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04/10/2024 | CJUE | N°C-727/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Friends of the Irish Environment CLG contre Government of Ireland e.a., 04/10/2024, C-727/22


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement – Article 2, sous a) – Notion de “plans et programmes [...] exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives” – Mesure adoptée par le gouvernement d’un État membre sur la seule base d’une disposition de la Constitution de cet État membre prévoyant que le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sou

s l’autorité de ce gouvernement »

Dans l’affaire C‑727/22,

ayant pour objet une demande de décision pr...

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement – Article 2, sous a) – Notion de “plans et programmes [...] exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives” – Mesure adoptée par le gouvernement d’un État membre sur la seule base d’une disposition de la Constitution de cet État membre prévoyant que le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sous l’autorité de ce gouvernement »

Dans l’affaire C‑727/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court (Cour suprême, Irlande), par décision du 24 novembre 2022, parvenue à la Cour le 25 novembre 2022, dans la procédure

Friends of the Irish Environment CLG

contre

Government of Ireland,

Minister for Housing, Planning and Local Government,

Ireland,

Attorney General,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. N. Wahl, J. Passer (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 novembre 2023,

considérant les observations présentées :

– pour Friends of the Irish Environment CLG, par M. N. Steen, SC, M. J. Kenny, BL, M. F. Logue, solicitor,

– pour l’Irlande, par Mme M. Browne, Chief State Solicitor, MM. A. Joyce et M. Tierney, en qualité d’agents, assistés de Mme M. Gray, SC, M. F. Valentine, SC, et Mme E. Synnott, BL,

– pour le gouvernement tchèque, par Mmes A. Edelmannová, L. Langrová, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. C. Hermes et M. Noll‑Ehlers, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 21 mars 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Friends of the Irish Environment CLG, une organisation non gouvernementale œuvrant dans le domaine de l’environnement, au Government of Ireland (gouvernement irlandais), au Minister for Housing, Planning and Local Government (ministre du Logement, du Patrimoine, de la Planification et des Collectivités locales, Irlande), à l’Irlande et à l’Attorney General (procureur général, Irlande) au sujet d’une décision prise par le gouvernement
irlandais portant adoption d’un cadre national de planification et d’un plan de développement national.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes de l’article 1er de la directive 2001/42, intitulé « Objectifs » :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

4 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », est rédigé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par la Communauté européenne, ainsi que leurs modifications :

– élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

– exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ;

[...] »

5 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », prévoit :

« 1.   Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2.   Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a) qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de
certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40),] pourra être autorisée à l’avenir ; [...]

[...]

4.   Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

[...]

8.   Les plans et programmes suivants ne sont pas couverts par la présente directive :

– les plans et programmes destinés uniquement à des fins de défense nationale et de protection civile,

– les plans et programmes financiers ou budgétaires.

9.   La présente directive ne s’applique pas aux plans et programmes cofinancés au titre des périodes de programmation en cours [...] concernant respectivement les règlements (CE) no 1260/1999 [du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO 1999, L 161, p. 1),] et (CE) no 1257/1999 [du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains
règlements (JO 1999, L 160, p. 80)]. »

6 L’article 4, paragraphe 3, de la même directive est rédigé comme suit :

« Lorsque les plans et les programmes font partie d’un ensemble hiérarchisé, les États membres, en vue d’éviter une répétition de l’évaluation, tiennent compte du fait qu’elle sera effectuée, conformément à la présente directive, à différents niveaux de l’ensemble hiérarchisé. Afin, entre autres, d’éviter une répétition de l’évaluation, les États membres appliquent l’article 5, paragraphes 2 et 3. »

7 Aux termes de l’article 5 de la directive 2001/42, intitulé « Rapport sur les incidences environnementales » :

« 1.   Lorsqu’une évaluation environnementale est requise en vertu de l’article 3, paragraphe 1, un rapport sur les incidences environnementales est élaboré, dans lequel les incidences notables probables de la mise en œuvre du plan ou du programme, ainsi que les solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d’application géographique du plan ou du programme, sont identifiées, décrites et évaluées. Les informations requises à cet égard sont énumérées à l’annexe I.

2.   Le rapport sur les incidences environnementales élaboré conformément au paragraphe 1 contient les informations qui peuvent être raisonnablement exigées, compte tenu des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes, du contenu et du degré de précision du plan ou du programme, du stade atteint dans le processus de décision et du fait qu’il peut être préférable d’évaluer certains aspects à d’autres stades de ce processus afin d’éviter une répétition de l’évaluation.

