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04/10/2024 | CJUE | N°C-581/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, thyssenkrupp AG contre Commission européenne., 04/10/2024, C-581/22


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

4 octobre 2024 (*)

Table des matières

Le cadre juridique

Le règlement (CE) n o 139/2004

Le règlement (CE) n o 802/2004

Les lignes directrices sur les concentrations horizontales

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

Les conclusions des parties

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen

Sur la première branche du premier moyen

– Argumentation des parties<

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– Appréciation de la Cour

Sur la seconde branche du premier moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur l...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

4 octobre 2024 (*)

Table des matières

Le cadre juridique

Le règlement (CE) n o 139/2004

Le règlement (CE) n o 802/2004

Les lignes directrices sur les concentrations horizontales

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

Les conclusions des parties

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen

Sur la première branche du premier moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la seconde branche du premier moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur le deuxième moyen

Sur la première branche du deuxième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la deuxième branche du deuxième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la troisième branche du deuxième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la quatrième branche du deuxième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur le troisième moyen

Sur la première branche du troisième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la deuxième branche du troisième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la troisième branche du troisième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la quatrième branche du troisième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la cinquième branche du troisième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la sixième branche du troisième moyen

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

Appréciation de la Cour

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

Appréciation de la Cour

Sur les dépens

« Pourvoi – Concurrence – Règlement (CE) no 139/2004 – Concentration d’entreprises – Décision déclarant la concentration incompatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l’accord EEE – Détermination des marchés pertinents – Entrave significative à une concurrence effective – Création ou renforcement d’une position dominante – Effets non coordonnés – Niveau de preuve – Notions d’“important moteur de la concurrence” et de “concurrents proches” – Proximité de concurrence entre les parties
à la concentration – Indice de Herfindahl-Hirschmann – Demandes de renseignements – Dénaturation »

Dans l’affaire C‑581/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1^er septembre 2022,

thyssenkrupp AG, établie à Duisburg et Essen (Allemagne), représentée par M^es M. Klusmann, O. Schley^ et J. Ziebarth, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée initialement par MM. G. Conte, T. Franchoo, M^me C. Sjödin et M. I. Zaloguin, puis par MM. G. Conte, T. Franchoo et I. Zaloguin, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, MM. T. von Danwitz, P. G. Xuereb, A. Kumin et M^me I. Ziemele, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, thyssenkrupp AG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 juin 2022, thyssenkrupp/Commission (T‑584/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:386), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2019) 4228 final de la Commission, du 11 juin 2019, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et l’accord EEE (affaire M.8713 – Tata Steel/thyssenkrupp/JV) (ci‑après la « décision
litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) n^o 139/2004

2        Le considérant 25 du règlement (CE) n^o 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises ^(« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), énonce :

« (25)      Eu égard aux conséquences possibles des concentrations réalisées dans le cadre de structures de marché oligopolistiques, il est d’autant plus nécessaire de maintenir une concurrence effective sur ces marchés. Un grand nombre de marchés oligopolistiques montrent un sain degré de concurrence. Toutefois, dans certaines circonstances, les concentrations impliquant l’élimination des fortes contraintes concurrentielles que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre, ainsi
qu’une réduction des pressions concurrentielles sur les autres concurrents, peuvent, même en l’absence de probabilité de coordination entre les membres de l’oligopole, avoir pour conséquence une entrave significative à une concurrence effective. Toutefois, les juridictions communautaires n’ont pas, à ce jour, expressément interprété le règlement (CEE) n^o 4064/89 [du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1989, L 395, p. 1),] comme
exigeant que soient déclarées incompatibles avec le marché commun les concentrations donnant lieu à des effets non coordonnés de ce type. Il convient donc, par souci de sécurité juridique, de préciser que le présent règlement prévoit un contrôle effectif de toutes ces concentrations en établissant que toute concentration qui entraverait de manière significative une concurrence effective, dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, devrait être déclarée incompatible avec le marché
commun. La notion d’“entrave significative à une concurrence effective” figurant à l’article 2, paragraphes 2 et 3, devrait être interprétée comme s’étendant, au-delà du concept de dominance, seulement aux effets anticoncurrentiels d’une concentration résultant du comportement non coordonné d’entreprises qui n’auraient pas une position dominante sur le marché concerné. »

3        L’article 2 du règlement n^o 139/2004, intitulé « Appréciation des concentrations », dispose :

« 1.      Les concentrations visées par le présent règlement sont appréciées en fonction des objectifs du présent règlement et des dispositions qui suivent en vue d’établir si elles sont ou non compatibles avec le marché commun.

Dans cette appréciation, la Commission [européenne] tient compte :

a)      de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun au vu notamment de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises situées à l’intérieur ou à l’extérieur de la Communauté ;

b)      de la position sur le marché des entreprises concernées et de leur puissance économique et financière, des possibilités de choix des fournisseurs et des utilisateurs, de leur accès aux sources d’approvisionnement ou aux débouchés, de l’existence en droit ou en fait de barrières à l’entrée, de l’évolution de l’offre et de la demande des produits et services concernés, des intérêts des consommateurs intermédiaires et finals ainsi que de l’évolution du progrès technique et économique pour
autant que celle-ci soit à l’avantage des consommateurs et ne constitue pas un obstacle à la concurrence.

2.      Les concentrations qui n’entraveraient pas de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées compatibles avec le marché commun.

3.      Les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun.

4.      Pour autant que la création d’une entreprise commune constituant une concentration au sens de l’article 3 ait pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d’entreprises qui restent indépendantes, cette coordination est appréciée selon les critères de l’article [101], paragraphes 1 et 3, [TFUE] en vue d’établir si la concentration est compatible ou non avec le marché commun.

5.      Dans cette appréciation, la Commission tient notamment compte de :

–        la présence significative et simultanée de deux entreprises fondatrices ou plus sur le même marché que celui de l’entreprise commune, sur un marché situé en amont ou en aval de ce marché ou sur un marché voisin étroitement lié à ce marché,

–        la possibilité donnée aux entreprises concernées par leur coordination résultant directement de la création de l’entreprise commune d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits et services en cause. »

4        L’article 3 de ce règlement, intitulé « Définition de la concentration », prévoit, à son paragraphe 1, sous b), et à son paragraphe 4 :

« 1.      Une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte :

[...]

b)      de l’acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen.

[...]

4.      La création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue une concentration au sens du paragraphe 1, point b). »

5        L’article 4 dudit règlement, intitulé « Notification préalable des concentrations et renvoi en prénotification à la demande des parties notifiantes », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les concentrations de dimension communautaire visées par le présent règlement doivent être notifiées à la Commission avant leur réalisation et après la conclusion de l’accord, la publication de l’offre publique d’achat ou d’échange ou l’acquisition d’une participation de contrôle.

La notification peut également être faite lorsque les entreprises concernées démontrent de bonne foi à la Commission leur intention de conclure un accord ou, dans le cas d’une offre publique d’achat ou d’échange, lorsqu’elles ont annoncé publiquement leur intention de faire une telle offre, à condition que l’accord ou l’offre envisagés aboutisse à une concentration de dimension communautaire.

Aux fins du présent règlement, l’expression “concentration notifiée” vise aussi les projets de concentration notifiés au titre du deuxième alinéa. Aux fins des paragraphes 4 et 5 du présent article, le terme “concentration” comprend les projets de concentrations au sens du deuxième alinéa. »

6        L’article 6 du même règlement, intitulé « Examen de la notification et engagement de la procédure », prévoit, à son paragraphe 1, sous c) :

« La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception.

[...]

c)      Sans préjudice du paragraphe 2, si la Commission constate que la concentration notifiée relève du présent règlement et soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’engager la procédure. Sans préjudice de l’article 9, cette procédure sera close par voie de décision conformément à l’article 8, paragraphes 1 à 4, à moins que les entreprises concernées n’aient démontré, à la satisfaction de la Commission, qu’elles ont abandonné la concentration. »

7        L’article 8 du règlement n^o 139/2004, intitulé « Pouvoirs de décision de la Commission », dispose, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      Lorsque la Commission constate qu’une concentration notifiée, après modifications apportées par les entreprises concernées, répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 2, et, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 4, aux critères définis à l’article [101], paragraphe 3, [TFUE], elle prend une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun.

La Commission peut assortir sa décision de conditions et de charges destinées à assurer que les entreprises concernées se conforment aux engagements qu’elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun.

La décision déclarant la concentration compatible est réputée couvrir les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration.

3.      Lorsque la Commission constate qu’une concentration répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 3, ou, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 4, ne répond pas aux critères de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE], elle prend une décision déclarant la concentration incompatible avec le marché commun. »

8        L’article 11 de ce règlement, intitulé « Demande de renseignements », énonce, à son paragraphe 1 :

« Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut, par une simple demande ou par voie de décision, demander aux personnes visées à l’article 3, paragraphe 1, point b), ainsi qu’aux entreprises et associations d’entreprises, de fournir tous les renseignements nécessaires. »

9        L’article 14 dudit règlement, intitulé « Amendes », prévoit, à son paragraphe 1, sous c) :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger aux personnes visées à l’article 3, paragraphe 1, point b), et aux entreprises et associations d’entreprises, des amendes jusqu’à concurrence de 1 % du chiffre d’affaires total réalisé par l’entreprise ou association d’entreprises concernée au sens de l’article 5 lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

[...]

c)      en réponse à une demande faite par voie de décision prise en application de l’article 11, paragraphe 3, elles fournissent un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé ou ne fournissent pas un renseignement dans le délai prescrit ».

10      L’article 15 du même règlement, intitulé « Astreintes », dispose, à son paragraphe 1, sous a) :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger aux personnes visées à l’article 3, paragraphe 1, point b), et aux entreprises ou associations d’entreprises des astreintes jusqu’à concurrence de 5 % du chiffre d’affaires total journalier moyen de l’entreprise ou association d’entreprises concernée au sens de l’article 5 par jour ouvrable de retard à compter de la date qu’elle fixe dans sa décision, pour les contraindre :

a)      à fournir d’une manière complète et exacte un renseignement qu’elle a demandé par voie de décision prise en application de l’article 11, paragraphe 3 ;

[...] »

 Le règlement (CE) n^o 802/2004

11      Le règlement (CE) n^o 802/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n^o 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 172, p. 9), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) n^o 1269/2013 de la Commission, du 5 décembre 2013 (JO 2013, L 336, p. 1), prévoyait, à son article 13, paragraphe 2 :

« La Commission fait part de ses objections par écrit aux parties notifiantes.

En communiquant ses objections, la Commission indique aux parties notifiantes le délai dans lequel elles peuvent lui faire connaître leur point de vue par écrit.

La Commission informe les autres parties intéressées, par écrit, des objections retenues.

La Commission fixe aussi le délai dans lequel les autres parties intéressées peuvent lui faire connaître leur point de vue par écrit.

La Commission n’est pas tenue de prendre en considération les observations reçues après l’expiration d'un délai qu’elle a fixé. »

 Les lignes directrices sur les concentrations horizontales 

12      Les points 14, 16, 19 à 21, 28, 32 à 35, 37 et 38 de la communication de la Commission, intitulée « Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises » (JO 2004, C 31, p. 5, ci‑après les « lignes directrices sur les concentrations horizontales »), énoncent :

« III. Parts de marché et degrés de concentration

14.      Les parts de marché et les degrés de concentration donnent souvent une première indication utile sur la structure du marché et sur l’importance, sous l’angle de la concurrence, des parties à la concentration et de leurs concurrents.

[...]

16.      Le degré de concentration global d’un marché peut aussi constituer une donnée précieuse sur les conditions de concurrence. Pour mesurer les degrés de concentration, la Commission utilise souvent l’indice de Herfindahl-Hirschmann (IHH). L’IHH est égal à la somme des carrés des parts de marché de chacune des entreprises présentes sur le marché. L’IHH donne un poids proportionnellement plus important aux parts de marché des grandes entreprises. Même s’il est préférable d’inclure toutes les
entreprises dans le calcul, l’absence d’informations sur les très petites entreprises n’est pas nécessairement importante, étant donné que ces entreprises n’ont qu’une faible incidence sur l’IHH. Si le niveau absolu de l’IHH peut donner une première indication des pressions concurrentielles qui s’exerceront sur le marché à l’issue de l’opération de concentration, la variation de l’IHH (connue sous le nom de “delta”) est un indicateur utile sur la modification du degré de concentration qui résultera
directement de l’opération.

[...]

Niveaux de l’IHH

19.      Il est peu probable que la Commission estime qu’une opération [de concentration] soulève des problèmes de concurrence horizontaux sur un marché dont l’IHH à l’issue de la concentration sera inférieur à 1 000. Ces marchés n’exigent normalement pas une analyse approfondie.

20.      Il est également peu probable que la Commission conclue à l’existence de problèmes de concurrence horizontaux lorsque l’IHH à l’issue de l’opération [de concentration] est compris entre 1 000 et 2 000 et que le delta est inférieur à 250, ou lorsque l’IHH à l’issue de l’opération est supérieur à 2 000 et que le delta est inférieur à 150, sauf dans des cas exceptionnels où, par exemple, un ou plusieurs des facteurs suivants sont présents :

a)      l’une des parties à l’opération est un entrant potentiel ou un concurrent entré récemment sur le marché dont la part de marché est faible ;

b)      une ou plusieurs parties à l’opération sont des entreprises innovantes importantes, ce que ne révèlent pas les parts de marché ;

c)      il existe d’importantes participations croisées entre les entreprises présentes sur le marché ;

d)      l’une des parties à la concentration est un franc-tireur qui, très probablement, ferait échouer la coordination des comportements ;

e)      il existe des indices de l’existence, sur le marché, d’une coordination passée ou actuelle, ou de pratiques facilitant la coordination ;

f)      l’une des parties à l’opération détient, avant la concentration, une part de marché supérieure ou égale à 50 %.

21.      Chacune de ces valeurs de l’IHH, combinée avec les variations delta correspondantes, peut servir de premier indicateur de l’absence de problèmes sous l’angle de la concurrence. Toutefois, ces valeurs ne donnent pas lieu à une présomption d’existence ou d’absence de tels problèmes.

[...]

IV. Effets anticoncurrentiels possibles des concentrations horizontales

Les parties à la concentration sont des concurrents proches

28.      Sur un même marché en cause, les produits peuvent être différenciés de telle sorte que certains produits sont des substituts plus proches que d’autres. Plus le degré de substituabilité entre les produits des parties à une opération de concentration est élevé, plus il est probable que celles-ci augmenteront significativement leurs prix. À titre d’exemple, une opération de concentration entre deux producteurs qui offrent des produits qu’un très grand nombre de clients considèrent comme leur
premier ou leur second choix pourrait engendrer d’importantes augmentations de prix. Ainsi, le fait que la rivalité entre les parties ait été une source de concurrence importante sur le marché peut constituer un facteur clé dans l’analyse. L’existence, avant la concentration, de marges élevées peut aussi rendre plus probables des augmentations de prix significatives. L’incitation des parties à la concentration à augmenter les prix a plus de chances d’être limitée lorsque leurs concurrents produisent
des substituts proches de leurs produits que lorsqu’ils proposent des substituts moins proches. Il y a donc moins de risques qu’une opération de concentration entrave de manière significative la concurrence effective, notamment par création ou renforcement d’une position dominante, s’il existe un degré de substituabilité élevé entre les produits des parties à la concentration et ceux de producteurs rivaux.

[...]

Les concurrents sont peu susceptibles d’accroître leur production si les prix augmentent

32.      Lorsque la situation sur le marché est telle qu’il est peu probable que les concurrents des parties à une concentration augmentent sensiblement leur production en cas de hausse des prix, les parties à l’opération [de concentration] peuvent être incitées à ramener la production en dessous des niveaux cumulés atteints avant l’opération, ce qui ferait augmenter les prix du marché. L’opération de concentration accroît l’incitation à diminuer la production en donnant à l’entité fusionnée une
base de clientèle élargie, sur laquelle pourra être appliquée une plus grande marge bénéficiaire du fait de la hausse des prix induite par la réduction de la production.

33.      Inversement, lorsque la situation sur le marché est telle que les concurrents ont assez de capacités de production et qu’une augmentation suffisante de leurs ventes leur serait profitable, il est peu probable que la Commission conclue que l’opération créera ou renforcera une position dominante ou entravera différemment, de manière significative, la concurrence effective.

34.      L’augmentation de la production est improbable, en particulier, lorsque les concurrents ont des contraintes de capacité et que l’accroissement de la production est coûteux ou que l’utilisation des capacités excédentaires existantes reviendrait beaucoup plus cher que les capacités qui sont actuellement mobilisées.

35.      Même si l’existence de contraintes de capacité est plus susceptible d’être un facteur important lorsque les produits sont relativement homogènes, il se peut aussi qu’il s’agisse d’un facteur important lorsque les entreprises offrent des produits différenciés.

[...]

L’opération de concentration élimine un important moteur de la concurrence

37.      Certaines entreprises ont un rôle plus important dans le jeu de la concurrence que ne le laisseraient supposer leurs parts de marché ou tout autre indicateur similaire. Toute opération à laquelle serait partie une entreprise de ce type pourrait modifier la dynamique de la concurrence de manière significative et préjudiciable à celle-ci, en particulier si le marché est déjà concentré [...]. Par exemple, il se peut qu’une entreprise soit récemment entrée sur le marché et qu’il soit prévu
qu’elle exercerait à l’avenir une forte pression concurrentielle sur les autres entreprises présentes sur le marché.

38.      Sur les marchés où l’innovation est un important moteur de la concurrence, une opération de concentration peut accroître la capacité et l’incitation des entreprises à apporter de nouvelles innovations sur le marché et, partant, la pression concurrentielle sur les entreprises rivales pour innover sur ce marché. Inversement, la concurrence effective peut être entravée de manière significative par une concentration entre deux entreprises innovantes importantes, par exemple entre deux
entreprises ayant des produits en cours de développement pour un marché de produits spécifique. De même, une entreprise dont la part de marché est relativement faible peut néanmoins constituer un important moteur de la concurrence si ses produits en cours de développement sont prometteurs. »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

13      Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 23 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés de la manière suivante.

14      thyssenkrupp est une société allemande qui exerce son activité dans la production de produits plats en acier au carbone, les services de matériaux, la technologie des ascenseurs, les solutions industrielles et la technologie des composants. Cette société est l’un des principaux producteurs européens d’acier plat au carbone et son activité s’exerce tout au long de la chaîne de valeur de l’acier plat au carbone, de la production d’acier primaire aux produits finis revêtus. Elle produit et
fournit ainsi une gamme de produits plats en acier au carbone, y compris de l’acier laminé à chaud, de l’acier laminé à froid, de l’acier à revêtement métallique et de l’acier laminé pour emballage, de l’acier galvanisé, de l’acier à revêtement organique, de l’acier magnétique à grains orientés (ci-après le « GOES ») et de l’acier magnétique à grains non orientés. Les activités de thyssenkrupp sont centrées sur l’Allemagne et ses usines intégrées sont toutes situées à Duisbourg (Allemagne), mais
elle possède également des usines de finition dans l’Espace économique européen (EEE), notamment en France, en Allemagne et en Espagne.

15      Tata Steel Ltd (ci-après « TSE ») est une société indienne qui exerce son activité dans l’extraction du charbon et du minerai de fer, la fabrication de produits sidérurgiques et la vente de ces produits dans le monde entier. TSE produit, en outre, des ferro-alliages ainsi que des minéraux connexes et fabrique certains autres produits, tels que du matériel agricole et des roulements. En particulier, TSE produit et vend une gamme de produits en acier au carbone, y compris de l’acier laminé à
chaud, de l’acier laminé à froid, de l’acier à revêtement métallique et de l’acier laminé pour emballage, de l’acier galvanisé et de l’acier à revêtement organique ainsi que du GOES et de l’acier magnétique à grains non orientés. TSE fabrique également d’autres produits en aval, tels que des tubes en acier au carbone et des éléments en acier pour la construction. Les usines de TSE sont situées principalement au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, mais elle possède également un certain nombre d’usines de
finition ailleurs en Europe, notamment en Belgique, en France, en Allemagne et en Suède.

16      Le 25 septembre 2018, thyssenkrupp et TSE (ci-après, ensemble, les « parties à la concentration projetée ») ont notifié à la Commission, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement n^o 139/2004, un projet de concentration (ci-après la « concentration projetée ») par lequel elles acquéraient le contrôle conjoint d’une entreprise commune nouvellement créée (ci-après « JV »), au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, de ce règlement.

17      Conformément à la concentration projetée, JV exercerait son activité dans la production d’acier plat au carbone et de produits en acier magnétique. Chacune des parties à la concentration projetée céderait à JV ses activités et ses actifs de production d’acier plat au carbone et d’acier magnétique en Europe. Les services d’aciérie de thyssenkrupp seraient également transférés à JV. En outre, les parties à la concentration projetée détiendraient chacune 50 % des actions de JV. Aucune de ces
parties ne se verrait accorder de droits de veto pertinents dont l’autre ne disposerait pas, et elles contrôleraient donc conjointement l’entreprise commune. JV remplirait durablement toutes les fonctions d’une entité économique autonome ayant sa propre présence sur le marché, tant en amont qu’en aval. JV serait donc une entreprise commune de plein exercice.

18      Par décision du 20 octobre 2018, la Commission a estimé que la concentration projetée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et a décidé d’engager une procédure d’examen approfondi, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n^o 139/2004.

19      Le 13 février 2019, la Commission a adopté une communication des griefs par laquelle elle a conclu que la concentration projetée entraverait de manière significative une concurrence effective dans une partie substantielle du marché intérieur, au sens de l’article 2 du règlement n^o 139/2004.

