ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
4 octobre 2024 (*)
Table des matières
I. Le cadre juridique
A. La directive 2014/59/UE
B. Le règlement MRU
C. Le projet de normes techniques de réglementation
II. Les antécédents du litige
A. La situation économique de Banco Popular au cours des années 2016 et 2017
B. Le déroulement de la procédure de résolution
C. Le dispositif de résolution litigieux
D. Les faits postérieurs à l’adoption du dispositif de résolution litigieux
III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
A. La procédure devant le Tribunal
B. L’arrêt attaqué
IV. Les conclusions des parties au pourvoi
V. Sur le pourvoi
A. Considérations liminaires
B. Sur la cinquième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 90 du règlement MRU, ainsi que des articles 17, 41 et 52 de la Charte, lus en combinaison avec l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH, et sur la sixième branche de ce moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE
1. Sur la cinquième branche du deuxième moyen
a) Argumentation des parties
b) Appréciation de la Cour
2. Sur la sixième branche du deuxième moyen
a) Argumentation des parties
b) Appréciation de la Cour
1) Sur la recevabilité
2) Sur le fond
i) Sur la motivation du dispositif de résolution litigieux
ii) Sur la motivation de la décision 2017/1246
C. Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement MRU
1. Argumentation des parties
2. Appréciation de la Cour
a) Sur la recevabilité
b) Sur le fond
D. Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement MRU
1. Argumentation des parties
2. Appréciation de la Cour
E. Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement MRU
1. Argumentation des parties
2. Appréciation de la Cour
F. Sur les première à quatrième branches du deuxième moyen, tirées d’une méconnaissance de l’article 20 du règlement MRU
1. Sur la première branche du deuxième moyen
a) Argumentation des parties
b) Appréciation de la Cour
1) Sur le premier grief
2) Sur le deuxième grief
3) Sur le troisième grief
4) Sur le quatrième grief
5) Sur le cinquième grief
2. Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement MRU
a) Argumentation des parties
b) Appréciation de la Cour
1) Sur la recevabilité
2) Sur le fond
3. Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une méconnaissance de l’article 20, paragraphes 7 et 9, du règlement MRU
a) Argumentation des parties
b) Appréciation de la Cour
4. Sur la quatrième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 20, paragraphes 10 et 11, du règlement MRU
a) Argumentation des parties
b) Appréciation de la Cour
G. Sur le troisième moyen, relatif à la demande indemnitaire liée à l’annulation du dispositif de résolution litigieux et de la décision 2017/1246
H. Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’obligation de confidentialité
1. Argumentation des parties
2. Appréciation de la Cour
a) Sur les premier à troisième griefs, tirés d’une méconnaissance de l’obligation de confidentialité
b) Sur le quatrième grief, tiré d’une prétendue fuite d’informations internes
c) Sur les cinquième à huitième griefs de la première branche du quatrième moyen
I. Sur la deuxième branche du quatrième moyen, relative à l’existence d’un lien de causalité
J. Sur la troisième branche du quatrième moyen, relative à une demande indemnitaire
Sur les dépens
« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Union bancaire – Règlement (UE) no 806/2014 – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement – Procédure de résolution applicable en cas de défaillance avérée ou prévisible d’une entité – Adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA – Article 14 – Objectifs de la résolution – Article 18, paragraphe 1 – Conditions auxquelles est soumise l’adoption d’un dispositif
de résolution – Obligations du Conseil de résolution unique (CRU) et de la Commission européenne Article 20 – Valorisations aux fins de la résolution – Exigences – Articles 88 à 91 – Obligation de confidentialité – Droit d’accès au dossier – Déclarations à la presse »
Dans l’affaire C‑541/22 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 août 2022,
Araceli García Fernández, demeurant à Villanueva de la Cañada (Espagne),
Faustino González Parra, demeurant à Palma de Majorque (Espagne),
Fernando Luis Treviño de Las Cuevas, demeurant à Séville (Espagne),
Juan Antonio Galán Alcázar, demeurant à Consuegra (Espagne),
Lucía Palazuelo Vallejo-Nágera, demeurant à Madrid (Espagne),
Macon SA, établie à Barcelone (Espagne),
Marta Espejel García, demeurant à Villanueva de la Cañada,
Memphis Investments Ltd, établie à Road Town (Îles Vierges britanniques),
Pedro Alcántara de la Herrán Matorras, demeurant à Madrid,
Pedro José de Jesús Benito Trebbau López, demeurant à Madrid,
Pedro Regalado Cuadrado Martínez, demeurant à Salas de los Infantes (Espagne),
María Rosario Mari Juan Domingo, demeurant à Salas de los Infantes,
représentés par M^es S. Cajal Martín, B. M. Cremades Román, J. M. López Useros et P. Marrodán Lázaro, abogados,
parties requérantes,
Les autres parties à la procédure étant :
Eleveté Invest Group SL, établie à Madrid,
Antonio Bail Cajal, demeurant à Sant Cugat del Vallés (Espagne),
Carlos Sobrini Marín, demeurant à Madrid,
Edificios 1326 de l’Hospitalet SL, établie à Hospitalet de Llobregat (Espagne),
Juan José Homs Tapias, demeurant à Manresa (Espagne),
Anna María Torras Giro, demeurant à Manresa,
Marbore 2000 SL, établie à Hospitalet de Llobregat,
Tristán González del Valle, demeurant à Madrid,
parties demanderesses en première instance,
Commission européenne, représentée par M. L. Flynn, M^me P. Němečková, M. A. Nijenhuis, M^me A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents, assistés de M^es A. Manzaneque Valverde et J. Rivas Andrés, abogados,
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par M^mes H. Ehlers, M. S. Fernández Rupérez, A. R. Lapresta Bienz et M. J. M Rius Riu, en qualité d’agents, assistés de M^es F. B. Fernández de Trocóniz Robles, abogado, M^es B. Meyring et S. Schelo, Rechtsanwälte,
parties défenderesses en première instance,
Royaume d’Espagne, représenté par M. L. Aguilera Ruiz et M^me M. J. Ruiz Sánchez en qualité d’agents,
Banco Santander SA, établie à Santander (Espagne), représentée par M^es J. Remón Peñalver, J. M. Rodríguez Cárcamo, A. M. Rodríguez Conde et D. Sarmiento Ramírez-Escudero, abogados,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur), P. G. Xuereb, A. Kumin et M^me I. Ziemele, juges,
avocat général : M^me T. Ćapeta,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 14 mars 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, M^me Araceli García Fernández, MM. Faustino González Parra, Fernando Luis Treviño de Las Cuevas, Juan Antonio Galán Alcázar, M^me Lucía Palazuelo Vallejo-Nágera, Macon SA, M^me Marta Espejel García, Memphis Investments Ltd, MM. Pedro Alcántara de la Herrán Matorras, Pedro José de Jesús Benito Trebbau López, Pedro Regalado Cuadrado Martínez et M^me María Rosario Mari Juan Domingo demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1^er juin 2022, Eleveté
Invest Group e.a./Commission et CRU (T‑523/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:313), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, premièrement, à l’annulation de la décision SRB/EES/2017/08 de la session exécutive du Conseil de résolution unique (CRU), du 7 juin 2017, concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA (ci-après le « dispositif de résolution litigieux ») et de la décision (UE) 2017/1246 de la Commission, du 7 juin 2017, approuvant
le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA (JO 2017, L 178, p.15, et rectificatif JO 2017, L 320, p. 31), deuxièmement, à obtenir réparation du préjudice qu’ils auraient subi à la suite de ces décisions et, troisièmement, à faire constater la nullité de la valorisation provisoire et à obtenir une compensation.
I. Le cadre juridique
A. La directive 2014/59/UE
2 L’article 36 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n^o 1093/2010
et (UE) n^o 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), intitulé « Valorisation aux fins de la résolution », prévoit, à ses paragraphes 14 à 16, que l’Autorité bancaire européenne (ABE) élabore des projets de normes techniques de réglementation en vue de préciser les critères et conditions dans lesquels doit être effectuée la valorisation de l’établissement ou de l’entité susceptible d’être soumis à une mesure de résolution. Cette disposition précise qu’il appartient à l’ABE de soumettre ces projets de
normes techniques à la Commission européenne, laquelle a le pouvoir de les adopter, conformément aux articles 10 à 14 du règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 12).
3 Les articles 38 et 39 de cette directive régissent l’application de l’instrument de cession des activités par les autorités de résolution nationales. L’article 39 de ladite directive, intitulé « Instrument de cession des activités : exigences de procédure », prévoit :
« 1. Sous réserve du paragraphe 3 du présent article, l’autorité de résolution, lorsqu’elle applique l’instrument de cession des activités à un établissement ou à une entité visé à l’article 1^er, paragraphe 1, point b), c) ou d), vend, ou prend les dispositions en vue de vendre les actifs, droits ou engagements, les actions ou autres titres de propriété de cet établissement qu’elle entend transférer. Des groupes de droits et d’éléments d’actif et de passif peuvent être vendus séparément.
2. Sans préjudice du cadre des aides d’État de l’Union [européenne], le cas échéant, la vente visée au paragraphe 1 est effectuée selon les critères suivants :
a) elle est aussi transparente que possible et ne donne pas une image matérielle erronée des actifs, droits, engagements ou d’autres titres de propriété de cet établissement que l’autorité entend transférer, eu égard aux circonstances et notamment à la nécessité de maintenir la stabilité financière ;
b) elle ne favorise pas indûment les acquéreurs potentiels ni n’opère de discrimination ;
c) elle n’est entachée d’aucun conflit d’intérêt ;
d) elle ne confère d’avantage indu à aucun acquéreur potentiel ;
e) elle tient compte de la nécessité de mener une action de résolution rapide ;
f) elle vise à maximiser, dans la mesure du possible, le prix de vente des actions ou autres titres de propriété, actifs, droits ou engagements concernés.
Sous réserve du point b) du présent paragraphe, les principes visés au présent paragraphe n’empêchent pas l’autorité de résolution de solliciter certains acquéreurs potentiels en particulier.
[...]
3. L’autorité de résolution peut appliquer l’instrument de cession des activités sans respecter les exigences concernant la vente définies au paragraphe 1 lorsqu’elle établit que le fait de s’y conformer serait de nature à compromettre la réalisation d’un ou de plusieurs des objectifs de la résolution, et en particulier si les conditions suivantes sont remplies :
a) elle considère que la défaillance ou la défaillance potentielle de l’établissement soumis à la procédure de résolution fait peser une menace importante sur la stabilité financière ou bien aggrave une telle menace ; et
b) elle considère que le respect des exigences en question nuirait probablement à l’efficacité de l’instrument de cession des activités en limitant sa capacité de parer à la menace ou d’atteindre les objectifs de la résolution visés à l’article 31, paragraphe 2, point b).
[...] »
B. Le règlement MRU
4 Les considérants 7, 13 à 15, 24, 26, 52, 53, 58, 89 et 116 du règlement (UE) n^o 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n^o 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1, ci-après le « règlement MRU »), sont
libellés comme suit :
« (7) Première étape vers la création d’une union bancaire, le mécanisme de surveillance unique [(MSU)] établi par le [règlement (UE) n^o 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63)] doit garantir que la politique de l’Union en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit est mise en œuvre de
manière cohérente et efficace, que le règlement uniforme pour les services financiers s’applique de la même manière aux établissements de crédit des États membres de la zone euro et des États membres qui ne font pas partie de la zone euro et qui choisissent de participer au MSU [...] et que ces établissements de crédit sont soumis à une surveillance de la plus haute qualité.
[...]
(13) Pour restaurer la confiance dans le secteur bancaire et sa crédibilité, la Banque centrale européenne (BCE) procède actuellement à une évaluation complète du bilan de chaque banque faisant l’objet d’une surveillance directe. Cette évaluation devrait garantir à l’ensemble des parties prenantes que les banques couvertes par le MSU et, partant, relevant du [mécanisme de résolution unique (MRU)], sont foncièrement saines et dignes de confiance.
(14) Depuis l’instauration du MSU par le [règlement n^o 1024/2013], qui prévoit que les banques des États membres participants sont surveillées soit de manière centralisée par la BCE, soit par les autorités compétentes nationales dans le cadre du MSU, il existe un décalage entre la surveillance au niveau de l’Union de ces banques et le traitement national qui leur est réservé dans le cadre des procédures de résolution telles que régies par la [directive 2014/59], décalage auquel remédiera la
création MRU.
(15) Le présent règlement s’applique uniquement aux banques dont l’autorité de surveillance du pays d’origine est la BCE ou l’autorité compétente nationale dans les États membres dont la monnaie est l’euro ou dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro qui ont instauré une coopération rapprochée conformément à l’article 7 du [règlement n^o 1024/2013]. Le champ d’application du présent règlement est lié au champ d’application du [règlement n^o 1024/2013]. De fait, compte tenu du lien
étroit entre les tâches de surveillance attribuées au MSU et la mesure de résolution, la mise en place d’un système centralisé de surveillance appliqué en vertu de l’article 127, paragraphe 6, [TFUE], revêt une importance capitale dans le processus d’harmonisation en matière de résolution pour les États membres participants. Le fait d’être soumis à une surveillance par le MSU constitue une caractéristique spécifique qui place les entités relevant du champ d’application du [règlement n^o 1024/2013]
dans une situation différente de manière objective et caractérisée aux fins de la résolution. Il est nécessaire, pour permettre un fonctionnement optimal et stable du marché intérieur, d’adopter des mesures instituant un MRU pour tous les États membres qui participent au MSU.
[...]
(24) Étant donné que seules les institutions de l’Union peuvent définir la politique de l’Union en matière de résolution et qu’il existe une marge d’appréciation dans l’adoption de chaque dispositif de résolution spécifique, il est nécessaire de prévoir la participation appropriée du Conseil [européenne] et de la Commission, en tant qu’institutions qui peuvent exercer des pouvoirs d’exécution conformément à l’article 291 [TFUE]. La Commission devrait procéder à l’évaluation des aspects
discrétionnaires des décisions de résolution prises par le CRU. Compte tenu des répercussions considérables des décisions de résolution sur la stabilité financière des États membres et sur l’Union proprement dite, ainsi que sur la souveraineté budgétaire des États membres, il est important que le pouvoir d’exécution permettant de prendre certaines décisions en matière de résolution soit conféré au Conseil. Il appartiendrait alors au Conseil, sur proposition de la Commission, d’assurer le contrôle
effectif de l’appréciation, par le CRU, de l’existence d’un intérêt public et d’évaluer toute modification importante du montant du [Fonds de résolution unique (ci-après le “Fonds”)] à utiliser pour une mesure de résolution donnée. De plus, la Commission devrait être habilitée à adopter des actes délégués pour préciser davantage les critères ou conditions à prendre en compte par le CRU dans l’exercice de ses différents pouvoirs. Cette attribution de tâches en matière de résolution ne devrait en
aucun cas entraver le fonctionnement du marché intérieur des services financiers. Il importe donc de maintenir l’ABE dans son rôle et de lui conserver ses pouvoirs et tâches existants : elle devrait élaborer la législation de l’Union applicable à tous les États membres, contribuer à son application cohérente et favoriser la convergence des pratiques en matière de résolution dans l’ensemble de l’Union.
[...]
(26) La BCE, en tant qu’autorité de surveillance au sein du MSU, et le CRU devraient être en mesure d’apprécier si un établissement de crédit est en situation de défaillance avérée ou prévisible, et s’il n’existe aucune perspective raisonnable qu’une autre mesure, de nature privée ou prudentielle, puisse empêcher sa défaillance dans un délai raisonnable. Le CRU, s’il estime réunis tous les critères relatifs au déclenchement de la résolution, devrait adopter le dispositif de résolution. La
procédure relative à l’adoption du dispositif de résolution, qui suppose la participation de la Commission et du Conseil, renforce la nécessaire indépendance opérationnelle du CRU tout en respectant le principe de délégation des pouvoirs aux agences, selon l’interprétation qu’en donne la Cour de justice de l’Union européenne [...]
[...]
(52) Le MRU devrait se fonder sur les cadres établis par le [règlement n^o 1024/2013] et par la [directive 2014/59]. Le CRU devrait, par conséquent, être habilité à intervenir à un stade précoce en cas de détérioration de la situation financière ou de la solvabilité d’une entité. Les informations que le CRU reçoit à un stade précoce des autorités de résolution nationales ou de la BCE sont essentielles pour lui permettre de déterminer les mesures à prendre pour préparer la résolution de l’entité
concernée.
(53) Afin de garantir l’engagement rapide d’une mesure de résolution lorsque celle-ci devient nécessaire, le CRU devrait suivre de près, en coopération avec la BCE ou l’autorité compétente nationale concernée, la situation des entités concernées et le respect par celles-ci de toute mesure d’intervention précoce prise à leur endroit. Pour déterminer si l’intervention du secteur privé est susceptible d’empêcher la défaillance d’une entité dans un délai raisonnable, l’autorité appropriée devrait
tenir compte de l’efficacité des mesures d’intervention précoce mises en œuvre dans les délais prévus par l’autorité compétente.
[...]
(58) La liquidation d’une entité défaillante selon une procédure normale d’insolvabilité pourrait compromettre la stabilité financière, interrompre la fourniture de services essentiels et menacer la protection des déposants. Dans ce cas, il est de l’intérêt public d’appliquer des instruments de résolution. Les objectifs de la résolution devraient donc être d’assurer la continuité des services financiers essentiels, de maintenir la stabilité du système financier, de réduire l’aléa moral en
limitant autant que possible le recours des entités défaillantes à un soutien financier public et de protéger les déposants.
[...]
