 par un critère territorial, le législateur de l’Union a nécessairement pris en compte l’ensemble des œuvres dont la protection est demandée sur le territoire de l’Union, indépendamment du pays d’origine de ces œuvres ou de la nationalité
de leur auteur.

61 Deuxièmement, il y a lieu de relever que certains instruments de la législation harmonisée sur le droit d’auteur prévoient un régime spécifique pour les œuvres dont le pays d’origine, au sens de la convention de Berne, est un pays tiers et dont l’auteur n’est pas un ressortissant d’un État membre. Ainsi, la directive 2006/116, en particulier son article 7, paragraphe 1, prévoit que la protection des droits d’auteur qui, dans les États membres, est accordée à de telles œuvres prend fin à la date
d’expiration de la protection accordée dans le pays d’origine de l’œuvre, sans pouvoir dépasser la durée prévue par cette directive. Or, ainsi que le souligne Vitra, un tel régime, qui concerne spécifiquement la protection des droits des auteurs et des œuvres dont le pays d’origine est un pays tiers, serait dénué d’utilité si la protection des œuvres en cause n’était pas assurée au titre de la directive 2001/29.

62 En troisième lieu, l’interprétation exposée au point 60 du présent arrêt est conforme aux objectifs poursuivis par la directive 2001/29.

63 À cet égard, premièrement, ainsi que l’énonce le considérant 6 de cette directive, celle-ci vise notamment à éviter des disparités sensibles en matière de protection et, partant, des restrictions à la libre circulation des services et des marchandises qui comportent des éléments relevant de la propriété intellectuelle ou se fondent sur de tels éléments, ce qui provoquerait une nouvelle fragmentation du marché intérieur et des incohérences d’ordre législatif, toute harmonisation du droit d’auteur
devant, selon le considérant 9 de ladite directive, se fonder sur un niveau de protection élevé. Or, un tel objectif serait méconnu si la directive 2001/29 ne réglementait, dans l’Union, que la protection par le droit d’auteur des œuvres qui sont originaires d’un État membre ou dont l’auteur est un ressortissant d’un État membre.

64 Deuxièmement, le considérant 15 de la directive 2001/29 énonce que celle-ci vise aussi à mettre en œuvre certaines des obligations internationales découlant du TDA. À cet égard, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de l’accord ADPIC et à l’article 1er, paragraphe 4, du TDA, l’Union doit se conformer, d’une part, aux articles 1er à 21 de la convention de Berne, ainsi que cela a été indiqué au point 40 du présent arrêt, et, d’autre part, à l’annexe de cette convention. Or, il ressort de
l’article 5, paragraphe 1, de ladite convention que les auteurs jouissent, en ce qui concerne les œuvres pour lesquelles ils sont protégés en vertu de cette même convention, dans les pays de l’Union instituée par celle-ci autres que le pays d’origine de l’œuvre, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux.

65 Ainsi, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 30 de ses conclusions, il serait contraire aux obligations internationales de l’Union mises en œuvre par la directive 2001/29 dans le domaine de la propriété intellectuelle que cette dernière harmonise le droit d’auteur en ce qui concerne les œuvres dont le pays d’origine est un État membre ou dont l’auteur est un ressortissant d’un État membre, tout en laissant au droit interne des États membres la détermination du régime juridique applicable
aux œuvres dont le pays d’origine est un pays tiers ou dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers.

66 Dès lors, il y a lieu de considérer que l’article 2, sous a), et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29 s’appliquent aux œuvres des arts appliqués originaires des pays tiers ou dont les auteurs sont ressortissants de tels pays.

67 S’agissant du point de savoir si ces dispositions s’opposent à ce que les États membres appliquent, en droit national, le critère de réciprocité matérielle prévu à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne à l’égard d’une œuvre des arts appliqués dont le pays d’origine est un pays tiers ou dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers, il a été rappelé au point 57 du présent arrêt, que, selon l’article 2, sous a), et l’article 4, paragraphe 1, de la
directive 2001/29, les États membres prévoient, pour les auteurs, les droits exclusifs d’autoriser ou d’interdire la reproduction ainsi que la distribution au public de leurs œuvres. En outre, ainsi qu’il ressort du point précédent du présent arrêt, ces dispositions s’appliquent aux œuvres des arts appliqués originaires des pays tiers ou dont les auteurs sont ressortissants de tels pays.