3.   Les renseignements utiles concernant les incidences des plans et programmes sur l’environnement obtenus à d’autres niveaux de décision ou en vertu d’autres instruments législatifs communautaires peuvent être utilisés pour fournir les informations énumérées à l’annexe I.

[...] »

8 La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), entrée en vigueur le 17 février 2012, a abrogé et remplacé la directive 85/337.

Le droit irlandais

9 Aux termes de l’article 28, paragraphe 2, de la Constitution irlandaise:

« Sous réserve des dispositions de la présente Constitution, le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sous l’autorité du gouvernement. »

10 L’article 2, paragraphe 1, du Planning and Development Act 2000 (loi de 2000 sur l’aménagement du territoire et le développement), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi de 2000 »), disposait :

« On entend par “stratégie nationale d’aménagement du territoire” la “stratégie nationale d’aménagement du territoire : 2002-2020” publiée par le gouvernement le 28 novembre 2002, ou tout document publié par le gouvernement qui modifie ou remplace cette stratégie ».

11 À la suite de l’entrée en vigueur, le 22 octobre 2018, du Planning and Development (Amendment) Act 2018 (loi modificative de 2018 sur l’aménagement du territoire et le développement, ci-après la « loi de 2018 »), le chapitre IIA de la partie II de la loi de 2000 est ainsi libellé :

« Cadre national de planification

20A. La stratégie nationale d’aménagement du territoire, telle que modifiée conformément aux dispositions du présent chapitre, y compris tout document publié par le gouvernement qui modifie ou remplace cette stratégie ou un tel document ultérieur, sera connue sous le nom de cadre national de planification.

[...]

Questions à traiter dans le cadre national de planification

20C. [...]

(4) Le gouvernement élabore et publie le cadre national de planification et surveille sa mise en œuvre.

(5) Tous les 6 ans après la date de publication du cadre national de planification, le gouvernement :

a) révise le cadre ou le remplace par un nouveau, ou

b) publie une déclaration expliquant pourquoi le gouvernement a décidé de ne pas réviser l’encadrement et inclut dans cette déclaration l’indication d’une date à laquelle il sera révisé ou un nouveau cadre national de planification sera publié.

(6) Le ministre prévoit une consultation publique lors de l’élaboration d’un cadre national de planification nouveau ou révisé [...]

(7) L’élaboration du cadre national de planification est soumise aux dispositions des directives environnementales pertinentes de l’Union [...]

(8) Le gouvernement soumet le projet de cadre national de planification révisé ou nouveau, ainsi que le rapport environnemental et le rapport d’évaluation approprié pour l’approbation de chaque Chambre de l’Oireachtas (Parlement irlandais) avant sa publication.

(9) Lors de l’élaboration ou de la révision du cadre national de planification, le gouvernement tient compte de toute résolution ou rapport du Parlement irlandais ou de toute commission du Parlement irlandais, au cours de la période d’examen, en ce qui concerne la stratégie proposée ou, le cas échéant, le cadre proposé à réviser. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 Par décision du 16 février 2018, le gouvernement irlandais a adopté le National Planning Framework (cadre national de planification, ci-après le « NPF ») et le National Development Plan (plan de développement national, ci-après le « NDP »), deux volets du Project Ireland 2040 (projet Irlande 2040). Cette décision a été « confirmée » par une décision de ce gouvernement, du 29 mai 2018.

13 Le projet Irlande 2040 vise à établir un plan unifié et cohérent pour l’affectation et le développement des sols au sein du pays. Le NPF établit un cadre de planification pour guider le développement et l’investissement au cours des années à venir et définit, selon son avant-propos, « des objectifs nationaux et des principes clés qui donneront lieu à des plans plus détaillés et plus précis ». Ainsi, il ne prévoit pas tous les détails pour l’ensemble du territoire national, mais « permet à chaque
région de jouer le rôle principal dans la planification et le développement de ses communautés ». Le NPF est accompagné du NDP, lequel est décrit comme une stratégie décennale en matière d’investissements de capitaux publics à hauteur de 116 milliards d’euros, définissant la manière dont le financement sera mis à disposition aux fins de la mise en œuvre de certains projets considérés comme essentiels pour atteindre les résultats stratégiques recensés dans le NPF et recensant les importants
travaux d’infrastructure qu’il propose de financer sans aborder les questions relatives à la planification et au développement.

14 Par un jugement et une ordonnance du 24 avril 2020 ainsi que par une ordonnance du 13 mai 2020, la High Court (Haute Cour, Irlande) a rejeté la demande introduite par la requérante au principal visant à l’adoption d’ordonnances de certiorari ayant pour objet l’annulation de la décision du 16 février 2018, telle que confirmée par la décision du 29 mai 2018.