(89) Afin d’optimiser l’efficacité du MRU, le CRU devrait coopérer étroitement avec l’ABE en toutes circonstances. [...] Le CRU devrait, en outre, coopérer étroitement avec la BCE et les autres autorités chargées de la surveillance des entités dans le cadre du MSU, notamment dans le cas des groupes soumis à une surveillance sur base consolidée exercée par la BCE. Aux fins d’une gestion efficace de la résolution des banques défaillantes, il convient aussi qu’il coopère avec les autorités de
résolution nationales à toutes les étapes de la procédure de résolution. Cette coopération est ainsi nécessaire, non seulement à la mise en œuvre des décisions de résolution arrêtées par le CRU, mais aussi avant l’adoption de toute décision de résolution, au stade de la planification de la résolution ou durant la phase d’intervention précoce. Le CRU devrait pouvoir coopérer avec les autorités de résolution concernées et les mécanismes de financement de l’aide financière publique directe ou
indirecte.
[...]
(116) Les mesures de résolution devraient être notifiées en bonne et due forme et rendues publiques, sous réserve des exceptions limitées prévues par le présent règlement. Toutefois, dans la mesure où les informations obtenues par le CRU, les autorités de résolution nationales et leurs conseillers professionnels durant la procédure de résolution peuvent être sensibles tant que la décision de résolution n’a pas été rendue publique, elles devraient faire l’objet des exigences de secret
professionnel. Il convient de tenir compte du fait que les informations relatives au contenu et aux détails des plans de résolution et les résultats de l’examen de ces plans peuvent avoir de lourdes conséquences, en particulier pour les entreprises concernées. Il faut partir du principe que la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont réunies, sur le recours à un instrument
spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action. Or, le simple fait d’indiquer que le CRU et les autorités de résolution nationales examinent une entité particulière pourrait avoir une incidence négative sur cette entité. Il est donc indispensable de veiller à l’existence de mécanismes appropriés permettant de préserver la confidentialité de ces informations, comme le contenu et les
détails des plans de résolution ou les résultats de tout examen réalisé dans ce cadre. »
5 Conformément à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement MRU, le CRU, au même titre que le Conseil et la Commission, est soumis, d’une part, aux normes techniques de réglementation et d’exécution contraignantes élaborées par l’ABE et adoptées par la Commission conformément au règlement n° 1093/2010 ainsi que, d’autre part, aux orientations et aux recommandations émises par l’ABE en vertu de ce dernier règlement.
6 L’article 14 de ce règlement, intitulé « Objectifs de la résolution », dispose :
« 1. Lorsqu’ils agissent en vertu de la procédure de résolution visée à l’article 18, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales, dans le cadre de leurs compétences respectives, tiennent compte des objectifs de la résolution et choisissent les instruments de résolution et les pouvoirs de résolution qui, selon eux, sont les mieux à même de réaliser les objectifs de la résolution pertinents dans les circonstances de l’espèce.
2. Les objectifs de la résolution visés au paragraphe 1 sont les suivants :
a) assurer la continuité des fonctions critiques ;
b) éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché ;
c) protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ;
d) protéger les déposants couverts par la [directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149)] ainsi que les investisseurs couverts par la [directive 97/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 mars 1997, relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs (JO 1997, L 84, p. 22)] ;
e) protéger les fonds et les actifs des clients.
Dans la poursuite des objectifs visés au premier alinéa, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales s’efforcent de limiter au minimum le coût de la résolution et d’éviter la destruction de valeur, à moins que la réalisation desdits objectifs ne l’exige.
3. Sous réserve de diverses dispositions du présent règlement, les objectifs de la résolution sont d’égale importance et dûment équilibrés en fonction de la nature et des circonstances propres à chaque cas. »
7 L’article 15 dudit règlement, intitulé « Principes généraux régissant la résolution », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Lorsqu’ils agissent dans le cadre de la procédure de résolution définie à l’article 18, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales prennent toutes les dispositions appropriées afin que la mesure de résolution soit prise conformément aux principes suivants :
a) les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes ;
[...] »
8 L’article 18 du même règlement, intitulé « Procédure de résolution », dispose :
« 1. Le CRU n’adopte, en vertu du paragraphe 6, un dispositif de résolution à l’égard des entités et des groupes visés à l’article 7, paragraphe 2, et des entités et des groupes visés à l’article 7, paragraphe 4, point b), et paragraphe 5, lorsque les conditions d’application de ces paragraphes sont remplies, que s’il estime en session exécutive, après réception d’une communication en vertu du quatrième alinéa ou de sa propre initiative, que les conditions suivantes sont remplies :
a) la défaillance de l’entité est avérée ou prévisible ;
b) compte tenu des délais requis et d’autres circonstances pertinentes, il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée, y compris des mesures prévues par un système de protection institutionnel, ou des mesures prudentielles, y compris des mesures d’intervention précoce ou la dépréciation ou la conversion d’instruments de fonds propres pertinents conformément à l’article 21, prises à l’égard de l’entité, empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable ;
c) une mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public en vertu du paragraphe 5.
Une évaluation de la condition visée au premier alinéa, point a), est réalisée par la BCE, après consultation du CRU. Le CRU, en session exécutive, ne peut réaliser une telle évaluation qu’après avoir informé la BCE de son intention et que si la BCE ne procède pas à cette évaluation dans les trois jours calendaires à compter de la réception de cette information. La BCE fournit sans retard au CRU toute information utile demandée par le CRU aux fins de son évaluation.
Lorsqu’elle estime que la condition visée au premier alinéa, point a), est remplie pour une entité ou un groupe visés au premier alinéa, la BCE communique sans retard son évaluation à la Commission et au CRU.
L’évaluation de la condition visée au premier alinéa, point b), est réalisée par le CRU, en session exécutive, ou, le cas échéant, par les autorités de résolution nationales, en étroite collaboration avec la BCE. La BCE peut aussi informer le CRU ou les autorités de résolution nationales concernées qu’elle juge remplie la condition fixée audit point.
2. Sans préjudice de l’exercice direct par la BCE de ses missions de surveillance à l’égard d’établissements de crédit en vertu de l’article 6, paragraphe 5, point b), du [règlement n^o 1024/2013], dans le cas de la réception d’une communication effectuée en vertu du paragraphe 1, ou lorsque le CRU a l’intention de réaliser une évaluation de sa propre initiative, en vertu du paragraphe 1, à l’égard d’une entité ou d’un groupe visés à l’article 7, paragraphe 3, le CRU communique sans retard son
évaluation à la BCE.
[...]
4. Aux fins du paragraphe 1, point a), la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible si celle-ci se trouve dans l’une ou plusieurs des situations suivantes :
a) l’entité enfreint les exigences qui conditionnent le maintien de l’agrément, ou des éléments objectifs permettent de conclure qu’elle les enfreindra dans un proche avenir, dans des proportions justifiant un retrait de l’agrément par la BCE, notamment mais pas exclusivement du fait que l’établissement a subi ou est susceptible de subir des pertes qui absorberont la totalité ou une partie substantielle de ses fonds propres ;
b) l’actif de l’entité est inférieur à son passif, ou il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir ;
c) l’entité n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir ;
d) un soutien financier public exceptionnel est requis, à l’exception des cas dans lesquels, afin de remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre et de préserver la stabilité financière, ce soutien prend l’une des formes suivantes [...]
[...]
5. Aux fins du paragraphe 1, point c), du présent article, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14, alors qu’une liquidation de l’entité selon les procédures normales d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure.
6. Si les conditions fixées au paragraphe 1 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution. Le dispositif de résolution :
a) soumet l’entité à une procédure de résolution ;
b) détermine l’application des instruments de résolution à l’établissement soumis à une procédure de résolution visés à l’article 22, paragraphe 2, en particulier les exclusions de l’application du renflouement interne conformément à l’article 27, paragraphes 5 et 14 ;
c) détermine le recours au Fonds à l’appui de la mesure de résolution, conformément à l’article 76 et selon une décision prise par la Commission conformément à l’article 19.
7. Immédiatement après son adoption, le CRU transmet le dispositif de résolution à la Commission.
Dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution dans les cas qui ne sont pas prévus au troisième alinéa du présent paragraphe.
Dans les douze heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission peut proposer au Conseil :
a) d’émettre des objections au dispositif de résolution au motif que le dispositif de résolution adopté par le CRU ne satisfait pas au critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, point c) ;
b) d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du Fonds prévue dans le dispositif de résolution adopté par le CRU.
[...]
8. Si le Conseil s’oppose à ce qu’un établissement soit soumis à une procédure de résolution au motif que le critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, point c), n’est pas rempli, l’entité concernée est liquidée de manière ordonnée conformément au droit national applicable.
9. Le CRU veille à ce que les mesures de résolution nécessaires pour appliquer le dispositif de résolution soient prises par les autorités de résolution nationales concernées. Les autorités de résolution nationales concernées sont destinataires du dispositif de résolution, qui leur donne instruction de prendre toutes les mesures nécessaires pour le mettre en œuvre conformément à l’article 29, en exerçant tout pouvoir de résolution. En présence d’une aide d’État ou d’une aide du Fonds, le CRU
agit dans le respect d’une décision concernant cette aide que prend la Commission.
10. La Commission a le pouvoir d’obtenir du CRU toute information qu’elle juge nécessaire à l’accomplissement de ses tâches en vertu du présent règlement. Le CRU a le pouvoir d’obtenir de toute personne, conformément au chapitre 5 du présent titre, toute information dont il a besoin pour élaborer et arrêter une mesure de résolution, y compris toute mise à jour ou tout complément des informations fournies dans les plans de résolution. »
9 Aux termes de l’article 19 du règlement MRU, intitulé « Aide d’État et aide du Fonds » :
« 1. Lorsqu’une mesure de résolution implique l’octroi d’une aide d’État en vertu de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] ou d’une aide du Fonds conformément au paragraphe 3 du présent article, l’adoption du dispositif de résolution prévu à l’article 18, paragraphe 6, du présent règlement, n’a pas lieu avant que la Commission ait adopté une décision positive ou conditionnelle au sujet de la compatibilité du recours à cette aide avec le marché intérieur.
[...]
3. Dès lors que la mesure de résolution qu’il propose implique de recourir au Fonds, le CRU informe la Commission de la proposition de recours au Fonds. Dans sa notification, le CRU fournit toutes les informations nécessaires pour permettre à la Commission d’effectuer ses évaluations en vertu du présent paragraphe.
[...] »
10 L’article 20 de ce règlement, intitulé « Valorisation aux fins de la résolution », dispose :
« 1. Avant de décider d’une mesure de résolution ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents, le CRU veille à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif d’une entité visée à l’article 2 soit effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée.
2. Sous réserve du paragraphe 15, lorsque toutes les exigences fixées aux paragraphes 1 et 4 à 9 sont satisfaites, la valorisation est considérée comme définitive.
3. Dans le cas où une valorisation indépendante conformément au paragraphe 1 n’est pas possible, le CRU peut procéder à une valorisation provisoire de l’actif et du passif d’une entité visée à l’article 2, conformément au paragraphe 10 du présent article.
4. La valorisation a pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif d’une entité visée à l’article 2 qui remplit les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution figurant aux articles 16 et 18.
5. La valorisation vise les objectifs suivants :
a) fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, ou les conditions applicables à la dépréciation ou à la conversion d’instruments de fonds propres sont réunies ;
b) si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution sont réunies, fournir les éléments permettant de décider des mesures de résolution appropriées qu’il convient de prendre à l’égard d’une entité visée à l’article 2 ;
c) lorsque le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents est exercé, fournir les éléments permettant de prendre la décision sur l’ampleur de l’annulation ou de la dilution de titres de propriété, et sur l’ampleur de la dépréciation ou de la conversion des instruments de fonds propres pertinents ;
d) si l’instrument de renflouement interne est appliqué, fournir les éléments permettant de prendre la décision sur l’ampleur de la dépréciation ou de la conversion des engagements éligibles ;
e) si l’instrument de l’établissement-relais ou de séparation des actifs est appliqué, fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les titres de propriété à transférer, et la décision concernant la valeur de toute contrepartie à payer à l’établissement soumis à une procédure de résolution ou, le cas échéant, aux propriétaires des titres de propriété ;
f) si l’instrument de cession des activités est appliqué, fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les titres de propriété à transférer, et fournir les éléments permettant au CRU de déterminer ce qui constitue des conditions commerciales aux fins de l’article 24, paragraphe 2, point b) ;
g) en tout état de cause, faire en sorte que toute perte subie sur les actifs d’une entité visée à l’article 2 soit pleinement prise en compte au moment où les instruments de résolution sont appliqués ou au moment où le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents est exercé.
6. Sans préjudice du cadre des aides d’État de l’Union, lorsqu’il y a lieu, la valorisation se fonde sur des hypothèses prudentes, y compris concernant les taux de défaut et la sévérité des pertes. La valorisation ne prévoit pas d’emblée un apport futur potentiel de soutien financier public exceptionnel, un apport urgent de liquidités par une banque centrale ou un apport de liquidités par une banque centrale à des conditions non conventionnelles [...]
7. La valorisation est complétée par les informations suivantes figurant dans les livres et registres comptables d'une entité visée à l'article 2:
a) un bilan actualisé et un rapport sur la situation financière d'une entité visée à l'article 2;
b) une analyse et une estimation de la valeur comptable des actifs;
c) la liste des passifs en cours exigibles sur le bilan et hors bilan figurant dans les livres et registres d'une entité visée à l'article 2, avec une indication des créanciers correspondants et de l'ordre de priorité des créances visé à l'article 17.
[...]
9. La valorisation précise la répartition des créanciers en différentes catégories selon l'ordre de priorité des créances visé à l'article 17 et évalue le traitement que chaque catégorie d'actionnaires et de créanciers aurait été susceptible de recevoir si l'entité visée à l'article 2 avait été liquidée selon une procédure normale d'insolvabilité. Cette estimation n'affecte pas l'application du principe visé à l'article 15, paragraphe 1, point g), selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal
traité.
10. Dans le cas où, en raison de l’urgence de la situation, soit il n’est pas possible de respecter les exigences fixées aux paragraphes 7 et 9, soit le paragraphe 3 s’applique, une valorisation provisoire est effectuée. La valorisation provisoire respecte les exigences fixées au paragraphe 4 et, dans la mesure où cela est raisonnablement possible compte tenu des circonstances, les exigences fixées aux paragraphes 1, 7 et 9.
La valorisation provisoire visée au premier alinéa intègre un coussin pour pertes supplémentaires, assorti d’une justification en bonne et due forme.
11. Une valorisation qui ne respecte pas toutes les exigences fixées au paragraphe 1 et 4 à 9 est considérée comme provisoire jusqu’à ce qu’une personne indépendante visée au paragraphe 1 ait effectué une valorisation respectant pleinement lesdites exigences. Cette valorisation définitive ex post est effectuée dans les meilleurs délais. Elle peut être réalisée soit indépendamment de la valorisation visée aux paragraphes 16, 17 et 18, soit en même temps que ladite valorisation et par la même
personne indépendante, mais tout en restant distincte.
La valorisation définitive ex post vise les objectifs suivants :
a) faire en sorte que toute perte subie sur les actifs d’une entité visée à l’article 2 soit pleinement prise en compte dans la comptabilité de l’entité concernée ;
b) fournir les éléments permettant de décider sur la reprise des créances ou l’augmentation de la valeur de la contrepartie versée, conformément au paragraphe 12 du présent article.
12. Au cas où l’estimation de la valeur de l’actif net d’une entité visée à l’article 2 telle qu’elle résulte de la valorisation définitive ex post est supérieure à l’estimation résultant de la valorisation provisoire de l’actif net de ladite entité, le CRU peut exiger que l’autorité de résolution nationale :
a) exerce son pouvoir de relever la valeur des créances des créanciers ou des propriétaires d’instruments de fonds propres pertinents qui ont été dépréciées en application de l’instrument de renflouement interne ;
b) donne instruction à un établissement-relais ou à une structure de gestion des actifs de verser une contrepartie supplémentaire à un établissement soumis à une procédure de résolution en ce qui concerne les actifs, droits ou engagements, ou, s’il y a lieu, aux propriétaires des titres de propriété pour ce qui concerne lesdits titres de propriété.
13. Nonobstant le paragraphe 1, une valorisation provisoire effectuée conformément aux paragraphes 10 et 11 constitue une base valable pour que le CRU décide des mesures de résolution, y compris celle de donner aux autorités de résolution nationales instruction de prendre le contrôle d’un établissement défaillant, ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents.
[...]
15. La valorisation est partie intégrante de la décision d’appliquer un instrument de résolution ou d’exercer un pouvoir de résolution ou de la décision d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres. La valorisation elle-même ne fait pas l’objet d’un droit de recours distinct, mais peut faire l’objet d’un recours visant aussi la décision prise par le CRU.
16. Afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée par une personne indépendante visée au paragraphe 1 aussitôt que la ou les mesures de résolution ont été exécutées. Cette valorisation est distincte de celle effectuée au titre des paragraphes 1 à 15.
[...] »
11 L’article 21 dudit règlement, intitulé « Dépréciation et conversion d’instruments de fonds propres », prévoit :
« 1. Le CRU n’exerce le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents en agissant selon la procédure définie à l’article 18, à l’égard des entités et des groupes visés à l’article 7, paragraphe 2, et des entités et des groupes visés à l’article 7, paragraphe 4, point b), et paragraphe 5, lorsque les conditions d’application de ces paragraphes sont remplies, que s’il estime, en session exécutive, après réception d’une communication conformément au deuxième
alinéa ou de sa propre initiative, qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies :
a) dans le cas où il a été établi que les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution précisées aux articles 16 et 18 ont été remplies, avant de prendre une mesure de résolution ;
b) l’entité ne sera plus viable à moins que les instruments de fonds propres pertinents ne soient dépréciés ou convertis en actions ;
c) dans le cas d’instruments de fonds propres pertinents émis par une filiale et lorsque ces instruments de fonds propres pertinents sont comptabilisés aux fins du respect des exigences de fonds propres sur une base individuelle et sur base consolidée, sauf dépréciation ou conversion de ces instruments, le groupe ne sera plus viable ;
d) dans le cas d’instruments de fonds propres pertinents émis au niveau de l’entreprise mère et lorsque ces instruments de fonds propres pertinents sont comptabilisés aux fins du respect des exigences de fonds propres sur une base individuelle au niveau de l’entreprise mère ou sur base consolidée, sauf dépréciation ou conversion de ces instruments, le groupe ne sera plus viable ;
e) l’entité ou le groupe a besoin d’un soutien financier public exceptionnel, excepté dans l’une des circonstances fixées à l’article 18, paragraphe 4, point d) iii).
