ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
4 octobre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Marchés publics de services – Irrégularités dans la procédure d’attribution de marchés – Règlement (CE) no 2988/95 – Articles 4, 5 et 7 – Décision de recouvrement des montants indûment versés – Notes de débit – Distinction entre les mesures administratives et les sanctions administratives – Possibilité d’adopter une mesure administrative en l’absence de réglementation sectorielle – Décision de récupération fondée sur le règlement no 2988/95 et le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 –
Règlement no 1605/2002 – Article 103 – Possibilité de récupération auprès de l’administrateur de l’opérateur économique bénéficiaire de fonds de l’Union européenne »
Dans l’affaire C‑721/22 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 novembre 2022,
Commission européenne, représentée initialement par MM. B. Araujo Arce, J. Baquero Cruz et J. Estrada de Solà, en qualité d’agents, puis par MM. J. Baquero Cruz et J. Estrada de Solà, en qualité d’agents,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
PB, représenté par Me L. Levi, avocate,
partie demanderesse en première instance,
Conseil de l’Union européenne,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. N. Piçarra, N. Jääskinen et M. Gavalec (rapporteur), juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 septembre 2022, PB/Commission (T‑775/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:542), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2020) 7151 final de la Commission, du 22 octobre 2020, relative à l’application d’une mesure administrative à l’encontre de l’administrateur de la société [confidentiel], retirant les montants indûment perçus au titre des contrats portant les références
TACIS/2006/101-510 et CARDS/2008/166-429 (ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
Le règlement (CE) no 2988/95
2 Les troisième, quatrième et cinquième considérants du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1), énoncent :
« considérant [...] qu’il importe [...] de combattre dans tous les domaines les atteintes aux intérêts financiers des Communautés [européennes] ;
considérant que l’efficacité de la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés requiert la mise en place d’un cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques communautaires ;
considérant que les comportements constitutifs d’irrégularités, ainsi que les mesures et sanctions administratives y relatives, sont prévus dans des réglementations sectorielles en conformité avec le présent règlement ».
3 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement :
« Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ».
4 L’article 2 dudit règlement dispose :
« 1. Les contrôles et les mesures et sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer l’application correcte du droit communautaire. Ils doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d’assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés.
2. Aucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu’un acte communautaire antérieur à l’irrégularité ne l’a pas instaurée. En cas de modification ultérieure des dispositions portant sanctions administratives et contenues dans une réglementation communautaire, les dispositions moins sévères s’appliquent rétroactivement.
[...] »
5 Le titre II du règlement no 2988/95, intitulé « Mesures et sanctions administratives », comprend les articles 4 à 7 de ce règlement.
6 L’article 4 dudit règlement est ainsi libellé :
« 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu :
– par l’obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus,
– par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l’appui de la demande d’un avantage octroyé ou lors de la perception d’une avance.
2. L’application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l’avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d’intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire.
3. Les actes pour lesquels il est établi qu’ils ont pour but d’obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l’espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l’avantage, soit son retrait.
4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. »
7 L’article 5 du même règlement prévoit :
« 1. Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes :
[...]
c) la privation totale ou partielle d’un avantage octroyé par la réglementation communautaire, même si l’opérateur a bénéficié indûment d’une partie seulement de cet avantage ;
[...]
2. Sans préjudice des dispositions des réglementations sectorielles existant au moment de l’entrée en vigueur du présent règlement, les autres irrégularités ne peuvent donner lieu qu’aux sanctions non assimilables à une sanction pénale prévues au paragraphe 1, pour autant que de telles sanctions soient indispensables à l’application correcte de la réglementation. »
8 Aux termes de l’article 7 du règlement no 2988/95 :
« Les mesures et sanctions administratives communautaires peuvent s’appliquer aux opérateurs économiques visés à l’article 1er, à savoir les personnes physiques ou morales, ainsi que les autres entités auxquelles le droit national reconnaît la capacité juridique, qui ont commis l’irrégularité. Elles peuvent également s’appliquer aux personnes qui ont participé à la réalisation de l’irrégularité, ainsi qu’à celles qui sont tenues de répondre de l’irrégularité ou d’éviter qu’elle soit commise. »
Le règlement no 99/2000
9 Le règlement (CE, Euratom) no 99/2000 du Conseil, du 29 décembre 1999, relatif à la fourniture d’une assistance aux États partenaires d’Europe orientale et d’Asie centrale (JO 2000, L 12, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2112/2005 du Conseil, du 21 novembre 2005 (JO 2005, L 344, p. 23), avait instauré le programme TACIS visant à favoriser la transition vers une économie de marché et à renforcer la démocratie et l’État de droit dans les États partenaires d’Europe orientale et d’Asie
centrale.