20      Le 27 février 2019, les parties à la concentration projetée ont présenté à la Commission leur réponse à la communication des griefs. Elles ont confirmé qu’elles ne demandaient pas à être entendues.

21      Le 20 mars 2019, la Commission leur a envoyé une lettre par laquelle elle exposait les faits et les éléments de preuve corroborant les objections formulées dans la communication des griefs. Les parties à la concentration projetée ont présenté leurs observations sur cette lettre le 25 mars 2019.

22      Le 1^er avril 2019, les parties à la concentration projetée ont présenté des engagements afin de résoudre les problèmes de concurrence identifiés dans la communication des griefs.

23      Le 23 avril 2019, ces parties ont présenté des engagements révisés.

24      Au cours de la procédure administrative, outre les demandes de renseignements adressées aux parties à la concentration projetée, la Commission a pris contact avec un certain nombre d’acteurs du marché, notamment les clients et les concurrents des parties à la concentration projetée, et leur a demandé, conformément à l’article 11 du règlement n^o 139/2004, de lui fournir des informations. De même, une série d’échanges et de réunions entre les parties à la concentration projetée et la
Commission a eu lieu. Par ailleurs, la Commission a fourni un certain nombre de documents à ces parties et l’accès au dossier leur a été accordé à plusieurs reprises.

25      Le 11 juin 2019, la Commission a, en application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n^o 139/2004, adopté la décision litigieuse, par laquelle elle a déclaré que la concentration projetée était incompatible avec le marché intérieur et l’EEE.

26      Dans cette décision, la Commission a fait état de considérations tenant, notamment, aux marchés en cause, aux effets de la concentration projetée en matière de concurrence et aux engagements des parties à la concentration projetée.

27      En ce qui concerne les marchés de produits en cause, la Commission est parvenue, au considérant 256 de la décision litigieuse, à la conclusion que l’acier galvanisé à chaud (ci-après le « HDG ») et l’acier électrogalvanisé (ci-après l’« EG ») constituaient probablement des marchés de produits distincts, mais qu’il n’était pas nécessaire de formuler une conclusion sur cette question spécifique.

28      Au considérant 257 de cette décision, la Commission a conclu, en substance, que la production et la fourniture de HDG à l’industrie automobile (ci-après l’« Auto HDG ») constituaient un marché de produits distinct de celui de la production et de la fourniture de HDG pour d’autres applications.

29      Au considérant 301 de ladite décision, la Commission est parvenue à la conclusion que la production et la fourniture de fer-blanc (ci-après le « TP ») et d’acier revêtu de chrome électrolytique (ci-après l’« ECCS ») destinés à l’emballage constituaient des marchés de produits distincts.

30      Au considérant 302 de la même décision, la Commission a conclu, en outre, que la production et la fourniture d’acier laminé destiné à l’emballage constituaient également un marché de produits distinct.

31      S’agissant des marchés géographiques concernés, au considérant 456 de la décision litigieuse, la Commission a estimé, en substance, que le marché géographique en cause pour la production et la fourniture d’Auto HDG s’étendait tout au plus à l’EEE et que, en outre, il existait des éléments de preuve d’une différenciation géographique au sein de l’EEE.

32      Au considérant 457 de la décision litigieuse, la Commission a constaté que les marchés géographiques en cause pour la production et la fourniture de TP, d’ECCS et d’acier laminé destinés à l’emballage s’étendaient tout au plus à l’EEE.

33      Pour ce qui est des effets de la concentration projetée sur la concurrence, la Commission a estimé, aux considérants 1250 et 1669 de la décision litigieuse, que l’opération entraverait de manière significative une concurrence effective en ce qui concerne la production et la fourniture d’Auto HDG dans l’EEE en raison d’effets horizontaux non coordonnés résultant de l’élimination d’une forte contrainte concurrentielle.

34      Aux considérants 1416, 1417, 1419 et 1670 de la décision litigieuse, la Commission a également considéré que la concentration projetée conduirait à une entrave significative à une concurrence effective en ce qui concerne la production et la fourniture de TP et d’acier laminé destinés à l’emballage dans l’EEE, car elle créerait une position dominante sur les marchés en cause. À cet égard, la Commission a précisé que, en tout état de cause, la concentration projetée produirait aussi des effets
horizontaux non coordonnés en ce qui concerne la production et la fourniture de TP et d’acier laminé destinés à l’emballage dans l’EEE résultant de l’élimination d’une forte contrainte concurrentielle.

35      Aux considérants 1418, 1419 et 1671 de la décision litigieuse, la Commission a constaté que la concentration projetée entraverait de manière significative une concurrence effective en ce qui concerne la production et la fourniture d’ECCS destiné à l’emballage dans l’EEE en raison d’effets horizontaux non coordonnés résultant de l’élimination d’une forte contrainte concurrentielle.

36      Quant aux engagements proposés par les parties à la concentration projetée, la Commission a conclu, aux considérants 1668 et 1672 de la décision litigieuse, que ces engagements n’éliminaient pas entièrement les entraves significatives à une concurrence effective résultant de la concentration projetée en ce qui concerne, d’une part, les aciers revêtus de métal (TP et ECCS) ainsi que les aciers laminés destinés à l’emballage dans l’EEE et, d’autre part, l’Auto HDG dans l’EEE, et qu’ils
n’étaient ni complets ni efficaces à tous points de vue. En outre, la Commission a considéré qu’il n’était pas possible de conclure avec le degré de certitude requis que l’activité de JV serait viable dans le cadre de la structure corrective envisagée.

37      En conséquence, la Commission a déclaré la concentration projetée comme étant incompatible avec le marché intérieur.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

38      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2019, thyssenkrupp a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

39      À l’appui de ce recours, thyssenkrupp a invoqué huit moyens.

40      Le premier moyen était tiré d’erreurs procédurales, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la définition des marchés de l’Auto HDG ainsi que de l’acier destiné à l’emballage. Le deuxième moyen était tiré d’erreurs procédurales, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la définition des marchés géographiques de l’Auto HDG ainsi que de l’acier destiné à l’emballage. Le troisième moyen était tiré d’erreurs procédurales, d’erreurs de
droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la conclusion relative à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective sur le prétendu marché de l’Auto HDG. Le quatrième moyen était tiré d’erreurs procédurales, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la conclusion relative à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective sur les prétendus marchés de TP, de l’ECCS et de l’acier laminé destinés à l’emballage. Le cinquième
moyen était tiré d’erreurs procédurales et d’erreurs manifestes d’appréciation des mesures correctives proposées par les parties à la concentration projetée. Le sixième moyen était tiré d’une absence de motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne le GOES. Le septième moyen était tiré d’une erreur de procédure consistant à ne pas exiger des acteurs du marché des réponses aux demandes de renseignements. Le huitième moyen était tiré d’erreurs d’appréciation concernant l’analyse de la
concentration ayant donné lieu à la décision du 7 mai 2018, affaire COMP/M.8.444 ArcelorMittal/Ilva (ci-après l’« affaire AM/Ilva ») à la suite du prétendu échec de cette concentration.

41      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté tous ces moyens et, partant, le recours de thyssenkrupp dans son intégralité.

 Les conclusions des parties

42      thyssenkrupp demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse ;

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue conformément à l’arrêt de la Cour, et

–        de condamner la Commission aux dépens encourus par la requérante devant le Tribunal et la Cour.

43      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner thyssenkrupp à l’intégralité des dépens de l’instance.

 Sur le pourvoi

44      À l’appui de son pourvoi, thyssenkrupp soulève cinq moyens.

45      Le premier moyen est tiré de plusieurs erreurs de droit concernant, notamment, la définition d’un marché de produits distinct pour l’Auto HDG, la définition du marché géographique en cause, l’évaluation de l’incitation d’ArcelorMittal (ci-après « AM ») à exercer une contrainte concurrentielle sur une augmentation des prix après la concentration, l’existence éventuelle d’une entrave significative à une concurrence effective ainsi que le niveau de preuve applicable à la Commission.  Le
deuxième moyen est tiré, en substance, de ce que le Tribunal aurait, tout d’abord, commis plusieurs erreurs de droit relatives à la détermination des marchés d’Auto HDG et d’acier laminé. Ensuite, il aurait rejeté à tort certains arguments de thyssenkrupp comme étant inopérants. Enfin, il n’aurait pas statué sur certains griefs de la requête en première instance parce qu’il n’aurait pas correctement compris les reproches formulés par thyssenkrupp. Le troisième moyen est tiré, premièrement, d’une
interprétation erronée de l’article 2 du règlement n^o 139/2004 ainsi que du considérant 25 de celui-ci et de ce que le Tribunal aurait considéré à tort que la Commission pouvait s’appuyer sur les mêmes facteurs pour étayer ses deux théories d’atteinte à la concurrence. Deuxièmement, le Tribunal aurait, en substance, interprété de manière erronée la notion d’« important moteur de la concurrence ». Troisièmement, il aurait interprété de manière erronée celle de « concurrents proches ». Quatrièmement,
le Tribunal aurait commis plusieurs erreurs concernant l’éventuel comportement de AM après la réalisation de la concentration projetée et le point de savoir si cette entreprise pouvait être considérée comme constituant une alternative viable pour les acheteurs de TP ou d’ECCS. Cinquièmement, le Tribunal aurait commis plusieurs erreurs concernant l’incidence sur la concurrence des importations de produits d’Auto HDG et d’acier destiné à l’emballage. Sixièmement, le Tribunal aurait dénaturé certains
éléments de preuve et commis une erreur de droit en exerçant son contrôle juridictionnel du calcul de l’IHH, en ce qui concerne les marchés HDG, TP et ECCS. Le quatrième moyen est tiré, d’une part, de ce que le Tribunal, en dénaturant certains éléments de preuve n’aurait pas statué sur une argumentation de thyssenkrupp et, d’autre part, de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en constatant que la Commission n’avait pas violé les droits de la défense de thyssenkrupp. Le cinquième
moyen est tiré, en substance, de ce que le Tribunal n’aurait pas statué sur le septième moyen de la requête en première instance parce qu’il n’avait pas correctement compris ce moyen.

 Sur le premier moyen

 Sur la première branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

46      thyssenkrupp fait valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’arrêt attaqué qui relèveraient de cinq catégories juridiques différentes. Premièrement, le Tribunal n’aurait pas effectué un contrôle juridictionnel correct et complet de la décision litigieuse. Deuxièmement, cette juridiction se serait contentée de répéter et de décrire l’appréciation de la Commission figurant dans cette décision. Troisièmement, le Tribunal aurait fait sienne l’appréciation de la Commission
et n’aurait pas procédé à sa propre appréciation. Quatrièmement, le Tribunal aurait cité des éléments de preuve sans les examiner. Cinquièmement, le Tribunal aurait omis de se prononcer sur des points ou des moyens pertinents.

47      Ainsi, thyssenkrupp présente un tableau indiquant de manière schématique plus de soixante-dix points de l’arrêt attaqué, les catégories d’erreurs respectives ainsi que le sujet concerné par chaque erreur alléguée.

48      Dans ce contexte, en donnant, en substance, cinq exemples concrets d’erreurs de droit que le Tribunal aurait commises, thyssenkrupp soulève cinq griefs spécifiques.

49      Premièrement, thyssenkrupp fait valoir que, aux points 58 à 63 de l’arrêt attaqué, qui concernent la définition de certains marchés en cause, le Tribunal n’a pas procédé à une appréciation de certains considérants de la décision litigieuse, mais s’est contenté de reproduire, plusieurs fois, ces derniers. Ainsi, le Tribunal n’aurait pas examiné si le raisonnement de la Commission était correct et n’aurait pas non plus motivé cette absence d’appréciation.

50      Deuxièmement, le Tribunal, en rejetant, aux points 80 à 85 de l’arrêt attaqué, l’argumentation de thyssenkrupp par laquelle elle visait à démontrer que la Commission aurait dû appliquer le test « Small but Significant and Non-transitory Increase in Price (SSNIP ) », un test fondé sur une augmentation faible mais significative et non transitoire des prix (ci-après le « test SSNIP »), pour évaluer la substituabilité du côté de l’offre sur les marchés du HDG, n’a pas examiné l’appréciation de
la Commission sur ce point, mais l’a simplement réitérée.

51      Troisièmement, aux points 186 à 189 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait contenté de résumer les motifs de la Commission figurant dans la décision litigieuse, sans procéder à sa propre appréciation, ce qui l’aurait amené à considérer à tort qu’il existait une série d’éléments de preuve démontrant que les constats opérés par la Commission étaient valables et que cette institution avait implicitement pris en compte les objections de thyssenkrupp.

52      Quatrièmement, thyssenkrupp estime que, aux points 279 et 283 de cet arrêt, le Tribunal a considéré à tort que la Commission n’était tenue ni d’évaluer les preuves économiques qui lui avaient été présentées ni de prouver sa théorie d’atteinte à la concurrence. thyssenkrupp fait valoir que, en tout état de cause, le Tribunal a commis une erreur de droit, lorsqu’il a considéré, au point 279 de l’arrêt attaqué, que les éléments de preuve économiques spécifiques et disponibles des effets
prospectifs de la concentration projetée pouvaient être ignorés. Le Tribunal ne saurait considérer que, eu égard au principe de la liberté de la preuve en droit de l’Union, l’absence d’études économiques établissant l’évolution probable de la situation sur le marché en cause et indiquant l’existence d’une incitation pour les acteurs du marché ainsi que pour l’entité issue de la concentration à se comporter d’une manière donnée, n’est pas en soi décisive.

53      Il en irait également ainsi même dans une situation où l’intérêt commercial d’une entreprise doit être pris en compte pour vérifier si cet intérêt pèse d’une manière prépondérante en faveur d’un comportement donné. En effet, « l’intérêt commercial d’une entreprise » constituerait en lui-même une question fondamentalement économique, qui requiert l’analyse de preuves économiques et le Tribunal ne saurait dissocier cette question purement économique de l’examen des preuves économiques
disponibles. De plus, les insuffisances des preuves économiques dans les appréciations de la Commission et du Tribunal constitueraient une dénaturation des preuves respectivement commise par la Commission et le Tribunal.

54      Cinquièmement, selon la requérante, le Tribunal n’a pas procédé à un contrôle entier de la décision litigieuse puisque, ainsi qu’il ressortirait des points 279 à 290 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait limité à examiner des questions précises.

55      À titre subsidiaire, thyssenkrupp fait valoir que, dans tous les points de l’arrêt attaqué cités dans le tableau qu’elle a présenté, le Tribunal a violé son obligation de motivation.

56      La Commission conteste tant la recevabilité que le bien-fondé de l’argumentation de thyssenkrupp.

–       Appréciation de la Cour

57      En ce qui concerne la recevabilité de l’argumentation de thyssenkrupp présentée de manière schématique dans un tableau indiquant les points de l’arrêt attaqué, les catégories d’erreurs respectives ainsi que le sujet concerné par chaque erreur alléguée, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de
l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 28 septembre 2023, QI e.a./Commission et BCE, C‑262/22 P, EU:C:2023:714, point 71).

58      Ne répond notamment pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de la légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels le moyen s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi, qui est formulé de manière obscure et ambiguë à cet égard. La Cour a également jugé que devait être rejeté comme étant
manifestement irrecevable un pourvoi dépourvu de structure cohérente, se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’indications précises relatives aux points de la décision attaquée qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit (arrêt du 28 septembre 2023, QI e.a./Commission et BCE, C‑262/22 P, EU:C:2023:714, point 72).

59      Or, il convient de constater que, en l’espèce, si, dans son tableau, thyssenkrupp identifie avec précision les points de l’arrêt attaqué qu’elle entend critiquer par son premier moyen, elle n’expose pas de manière précise et spécifique les erreurs de droit que le Tribunal aurait prétendument commises à ces points.

60      La seule énonciation abstraite et schématique de plus de soixante-dix points de l’arrêt attaqué, des catégories d’erreurs respectives ainsi que du sujet concerné par chaque erreur alléguée ne répond pas aux exigences énoncées aux points 57 et 58 du présent arrêt. Par conséquent, tous les griefs qui ne sont pas soutenus de manière spécifique par des arguments juridiques doivent être rejetés comme étant irrecevables.

61      Seuls les cinq griefs pour lesquels thyssenkrupp a indiqué de manière précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué et a présenté des arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique ses allégations peuvent donc être considérés comme étant recevables.

62      Quant au bien-fondé du premier grief invoqué par thyssenkrupp, par lequel celle-ci fait valoir que, aux points 58 à 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas procédé à sa propre appréciation des arguments de thyssenkrupp, mais s’est contenté de reproduire, plusieurs fois, certains considérants de la décision litigieuse, sans motiver cette absence d’appréciation, il y a lieu de constater que ce grief repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

63      Aux points 58 à 70 de cet arrêt, le Tribunal a examiné l’argumentation de thyssenkrupp par laquelle cette société a remis en cause les constats de la Commission selon lesquels, d’une part, « l’EG et le HDG constituent probablement des marchés distincts » et, d’autre part, « le résultat de l’appréciation sous l’angle de la concurrence serait le même, que l’on considère qu’il existe un marché distinct pour le HDG ou un marché global de l’acier galvanisé (HDG + EG) ». Ainsi qu’il ressort du
point 52 dudit arrêt, qui n’est pas contesté par thyssenkrupp, cette société avait fait valoir devant le Tribunal que ces constats seraient erronés pour trois raisons. Premièrement, les concurrents auraient d’importantes capacités de réserve pour l’EG, dont l’inclusion ferait baisser les parts de capacité des parties à la concentration. Deuxièmement, une telle inclusion aurait montré que les capacités de réserve ne sont pas faibles et ne se trouveraient pas, après la concentration, largement entre
les mains d’AM et des parties à la concentration proposée. Troisièmement, rien ne justifierait de ne pas inclure l’EG dans le marché en cause de l’Auto HDG.

64      Si, dans son appréciation de ces arguments, le Tribunal s’est référé à certains considérants de la décision litigieuse, il n’en reste pas moins qu’il l’a fait dans le cadre de son propre examen de cette décision et des considérations de la Commission y figurant.

65      Premièrement, aux points 58 et 59 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la conclusion de la Commission, figurant au considérant 132 de la décision litigieuse, selon laquelle il n’était pas nécessaire de déterminer si le HDG et l’EG constituaient des marchés de produits distincts l’un par rapport à l’autre ou s’il existait un marché global d’acier galvanisé, était fondée sur deux circonstances, exposées aux considérants 133 à 136 de cette décision. D’une part, la Commission a relevé
que TSE n’était pas présente sur le marché de l’EG. D’autre part, cette institution a considéré que l’inclusion de l’EG dans le même marché que le HDG a augmenté la part combinée de ce marché détenue par les parties à la concentration projetée. Néanmoins, étant donné le faible volume de l’EG par rapport au HDG et la faible part d’acier galvanisé qu’il représentait, le résultat de l’appréciation concurrentielle aurait, selon la Commission, probablement été le même. Le Tribunal a constaté que ces
motifs n’avaient pas été contestés par thyssenkrupp. Dans ces circonstances, le Tribunal a jugé, au point 59 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait, dès lors, être reproché à la Commission de ne pas avoir justifié sa conclusion énoncée au considérant 132 de la décision litigieuse.

66      Deuxièmement, il ressort des points 60 à 62 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné l’appréciation de la Commission portant sur la substituabilité entre le HDG et l’EG. En effet, au point 60 de cet arrêt, le Tribunal a constaté qu’« une substituabilité entre le HDG et l’EG, du côté de l’offre, ne saurait se produire, puisque, ainsi que cela ressort du considérant 138 de la décision [litigieuse], qui mentionne un document interne de TSE, lequel n’a pas été contesté par [thyssenkrupp],
les processus de production du HDG et de l’EG sont différents, et qu’il est indéniable que les équipements utilisés pour produire l’un ne peuvent pas être utilisés pour produire l’autre. Dès lors, comme l’indique le considérant 144 de cette décision, du côté de l’offre, le passage du HDG vers l’EG n’est pas suffisamment rapide et économique ».

67      S’agissant de la substituabilité, du côté de la demande, entre le HDG et l’EG, le Tribunal s’est fondé sur les considérants 137 et 144 de la décision litigieuse pour déduire, au point 61 de l’arrêt attaqué que, à supposer même que la substituabilité entre le HDG et l’EG, qui ne serait possible que dans un sens unique, à savoir celui de l’EG vers le HDG, ait pu justifier d’élargir la définition du marché pertinent, il n’en restait pas moins que toute la capacité de réserve disponible pour
l’EG n’aurait pas pu être utilisée pour satisfaire la demande de clients du HDG.

68      C’est sur le fondement de ces motifs, qui n’ont pas été contestés spécifiquement par thyssenkrupp, que le Tribunal a estimé, au point 62 de l’arrêt attaqué, que la prise en compte éventuelle des capacités de réserve pour l’EG n’aurait eu aucune incidence sur le constat de la Commission figurant au considérant 132 de la décision litigieuse.

69      Troisièmement, le Tribunal a considéré, au point 63 de l’arrêt attaqué, que thyssenkrupp n’avait pas étayé son allégation selon laquelle les concurrents des parties à la concentration projetée autres que AM disposaient d’importantes capacités de réserve pour l’EG.

70      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir procédé à sa propre appréciation du raisonnement de la Commission et de s’être contenté de citer certains considérants de la décision litigieuse.

71      Le premier des cinq griefs spécifiques soulevés dans le cadre de la première branche du premier moyen du pourvoi doit donc être rejeté comme étant non fondé.