L’appréciation des conditions visées au premier alinéa, points a), c) et d), est effectuée par la BCE, après consultation du CRU. Le CRU en session exécutive peut effectuer lui aussi cette appréciation.
2. Le CRU en session exécutive ne peut porter une appréciation sur la viabilité de l’entité ou du groupe qu’après avoir informé la BCE de son intention et que si la BCE ne s’est pas prononcée à ce sujet dans les trois jours calendaires qui suivent la réception de cette information. La BCE fournit, sans retard, au CRU toute information utile demandée par celui-ci aux fins de son appréciation.
3. Aux fins du paragraphe 1 du présent article, une entité visée à l’article 2 ou un groupe est réputé ne plus être viable si, et seulement si, les deux conditions suivantes sont remplies :
a) l’entité ou le groupe est en situation de défaillance avérée ou prévisible ;
b) compte tenu des délais requis et d’autres circonstances pertinentes, il n’existe aucune perspective raisonnable qu’une mesure, y compris d’autres mesures de nature privée ou prudentielle (notamment des mesures d’intervention précoce), autre que la dépréciation ou la conversion des instruments de fonds propres pertinents, indépendamment ou en combinaison avec une mesure de résolution, empêche la défaillance de l’entité ou du groupe dans un délai raisonnable.
4. Aux fins du paragraphe 3, point a), du présent article, la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible si ladite entité se trouve dans l’une ou plusieurs des situations visées à l’article 18, paragraphe 4.
5. Aux fins du paragraphe 3, point a), la défaillance d’un groupe est réputée avérée ou prévisible si ce groupe enfreint les exigences prudentielles consolidées qui lui sont applicables ou si des éléments objectifs permettent de conclure qu’il les enfreindra dans un proche avenir, d’une manière qui justifierait une action de la BCE ou de l’autorité compétente nationale, notamment, mais pas exclusivement, du fait que le groupe a subi ou est susceptible de subir des pertes qui absorberont la
totalité ou une partie substantielle de ses fonds propres.
[...]
9. Si une ou plusieurs des conditions visées au paragraphe 1 sont réunies et si les conditions visées à l’article 18, paragraphe 1, sont également réunies, la procédure fixée à l’article 18, paragraphes 6, 7 et 8, s’applique.
[...] »
12 L’article 22 du même règlement, intitulé « Principes généraux régissant les instruments de résolution », dispose :
« 1. Lorsque le CRU décide d’appliquer un instrument de résolution à une entité ou un groupe visé à l’article 7, paragraphe 2, ou à une entité ou un groupe visé à l’article 7, paragraphe 4, point b), et paragraphe 5, lorsque les conditions d’applications de ces paragraphes sont remplies, et que cette mesure de résolution se traduirait par des pertes à charge des créanciers ou par une conversion de leurs créances, le CRU donne instruction aux autorités de résolution nationales d’exercer le
pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres pertinents conformément à l’article 21 immédiatement avant l’application de l’instrument de résolution ou simultanément.
2. Les instruments de résolution visés à l’article 18, paragraphe 6, point b), sont les suivants :
a) la cession des activités ;
b) le recours à un établissement-relais ;
c) la séparation des actifs ;
d) le renflouement interne.
3. Lorsqu’il adopte le dispositif de résolution visé à l’article 18, paragraphe 6, le CRU prend en considération les éléments suivants :
a) l’actif et le passif de l’établissement soumis à une procédure de résolution sur la base de la valorisation en vertu de l’article 20 ;
b) la situation sur le plan de la liquidité de l’établissement soumis à une procédure de résolution ;
c) la négociabilité de la valeur de franchise de l’établissement soumis à une procédure de résolution, à la lumière de la situation concurrentielle et économique des marchés ;
d) le temps disponible.
4. Les instruments de résolution sont appliqués afin d’atteindre les objectifs de la résolution prévus à l’article 14, conformément aux principes de la résolution définis à l’article 15. Ils peuvent être appliqués séparément ou en combinaison, excepté l’instrument de séparation des actifs, qui ne peut être appliqué qu’en combinaison avec un autre instrument de résolution.
[...] »
13 L’article 24 du règlement MRU, intitulé « Instrument de cession des activités », est libellé comme suit :
« 1. Dans le cadre du dispositif de résolution, l’instrument de cession des activités consiste à transférer à un acquéreur qui n’est pas un établissement-relais :
a) les titres de propriété émis par un établissement soumis à une procédure de résolution ; ou
b) tous les actifs, droits ou engagements d’un établissement soumis à une procédure de résolution ou l’un quelconque de ceux-ci.
2. En ce qui concerne l’instrument de cession des activités, le dispositif de résolution prévoit :
a) les instruments, actifs, droits et engagements qui doivent être transférés par l’autorité de résolution nationale conformément à l’article 38, paragraphe 1, et paragraphes 7 à 11, de la [directive 2014/59] ;
b) les conditions commerciales, compte tenu du contexte ainsi que des coûts et charges liés à la procédure de résolution, auxquelles l’autorité de résolution nationale procède au transfert conformément à l’article 38, paragraphes 2, 3 et 4, de la [directive 2014/59] ;
c) la possibilité ou non pour l’autorité de résolution nationale d’exercer plus d’une fois les pouvoirs de transfert conformément à l’article 38, paragraphes 5 et 6, de la [directive 2014/59] ;
d) les dispositions en vue de la vente, par l’autorité de résolution nationale, de l’entité ou des instruments, actifs, droits et engagements concernés, conformément à l’article 39, paragraphes 1 et 2, de la [directive 2014/59] ;
e) les conditions dans lesquelles le respect, par l’autorité de résolution nationale, des exigences concernant la vente serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs de la résolution au sens du paragraphe 3 du présent article.
3. Le CRU applique l’instrument de cession des activités sans se conformer aux exigences concernant la vente fixées au paragraphe 2, point e), lorsqu’il établit que le fait de s’y conformer serait de nature à compromettre la réalisation d’un ou de plusieurs des objectifs de la résolution, et, en particulier, si les conditions suivantes sont remplies :
a) il considère que la défaillance ou défaillance potentielle de l’établissement soumis à une procédure de résolution fait peser une menace importante sur la stabilité financière ou aggrave une telle menace ; et
b) il considère que le respect des exigences en question risquerait de nuire à l’efficacité de l’instrument de cession des activités en limitant sa capacité de parer à la menace ou d’atteindre les objectifs de la résolution énoncés à l’article 14, paragraphe 2, point b). »
14 L’article 29 de ce règlement régit la mise en œuvre, par les autorités de résolution nationales et le CRU, des décisions prises en vertu dudit règlement et dispose, à son paragraphe 5, première phrase, que le CRU publie sur son site Internet officiel soit une copie du dispositif de résolution, soit une communication résumant les effets de la mesure de résolution, en particulier les effets sur la clientèle de détail.
15 Aux termes de l’article 30, paragraphe, 2, du même règlement, intitulé « Obligation de coopérer et échange d’informations au sein du MRU » :
« Dans l’exercice de leurs responsabilités respectives en vertu du présent règlement, le CRU, le Conseil, la Commission, la BCE, les autorités de résolution nationales et les autorités compétentes nationales coopèrent étroitement, notamment durant les phases de planification de la résolution, d’intervention précoce et de résolution en vertu des articles 8 à 29. Ils s’échangent toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches. »
16 L’article 76, paragraphe 1, sous b), du règlement MRU dispose que, dans le cadre du dispositif de résolution, le CRU peut recourir au Fonds, dans la mesure nécessaire à l’application effective des instruments de résolution, afin d’accorder des prêts à l’établissement soumis à une procédure de résolution, à ses filiales, à un établissement-relais ou à une structure de gestion des actifs.
17 Aux termes de l’article 88 de ce règlement, intitulé « Secret professionnel et échange d’informations » :
« 1. Les membres du CRU, le vice-président, les membres du CRU visés à l’article 43, paragraphe 1, point b), le personnel du CRU et le personnel des États membres participants qui fait l’objet d’un échange ou d’un détachement et exerce des fonctions de résolution sont soumis, même après la cessation de leurs fonctions, aux exigences de secret professionnel prévues par l’article 339 [TFUE] et par les actes pertinents de la législation de l’Union. Il leur est notamment interdit de divulguer à
toute personne ou autorité des informations confidentielles obtenues dans l’exercice de leurs activités professionnelles ou des informations reçues d’une autorité compétente ou d’une autorité de résolution en rapport avec leurs fonctions au titre du présent règlement, à moins que ce ne soit dans l’exercice desdites fonctions, ou sous une forme résumée ou agrégée de telle sorte que les entités visées à l’article 2 ne puissent être identifiées ou qu’elles le soient avec le consentement exprès et
préalable de l’autorité ou de l’entité qui a fourni les informations.
Les informations couvertes par les exigences de secret professionnel ne sont pas divulguées à une autre entité publique ou privée, sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires. Ces exigences s’appliquent également aux acquéreurs potentiels contactés afin de préparer la résolution d’une entité en vertu de l’article 13, paragraphe 3.
2. Le CRU veille à ce que les personnes qui fournissent, directement ou indirectement, de façon permanente ou occasionnelle, un service lié à l’exécution de ses fonctions, notamment les agents du CRU et les autres personnes mandatées par celui-ci ou désignées par les autorités de résolution nationales pour procéder à des inspections sur place, soient soumises à des exigences de secret professionnel équivalentes à celles visées au paragraphe 1.
[...]
5. Avant que des informations ne soient divulguées, le CRU s’assure qu’elles ne contiennent pas d’informations confidentielles, notamment en évaluant les effets que leur divulgation pourrait avoir sur l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique, sur les intérêts commerciaux des personnes physiques ou morales, sur les objectifs des inspections, sur les enquêtes et les audits. La procédure visant à examiner les effets liés à la publication d’informations
comprend les effets liés à la publication du contenu et du détail des plans de résolution visés aux articles 8 et 9, des résultats de toute évaluation effectuée en vertu de l’article 10 ou du dispositif de résolution visé à l’article 18.
[...] »
18 L’article 90 du règlement MRU, intitulé « Accès aux documents », est libellé comme suit :
« 1. Le [règlement (CE) n^o 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p.43)] s’applique aux documents détenus par le CRU.
[...]
4. Les personnes qui font l’objet de décisions du CRU ont le droit d’avoir accès au dossier de celui-ci, sous réserve de l’intérêt légitime d’autres personnes à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles ni aux documents internes préparatoires du CRU. »
19 L’article 91 de ce règlement prévoit que, s’agissant des informations classifiées et des informations sensibles non classifiées, le CRU applique les principes de sécurité énoncés dans les règles en matière de sécurité de la Commission visant à protéger de telles informations.
C. Le projet de normes techniques de réglementation
20 Le 23 mai 2017, l’ABE a adopté, sur le fondement de l’article 36, paragraphes 14 et 15, de la directive 2014/59, le projet de normes techniques de réglementation EBA/RTS/2017/05 sur la valorisation aux fins de la résolution (ci-après « le projet de normes techniques de réglementation »), visant à préciser les critères sur la base desquels les valorisations réalisées lors d’une procédure de résolution doivent être effectuées.
21 Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, de ce projet de normes techniques de réglementation :
« L’évaluateur fournit la meilleure estimation ponctuelle de la valeur d’un actif donné, d’un passif donné ou d’une combinaison de ces deux éléments. Les résultats de la valorisation sont aussi fournis sous la forme de fourchettes de valeurs lorsque cela est approprié. »
22 L’article 8 dudit projet de normes techniques de réglementation, intitulé « Éléments nécessitant une attention particulière lors de la valorisation », est rédigé comme suit :
« L’évaluateur porte une attention particulière aux éléments pour lesquels existe une incertitude importante en ce qui concerne la valorisation et qui ont une incidence importante sur la valorisation globale. Pour ces éléments, l’évaluateur fournit les résultats de la valorisation sous la forme de meilleures estimations ponctuelles et, lorsque cela est approprié, de fourchettes de valeur, comme prévu à l’article 2, paragraphe 3. Ces éléments sont les suivants :
a) les prêts ou portefeuilles de prêts dont les flux de trésorerie attendus dépendent de la capacité de la contrepartie à exécuter ses obligations, de sa volonté à le faire ou de mesures l’y incitant, lorsque ces prévisions reposent sur des hypothèses relatives aux taux de défaillance, aux probabilités de défaut, aux pertes en cas de défaut ou aux caractéristiques des instruments, en particulier lorsque l’historique des pertes d’un portefeuille de prêts en atteste ;
[...] »
II. Les antécédents du litige
23 Banco Popular Español SA (ci-après « Banco Popular ») était un établissement de crédit soumis à la surveillance prudentielle directe de la BCE.
24 Les requérants étaient actionnaires ou détenaient des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 ou des instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de cette dernière.
A. La situation économique de Banco Popular au cours des années 2016 et 2017
25 Les faits relatifs à l’évolution de la situation économique de Banco Popular au cours des années 2016 et 2017, qui sont exposés aux points 25 à 46 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.
26 En 2016, Banco Popular a procédé à une augmentation de capital de 2,5 milliards d’euros.
27 Le 5 décembre 2016, la session exécutive du CRU a adopté un plan de résolution du groupe Banco Popular (ci-après le « plan de résolution de 2016 »). L’instrument de résolution privilégié dans le plan de résolution de 2016 était l’instrument de renflouement interne prévu à l’article 27 du règlement MRU.
28 Le 3 février 2017, Banco Popular a publié son rapport annuel de 2016 dans lequel elle a annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros, ainsi que la nomination d’un nouveau président.
29 Le 10 février 2017, DBRS Ratings Ltd (DBRS), devenue DBRS Morningstar, a dégradé la note de Banco Popular, avec une perspective négative, au regard de la situation affaiblie du capital de Banco Popular à la suite d’une perte nette plus importante que celle prévue dans son rapport annuel, mentionnée au point 28 du présent arrêt, ainsi que des efforts de Banco Popular pour réduire son stock encore élevé d’actifs non performants.
30 Le 3 avril 2017, Banco Popular a annoncé le résultat d’audits internes indiquant que des corrections au rapport annuel de 2016 pourraient être nécessaires. Ces ajustements ont été effectués dans le rapport financier de Banco Popular pour le premier trimestre 2017.
31 À la suite de cette annonce, DBRS Morningstar a, le 6 avril, dégradé la note de Banco Popular en maintenant sa perspective négative. Standard & Poor’s, le 7 avril, et Moody’s Investors service (ci-après « Moody’s »), le 21 avril 2017, ont également dégradé la note de Banco Popular avec une perspective négative.
32 Le 10 avril 2017, lors de l’assemblée générale des actionnaires de Banco Popular, le président du conseil d’administration a annoncé que la banque envisageait soit une augmentation de capital, soit une transaction d’entreprise en raison de la situation du groupe en termes de fonds propres et de son niveau d’actifs non performants. Le président-directeur général de Banco Popular a été remplacé moins d’un an après sa prise de fonction.
33 Au mois d’avril 2017, Banco Popular a engagé une procédure de vente privée dans le but de réaliser sa cession à un concurrent fort et de restaurer ainsi sa situation financière. La date limite pour que les éventuels acquéreurs intéressés par l’acquisition de Banco Popular soumettent leur offre avait été fixée au 10 juin 2017.
34 Le 5 mai 2017, Banco Popular a présenté son rapport financier pour le premier trimestre 2017, annonçant des pertes d’un montant de 137 millions d’euros.
35 Le 12 mai 2017, l’exigence de couverture des besoins de liquidité (Liquidity Coverage Requirement) de Banco Popular est passée au-dessous du seuil minimal de 80 % fixé par l’article 460, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE) n^o 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) n^o 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).
36 Par lettre du 16 mai 2017, Banco Santander SA a informé Banco Popular qu’elle n’était pas en mesure de présenter une offre ferme dans le cadre de la procédure de vente privée.
37 Le 16 mai 2017, Banco Popular, dans une communication d’un fait pertinent à la Comisión nacional del mercado de valores (Commission nationale du marché des valeurs, Espagne), a indiqué que des acquéreurs potentiels avaient manifesté leur intérêt dans la procédure de vente privée, mais qu’aucune offre ferme n’avait été reçue.
38 Le 19 mai 2017, l’agence Fitch Ratings Ltd a dégradé la note à long terme de Banco Popular.
39 Le 23 mai 2017, la présidente du CRU, M^me Elke König, a accordé un entretien à la chaîne de télévision Bloomberg, lors duquel elle a été interrogée, notamment, sur la situation de Banco Popular.
40 Dans le courant du mois de mai 2017, de nombreux articles de presse ont rapporté les difficultés de Banco Popular.
41 Les premiers jours du mois de juin 2017, Banco Popular a dû faire face à des retraits de liquidités massifs.
42 Le 5 juin 2017, Banco Popular a présenté, le matin, une première demande d’apport urgent de liquidités à la Banco de España (Banque d’Espagne), puis une seconde demande, dans l’après-midi, contenant une extension du montant sollicité, en raison d’importants mouvements de liquidités. Sur le fondement d’une demande de la Banque d’Espagne et à la suite de l’évaluation du même jour de la BCE relative à la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, le conseil des gouverneurs de la
BCE n’a pas émis d’objections à un apport urgent de liquidités à Banco Popular pour la période allant jusqu’au 8 juin 2017. Banco Popular a reçu une partie de cet apport urgent de liquidités, puis la Banque d’Espagne a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de fournir un apport urgent de liquidités supplémentaire à Banco Popular.
B. Le déroulement de la procédure de résolution
43 Aux points 47 à 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé les faits relatifs au déroulement de la procédure de résolution, qui peuvent être résumés comme suit.