Le règlement no 2666/2000
10 Le règlement (CE) no 2666/2000 du Conseil, du 5 décembre 2000, relatif à l’aide à l’Albanie, à la Bosnie-et-Herzégovine, à la Croatie, à la République fédérale de Yougoslavie et à l’ancienne République yougoslave de Macédoine et abrogeant le règlement (CE) no 1628/96 ainsi que modifiant les règlements (CEE) no 3906/89 et (CEE) no 1360/90 et les décisions 97/256/CE et 1999/311/CE (JO 2000, L 306, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2257/2004 du Conseil, du 20 décembre 2004 (JO 2004,
L 389, p. 1), prévoyait notamment, au moyen du programme CARDS, la fourniture d’une assistance communautaire pour la reconstruction, le développement et la stabilisation aux pays de l’Europe du Sud-Est en vue de leur participation au processus de stabilisation et d’association avec l’Union européenne.
Le règlement financier de 2002
11 L’article 103 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2002 »), disposait :
« Lorsque la procédure de passation ou l’exécution d’un marché sont entachées soit d’erreurs ou d’irrégularités substantielles, soit de fraude, les institutions suspendent l’exécution dudit marché.
Si ces erreurs, irrégularités ou fraudes sont le fait du contractant, elles peuvent, en outre, refuser d’effectuer le paiement ou recouvrer les montants déjà versés, proportionnellement à la gravité desdites erreurs, irrégularités ou fraudes. »
12 Aux termes de l’article 103 du règlement no 1605/2002, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1) :
« Lorsque la procédure de passation d’un marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, les institutions la suspendent et prennent toutes les mesures nécessaires, y compris l’annulation de la procédure.
Si, après l’attribution du marché, la procédure de passation ou l’exécution du marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, les institutions peuvent s’abstenir de conclure le contrat, suspendre l’exécution du marché ou, le cas échéant, résilier le contrat, selon le stade atteint par la procédure.
Si ces erreurs, irrégularités ou fraudes sont le fait du contractant, les institutions peuvent en outre refuser d’effectuer le paiement, recouvrer les montants déjà versés ou résilier tous les contrats conclus avec ledit contractant, proportionnellement à la gravité desdites erreurs, irrégularités ou fraudes. »
Les antécédents du litige
13 Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 33 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins du présent pourvoi, ils peuvent être synthétisés de la manière suivante.
14 L’Union a attribué deux marchés publics à un consortium et, par suite, conclu deux contrats avec la société coordinatrice de ce consortium (ci-après la « société coordinatrice »), au cours, respectivement, de l’année 2006 et de l’année 2008. Le premier contrat, d’une valeur maximale de 4410000 euros, portait sur la fourniture d’une assistance technique aux autorités ukrainiennes en vue du rapprochement du droit ukrainien avec le droit de l’Union. Le second, d’une valeur maximale de 1999125 euros,
consistait à fournir des services d’assistance technique au Haut conseil judiciaire, en Serbie.
15 À la suite de dénonciations anonymes visant la société coordinatrice, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a enquêté et conclu, dans deux rapports, à l’existence d’irrégularités graves et de possibles faits de corruption, dans chacun des deux marchés.
16 Sur la base de ces rapports de l’OLAF, la Commission a adopté, le 15 octobre 2019, deux décisions par lesquelles elle reprochait à la société coordinatrice d’avoir commis des irrégularités substantielles, au sens de l’article 103 du règlement financier de 2002, au cours des procédures de passation des deux marchés en cause. Ces irrégularités lui ont paru suffisamment graves pour que tous les paiements effectués soient considérés comme ayant été indûment versés et comme devant être récupérés.
17 Ces deux décisions ont été contestées par la société coordinatrice devant le Tribunal. Par ses arrêts du 21 décembre 2021, HB/Commission (T‑795/19, EU:T:2021:917), et du 21 décembre 2021, HB/Commission (T‑796/19, EU:T:2021:918), le Tribunal a rejeté les deux recours introduits par cette société au motif qu’ils étaient irrecevables, en ce qu’ils tendaient à l’annulation desdites décisions de recouvrement, et non fondés, en ce qu’ils tendaient à l’engagement de la responsabilité non contractuelle
de l’Union. Ces arrêts, frappés de pourvoi, ont été annulés par l’arrêt de ce jour, Commission/HB, C‑160/22 P et C‑161/22 P.