15 Par un jugement du 26 novembre 2021 et une ordonnance du 7 décembre 2021, la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande) a rejeté l’appel interjeté par la requérante au principal contre ces décisions de la High Court (Haute Cour).

16 Le 4 janvier 2022, la requérante au principal a formé un pourvoi contre ces décisions de la Court of Appeal (Cour d’appel) devant la Supreme Court (Cour suprême, Irlande), qui est la juridiction de renvoi, par lequel elle conteste la validité du NPF et du NDP. Elle soutient, en substance, que les exigences de la directive 2001/42 n’ont pas été respectées à l’occasion de l’adoption de ceux-ci et que, s’agissant plus particulièrement du NPF, les solutions de substitution raisonnables n’ont pas été
suffisamment décrites et évaluées sur une base correcte par rapport à l’analyse effectuée à l’égard de l’option privilégiée.

17 Devant la juridiction de renvoi, les parties défenderesses au principal font valoir que, même si le NPF a fait l’objet d’une évaluation au titre de la directive 2001/42, cette évaluation n’était pas requise par cette directive, car le NPF n’est pas un plan ou un programme visé à l’article 2, sous a), de ladite directive, faute pour ce NPF d’être « exigé par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives » au sens de ladite disposition. Il en irait de même en ce qui concerne le
NDP, lequel serait, en outre, exclu du champ d’application de la même directive en vertu de l’article 3, paragraphe 8, de celle-ci.

18 Dans ces conditions, la Supreme Court (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 2, sous a), de la directive 2001/42, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 2, sous a), de ladite directive, en ce sens qu’une mesure que l’exécutif d’un État membre n’a adoptée ni en vertu d’une obligation légale ou administrative ni sur la base d’une mesure réglementaire, administrative ou législative est susceptible de constituer un plan ou un programme visé par ladite directive lorsque le plan ou le programme ainsi adopté définit un cadre dans
lequel la réalisation de certains projets pourra être autorisée ou refusée à l’avenir et satisfait ainsi au critère de l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive ?

2) a) Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/42, lu conjointement avec l’article 3, paragraphes 8 et 9, de ladite directive, en ce sens qu’un plan ou un programme qui contient des règles spécifiques, bien que qualifiées d’“indicatives”, pour l’allocation de fonds destinés à la réalisation de certains projets d’infrastructure, en vue de soutenir la stratégie d’aménagement du territoire prévue par un autre plan, qui constitue lui-même la base d’une stratégie
future d’aménagement du territoire, est lui‑même susceptible de constituer un plan ou un programme au sens de la directive 2001/42 ?

b) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, sous a), le fait qu’un plan a pour objectif d’allouer des ressources signifie-t-il qu’il doit être assimilé à un plan budgétaire au sens de l’article 3, paragraphe 8, de la directive 2001/42 ?

3) a) Convient-il d’interpréter l’article 5 de la directive 2001/42, lu conjointement avec l’annexe I de ladite directive, en ce sens que, lorsqu’une évaluation environnementale est requise en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/42, il y a lieu, dans le rapport sur les incidences environnementales prévu à l’article 5 de ladite directive, lorsque des solutions de substitution raisonnables par rapport à une option privilégiée sont identifiées, de procéder sur une base
comparable à une évaluation de l’option privilégiée et des solutions de substitution raisonnables ?

b) En cas de réponse affirmative à la troisième question, sous a), l’exigence posée par la directive 2001/42 est-elle satisfaite lorsque les solutions de substitution raisonnables sont évaluées sur une base comparable préalablement au choix de l’option privilégiée, mais que, par la suite, c’est uniquement au regard de l’option privilégiée que le projet de plan ou de programme est évalué et qu’ensuite une évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement (ESIE) est effectuée de manière
plus approfondie ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

19 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens qu’une mesure adoptée par le gouvernement d’un État membre sur la seule base d’une disposition de la Constitution de cet État membre prévoyant que le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sous l’autorité de ce gouvernement est susceptible de constituer un « plan » ou un « programme », au sens de cet article 2, sous a), lorsque cette
mesure définit un cadre dans lequel la mise en œuvre de certains projets pourra être autorisée ou refusée à l’avenir.

20 L’article 3 de la directive 2001/42 prévoit que certains plans ou certains programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent être soumis à une évaluation environnementale.