44 Le 23 mai 2017, le CRU a chargé le cabinet d’audit Deloitte (ci-après « Deloitte »), en qualité d’expert indépendant, de procéder à la valorisation de Banco Popular au titre de l’article 20 du règlement MRU.
45 Le 24 mai 2017, le CRU a demandé à Banco Popular, sur le fondement de l’article 34 du règlement MRU, les informations nécessaires en vue de la réalisation de sa valorisation. Le 2 juin 2017, il a également demandé à Banco Popular de fournir des informations sur la procédure de vente privée ainsi que de prévoir un accès à la salle de données virtuelle sécurisée que cette dernière avait établie dans le cadre de cette procédure.
46 Le 3 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/06, adressée au Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB) (Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne), concernant la commercialisation de Banco Popular. Le CRU a approuvé l’engagement immédiat de la procédure de vente de Banco Popular par le FROB et a indiqué à ce dernier les exigences concernant la vente conformément à l’article 39 de la directive 2014/59. Le CRU indiquait
notamment que le FROB devait contacter les cinq acquéreurs potentiels qui avaient été invités à présenter une offre dans le cadre de la procédure de vente privée.
47 Parmi les cinq acquéreurs potentiels, deux ont décidé de ne pas participer à la procédure de vente et un a été exclu par la BCE pour des raisons prudentielles.
48 Le 4 juin 2017, les deux acquéreurs potentiels qui avaient décidé de participer à la procédure de vente, Banco Santander et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, ont signé un accord de non-divulgation et, le 5 juin 2017, ils ont eu accès à la salle de données virtuelle.
49 Le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation (ci-après la « valorisation 1 »), en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement MRU, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement, étaient remplies.
50 Le 6 juin 2017, la BCE a réalisé une évaluation relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, après consultation du CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement.
51 Il ressort du point 61 de l’arrêt attaqué que, à la suite de cette évaluation, la BCE a considéré, en prenant en compte l’évolution de la situation économique de Banco Popular aux cours des années 2016 et 2017, telle que résumée aux points 26 à 42 du présent arrêt, et en particulier les sorties excessives de dépôts, la rapidité avec laquelle la trésorerie avait été perdue par cette banque et l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, qu’il existait des éléments objectifs
indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. La BCE a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU.
52 Le même jour, Banco Popular a informé la BCE que son conseil d’administration était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.
53 Les faits relatifs à la procédure de vente, tels qu’ils ressortent des points 63 à 67 de l’arrêt attaqué, peuvent être présentés comme suit.
54 Par lettre du 6 juin 2017, le FROB a communiqué les informations relatives à la procédure de vente et fixant le délai de soumission des offres au 6 juin 2017 à minuit.
55 Le même jour, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, l’un des deux acquéreurs potentiels de Banco Popular, a informé le FROB qu’elle ne présenterait pas d’offre.
56 Également le 6 juin 2017, Deloitte a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), établie en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement MRU. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments
permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités. Cette valorisation a notamment estimé la valeur économique de Banco Popular à 1,3 milliard d’euros dans le meilleur scénario, à moins 8,2 milliards d’euros dans le scénario le plus défavorable et à moins 2 milliards d’euros pour la meilleure estimation.
57 Le 7 juin 2017, Banco Santander a soumis une offre ferme.
58 Par lettre du 7 juin 2017, le FROB a informé le CRU que Banco Santander avait soumis une offre le 7 juin à 3 h 12 et que le prix offert par cette dernière pour l’achat des actions de Banco Popular était d’un euro. Le FROB a indiqué que son comité directeur avait retenu Banco Santander comme adjudicataire dans la procédure de vente concurrentielle de Banco Popular et avait décidé de proposer au CRU de désigner Banco Santander comme acquéreur dans la décision du CRU relative à l’adoption d’un
dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular.
C. Le dispositif de résolution litigieux
59 Le 7 juin 2017, le CRU a adopté le dispositif de résolution litigieux à l’égard de Banco Popular, sur le fondement du règlement MRU.
60 Aux considérants 19, 21 à 25, 26, sous c), 36 et 46 de ce dispositif, le CRU a constaté :
– que, le 5 décembre 2016, le CRU avait adopté un plan de résolution, déterminant une stratégie de résolution et identifiant un instrument de résolution considéré comme préférable (considérants 19, 21 et 22) ;
– qu’il ressortait de l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible que la situation de liquidité de Banco Popular s’était détériorée de manière significative depuis le mois d’octobre 2016, en raison de retraits de dépôts sur tous les segments de clientèle ; qu’il en découlait que cette banque ne disposait pas de suffisamment d’options pour rétablir sa position de liquidité afin d’être en mesure de s’acquitter de ses engagements à l’échéance
(considérant 23) ;
– que plusieurs circonstances avaient conduit à la détérioration rapide de la situation de liquidité de Banco Popular, à savoir :
– en février 2017, Banco Popular avait annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros et avait nommé un nouveau président ;
– le 10 février 2017, DBRS Morningstar avait dégradé la note de Banco Popular ;
– le 3 avril 2017, Banco Popular a publié une déclaration publique ad hoc au sujet du résultat d’audits internes ayant potentiellement un impact significatif sur ses états financiers et confirmé le remplacement de son directeur général moins d’un an après son entrée en fonction ;
– le 7 avril 2017, Standard & Poor’s et, le 21 avril, Moody’s avaient dégradé la note de Banco Popular ;
– le 12 mai 2017, Banco Popular avait enfreint l’exigence de couverture des besoins de liquidité de 80 % et n’avait pas été en mesure de rétablir la conformité avec la limite réglementaire par la suite ;
– la couverture médiatique négative et continue sur les résultats financiers de Banco Popular et sur le supposé risque imminent de faillite ou d’illiquidité avaient causé une augmentation des retraits de dépôts, et
– le 6 juin 2017, DBRS et Moody’s avaient dégradé la note de Banco Popular (considérant 24) ;
– que les circonstances susmentionnées ont entraîné d’importants retraits de dépôts (considérant 25) ;
– que Banco Popular avait reçu un premier apport urgent de liquidités le 5 juin 2017, à la suite de l’accord donné par la BCE, mais que la Banque d’Espagne n’avait pas été en mesure de lui accorder un apport urgent de liquidités supplémentaire [considérant 26, sous c)] ;
– que, le 6 juin 2017, Banco Popular avait informé la BCE que son conseil d’administration était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible (considérant 36), et
– que l’instrument de résolution envisagé dans le plan de résolution de 2016 n’était pas approprié aux circonstances existant à la date de la résolution (considérant 46).
61 À l’article 1^er du dispositif de résolution litigieux, le CRU a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution à compter de la date de la résolution, au motif que les conditions prévues à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement MRU étaient remplies.
62 À cet égard, il ressort des articles 2 à 4 du dispositif de résolution litigieux que le CRU a considéré, tout d’abord, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, ensuite, qu’il n’existait pas d’autres mesures qui pourraient empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, enfin, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire afin d’assurer la continuité des fonctions
critiques de la banque et d’éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en Espagne.
63 En conséquence, à l’article 5, paragraphe 1, du dispositif de résolution litigieux, le CRU a décidé :
« L’instrument de résolution appliqué à Banco Popular consistera en une cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement [MRU] par le transfert des actions à un acquéreur. La dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres seront effectuées immédiatement avant l’application de l’instrument de cession des activités. »
64 L’article 6 du dispositif de résolution litigieux précise les conditions afférentes à cette dépréciation ainsi qu’à la cession des activités. Ainsi, à l’article 6, paragraphe 1, de celui-ci, le CRU a décidé :
– d’abord, de déprécier le montant nominal du capital social de Banco Popular d’un montant de 2 098 429 046 euros, ce qui conduisait à l’annulation de 100 % des actions de Banco Popular ;
– ensuite, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision relative au dispositif de résolution litigieux en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions I » ;
– ensuite, de déprécier à zéro la valeur nominale des « nouvelles actions I » ce qui conduisait à l’annulation de 100 % de ces « nouvelles actions I » ;
– enfin, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions II ».
65 L’article 6, paragraphe 3, du dispositif de résolution litigieux prévoit que ces mesures de dépréciation et de conversion sont fondées sur la valorisation 2, corroborée par les résultats d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par le FROB.
66 À l’article 6, paragraphe 5, du dispositif de résolution litigieux, le CRU a indiqué qu’il exerçait les pouvoirs qui lui étaient conférés par l’article 24, paragraphe 1, sous a), du règlement MRU, relatif à l’instrument de cession des activités et qu’il ordonnait que les « nouvelles actions II » soient transférées à Banco Santander, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Il était précisé que l’acquéreur avait déjà
consenti au transfert.
67 À l’article 6, paragraphe 6, de ce dispositif, le CRU a exposé qu’il était à la fois nécessaire et adéquat d’ordonner le transfert, tout en précisant que, pour en arriver à cette décision, il a constaté, premièrement, que la procédure de vente de Banco Popular initiée par le FROB avant l’adoption dudit dispositif était conforme aux exigences résultant de l’article 24 du règlement MRU, lu en combinaison avec l’article 39 de la directive 2014/59, deuxièmement, que le FROB avait, en fin de
compte, invité deux acquéreurs potentiels à présenter des offres et, troisièmement, que finalement une seule offre valide avait été reçue.
68 Le CRU a également indiqué que le transfert des « nouvelles actions II » devrait être effectué sur la base de l’offre contraignante de l’acquéreur du 7 juin 2017 et devrait être mis en œuvre par le FROB.
69 Le dispositif de résolution litigieux a été soumis à la Commission pour approbation le 7 juin 2017.
70 Le même jour, cette institution a adopté la décision 2017/1246 approuvant le dispositif de résolution litigieux et a notifié cette décision au CRU. Ainsi qu’il ressort du considérant 4 de ladite décision :
« La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 18, paragraphe 5, du règlement [MRU]. »
71 Le 7 juin 2017 également, le CRU a notifié le dispositif de résolution litigieux au FROB, tout en publiant sur son site Internet une communication d’information quant à l’adoption de ce dispositif, accompagnée d’un document résumant les effets de la résolution.
72 Toujours à cette date, le FROB a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution litigieux, conformément à l’article 29 du règlement MRU.
D. Les faits postérieurs à l’adoption du dispositif de résolution litigieux
73 Le 14 juin 2018, Deloitte a transmis au CRU la valorisation de la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement MRU, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité (ci-après la « valorisation 3 »). Le 31 juillet 2018, Deloitte a envoyé au CRU un addendum à cette valorisation corrigeant certaines erreurs formelles.
74 Le 11 juillet 2017, le CRU a publié sur son site Internet une version non confidentielle du dispositif de résolution litigieux. Dans cette version, le CRU a notamment occulté certaines informations figurant aux considérants 23 à 26 de celui-ci, relatives à la crise de liquidité de Banco Popular, ainsi que des parties conséquentes de l’article 6, paragraphes 3 et 4, du dispositif de résolution litigieux concernant l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion.
75 Au mois de juillet 2017, la BCE a publié sur son site Internet une version non confidentielle de son évaluation relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular.
76 Le 2 février et le 31 octobre 2018, le CRU a publié des versions non confidentielles moins expurgées du dispositif de résolution litigieux, dans lesquelles étaient désormais visibles certaines informations occultées auparavant, visées au point 74 du présent arrêt, à l’exception de certains éléments chiffrés. Dans ce contexte, il a également publié des versions non confidentielles des valorisations 1 et 2.
III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
77 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2017, les requérants ont introduit un recours tendant, premièrement, à l’annulation du dispositif de résolution litigieux et de la décision 2017/1246, deuxièmement, à obtenir réparation du préjudice qu’ils auraient subi à la suite de ces décisions ainsi que, troisièmement, à faire constater la nullité de la valorisation 2 et à obtenir une compensation.
A. La procédure devant le Tribunal
78 Par acte déposé au greffe le 31 octobre 2017, le CRU a demandé au Tribunal, en application de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, d’ordonner des mesures d’instruction concernant la production de certains documents mentionnés à l’annexe de cette demande. Par décision du 28 novembre 2017, le Tribunal a décidé de ne pas faire droit à cette demande de mesures d’instruction à ce stade de la procédure.
79 Le 16 février 2018, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité le CRU à déposer la dernière version non confidentielle du dispositif de résolution litigieux ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 2 publiées sur son site Internet. Le CRU a déposé ces documents dans le délai imparti.
80 Par décisions du 12 avril 2019, le Tribunal a admis les interventions du Royaume d’Espagne et de Banco Santander au soutien des conclusions de la Commission et du CRU et a fait droit aux demandes de traitement confidentiel présentées par les requérants à leur égard.
81 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2019, les requérants ont présenté une demande de modification des demandes de mesures d’instruction contenues dans leur requête et dans leur réplique en première instance. La Commission et le CRU ainsi que le Royaume d’Espagne et Banco Santander ont déposé leurs observations sur cette demande dans le délai imparti.
82 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2019, les requérants ont fait une nouvelle offre de preuve en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. La Commission et le CRU ont déposé des observations sur cette nouvelle offre de preuve dans le délai imparti.
83 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2020, les requérants ont, à nouveau, fait une nouvelle offre de preuve en application de la même disposition de ce règlement de procédure. La Commission et le CRU ainsi que le Royaume d’Espagne et Banco Santander ont déposé des observations sur cette nouvelle offre de preuve dans les délais impartis.
84 Le 16 mars 2021, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité le CRU à produire plusieurs documents. Par lettre du 30 mars 2021, le CRU a répondu que les documents demandés étaient en partie confidentiels et qu’ils pourraient être produits si le Tribunal adoptait une mesure d’instruction en ce sens.
85 Par ordonnance du 12 mai 2021, le Tribunal a ordonné au CRU, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, ainsi que de l’article 103 de son règlement de procédure, de produire les versions intégrales du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2, de l’évaluation de la BCE du 6 juin 2017 relative à la situation de défaillance avérée
ou prévisible de Banco Popular et de la lettre de la BCE à Banco Popular du 18 mai 2017. Le Tribunal a également ordonné au CRU de produire la version non confidentielle de la lettre de la BCE à Banco Popular du 18 mai 2017.
86 Par ordonnance du 9 juin 2021, le Tribunal a retiré du dossier les versions confidentielles des documents produits par le CRU en exécution de l’ordonnance du 12 mai 2021.
B. L’arrêt attaqué
87 À l’appui de leur premier chef de conclusions tendant à l’annulation du dispositif de résolution litigieux et de la décision 2017/1246, les requérants ont soulevé quatre moyens. Le premier moyen était tiré de la violation de l’article 18 du règlement MRU. Le deuxième moyen était tiré de la violation de l’article 20 de ce règlement. Le troisième moyen était tiré de la violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier, consacrés par l’article 41, paragraphe 2, de la charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le quatrième moyen était tiré de la violation de l’obligation de motivation. Dans leurs observations sur les mémoires en intervention, les requérants ont également soulevé un nouveau moyen tiré de la violation de l’article 24 dudit règlement.
88 Par leur deuxième chef de conclusions, les requérants ont demandé à ce que le CRU et la Commission soient condamnés à leur verser une indemnité au titre de leur responsabilité extracontractuelle. Les requérants ont soulevé deux demandes indemnitaires distinctes, la première, fondée sur l’annulation du dispositif de résolution litigieux ainsi que de la décision 2017/1246 et, la seconde, indépendante de cette annulation.
89 Par leur troisième chef de conclusions, les requérants ont demandé l’annulation de la valorisation 2 et ont fait valoir le droit à une compensation.
90 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble.
91 Dans cet arrêt, il a également rejeté les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction des requérants.
IV. Les conclusions des parties au pourvoi
92 Les requérants demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de faire droit à leurs conclusions devant le Tribunal tendant à l’annulation du dispositif de résolution litigieux ainsi que de la décision 2017/1246 et, en conséquence, de condamner la Commission et le CRU à leur restituer leurs investissements dans Banco Popular ou, à défaut, de les condamner à leur verser une indemnisation au titre de leur responsabilité non contractuelle ;
– de condamner la Commission et le CRU à leur verser une indemnité au titre de leur responsabilité non contractuelle, indépendamment de l’annulation du dispositif de résolution litigieux et de la décision 2017/1246 ;
– de constater la nullité de la valorisation 2 et de condamner la Commission ainsi que le CRU à leur verser une compensation ;
– de condamner la Commission et le CRU aux dépens des deux instances ;
– d’ordonner que les sommes accordées soient majorées d’un intérêt compensatoire à compter du 23 mai 2017 ou, à titre subsidiaire, à compter du 7 juin 2017, jusqu’à la date du prononcé du présent arrêt, ainsi que d’intérêts moratoires à dater du présent arrêt, à l’exception des dépens de la présente procédure, lesquels ne produiront des intérêts moratoires qu’à compter de la date du présent arrêt, et
– de leur accorder le bénéfice de toute autre réparation additionnelle jugée appropriée.
93 La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne ainsi que Banco Santander demandent chacun à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérants aux dépens.
94 Dans l’hypothèse où la Cour ferait droit au pourvoi et déciderait, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de statuer elle-même sur le recours en annulation, Banco Santander demande, conformément à l’article 264, deuxième alinéa, TFUE, de limiter la portée de l’arrêt à intervenir en maintenant les effets de la vente de Banco Popular à Banco Santander.
V. Sur le pourvoi
95 À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent quatre moyens. Les premier et deuxième moyens sont tirés d’une violation, respectivement, de l’article 18 et de l’article 20 du règlement MRU. Par les troisième et quatrième moyens, les requérants contestent le bien-fondé du rejet, par le Tribunal, de leurs demandes d’indemnisation.
A. Considérations liminaires
96 À titre liminaire, il convient de relever que, par le recours à l’origine du présent pourvoi, les requérants demandaient l’annulation tant du dispositif de résolution litigieux que de la décision 2017/1246.