18 Le 13 décembre 2019, la Commission a informé PB, qui est l’administrateur de la société coordinatrice, qu’elle avait l’intention d’adopter à son égard des mesures administratives, telles que prévues aux articles 4 et 7 du règlement no 2988/95. À ses yeux, la responsabilité personnelle de PB pouvait être engagée dès lors que celui-ci avait participé, en cette qualité d’administrateur, à la réalisation des irrégularités lors de l’attribution des deux marchés en cause. Or, en tant qu’administrateur
de la société coordinatrice, PB aurait dû veiller à ce que de telles irrégularités ne fussent pas commises.
19 Le 22 octobre 2020, la Commission a adopté la décision litigieuse sur le fondement des articles 4 et 7 du règlement no 2988/95 et, en substance, de l’article 103 du règlement financier de 2002. Cette décision déclarait PB solidairement responsable avec la société coordinatrice du paiement des montants de 4241507 euros en rapport avec le premier marché visé au point 14 du présent arrêt et de 797230,86 euros en rapport avec le second marché visé à ce même point.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2020, PB a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, à la condamnation de l’Union au remboursement de tous les montants éventuellement recouvrés par la Commission sur le fondement de cette décision, augmentés des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE), majoré de 7 points, au paiement de 10000 euros à titre de dommages et intérêts, sous réserve de parfaire, ainsi
qu’aux entiers dépens.
21 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à examiner le troisième moyen de PB invoqué au soutien des conclusions en annulation de la décision litigieuse, tiré d’une absence de base légale de cette décision, ainsi que d’une violation du principe de la légalité des peines et du principe de l’application de la loi pénale plus douce. En substance, il a, aux points 55, 63 et 64 de l’arrêt attaqué, déduit de l’arrêt du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a. (C‑367/09, EU:C:2010:648, points 52 à 56) que
les articles 5 et 7 du règlement no 2988/95, qui permettent d’adopter des mesures et des sanctions administratives, sont dépourvus d’effet direct, en dehors du champ de la politique agricole commune (PAC) et d’autres domaines obéissant à des règles équivalentes, telle la politique commerciale commune. Le Tribunal a, dès lors, jugé que l’adoption de mesures et de sanctions administratives contre les auteurs d’irrégularités présuppose l’édiction de réglementations sectorielles spécifiques conformes
à ce règlement sur lesquelles ces mesures et ces sanctions doivent être fondées. Lesdites mesures et sanctions ne sauraient donc reposer sur le seul règlement no 2988/95.
22 En outre, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que ni l’article 4 de ce règlement ni l’article 103, second alinéa, du règlement financier de 2002 n’autorisent la Commission à demander le remboursement des montants indûment perçus à d’autres personnes ou à d’autres entités que leur bénéficiaire. Il a également relevé que l’article 7 du règlement no 2988/95 n’apporte pas de précisions s’agissant de la catégorie d’acteurs devant faire l’objet d’une mesure administrative
dans un tel cas.
23 Partant, le Tribunal a jugé, au point 70 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse était dépourvue de base légale. Ayant accueilli le troisième moyen du recours en annulation de cette décision au point 71 de cet arrêt, le Tribunal a annulé ladite décision et n’a, par suite, pas jugé nécessaire d’examiner les neuf autres moyens soulevés par PB.
24 Enfin, le Tribunal a, au point 91 de l’arrêt attaqué, rejeté au fond les conclusions indemnitaires de PB, tout en considérant, au point 80 de cet arrêt, qu’il n’y avait pas lieu de statuer préalablement sur leur recevabilité. Il a notamment estimé, au point 89 dudit arrêt, que PB n’avait pas apporté la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement prétendument fautif de la Commission et le préjudice invoqué.
Les conclusions des parties au pourvoi
25 Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :
– d’annuler les premier et troisième points du dispositif de l’arrêt attaqué ;
– de renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il statue sur le fond du recours en annulation, et
– de condamner PB aux dépens.
26 PB demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner la Commission à supporter la charge de l’ensemble des dépens.
Sur le pourvoi
27 À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque un moyen unique qui est dirigé contre le premier point du dispositif de l’arrêt attaqué.