21 En particulier, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, une évaluation environnementale doit être effectuée pour tous les plans et programmes qui satisfont à deux conditions cumulatives, à savoir, en premier lieu, être élaborés pour les secteurs visés à cette disposition et, en second lieu, définir le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92 pourra être autorisée à l’avenir [arrêt du 9 mars 2023, An Bord
Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens), C‑9/22, EU:C:2023:176, point 36].

22 En l’occurrence, selon la juridiction de renvoi, le NPF satisferait à la seconde condition de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive.

23 Toutefois, il importe de souligner que ne relèvent de la directive 2001/42, et donc de l’article 3 de celle-ci, que les « plans et programmes » qui répondent à la définition de cette notion figurant à l’article 2, sous a), de cette directive.

24 À cet égard, l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 définit les « plans et programmes », au sens de cette directive, comme étant ceux qui satisfont aux deux conditions cumulatives qu’il énonce, à savoir, d’une part, avoir été élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, au moyen d’une procédure législative (première condition), et, d’autre part, être exigés par des
dispositions législatives, réglementaires ou administratives (seconde condition) [arrêt du 9 mars 2023, An Bord Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens), C‑9/22, EU:C:2023:176, point 27 et jurisprudence citée].

25 Concernant la seconde des conditions visées au point précédent du présent arrêt, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que doivent être regardés comme étant « exigés », au sens et pour l’application de la directive 2001/42, et, dès lors, soumis à l’évaluation de leurs incidences sur l’environnement dans les conditions qu’elle fixe, les plans et les programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, lesquelles déterminent les
autorités compétentes pour les adopter ainsi que leur procédure d’élaboration. Ainsi, la Cour a jugé que, eu égard à la finalité de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42, qui consiste à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement, et afin d’en préserver l’effet utile, une mesure doit être considérée comme « exigée » dès lors qu’il existe dans le droit national une base juridique particulière autorisant les autorités compétentes à procéder à son adoption, même si cette
adoption ne revêt pas un caractère obligatoire (arrêt du 22 février 2022, Bund Naturschutz in Bayern, C‑300/20, EU:C:2022:102, point 37 et jurisprudence citée).

26 Or, en l’occurrence, il n’apparaît pas, compte tenu des éléments dont dispose la Cour, que le NPF ait été adopté sur le fondement d’une telle base juridique particulière.

27 Selon la juridiction de renvoi, le NPF a été adopté par une décision du gouvernement agissant exclusivement en vertu du pouvoir qui lui est conféré par l’article 28, paragraphe 2, de la Constitution irlandaise.

28 Conformément à cette disposition, « [s]ous réserve des dispositions de la [Constitution irlandaise], le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sous l’autorité du gouvernement ».

29 Ainsi, loin d’encadrer l’adoption de plans ou de programmes en prévoyant les autorités compétentes pour adopter ceux-ci ainsi que leur procédure d’élaboration, ladite disposition se borne à établir, conformément au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, que, par opposition aux pouvoirs législatif et judiciaire, le pouvoir exécutif de l’État est, de manière générale, exercé par ou sous l’autorité du gouvernement.

30 Il est vrai que, compte tenu de la finalité de la directive 2001/42 consistant, conformément à l’article 1er de celle-ci, à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement, les dispositions qui délimitent son champ d’application, et notamment celles énonçant les définitions des actes envisagés par celle-ci, doivent être interprétées d’une manière large (arrêt du 22 février 2022, Bund Naturschutz in Bayern, C‑300/20, EU:C:2022:102, point 44 et jurisprudence citée).

31 Toutefois, une interprétation de la directive 2001/42 selon laquelle une mesure répondant aux conditions d’adoption du NPF relèverait du champ d’application de cette directive irait au-delà d’une interprétation large de ladite directive. Une telle interprétation reviendrait en effet à vider de sa substance la seconde des deux conditions cumulatives énoncées à l’article 2, sous a), de cette même directive.

32 Par conséquent, une mesure, telle que le NPF, adoptée sur la seule base d’une disposition de la Constitution d’un État membre telle que celle visée au point 27 du présent arrêt ne saurait, dès lors, être considérée comme relevant du champ d’application de la directive 2001/42, quand bien même cette mesure satisferait à la seconde condition de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive, rappelée au point 21 du présent arrêt.

33 Une telle interprétation n’est, en outre, pas remise en cause par la circonstance, relevée par la juridiction de renvoi, que l’article 2, paragraphe 1, de la loi de 2000 prévoyait que la « stratégie nationale d’aménagement du territoire » ou toute modification de celle-ci soit publiée. En effet, force est de constater que cette disposition se limitait à établir une exigence de publication sans pour autant déterminer la procédure d’élaboration du NPF. Ainsi, même en tenant compte de ladite
disposition, il ne saurait être considéré que l’adoption de ce dernier, sur le fondement de l’article 28, paragraphe 2, de la Constitution irlandaise, était « encadrée », au sens de la jurisprudence rappelée au point 25 du présent arrêt.