97 Si la Cour a déjà jugé, dans son arrêt du 18 juin 2024, Commission/CRU (C‑551/22 P, EU:C:2024:520, points 102 et 103), que le dispositif de résolution litigieux ne constitue pas un acte attaquable, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de sorte qu’un recours est irrecevable en tant qu’il vise ce dispositif, la décision 2017/1246, par laquelle la Commission a approuvé ce dispositif, présente, quant à elle, les caractéristiques d’un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en
annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
98 Cela étant, la Cour a précisé que, dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission telle que la décision 2017/1246, il est loisible aux personnes physiques ou morales concernées d’invoquer l’illégalité du dispositif de résolution que cette institution a approuvé en lui conférant ainsi des effets juridiques obligatoires, ce qui est de nature à leur garantir une protection juridictionnelle suffisante. En outre, la Commission est, par une telle approbation,
réputée faire siens les éléments et les motifs contenus dans ce dispositif, de sorte qu’elle doit, le cas échéant, en répondre devant les juridictions de l’Union (arrêt du 18 juin 2024, Commission/CRU, C‑551/22 P, EU:C:2024:520, point 96 et jurisprudence citée).
99 C’est dans ce cadre qu’il convient, dès lors, d’examiner les moyens contestant la légalité du dispositif de résolution litigieux.
B. Sur la cinquième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 90 du règlement MRU, ainsi que des articles 17, 41 et 52 de la Charte, lus en combinaison avec l’article 1^er du premier protocole additionnel à la CEDH, et sur la sixième branche de ce moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE
100 Par les cinquième et sixième branches du deuxième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, les requérants font, en substance, valoir que l’accès à la version intégrale, notamment, du dispositif de résolution litigieux ainsi que des valorisations 1 et 2 était nécessaire aux fins de l’exercice de leur droit à un recours effectif (cinquième branche de ce moyen), et que la motivation du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2 ainsi que de la décision 2017/1246 était
insuffisante en raison des informations occultées dans ces documents (sixième branche dudit moyen).
1. Sur la cinquième branche du deuxième moyen
101 Par la cinquième branche du deuxième moyen, les requérants invoquent une méconnaissance de leur droit d’accès au dossier au titre de l’article 90 du règlement MRU ainsi que des articles 17, 41 et 52 de la Charte, lus en combinaison avec l’article 1^er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952 (ci-après le « premier protocole additionnel à la CEDH »). Cette branche se divise en
quatre griefs.
a) Argumentation des parties
102 En premier lieu, les requérants font valoir que, aux points 503 et 504 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé sur une interprétation erronée de l’article 90 du règlement MRU, en ce qu’il a considéré que le droit d’accès au dossier garanti à cet article concerne uniquement l’entité faisant l’objet de la décision de résolution. En effet, les versions en langues espagnole (« personas sujetas a las decisiones »), anglaise (« persons who are the subject of ») et portugaise (« pessoas sujeitas
às decisões ») de cette disposition ne feraient pas référence à l’objet de la décision de résolution, mais viseraient les personnes soumises à une telle décision. En outre, l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte garantirait également le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne.
103 En deuxième lieu, une méconnaissance du droit d’accès au dossier au cours de la procédure administrative, préalable à l’adoption d’une décision, ne saurait être régularisée au cours de la procédure juridictionnelle et serait susceptible, lorsqu’il a été porté atteinte aux droits de la défense, d’entraîner l’annulation de cette décision. Or, le fait d’avoir dû entamer la procédure judiciaire sans avoir connaissance du dossier aurait porté atteinte aux droits de la défense des requérants, ce
d’autant plus qu’ils n’auraient toujours pas accès au dossier complet.
104 En troisième lieu, aux points 505 et 515 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait refusé, en se fondant notamment sur l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte et sur l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU, l’accès à certaines informations contenues dans le dispositif de résolution litigieux, dans la valorisation 2 et dans d’autres documents préparatoires, au motif qu’elles étaient confidentielles. Toutefois, le droit d’accès au dossier s’imposerait même lorsque la réglementation
applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité.
105 En quatrième et dernier lieu, selon la jurisprudence rappelée au point 475 de cet arrêt, une limitation du droit d’être entendu des personnes concernées ne constituerait une intervention démesurée et intolérable que si les intéressés étaient privés de la possibilité de contester lesdites mesures dans une procédure ultérieure et de faire utilement valoir leur point de vue dans le cadre de celle-ci. Or, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé à ce point, une telle possibilité
présupposerait un accès complet au dossier. Par ailleurs, il découlerait de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que l’article 1^er du premier protocole additionnel à la CEDH exigerait la possibilité d’un débat contradictoire respectant le principe de l’égalité des armes dans toute procédure imposant la renonciation au droit de propriété.
106 La Commission excipe de l’irrecevabilité de la cinquième branche du deuxième moyen, au motif que l’argumentation présentée dans le pourvoi n’est pas suffisamment claire et précise. Le CRU estime que l’argument tiré d’une divergence des versions linguistiques de l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU est irrecevable. En tout état de cause, la cinquième branche du deuxième moyen serait non fondée.
107 Le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander soutiennent que cette branche est non fondée.
b) Appréciation de la Cour
108 Quant à la recevabilité de la cinquième branche du deuxième moyen, il convient de relever que, nonobstant un certain degré d’imprécision, l’argumentation invoquée permet de comprendre que les requérants se prévalent, au titre de l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU et des articles 17, 41 et 52 de la Charte, lus en combinaison avec l’article 1^er du premier protocole additionnel à la CEDH, du droit d’accéder aux versions intégrales du dispositif de résolution litigieux, de la
valorisation 2 et d’autres documents préparatoires.
109 Plus particulièrement, ils critiquent les considérations figurant, d’une part, aux points 497 à 504 de l’arrêt attaqué par lesquelles le Tribunal a rejeté leur argument tiré de ce qu’ils n’avaient pas bénéficié d’un droit d’accès au dossier de résolution de Banco Popular et, d’autre part, aux points 505 et 515 de cet arrêt, par lesquelles le Tribunal a jugé que, contrairement à ce que les requérants soutenaient, la présence d’informations confidentielles dans le dossier s’opposaient à son
accès intégral.
110 S’agissant de l’argument tiré d’une divergence des versions linguistiques de l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU, il vise spécifiquement les points 503 et 504 de l’arrêt attaqué et doit être considéré comme critiquant l’appréciation du Tribunal figurant à ces points. Or, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food
e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 77 ainsi que jurisprudence citée).
111 Il y a donc lieu d’écarter l’exception d’irrecevabilité de la cinquième branche du deuxième moyen soulevée par la Commission et par le CRU.
112 Quant au fond, il ressort des considérations figurant aux points 497 à 504 de l’arrêt attaqué que, pour rejeter l’argumentation tirée d’une méconnaissance du droit d’accès à l’intégralité des informations contenues dans le dossier, le Tribunal s’est fondé tant sur l’inapplicabilité ratione personae de l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU que sur la présence, dans le dossier, d’informations confidentielles. Or, il y a lieu de constater que chacune de ces considérations est, à elle
seule, de nature à justifier la décision du Tribunal.
113 En premier lieu, s’agissant du point de savoir si le Tribunal a jugé, à bon droit, que l’obligation de confidentialité pouvait s’opposer à un accès aux versions intégrales du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2 et d’autres documents préparatoires, il convient de rappeler que l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU dispose que les personnes qui font l’objet de décisions du CRU ont le droit d’avoir accès au dossier de celui-ci, tout en précisant, d’une part, que ces
personnes disposent de ce droit sous réserve de l’intérêt légitime d’autres personnes à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués et, d’autre part, que ledit droit ne s’étend pas aux informations confidentielles ni aux documents internes préparatoires du CRU. En outre, il importe de souligner l’obligation qui incombe à toute institution concernée d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, en particulier le principe de bonne administration,
désormais expressément consacré à l’article 41 de la Charte, dont le paragraphe 2, sous b), garantit le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Klein/Commission, C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 87).
114 Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que le droit d’accès au dossier est limité par la nécessité de protéger des informations confidentielles. Les limites ainsi posées à ce droit reflètent l’obligation de confidentialité consacrée à l’article 339 TFUE. À cet égard, la Cour a déjà jugé que les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de
l’Union, lequel est notamment concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 ainsi que jurisprudence citée).
115 Or, dans le cadre du régime mis en place par le règlement MRU, le respect des exigences de secret professionnel prévues à l’article 339 TFUE est précisé non seulement par la réserve exprimée à l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU, mais également par l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, de ce règlement, interdisant au CRU de divulguer les informations couvertes par ces exigences à une autre entité publique ou privée, sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre
de procédures judiciaires. Ainsi que le précise l’article 88, paragraphe 5, dudit règlement, le CRU est tenu de s’assurer, avant de divulguer des informations, que celles-ci ne contiennent pas d’informations confidentielles.
116 En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 525 de l’arrêt attaqué, point qui n’est pas critiqué dans le cadre du pourvoi, que la production de documents, ordonnée par le Tribunal, ne garantit pas aux parties requérantes l’accès à l’intégralité de ces documents si ceux-ci contiennent des données confidentielles.
117 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit, aux points 505, 506, 515 et 527 de l’arrêt attaqué, en jugeant que les requérants ne pouvaient pas invoquer un droit d’accès aux versions intégrales du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2 et d’autres documents préparatoires, dans la mesure où ces versions intégrales contenaient des informations confidentielles.
118 Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le droit à un recours effectif n’impose pas, en présence d’informations confidentielles, un accès au dossier intégral.
119 À cet égard, il est, certes, de jurisprudence constante que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits
dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, point 53 et jurisprudence citée, ainsi que du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken, C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43).
120 Toutefois, la Cour a également jugé, dans plusieurs domaines du droit de l’Union, que la motivation d’un acte faisant grief à un justiciable, qui repose sur une appréciation de la position relative d’opérateurs privés, peut, dans une certaine mesure, être limitée afin de protéger des informations relatives à ces opérateurs et couvertes par le secret des affaires. Cela étant, l’obligation de respecter le secret des affaires ne saurait vider l’obligation de motivation de sa substance. Dès lors,
si un tel acte peut, au regard de l’obligation de respecter le secret des affaires, être suffisamment motivé sans comporter notamment l’ensemble des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le raisonnement, la motivation doit tout de même faire apparaître de façon claire et non équivoque ce raisonnement ainsi que la méthodologie employée (voir, en ce sens, arrêts du 1^er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 108 à 111 ; du 21 décembre 2016,
Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 48, ainsi que du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 110, 111 et 120).
121 Partant, en présence d’informations confidentielles, l’article 47 de la Charte ne confère pas à la personne concernée un droit d’accès au dossier intégral, pour autant que les conditions rappelées aux points 119 et 120 du présent arrêt soient respectées.
122 Or, au point 526 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, sans être contredit dans le cadre du pourvoi, que les informations demeurant occultées dans les versions non confidentielles du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2 et d’autres documents préparatoires n’étaient pas pertinents pour la solution du litige.
123 S’agissant, enfin, des articles 17 et 52 de la Charte ainsi que de l’article 1^er du premier protocole additionnel à la CEDH, il convient de rappeler que, si, comme le confirme l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux reconnus par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux et si l’article 52, paragraphe 3, de la Charte dispose que les
droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par cette convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont le même sens et la même portée que ceux que leur confère ladite convention, cette dernière ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union. Ainsi, le contrôle de légalité des actes de l’Union doit être opéré au regard uniquement des droits fondamentaux
garantis par la Charte, notamment son article 17 (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2016, N., C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, points 45 et 46 ainsi que jurisprudence citée).
124 Or, le droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, ne saurait être interprété comme accordant à la personne concernée un accès aux informations contenues dans le dossier qui irait au-delà des exigences résultant de la jurisprudence rappelée aux points 119 et 120 du présent arrêt.
125 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le Tribunal a jugé, à bon droit, que les requérants n’avaient pas le droit d’accéder aux versions intégrales du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2 et d’autres documents préparatoires.
126 Ainsi qu’il ressort du point 112 du présent arrêt, l’argument des requérants selon lequel, en tant qu’actionnaires de l’entité résolue, ils pouvaient invoquer le droit garanti à l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU, fût-il fondé, ne saurait remettre en cause la légalité de la décision du Tribunal visée au point précédent, de telle sorte que cet argument doit être écarté comme étant inopérant.
127 Il s’ensuit que la cinquième branche du deuxième moyen est, pour partie, non fondée et, pour partie, inopérante.
2. Sur la sixième branche du deuxième moyen
128 Par la sixième branche du deuxième moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans le cadre de son examen portant sur le respect, par le dispositif de résolution litigieux, par la valorisation 2 ainsi que par la décision 2017/1246, de l’obligation de motivation consacrée à l’article 296 TFUE.
a) Argumentation des parties
129 En premier lieu, les requérants mettent en cause l’insuffisance de motivation contenue dans le dispositif de résolution litigieux.
130 Tout d’abord, ils font valoir que, aux points 543 et 545 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, à tort, que la motivation de ce dispositif était suffisante en ce qui concerne le constat de l’existence d’une situation de défaillance, alors que le CRU n’avait pas examiné d’autres solutions viables. En outre, le CRU se serait contenté de constater, sans autre explication, que d’autres solutions ne permettraient pas de remédier aux problèmes de liquidité de Banco Popular. Par ailleurs, le
CRU n’aurait fourni aucune motivation sur le choix de l’instrument de cession ni précisé la raison pour laquelle cet instrument constituerait la meilleure solution. Dans ce contexte, ils soutiennent également que, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 556 et 557 de l’arrêt attaqué, le CRU aurait dû motiver les raisons pour lesquelles il estimait que le solde restant de l’apport urgent de liquidités, mentionné à ces points, ne serait plus versé.
131 Ensuite, le Tribunal aurait jugé à tort, aux points 536 à 540 de l’arrêt attaqué, que les faits exposés à l’article 6, paragraphe 6, de ce dispositif seraient de nature à justifier la procédure de vente publique de Banco Popular. À cet égard, ils critiquent essentiellement l’absence d’indications quant aux raisons pour lesquelles toutes les parties intéressées, à l’exception de Banco Santander, s’étaient abstenues de présenter une offre. En outre, le CRU aurait dû préciser, dans le dispositif
de résolution litigieux, la raison pour laquelle le FROB n’avait pas accordé, à l’une de ces parties, un nouveau délai pour la présentation de son offre. Par ailleurs, la fixation du prix de vente de Banco Popular ne serait pas non plus motivée.
132 En outre, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 553 de l’arrêt attaqué, la motivation relative au plan de résolution de 2016 contenue aux considérants 44 à 46 du dispositif de résolution litigieux aurait été insuffisante. En effet, ces considérants n’aborderaient pas les dispositions relatives à un plan d’urgence permettant d’obtenir rapidement des liquidités et un scénario permettant de survivre à une crise de liquidité pendant quatre mois, alors que, selon les requérants,
ces dispositions auraient pu remédier à des problèmes de liquidité.
133 Enfin, le dispositif de résolution litigieux aurait également dû expliquer, contrairement aux considérations figurant au point 551 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles Deloitte remplissait les exigences d’indépendance et d’impartialité.
134 En deuxième lieu, les requérants font valoir que la valorisation 2 ne respecte pas les exigences résultant de l’article 296 TFUE. Contrairement à ce que le Tribunal aurait constaté au point 558 de l’arrêt attaqué, il ressortirait du point 82, sous iv) et viii), de leur réplique en première instance qu’ils avaient déjà mis en cause des expurgations concrètes, concernant la valorisation des provisions pour risques juridiques et des synergies.
135 Or, la version non confidentielle de la valorisation 2 expurgerait des passages essentiels pour comprendre la valorisation de Banco Popular, à savoir, dans la première partie, certains calculs et la valeur totale des postes relatifs aux provisions pour risques juridiques, aux co-entreprises et aux synergies, dans la deuxième partie, les sous-totaux de chaque poste valorisé et les montants totaux de recouvrement pour les créanciers dans le meilleur et le pire des scénarios en cas
d’insolvabilité, ainsi que des parties conséquentes des annexes. Selon les requérants, la portée de ces expurgations dépasse largement les limites de l’obligation de motivation, telle qu’elle résulte de la jurisprudence rappelée au point 565 de l’arrêt attaqué, et ne saurait être justifiée par l’obligation de confidentialité invoquée au point 566 de cet arrêt.
136 En troisième lieu, la décision 2017/1246 de la Commission ne respecterait pas non plus l’obligation de motivation. D’une part, le Tribunal aurait considéré à tort, aux points 576 et 577 de l’arrêt attaqué, qu’une décision par laquelle, comme en l’espèce, la Commission se limite à marquer son accord avec le contenu de la décision du CRU est suffisamment motivée, au regard du délai très court dont cette institution disposait.
137 D’autre part, les requérants critiquent les points 580 à 583 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a considéré que leur argument tiré de la méconnaissance des principes relatifs à la délégation des pouvoirs dégagés dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), constituait un moyen nouveau devant être rejeté comme irrecevable. En effet, au point 153 de leur requête en première instance, ils auraient invoqué cette jurisprudence en rapport avec l’obligation de
contrôle de la Commission et l’absence de motivation d’une décision purement tacite de celle-ci.
138 La Commission et Banco Santander soutiennent que la sixième branche du deuxième moyen est irrecevable, au motif que les requérants se limitent à répéter les arguments invoqués en première instance et qu’ils n’identifient pas avec précision les points critiqués de l’arrêt attaqué. En tout état de cause, cette sixième branche serait non fondée.
139 Le CRU et le Royaume d’Espagne soutiennent que cette branche est non fondée.
b) Appréciation de la Cour
1) Sur la recevabilité
140 En ce qui concerne, tout d’abord, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et Banco Santander, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon
précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné. Ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et
les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. Un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 11 janvier 2024, Planistat Europe et Charlot/Commission, C‑363/22 P, EU:C:2024:20, points 40 et 41 ainsi que jurisprudence citée).
141 Cependant, lorsqu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés dans le cadre d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêts du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission,
C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 51, ainsi que du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, point 50 et jurisprudence citée).