72      Par son deuxième grief, thyssenkrupp fait valoir, en substance, que, en rejetant, aux points 80 à 85 de l’arrêt attaqué, son argumentation visant à démontrer que la Commission aurait dû appliquer le test SSNIP pour évaluer la substituabilité du côté de l’offre sur les marchés du HDG, le Tribunal n’a pas procédé à sa propre appréciation des arguments de thyssenkrupp, mais a simplement réitéré l’appréciation de la Commission.

73      Or, il convient de constater que ce grief repose également sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et, notamment, des points 74 à 85 de cet arrêt.

74      Il ressort des points 74 à 76 dudit arrêt que, après un rappel du contenu du paragraphe 15 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché »), le Tribunal a considéré que la Commission n’est liée par aucun test pour déterminer une éventuelle substituabilité des produits concernés et qu’elle conserve le droit de choisir, parmi les éléments
de preuve qui permettent d’apprécier jusqu’à quel point la substitution peut s’opérer, ceux qu’elle juge les plus appropriés dans chaque cas. Le Tribunal a donc considéré que cette institution n’était pas tenue d’appliquer le test SSNIP.

75      Au point 78 du même arrêt, le Tribunal a relevé que la définition du « marché pertinent » n’exigeait pas que la Commission suive un ordre hiérarchique rigide des différentes sources d’information ou des différents types d’éléments de preuve, mais que, en revanche, elle était tenue de procéder à une appréciation globale et pouvait tenir compte de divers éléments de preuve.

76      Dans ce contexte, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient thyssenkrupp, aux points 79 à 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à son propre examen des arguments de cette société afin de vérifier si et comment la Commission avait examiné le degré de substituabilité du côté de l’offre en ce qui concernait l’Auto HDG, y compris pour ce qui était de la capacité de production de HDG actuellement utilisée pour les clients en dehors de l’industrie automobile.

77      À l’issue de cet examen, le Tribunal a constaté, au point 85 de cet arrêt, que la Commission n’avait commis aucune erreur en fondant ses conclusions relatives à la définition d’un marché distinct d’Auto HDG sur son appréciation des éléments de preuve recueillis, sans recourir au test SSNIP, de sorte que le deuxième grief soulevé par thyssenkrupp dans le cadre de la première branche du premier moyen devant le Tribunal devait être écarté.

78      Dans ces conditions, il ne peut pas être reproché au Tribunal de ne pas avoir procédé à sa propre appréciation des arguments de thyssenkrupp et d’avoir simplement réitéré l’appréciation de la Commission. Le deuxième des cinq griefs spécifiques soulevés dans le cadre de la première branche du premier moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

79      Par son troisième grief, thyssenkrupp soutient que, aux points 186 à 189 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à reproduire les motifs de la Commission figurant dans la décision litigieuse, sans procéder à sa propre appréciation des arguments soulevés devant lui, ce qui l’aurait amené à considérer à tort qu’il existait une série d’éléments de preuve mentionnés dans cette décision démontrant que les constats de la Commission étaient valables et que celle-ci avait implicitement pris en
compte les objections formulées par thyssenkrupp.

80      À cet égard, il convient de rappeler que, à ces points 186 à 189, le Tribunal a examiné l’argumentation de thyssenkrupp selon laquelle, dans le cadre de son interprétation de certains documents internes de thyssenkrupp et de TSE, la Commission n’avait pas tenu compte des explications fournies par ces sociétés au cours de la procédure administrative qui auraient démontré que ces documents étaient inaptes à prouver une limitation à l’EEE de l’étendue géographique des marchés de l’Auto HDG et
de l’acier destiné à l’emballage.

81      Or, contrairement à ce que soutient thyssenkrupp, le Tribunal a exposé les raisons pour lesquelles il a estimé que l’argumentation de cette société, visée au point précédent du présent arrêt, ne saurait prospérer.

82      En effet, en procédant à un examen détaillé de cette décision, le Tribunal a considéré, tout d’abord, au point 186 de l’arrêt attaqué, que les éléments pris en compte par la Commission étaient constitués non seulement de documents internes des parties à la concentration projetée, mais aussi de déclarations des concurrents recueillies au cours de l’enquête menée par cette institution.

83      Ensuite, le Tribunal a jugé, au point 187 de l’arrêt attaqué, que thyssenkrupp n’avait pas démontré que la Commission avait fait une lecture manifestement contraire au libellé des documents internes des parties à la concentration projetée.

84      En outre, au point 188 de cet arrêt, le Tribunal a procédé à son propre examen de l’argumentation de thyssenkrupp concernant l’appréciation de la Commission desdits documents et a constaté que les explications de cette société n’étaient pas suffisamment convaincantes pour priver de plausibilité les appréciations de la Commission figurant aux considérants 351 à 361 de la décision litigieuse.

85      Enfin, le Tribunal a estimé, au point 189 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir ignoré l’argumentation des parties à la concentration projetée, étant donné que cette institution avait répondu implicitement, mais nécessairement, à cette argumentation en considérant que les explications fournies par thyssenkrupp et TSE n’étaient pas à même de modifier l’appréciation qu’elle avait adoptée dans la communication des griefs.

86      Dès lors, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir procédé à sa propre appréciation des arguments de thyssenkrupp et d’avoir simplement réitéré les considérations de la Commission.

87      Le troisième des cinq griefs spécifiques soulevés dans le cadre de la première branche du premier moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

88      Par son quatrième grief, thyssenkrupp fait valoir que, aux points 279 et 283 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré à tort que la Commission n’était tenue ni d’évaluer les éléments de preuve économiques qui lui avaient été présentés ni de prouver la théorie d’atteinte à la concurrence sur laquelle cette institution se serait fondée pour interdire la concentration projetée. En tout état de cause, le Tribunal aurait erronément considéré, au point 279 de l’arrêt attaqué, que les éléments
de preuve économiques spécifiques et disponibles des effets prospectifs de la concentration projetée pouvaient être ignorés. Par ailleurs, thyssenkrupp estime que les insuffisances des preuves économiques dans les appréciations de la Commission et du Tribunal constituent une dénaturation des éléments de preuve commise par la Commission et par le Tribunal.

89      À cet égard, il convient de constater que ce grief repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et est, en tout état de cause, non fondé.

90      En effet, ainsi qu’il ressort du point 277 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que la Commission devait s’appuyer sur des éléments de preuve fiables et cohérents et que tous ces éléments devaient constituer l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe.

91      Au point 278 dudit arrêt, le Tribunal a également relevé que le contrôle des opérations de concentration par la Commission nécessitait une analyse prospective qui consistait à examiner en quoi une telle opération aurait pu modifier les facteurs déterminant l’état de la concurrence sur un marché donné et, partant, constituer une entrave significative à une concurrence effective. Il a précisé que cette analyse prospective requérait d’imaginer les divers enchaînements de cause à effet afin de
retenir celui dont la probabilité était la plus forte.

92      En outre, au point 279 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’« il incomb[ait] à la Commission d’apporter des preuves solides quant à la probabilité de ces enchaînements. Dans certains cas, ces preuves pourr[aient] être constituées par des études économiques établissant l’évolution probable de la situation sur le marché en cause et indiquant l’existence d’une incitation pour les acteurs du marché ainsi que pour l’entité issue de la concentration à se comporter d’une manière donnée.
Toutefois, eu égard au principe de la liberté de la preuve en droit de l’Union, l’absence de ce type de preuve n’[était] pas en soi décisive. En particulier, dans une situation où il [était] manifeste que l’intérêt commercial d’une entreprise p[esait] d’une manière prépondérante en faveur d’un comportement donné, la Commission ne commet[tait] pas d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’adoption réelle du comportement prévu par les acteurs du marché ou l’entité issue de la
concentration [était] une probabilité. Dans un tel cas, les simples réalités économiques et commerciales du cas d’espèce p[ouvai]ent constituer de telles preuves solides. »

93      C’est à la lumière de ces motifs que le Tribunal a examiné le grief invoqué par thyssenkrupp, pris d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’incitation de AM à exercer une contrainte sur une augmentation des prix après l’opération de concentration projetée.

94      Ainsi, au point 283 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, « afin de déterminer l’évolution probable de la situation sur le marché en cause et d’apprécier l’existence d’une incitation pour les acteurs du marché ou pour l’entité issue de la concentration à se comporter d’une manière donnée, la Commission n’[était] pas tenue de s’appuyer sur des études économiques élaborées ». Il a estimé qu’elle « p[ouvai]t se fonder sur des considérations liées à l’adoption réelle du comportement
prévu par ces acteurs ou cette entité, lorsqu’il [était] manifeste que l’intérêt commercial d’une entreprise p[esait] d’une manière prépondérante en faveur d’un comportement donné, ce qu’elle a[vait] démontré être le cas en l’espèce ». Il a considéré qu’il s’ensuivait « que la Commission a[vait] pu, notamment, se baser à cet égard sur de simples réalités économiques et commerciales du cas d’espèce ». 

95      Or, il convient de constater qu’il ne ressort aucunement des points susmentionnés de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que la Commission n’était tenue ni d’évaluer les éléments de preuve économiques qui lui avaient été présentés par les parties intéressées ni de prouver sa théorie d’atteinte à la concurrence.

96      En effet, le Tribunal a souligné, aux points 279 et 280 de cet arrêt, qu’il incombait à la Commission d’apporter des preuves solides afin de démontrer qu’une opération de concentration était susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

97      Certes, le Tribunal a considéré, en substance, que, afin de déterminer l’évolution probable de la situation sur le marché concerné et d’apprécier l’existence d’une incitation pour les acteurs du marché ou pour l’entité issue de la concentration à se comporter d’une manière donnée, la Commission n’était pas tenue de s’appuyer nécessairement sur des études économiques élaborées, notamment, dans une situation où il ressortait manifestement d’autres éléments de preuve que l’intérêt commercial
d’une entreprise pesait d’une manière prépondérante en faveur d’un comportement donné.

98      Toutefois, il y a lieu de relever, à cet égard, qu’il ne ressort ni du règlement n^o 139/2004 ni de la jurisprudence que les seuls moyens de preuve admis, afin de déterminer l’évolution probable de la situation sur le marché concerné et d’apprécier l’existence d’une incitation pour les acteurs du marché ou pour l’entité issue de la concentration à se comporter d’une manière donnée, sont les études économiques.

99      En effet, il convient de rappeler que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, EU:C:2020:691, point 73 et jurisprudence citée), de sorte que la Commission a, en principe, la faculté de se prévaloir de moyens de preuve de toute nature, ce qui n’écarte pas l’exigence résultant de la jurisprudence selon laquelle les éléments de preuve doivent être suffisamment significatifs, concordants,
fiables, cohérents et matériellement exacts (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, points 75 et 125).

100    En l’espèce, le Tribunal a renvoyé, au point 277 de l’arrêt attaqué, aux motifs figurant au point 35 de cet arrêt, par lesquels il a rappelé que le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui
en sont tirées. C’est notamment à la lumière de ce point 35 qu’il a porté les appréciations figurant aux points 282 et 283 de l’arrêt attaqué, examinant les éléments de preuve pris en considération par la Commission dans la décision litigieuse, en sus des données économiques fournies par thyssenkrupp et TSE pour réfuter l’analyse économique présentée par ces dernières lors de la procédure administrative.

101    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le Tribunal a commis l’erreur de droit qui lui est reprochée s’agissant des points 279 et 283 de l’arrêt attaqué.

102    Enfin, quant à l’argumentation tirée d’une prétendue dénaturation dans l’appréciation du Tribunal, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation
est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ainsi, lorsqu’un requérant allègue une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, il doit indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (arrêt du 26 juillet 2017, Staatliche Porzellan-Manufaktur Meissen/EUIPO, C‑471/16 P, EU:C:2017:602,
point 34).

103    Or, par son argumentation, thyssenkrupp n’identifie pas de manière précise les éléments de preuve qui ont été dénaturés par le Tribunal.

104    Dès lors, cette argumentation doit être rejetée comme étant irrecevable.

105    Dans ces conditions, le quatrième des cinq griefs spécifiques soulevés dans le cadre de la première branche du premier moyen doit être rejeté comme étant en partie non fondé et en partie irrecevable.

106    S’agissant, enfin, du cinquième et dernier grief de thyssenkrupp, par lequel cette société fait valoir que le Tribunal n’a pas procédé à un contrôle entier de la décision litigieuse, puisque, aux points 279 à 290 de l’arrêt attaqué, il se serait limité à examiner des questions précises, il convient de rappeler qu’il résulte des règles régissant la procédure devant les juridictions de l’Union, notamment de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de
l’article 76 et de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, que le litige est, en principe, déterminé et circonscrit par les parties et que le juge de l’Union ne peut statuer ultra petita (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 324).

107    Si certains moyens peuvent, voire doivent, être relevés d’office, tel un défaut ou une insuffisance de motivation de la décision en cause, qui relève des formes substantielles, un moyen portant sur la légalité au fond de ladite décision, qui relève de la violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, au sens de l’article 263 TFUE, ne peut, en revanche, être examiné par le juge de l’Union que s’il est invoqué par le requérant (arrêt du 13 juillet 2023,
Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 325).

108    Ainsi, le contrôle juridictionnel que le Tribunal peut exercer est, en principe, strictement lié aux moyens spécifiques avancés dans la requête en première instance.

109    Le cinquième des cinq griefs spécifiques soulevés dans le cadre de la première branche du premier moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

110    En outre, eu égard à ce qui précède, l’allégation de thyssenkrupp, soulevée à titre subsidiaire, selon laquelle le Tribunal aurait, s’agissant de ces cinq griefs spécifiques, violé son obligation de motivation doit également être rejetée.

111    Dès lors, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant en partie non fondée et en partie irrecevable.

 Sur la seconde branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

112    Par son premier grief, thyssenkrupp fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas constaté que, afin de démontrer une entrave significative à une concurrence effective, la Commission aurait dû procéder à un examen en deux étapes, au sens du point 51 de l’arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392), ainsi que des points 113 et suivants de l’arrêt du Tribunal du 28 mai 2020, CK Telecoms UK
Investments/Commission (T‑399/16, EU:T:2020:217).

113    Cet examen impliquerait, en premier lieu, de procéder à une évaluation du comportement futur qui sera adopté par l’entité issue de l’opération de concentration et les autres opérateurs à la suite de cette opération, au moyen de l’appréciation de l’évolution économique attribuable à ladite opération dont la probabilité est la plus forte.

114    En second lieu, ledit examen en deux étapes impliquerait de procéder, au moyen d’une analyse prospective du marché de référence, à une appréciation de la question de savoir si ce comportement futur aboutira vraisemblablement à une situation dans laquelle la concurrence effective dans le marché en cause sera entravée de manière significative.

115    Par son second grief, thyssenkrupp fait valoir que, notamment aux points 270 à 290, 304, 432 et 433, 448 à 453, 540 à 544, 551, 570, 613, 633, 737 et 754 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré que la Commission n’était pas tenue de démontrer avec une « probabilité sérieuse » l’existence éventuelle, en l’espèce, d’une entrave significative à une concurrence effective.

116    Or, il ressortirait du point 118 de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T‑399/16, EU:T:2020:217), que la Commission est tenue de démontrer avec une « probabilité sérieuse » l’existence d’entraves significatives à une concurrence effective à la suite d’une concentration et que l’exigence de preuve applicable à cette institution est, par conséquent, plus stricte que celle en vertu de laquelle une entrave significative à une concurrence effective serait « plus probable
qu’improbable ».

117    Selon thyssenkrupp, l’application d’un niveau de preuve moins exigeant, tel que celui appliqué par le Tribunal dans la présente affaire, entraîne à tort un renversement de la charge de la preuve, car la partie notifiante serait tenue de prouver avec une « probabilité sérieuse » l’absence d’entrave significative à une concurrence effective.

118    Par ailleurs, thyssenkrupp estime que, en n’ayant pas exigé de la Commission de démontrer avec une « probabilité sérieuse » que la concentration projetée aboutira en une entrave significative à une concurrence effective dans le marché intérieur, le Tribunal a accepté que la Commission pouvait se fonder sur une présomption générale de l’existence d’une telle entrave.

119    La Commission conteste tant la recevabilité que le bien-fondé de l’argumentation de thyssenkrupp.

120    Dans son mémoire en réplique, thyssenkruppp précise que, contrairement à ce que soutient la Commission, la seconde branche du premier moyen est recevable dès lors que les lacunes de l’analyse de la concentration de la Commission au regard du besoin de procéder à un examen en deux étapes auraient déjà été soulevées en première instance, ainsi que cela ressortirait des points 14 et suivants, 26 et suivants, 58 et suivants, 63, 69, 72 et suivants, 128, 135, 139 et 153 de la requête en première
instance.

–       Appréciation de la Cour

121    S’agissant, en premier lieu, de la recevabilité du premier grief de la seconde branche du premier moyen de thyssenkrupp, bien que cette société fasse valoir qu’elle a souligné à plusieurs reprises devant le Tribunal que les constats de la Commission concernant l’Auto HDG et l’acier destiné à l’emballage étaient entachés d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit, ladite société n’a pas démontré qu’elle avait soulevé en première instance des moyens spécifiques concernant, d’une part, la
prétendue obligation pesant sur la Commission et sur le Tribunal de procéder à un examen en deux étapes, au sens du point 51 de l’arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392), ainsi que des points 113 et suivants de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T‑399/16, EU:T:2020:217).

122    Aucun des points de la requête en première instance auxquels thyssenkrupp fait référence, afin de démontrer qu’elle avait soulevé les griefs énoncés au point précédent devant le Tribunal, ne comporte de tels moyens ou de tels arguments spécifiques.

123    Or, il suffit de rappeler, à cet égard, que, selon l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dès lors que
cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, points 98 et 99 ainsi que jurisprudence citée).

124    Le premier grief de la seconde branche du premier moyen n’ayant pas été formulé par la requérante devant le Tribunal, il doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

125    En ce qui concerne la recevabilité du second grief de la seconde branche de ce moyen, tiré des exigences de preuve qui incombent à la Commission lorsqu’elle doit prouver l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n^o 139/2004, il importe de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, la méconnaissance alléguée des règles applicables en matière de preuve constitue une question de droit qui est
recevable au stade du pourvoi (voir, notamment, arrêt du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, EU:C:2019:1027, point 28 et jurisprudence citée). Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 115 du présent arrêt, thyssenkrupp reproche au Tribunal d’avoir considéré que la Commission n’était pas tenue de démontrer avec une « probabilité sérieuse » l’existence éventuelle d’une entrave significative à une concurrence effective. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le second grief de la
seconde branche du premier moyen est recevable.

126    Quant au bien-fondé de celui-ci, il suffit de constater que l’argument de thyssenkrupp se fonde sur la prémisse selon laquelle il ressortirait du point 118 de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T‑399/16, EU:T:2020:217), que la Commission est tenue de démontrer avec une « probabilité sérieuse » l’existence d’entraves significatives à une concurrence effective à la suite d’une concentration et que l’exigence de preuve applicable à cette institution est, par
conséquent, plus stricte que celle en vertu de laquelle une entrave significative à une concurrence effective serait « plus probable qu’improbable ».

127    Or, ainsi que la Cour l’a jugé aux points 87 et 88 de son arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments (C‑376/20 P, EU:C:2023:561), cette prémisse est erronée. En effet, compte tenu, notamment, de la structure symétrique de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement n^o 139/2004 et du caractère prospectif des analyses économiques de la Commission en matière de contrôle des concentrations, il y a lieu de considérer que, afin de déclarer qu’une opération de concentration
est incompatible ou compatible avec le marché intérieur, il suffit que la Commission démontre, au moyen d’éléments suffisamment significatifs et concordants, qu’il est plus probable qu’improbable que la concentration concernée entraverait ou non de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

128    Dans ces conditions, le second grief de la seconde branche du premier moyen est non fondé.

129    Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie non fondée.

 Sur le deuxième moyen

 Sur la première branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

130    thyssenkrupp fait valoir que, aux points 55 à 71, 74 à 85, 88 à 93, 98 à 107, et 112 à 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis plusieurs erreurs relatives à la détermination du marché pertinent en l’espèce. Le Tribunal aurait également dénaturé des éléments de preuve et/ou aurait violé son obligation de motivation.

131    En premier lieu, aux points 55 à 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré à tort que la Commission n’avait pas fondé la décision litigieuse sur l’existence d’un marché distinct pour l’Auto HDG.

132    En deuxième lieu, thyssenkrupp fait valoir, en substance, que la Commission avait commis une erreur manifeste lorsqu’elle s’est contentée, aux points 9.1 à 9.4 de la décision litigieuse, d’effectuer une analyse concurrentielle de la concentration projetée en se fondant seulement sur le marché d’Auto HDG et non pas également sur un marché plus large couvrant l’EG et le HDG. Selon cette société, cette erreur manifeste de la Commission aurait dû être décelée et constatée par le Tribunal.

133    En troisième et dernier lieu, thyssenkrupp fait valoir que, aux fins de la détermination du marché pertinent, le Tribunal a imposé à tort, notamment au point 103 de l’arrêt attaqué, une « exigence de substituabilité parfaite » entre l’Auto HDG et le HDG pour des applications autres qu’automobiles. Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en n’ayant pas exigé de la Commission qu’elle ait défini des critères techniques sur la base desquels certaines chaînes de production du
marché de produits en cause auraient pu être incluses aux fins de la détermination de la substituabilité du côté de l’offre. Par ailleurs, le Tribunal aurait renversé la charge de la preuve en ayant exigé des parties notifiantes qu’elles démontrent qu’il n’existait aucun facteur susceptible de limiter les possibilités de substitution entre la production d’Auto HDG et le HDG pour des applications autres qu’automobiles.