Argumentation des parties
28 Au soutien de son unique moyen de pourvoi, la Commission conteste, en premier lieu, le raisonnement adopté par le Tribunal aux points 51 à 64 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où il l’a conduit à considérer, au point 65 de cet arrêt, que le règlement no 2988/95 ne pouvait constituer, à lui seul, le fondement juridique pertinent pour adopter des mesures administratives visant à récupérer des montants indûment perçus. En statuant ainsi, le Tribunal aurait méconnu les articles 4 et 7 de ce
règlement qui constituent une base autonome et suffisamment précise pour adopter de telles mesures n’ayant pas le caractère d’une sanction.
29 Le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 51 dudit arrêt, qui constitue le point de départ de son raisonnement, en déduisant du cinquième considérant dudit règlement que le législateur de l’Union subordonne l’infliction de mesures administratives et de sanctions aux auteurs d’irrégularités à l’édiction de réglementations sectorielles spécifiques. Pourtant, ce considérant n’imposerait pas nécessairement de se fonder sur une réglementation sectorielle et n’exclurait pas non plus que
le règlement no 2988/95 puisse avoir un effet autonome.
30 La Commission relève également que, aux points 51 à 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a déduit de l’arrêt du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a. (C‑367/09, EU:C:2010:648), que ce règlement était un règlement-cadre nécessitant un règlement sectoriel pour l’application de sanctions et pour identifier les catégories de personnes visées par ces sanctions. Cette interprétation vaudrait pourtant seulement pour les sanctions prévues à l’article 5 dudit règlement, auxquelles s’applique le principe de
légalité des délits et des peines énoncé à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 2, du même règlement. Selon la Commission, le fait d’étendre une telle interprétation aux mesures administratives, qui visent à protéger les intérêts financiers de l’Union et qui ne constituent pas des sanctions, reviendrait à priver le règlement no 2988/95 de son effet utile et de son caractère contraignant.
31 En outre, si des réglementations sectorielles ont vocation à s’appliquer en tant que lex specialis, en leur absence, le règlement no 2988/95 produirait un effet juridique propre et autonome. D’ailleurs, dans l’arrêt du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a. (C‑367/09, EU:C:2010:648, points 32 à 34), la Cour aurait rappelé que les dispositions d’un règlement ont, en règle générale, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, si bien que ce ne serait qu’exceptionnellement, pour « certaines
dispositions d’un règlement », telles que, dans le règlement no 2988/95, les dispositions relatives aux sanctions, que des mesures d’application seraient nécessaires.
32 Dans cette perspective, les arrêts du 21 décembre 2011, Chambre de commerce et d’industrie de l’Indre (C‑465/10, EU:C:2011:867), et du 18 décembre 2014, Somvao (C‑599/13, EU:C:2014:2462), auxquels le Tribunal s’est référé aux points 59 et 60 de l’arrêt attaqué, se limiteraient à constater que, lorsqu’il existe une réglementation sectorielle régissant le recouvrement de montants dus, celle-ci doit s’appliquer en tant que lex specialis, à la place de la lex generalis que constitue le règlement
no 2988/95. En tout état de cause, dès lors que, dans les affaires ayant donné lieu à ces deux arrêts, il existait une réglementation sectorielle, la Cour n’aurait pas eu à examiner la question de savoir si ce règlement pouvait constituer une base autonome pour le recouvrement, en l’absence de législation sectorielle.
33 Cela étant, aussi bien le Tribunal que la Cour auraient expressément reconnu, à plusieurs reprises, l’application directe et autonome de l’article 4 dudit règlement pour recouvrer de tels montants, notamment dans les arrêts du 15 avril 2011, IPK International/Commission (T‑297/05, EU:T:2011:185, point 117), du 13 décembre 2012, FranceAgriMer (C‑670/11, EU:C:2012:807, point 72), ainsi que du 9 juillet 2015, Cimmino e.a. (C‑607/13, EU:C:2015:448, point 76). Cette jurisprudence aurait une portée
générale et ne saurait donc, contrairement à ce que le Tribunal aurait affirmé aux points 62 à 64 de l’arrêt attaqué, être cantonnée à la PAC et à la politique commerciale commune.
34 En second lieu, la Commission conteste le raisonnement figurant aux points 67 et 69 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où le Tribunal y a considéré que l’article 103 du règlement financier de 2002, en tant que réglementation sectorielle, permettait d’effectuer des recouvrements uniquement contre le contractant et non pas contre un tiers, tel que l’administrateur de la société coordinatrice.