142 Or, en l’espèce, la sixième branche du deuxième moyen vise, en substance, à remettre en cause la décision du Tribunal relative aux questions de droit qui lui ont été soumises en première instance en ce qui concerne, notamment, l’obligation de motivation incombant aux institutions en vertu de l’article 296 TFUE. En outre, dans la mesure où la sixième branche de ce moyen comporte des indications précises sur les points critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments sur lesquels elle
s’appuie, elle ne saurait être déclarée irrecevable dans son intégralité.
143 Cela étant, le premier grief est partiellement irrecevable, pour autant que les requérants contestent le caractère suffisant de la motivation relative au plan de résolution de 2016. En effet, si les requérants avaient, ainsi qu’il ressort du point 552 de l’arrêt attaqué, fait valoir un défaut de motivation en ce qui concerne, d’une part, la stratégie de résolution et l’instrument de résolution envisagés par ce plan et, d’autre part, les raisons pour lesquelles ce plan n’avait pas été suivi,
ils soutiennent désormais que ce plan prévoyait des mécanismes qui auraient permis d’éviter la défaillance de Banco Popular. Or, ce faisant, ils invoquent un argument nouveau qui doit, à ce titre, être déclaré irrecevable au stade du pourvoi.
144 Quant au deuxième grief, les allégations des requérants relatives à la valorisation 2 constituent, ainsi que l’a relevé M^me l’avocate générale Ćapeta au point 61 de ses conclusions dans l’affaire Aeris Invest/Commission et CRU (C‑535/22 P, EU:C:2024:233) qui, conformément au point 4 de celles-ci, doivent être lues conjointement avec ses conclusions dans la présente affaire, un moyen nouveau invoqué au stade du pourvoi, dans la mesure où le Tribunal a constaté, au point 558 de l’arrêt
attaqué, que les requérants n’avaient pas précisé les parties de la valorisation 2 qu’ils ne seraient pas en mesure de comprendre.
145 Si les requérants contestent ce constat au motif qu’ils avaient évoqué, au point 82, sous iv) et viii), de leur réplique en première instance, des expurgations concernant la valorisation des provisions pour risques juridiques et des synergies, il convient toutefois de relever que, par l’argumentation avancée audit point 82 de cette réplique, les requérants faisaient valoir une violation non pas de l’obligation de motivation, mais de l’article 20 du règlement MRU. Cela est corroboré par le
fait que cette argumentation fait apparaître qu’ils étaient en mesure de comprendre et de contester la valorisation 2. Or, au point 558 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l’argumentation des requérantes tirée d’une violation de l’obligation de motivation.
146 Partant, le deuxième grief de la sixième branche du deuxième moyen constitue un moyen nouveau en ce qu’il met en cause la motivation de la valorisation 2 et, partant, doit être écarté comme étant irrecevable.
2) Sur le fond
147 Par les premier et troisième griefs de la sixième branche du deuxième moyen, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir méconnu les exigences résultant de l’article 296 TFUE quant à l’examen de la motivation contenue dans le dispositif de résolution litigieux et la décision 2017/1246.
148 À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 130 ainsi que jurisprudence citée).
149 En outre, il est de jurisprudence constante que, si la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, une telle motivation doit, toutefois, être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. Dans cette perspective, il
n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, en fonction de l’intérêt que les destinataires de l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2019, Landeskreditbank
Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, points 85 et 87, ainsi que du 29 septembre 2022, ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:734, point 193 et jurisprudence citée).
150 De plus, la Cour a déjà jugé que le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir. Ainsi, lors de la rédaction d’un acte, les institutions de l’Union ne sont pas tenues de prendre position sur des éléments clairement secondaires ou d’anticiper des objections potentielles (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of
America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 167 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑551/10 P, EU:C:2012:681, point 48).
151 Cela étant, ainsi qu’il a été relevé aux points 114 et 115 du présent arrêt, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, lequel est notamment concrétisé à l’article 339 TFUE ainsi qu’à l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, et à l’article 90, paragraphe 4, du règlement MRU, lus à la lumière du considérant 116 de ce règlement, de ne pas divulguer d’informations confidentielles
couvertes par des exigences de secret professionnel.
152 Or, selon la jurisprudence constante rappelée au point 120 du présent arrêt, la motivation d’un acte faisant grief à un justiciable, qui repose sur une appréciation de la position relative d’opérateurs privés, peut, dans une certaine mesure, être limitée afin de protéger des informations relatives à ces opérateurs et couvertes par le secret des affaires. Cela étant, l’obligation de respecter le secret des affaires ne saurait vider l’obligation de motivation de sa substance. Dès lors, si un
tel acte peut, au regard de l’obligation de respecter le secret des affaires, être suffisamment motivé sans comporter notamment l’ensemble des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le raisonnement, la motivation doit tout de même faire apparaître de façon claire et non équivoque ce raisonnement ainsi que la méthodologie employée.
i) Sur la motivation du dispositif de résolution litigieux
153 En premier lieu, les requérants font valoir que la motivation afférente aux conditions de résolution prévues à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement MRU n’est pas suffisante.
154 S’agissant de la condition prévue à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de ce règlement, la critique formulée à l’égard du point 543 de l’arrêt attaqué est fondée sur la prémisse que le CRU aurait dû examiner s’il existait d’autres solutions viables, avant de conclure à l’existence d’une situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular.
155 Toutefois, une telle exigence ne découle pas de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement MRU, selon lequel la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible si celle-ci n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou s’il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir. Dans ces conditions, le Tribunal a jugé à bon droit, aux points 542 à 544 de
l’arrêt attaqué, que les indications relatives au fait que la situation de liquidité de Banco Popular s’était détériorée, figurant aux considérants 23 et 24 du dispositif de résolution litigieux, motivaient à suffisance de droit l’existence d’une situation de défaillance avérée ou prévisible concernant cette banque.
156 Quant à la condition prévue à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement MRU, les requérants soutiennent que le CRU s’est contenté de constater, sans autre explication, que d’autres solutions ne permettaient pas de remédier aux problèmes de liquidité de Banco Popular.
157 Toutefois, force est de constater que cette argumentation procède d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué et du dispositif de résolution litigieux. En effet, au point 545 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé sur les constatations figurant aux points 188 à 192 de cet arrêt, dont il ressort que l’article 3 du dispositif de résolution litigieux expose en détail les raisons qui ont amené le CRU à conclure à l’absence de mesures alternatives permettant de remédier aux
problèmes de liquidité de Banco Popular.
158 S’agissant, dans ce contexte, d’un apport urgent de liquidités, il ressort du point 153 de l’arrêt attaqué que le CRU avait constaté, au considérant 26, sous c), du dispositif de résolution litigieux, qu’un tel apport était indisponible au moment de la résolution. Or, sur le fondement de ce constat, le Tribunal a jugé, sans commettre d’erreur de droit, aux points 556 et 557 de l’arrêt attaqué, que le CRU n’était pas tenu de préciser les raisons tenant à l’indisponibilité d’un apport urgent de
liquidités.
159 En second lieu, les requérants mettent en cause la motivation relative à la détermination et à la mise en œuvre de l’instrument de cession des activités comme instrument de résolution.
160 S’agissant du point 545 de l’arrêt attaqué, pour autant que les requérants font valoir que le CRU n’a pas explicité les raisons pour lesquelles l’instrument de cession des activités a été retenu comme instrument de résolution, il y a lieu de constater que le Tribunal y a, au contraire, jugé que l’article 5 du dispositif de résolution litigieux contenait des explications relatives au choix de cet instrument et aux raisons pour lesquelles le CRU avait considéré que les autres instruments
énumérés à l’article 22, paragraphe 2, du règlement MRU ne permettaient pas d’atteindre les objectifs de la résolution dans la même mesure. Compte tenu de ces constatations du Tribunal, l’argument tiré d’une absence de motivation ne saurait prospérer.
161 Quant à la procédure de vente publique de Banco Popular, le Tribunal a considéré, aux points 536 et 537 de l’arrêt attaqué, que les indications figurant à l’article 6, paragraphe 6, du dispositif de résolution litigieux permettaient de comprendre le déroulement de cette procédure et que, au terme de celle-ci, une seule offre valable avait été présentée, offre que le CRU avait jugé prudent d’accepter pour éviter une insolvabilité incontrôlée de Banco Popular.
162 Compte tenu de ces indications, le Tribunal a considéré, à bon droit, que le CRU n’était pas tenu de préciser les raisons pour lesquelles toutes les parties intéressées, à l’exception de Banco Santander, s’étaient abstenues de présenter une offre. De même, il ressort du point 540 de l’arrêt attaqué que le prix de vente n’avait pas été fixé par le CRU, mais était le résultat de la procédure de vente concurrentielle menée par le FROB et du prix offert par Banco Santander.
163 En outre, les requérants soutiennent, à tort, que le CRU aurait dû insérer, dans le dispositif de résolution litigieux, un motif particulier expliquant la raison pour laquelle le FROB n’avait pas accordé, à l’une des parties intéressées, un nouveau délai. En effet, comme l’a indiqué le Tribunal au point 540 dudit arrêt, dans la mesure où cette partie intéressée avait informé le FROB, le 6 juin 2017, de sa décision de ne pas présenter d’offre, une telle précision n’était pas nécessaire.
164 En troisième et dernier lieu, quant à l’argument des requérants selon lequel le dispositif de résolution litigieux aurait également dû préciser que l’évaluateur indépendant, engagé pour la valorisation 2, remplissait les exigences d’indépendance et d’impartialité, le Tribunal a considéré, à juste titre, au point 551 de l’arrêt attaqué, qu’une telle précision n’était pas nécessaire à la compréhension du dispositif de résolution litigieux.
165 Il s’ensuit que le premier grief tiré d’une méconnaissance de l’article 296 TFUE en ce qui concerne le dispositif de résolution litigieux doit être écarté.
ii) Sur la motivation de la décision 2017/1246
166 En premier lieu, les requérants font valoir que le Tribunal a jugé à tort aux points 576 et 577 de l’arrêt attaqué, que la décision 2017/1246, par laquelle la Commission s’est limitée à marquer son accord avec le contenu du dispositif de résolution litigieux, respecte les exigences résultant de l’article 296 TFUE en raison du délai très court dont disposait la Commission.
167 À cet égard, il convient de relever que les considérants 2 à 5 de la décision 2017/1246 énoncent les motifs ayant amené la Commission à cette décision. Après avoir constaté, en substance, aux considérants 2 et 3 de ladite décision, que, selon les indications figurant dans le dispositif de résolution litigieux, toutes les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution énoncées à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement MRU étaient remplies à l’égard de Banco Popular
et que ce dispositif soumettait cette banque à une procédure de résolution et déterminait l’application de l’instrument de cession de ses activités, la Commission a précisé, au considérant 4 de la même décision, qu’elle était « d’accord avec le dispositif de résolution », et « notamment [...] avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 18, paragraphe 5, du règlement [MRU] ». La Commission en a conclu, au
considérant 5 de la décision 2017/1246, que le dispositif de résolution litigieux devait être approuvé, ce qu’elle a fait à l’article 1^er de cette décision.
168 Or, la Cour a déjà jugé que, par une telle approbation, la Commission est réputée faire siens les éléments et les motifs contenus dans le dispositif de résolution litigieux, de sorte qu’elle doit, le cas échéant, en répondre devant le juge de l’Union (arrêt du 18 juin 2024, Commission/CRU, C‑551/22 P, EU:C:2024:520, point 96). Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les raisons ayant amené le CRU à adopter ce dispositif font partie intégrante de la décision d’approbation et sont,
dès lors, susceptibles de motiver également cette approbation.
169 Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 576 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être exigé que la Commission fournisse une justification supplémentaire de son approbation, dès lors que cette justification ne pourrait consister qu’en une reprise des éléments déjà contenus dans le dispositif de résolution litigieux. En outre, en vertu de l’article 18, paragraphe 7, du règlement MRU, la Commission est tenue non pas d’effectuer une seconde analyse par rapport à celle du CRU,
mais uniquement d’approuver, ou non, la décision de celui-ci.
170 C’est également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pris en compte, au point 577 de l’arrêt attaqué, le délai très court dans lequel la Commission était appelée à approuver le dispositif de résolution litigieux. Ainsi qu’il a été rappelé au point 150 du présent arrêt, il est de jurisprudence constante que le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit
intervenir. Or, les circonstances dans lesquelles le dispositif de résolution litigieux a été adopté et approuvé étaient caractérisées par une urgence certaine.
171 Il s’ensuit que le Tribunal a jugé à bon droit, au point 578 de l’arrêt attaqué, que la motivation de la décision 2017/1246 était conforme aux exigences résultant de l’article 296 TFUE.
172 En second lieu, les requérants soutiennent que c’est à tort que, aux points 580 à 583 de cet arrêt, le Tribunal a écarté comme étant nouveau leur argument tiré d’une violation des principes relatifs à la délégation des pouvoirs dégagés dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7). À cet égard, ils font valoir que, au point 153 de leur requête en première instance, ils avaient déjà invoqué cet argument.
173 Toutefois, il ressort de ce point de leur requête en première instance que les requérants invoquaient non pas une violation de ces principes relatifs à la délégation des pouvoirs, mais s’étaient limités à faire valoir que la Commission avait omis de motiver le contrôle qu’elle avait exercé sur les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution litigieux.
174 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que ledit argument était nouveau. Partant, il y a lieu de rejeter ce grief comme étant non fondé.
175 Au vu de ces éléments, la sixième branche du deuxième moyen doit être écartée dans son intégralité.
C. Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement MRU
176 Par la première branche du premier moyen, les requérants invoquent une méconnaissance de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement MRU. Cette branche se divise en trois griefs.
1. Argumentation des parties
177 En premier lieu, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 133 et 145 de l’arrêt attaqué, que la crise de liquidité à laquelle Banco Popular a été confrontée constituait une circonstance suffisante pour justifier la mesure de résolution à l’égard de cette banque, sans avoir à vérifier préalablement si la défaillance de celle-ci aurait pu être évitée par un apport urgent de liquidités.
178 Contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé, aux points 152, 158 et 165de cet arrêt, il découlerait de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement MRU, lu en combinaison avec le point 20 des orientations de l’ABE, du 6 août 2015, relatives à l’interprétation des différentes situations dans lesquelles la défaillance d’un établissement est considérée comme avérée ou prévisible en vertu de l’article 32, paragraphe 6, de la directive 2014/59
(EBA/GL/2015/07) et avec l’article 41 de la Charte, qu’un apport urgent de liquidités devrait être accordé en priorité lorsqu’est constatée l’existence d’une situation de défaillance avérée ou prévisible. À partir du mois d’avril 2017, le CRU aurait donc été tenu de promouvoir l’octroi d’un apport urgent de liquidités par la Banque d’Espagne ou par la BCE.
179 En deuxième lieu, les requérants font valoir que le Tribunal a jugé à tort, aux points 163 à 169 de l’arrêt attaqué, que la prétendue violation des obligations de confidentialité par le CRU antérieure à l’adoption du dispositif de résolution litigieux n’était pas pertinente aux fins de l’application de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement MRU. Tout d’abord, le Tribunal aurait dû vérifier la manière dont la situation aurait évolué en l’absence de cette
irrégularité. Ensuite, l’arrêt attaqué renfermerait une contradiction de motifs en indiquant, d’une part, que l’acte attaqué doit être annulé s’il est établi que l’irrégularité a eu une incidence suffisante, tout en jugeant, d’autre part, que les motifs ayant conduit à la résolution ne sont pas pertinents à cet égard. En outre, aux points 168 et 169 de cet arrêt, le Tribunal aurait conclu à tort à l’inapplicabilité du principe nemo auditur propiam turpitudinem allegans, au motif que le CRU et la
Commission n’auraient pas tiré profit de leur conduite illicite. Selon eux, l’avantage du CRU a résidé, en l’espèce, dans le fait que les déclarations de sa présidente et les fuites d’informations ont été ignorées et passées sous silence. Enfin, le considérant 116 du règlement MRU établirait une présomption réfragable selon laquelle la violation de l’obligation de confidentialité constitue la cause de la défaillance.
180 En troisième lieu, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé, aux points 173 à 176 de l’arrêt attaqué, en raison de la prétendue violation de l’obligation de confidentialité, le CRU et la Commission auraient été tenus, en vertu de l’article 41 de la Charte, d’agir afin d’éviter le préjudice causé par cette violation du devoir de confidentialité et, partant, de vérifier la possibilité d’octroyer suffisamment tôt un apport urgent de liquidités ou de proposer d’autres solutions moins
intrusives.
181 Le CRU et Banco Santander font valoir que la première branche du premier moyen est irrecevable, dans la mesure où les requérants se limitent à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et arguments qu’ils ont présentés devant le Tribunal. Le CRU ajoute que, pour ce qui concerne l’avantage requis pour l’application du principe nemo auditur propiam turpitudinem allegans, les requérants invoquent un argument nouveau. En tout état de cause, cette première branche serait non fondée.
182 La Commission et le Royaume d’Espagne soutiennent que la première branche du premier moyen est non fondée.
2. Appréciation de la Cour
a) Sur la recevabilité
183 Quant à l’exception d’irrecevabilité tirée d’une répétition des arguments présentés devant le Tribunal, il convient de relever que, par la première branche du premier moyen, les requérants visent à mettre en cause l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement MRU, tout en précisant les points critiqués de l’arrêt attaqué et les arguments sur lesquels se fonde leur critique. Dès lors, la première branche de ce moyen ne saurait être déclarée irrecevable
dans son intégralité.
184 Pour autant que le CRU soutient que les requérants invoquent un argument nouveau en relation avec l’application du principe nemo auditur propiam turpitudinem allegans, en ce qu’ils précisent ce qui constitue, selon eux, l’avantage dont auraient bénéficié le CRU et la Commission, il suffit de relever que, dans leur pourvoi, les requérants ont avancé, en substance, la même argumentation que dans la requête et la réplique en première instance.