134    La Commission conteste tant la recevabilité que le bien-fondé de l’argumentation de thyssenkrupp.

–       Appréciation de la Cour

135    S’agissant, en premier lieu, de la recevabilité de la première branche du deuxième moyen, par laquelle la requérante soutient que le Tribunal a commis plusieurs erreurs relatives à la détermination du marché pertinent en l’espèce, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 57 et 58 du présent arrêt, un pourvoi doit indiquer de manière précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui
soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné. Ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels le moyen s’appuie ne ressortent pas de façon cohérente et compréhensible du pourvoi. La Cour a également jugé que devait être rejeté comme étant
manifestement irrecevable un pourvoi dépourvu de structure cohérente, se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’indications précises relatives aux points de la décision attaquée qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit.

136    Or, en l’espèce, les griefs formulés par thyssenkrupp concernant les points de l’arrêt attaqué autres que les points 55 à 57 et 103 de cet arrêt n’étant pas étayés par des arguments juridiques spécifiques, ils doivent être rejetés comme étant irrecevables. Il en va de même s’agissant de l’argument selon lequel le Tribunal aurait violé son obligation de motivation.

137    Dans la mesure où thyssenkrupp conteste les points 55 à 57 de l’arrêt attaqué également au motif que, contrairement au constat figurant au considérant 132 de la décision litigieuse, la Commission se serait fondée, en substance, sur l’existence d’un marché distinct pour l’Auto HDG dans d’autres sections de cette décision, il y a lieu de considérer que thyssenkrupp conteste le bien-fondé de ce constat et demande, partant, à la Cour d’effectuer une nouvelle appréciation des faits, ce qui est
irrecevable au stade du pourvoi.

138    En deuxième lieu, en ce qui concerne la recevabilité de l’argumentation selon laquelle le Tribunal a dénaturé certains éléments de preuve, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 102 du présent arrêt, que lorsqu’un requérant allègue une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, il doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette
dénaturation.

139    Or, par son argumentation, thyssenkrupp n’identifie pas de manière précise les éléments de preuve qui ont été dénaturés par le Tribunal.

140    Dès lors, cette argumentation doit également être rejetée comme étant irrecevable.

141    En troisième lieu, quant à la recevabilité de l’argumentation de thyssenkrupp selon laquelle, en substance, le Tribunal aurait dû déceler et constater que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle s’est contentée, aux points 9.1 à 9.4 de la décision litigieuse, d’effectuer une analyse concurrentielle de la concentration projetée, en se fondant uniquement sur le marché d’Auto HDG et non pas également sur un marché plus large couvrant l’EG et le HDG, il y a lieu
de relever que, devant le Tribunal, cette société s’est limitée à faire valoir que la conclusion de la Commission, selon laquelle le résultat de l’appréciation sous l’angle de la concurrence aurait été le même pour l’un ou l’autre marché, était erronée. Contrairement à ce que ladite société avait fait valoir dans son mémoire en réplique, ce constat est confirmé par les points 14 et suivants de la requête en première instance, auxquels elle avait fait référence à cet égard.

142    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 123 du présent arrêt, conformément à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant
le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal.

143    Dès lors, il convient d’écarter cette argumentation de thyssenkrupp comme étant irrecevable.

144    En quatrième et dernier lieu, en ce qui concerne la recevabilité de l’argument de thyssenkrupp selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en n’ayant pas exigé de la Commission qu’elle ait défini des critères techniques sur la base desquels certaines chaînes de production du marché de produits en cause auraient pu être incluses aux fins de la détermination de la substituabilité du côté de l’offre, il suffit de relever que, dès lors que thyssenkrupp n’avait pas soulevé un tel
argument en première instance, cette argumentation doit également être qualifiée de « moyen nouveau » et, partant, être rejetée comme étant irrecevable.

145    S’agissant du bien-fondé, premièrement, de l’argumentation de thyssenkrupp par laquelle cette société reproche au Tribunal d’avoir constaté à tort que la Commission n’avait pas fondé la décision litigieuse sur l’existence d’un marché distinct pour l’Auto HDG, il convient de considérer que, en tout état de cause, cette argumentation repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Aux points 55 à 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas procédé à un tel constat. En effet, il a constaté,
auxdits points 55 à 57, que, selon la Commission, il n’était pas nécessaire de déterminer, en l’espèce, si le HDG et l’EG constituaient ou non des marchés de produits distincts, étant donné que le résultat de l’appréciation concurrentielle serait le même, qu’il s’agisse d’un marché distinct du HDG ou d’un marché global de l’acier galvanisé (HDG + EG).

146    Dès lors, ce grief de thyssenkrupp doit également être rejeté comme étant non fondé.

147    Deuxièmement, s’agissant du grief soulevé par thyssenkrupp selon lequel, aux fins de la détermination du marché pertinent, le Tribunal a imposé à tort, notamment au point 103 de l’arrêt attaqué, une « exigence de substituabilité parfaite » entre l’Auto HDG et le HDG pour des applications autres qu’automobiles, il y a lieu de considérer que ce grief repose également sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

148    En effet, aux points 101 à 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a simplement répondu à l’un des arguments de thyssenkrupp. Il ressort du point 95 de l’arrêt attaqué, qui contient un résumé fidèle de cet argument, que thyssenkrupp avait fait valoir, devant le Tribunal, que ces types d’aciers étaient parfaitement substituables du côté de l’offre et que, excepté le cas de l’acier avancé à haute résistance nécessitant un outillage spécifique, la grande majorité des chaînes de production de HDG
situées dans l’EEE étaient capables de produire d’autres HDG pour les clients du secteur automobile ou pouvaient être adaptées à cette fin moyennant des investissements mineurs.

149    En outre, il ressort notamment des points 101 et 102 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné la question de savoir si, au regard du paragraphe 20 de la communication sur la définition du marché, les fournisseurs pouvaient réorienter aisément leur gamme de produits au point de justifier un élargissement du marché à l’ensemble du HDG. Or, aucune exigence de substituabilité parfaite ne ressort de ce paragraphe.

150    Au point 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les investissements nécessaires à la mise à niveau des chaînes de production afin de les adapter à la production d’Auto HDG étaient loin d’être mineurs. Ainsi, le Tribunal a considéré qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir considéré que l’Auto HDG et le HDG pour des applications autres qu’automobiles n’étaient pas parfaitement substituables du côté de l’offre.

151    Dans ces conditions, le grief tiré de ce que le Tribunal aurait imposé une « exigence de substituabilité parfaite » entre l’Auto HDG et le HDG pour des applications autres qu’automobiles doit être écarté comme étant non fondé.

152    Troisièmement, en ce qui concerne l’argumentation de thyssenkrupp tirée de ce que le Tribunal a renversé la charge de la preuve en exigeant des parties notifiantes qu’elles démontrent qu’il n’existait aucun facteur susceptible de limiter les possibilités de substitution entre la production d’Auto HDG et le HDG pour des applications autres qu’automobiles, il y a lieu de constater que cette argumentation repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

153    En effet, aux points 79 à 83 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que la Commission avait effectivement procédé à une appréciation du degré de substituabilité du côté de l’offre et qu’elle avait démontré que cette substituabilité était insuffisante pour justifier l’inclusion du HDG pour des applications autres qu’automobiles au marché de produits concerné. Ainsi, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir renversé la charge de la preuve, en exigeant non pas de la Commission, mais des
parties notifiantes de démontrer une absence de facteurs susceptibles de limiter les possibilités de substitution entre la production d’Auto HDG et le HDG pour des applications autres qu’automobiles.

154    La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

155    thyssenkrupp reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 2, paragraphe 3, du règlement n^o 139/2004 en jugeant, aux points 118 à 122 et 127 à 136 de l’arrêt attaqué, que l’acier laminé destiné à l’emballage constituait un marché de produits distinct.

156    En particulier, thyssenkrupp estime, en premier lieu, que l’appréciation du Tribunal concernant la substituabilité du côté de l’offre est entachée d’erreurs de droit, d’une insuffisance de motivation ainsi que de dénaturations des éléments de preuve. Cette société fait valoir que le Tribunal a déclaré à tort, au point 118 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait constaté, au considérant 293 de la décision litigieuse, que les acteurs du secteur de l’acier destiné à l’emballage ne
produisaient pas d’acier laminé sur les équipements existants utilisés pour la production de l’acier à revêtement organique.

157    En effet, à ce considérant 293, la Commission aurait seulement déclaré que la production d’acier laminé requérait un équipement de fabrication spécifique, ce qui la distinguait de la production de TP et d’ECCS. Or, selon thyssenkrupp, le Tribunal aurait dû examiner si les équipements existants utilisés pour la production d’acier à revêtement organique pouvaient être utilisés afin de produire de l’acier laminé, permettant ainsi une substituabilité du côté de l’offre.

158    En deuxième lieu, thyssenkrupp fait valoir que, au point 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en considérant qu’il incombait à cette société de démontrer une substituabilité du côté de l’offre plus large, a renversé la charge de la preuve.

159    En troisième et dernier lieu, thyssenkrupp fait valoir, d’une part, que, notamment aux points 132 à 134 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit au motif qu’il n’a pas constaté que la Commission aurait dû, conformément aux exigences découlant de la communication sur la définition du marché, utiliser le test SSNIP pour déterminer la gamme de produits substituables.

160    D’autre part, selon thyssenkrupp, au point 132 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve lorsqu’il a considéré qu’il ressortait clairement des réponses apportées par les clients aux questions relatives à la substituabilité entre l’acier laminé et l’acier laqué dans le cadre de l’enquête de marché lancée par la Commission que la plupart des clients ayant exprimé une position avaient évoqué, de manière convaincante, l’existence de limites à la substituabilité.

161    La Commission conteste l’argumentation de thyssenkrupp.

–       Appréciation de la Cour

162    S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation de thyssenkrupp tirée, en substance, d’une part, de ce que, au point 118 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas reproduit de manière fidèle le considérant 293 de la décision litigieuse et, d’autre part, de ce que, aux fins de la détermination de la substituabilité du côté de l’offre, le Tribunal n’a pas examiné si les équipements existants utilisés pour la production d’acier à revêtement organique pouvaient être utilisés pour la production de
l’acier laminé, il convient de constater que cette argumentation repose sur une lecture erronée tant de l’arrêt attaqué que de la décision litigieuse.

163    D’une part, il y a lieu de considérer que le Tribunal a reproduit de manière fidèle le considérant 293 de la décision litigieuse, dès lors qu’il ressort de ce considérant que la Commission a considéré que le fait que les parties à la concentration projetée disposaient de chaînes de production spécifiques pour l’acier laminé et que les chaînes de production d’acier à revêtement organique des concurrents des parties à la concentration ne seraient pas actives dans la production et la fourniture
d’acier laminé remettrait en cause l’argument de ces dernières selon lequel l’existence des chaînes de production d’acier à revêtement organique permettrait une substituabilité du côté de l’offre.

164    D’autre part, il ressort des points 118 à 121 de l’arrêt attaqué que, aux fins de la détermination de la substituabilité du côté de l’offre, le Tribunal a tenu compte des équipements existants utilisés pour la production d’acier à revêtement organique s’agissant de la possibilité de produire de l’acier laminé.

165    En effet, tout d’abord, au point 119 de cet arrêt, le Tribunal a considéré que la faisabilité technique est une condition nécessaire, mais pas suffisante, de la substituabilité du côté de l’offre. Ensuite, au point 120 dudit arrêt, le Tribunal a relevé que, ainsi qu’il ressort du point 23 de la communication sur la définition du marché, pour que la substituabilité du côté de l’offre soit pertinente aux fins de la définition du marché de produits, les fournisseurs doivent être en mesure de
réorienter leur production, notamment, sans retards importants et sans encourir de substantiels investissements supplémentaires, ce qui est incompatible avec la nécessité d’une étape de production supplémentaire pour transformer le TP ou l’ECCS en acier laminé, laquelle exige de leur rajouter un revêtement additionnel, à savoir un film plastique pour substrat métallique. Enfin, au point 121 du même arrêt, le Tribunal a considéré que le constat effectué par la Commission, au considérant 293 de la
décision litigieuse, selon lequel thyssenkrupp et TSE disposent de chaînes de laminage spécifiques pour procéder à cette étape supplémentaire de la production de l’acier laminé, montre qu’elles ont dû exposer des coûts additionnels importants, ce qui contrevient à une éventuelle substituabilité du côté de l’offre, au sens du point 23 de la communication sur la définition du marché.

166    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir examiné si les équipements existants utilisés pour la production d’acier à revêtement organique pouvaient être utilisés pour produire de l’acier laminé, permettant ainsi une substituabilité du côté de l’offre.

167    En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation de thyssenkrupp selon laquelle, au point 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a renversé la charge de la preuve en ce qu’il a considéré qu’il incombait à cette société de démontrer une substituabilité du côté de l’offre plus large, il convient de constater que cette argumentation repose également sur une lecture erronée de cet arrêt.

168    En effet, il ne ressort aucunement dudit point 119 que le Tribunal a imposé à thyssenkrupp de démontrer une substituabilité du côté de l’offre plus large tout en libérant la Commission de la charge de la preuve qui lui incombe en matière de concentrations.

169    En revanche, il ressort des points 118 à 121 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que la Commission avait étayé son appréciation de la substituabilité du côté de l’offre en l’espèce et que thyssenkrupp n’avait pas réussi à démontrer que cette appréciation de la Commission était entachée d’erreurs procédurales, d’erreurs de droit ou d’erreurs manifestes d’appréciation.

170    Il ne saurait donc être considéré que le Tribunal a dispensé la Commission de son obligation de prouver que la réalisation de la concentration projetée entraverait ou non de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Cette juridiction n’a pas non plus exigé de thyssenkrupp qu’elle démontre une substituabilité du côté de l’offre plus large.

171    En troisième et dernier lieu, s’agissant, d’une part, du grief de thyssenkrupp selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en ne constatant pas l’absence d’utilisation par la Commission du test SSNIP pour déterminer la gamme de produits substituables, il convient de relever que, ainsi que le confirme le point 15 de la communication sur la définition du marché, le test SSNIP ne constitue qu’« une façon » d’apprécier la substituabilité entre des produits concernés. Il ressort
également du point 25 de ladite communication qu'« [i]l existe tout un faisceau d’éléments qui permettent d’apprécier jusqu’à quel point la substitution pourrait s’opérer » et que, « [l]a Commission adopte une approche souple, en se fondant sur des éléments empiriques et en exploitant toutes les informations dont elle dispose et qui peuvent lui être utiles pour l’appréciation des cas concrets [et] ne suit pas un ordre hiérarchique rigide des différentes sources d’information ou des différents types
d’éléments de preuve ».

172    Il s’ensuit que la Commission ne s’est pas autolimitée en ce sens qu’elle appliquerait toujours le test SSNIP pour déterminer une éventuelle substituabilité des produits concernés. Elle dispose, dès lors, d’une marge d’appréciation et peut choisir, parmi le faisceau d’éléments de preuve mentionné au point 25 de la communication sur la définition du marché, ceux qu’elle juge les plus appropriés dans chaque cas d’espèce.

173    En ce qui concerne, d’autre part, le reproche de thyssenkrupp tiré d’une dénaturation des éléments de preuve portant sur la substituabilité entre l’acier laminé et l’acier laqué, il convient de relever que cette société se contente, en substance, de faire valoir que, au point 132 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve en considérant qu’il ressortait clairement des réponses apportées par les clients aux questions relatives à la substituabilité entre l’acier laminé et
l’acier laqué que la plupart des clients ayant exprimé une position avaient évoqué de manière convaincante des limites à cette substituabilité. thyssenkrupp ajoute que le fait de considérer que cette position serait celle de la « majorité » des clients constitue une dénaturation des éléments de preuve. Selon cette société, pour aboutir à un tel constat, il est nécessaire de procéder non pas à une nouvelle appréciation de fond, mais seulement à un décompte des réponses.

174    Or, au lieu d’identifier avec précision les éléments de preuve qui auraient été dénaturés par le Tribunal, thyssenkrupp se borne à renvoyer à sa requête en première instance et à l’annexe A.4d mentionnée au point 132 de l’arrêt attaqué, qui compte 592 pages et comprend toutes les réponses apportées par les clients aux questions posées par la Commission dans le cadre de son enquête de marché.

175    Ainsi, dès lors que thyssenkrupp n’identifie pas de manière précise les éléments de preuve prétendument dénaturés en l’espèce, l’argumentation de cette société doit être rejetée comme étant irrecevable.

176    La deuxième branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

177    thyssenkrupp reproche au Tribunal d’avoir considéré à tort, au point 56 de l’arrêt attaqué, que ses arguments visant à démontrer que le HDG et l’EG appartiennent au même marché doivent être écartés comme étant inopérants dans leur ensemble.

178    La Commission conteste l’argumentation de thyssenkrupp.

–       Appréciation de la Cour

179    À cet égard, il convient de relever que, au point 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en substance, que dès lors que la Commission n’avait pas conclu de manière définitive que le HDG et l’EG relevaient de deux marchés distincts, les arguments de thyssenkrupp visant à démontrer que le HDG et l’EG appartiennent au même marché devaient être écartés comme étant inopérants dans leur ensemble.

180    Au point 57 de cet arrêt, le Tribunal a considéré que ces arguments devaient, en tout état de cause, être rejetés également comme étant non fondés pour les raisons exposées aux points 58 à 70 dudit arrêt.

181    Or, dès lors que, ainsi qu’il ressort, en substance, des points 62 à 70 du présent arrêt, thyssenkrupp n’a pas démontré que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 58 à 70 de l’arrêt attaqué, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi comme étant inopérante.

 Sur la quatrième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

182    thyssenkrupp fait valoir que le Tribunal n’a pas statué sur le premier grief du premier moyen de la requête en première instance et a violé son obligation de motivation en se méprenant sur le reproche formulé par cette société portant sur la nécessité de prendre en compte la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et, en particulier, la décision rendue dans l’affaire AM/Ilva.

183    En effet, thyssenkrupp aurait fait valoir, en première instance, qu’il n’existait aucune base factuelle permettant de supposer l’existence d’un marché distinct pour l’Auto HDG, en s’appuyant sur certains éléments de l’affaire AM/Ilva qui auraient dû être pris en compte également dans la présente affaire, étant donné qu’ils concernaient les mêmes produits et les mêmes marchés pertinents. En particulier, lesdits éléments auraient compris des constats sur la substituabilité du côté de l’offre
entre les produits haut de gamme et les produits de base et la contrainte de prix exercée par les produits de base, ainsi que la circonstance que AM aurait été sur le point d’acquérir deux grandes usines de HDG d’Ilva, capables de produire d’importants volumes de HDG et d’Auto HDG de haute qualité.

184    La Commission conteste l’argumentation de thyssenkrupp.

–       Appréciation de la Cour

185    À cet égard, il ressort clairement de la requête en première instance que thyssenkrupp a fait valoir que, dans l’affaire AM/Ilva, l’Auto HDG n’a pas été considéré comme étant un marché distinct et qu’il n’y avait pas lieu de considérer que, dans la présente affaire, un tel marché existait. Selon cette société, l’inexistence d’un tel marché distinct serait étayée par deux motifs généraux de la Commission figurant aux considérants 295, 602 et suivants de la décision rendue dans
l’affaire AM/Ilva.

186    Or, aux points 65 à 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a correctement compris le grief de thyssenkrupp tout en rejetant ses arguments.

187    En particulier, au point 65 de cet arrêt, le Tribunal a estimé que la référence aux décisions antérieures de la Commission relatives aux produits plats en acier au carbone et, en particulier, à la décision rendue dans l’affaire AM/Ilva était dénuée de pertinence.

188    Au point 66 dudit arrêt, cette juridiction a considéré que, selon une jurisprudence constante du Tribunal, lorsque la Commission statue sur la compatibilité d’une opération de concentration avec le marché intérieur sur la base d’une notification et d’un dossier propres à cette opération, une partie requérante n’est pas en droit de remettre en cause ces constatations au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, sur la base d’une notification et d’un
dossier différents, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques. Ainsi, selon le Tribunal, dans la mesure où thyssenkrupp invoque, en l’espèce, des analyses faites par la Commission dans une décision antérieure, cette partie de son argumentation est sans pertinence.

189    Le Tribunal a, en outre, estimé, au point 68 de l’arrêt attaqué, que, en tout état de cause, ni la Commission ni, a fortiori, le Tribunal ne sont liés, en l’espèce, par les constats de fait et les appréciations économiques effectués dans les décisions antérieures de la Commission relatives aux produits plats en acier au carbone et, en particulier, la décision rendue dans l’affaire AM/Ilva, auxquelles se réfère thyssenkrupp. À supposer que l’analyse effectuée dans cette dernière décision soit
différente de celle effectuée en l’espèce dans la décision litigieuse, sans que cette différence soit justifiée objectivement, le Tribunal ne devrait annuler la décision litigieuse dans la présente procédure que si celle-ci, et non la décision rendue dans l’affaire AM/Ilva, était entachée d’erreurs.

190    Ainsi, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que thyssenkrupp ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir suivi, dans la décision litigieuse, sa pratique décisionnelle antérieure, en soutenant que cette institution n’aurait pas porté les mêmes appréciations sur les faits de l’espèce et sur ceux des affaires antérieures et, en particulier, de l’affaire AM/Ilva, auxquelles elle fait référence.