34 Il s’ensuit qu’une mesure répondant aux conditions d’adoption du NPF ne satisfait pas à la seconde des deux conditions énoncées à l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 et, par conséquent, ne constitue pas un « plan ou programme » au sens de cette disposition.

35 Cette conclusion est sans préjudice de l’appréciation, au regard de la directive 2001/42, des plans ou programmes qui seront, le cas échéant, adoptés pour mettre en œuvre le NPF.

36 À cet égard, s’agissant de tels plans ou programmes qui rempliraient les conditions prévues par la directive 2001/42 pour être soumis à l’obligation d’effectuer une évaluation environnementale, il importe notamment d’observer que le NPF n’étant pas un « plan » ou un « programme », au sens de l’article 2, sous a), de cette directive, et ne faisant dès lors pas partie d’un « ensemble hiérarchisé », au sens de l’article 4, paragraphe 3, de ladite directive, aucune disposition de celle‑ci n’autorise
les autorités nationales à justifier les éventuelles incidences sur l’environnement de ces plans ou programmes au motif que de telles incidences découleraient d’orientations décidées dans une mesure telle que le NPF.

37 La conclusion figurant au point 34 du présent arrêt est également sans préjudice de l’appréciation, au regard de la même directive, des plans ou programmes qui seront, selon le cas, adoptés en vertu des dispositions pertinentes de la loi de 2000, telle que modifiée par la loi de 2018, y compris, en particulier, de l’éventuelle modification ou de l’éventuel remplacement du NPF effectués conformément à la procédure prévue par ces dispositions.

38 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens qu’une mesure adoptée par le gouvernement d’un État membre sur la seule base d’une disposition de la Constitution de cet État membre prévoyant que le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sous l’autorité de ce gouvernement ne répond pas à la condition d’être « exigé[e] par des dispositions législatives,
réglementaires ou administratives » et, par conséquent, ne peut pas constituer un « plan » ou un « programme », au sens de cet article 2, sous a).

Sur la deuxième question

39 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/42, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphes 8 et 9, de cette directive, doit être interprété en ce sens que :

– une mesure qui contient des règles spécifiques, bien que qualifiées d’« indicatives », pour l’allocation de fonds destinés à la réalisation de certains projets d’infrastructure, en vue de soutenir la stratégie d’aménagement du territoire prévue par une autre mesure, est susceptible de constituer un plan ou un programme au sens de la directive 2001/42 ;

– une telle mesure est néanmoins exclue du champ d’application de la directive 2001/42 au titre de son article 3, paragraphe 8, en raison du fait qu’elle a pour objectif d’allouer des ressources.

40 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que cette question porte sur le NDP.

41 Cependant, il ressort également de cette demande que le NDP, qui constitue l’une des deux branches du projet Irlande 2040, a été adopté par le gouvernement irlandais sur la même base juridique que le NPF.

42 Partant, eu égard aux considérations exposées aux points 26 à 34 du présent arrêt et à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question

43 Il résulte de la réponse apportée à la première question qu’une mesure telle que le NPF ne constitue pas un « plan » ou un « programme », au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 et, par conséquent, ne relève pas du champ d’application de cette directive.

44 Dans ces conditions, il n’y pas lieu d’examiner la troisième question portant sur l’article 5 de la directive 2001/42 et sur la méthodologie applicable aux fins d’évaluation des plans et programmes soumis à cette directive.

Sur les dépens

45 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

  L’article 2, sous a), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement,

  doit être interprété en ce sens que :

  une mesure adoptée par le gouvernement d’un État membre sur la seule base d’une disposition de la Constitution de cet État membre prévoyant que le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sous l’autorité de ce gouvernement ne répond pas à la condition d’être « exigé[e] par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives » et, par conséquent, ne peut pas constituer un « plan » ou un « programme », au sens de cet article 2, sous a).

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-727/22
Date de la décision : 04/10/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement – Article 2, sous a) – Notion de “plans et programmes [...] exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives” – Mesure adoptée par le gouvernement d’un État membre sur la seule base d’une disposition de la Constitution de cet État membre prévoyant que le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sous l’autorité de ce gouvernement.


Parties
Demandeurs : Friends of the Irish Environment CLG
Défendeurs : Government of Ireland e.a.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:825

Source

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