35 Il ressortirait du point 67 de cet arrêt que l’article 7 du règlement no 2988/95 ne précise pas la catégorie d’acteurs qui doivent faire l’objet d’une mesure administrative. En outre, au point 69 dudit arrêt, le Tribunal aurait jugé que l’application conjointe de l’article 103 du règlement financier de 2002 ainsi que des articles 4 et 7 du règlement no 2988/95 ne permettait pas l’adoption d’une mesure administrative à l’encontre de PB, dès lors que celui-ci n’était pas le bénéficiaire direct des
paiements en cause.
36 Or, selon la Commission, il résulte de l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE qu’un règlement qui, à l’instar du règlement financier de 2002, établit les règles financières qui fixent notamment les modalités relatives à l’établissement et à l’exécution du budget est une réglementation générale concernant l’exécution du budget et non pas une réglementation sectorielle. Aussi le règlement financier de 2002 et le règlement no 2988/95 devraient-ils être appréhendés comme étant deux
réglementations générales complémentaires et non comme étant respectivement une lex generalis et une lex specialis. À ce titre, il serait possible, et même souvent nécessaire, d’appliquer ces deux règlements conjointement.
37 En l’occurrence, les réglementations sectorielles pertinentes seraient, pour le marché public relatif à l’Ukraine, le règlement no 99/2000, tel que modifié par le règlement no 2112/2005, et, pour le marché public relatif à la Serbie, le règlement no 2666/2000, tel que modifié par le règlement no 2257/2004.
38 Par ailleurs, en jugeant, au point 67 de l’arrêt attaqué, que l’article 7 du règlement no 2988/95 « n’apporte pas de précisions s’agissant de la catégorie d’acteurs devant faire l’objet d’une mesure administrative », le Tribunal aurait méconnu la deuxième phrase de cet article, selon laquelle des mesures administratives « peuvent également s’appliquer aux personnes qui ont participé à la réalisation de l’irrégularité, ainsi qu’à celles qui sont tenues de répondre de l’irrégularité ou d’éviter
qu’elle soit commise ». En l’occurrence, en tant qu’administrateur de la société coordinatrice, PB relèverait du champ d’application de cette disposition.
39 De son côté, PB réfute, en premier lieu, l’argumentation de la Commission, en soulignant que le Tribunal n’a pas soutenu que le cinquième considérant de ce règlement pourrait l’emporter sur les dispositions dudit règlement. En outre, l’argument de la Commission par lequel elle conteste la qualification dudit règlement de « règlement-cadre » par le Tribunal serait inopérante, dès lors que la qualification de « réglementation générale », que suggère la Commission, serait équivalente.
40 Par ailleurs, PB soutient que c’est à tort que la Commission conteste tant la transposition par le Tribunal de la jurisprudence relative aux sanctions administratives aux mesures administratives que le fait d’avoir considéré que l’article 4 dudit règlement ne peut constituer, à lui seul, le fondement juridique pertinent de mesures administratives visant la récupération de montants indûment perçus. En effet, aucun des trois arrêts mentionnés par la Commission ne serait pertinent puisque tant
l’arrêt du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke (C‑110/99, EU:C:2000:695, points 56 et 57) que les arrêts du 13 décembre 2012, FranceAgriMer (C‑670/11, EU:C:2012:807, point 72), et du 9 juillet 2015, Cimmino e.a. (C‑607/13, EU:C:2015:448, point 76) relèveraient de la PAC. Or, le Tribunal aurait établi, à juste titre, que, dans le cadre de cette politique, le régime des sanctions et des mesures administratives avait été instauré avant même l’entrée en vigueur du règlement no 2988/95.
41 La Cour aurait, en outre, déjà souligné, notamment au point 37 de l’arrêt du 18 décembre 2014, Somvao (C‑599/13, EU:C:2014:2462), que ce règlement se borne à établir des règles générales de contrôle et de sanctions qui ne sauraient constituer une base juridique suffisante pour fonder une récupération de fonds qui étaient mal employés. Selon PB, cette jurisprudence est pertinente pour étayer l’affirmation, figurant au point 58 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il n’y a pas de différences
significatives dans la jurisprudence de la Cour entre la mise en œuvre des sanctions administratives et celle des mesures administratives prévues par ledit règlement.
42 PB s’interroge, en outre, sur le caractère opérant de l’argumentation de la Commission, dès lors que celle-ci ne conteste pas que la décision litigieuse reposait sur deux bases juridiques. Or, si la Commission avait estimé que le règlement no 2988/95 constituait une base juridique suffisante pour adopter la décision litigieuse, elle n’aurait pas également fondé celle-ci sur l’article 103 du règlement financier de 2002.