185 Partant, la première branche du premier moyen est recevable.
b) Sur le fond
186 Par la première branche du premier moyen, les requérants font, en substance, valoir que les causes de la crise de liquidité de Banco Popular sont pertinentes afin d’apprécier la légalité du dispositif de résolution litigieux au regard de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement MRU. Ils soutiennent qu’il ressort des points 133, 145, 152, 158, 163 à 169 ainsi que 173 à 176 de l’arrêt attaqué que le CRU a méconnu tant son obligation de confidentialité que son obligation
de chercher à éviter une défaillance, notamment en promouvant la fourniture d’un apport urgent de liquidités à Banco Popular.
187 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les points a) à c) de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement MRU subordonnent respectivement l’adoption d’un dispositif de résolution à trois conditions cumulatives, à savoir, premièrement, que la défaillance de l’entité concernée soit avérée ou prévisible, deuxièmement, que, compte tenu des délais requis et d’autres circonstances pertinentes, il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée prises à
l’égard de l’entité empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution soit nécessaire dans l’intérêt public.
188 La première branche du premier moyen vise uniquement la première de ces conditions, à savoir que la défaillance de l’entité concernée soit avérée ou prévisible. S’agissant de cette condition, l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU précise que la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible si celle-ci n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou s’il existe des éléments objectifs permettant de conclure que
cela se produira dans un proche avenir.
189 Premièrement, il y a lieu de déduire de l’absence de toute référence, dans le libellé de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU, aux circonstances qui seraient à l’origine d’une situation de défaillance que ces dispositions permettent de conclure à la défaillance de l’entité concernée indépendamment de telles éventuelles circonstances.
190 Une prise en compte de ces circonstances serait également incompatible avec les objectifs du règlement MRU qui vise, ainsi qu’il ressort notamment de son considérant 58, à maintenir la stabilité financière, à assurer la continuité des services financiers essentiels et à protéger les déposants. En effet, les éventuelles circonstances ayant causé la défaillance de la banque concernée ne sauraient empêcher le CRU d’adopter une mesure de résolution, alors même que toutes les conditions prévues à
l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement seraient remplies, en ce que cette banque serait défaillante, qu’il n’existerait pas de solution alternative et, notamment, qu’une résolution serait nécessaire dans l’intérêt public.
191 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 163 à 166 de l’arrêt attaqué, qu’un dispositif de résolution est valablement adopté lorsque les conditions prévues à l’article 18 du règlement MRU sont remplies, quels que soient les motifs ayant conduit l’entité en cause à une situation de défaillance avérée ou prévisible.
192 Il s’ensuit également que le Tribunal a pu considérer, sans se contredire, que le dispositif de résolution litigieux aurait été adopté même s’il avait été établi que la situation de défaillance avérée ou prévisible avait été causée par la prétendue violation de l’obligation de confidentialité. Il en découle, par ailleurs, que l’argumentation des requérants tirée d’une prétendue violation, par le Tribunal, du principe nemo auditur propiam turpitudinem allegans doit, à supposer même qu’il
puisse être considéré que le CRU a obtenu ou cherché à obtenir, en adoptant le dispositif de résolution litigieux, un « avantage », au sens de ce principe, être écartée comme étant inopérante.
193 Deuxièmement, les termes de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU ne font pas davantage référence à l’existence ou non de solutions alternatives à la résolution.
194 Ainsi que le Tribunal l’a, en substance, relevé aux points 133, 145 et 147 de l’arrêt attaqué, pour conclure à une situation de défaillance avérée ou prévisible, au sens de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de ce règlement, il est suffisant que le CRU et la Commission constatent l’existence d’une crise de liquidité, telle que visée à l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, sous c), de dudit règlement. En revanche, eu égard aux considérations figurant aux points 189 à
191 du présent arrêt, le seul fait qu’une défaillance aurait éventuellement pu être évitée dans le passé ne saurait constituer un motif s’opposant à ce que le CRU et la Commission puissent constater l’existence d’une telle situation.
195 S’agissant, par ailleurs, de la prétendue obligation leur incombant, au moment où ils envisagent l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de l’entité concernée, de vérifier s’il n’existe pas d’autres solutions que celle consistant à prendre une telle mesure en vue d’empêcher sa défaillance, il ressort des termes mêmes du point b) de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement MRU qu’une telle appréciation relève de la deuxième condition à laquelle est subordonnée
l’adoption d’un dispositif de résolution. Ainsi l’éventuelle disponibilité de solutions alternatives ne saurait mettre en cause la légalité d’un tel dispositif au regard de la première condition prévue au point a) de cet article 18, paragraphe 1, premier alinéa.
196 Dans ces conditions, l’argument tiré de ce qu’il incombait à la Commission et au CRU, au titre de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), et paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement MRU, d’examiner s’il n’existait pas de solutions alternatives à l’adoption du dispositif de résolution litigieux et, dans le prolongement d’une telle obligation, de promouvoir l’octroi d’un apport urgent de liquidités en faveur de Banco Popular est non fondé.
197 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen est non fondée.
D. Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement MRU
198 Par la deuxième branche du premier moyen, les requérants critiquent l’appréciation faite par le Tribunal, aux points 180 à 229 de l’arrêt attaqué, portant sur la deuxième condition à laquelle est subordonnée l’adoption d’un dispositif de résolution, prévue à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement MRU.
1. Argumentation des parties
199 En premier lieu, les requérants soutiennent que le Tribunal a méconnu son obligation de motivation en ce qu’il a affirmé, aux points 182 à 184 de l’arrêt attaqué, que leurs arguments concernant l’octroi d’un apport urgent de liquidités supplémentaire à Banco Popular reposaient sur de pures conjectures ou constituaient de simples suppositions. Selon les requérants, si l’apport urgent de liquidités supplémentaire correspondant à un montant de 6 milliards d’euros avait été versé à Banco Popular,
cette dernière aurait pu poursuivre ses activités à tout le moins jusqu’au 21 juin 2017.
200 En deuxième lieu, l’arrêt attaqué serait entaché d’une insuffisance de motivation en ce que, au point 194 de cet arrêt, le Tribunal aurait tenu pour acquis que le temps manquait pour pallier le manque de liquidité au moyen d’une augmentation de capital. En effet, selon les calculs internes de Banco Popular, une augmentation de capital pouvait être réalisée en un mois et aurait été envisagée avant le mois de juin 2017.
201 De plus, contrairement à ce que le Tribunal aurait considéré aux points 200 à 203 de l’arrêt attaqué, les requérants auraient prouvé que l’augmentation de capital de Banco Popular était réalisable et de nature à résoudre ses problèmes de liquidité. À cet égard, les requérants soutiennent que le Tribunal a apprécié de manière manifestement erronée et a dénaturé le contenu d’une lettre de la Barclays Bank du 3 juin 2017 et d’une lettre de la Deutsche Bank du 5 juin 2017. Selon eux, ces lettres
démontraient que ces deux banques avaient formulé un engagement réel pour mener à bien une augmentation de capital. Ils estiment qu’une augmentation de capital aurait restauré la confiance des actionnaires en Banco Popular et, de ce fait, réduit ou pratiquement éliminé les retraits de dépôts.
202 En troisième lieu, le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve en affirmant, au point 208 de l’arrêt attaqué, que les arguments des requérants concernant la séparation des actifs s’appuieraient sur de simples suppositions. En effet, les requérants auraient établi que Banco Popular travaillait depuis longtemps à la vente d’actifs immobiliers non performants d’une valeur de 6 milliards d’euros dans le cadre du projet « Sunrise ». De plus, à la suite de la résolution, plusieurs fonds
auraient présenté des offres pour les actifs non performants dans le cadre du projet « Nouveau Sunrise », ce qui étaierait l’existence d’un intérêt réel pour ces actifs.
203 Cet intérêt serait corroboré par des offres fermes que Banco Popular aurait reçues pour des actifs non stratégiques. Au point 211 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait rejeté leurs allégations sur ce point au motif que celles-ci s’appuieraient uniquement sur des articles de presse. Or, il n’existerait aucun fondement juridique pour écarter une preuve au motif qu’elle résulte d’articles de presse.
204 En quatrième lieu, les requérants font valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’une insuffisance de motivation et procède d’une appréciation substantiellement erronée des faits, en ce que le Tribunal a considéré, aux points 223 et 224 de cet arrêt, qu’une vente privée à un tiers ne constituait pas une alternative à l’adoption du dispositif de résolution litigieux. En effet, les offres mentionnées dans la requête en première instance auraient été de nature à démontrer que l’éventuelle
acquisition de Banco Popular avait suscité un réel intérêt, contrairement à ce que le Tribunal aurait considéré. En outre, la vente privée aurait échoué non pas le 29 mai 2017, mais le 6 juin 2017, dans la mesure où le CRU aurait exigé des intéressés qu’ils présentent des offres dans un délai de six heures.
205 En cinquième lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en constatant, au point 229 de l’arrêt attaqué, que les aides d’État et l’utilisation du Fonds sont contraires aux objectifs de la résolution et que le CRU ne peut imposer à un État membre d’accorder une aide à une entité. En effet, ces aides seraient expressément prévues à l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, sous d), iii), et paragraphe 6, sous c), ainsi qu’à l’article 19, paragraphes 1 et 3, du règlement MRU. De plus,
bien que le CRU ne puisse pas imposer aux États membres d’accorder une aide à une entité, il ressortirait du considérant 52 de ce règlement qu’il aurait pourtant eu la possibilité de proposer l’octroi d’une aide ou de promouvoir l’utilisation du Fonds, qui aurait pu être fait en combinaison avec toute autre solution.
206 La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander soutiennent que cette argumentation est irrecevable, en ce que les requérants se limitent à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et arguments invoqués en première instance, sans expliquer en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit.
207 Quant au fond, ils estiment, en substance, que les arguments invoqués au soutien de la deuxième branche du premier moyen ne sont pas de nature à établir que le Tribunal a, aux points 182 à 229 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit dans le cadre de son examen des cinq mesures alternatives invoquées par les requérants.
2. Appréciation de la Cour
208 Par la deuxième branche du premier moyen, les requérants font, en substance, valoir que le Tribunal a méconnu son obligation de motivation et/ou dénaturé des éléments de preuve en ayant rejeté, aux points 179 à 229 de l’arrêt attaqué, leur argumentation selon laquelle le CRU avait violé l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement MRU.
209 À cet égard, il convient de relever que, devant le Tribunal, les requérants ont soutenu que, contrairement à ce que le CRU avait constaté dans le dispositif de résolution litigieux, il existait au moins six mesures viables constituant autant d’alternatives à une mesure de résolution. Par les cinq griefs invoqués au soutien de la deuxième branche du premier moyen, ils contestent les appréciations du Tribunal relatives, respectivement, à cinq de ces mesures, à savoir, premièrement, un apport
urgent de liquidités supplémentaire, deuxièmement, une augmentation de capital, troisièmement, une séparation des actifs, quatrièmement, une vente privée à un tiers et, cinquièmement, un financement par le Fonds ou l’octroi d’une aide d’État.
210 Or, s’agissant des premier à quatrième griefs invoqués au soutien de la deuxième branche du premier moyen, il convient de relever que, par l’argumentation résumée aux points 199, 200 et 204 du présent arrêt, les requérants ne précisent pas en quoi la motivation figurant aux points 182 à 184, 194, 223 et 224 de l’arrêt attaqué ne permettrait pas de comprendre le raisonnement du Tribunal, mais contestent, en réalité, le bien-fondé de ce raisonnement et invitent, partant, la Cour à réexaminer
des éléments de fait qu’ils ont déjà invoqués devant le Tribunal.
211 Or, selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit
soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 71 ainsi que jurisprudence citée).
212 Pour autant que les requérants invoquent une dénaturation, il convient de relever que, par les arguments résumés aux points 201 et 202 du présent arrêt, ils ne formulent un tel grief qu’à l’égard des constatations figurant aux points 200 à 203 et 208 de l’arrêt attaqué. Toutefois, il est de jurisprudence constante qu’un requérant alléguant une dénaturation doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de
l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, l’auraient conduit à cette dénaturation. Par ailleurs, une dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club
de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 55 et jurisprudence citée).
213 Or, force est de constater que, s’agissant des points 200 à 203 et 208 de l’arrêt attaqué, les requérants se limitent à alléguer une dénaturation en se référant à une multitude de documents joints au pourvoi, sans aucunement préciser les erreurs d’analyse que le Tribunal aurait commises dans le cadre de son appréciation. En outre, s’agissant des extraits de documents cités aux points 200 à 203 de cet arrêt, il y a lieu de constater que, loin de faire ressortir une dénaturation manifeste, ils
confirment au contraire l’appréciation faite par le Tribunal quant à l’absence d’un engagement ferme des banques concernées. Il apparaît ainsi que les requérants cherchent, en substance, à obtenir une nouvelle appréciation des faits et des preuves par la Cour. Ces arguments doivent, par conséquent, être rejetés comme étant irrecevables.
214 Par ailleurs, s’agissant de l’argumentation résumée au point 203 du présent arrêt, la critique formulée à l’égard du point 211 de l’arrêt attaqué procède d’une lecture manifestement erronée de ce point. En effet, il en ressort que le Tribunal y a précisé les raisons pour lesquelles il estimait que la vente des actifs dont il était question dans ces articles de presse n’était, selon lui, pas de nature à empêcher la défaillance de Banco Popular, sans pour autant juger que, par principe, des
articles de presse ne sauraient être pris en compte en tant qu’éléments de preuve.
215 En ce qui concerne le cinquième grief, dirigé contre le point 229 de l’arrêt attaqué, les requérants soutiennent, d’une part, qu’un financement par le Fonds aurait constitué une mesure alternative, au sens de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement MRU. Toutefois, c’est non pas au point 229 de cet arrêt, mais au point 227 de celui-ci que le Tribunal a écarté une telle argumentation, au motif, non critiqué par les requérants dans le cadre de leur pourvoi, que, en
vertu de l’article 76, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, le CRU ne peut recourir à un financement par le Fonds que dans le cadre d’une mesure de résolution. Cette interprétation est corroborée par l’article 18, paragraphe 6, sous c), et l’article 19, paragraphe 3, dudit règlement qui précisent les conditions régissant le recours au Fonds dans un dispositif de résolution et présupposent, dès lors, que la condition prévue à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), soit remplie. Dès
lors, un financement par le Fonds ne saurait être considéré comme une alternative à la résolution, au sens de cette dernière disposition. Ces considérations sont exemptes d’erreur de droit.
216 D’autre part, les requérants font valoir que le CRU aurait pu « proposer » au Royaume d’Espagne d’octroyer à Banco Popular une aide d’État. Or, une telle argumentation ne remet pas en cause l’appréciation du Tribunal, figurant au point 228 de l’arrêt attaqué, selon laquelle ni le CRU ni la Commission n’étaient en mesure d’imposer à un État membre d’accorder une aide à une entité.
217 En outre, ainsi que le Tribunal l’a, en substance, jugé à bon droit au point 229 de l’arrêt attaqué, considérer, comme le soutiennent les requérants, que l’octroi d’une aide d’État pourrait constituer une « solution alternative », au sens de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement MRU, serait contraire à l’objectif de la résolution visé à l’article 14, paragraphe 2, sous c), de ce règlement, qui précise qu’il convient de protéger les ressources de l’État par une
réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel. Une telle « solution » serait également incompatible avec la circonstance que, conformément à l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, sous d), dudit règlement, l’octroi d’un soutien financier public exceptionnel a, en principe, pour conséquence que l’entité concernée est réputée se trouver dans une situation de défaillance avérée ou prévisible.
218 Ainsi, le cinquième grief de la seconde branche du premier moyen doit être écarté comme étant non fondé.
219 Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen est, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.
E. Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement MRU
220 Par la troisième branche du premier moyen, les requérants invoquent une méconnaissance de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement MRU. Elle se divise en trois griefs.
1. Argumentation des parties
221 En premier lieu, les requérants soutiennent que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, aux points 243 à 245 et 247 de l’arrêt attaqué, les intérêts des actionnaires et des créanciers doivent être mis en balance avec l’intérêt public afin de minimiser le coût de la résolution et d’éviter une « destruction de valeur », au sens de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement MRU, qui s’avérerait inutile. Ils considèrent que cette exigence de proportionnalité découle tant des
dispositions du règlement MRU, à savoir de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 5, l’article 6, paragraphe 3, sous b), l’article 14 et l’article 15, paragraphe 2, dudit règlement, lus à la lumière des considérants 45 et 46 de celui-ci, que des articles 17 et 52 de la Charte ainsi que de l’article 1^er du premier protocole additionnel à la CEDH.
222 Selon les requérants, la mise en balance ainsi exigée doit non seulement être effectuée par rapport au scénario de liquidation, mais également par rapport à d’autres solutions. Or, le Tribunal aurait méconnu ces exigences en jugeant que la vente de Banco Popular était la meilleure solution, sans en avoir analysé d’autres.
223 En deuxième lieu, ils considèrent que le Tribunal a jugé à tort, aux points 253 et 254 de l’arrêt attaqué, que Banco Popular n’avait pas été discriminée par rapport à des établissements de crédit italiens pour lesquels, d’une part, la Commission avait approuvé l’octroi d’une aide d’État et, d’autre part, le CRU avait refusé l’adoption d’un dispositif de résolution. Contrairement à ce que le Tribunal aurait considéré aux points 253 et 254 de l’arrêt attaqué, l’octroi d’une telle aide serait
pertinent pour l’application de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement MRU. En outre, la différence de traitement ne saurait être justifiée au motif que, contrairement à Banco Popular, lesdits établissements n’exerçaient pas de fonctions critiques.
224 En troisième lieu, au point 261 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, à tort, rejeté comme étant tardif et irrecevable leur argument tiré du caractère disproportionné de la procédure de vente. En effet, dans leur réplique en première instance, ils auraient justifié l’introduction de cet argument par la publication d’une nouvelle documentation sur ladite procédure postérieurement au dépôt de la requête introductive d’instance.