68 Or, d’une part, l’application par un État membre de ce critère de réciprocité matérielle serait non seulement contraire au libellé desdites dispositions, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 53 de ses conclusions, mais remettrait également en cause l’objectif de cette directive, consistant en l’harmonisation du droit d’auteur dans le marché intérieur. En effet, en application dudit critère, des œuvres des arts appliqués originaires de pays tiers pourraient être traitées de manière
différente dans différents États membres, en vertu de dispositions de droit conventionnel applicables de manière bilatérale entre un État membre et un pays tiers.

69 D’autre part, en tout état de cause, les droits de propriété intellectuelle visés au point 66 du présent arrêt étant protégés au titre de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, toute limitation de l’exercice de ces droits doit, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés.

70 En l’occurrence, il y a lieu de considérer que l’application, par un État membre, du critère de réciprocité matérielle prévu à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne peut constituer une telle limitation, en ce que cette application est susceptible de priver le titulaire éventuel de ces droits de la jouissance et de l’exercice de ceux-ci sur une partie du marché intérieur, à savoir sur le territoire de l’État membre qui fait application de cette clause.

71 Ainsi qu’il résulte de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, une telle limitation doit être prévue par la loi.

72 À cet égard, la Cour a estimé que, lorsqu’une règle du droit de l’Union harmonise la protection du droit d’auteur, c’est au seul législateur de l’Union, et non aux législateurs nationaux, qu’il appartient de déterminer s’il y a lieu de limiter l’octroi, dans l’Union, de ce droit à l’égard des œuvres dont le pays d’origine est un pays tiers ou dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers, C‑265/19,
EU:C:2020:677, point 88).

73 En effet, en adoptant la directive 2001/29, le législateur de l’Union est réputé avoir exercé les compétences antérieurement dévolues aux États membres dans la matière concernée. Ainsi, dans le champ d’application de cette directive, l’Union doit être regardée comme s’étant substituée aux États membres qui ne sont plus compétents pour mettre en œuvre les stipulations pertinentes de la convention de Berne (arrêt du 26 avril 2012, DR et TV2 Danmark, C‑510/10, EU:C:2012:244, point 31 ainsi que
jurisprudence citée).

74 En l’occurrence, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 40 de ses conclusions, ni l’article 2, sous a), ni l’article 4, paragraphe 1, ni aucune autre disposition de la directive 2001/29 ne contiennent, en l’état actuel du droit de l’Union, une limitation telle que celle mentionnée au point 70 du présent arrêt.

75 Par ailleurs, il est vrai que la directive 2001/29 a effectivement pour finalité d’harmoniser seulement certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins, plusieurs de ses dispositions révélant en outre l’intention du législateur de l’Union d’accorder une marge d’appréciation aux États membres lors de sa mise en œuvre (arrêts du 29 juillet 2019, Funke Medien NRW, C‑469/17, EU:C:2019:623, point 34, et du 29 juillet 2019, Spiegel Online, C‑516/17, EU:C:2019:625, point 23 ainsi que
jurisprudence citée).

76 Cela étant, la Cour a également jugé que la liste des exceptions et des limitations que comporte l’article 5 de la directive 2001/29 aux droits exclusifs prévus aux articles 2 à 4 de cette directive revêt un caractère exhaustif, sous peine de nuire à l’effectivité de l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins réalisée par ladite directive ainsi qu’à l’objectif de sécurité juridique poursuivi, de même qu’à l’exigence de cohérence dans la mise en œuvre de ces exceptions et limitations
(voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Funke Medien NRW, C‑469/17, EU:C:2019:623, points 56, 62 et 63 ainsi que jurisprudence citée). Or, cet article 5 ne contient pas, en l’état actuel du droit de l’Union, de limitation analogue à celle du critère de réciprocité matérielle visé à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne.