191    La quatrième branche du deuxième moyen du pourvoi doit donc être rejetée comme étant non fondée.

192    Il s’ensuit que le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Sur la première branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

193    Par son premier grief, thyssenkrupp reproche au Tribunal d’avoir, notamment aux points 561 et 562 de l’arrêt attaqué, procédé à une interprétation et à une application erronées de l’article 2 du règlement n^o 139/2004 ainsi que du considérant 25 de ce règlement, lorsqu’il a considéré que la Commission pouvait conclure, au considérant 1419 de la décision litigieuse, qu’il pourrait y avoir une entrave significative à une concurrence effective résultant de la création d’une position dominante en
ce qui concerne le TP et l’acier laminé destiné à l’emballage ainsi qu’une entrave significative à une concurrence effective résultant d’effets horizontaux non coordonnés sur les marchés de TP, d’ECCS et de l’acier laminé destiné à l’emballage. Selon thyssenkrupp, le considérant 25 du règlement n^o 139/2004 ne permet pas une application en parallèle de ces deux concepts différents. Il ne ressortirait aucunement de ce considérant que la modification législative issue de ce règlement visait à
faciliter une interprétation non restrictive du critère de l’entrave significative à une concurrence effective. Ainsi, selon thyssenkrupp, le concept d’effets non coordonnés sur les marchés oligopolistiques ne peut s’appliquer que si aucune position dominante n’a été constatée.

194    En l’espèce, la Commission et le Tribunal auraient laissé ouverte  la question de savoir si l’entité issue de la concentration projetée allait devenir dominante ou non et, en conséquence, ils auraient erronément abaissé le seuil d’intervention. Or, ainsi que le Tribunal l’aurait jugé dans son arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T‑399/16, EU:T:2020:217), rien n’indique que l’article 2, paragraphe 3, du règlement n^o 139/2004 était destiné à introduire un seuil
d’intervention plus bas.

195    Par son deuxième grief, thyssenkrupp fait valoir, en substance, que, aux points 564 et 565 de l’arrêt attaqué, sans procéder à sa propre analyse, le Tribunal s’est contenté de se référer aux considérants 1413 à 1419 de la décision litigieuse pour considérer que la Commission a « distingu[é] nettement les éléments sur lesquels repose la constatation de la création d’une position dominante [de] ceux qui l’[ont] [amené] à conclure à l’existence d’effets horizontaux non coordonnés ». Or, selon
thyssenkrupp, l’évaluation des effets économiques doit être différente selon que la concentration implique une position dominante ou des effets non coordonnés sur un marché oligopolistique. thyssenkrupp estime que, à supposer même que, au point 565 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ait pu considérer que les mêmes facteurs pouvaient être pris en compte pour étayer les deux théories d’atteinte à la concurrence avancées par la Commission, il n’en restait pas moins qu’il ne pouvait estimer que la
Commission avait distingué suffisamment clairement ces deux théories ainsi que les marchés pertinents.

196    En outre, au point 563 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré à tort que thyssenkrupp ne s’était référée à aucun élément spécifique de l’analyse de la Commission pour reprocher à celle-ci de ne pas avoir distingué entre les deux théories d’atteinte à la concurrence. En effet, selon cette société, l’essence même du grief qu’elle soulève selon lequel la Commission n’avait pas procédé à une telle distinction ne permet pas de décrire où, précisément, dans l’analyse opérée par la
Commission s’est produite l’omission reprochée.

197    Par son troisième et dernier grief, thyssenkrupp reproche au Tribunal de s’être contenté, aux points 567 et 568 de l’arrêt attaqué, de résumer la décision litigieuse sans en apprécier le contenu.

198    La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de thyssenkrupp ainsi que la recevabilité du deuxième grief.

–       Appréciation de la Cour

199    S’agissant du premier grief de thyssenkrupp, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n^o 139/2004, les concentrations qui entravent de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur.

200    Ainsi qu’il ressort, en substance, du considérant 25 de ce règlement, l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement vise l’incompatibilité avec le marché intérieur d’une concentration entre des entreprises opérant sur un marché oligopolistique lorsque cette concentration constitue une entrave significative à une concurrence effective, quand bien même l’entité issue de cette concentration ne détiendrait pas une position dominante sur le marché concerné.

201    En particulier, il découle de la dernière phrase du considérant 25 du règlement n^o 139/2004 que la notion d’« entrave significative à une concurrence effective », au sens de l’article 2, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, doit être interprétée comme s’étendant, au-delà du concept de dominance, seulement aux effets anticoncurrentiels d’une concentration résultant du comportement non coordonné d’entreprises qui n’auraient pas une position dominante sur le marché concerné. En effet, ainsi
qu’il est relevé à la troisième phrase de ce considérant, dans certaines circonstances, les concentrations impliquant l’élimination des fortes contraintes concurrentielles que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre, ainsi qu’une réduction des pressions concurrentielles sur les autres concurrents, peuvent – même en l’absence de probabilité de coordination entre les membres de l’oligopole – avoir pour conséquence une entrave significative à une concurrence effective.

202    Dans ce contexte, il y a lieu de relever que les effets horizontaux non coordonnés les plus nets se produisent lorsque l’entité issue d’une opération de concentration obtient ou renforce une position dominante individuelle.

203    Ainsi que le Tribunal l’a affirmé au point 562 de l’arrêt attaqué en se fondant sur le point 51 de l’arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36), un marché peut être dominé par une entreprise individuelle et être oligopolistique en même temps. Or, également sur un tel marché oligopolistique, la position dominante individuelle d’une telle entreprise peut être renforcée par les effets horizontaux non coordonnés d’une concentration, tels que ceux visés au
point 201 du présent arrêt.

204    Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a, aux points 561 et 562 de l’arrêt attaqué, interprété l’article 2, paragraphe 3, du règlement n^o 139/2004 et le considérant 25 de celui-ci en ce sens que les concepts, d’une part, de création ou de renforcement d’une position dominante et, d’autre part, d’existence d’effets horizontaux non coordonnés résultant de l’élimination d’une importante contrainte concurrentielle sur un marché oligopolistique sont
compatibles et ne s’excluent pas mutuellement.

205    Le premier grief doit donc être rejeté comme étant non fondé.

206    S’agissant de l’irrecevabilité soulevée par la Commission concernant le deuxième grief, soulevée par la Commission et tirée de ce que thyssenkrupp n’aurait pas étayé ce grief par des arguments juridiques spécifiques, il suffit de relever que, dans son pourvoi, cette société a présenté des arguments juridiques suffisamment spécifiques. Par ces arguments, thyssenkrupp ne demande pas non plus, contrairement à ce que la Commission a fait valoir, à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation
des faits de l’espèce. Cette exception d’irrecevabilité doit donc être rejetée.

207    Quant au bien-fondé du deuxième grief, il convient de constater, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient thyssenkrupp, le Tribunal a procédé à sa propre analyse de l’argumentation de cette société portant sur le point de savoir si, en l’espèce, la Commission s’était fondée sur les mêmes facteurs pour parvenir à deux conclusions différentes.

208    En effet, il ressort des points 564 et 565 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que, aux considérants 1413 à 1419 de la décision litigieuse, la Commission avait analysé de manière distincte, d’une part, la création d’une position dominante et, d’autre part, l’existence d’effets horizontaux non coordonnés, même si ces deux analyses étaient, en partie, fondés sur les mêmes éléments factuels. En particulier, le Tribunal a précisé, au point 564 de cet arrêt, que « la Commission a[vait]
conclu, à titre principal, à la création d’une position dominante sur le fondement des parts de marché et de plusieurs autres éléments mentionnés aux points 9.5.3 à 9.5.9 de cette décision et, à titre subsidiaire, également à l’existence d’effets horizontaux non coordonnés résultant de l’élimination d’une importante contrainte concurrentielle, en se fondant sur les considérations exposées aux points 9.5.3 à 9.5.12 de ladite décision ».

209    En ce qui concerne la circonstance que ces analyses étaient, en partie, fondés sur les mêmes éléments factuels, au point 565 dudit arrêt, le Tribunal a estimé que « l’analyse de la Commission relative à la position dominante et celle relative aux effets horizontaux non coordonnés ne sauraient être effectuées autrement qu’en se focalisant nécessairement sur les mêmes éléments factuels, tels que les parts de marché et de capacité, les importations, la réaction des concurrents et la puissance
d’achat, ainsi que cela a[vait] été examiné dans les subdivisions du point 9.5 de la décision [litigieuse], puisque [c’étaient] les mêmes éléments qui d[evai]ent être pris en compte pour ces deux analyses ».

210    Il ressort donc de ces motifs du Tribunal que celui-ci a effectué lui‑même un examen de l’analyse de la Commission portant sur les effets de la concentration en cause.

211    En deuxième lieu, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 202 à 204 du présent arrêt, les concepts, d’une part, de création ou de renforcement d’une position dominante et, d’autre part, d’existence d’effets horizontaux non coordonnés résultant de l’élimination d’une importante contrainte concurrentielle sur un marché oligopolistique ne s’excluent pas mutuellement et que les effets horizontaux non coordonnés les plus nets se produisent lorsque l’entité issue d’une opération de
concentration obtient ou renforce une position dominante individuelle, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis un erreur de droit en considérant, au point 565 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait dans une certaine mesure s’appuyer sur les mêmes facteurs et indices pour démontrer que la concentration projetée aurait pu donner lieu à la création d’une position dominante ou entraîner des effets horizontaux non coordonnés.

212    En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’argument de thyssenkrupp tiré de ce que, au point 563 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément considéré que thyssenkrupp ne se référait à aucun élément spécifique de l’analyse de la Commission pour étayer son reproche selon lequel cette institution n’avait pas distingué entre les deux théories d’atteinte à la concurrence qu’elle avançait, il suffit de relever que, dès lors que thyssenkrupp n’a pas établi que le Tribunal a considéré à
tort, aux points 564 et 565 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait distingué les éléments sur lesquels reposent ces deux théories, cet argument doit être rejeté comme étant inopérant.

213    Dans ces conditions, le deuxième grief de thyssenkrupp doit être rejeté comme étant non fondé.

214    En ce qui concerne le troisième et dernier grief, il y a lieu de constater que, dès lors que l’argument de thyssenkrupp reproduit au point 567 de cet arrêt et examiné aux points 567 et 568 de celui-ci ne portait que sur le point de savoir si l’appréciation de la Commission des éléments susceptibles de démontrer la création ou le renforcement d’une position dominante devait être effectuée d’une manière différente de l’évaluation des autres effets non coordonnés, il ne saurait être reproché au
Tribunal de ne pas avoir procédé à sa propre analyse de l’appréciation économique de la Commission lorsqu’il visait à répondre précisément à cet argument.

215    En effet, au point 568 dudit arrêt, le Tribunal a souligné, d’une part, que « s’agissant du marché du TP, la Commission a apprécié les incitations [de] AM à contrer une hausse des prix de l’entité issue de la concentration projetée, en prenant notamment en considération des éléments économiques, tels que la structure oligopolistique du marché, la faible volonté des clients d’accroître leur dépendance à AM, le fait que contrer une hausse des prix entraînerait une baisse des prix sur tous les
volumes et l’absence de capacités de réserve [de] AM (considérants 1288 et 1289) ». D’autre part, « quant au marché de l’ECCS, la Commission a évalué les incitations d’AM à compenser une telle hausse, en s’appuyant notamment sur la structure oligopolistique du marché et sur une analyse des documents internes de la requérante montrant, selon cette dernière, le comportement probable d’AM sur ce marché (considérants 1294 à 1297) ». En outre, dès lors que thyssenkrupp n’a pas établi que le Tribunal a
commis une erreur de droit aux points 567 et 568 de l’arrêt attaqué, ses reproches concernant le point 566 de cet arrêt sont inopérants.

216    Dans ces conditions, le troisième et dernier grief de thyssenkrupp doit être écarté comme étant non fondé. En conséquence, la première branche du troisième moyen est rejetée.

 Sur la deuxième branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

217    Par son premier grief, thyssenkrupp fait valoir que le Tribunal s’est mépris sur le contenu du premier grief de la cinquième branche du troisième moyen de la requête en première instance et n’a pas correctement défini les critères pertinents pour évaluer si TSE pouvait être qualifiée d’« important moteur de la concurrence ».

218    En effet, par ce grief, thyssenkrupp affirme avoir soutenu, devant le Tribunal, que, dans la décision litigieuse, la Commission n’avait ni indiqué le critère juridique applicable aux fins de la qualification de TSE d’« important moteur de la concurrence » ni analysé si la situation en cause relevait de l’un des deux cas décrits aux points 37 et 38 des lignes directrices sur les concentrations horizontales. Selon thyssenkrupp, la Commission a simplement affirmé, au considérant 965 de cette
décision, que, avant la concentration projetée, TSE était un important moteur de la concurrence, au-delà même de ce que pourrait suggérer sa part de marché actuelle, notamment parce qu’elle projetait activement d’étendre sa présence sur le marché pertinent.

219    Dans ce contexte, au point 463 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, à tort, interprété de manière très large la notion d’« important moteur de la concurrence » et aurait donc commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré, en conséquence, que cette notion permettait de tenir compte des situations dans lesquelles les parts de marché d’une entreprise ne donnent qu’une première indication utile de l’importance concurrentielle des acteurs du marché.

220    En outre, le Tribunal aurait dû tenir compte des enseignements découlant du point 174 de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T‑399/16, EU:T:2020:217), selon lesquels un « important moteur de la concurrence » doit se distinguer de ses concurrents en termes de conséquences sur la concurrence, sinon toute entreprise sur un marché oligopolistique exerçant une pression concurrentielle pourrait être qualifiée d’« important moteur de la concurrence ».

221    Par son second grief, thyssenkrupp soulève six arguments principaux.

222    Premièrement, l’appréciation opérée par le Tribunal dans le cadre de son examen du second grief de la cinquième branche du troisième moyen de la requête en première instance serait entachée d’une erreur de droit, le Tribunal n’ayant pas procédé à un contrôle juridictionnel effectif. En particulier, thyssenkrupp estime que, notamment aux points 476, 478, 484 et 486 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est contenté de répéter et de décrire l’appréciation de la Commission figurant dans la décision
litigieuse et n’a pas fourni de raisons permettant de comprendre s’il a estimé que les arguments et les éléments de preuve présentés par la Commission suffisaient à étayer les constats opérés par celle-ci selon lesquels, en substance, TSE réalise des investissements supérieurs à la moyenne et se concentre sur l’accroissement de sa part de marché dans le secteur de l’Auto HDG.

223    Deuxièmement, thyssenkrupp estime que le Tribunal a considéré à tort, au point 477 de l’arrêt attaqué, que, en ce qui concerne les éléments de preuve apportés pour démontrer que d’autres fournisseurs d’Auto HDG réalisaient également, au même moment, des investissements analogues à ceux réalisés par TSE dans ce secteur, il convenait de privilégier les déclarations de ces fournisseurs émises dans le cadre de l’enquête de marché de la Commission aux preuves rapportées par thyssenkrupp et TSE.

224    Troisièmement, aux points 478 et 485 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait, de manière erronée, référé au considérant 1079 de la décision litigieuse aux fins de son examen de l’appréciation de la Commission portant sur la question de savoir si TSE pouvait être qualifiée d’« important moteur de la concurrence ». Or, ce considérant n’aurait aucun rapport avec cette appréciation.

225    Quatrièmement, thyssenkrupp estime que le point 482 de l’arrêt attaqué est entaché d’une motivation contradictoire. D’une part, à ce point 482 le Tribunal aurait constaté que la Commission n’avait pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’elle a considéré que les données économiques fournies par thyssenkrupp et TSE, qui portaient sur l’évolution de la part de marché de TSE au cours des années 2012 à 2017, n’étaient pas déterminantes pour la qualification de cette société en tant
qu’« important moteur de la concurrence », notamment, parce que, ainsi qu’il ressortait du considérant 901 de la décision litigieuse, après les investissements réalisés, certains actifs de TSE n’auraient vraisemblablement commencé la production modernisée qu’au cours des années 2019 à 2021 au plus tôt.

226    D’autre part, audit point 482, le Tribunal aurait considéré que, ainsi qu’il ressortait du considérant 901 de la décision litigieuse, la Commission n’avait pas supposé que, au cours des années 2019-2021, la part de marché de TSE augmenterait.

227    Dans ce contexte, thyssenkrupp précise que si la Commission a considéré que la part de marché de TSE n’avait pas augmenté de manière significative dans le passé parce que certains de ses actifs n’avaient pas encore commencé la production modernisée, elle aurait dû supposer que la part de marché de TSE augmenterait dès que la production modernisée commencerait. Dans le cas contraire, il n’existerait aucun argument permettant à la Commission de qualifier TSE d’« important moteur de la
concurrence ».

228    En outre, selon thyssenkrupp, le Tribunal n’aurait pas tenu compte de l’argumentation de cette société selon laquelle une augmentation de la compétitivité de TSE après le démarrage de la production modernisée ne pouvait pas être présumée sans tenir compte des effets des investissements contemporains et parallèles, équivalents et connus, réalisés par les concurrents de TSE.

229    Cinquièmement, thyssenkrupp fait valoir que, au point 487 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a omis d’examiner de manière indépendante son argumentation selon laquelle, en substance, les investissements de TSE ne visaient qu’à rattraper ceux de ses concurrents. Dans ce contexte, le Tribunal aurait en outre dénaturé le considérant 897 de la décision litigieuse en constatant que thyssenkrupp et TSE auraient admis qu’elles ne disposaient pas d’éléments de preuve pour étayer leur affirmation. En
effet, thyssenkrupp et TSE auraient simplement reconnu que le fait sur lequel elles se fondaient à cet égard n’avait pas été expressément indiqué dans les éléments de preuve fournis par ces deux entreprises. En outre, le Tribunal n’aurait pas procédé à un examen des éléments de preuve dont il disposait.

230    Sixièmement, thyssenkrupp fait valoir que, au point 490 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté son argumentation selon laquelle la Commission avait ignoré des éléments de preuve fournis par thyssenkrupp et TSE visant à démontrer qu’un certain nombre de clients et de concurrents ne partageaient pas la qualification de TSE d’« important moteur de la concurrence », sans procéder à sa propre analyse et sans préciser les considérants de la décision litigieuse relatifs à l’examen, par la
Commission, de ces éléments de preuve.

231    La Commission conteste l’argumentation de thyssenkrupp.

–       Appréciation de la Cour

232    S’agissant du premier grief de thyssenkrupp, tiré, en substance, de ce que le Tribunal s’est mépris sur le contenu du premier grief de la cinquième branche du troisième moyen de la requête en première instance et n’a pas correctement défini les critères pertinents pour évaluer si TSE pouvait être qualifiée d’« important moteur de la concurrence », il convient, en premier lieu, de relever que, aux points 454 à 464 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le premier grief de la cinquième
branche du troisième moyen de la requête en première instance.

233    Aux points 454 à 458 de cet arrêt, le Tribunal a présenté l’argumentation de thyssenkrupp. Il ressort, en substance, de ces points que, par le premier grief de la cinquième branche du troisième moyen de la requête en première instance, cette société faisait valoir que, aux considérants 883 et suivants de la décision litigieuse, la Commission n’avait pas appliqué correctement les critères permettant de définir ce que constitue un « important moteur de la concurrence » énoncés aux points 37 et
38 des lignes directrices sur les concentrations horizontales.

234    Or, ainsi qu’il ressort des points 100 à 102 de la requête en première instance, thyssenkrupp faisait effectivement référence aux deux cas de figure décrits aux points 37 et 38 des lignes directrices sur les concentrations horizontales en tant que critères pertinents et estimait que, dans la décision litigieuse, la Commission n’avait pas examiné l’applicabilité des critères de la notion d’« important moteur de la concurrence ».

235    Il s’ensuit donc que le Tribunal ne s’est pas mépris sur le contenu du premier grief de la cinquième branche du troisième moyen de la requête en première instance.

236    En second lieu, s’agissant du grief de thyssenkrupp selon lequel, en substance, le Tribunal, d’une part, n’a pas correctement défini les critères pertinents pour déterminer si TSE pouvait être qualifiée d’« important moteur de la concurrence » et, d’autre part, a erronément interprété de manière très large, au point 463 de l’arrêt attaqué, la notion d’« important moteur de la concurrence », il convient de relever que, aux points 460 et 461 de cet arrêt, le Tribunal a rappelé le contenu des
points 37 et 38 des lignes directrices sur les concentrations horizontales qui introduisent cette notion.

237    Au point 462 dudit arrêt, le Tribunal a constaté que les deux cas de figure exposés aux points 37 et 38 des lignes directrices sur les concentrations horizontales selon lesquels, d’une part, il se peut qu’une entreprise qui est récemment entrée sur le marché concerné exercerait à l’avenir une forte pression concurrentielle sur les autres entreprises présentes sur ce marché et, d’autre part, une entreprise dont la part de marché est relativement faible peut néanmoins constituer un important
moteur de la concurrence si ses produits en cours de développement sont prometteurs, ne sont que des exemples de situations dans lesquelles un important moteur de la concurrence peut se présenter.

238    En outre, au point 463 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, ainsi qu’il ressort du point 37 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, la notion d’« important moteur de la concurrence » permet de tenir compte de situations dans lesquelles les parts de marché d’une entreprise pourraient conduire à sous-estimer son importance sous l’angle de la concurrence. Selon le Tribunal, cette notion est compatible avec le point 14 de ces lignes directrices, selon lequel les
parts de marché, bien que pertinentes, ne donnent qu’une première indication utile de l’importance concurrentielle des acteurs du marché. Ainsi, le Tribunal a considéré qu’il incombe à la Commission d’effectuer une analyse approfondie des conditions de concurrence en tenant également compte de facteurs autres que les parts de marché, tels que les effets de la concentration sur la concurrence entre les parties et les possibles réactions de clients et de concurrents.