43 Enfin, PB estime qu’il est indifférent que le règlement financier de 2002 soit qualifié de « réglementation sectorielle » ou de « réglementation générale ». Il découlerait en effet de l’arrêt du 18 décembre 2014, Somvao (C‑599/13, EU:C:2014:2462) que ce règlement financier pouvait fonder une mesure réduisant le montant d’une subvention accordée au titre du Fonds européen pour les réfugiés. Le Tribunal n’aurait fait que se conformer à cet arrêt, en recherchant, aux points 65 et 66 de l’arrêt
attaqué, si ledit règlement financier autorisait la Commission à adopter la décision litigieuse.
44 En second lieu, PB conteste l’argumentation de la Commission dirigée contre les points 67 et 69 de l’arrêt attaqué et soutient, d’une part, que la deuxième phrase de l’article 7 du règlement no 2988/95 est une disposition purement facultative qui doit, pour pouvoir être appliquée, être précisée par un acte de l’Union. D’autre part, PB fait valoir qu’une mesure administrative ne peut être appliquée que pour autant qu’elle permette le retrait d’un avantage indûment obtenu. Il s’ensuivrait qu’un tel
retrait ne peut être ordonné à l’égard d’une personne qui, à l’instar de PB, n’a pas bénéficié de cet avantage.
Appréciation de la Cour
45 Dans le cadre de son unique moyen de pourvoi, la Commission conteste, en premier lieu, le raisonnement suivi par le Tribunal aux points 51 à 64 de l’arrêt attaqué au terme duquel il a jugé, au point 65 de cet arrêt, que le règlement no 2988/95 ne peut constituer, à lui seul, le fondement juridique pertinent pour adopter des mesures administratives visant à récupérer des montants indûment perçus.
46 Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé dans le cadre de la PAC et de la politique commerciale commune, l’obligation de restituer un avantage indûment perçu au moyen d’une pratique irrégulière constitue non pas une sanction pour laquelle une base légale claire et non ambiguë, distincte du règlement no 2988/95, serait nécessaire, mais est la simple conséquence de la constatation que les conditions requises pour l’obtention de l’avantage résultant de la réglementation de l’Union ont été
artificiellement créées, rendant indu l’avantage perçu et justifiant, dès lors, l’obligation de le restituer [voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke, C‑110/99, EU:C:2000:695, point 56 ; du 4 juin 2009, Pometon, C‑158/08, EU:C:2009:349, point 28 ; du 13 décembre 2012, FranceAgriMer, C‑670/11, EU:C:2012:807, point 65 ; du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia, C‑341/13, EU:C:2014:2230, point 45, ainsi que du 29 février 2024, Eesti Vabariik (Põllumajanduse Registrite ja
Informatsiooni Amet), C‑437/22, EU:C:2024:176, point 57].
47 Il s’ensuit que, lorsque les irrégularités constatées ont pour conséquence que les contrats en vertu desquels un financement européen devait être alloué à un opérateur économique ne pouvaient pas être considérés comme ayant été valablement conclus aux fins d’obtenir le financement en question, il convient d’appliquer une mesure administrative, au sens de l’article 4, paragraphe 1, premier tiret, du règlement no 2988/95, consistant à exiger le remboursement des fonds indûment perçus (voir, en ce
sens, arrêt du 13 décembre 2012, FranceAgriMer, C‑670/11, EU:C:2012:807, point 67).
48 La Cour a ainsi déjà admis qu’une mesure administrative consistant à récupérer auprès d’un opérateur l’avantage dont il avait indûment bénéficié puisse être adoptée sur le seul fondement de l’article 4 du règlement no 2988/95.
49 En effet, en disposant que « [l]es actes pour lesquels il est établi qu’ils ont pour but d’obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit [de l’Union] applicable en l’espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l’avantage, soit son retrait », l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement est directement applicable dans tous ses éléments, y compris par conséquent en l’absence de
réglementation qui le concrétise.
50 Dès lors, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal aux points 62 à 64 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence mentionnée aux points 46 et 47 du présent arrêt est transposable à une situation dans laquelle des marchés publics sont financés à partir de fonds octroyés par l’Union au titre des programmes CARDS et TACIS. À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’Union n’a vocation à financer, par l’intermédiaire de ses fonds, que des actions menées en pleine conformité notamment avec
les principes et les règles de passation de marchés publics (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2016, Wrocław – Miasto na prawach powiatu, C‑406/14, EU:C:2016:562, point 43, et du 8 juin 2023, ANAS, C‑545/21, EU:C:2023:451, point 31).