77 La directive 2001/29 se distingue ainsi, à cet égard, d’autres instruments d’harmonisation du droit d’auteur qui ont été adoptés par le législateur de l’Union conformément aux dispositions de cette convention.

78 En particulier, ladite convention prévoit, notamment, des exceptions limitées, relatives aux œuvres des arts appliqués, à la durée de protection et au droit de suite, en vertu desquelles les parties à cette convention ont la possibilité d’appliquer un critère de réciprocité matérielle et, en tant que telles, ne sont pas tenues d’appliquer un traitement national, conformément à l’article 5, paragraphe 1, de cette convention.

79 Or, si le législateur de l’Union a décidé d’appliquer un critère de réciprocité matérielle, d’une part, à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2006/116 en ce qui concerne la durée de protection, et, d’autre part, à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2001/84 en ce qui concerne le droit de suite, conformément à l’article 7, paragraphe 8, et à l’article 14ter, paragraphe 2, de la convention de Berne, le législateur de l’Union n’a pas, en revanche, inclus, dans la directive 2001/29 ni
dans une autre disposition du droit de l’Union, une limitation des droits exclusifs accordés aux auteurs par l’article 2, sous a), et l’article 4, paragraphe 1, de cette directive sous la forme d’un critère de réciprocité matérielle tel que celui prévu à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne. À cet égard, ainsi qu’il a été exposé au point 72 du présent arrêt, il appartient au seul législateur de l’Union, et non aux législateurs nationaux, conformément à
l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, de prévoir, par une législation de l’Union, s’il y a lieu de limiter l’octroi, dans l’Union, des droits prévus à cet article 2, sous a), et à cet article 4, paragraphe 1 (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers, C‑265/19, EU:C:2020:677, points 88 et 91).

80 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième à quatrième questions que l’article 2, sous a), et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, lus en combinaison avec l’article 17, paragraphe 2, et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que, en l’état actuel du droit de l’Union, ils s’opposent à ce que les États membres appliquent, en droit national, le critère de réciprocité matérielle prévu à
l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne à l’égard d’une œuvre des arts appliqués dont le pays d’origine est un pays tiers et dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers. Il appartient au seul législateur de l’Union, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, de prévoir, par une législation de l’Union, s’il y a lieu de limiter l’octroi, dans l’Union, des droits prévus à cet article 2, sous a), et à cet article 4, paragraphe 1.

Sur la cinquième question

81 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 351, premier alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre d’appliquer, par dérogation aux dispositions du droit de l’Union, le critère de réciprocité matérielle contenu à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne à l’égard d’une œuvre dont le pays d’origine est les États-Unis d’Amérique.

82 Aux termes de l’article 351, premier alinéa, TFUE, les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, antérieurement à la date de leur adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d’une part, et un ou plusieurs États tiers, d’autre part, ne sont pas affectés par les dispositions des traités.

83 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la convention de Berne revêt les caractéristiques d’une convention internationale au sens de l’article 351 TFUE (arrêt du 9 février 2012, Luksan, C‑277/10, EU:C:2012:65, point 58).

84 L’article 351, premier alinéa, TFUE a pour objet de préciser, conformément aux principes de droit international, que l’application du traité n’affecte pas l’engagement de l’État membre concerné de respecter les droits des États tiers résultant d’une convention antérieure à son adhésion et d’observer ses obligations correspondantes (arrêt du 9 février 2012, Luksan, C‑277/10, EU:C:2012:65, point 61).

85 À cet égard, compte tenu de la réponse apportée aux deuxième à quatrième questions, il convient de considérer que les États membres ne peuvent plus se prévaloir de la faculté d’appliquer le critère de réciprocité matérielle visé par l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne, quand bien même cette convention est entrée en vigueur avant le 1er janvier 1958.

86 En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une convention internationale qui a été conclue par un État membre antérieurement à son adhésion à l’Union lui permet, comme c’est le cas en l’occurrence, de prendre une mesure qui apparaît contraire au droit de l’Union, sans toutefois l’y obliger, l’État membre doit s’abstenir d’adopter une telle mesure (arrêts du 28 mars 1995, Evans Medical et Macfarlan Smith, C‑324/93, EU:C:1995:84, point 32, ainsi que du 9 février 2012,
Luksan, C‑277/10, EU:C:2012:65, point 62).