239    Dans ce contexte, aux points 464 à 466 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, constaté que la Commission avait procédé à une telle analyse détaillée de la concurrence entre les parties à la concentration projetée et de la contrainte concurrentielle exercée par TSE sur le marché de l’Auto HDG. Le Tribunal a donc estimé que cette institution avait analysé le rôle et les capacités spécifiques de TSE, sa position par rapport à d’autres acteurs et avait constaté que TSE s’écartait de la
plupart de ces autres acteurs.

240    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une lecture combinée des points 26, 37 et 38 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, l’élimination d’un « important moteur de la concurrence » est, en principe, l’un des facteurs qui peuvent influer sur la probabilité qu’une concentration entraîne des effets non coordonnés significatifs et qui permettent ainsi d’apprécier, notamment, si cette concentration entraînerait l’élimination des fortes contraintes concurrentielles que
les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 160).

241    En outre, il ressort de la jurisprudence que la notion d’« important moteur de la concurrence » ne saurait être exclusivement appliquée à des entreprises qui se livrent une concurrence particulièrement agressive en matière de prix et qui forceraient leurs concurrents sur le marché à s’aligner sur leurs prix ou à des entreprises dont la politique de prix serait susceptible de modifier de manière significative les dynamiques concurrentielles sur le marché concerné (arrêt du 13 juillet 2023,
Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 166).

242    Ainsi, la Cour a déjà considéré que, pour qualifier une entreprise d’« important moteur de la concurrence », il suffit, ainsi que cela est exposé au point 37 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, qu’elle joue un rôle plus important dans le jeu de la concurrence que ne le laisseraient supposer ses parts de marché ou tout autre indicateur similaire (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 167).

243    Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a défini les critères pertinents pour déterminer si TSE pouvait être qualifiée d’« important moteur de la concurrence », a interprété la notion d’« important moteur de la concurrence » en considérant qu’elle comprenait également des situations dans lesquelles les parts de marché pouvaient conduire à sous-estimer l’importance d’une entreprise et a considéré qu’il appartenait à la Commission d’effectuer une analyse
approfondie des conditions de concurrence en tenant également compte d’autres facteurs, tels que les effets de la concentration sur la concurrence entre les parties concernées et les possibles réactions de clients et de concurrents.

244    Le premier grief doit donc être rejeté comme étant non fondé.

245    Le second grief comprend six arguments principaux.

246    S’agissant du premier argument soulevé dans le cadre du second grief, visé au point 222 du présent arrêt, il convient de rappeler que la portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission dont le Tribunal assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents présentés par cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du
26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 48).

247    La portée du contrôle exercé par le Tribunal est donc limitée par les moyens soulevés par la requérante, à l’exception des moyens d’ordre public.

248    Or, d’une part, il ressort du point 468 de l’arrêt attaqué, qui n’est pas contesté par thyssenkrupp, que cette société s’est bornée, en première instance, à affirmer ne pas percevoir clairement sur quels éléments de preuve la Commission s’est fondée pour considérer que TSE avait réalisé des investissements supérieurs à la moyenne et s’était concentrée sur l’accroissement de sa part de marché dans le secteur de l’Auto HDG. En outre, thyssenkrupp a reproché à la Commission d’avoir rejeté, au
considérant 896 de la décision litigieuse, les éléments de preuve apportés par thyssenkrupp et TSE pour démontrer que d’autres fournisseurs d’Auto HDG étaient également en train de réaliser des investissements analogues à ceux de TSE dans ce secteur, au motif que ces éléments de preuve contredisaient les réponses des fournisseurs eux‑mêmes et des clients dans ledit secteur.

249    En examinant ces griefs aux points 475 à 479 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en substance, que, contrairement à ce que soutenait thyssenkrupp, la décision litigieuse contenait un faisceau d’indices démontrant que TSE avait réalisé des investissements supérieurs à la moyenne dans l’Auto HDG et s’était concentrée sur l’accroissement de sa part de marché dans le secteur de l’Auto HDG. En particulier, au point 476 de cet arrêt, le Tribunal a considéré qu’il ne saurait être reproché à
la Commission de ne pas avoir cité les éléments de preuve sur lesquels elle s’était fondée, dès lors que, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 884 à 892, 948 et 954 de la décision litigieuse, elle s’était fondée sur les documents internes de thyssenkrupp et de TSE ainsi que sur les réponses des concurrents et des clients dans le cadre de l’enquête de marché qu’elle avait menée.

250    En outre, aux points 477 et 478 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en ce qui concerne le grief de thyssenkrupp selon lequel la Commission n’aurait pas pu rejeter, au considérant 896 de la décision litigieuse, les éléments de preuve de thyssenkrupp et de TSE visant à démontrer que d’autres fournisseurs d’Auto HDG étaient également en train de réaliser des investissements analogues à ceux de TSE, la Commission avait indiqué, à ce considérant 896, qu’elle s’était fondée sur son
enquête de marché pour les rejeter.

251    D’autre part, aux points 484 à 486 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les griefs de thyssenkrupp selon lesquels la Commission n’aurait pas comparé les investissements de TSE avec ceux de ses concurrents ni n’aurait pris en compte les dépenses en recherche et développement ou les plans de stratégie interne de ces concurrents.

252    Toutefois, il ressort clairement des points 484 à 486 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné ces griefs et relevé que, en l’espèce, la Commission avait procédé, aux considérants 883 à 966 de la décision litigieuse, à une analyse détaillée du rôle, de la position et des capacités spécifiques de TSE par rapport à d’autres acteurs du marché concerné et constaté que TSE s’écartait de la plupart de ces autres acteurs. Aux points 485 et 486 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, aux
fins de son analyse, la Commission avait pris en compte, notamment, les investissements et les plans d’expansion de quatre concurrents de TSE.

253    Dans ces conditions, la critique formulée par thyssenkrupp à l’égard des points 476, 478, 484 et 486 de l’arrêt attaqué n’est pas fondée.

254    En ce qui concerne le deuxième argument soulevé dans le cadre du second grief, visé au point 223 du présent arrêt, il suffit de relever que thyssenkrupp n’a pas démontré pour quelle raison le Tribunal n’aurait pas dû privilégier les déclarations des fournisseurs autres que TSE alors que, ainsi que la Commission l’avait relevé, ils étaient mieux placés que thyssenkrupp pour commenter leurs propres plans d’investissement.

255    Ainsi, cette argumentation de thyssenkrupp doit être rejetée comme étant non fondée.

256    S’agissant du troisième argument soulevé dans le cadre du second grief, visé au point 224 du présent arrêt, il convient de relever, d’une part, que, au point 478 de l’arrêt attaqué, le Tribunal vise à répondre à l’argumentation par laquelle thyssenkrupp reproche à la Commission de ne pas avoir cité les preuves sur lesquelles elle s’était fondée pour qualifier TSE d’« important moteur de la concurrence ».

257    Or, thyssenkrupp ne conteste pas l’appréciation du Tribunal, au point 479 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la requérante n’a pas démontré que la Commission n’avait pas été en mesure de se fonder sur un faisceau d’indices factuellement exacts, fiables et concordants, de nature à étayer les conclusions qui avaient été tirées à ce propos aux considérants 883 à 966 de la décision litigieuse.

258    D’autre part, par le point 485 de l’arrêt attaqué, le Tribunal vise à répondre à l’argument de thyssenkrupp selon lequel la Commission n’a pas procédé à une comparaison des investissements de TSE avec ceux des concurrents de celle-ci aux fins de la qualification de TSE d’« important moteur de la concurrence ».

259    Or, à supposer même qu’il n’y avait pas lieu pour le Tribunal de se référer au considérant 1079 de la décision litigieuse dès lors que celui-ci ne fait pas partie de la section de cette décision consacrée spécifiquement à la question de savoir si TSE constitue un important moteur de la concurrence, il convient de relever que, en tout état de cause, le Tribunal s’est fondé sur d’autres considérants de ladite décision qui démontrent que la Commission avait effectivement procédé à une telle
comparaison.

260    En effet, il ressort du point 484 de l’arrêt attaqué que, aux considérants 883 à 966 de la décision litigieuse, la Commission a analysé le rôle et les capacités spécifiques de TSE, la position de TSE par rapport à d’autres acteurs du marché et a constaté que TSE s’écartait de la plupart de ces autres acteurs.

261    Or, il découle du considérant 896 de cette décision, qui a été examiné par le Tribunal au point 477 de cet arrêt, que la Commission avait analysé l’affirmation des parties à la concentration projetée selon laquelle les concurrents de TSE faisaient eux-mêmes des investissements comparables à ceux de TSE et qu’elle avait constaté que cette affirmation était contredite par les informations qu’elle avait reçues de ces concurrents et de consommateurs des produits en cause.

262    Dans ces conditions, l’argumentation de thyssenkrupp doit être rejetée comme étant inopérante.

263    En ce qui concerne le quatrième argument soulevé dans le cadre du second grief, visé aux points 225 à 228 du présent arrêt, il suffit de relever que cet argument porte sur un motif surabondant de l’arrêt attaqué. Or, dès lors que des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 96 et
jurisprudence citée), ledit argument doit être rejeté comme étant inopérant.

264    S’agissant du cinquième argument soulevé dans le cadre du second grief, visé au point 229 du présent arrêt, il convient de considérer que, à supposer même que le Tribunal n’ait pas, au point 487 de l’arrêt attaqué, correctement résumé le considérant 897 de la décision litigieuse, une telle erreur serait sans pertinence pour l’allégation de thyssenkrupp selon laquelle le Tribunal a omis d’examiner de manière indépendante son affirmation selon laquelle les investissements de TSE ne visaient
qu’à rattraper ceux de ses concurrents. En effet, au point 488 de cet arrêt, qui n’est pas contesté par thyssenkrupp, le Tribunal a relevé que, en tout état de cause, la Commission avait rejeté cette affirmation aux considérants 920 à 932 de la décision litigieuse et qu’aucun élément de preuve contraire suffisamment convaincant n’avait été avancé par thyssenkrupp pour priver de plausibilité les appréciations retenues par la Commission auxdits considérants.

265    Dans ces circonstances, le cinquième argument soulevé dans le cadre du second grief, visé au point 229 du présent arrêt, doit être rejeté.

266    En ce qui concerne le sixième argument soulevé dans le cadre du deuxième grief, visé au point 230 du présent arrêt, il convient de constater que cette argumentation de thyssenkrupp repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

267    Ainsi qu’il ressort des points 473 et 490 de l’arrêt attaqué, qui contiennent un résumé des griefs de thyssenkrupp, cette société s’est bornée à faire valoir devant le Tribunal que la Commission avait ignoré lesdits éléments de preuve. Cette circonstance est confirmée à la lecture du point 107 de la requête en première instance.

268    Dans ce contexte, au point 490 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a abordé précisément ce grief et, en faisant référence aux considérants 883 à 966 de la décision litigieuse, a constaté que, contrairement à ce que soutient thyssenkrupp, dans le cadre de son examen de l’ensemble des éléments de preuve mis à sa disposition, la Commission avait pris en compte ces éléments de preuve, mais avait estimé que ceux-ci n’étaient pas suffisamment convaincants pour modifier son appréciation à cet égard.

269    Ainsi, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir apprécié lui-même les éléments de preuve fournis par les parties à la concentration projetée ou de ne pas avoir précisé à quels considérants de la décision litigieuse la Commission avait examiné ces éléments de preuve.

270    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le second grief de la deuxième branche du troisième moyen comme étant non fondé.

271    Dès lors, la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

272    thyssenkrupp fait valoir que, contrairement aux enseignements découlant des points 227 et suivants de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T‑399/16, EU:T:2020:217), le Tribunal n’a pas exigé de la Commission qu’elle démontre un degré particulier de proximité entre thyssenkrupp et TSE, tant en ce qui concerne le marché Auto HDG que le marché de l’acier destiné à l’emballage. Selon thyssenkrupp, cette juridiction a ainsi procédé à une interprétation et à une
application erronées de la notion de « concurrents proches », figurant au point 28 des lignes directrices sur les concentrations horizontales.

273    Premièrement, au point 532 de l’arrêt attaqué, qui conclut la section relative à l’Auto HDG, le Tribunal aurait fait référence au constat de la Commission selon lequel thyssenkrupp et TSE sont des concurrents « proches » et non pas des concurrents « particulièrement » proches. Or, l’approche suivie par le Tribunal aux points 513, 520 et 521 de l’arrêt attaqué démontrerait que le Tribunal n’a pas exigé de la Commission qu’elle démontre que ces deux sociétés sont des concurrents
particulièrement proches.

274    Deuxièmement, dans l’ensemble de la section de l’arrêt attaqué relative à l’acier destiné à l’emballage, notamment aux points 740 à 745 et 750 à 752 de cet arrêt, le Tribunal aurait qualifié les parties à la concentration projetée de concurrents « proches ». En particulier, il ressortirait clairement des appréciations du Tribunal figurant aux points 735, 739, 747 et 751 dudit arrêt que le Tribunal ne reconnaît pas que la proximité de la concurrence, au sens des points 28 et suivants des
lignes directrices sur les concentrations horizontales, exige un degré particulier de proximité. Il découlerait donc de ces points de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a pas appliqué le critère approprié d’un degré particulier de proximité de la concurrence.

275    La Commission conteste tant la recevabilité que le bien-fondé de l’argumentation de thyssenkrupp.

276    Dans son mémoire en réplique, thyssenkrupp objecte que cette branche est recevable, d’une part, au motif que, bien qu’elle n’ait pas utilisé les termes « concurrents particulièrement proches » dans sa requête en première instance, il ressortirait, notamment, du point 161 de celle-ci, qu’elle a fait référence au point 28 des lignes directrices sur les concentrations horizontales ainsi qu’au fait que la Commission n’a pas appliqué le bon critère consistant à déterminer si les parties à la
concentration projetée offraient des produits qu’un très grand nombre de clients considéraient comme constituant leur premier ou leur second choix, ce qui révèlerait un degré particulier de proximité de la concurrence. D’autre part, cette problématique aurait été soulevée par thyssenkrupp lors de l’audience devant le Tribunal.

–       Appréciation de la Cour

277    À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 123 du présent arrêt, que, conformément à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour
un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal.

278    Or, en l’espèce, il ressort de la requête en première instance, en particulier du point 161 de celle-ci, que si thyssenkrupp s’est référée au point 28 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, il n’en reste pas moins que cette société n’a pas reproché à la Commission d’avoir commis une erreur en ce que, aux fins de la détermination de la proximité de thyssenkrupp et de TSE, cette institution aurait appliqué un critère moins exigeant que celui selon lequel ces deux
entreprises devaient être qualifiées de « concurrents particulièrement proches ». thyssenkrupp s’est bornée, en réalité, à affirmer que l’appréciation quant à l’existence d’une proximité de la concurrence consistait essentiellement en une appréciation économique du degré de substituabilité des produits des parties à la concentration projetée et que les questions posées par la Commission aux clients afin de déterminer la proximité de concurrence entre les parties à la concentration projetée étaient
erronées.

279    S’agissant de l’argumentation de thyssenkrupp selon laquelle, lors de l’audience devant le Tribunal, cette société a expressément affirmé, en se référant à l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T‑399/16, EU:T:2020:217), que la Commission aurait dû démontrer que thyssenkrupp et TSE sont des « concurrents particulièrement proches », en ce qui concerne tant le marché Auto HDG que lе marché de l’acier destiné à l’emballage, il suffit de constater que thyssenkrupp n’a
fourni aucune preuve susceptible d’étayer cette argumentation.

280    Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen du pourvoi doit être écartée comme étant non fondée.

281    Dès lors la troisième branche du troisième moyen est rejetée.

 Sur la quatrième branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

282    Premièrement,  thyssenkrupp reproche, en substance, au Tribunal de ne pas avoir examiné, aux points 279 à 287 de l’arrêt attaqué, l’argumentation de cette société exposée aux points 63 à 68 de la requête en première instance. Selon ladite société, le Tribunal s’est contenté de reprendre les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision litigieuse.

283    Deuxièmement, thyssenkrupp reproche au Tribunal, en substance, notamment au point 285 de l’arrêt attaqué, d’avoir confirmé les appréciations de la Commission selon lesquelles les augmentations de prix après la concentration projetée ne seraient soutenues que par la menace de représailles de la part de l’entité issue de cette concentration si AM ne s’adaptait pas aux augmentations de prix. Selon thyssenkrupp, sans constatation d’effets coordonnés, cette approche permettait à la Commission de
constater l’existence d’entraves significatives à une concurrence effective dans toutes les opérations de concentrations. thyssenkrupp précise que toutes entités fusionnées seraient en effet incitées à augmenter les prix si elles pouvaient menacer de manière crédible de représailles les rivales qui ne s’adapteraient pas.

284    Troisièmement, thyssenkrupp reproche au Tribunal de s’être limité, aux points 611, 612, 615, 617 et 619 de l’arrêt attaqué, sans procéder à sa propre analyse du point de savoir si AM était une alternative viable pour les acheteurs de TP ou d’ECCS, à résumer la décision litigieuse, en constatant que l’analyse économique de la Commission était « cohérente », « très plausible » et « solide ».

285    En outre, selon thyssenkrupp, l’appréciation du Tribunal figurant au point 615 de l’arrêt attaqué et portant sur l’éventuel comportement de AM après une augmentation de prix de la part de l’entité issue de la concentration est erronée en ce que le Tribunal a négligé le fait qu’un concurrent ne verrait sa demande augmenter que s’il ne suivait pas l’augmentation (hypothétique) des prix de l’entité issue de la concentration.

286    Par ailleurs, thyssenkrupp reproche au Tribunal d’avoir omis d’évaluer, aux points 613 et suivants de l’arrêt attaqué, quelles capacités de réserve pouvaient être considérées comme étant « suffisantes ».

287    La Commission conteste l’argumentation de thyssenkrupp.

–       Appréciation de la Cour

288    S’agissant, en premier lieu, du grief de thyssenkrupp selon lequel le Tribunal n’a pas examiné, aux points 279 à 287 de l’arrêt attaqué, l’argumentation de cette société exposée aux points 63 à 68 de la requête en première instance, il y a lieu de constater que ce grief résulte d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

289    L’argumentation de thyssenkrupp figurant aux points 63 à 68 de la requête en première instance et résumée aux points 270 et 271 de l’arrêt attaqué est rejetée aux points 282 à 290 de cet arrêt. En particulier, ainsi qu’il ressort des points 282, 283, 285 et 287 à 289 dudit arrêt, le Tribunal a constaté que la Commission s’était fondée sur plusieurs éléments de preuve, sur le comportement réel et effectif de AM sur le marché Auto HDG ainsi que sur les données économiques fournies par
thyssenkrupp et TSE pour établir que AM n’aurait pas été incitée à réagir par une augmentation de sa production aux hausses de prix de l’entité issue de la concentration projetée. En outre, ainsi qu’il ressort du point 288 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a approuvé les conclusions de la Commission en se fondant sur son propre examen desdits éléments de preuve.

290    En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation de thyssenkrupp, tirée, en substance, de ce que, notamment au point 285 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a confirmé à tort les conclusions de la Commission selon lesquelles les augmentations de prix après la concentration projetée ne seraient soutenues que par la menace de représailles de la part de l’entité issue de cette concentration si AM ne s’adaptait pas aux augmentations de prix, il convient de constater que cette argumentation repose
également sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

291    D’une part, ainsi qu’il ressort du point 266 de cet arrêt, le Tribunal a examiné l’argumentation de thyssenkrupp selon laquelle la Commission avait conclu, implicitement, à l’existence d’effets horizontaux coordonnés, car, selon cette institution, AM coordonnait ses prix avec l’entité issue de la concentration projetée et cette entité tenait compte de cette coordination pour prendre ses décisions tarifaires après la concentration projetée. Aux points 268 et 269 dudit arrêt, le Tribunal a
rejeté cette argumentation de thyssenkrupp et constaté, en substance, que la Commission n’avait pas fait état, même implicitement, d’une quelconque existence d’effets horizontaux coordonnés entre AM et l’entité issue de cette concentration.

292    D’autre part, aux points 282 à 290 du même arrêt, le Tribunal a rejeté l’argumentation de thyssenkrupp selon laquelle, en substance, la décision litigieuse est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les éléments de preuve retenus pour établir l’absence d’incitation dans le chef de AM à exercer une contrainte sur une augmentation des prix après l’opération de concentration projetée, malgré d’énormes capacités à sa disposition.

293    Dans le cadre de son appréciation, le Tribunal n’a aucunement constaté que les augmentations de prix après la concentration projetée ne seraient soutenues que par la menace de représailles de la part de l’entité issue de cette concentration si AM ne s’adaptait pas aux augmentations de prix.

294    En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’argumentation de thyssenkrupp visée aux points 284 à 286 du présent arrêt, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne les points 611, 612, 615, 617 et 619 de l’arrêt attaqué, ceux-ci concernent l’examen par le Tribunal de la troisième branche du quatrième moyen de la requête en première instance, relative à une erreur de droit et des erreurs manifestes d’appréciation concernant les possibilités pour les clients de changer de fournisseur dans
l’EEE.

295    Il ressort suffisamment clairement des points 611 à 620 de l’arrêt attaqué que, contrairement à ce que soutient thyssenkrupp, le Tribunal a non seulement écarté le reproche de cette société selon lequel la Commission n’avait pas prouvé à suffisance de droit que, après la concentration projetée, AM ne serait pas une alternative viable pour les acheteurs de TP ou d’ECCS, mais il a aussi procédé à sa propre appréciation des conclusions de la Commission.