51 Une telle interprétation contribue à la protection efficace des intérêts financiers de l’Union ainsi qu’à garantir l’effet utile du règlement no 2988/95. En effet, il découle des troisième et quatrième considérants de ce règlement que celui-ci vise à assurer la protection des intérêts financiers de l’Union « dans tous les domaines » et à établir « un cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques [de l’Union] ». Il résulte également de l’article 2, paragraphe 1, dudit
règlement que les contrôles, ainsi que les mesures et les sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont « nécessaires pour assurer l’application correcte du droit [de l’Union] », ce qui inclut indéniablement les règles de passation des marchés publics.
52 L’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union, poursuivi par le règlement no 2988/95, confirme que l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement doit être appliqué, sans qu’il soit nécessaire d’adopter une réglementation sectorielle, sous peine de paralyser les possibilités d’action de l’Union en vue de la protection des intérêts financiers de celle-ci.
53 En revanche, lorsque le législateur de l’Union a choisi de créer, dans une autre réglementation générale ou dans une réglementation sectorielle, une obligation de récupérer les fonds mal employés ou irrégulièrement obtenus, c’est cette réglementation qui constitue le fondement juridique pertinent aux fins de la récupération de ces fonds (voir, notamment, arrêts du 21 décembre 2011, Chambre de commerce et d’industrie de l’Indre, C‑465/10, EU:C:2011:867, point 33, et du 18 décembre 2014, Somvao,
C‑599/13, EU:C:2014:2462, point 37).
54 Dans ces conditions, le cinquième considérant du règlement no 2988/95 ne saurait être lu en ce sens que l’Union a l’obligation d’adopter une réglementation sectorielle pour appliquer les mesures administratives prévues à l’article 4 de ce règlement. Une telle obligation ne s’impose en effet qu’en ce qui concerne les sanctions administratives visées à l’article 5 dudit règlement. L’Union conserve toutefois la faculté de prévoir des règles relatives aux mesures administratives dans les
réglementations sectorielles qu’elle adopte.
55 Par ailleurs, si l’article 5 du règlement no 2988/95 est insusceptible de s’appliquer directement à un opérateur économique qui a commis une irrégularité, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, c’est précisément parce que l’infliction de sanctions administratives, autorisée par cet article 5, est, pour sa part, soumise au principe de légalité des délits et des peines (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a., C‑367/09, EU:C:2010:648, points 39, 43 et 61,
ainsi que du 13 décembre 2012, FranceAgriMer, C‑670/11, EU:C:2012:807, points 61 et 62).
56 Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en jugeant, au point 65 de l’arrêt attaqué, que le règlement no 2988/95 ne peut constituer, à lui seul, le fondement juridique pertinent pour adopter des mesures administratives visant à la récupération de montants indûment perçus.
57 En second lieu, la Commission conteste le point 67 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal y a jugé que l’article 7 de ce règlement ne précise pas la catégorie d’acteurs qui doivent faire l’objet d’une mesure administrative.
58 À cet égard, il découle de l’article 7, deuxième phrase, du règlement no 2988/95 que les mesures et les sanctions administratives de l’Union « peuvent [...] s’appliquer aux personnes qui ont participé à la réalisation d’une irrégularité, ainsi qu’à celles qui sont tenues de répondre de l’irrégularité ou d’éviter qu’elle soit commise ».
59 La faculté ainsi ouverte à cette disposition contribue à la réalisation de l’objectif de protéger les intérêts financiers de l’Union, notamment lorsque le bénéficiaire est une personne morale qui n’existe plus ou ne dispose pas de ressources suffisantes pour rembourser les sommes en cause. Cette interprétation se justifie, plus particulièrement, à la lumière de l’objectif d’efficacité de la lutte contre la fraude, visé au quatrième considérant du règlement no 2988/95 [arrêt du 29 février 2024,
Eesti Vabariik (Põllumajanduse Registrite ja Informatsiooni Amet), C‑437/22, EU:C:2024:176, point 53].