87 En outre, dans l’hypothèse où, en raison d’une évolution du droit de l’Union, une mesure législative prise par un État membre conformément à la faculté offerte par une convention internationale antérieure apparaît contraire à ce droit, l’État membre concerné ne saurait se prévaloir de cette convention pour s’exonérer des obligations nées ultérieurement du droit de l’Union (arrêt du 9 février 2012, Luksan, C‑277/10, EU:C:2012:65, point 63).

88 Il convient d’ajouter que, en l’occurrence, l’article 2, paragraphe 7, première phrase, de la convention de Berne accorde une marge d’appréciation aux parties à cette convention, en prévoyant, notamment, qu’il appartient aux législations des pays de l’Union instituée par ladite convention de régler le champ d’application des lois concernant les œuvres des arts appliqués et les dessins et modèles industriels, ainsi que les conditions de protection de ces œuvres, dessins et modèles.

89 Or, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général aux points 59 à 62 de ses conclusions, premièrement, il ne ressort pas du libellé de cette disposition que celle-ci interdit à un État partie à la convention de Berne de protéger par le droit d’auteur une œuvre des arts appliqués qui, dans le pays d’origine de cette œuvre, n’est protégée qu’en vertu d’un régime spécial en tant que dessin ou modèle. Deuxièmement, une telle interdiction serait en contradiction avec l’objectif de cette convention,
reflété dans le principe du « traitement national » et du niveau minimal de protection découlant de ses dispositions matérielles, qui est d’assurer aux auteurs une protection en dehors du pays d’origine d’une œuvre. Enfin, troisièmement, il ressort en tout état de cause expressément de l’article 19 de ladite convention que les dispositions de celle-ci n’empêchent pas de revendiquer l’application de dispositions plus larges qui seraient édictées par la législation d’un État partie à ladite
convention.

90 Dans ces conditions, un État membre ne saurait se prévaloir de l’article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne pour s’exonérer des obligations découlant de la directive 2001/29.

91 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la cinquième question que l’article 351, premier alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un État membre d’appliquer, par dérogation aux dispositions du droit de l’Union, le critère de réciprocité matérielle contenu à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention de Berne à l’égard d’une œuvre dont le pays d’origine est les États-Unis d’Amérique.

Sur les dépens

92 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  1) Une situation dans laquelle une société revendique une protection par le droit d’auteur d’un objet des arts appliqués commercialisé dans un État membre, pour autant qu’il peut être qualifié d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, relève du champ d’application matériel du droit de l’Union.

  2) L’article 2, sous a), et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, lus en combinaison avec l’article 17, paragraphe 2, et l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doivent être interprétés en ce sens que :

en l’état actuel du droit de l’Union, ils s’opposent à ce que les États membres appliquent, en droit national, le critère de réciprocité matérielle prévu à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979, à l’égard d’une œuvre des arts appliqués dont le pays d’origine est un pays tiers et
dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers. Il appartient au seul législateur de l’Union, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, de prévoir, par une législation de l’Union, s’il y a lieu de limiter l’octroi, dans l’Union, des droits prévus à cet article 2, sous a), et à cet article 4, paragraphe 1.

  3) L’article 351, premier alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un État membre d’appliquer, par dérogation aux dispositions du droit de l’Union, le critère de réciprocité matérielle contenu à l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979, à l’égard d’une œuvre
dont le pays d’origine est les États-Unis d’Amérique.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-227/23
Date de la décision : 24/10/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Droit d’auteur – Directive 2001/29/CE – Articles 2 à 4 – Droits exclusifs – Protection par le droit d’auteur d’objets des arts appliqués dont le pays d’origine n’est pas un État membre – Convention de Berne – Article 2, paragraphe 7 – Critère de réciprocité matérielle – Répartition des compétences entre l’Union européenne et ses États membres – Application par les États membres du critère de réciprocité matérielle – Article 351, premier alinéa, TFUE.


Parties
Demandeurs : Kwantum Nederland BV et Kwantum België BV
Défendeurs : Vitra Collections AG.

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:914

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