296    En effet, après avoir constaté, notamment aux points 612 et 616 de l’arrêt attaqué, que, en ce qui concerne tant le marché de TP que celui de l’ECCS, la Commission avait corroboré son analyse prospective des incitations de AM à contrer une éventuelle hausse des prix de l’entité issue de la concentration projetée, le Tribunal a, tout d’abord, procédé, au point 614 de cet arrêt, à une vérification de la question de savoir si cette analyse était conforme aux points 32 à 35 des lignes directrices
sur les concentrations horizontales, figurant sous le titre « Les concurrents sont peu susceptibles d’accroître leur production si les prix augmentent ». À l’issue de son examen, il a estimé que l’augmentation de la production était improbable, en particulier, lorsque les concurrents avaient des contraintes de capacité, comme cela est le cas de AM en l’espèce pour le TP.

297    Ensuite, ainsi qu’il ressort du point 615 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l’analyse prospective de la Commission et constaté qu’il était fort probable que, face à une éventuelle hausse des prix de la part de l’entité issue de la concentration projetée, les clients qui auraient tenté de se tourner vers un concurrent, tel que AM, qui est le seul autre acteur important sur le marché concerné, auraient également été confrontés à des hausses de prix.

298    En effet, selon le Tribunal, lorsqu’un tel concurrent voit la demande de ses produits augmenter, il est lui-même unilatéralement incité à augmenter les prix et non à les maintenir constants ou à les baisser pour conquérir de nouveaux clients, car cela contreviendrait à l’optimisation de ses bénéfices. Dès lors, le Tribunal a approuvé l’analyse prospective de la Commission comme étant cohérente et très plausible et, contrairement à ce que soutient thyssenkrupp, il ne saurait être reproché au
Tribunal d’avoir déterminé de manière erronée, au point 615 l’arrêt attaqué, l’éventuel comportement de AM en cas d’augmentation de prix de la part de l’entité issue de la concentration projetée, compte tenu notamment des contraintes de capacité de cette société, invoquées au point 613 de cet arrêt.

299    En outre, au point 617 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le raisonnement, exposé aux points 612 et suivants de cet arrêt, relatif au marché du TP s’appliquait, en substance, également au marché de l’ECCS. Il a, ainsi, confirmé que l’analyse prospective de la Commission, selon laquelle AM n’aurait pas été incitée à contrer une éventuelle hausse des prix de l’ECCS après l’opération de concentration projetée, mais plutôt à la suivre et à en bénéficier, était en effet tout aussi
cohérente et très plausible, compte tenu également du fait que la structure oligopolistique du marché de l’ECCS serait probablement encore renforcée à la suite de cette concentration.

300    Enfin, le Tribunal a considéré, au point 619 de l’arrêt attaqué, que l’analyse prospective de la Commission, opérée aux considérants 1288 et 1289 ainsi qu’aux considérants 1294 et suivants de la décision litigieuse, était effectivement fondée sur une analyse économique solide de la réaction de AM à l’égard d’une éventuelle hausse des prix de l’entité issue de la concentration sur les marchés du TP et de l’ECCS.

301    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir procédé à sa propre analyse de l’appréciation de la Commission portant sur le point de savoir si AM serait une alternative viable pour les acheteurs de TP ou d’ECCS. Ce grief de thyssenkrupp résulte donc d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

302    Il ne saurait non plus être reproché au Tribunal d’avoir omis d’évaluer, aux points 613 et suivants de l’arrêt attaqué, les capacités de réserve qui pouvaient être considérées comme étant « suffisantes ». À cet égard, il suffit de relever, d’une part, qu’il ne ressort ni du point 136 de la requête en première instance ni du point 601 de l’arrêt attaqué, qui reproduit l’argumentation de thyssenkrupp en première instance, que cette société a soulevé un tel argument devant le Tribunal, ce qui
rend ce reproche manifestement irrecevable. D’autre part, le Tribunal a tenu compte des capacités de réserve de AM car, ainsi qu’il ressort des points 612, 613, 618 et 619 de cet arrêt, le Tribunal s’est référé au considérant 1289 de la décision litigieuse, qui contient une estimation de capacités de réserve des concurrents de l’entité issue de la concentration projetée et notamment de celles de AM.

303    Dès lors, la quatrième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

 Sur la cinquième branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

304    Par son premier grief, thyssenkrupp reproche au Tribunal, premièrement, d’avoir omis de relever qu’il n’était pas possible de considérer, sur le fondement de la stratégie actuelle de TSE, que les clients établis dans l’EEE ne constituaient pas une cible stratégique pour les fournisseurs asiatiques Posco, Hyundai Steel et Baosteel, sans demander directement à ces entreprises quelle était leur cible stratégique. Deuxièmement, thyssenkrupp estime qu’il existe une contradiction au point 545 de
l’arrêt attaqué, dès lors que, à ce point, le Tribunal a considéré, d’une part, que Posco, Hyundai Steel et Baosteel parvenaient à fournir une proportion significative des besoins de certains clients et, d’autre part, que « les clients exprimaient eux-mêmes une nette préférence pour l’approvisionnement au sein de l’EEE ». Troisièmement, thyssenkrupp considère que, au point 545 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exigé à tort de cette société qu’elle démontre que tous les clients pouvaient être
approvisionnés dans une large mesure par des importateurs. Quatrièmement, thyssenkrupp fait valoir que le Tribunal a ignoré les éléments de preuve pertinents, lorsqu’il a, au point 545 de l’arrêt attaqué, considéré que les raisons visant à justifier le fait que Fiat Chrysler Automobiles NV (ci-après « FCA ») s’approvisionnait en recourant aux importations n’étaient pas transposables aux autres clients.

305    Par son second grief, thyssenkrupp fait valoir, premièrement, que, au point 645 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas procédé à sa propre analyse des arguments de thyssenkrupp tirés de ce que la Commission avait accordé un poids démesuré à certaines déclarations de clients concernant des restrictions prétendument imputables à la volatilité de la demande, mais s’est contenté de décrire l’approche de la Commission et de se référer aux réponses apportées au questionnaire 13, sans fournir
d’autres explications.

306    Deuxièmement, selon thyssenkrupp, au point 646 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a renversé la charge de la preuve en considérant que le grief invoqué par thyssenkrupp, selon lequel la Commission aurait ignoré le fait que les parties elles-mêmes vendaient des volumes significatifs à des clients établis en dehors de l’EEE, ne saurait avoir qu’une pertinence très limitée pour l’analyse des marchés en cause et de la réaction des clients établis au sein de l’EEE, thyssenkrupp n’ayant pas démontré
le contraire.

307    Troisièmement, thyssenkrupp fait valoir, d’une part, que, au point 647 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve dont il disposait et que sa motivation est contradictoire. Elle estime en effet que, alors que le Tribunal a constaté que les documents internes de thyssenkrupp, reproduits aux images 200 et 201 de la décision litigieuse, « corrobor[ai]ent » les constatations de la Commission relatives à l’importance des délais, l’interprétation erronée de ces documents
internes par la Commission a nécessairement une incidence sur l’appréciation de cette institution.

308    D’autre part, s’agissant de la qualité des importations, thyssenkrupp a reproché, en substance, à la Commission d’avoir, aux considérants 1312 à 1316 de la décision litigieuse, sélectionné des citations extraites de son enquête de marché et ignoré les informations provenant des parties ou de cette enquête qui les contredisaient. À cet égard, thyssenkrupp estime qu’il ressort du point 649 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est contenté de se référer aux réponses apportées à la question 63 du
questionnaire 4 sans procéder à sa propre analyse.

309    La Commission conteste tant le bien-fondé de l’argumentation de thyssenkrupp que la recevabilité de certains de ses arguments.

–       Appréciation de la Cour

310    S’agissant du premier grief de thyssenkrupp concernant l’incidence des importations de produits d’Auto HDG sur la concurrence, il convient de relever que le Tribunal a examiné la septième branche du troisième moyen de la requête en première instance aux points 534 à 551 de l’arrêt attaqué.

311    Tout d’abord, aux points 541 à 544 de cet arrêt, le Tribunal a examiné le reproche fait à la Commission par thyssenkrupp selon lequel cette institution n’avait pas suffisamment examiné la question de savoir dans quelle mesure les importations constitueraient une contrainte sur les parties après la mise en œuvre de la concentration projetée.

312    À cet égard, le Tribunal a considéré, en substance, que, ainsi qu’il ressort du considérant 974 de la décision litigieuse, l’enquête de marché menée par la Commission avait révélé que les futurs flux d’importations possibles d’Auto HDG vers l’EEE étaient minimes et que les importations constituaient une contrainte limitée en raison des facteurs de nature structurelle et réglementaire, tels que les délais d’exécution plus longs, le manque de réactivité des importateurs, le risque
d’endommagement pendant le transport, le manque de capacités techniques des fournisseurs établis en dehors de l’EEE, le manque de présence commerciale dans l’EEE ainsi que les mesures de défense commerciale récemment imposées sur les importations de produits d’Auto HDG.

313    Ensuite, aux points 545 et 546 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé, en substance, que le rare exemple de FCA, en tant que client s’approvisionnant en recourant aux importations, invoqué par thyssenkrupp, ne saurait à lui seul infirmer le fait que la grande majorité des clients du secteur automobile ne s’approvisionnent pas ou le font de manière négligeable auprès de fournisseurs établis en dehors de l’EEE, ce qui n’est pas susceptible de changer à l’avenir, ainsi que cela ressort des
considérants 974 et 981 de la décision litigieuse, lesquels n’ont pas été contestés par thyssenkrupp. En particulier, le Tribunal a considéré que le fait qu’un client automobile spécifique soit fourni par les importations ne signifiait pas qu’il en allait de même pour tous les clients.

314    En outre, aux points 547 à 549 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le reproche adressé à la Commission par thyssenkrupp selon lequel cette institution, sans demander à Posco, à Hyundai Steel et à Baosteel si les clients établis dans l’EEE étaient leur cible stratégique, aurait, au considérant 1001 de la décision litigieuse, déduit de la stratégie actuelle de TSE le constat que ces clients établis dans l’EEE ne constituaient pas une telle cible pour ces sociétés.

315    À cet égard, premièrement, le Tribunal a considéré que lesdites sociétés ne concentraient pas leurs stratégies sur les clients dans l’EEE, car l’acheminement des produits à l’échelle mondiale était difficile et onéreux. Deuxièmement, le Tribunal a constaté que la Commission s’était fondée sur le tableau n^o 8 de la décision litigieuse, élaboré à partir des données fournies par les parties à la concentration projetée, pour affirmer que les volumes limités des importations dans l’EEE
indiquaient que ces importations constituaient une contrainte limitée sur les fournisseurs établis dans l’EEE. Troisièmement, le Tribunal a estimé que l’enquête de marché de la Commission avait montré que les clients exprimaient eux-mêmes une nette préférence pour l’approvisionnement au sein de l’EEE. Ainsi, le Tribunal a considéré que, à supposer même que la Commission n’ait pas déduit de la stratégie actuelle de TSE que les clients de cette société ne constituaient pas une cible stratégique pour
Posco, Hyundai Steel et Baosteel, cette institution serait nécessairement parvenue au même constat, à savoir que lesdits clients ne constituaient pas une cible stratégique pour ces sociétés.

316    Enfin, au point 550 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que Posco revêt une importance minime en tant que concurrent de thyssenkrupp et TSE sur le marché de l’Auto HDG de l’EEE. Ce constat n’est pas attaqué par thyssenkrupp devant la Cour.

317    Ainsi, le Tribunal a constaté au point 551 de l’arrêt attaqué que, eu égard à l’ensemble des motifs figurant aux points 540 à 550 de cet arrêt, thyssenkrupp ne saurait valablement reprocher à la Commission d’avoir commis, aux considérants 967 à 1033 de la décision litigieuse, des erreurs manifestes d’appréciation entachant la conclusion selon laquelle les importations constituaient une contrainte concurrentielle limitée sur les fournisseurs de l’EEE dans le secteur de l’Auto HDG à l’intérieur
de l’EEE.

318    Dans ce contexte, il convient, en premier lieu, d’examiner le troisième argument formulé dans le cadre du premier grief de thyssenkrupp, selon lequel, au point 545 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait à tort exigé de cette société qu’elle démontre que tous les clients pouvaient être approvisionnés dans une large mesure par des importateurs.

319    Il y a lieu de constater, à cet égard, que cette affirmation résulte d’une lecture erronée de ce point 545.

320    Certes, audit point 545, le Tribunal a considéré que « le fait qu’un client automobile spécifique soit fourni par les importations ne signifie pas que cela vaut pour tous les clients ». Toutefois, une telle considération n’implique pas que le Tribunal ait exigé de thyssenkrupp qu’elle démontre que tous les clients pouvaient être approvisionnés dans une large mesure par des importateurs. En effet, le Tribunal a précisé que, « [e]n tout état de cause, un seul exemple, voire quelques rares
exemples ne sauraient à eux seuls infirmer le fait que la grande majorité des clients du secteur automobile ne s’approvisionnent pas ou le font de manière négligeable auprès de fournisseurs établis en dehors de l’EEE ». Il convient donc de considérer que le Tribunal a simplement précisé qu’une conclusion générale ne pouvait être tirée d’exemples isolés.

321    En deuxième lieu, il convient d’examiner le quatrième argument formulé dans le cadre du premier grief de thyssenkrupp selon lequel, au point 545 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait ignoré les éléments de preuve pertinents, lorsqu’il a considéré que les raisons visant à justifier le fait que FCA s’approvisionnait en recourant aux importations n’étaient pas transposables aux autres clients.

322    À cet égard, dès lors que thyssenkrupp ne conteste pas, sur le fond, l’appréciation du Tribunal figurant au point 545 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « un seul exemple, voire quelques rares exemples ne sauraient à eux seuls infirmer le fait que la grande majorité des clients du secteur automobile ne s’approvisionnent pas ou le font de manière négligeable auprès de fournisseurs établis en dehors de l’EEE », il convient de rejeter toute l’argumentation de thyssenkrupp concernant FCA comme
étant inopérante.

323    En troisième lieu, il convient d’examiner le deuxième argument formulé dans le cadre du premier grief de thyssenkrupp, selon lequel il existerait une contradiction au point 545 de l’arrêt attaqué, dès lors que le Tribunal aurait considéré, d’une part, que Posco, Hyundai Steel et Baosteel parvenaient à fournir une proportion significative des besoins de certains clients et, d’autre part, que « les clients exprimaient eux‑mêmes une nette préférence pour l’approvisionnement au sein de l’EEE ».

324    Or, cet argument repose également sur une lecture erronée du point 545 de l’arrêt attaqué. En effet, à ce point 545, le Tribunal n’a aucunement considéré que Posco, Hyundai Steel et Baosteel parvenaient à fournir une proportion significative des besoins de certains ou de tous les clients établis dans l’EEE. Tout au contraire, ainsi que cela a été rappelé au point 313 du présent arrêt, le Tribunal a constaté, en substance, que le rare exemple de FCA évoqué par thyssenkrupp ne saurait à lui
seul infirmer le fait que la grande majorité des clients du secteur automobile établis dans l’EEE ne s’approvisionnaient pas ou le faisaient de manière négligeable auprès de fournisseurs établis en dehors de l’EEE. En particulier, le Tribunal a considéré que le fait qu’un client automobile spécifique soit fourni par les importations ne signifiait pas que cela vaut pour tous les clients. Cette considération est cohérente avec le constat selon lequel ces clients ne constituaient pas une cible
stratégique pour les fournisseurs établis en dehors de l’EEE.

325    En quatrième et dernier lieu, il convient d’aborder le premier argument formulé dans le cadre du premier grief de thyssenkrupp, par lequel cette société estime que, sans demander directement à Posco, à Hyundai Steel et à Baosteel quelle était leur cible stratégique, le Tribunal n’a pas pu considérer, sur le fondement des informations dont il disposait, que les clients de l’EEE ne constituaient pas une cible stratégique pour ces fournisseurs asiatiques.

326    Cet argument doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, la question de savoir si les clients établis dans l’EEE constituaient une cible stratégique pour Posco, Hyundai Steel et Baosteel est dénuée de pertinence dès lors que, d’une part, ainsi qu’il ressort des points 541 à 544 de l’arrêt attaqué, l’enquête de marché menée par la Commission a révélé que les futurs flux d’importations possibles d’Auto HDG vers l’EEE étaient minimes et que les importations constituaient une contrainte
limitée en raison des facteurs de nature structurelle et réglementaires, tels que les délais d’exécution plus longs, le manque de réactivité des importateurs, le risque d’endommagement pendant le transport, le manque de capacités techniques des fournisseurs établis en dehors de l’EEE, le manque de présence commerciale dans l’EEE ainsi que les mesures de défense commerciale récemment imposées sur les importations de produits d’Auto HDG.

327    D’autre part, ainsi qu’il ressort des points 545 et 546 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la grande majorité des clients du secteur automobile ne s’approvisionnaient pas ou le faisaient de manière négligeable auprès de fournisseurs établis en dehors de l’EEE, ce qui n’était pas susceptible de changer à l’avenir, ainsi que cela ressort des considérants 974 et 981 de la décision litigieuse, lesquels n’ont pas été contestés par thyssenkrupp.

328    Ainsi, à supposer même que la Commission ait erronément déduit de la stratégie actuelle de TSE le constat que ces clients ne constituaient pas une telle cible pour ces fournisseurs, une telle erreur éventuelle ne saurait affecter l’appréciation du Tribunal, figurant au point 551 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, eu égard à l’ensemble des considérations figurant aux points 540 à 550 de cet arrêt, thyssenkrupp ne saurait valablement reprocher à la Commission d’avoir commis, aux
considérants 967 à 1033 de la décision litigieuse, des erreurs manifestes d’appréciation entachant la conclusion selon laquelle les importations constituaient une contrainte concurrentielle limitée sur les fournisseurs établis dans l’EEE dans le secteur de l’Auto HDG à l’intérieur de l’EEE.

329    Dès lors, le premier grief doit être rejeté comme étant non fondé.

330    S’agissant du premier des trois arguments soulevé dans le cadre du second grief, visé au point 305 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que cet argument repose sur une lecture erronée du point 645 de l’arrêt attaqué. À ce point 645, le Tribunal a précisé « qu’il ressort de l’enquête de marché menée par la Commission et, en particulier, des réponses au questionnaire 13 (annexe A.4h) que la Commission n’a[vait] pas, comme le prétend [thyssenkrupp], accordé un poids démesuré à certaines
déclarations de clients. En effet, les conclusions de la Commission, aux considérants 1307 à 1309 de la décision [litigieuse], refl[éflaien]t raisonnablement ces réponses ». Il a ajouté « que si la Commission n’a[vait] pas mentionné, dans la décision [litigieuse], les déclarations de clients ayant confirmé l’usage de stocks en consignation dans l’EEE ou le fait qu’ils toléraient de longs délais, cela ne signifi[ait] pas nécessairement que la Commission les a[vait] ignorées. En l’espèce, la
Commission a[vait] simplement estimé, ainsi que cela résulte notamment du considérant 1311 de ladite décision, que ces déclarations n’étaient pas suffisamment représentatives ou pertinentes parmi l’ensemble des réponses des clients obtenues dans le cadre de son enquête de marché ». Il a enfin souligné « que, à la lecture des réponses audit questionnaire 13, tel [était] en effet le cas ».

331    Il ressort suffisamment clairement de ce point que, lorsque le Tribunal s’est référé à l’enquête de marché menée par la Commission et, en particulier, aux réponses au questionnaire 13, et en a déduit que la Commission n’avait pas accordé un poids démesuré aux déclarations de clients, cette juridiction a procédé à son propre examen des éléments de preuve. La réalité de cet examen est, en outre, étayée, d’une part, par la deuxième phrase du point 645 de l’arrêt attaqué, par laquelle le Tribunal
a estimé que les constats de la Commission « refl[étaie]nt raisonnablement ces réponses » et, d’autre part, par la dernière phrase de ce point dont il ressort, sans aucune ambiguïté, que le Tribunal a effectué sa propre lecture de ces réponses.

332    Dans ces conditions, le premier argument de thyssenkrupp dans le cadre du second grief doit être rejeté comme étant non fondé.

333    En ce qui concerne le deuxième argument soulevé dans le cadre du second grief, visé au point 306 du présent arrêt, il suffit de relever que cet argument résulte d’une lecture erronée du point 646 de l’arrêt attaqué, puisque, ainsi qu’il ressort de ce point, le Tribunal a, en réalité, considéré que ce grief est pratiquement dénué de pertinence pour l’analyse de la Commission portant sur la contrainte concurrentielle sur l’entité issue de la concentration exercée par les importations. Ledit
argument doit donc être rejeté comme étant non fondé.

334    S’agissant du troisième argument soulevé dans le cadre du second grief, visé au point 307 du présent arrêt, il suffit de constater, en ce qui concerne la prétendue dénaturation des éléments de preuve, que, en l’espèce, thyssenkrupp se borne à critiquer de manière générale les appréciations du Tribunal sans pour autant établir que le raisonnement de ce dernier repose sur une dénaturation des éléments de preuve concrètes dont il apparaîtrait de façon manifeste que cette juridiction aurait
manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable. Partant, et dans cette mesure, l’argumentation de thyssenkrupp doit être rejetée comme étant irrecevable, dès lors qu’elle n’est pas conforme aux exigences rappelées au point 102 du présent arrêt.