60 En l’espèce, la Commission soutient que PB a participé à des irrégularités, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, notamment dans le cadre de la coordination de ces irrégularités et de la rédaction de courriels ou encore en partageant des déjeuners avec un membre du comité d’évaluation des offres. Or, à supposer que ces faits soient avérés, PB aurait dû, en sa qualité d’administrateur de la société coordinatrice, non seulement s’abstenir de participer à de telles irrégularités,
mais également veiller à ce que celles-ci ne fussent pas commises. Les agissements de PB étaient, par conséquent, couverts par les dispositions de l’article 7, deuxième phrase, dudit règlement.
61 Il s’ensuit, en supposant toujours que les faits soient avérés, que la Commission était en droit de déclarer PB solidairement responsable avec la société coordinatrice du paiement des montants indûment perçus par cette société au titre des deux marchés publics en cause, en fondant la décision litigieuse sur les seuls articles 4 et 7 du règlement no 2988/95.
62 Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a soutenu à bon droit, il découle de l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE que le règlement financier de 2002 constitue une réglementation générale relative à l’exécution du budget et non une réglementation sectorielle qui devrait primer la réglementation générale constituée par le règlement no 2988/95. Aussi est-il indifférent que ce règlement financier se réfère seulement au contractant de l’Union.
63 Cette conclusion vaut également pour le règlement financier de 2002, tel que modifié par le règlement no 1995/2006, qui était applicable en ce qui concerne le volet de la décision litigieuse ordonnant à PB de rembourser les paiements que la Commission considérait comme ayant été indûment versés à la société coordinatrice en application du contrat conclu en 2008 à la suite du second marché public.
64 En outre, compte tenu de l’objectif transversal de protection des intérêts financiers de l’Union poursuivi par le règlement no 2988/95, rappelé au point 51 du présent arrêt, l’article 103, second alinéa, du règlement financier de 2002 ainsi que l’article 103, troisième alinéa, du règlement financier de 2002, tel que modifié par le règlement no 1995/2006, doivent être interprétés à la lumière de l’article 7 du règlement no 2988/95.
65 Il s’ensuit que l’article 103, second alinéa, du règlement financier de 2002, lu en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 2, ainsi que les articles 4 et 7 du règlement no 2988/95, doit être considéré comme habilitant les institutions de l’Union à s’adresser, en vue d’obtenir la restitution de sommes indûment versées, aux personnes liées au contractant qui ont participé, lors de la procédure de passation d’un marché ou de son exécution, à la réalisation d’irrégularités, mais aussi aux
personnes qui sont tenues de répondre de ces irrégularités et aux personnes qui devaient veiller à ce que lesdites irrégularités ne fussent pas commises.
66 Dans ces conditions, c’est à tort que le Tribunal a jugé, au point 69 de l’arrêt attaqué, que l’application conjointe des articles 4 et 7 de ce règlement ainsi que de l’article 103 du règlement financier de 2002 ne permettait pas d’adopter une mesure administrative à l’égard de PB.
67 Il convient donc d’accueillir dans son intégralité le moyen unique soulevé par la Commission à l’appui de son pourvoi et, partant, d’annuler l’arrêt attaqué.
Sur le recours devant le Tribunal
68 Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.
69 Tel n’est pas le cas en l’espèce.
70 En effet, la Cour ne dispose pas des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur le recours en ce qu’il tend à l’annulation de la décision litigieuse.
71 Dans ces conditions, le litige n’est pas en état d’être jugé. Par conséquent, il convient de renvoyer l’affaire devant le Tribunal en ce qu’elle porte sur l’annulation de la décision litigieuse.
72 En revanche, le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, aux termes duquel le Tribunal a rejeté le recours de PB pour le surplus et qui n’a pas fait l’objet d’un pourvoi, est revêtu de l’autorité de la chose jugée, nonobstant l’annulation partielle de cet arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, points 109 et 110).
Sur les dépens
73 L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents au présent pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 septembre 2022, PB/Commission (T‑775/20, EU:T:2022:542), est annulé.
2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne en ce qu’elle porte sur l’annulation de la décision C(2020) 7151 final de la Commission, du 22 octobre 2020, relative à l’application d’une mesure administrative à l’encontre de l’administrateur de la société [confidentiel], retirant les montants indûment perçus au titre des contrats portant les références TACIS/2006/101-510 et CARDS/2008/166-429.
3) Les dépens sont réservés.
Jürimäe
Lenaerts
Piçarra
Jääskinen
Gavalec
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2024.
Le greffier
A. Calot Escobar
La présidente de chambre
K. Jürimäe
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( *1 ) Langue de procédure : le français.