335    Dans la mesure où thyssenkrupp fait en outre valoir que le raisonnement figurant au point 647 de l’arrêt attaqué est contradictoire, il y a lieu de relever que son argumentation résulte d’une lecture erronée de ce point. En effet, audit point 647, le Tribunal a estimé que les constats de la Commission relatifs à l’importance des délais de livraison en tant que facteur pertinent pour apprécier si les importations exerçaient une pression concurrentielle sur l’entité issue de la concentration
projetée dans le secteur de l’acier à revêtement métallique destiné à l’emballage dans l’EEE étaient dûment et suffisamment étayés, aux considérants 1307 à 1309 et 1311 de la décision litigieuse.

336    Ainsi, cette juridiction a considéré que la question de savoir si la Commission avait commis une erreur d’interprétation des documents internes, reproduits aux images 200 et 201 de la décision litigieuse, qui ne viennent que « corroborer » les constatations de la Commission, ne saurait avoir aucune incidence décisive sur l’analyse de la Commission qui est suffisamment étayée par d’autres éléments de preuve.

337    Dans ces conditions, l’argumentation de thyssenkrupp, tirée d’une motivation contradictoire au point 647 de l’arrêt attaqué, doit être rejetée comme étant non fondée.

338    Enfin, quant à l’argument selon lequel, au point 649 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait contenté de se référer aux réponses à une question d’un questionnaire utilisé par la Commission sans procéder à sa propre analyse, il convient de considérer que cet argument résulte également d’une lecture erronée de ce point 649.

339    En effet, il ressort dudit point 649 que le Tribunal a jugé que l’argumentation de thyssenkrupp selon laquelle moins de la moitié des clients consultés ont déclaré qu’il existait des différences entre les fournisseurs établis au sein de l’EEE et les importateurs situés hors EEE quant à leur capacité à répondre à la demande des clients devait être rejetée. Pour justifier cette appréciation, le Tribunal a considéré que thyssenkrupp a fait une lecture partielle et biaisée des réponses fournies
par les clients à la question en cause. Ainsi qu’il découle de la troisième phrase du point 649 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a nécessairement procédé à son propre examen des réponses à cette question de ce questionnaire, lorsqu’il a constaté que, contrairement à ce qu’affirme thyssenkrupp, il ressort de ces réponses que la majorité des clients ayant répondu à cette question ont mentionné l’existence de telles différences.

340    Dès lors, le second grief de la cinquième branche doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

341    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la cinquième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

 Sur la sixième branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

342    thyssenkrupp fait valoir que, aux points 377 à 384 et 594 à 597 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve dont il disposait et a commis une erreur de droit lors du contrôle juridictionnel du calcul de l’IHH effectué par la Commission, en ce qui concerne les marchés du HDG, de TP et d’ECCS.

343    En l’espèce, selon thyssenkrupp, les IHH calculés par la Commission pour les marchés pertinents respectifs étaient artificiellement augmentés et le Tribunal aurait dû estimer que ces chiffres manifestement erronés ne pouvaient pas être utilisés afin de démontrer l’existence d’une éventuelle entrave significative à une concurrence effective dans ces marchés. En effet, le Tribunal aurait erronément considéré que ces IHH n’auraient eu aucune incidence sur l’appréciation de la Commission et que
l’application des IHH corrects aurait conduit cette institution au même résultat, à savoir à la constatation d’une entrave significative à une concurrence effective.

344    La Commission conteste l’argumentation de thyssenkrupp.

–       Appréciation de la Cour

345    En ce qui concerne, en premier lieu, le marché du HDG, il convient de relever que, aux points 370 à 384 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les reproches de thyssenkrupp concernant le calcul de l’IHH avant et après la mise en œuvre de la concentration projetée.

346    Dans le cadre de son examen, le Tribunal a considéré, en substance, aux points 379 et 381 de cet arrêt, que, même si l’on admettait le calcul proposé par thyssenkrupp, qui suggérait que l’IHH du marché du HDG aurait été de 1 821 avant la concentration projetée et de 2 013 après celle-ci, avec un delta de 192, les niveaux et la croissance de l’IHH pour le marché du HDG dépassaient les seuils fixés aux points 19 à 21 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, au-delà desquels
pourraient se poser des problèmes de concurrence horizontaux sur le marché concerné, comme c’est également le cas dans le calcul de la Commission.

347    Il ressort, en outre, du point 381 dudit arrêt, que le Tribunal a souligné que le delta était identique, aussi bien dans le calcul de la Commission que dans celui de thyssenkrupp, ce qui signifiait qu’il n’y avait pas de différence non plus à cet égard entre les deux calculs de l’IHH.

348    En ce qui concerne, en second lieu, les marchés du TP et de l’ECCS, il ressort des points 594 à 596 de l’arrêt attaqué que si thyssenkrupp avait reproché, en substance, à la Commission d’avoir commis la même erreur de calcul que celle commise pour le marché de l’Auto HDG, le Tribunal a rejeté ce reproche comme étant inopérant pour les mêmes raisons.

349    Dans ces conditions, le Tribunal a pu estimer, sans commettre d’erreur de droit, qu’il y avait lieu de rejeter l’argumentation de thyssenkrupp, tirée d’erreurs dans le calcul de l’IHH comme étant inopérante.

350    En effet, il ressort des points 16 et 21 des lignes directrices sur les concentrations horizontales que le niveau absolu de l’IHH peut donner une première indication des pressions concurrentielles qui s’exerceront sur le marché à l’issue de l’opération de concentration projetée. En outre, le delta est utilisé par la Commission comme un indicateur utile sur la modification du degré de concentration qui résultera directement de cette opération. En tout état de cause, ces valeurs ne donnent pas
lieu à une présomption d’existence ou d’absence de tels problèmes.

351    Or, pour autant que les valeurs de l’IHH et du delta dépassent les seuils énoncés au point 20 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, cette circonstance pourrait être utilisée en tant qu’indicateur des effets anticoncurrentiels potentiels de la concentration concernée.

352    Ainsi, dès lors que thyssenkrupp ne conteste pas le fait que, quelle que soit la méthode de calcul appliquée (y compris la méthode de calcul proposée par thyssenkrupp), les IHH et les delta sont supérieurs aux seuils énoncés au point 20 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, la sixième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant inopérante.

353    S’agissant de l’argument de thyssenkrupp tiré d’une dénaturation de certains éléments de preuve figurant dans le dossier dont disposait le Tribunal, il doit être rejeté comme étant irrecevable dès lors que cette société n’identifie pas de manière précise ces éléments de preuve.

354    Dès lors, la sixième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

355    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le troisième moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

356    Par son premier grief, thyssenkrupp reproche au Tribunal d’avoir dénaturé, aux points 300 à 303 de l’arrêt attaqué, certains éléments de preuve et, en conséquence, de ne pas avoir statué sur son argumentation faisant partie du troisième grief de la deuxième branche du troisième moyen en première instance tirée de ce que la Commission n’avait communiqué aux parties à la concentration projetée sa nouvelle analyse économique, telle que développée au considérant 1095 de la décision litigieuse,
qu’au stade de la décision finale.

357    thyssenkrupp fait valoir, en substance, que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve figurant dans son dossier d’une manière qui est, de toute évidence, en contradiction avec l’interprétation correcte dudit considérant. Cette société fait observer que, aux points 301 et 302 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a fait référence qu’à la lettre des faits et il a affirmé à tort que la Commission n’avait en rien modifié l’analyse économique qu’elle avait exposée audit considérant.

358    Par son second grief, thyssenkrupp fait valoir que, dès lors que le considérant 1095 de la décision litigieuse contient une nouvelle analyse économique de la Commission qui lui a été communiquée pour la première fois avec la décision litigieuse, le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 300 à 303 de l’arrêt attaqué en constatant que la Commission n’avait pas violé les droits de la défense de thyssenkrupp. En particulier, cette société n’aurait pas eu l’occasion, au cours de la
procédure administrative, de faire entendre ses objections au sujet de cette analyse, ce qui constitue, selon thyssenkrupp, une violation de ses droits de la défense découlant de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n^o 139/2004 et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement n^o 802/2004, tel que modifié par le règlement d’exécution n^o 1269/2013.

359    La Commission conteste l’argumentation de thyssenkrupp.

 Appréciation de la Cour

360    S’agissant du premier grief de thyssenkrupp tiré d’une dénaturation de certains éléments de preuve figurant dans le dossier dont disposait le Tribunal, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 102 du présent arrêt, qu’un pourvoi doit indiquer de manière précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ainsi, lorsqu’un requérant allègue une dénaturation des éléments
de preuve par le Tribunal, il doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation.

361    Or, en l’occurrence, thyssenkrupp se contente, en substance, de reprocher au Tribunal d’avoir dénaturé les éléments de preuve figurant dans son dossier et, en conséquence, d’avoir considéré à tort, aux points 300 à 302 de l’arrêt attaqué, que le considérant 1095 de la décision litigieuse ne contenait aucune nouvelle analyse économique de la Commission.

362    Cette société n’identifie toutefois pas les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation du document visé dans le pourvoi, auraient conduit le Tribunal à la dénaturation invoquée. Elle se borne à critiquer de manière générale les constats opérés par cette juridiction sans pour autant établir que le raisonnement de celle-ci repose sur une dénaturation concrète des éléments de preuve ni qu’il apparaît de façon manifeste que cette juridiction a manifestement outrepassé les limites d’une
appréciation raisonnable.

363    Dès lors, le premier grief du quatrième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

364    En ce qui concerne le second grief de thyssenkrupp tiré de ce que les droits de la défense de cette société ont été violés dès lors que celle-ci n’a pas eu l’occasion, au cours de la procédure administrative, de faire entendre ses objections au sujet d’une prétendue nouvelle analyse économique figurant au considérant 1095 de la décision litigieuse, il ressort du point 302 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que ce considérant ne contenait aucune nouvelle analyse économique de la
Commission.

365    En conséquence, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 361 et 362 du présent arrêt, thyssenkrupp n’a pas réussi à démontrer que le Tribunal avait dénaturé les éléments de preuve en parvenant à un tel constat, le second grief du quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

366    Partant, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

367    Par son cinquième moyen, thyssenkrupp fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal n’a pas statué sur le septième moyen soulevé dans la requête en première instance parce qu’il n’a pas correctement compris ce dernier.

368    Par ce septième moyen, thyssenkrupp n’aurait pas seulement fait valoir que la Commission avait commis une erreur de procédure en ne faisant pas usage de ses pouvoirs d’exécution pour recevoir un nombre plus important de réponses aux demandes de renseignements simples envoyées conformément à l’article 11 du règlement n^o 139/2004. En effet, par ce moyen, thyssenkrupp aurait également soutenu, en substance, que la Commission ne devait pas accorder de valeur probante aux réponses aléatoires et
incomplètes qu’elle avait reçues au cours de la procédure administrative, notamment, parce que moins de la moitié des destinataires auxquels la Commission avait jugé nécessaire d’envoyer de simples demandes de renseignements avaient effectivement répondu.

369    Dans la mesure où la Commission aurait considéré qu’elle devait obtenir des informations nécessaires, au sens de l’article 11 du règlement n^o 139/2004, elle ne saurait envoyer de simples demandes de renseignements, sous peine d’illégalité d’une telle approche procédurale. Ainsi, en raison du trop faible nombre de réponses reçues, ces dernières n’auraient pas dû être considérées comme étant susceptibles de représenter l’opinion de tous les acteurs du marché ou, à tout le moins, de tous les
acteurs du marché ayant reçu une demande de renseignements. Dès lors, les réponses reçues par la Commission, en l’espèce, ne pouvaient justifier la décision interdisant la concentration projetée.

370    En second lieu, thyssenkrupp fait valoir que, au point 956 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément considéré qu’il existait un taux de réponse aux demandes de renseignements précis permettant de mesurer de manière fiable la représentativité du marché concerné. En particulier, thyssenkrupp estime qu’il est sans importance que le pourcentage de réponses reçues de la part des concurrents soit supérieur ou inférieur à un « seuil de 50 % » du nombre total des demandes de renseignements
envoyées par la Commission, étant donné qu’un tel seuil n’existe pas et que le nombre de réponses reçues en l’espèce était manifestement trop faible.

371    En outre, thyssenkrupp estime que le Tribunal a commis une erreur en constatant, au point 956 de l’arrêt attaqué, que la fiabilité de l’affirmation de la Commission selon laquelle le seuil de 50 % de réponses a été dépassé ne pouvait pas être contestée.

372    La Commission considère que l’argumentation de thyssenkrupp est irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

 Appréciation de la Cour

373    S’agissant de la recevabilité du cinquième moyen soulevé par thyssenkrupp, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, ce moyen visant à reprocher au Tribunal, d’une part, une absence d’examen du septième moyen de la requête en première instance et, d’autre part, l’imposition d’un seuil permettant de mesurer de manière fiable la représentativité du marché concerné soulève des points de droit et ne saurait être rejeté comme étant irrecevable.

374    Quant au bien-fondé, en premier lieu, de l’argumentation de thyssenkrupp, tirée de ce que le Tribunal n’a pas statué sur le septième moyen de la requête en première instance parce qu’il n’aurait pas correctement compris ce dernier, il y a lieu de considérer que cette argumentation repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

375    À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort de la requête en première instance que le septième moyen invoqué en première instance était intitulé « Erreur de procédure consistant à ne pas exiger de réponses aux demandes de renseignements ». Il visait, par conséquent, une éventuelle erreur procédurale de la Commission.

376    Il découle également du contenu dudit moyen et, en particulier, des points 197 à 199 de la requête en première instance que thyssenkrupp s’est bornée à critiquer le fait que, en l’espèce, la Commission avait adressé aux acteurs du marché en cause de simples demandes de renseignements et n’avait donc pas exigé des destinataires de ces demandes de répondre à celles-ci, alors même qu’elle disposait du pouvoir d’exiger des réponses à ses demandes de renseignements en vertu des articles 11, 14 et
15 du règlement n^o 139/2004. En conséquence, ainsi qu’il ressort du point 198 de cette requête, thyssenkrupp était d’avis que le test de marché effectué par la Commission au moyen des réponses reçues audites demandes était nul en raison d’une erreur procédurale, notamment parce qu’il s’agissait d’une situation dans laquelle « la moitié ou plus des personnes interrogées ne répond[ai]ent pas [aux demandes de renseignements de la Commission] et s’en sort[ai]ent sans aucune mesure coercitive ».

377    Dans ce contexte, force est de constater que le point 947 de l’arrêt attaqué reflète fidèlement l’argumentation de thyssenkrupp figurant aux points 197 à 199 de la requête en première instance.

378    Aux points 950 à 955 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argumentation de thyssenkrupp selon laquelle la Commission n’avait pas conduit ses tests de marché de manière appropriée sur le plan procédural.

379    Tout d’abord, après un rappel, au point 950 de l’arrêt attaqué, de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n^o 139/2004, le Tribunal a procédé, à juste titre, à une distinction entre les demandes de renseignements de la Commission selon qu’elles sont formulées par voie de simples demandes ou par voie de décision. Dans ce contexte, aux points 951 et 952 dudit arrêt, le Tribunal a précisé que, si les destinataires ne fournissent pas les renseignements demandés dans le délai imparti, la
Commission peut, uniquement lorsque les demandes de renseignements ont été formulées par voie de décision, infliger une amende en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous c), du règlement n^o 139/2004 ou une astreinte sur le fondement de l’article 15, paragraphe 1, sous a), de ce dernier.

380    Ensuite, aux points 953 à 955 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, la Commission a indiqué qu’elle avait envoyé de simples demandes de renseignements et qu’elle avait systématiquement envoyé des rappels aux destinataires n’ayant pas répondu dans le délai imparti, ce que thyssenkrupp n’aurait pas contesté. S’agissant du reproche de cette société selon lequel la Commission aurait dû adopter des décisions au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n^o 139/2004,
puis éventuellement lancer les procédures d’imposition d’amendes ou d’astreintes pour chaque cas d’absence de réponse d’un acteur du marché, le Tribunal a considéré que de telles demandes de renseignements étaient incompatibles avec l’impératif de célérité qui caractérise l’économie générale du règlement n^o 139/2004 et qui impose à la Commission de respecter des délais stricts pour l’adoption de la décision finale. Dès lors, compte tenu du large pouvoir d’appréciation qui appartient à la Commission
dans le cadre de l’application des articles 11, 14 et 15 du règlement n^o 139/2004, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir, outre les rappels envoyés aux destinataires n’ayant pas répondu dans le délai imparti, exigé de tous ou, du moins, d’un nombre suffisant d’entre eux d’obtenir une réponse à ses demandes de renseignements en vertu desdits articles.

381    Enfin, en ce qui concerne l’argumentation de thyssenkrupp, figurant au point 198 de la requête en première instance, selon laquelle « [s]i jusqu’à la moitié ou plus des personnes interrogées ne répondent pas et s’en sortent sans aucune mesure coercitive, le résultat de la consultation des acteurs du marché est déjà entaché de nullité du point de vue du processus », le Tribunal a considéré, au point 956 de l’arrêt attaqué, que, en l’espèce, la Commission avait affirmé que le taux moyen de
réponse aux questionnaires pertinents envoyés aux acteurs des marchés pertinents était supérieur à 50 % et que ce taux ne pouvait être considéré comme étant insuffisamment représentatif. Par ailleurs, le Tribunal a constaté que thyssenkrupp n’avait pas réussi à démontrer le contraire.

382    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir correctement compris le septième moyen de la requête en première instance ni de ne pas avoir statué sur ce dernier.

383    S’agissant, en second lieu, de l’argumentation de thyssenkrupp tirée de ce que le Tribunal a erronément considéré, au point 956 de l’arrêt attaqué, qu’il existait un taux de réponse aux demandes de renseignements précis permettant de mesurer de manière fiable la représentativité du marché concerné, il convient de relever que cet argument repose également sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

384    Certes, le Tribunal a fait référence à un « seuil de 50 % » lorsqu’il a constaté que, en l’espèce, le taux moyen de réponse aux questionnaires dépassait ce pourcentage.

385    Toutefois, le Tribunal s’est référé audit seuil afin de répondre à l’argument précis de thyssenkrupp selon lequel la Commission n’aurait pas dû prendre en compte les réponses aux demandes de renseignements qu’elle avait reçues au cours de la procédure administrative, dès lors que 50 %, voire plus, des entreprises consultées n’avaient pas répondu à ces demandes.

386    En effet, il ressort notamment du point 197 de la requête en première instance et du point 65 du mémoire en défense de thyssenkrupp en première instance que c’était la partie requérante, à savoir cette société, qui avait invoqué ce pourcentage devant le Tribunal.

387    Cette circonstance est confirmée au point 947 de l’arrêt attaqué par lequel le Tribunal a résumé les arguments principaux de thyssenkrupp. Il ressort de ce point que cette société a considéré que, « en l’absence de contrainte exercée par la Commission [...] pour obtenir les réponses manquantes des acteurs consultés et compte tenu du taux moyen de réponse inférieur à 50 %, comme cela ressortirait du dossier, aucune conclusion ne p[ouvai]t être tirée, dans la décision litigieuse, des réponses
reçues quant à la question de savoir si une majorité de clients ou de concurrents partag[eai]ent ou non un certain point de vue ».

388    Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que, au point 956 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a fait référence à ce pourcentage qu’afin de répondre à l’argumentation de thyssenkrupp.

389    Il ne saurait donc être reproché au Tribunal d’avoir déduit une règle selon laquelle, pour que des réponses aux simples demandes de renseignements adressées aux acteurs du marché en cause puissent être prises en compte par la Commission dans le cadre de l’analyse par cette institution d’une opération de concentration, il est nécessaire que, à tout le moins, 50 % des destinataires de ces demandes aient répondu.

390    Enfin, s’agissant de l’argument de thyssenkrupp selon lequel le Tribunal a constaté de manière erronée, au point 956 de l’arrêt attaqué, que la fiabilité de l’affirmation de la Commission selon laquelle le seuil de 50 % de réponses avait été dépassé en l’espèce ne pouvait pas être contestée, il suffit de relever que, si thyssenkrupp conteste ce prétendu constat, cette société ne conteste cependant pas que le taux moyen de réponse aux questionnaires pertinents envoyés aux acteurs sur les
marchés pour lesquels la Commission avait constaté une entrave significative à la concurrence effective, à savoir les marchés de l’Auto HDG et de l’acier destiné à l’emballage (TP, ECCS et acier laminé), était effectivement supérieur au seuil de 50 %, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 956 de l’arrêt attaqué. Dans ces circonstances, l’argumentation de thyssenkrupp visant ce prétendu constat est inopérante.

391    Dans ces conditions, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

392    Aucun des moyens soulevés par thyssenkrupp à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter ce dernier dans son intégralité.

 Sur les dépens

393    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

394    En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens afférents au présent pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      thyssenkrupp AG est condamnée aux dépens.

Signatures

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*      Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-581/22
Date de la décision : 04/10/2024

Analyses

Pourvoi – Concurrence – Règlement (CE) no 139/2004 – Concentration d’entreprises – Décision déclarant la concentration incompatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l’accord EEE – Détermination des marchés pertinents – Entrave significative à une concurrence effective – Création ou renforcement d’une position dominante – Effets non coordonnés – Niveau de preuve – Notions d’“important moteur de la concurrence” et de “concurrents proches” – Proximité de concurrence entre les parties à la concentration – Indice de Herfindahl-Hirschmann – Demandes de renseignements – Dénaturation.


Parties
Demandeurs : thyssenkrupp AG
Défendeurs : Commission européenne.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:821

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