225 La Commission, le CRU et Banco Santander soutiennent que la troisième branche du premier moyen est irrecevable en ce que les requérants se limitent à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et arguments déjà présentés devant le Tribunal. En tout état de cause, cette troisième branche serait non fondée.
226 Le Royaume d’Espagne soutient que cette branche est non fondée.
2. Appréciation de la Cour
227 S’agissant de la recevabilité de la troisième branche du premier moyen, c’est à tort que la Commission, le CRU et Banco Santander soutiennent que les requérants se limitent à réitérer les arguments déjà invoqués devant le Tribunal. En effet, par les trois griefs de cette branche, les requérants contestent notamment le bien-fondé de l’interprétation et de l’application, par le Tribunal, de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement MRU ainsi que du principe de
proportionnalité, tout en précisant les points critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments sur lesquels il s’appuient.
228 Quant au fond, les requérants critiquent, en premier lieu, les points 243 à 245 et 247 de l’arrêt attaqué. Ils soutiennent, en substance, que, dans le cadre de l’application de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement MRU, le CRU est tenu de mettre en balance les intérêts des actionnaires et des créanciers avec l’intérêt public afin de minimiser le coût de la résolution et d’éviter une destruction de valeur inutile. Selon les requérants, la mise en balance ainsi
exigée doit non seulement être effectuée par rapport au scénario de liquidation, mais également par rapport à d’autres solutions.
229 Cette argumentation ne saurait prospérer.
230 L’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement MRU dispose que l’adoption d’une mesure de résolution doit être nécessaire dans l’intérêt public, ce qui est, conformément au paragraphe 5 de cet article, le cas si cette mesure est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14 de ce règlement. Il découle clairement du libellé de cet article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), qu’il n’est pas
nécessaire de prendre en compte des solutions alternatives à la résolution et à la liquidation de l’entité concernée, ce qui est corroboré par le contexte dans lequel cette dernière disposition s’insère.
231 En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 187 du présent arrêt, l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à c), du règlement MRU subordonne l’adoption d’un dispositif de résolution à trois conditions cumulatives, dont la dernière porte sur la nécessité de la mesure de résolution dans l’intérêt public, tandis que la deuxième porte, précisément, sur l’absence de solutions alternatives à la résolution et à la liquidation. Ainsi, c’est dans le cadre de la vérification de la deuxième
de ces conditions, prévue à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), de ce règlement, qu’il convient d’examiner s’il existe des solutions alternatives à la résolution et à la liquidation.
232 En ce qui concerne la prise en compte des intérêts des actionnaires et des créanciers, il convient de relever que, si l’examen de la troisième condition relative à l’intérêt public doit, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), et paragraphe 5, dudit règlement, prendre en considération les objectifs de la résolution visés à l’article 14, paragraphe 2, premier alinéa, de celui-ci, force est toutefois de constater que la protection des intérêts des actionnaires et des
créanciers ne figure pas parmi ces objectifs, ni, par ailleurs, la limitation du coût de la résolution ou la prévention d’une destruction de valeur. En effet, si, conformément au second alinéa de cette disposition, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales doivent s’efforcer de prendre en considération ces deux derniers aspects dans la poursuite des objectifs de la résolution visés à l’article 14, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement, ces
entités ne sont pas tenues par une telle obligation de moyen en ce qui concerne la protection des intérêts des actionnaires et des créanciers.
233 En outre, le Tribunal a souligné, à juste titre, au point 246 de l’arrêt attaqué, que la « destruction de valeur », au sens de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement MRU, vise non pas uniquement les intérêts patrimoniaux des actionnaires et des détenteurs d’instruments de fonds propres de l’entité, mais également ceux de ses déposants, de ses salariés et de ses autres créanciers. En particulier, il ressort des termes mêmes de ce second alinéa que le CRU et la Commission
doivent seulement s’efforcer de limiter au minimum le coût de la résolution et d’éviter la destruction de valeur, à moins que la réalisation desdits objectifs ne l’exige.
234 Dans ces conditions, le Tribunal a jugé, sans commettre d’erreur de droit, au point 243 de l’arrêt attaqué, que l’application de la condition de résolution prévue à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de ce règlement n’exige pas de mettre en balance, spécifiquement, l’intérêt public à procéder à une résolution de l’entité concernée avec les droits des actionnaires et des créanciers.
235 Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la nécessité de prendre en compte les seuls intérêts privés des actionnaires et des créanciers ne s’impose pas davantage au regard du principe de proportionnalité, tel qu’il a été consacré par les dispositions du règlement MRU visées au point 221 du présent arrêt, ni au regard de l’article 17 et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
236 En effet, en ce qui concerne le respect du principe de proportionnalité, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’un objectif d’intérêt général ne saurait être poursuivi sans tenir compte du fait qu’il doit être concilié avec les droits fondamentaux concernés par la mesure, et ce en effectuant une pondération équilibrée entre, d’une part, l’objectif d’intérêt général et, d’autre part, les droits en cause [voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2022, Orde van Vlaamse Balies e.a.,
C‑694/20, EU:C:2022:963, point 41 et jurisprudence citée, ainsi que du 23 mars 2023, Generalstaatsanwaltschaft Bamberg (Exception au principe ne bis in idem), C‑365/21, EU:C:2023:236, point 59]. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 233 du présent arrêt, les droits des actionnaires et des créanciers ne sont pas les seuls droits à devoir être pris en compte dans la contexte de la résolution.
237 Partant, le premier grief invoqué au soutien de la troisième branche du premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
238 En ce qui concerne le deuxième grief, tiré d’une prétendue discrimination de Banco Popular par rapport à des établissements de crédit italiens qui auraient bénéficié d’aides d’État alors qu’ils n’exerçaient pas de fonctions critiques, il ressort, d’une part, des considérations figurant aux points 230 et 231 du présent arrêt que l’existence d’éventuelles solutions alternatives est sans pertinence pour l’appréciation de la condition prévue à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c),
du règlement MRU, mais relèvent du point b) de cet article 18, paragraphe 1, premier alinéa. Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 253 de l’arrêt attaqué, que les allégations quant à des solutions alternatives n’avaient aucun rapport avec le respect du critère de l’intérêt public.
239 D’autre part, dans la mesure où les requérants soutiennent que la discrimination de Banco Popular par rapport à des établissements de crédit italiens ne saurait être justifiée par le fait que ces établissements de crédit n’exerçaient pas de fonctions critiques, leur argumentation repose sur une lecture manifestement erronée du point 254 de l’arrêt attaqué. En effet, selon les indications figurant à ce point, le CRU s’est non seulement fondé sur l’absence de fonctions critiques desdits
établissements de crédit, mais également sur la considération que leur liquidation n’aurait pas d’effets négatifs significatifs sur la stabilité financière. Il apparaît ainsi que le CRU s’est précisément appuyé sur le critère prévu à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), et paragraphe 5, du règlement MRU, qui est de nature à justifier une différence de traitement.
240 Par leur troisième grief, les requérants soutiennent que, au point 261 de cet arrêt, le Tribunal a rejeté à tort, comme étant tardif, leur argument tiré du caractère disproportionné de la procédure de vente, alors que, dans leur réplique en première instance, ils en avaient justifié l’introduction par la publication d’une nouvelle documentation sur cette procédure.
241 À cet égard, il ressort, certes, d’une lecture combinée des points 1, 47 et 48 de cette réplique que l’argumentation des requérants tirée d’une irrégularité de la procédure de vente se fondait, en partie, sur des documents qui n’étaient pas disponibles lors de l’introduction du recours en première instance.
242 Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à établir, à elle seule, que le Tribunal aurait erronément considéré, au point 261 de l’arrêt attaqué, que les requérants étaient restés en défaut d’établir le motif pour lequel ils n’avaient pas contesté la régularité de la procédure de vente dans leur requête introductive d’instance.
243 En effet, dans la mesure où ladite argumentation se fondait également sur des documents disponibles lors de l’introduction de cette requête, il incombait aux requérants d’établir la raison pour laquelle le fait de ne pas avoir disposé de ces documents publiés ultérieurement les avait empêchés de contester, dès ce moment, ladite régularité, quitte à procéder à une ampliation de cette argumentation par la suite au moyen de ces derniers documents.
244 Or, force est de constater que, au stade du présent pourvoi, les requérants ne rapportent pas non plus une telle preuve.
245 Il s’ensuit que le troisième grief de la troisième branche du premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé et, partant, que cette branche doit être écartée dans son ensemble.
F. Sur les première à quatrième branches du deuxième moyen, tirées d’une méconnaissance de l’article 20 du règlement MRU
246 Par les première à quatrième branches du deuxième moyen, les requérants invoquent des erreurs de droit que le Tribunal aurait commises dans l’interprétation et l’application de l’article 20 du règlement MRU en relation avec les valorisations 1 et 2.
247 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 20, paragraphe 1, du règlement MRU, le CRU veille à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif de l’entité concernée soit effectuée par une personne indépendante, avant de décider d’une mesure de résolution ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents.
248 S’agissant de cette valorisation, les paragraphes 2, 3, 10 et 11 de cet article 20 opèrent une distinction entre des valorisations définitives, à savoir celles qui satisfont à toutes les exigences fixées aux paragraphes 1 et 4 à 9 de celui-ci, et des valorisations provisoires, qui ne respectent pas toutes ces exigences. Cela étant, en vertu de l’article 20, paragraphe 13, du règlement MRU, une valorisation provisoire, effectuée conformément à l’article 20, paragraphes 10 et 11, de ce
règlement, constitue une base valable pour que le CRU décide des mesures de résolution ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents.
249 En l’espèce, les valorisations 1 et 2 ont été adoptées en tant que valorisations provisoires. La valorisation 1, adoptée le 5 juin 2017 par le CRU sur le fondement de l’article 20, paragraphe 5, sous a), de ce règlement, avait pour objectif de fournir à cet organisme les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, prévues à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement étaient remplies.
250 Le 6 juin 2017, Deloitte a remis au CRU la valorisation 2. Cette valorisation avait pour but de procéder aux évaluations prévues à l’article 20, paragraphe 4, paragraphe 5, sous f), et paragraphe 9, de ce règlement.
251 Le même jour, la BCE a réalisé, après consultation du CRU, une évaluation sur la première condition de résolution ayant trait à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, conformément à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement.
252 Par les première à troisième branches du deuxième moyen, les requérants font, en substance, valoir que les valorisations 1 et 2 ne respectent pas les exigences prévues à l’article 20, paragraphes 1, 4, 5, 7 et 9, du règlement MRU, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé dans l’arrêt attaqué. Par la quatrième branche de ce moyen, tirée d’une méconnaissance de l’article 20, paragraphes 10 et 11, de ce règlement, les requérants soutiennent, en substance, que des valorisations provisoires
ne peuvent constituer une base valable pour l’adoption d’une mesure de résolution que si elles sont suivies par une valorisation définitive ex post.
1. Sur la première branche du deuxième moyen
253 Par la première branche du deuxième moyen, les requérants font valoir que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, les valorisations 1 et 2 ne respectaient pas les exigences de l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement MRU.
a) Argumentation des parties
254 Par le premier grief, les requérants soutiennent que, compte tenu des réserves exprimées dans les valorisations 1 et 2, celles-ci ne sauraient être considérées comme étant réalistes, prudentes et justes. Quant à la valorisation 1, le Tribunal aurait considéré à tort, aux points 347 et 294 de l’arrêt attaqué, que l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular avait rendu caduque cette valorisation. En effet, le CRU ne saurait déléguer ladite
valorisation à la BCE. En ce qui concerne la valorisation 2, ils invoquent une contradiction entre, d’une part, le rappel effectué par le Tribunal au point 353 de cet arrêt, selon lequel la valorisation doit se fonder sur des hypothèses justes, prudentes et réalistes, et, d’autre part, sa conclusion, au point 357 de celui-ci, selon laquelle ces exigences étaient réunies nonobstant les réserves exprimées par Deloitte.
255 Le deuxième grief est tiré d’une méconnaissance de l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement MRU, lu à la lumière des précisions figurant à l’article 8 du projet de normes techniques de réglementation. Contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 359 et 360 de l’arrêt attaqué, il découlerait de ces dispositions du règlement MRU que, même dans le cas des valorisations provisoires, l’évaluation devrait porter sur tous les éléments de l’actif et du passif de l’entité concernée.
256 Par leur troisième grief, les requérants font valoir que le Tribunal a jugé à tort, au point 392 de cet arrêt, que l’évaluation, dans la valorisation 2, de certains actifs ne constituait pas une sous-évaluation contraire à l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement. Quant aux prêts et créances visés aux points 370 et 371 dudit arrêt, ils font valoir que l’article 8 du projet de normes techniques de réglementation s’applique uniquement à des actifs nécessitant une attention particulière lors
de la valorisation. S’agissant des points 378 et 379 du même arrêt, les requérants soutiennent que la différence de la valeur des actifs d’impôt retenue, d’une part, dans la valorisation 2 et, d’autre part, dans les calculs de Banco Santander postérieurement à la résolution ne peut pas être justifiée par les bases imposables négatives. Aux points 386 et 387 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, à tort, considéré que l’attribution d’une valeur nulle au fonds de commerce était justifiée, alors que
Banco Popular aurait poursuivi ses activités en tant qu’entité distincte de Banco Santander jusqu’au 4 octobre 2018. En outre, quant à l’incidence de la faible performance de Banco Popular sur la valeur des actifs incorporels, la motivation de l’arrêt attaqué serait purement spéculative.
257 Par leur quatrième grief, les requérants soutiennent que la large fourchette de valeurs retenue par Deloitte dans la valorisation 2 est imprudente, injuste et irréaliste. À cet égard, le Tribunal aurait relevé, à tort, au point 396 de l’arrêt attaqué, que les requérants avaient contesté la crédibilité de cette fourchette sans soulever aucun argument spécifique. En outre, si l’article 2, paragraphe 3, du projet de normes techniques de réglementation permet de présenter la valorisation sous
forme de fourchettes de valeur, la large fourchette de valeurs de Deloitte ne saurait satisfaire au critère d’une valorisation prudente, juste et réaliste.
258 Par leur cinquième grief, les requérants font valoir que, aux points 404 à 409 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, à tort, leurs arguments mettant en cause le calcul de la valeur de l’actif net dans les valorisations 1 et 2 ainsi que l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular. Dans la mesure où ces deux valorisations auraient procédé à une estimation de la valeur de Banco Popular, elles seraient comparables, indépendamment de la
différence de leurs objectifs et fondements juridiques. En outre, pour les raisons invoquées dans le cadre de leur premier grief, résumées au point 254 du présent arrêt, le Tribunal aurait considéré à tort que la valorisation 1 avait été rendue caduque par cette évaluation de la BCE. S’agissant des contradictions entre la valorisation 2 et ladite évaluation de la BCE, il serait indifférent qu’une valeur économique ou comptable soit utilisée, dès lors que la valorisation 2 contiendrait des calculs
relatifs aux actifs non performants qui seraient contraires à ceux contenus dans l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular. En tout état de cause, la valeur négative retenue dans la valorisation 2 signifierait que Banco Popular était insolvable, ce qui contredirait manifestement cette évaluation de la BCE.
259 Selon la Commission et Banco Santander, la première branche du deuxième moyen est irrecevable, en ce que les requérants se limitent à reproduire les arguments qu’ils ont déjà avancés devant le Tribunal. En tout état de cause, cette première branche serait non fondée.
260 Le CRU et le Royaume d’Espagne soutiennent que cette branche est non fondée.
b) Appréciation de la Cour
261 S’agissant de l’exception d’irrecevabilité invoquée par la Commission et Banco Santander, il convient de relever que, par la première branche du deuxième moyen, les requérants visent, en substance, à remettre en cause l’interprétation, par le Tribunal, de l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement MRU. En outre, le pourvoi comporte des indications précises quant aux points critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments sur lesquels se fonde leur critique. Dans ces conditions, la
première branche de ce moyen ne saurait être déclarée irrecevable.
262 Quant au fond, les requérants invoquent cinq griefs au soutien de la première branche du deuxième moyen.
1) Sur le premier grief
263 Par le premier grief, les requérants critiquent les points 347 et 357 de l’arrêt attaqué, au motif que les réserves exprimées dans les valorisations 1 et 2, quant à la fiabilité et au caractère suffisant des informations vérifiées ainsi qu’à l’exactitude des résultats exprimés, étaient de nature à mettre en cause le caractère juste, prudent et réaliste de ces évaluations.
264 Quant à la valorisation 1, il ressort des points 296 et 347 de cet arrêt que le Tribunal a considéré que cette argumentation était inopérante, dans la mesure où cette valorisation avait été rendue caduque par l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular. Si les requérants soutiennent que le CRU ne saurait « déléguer » cette valorisation à la BCE, ils méconnaissent que, comme la Cour l’a déjà jugé, l’article 18, paragraphe 1, deuxième
alinéa, du règlement MRU confère une compétence prioritaire à la BCE pour procéder à cette évaluation, compte tenu de l’expertise dont elle dispose en tant qu’autorité de surveillance. En effet, ayant accès, en cette qualité, à l’ensemble des informations prudentielles au sujet de l’entité concernée, la BCE est la mieux placée pour déterminer, au regard de la définition de la défaillance avérée ou prévisible figurant à l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, de ce règlement, qui se réfère,
notamment, à des éléments liés à la situation prudentielle, tels que les conditions d’agrément, le montant de l’actif comparé à celui du passif ou l’endettement actuel ou futur, si cette condition est remplie (arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE, C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 62). En l’espèce, il importe d’ajouter que l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular était également fondée sur des données plus récentes que la
valorisation 1.
265 Il en découle que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a décidé, aux points 294 à 296 et 347 de l’arrêt attaqué, que l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular avait rendu caduque la valorisation 1, portant sur cette même situation.
266 En ce qui concerne la valorisation 2, il y a lieu de constater que l’argumentation des requérants repose sur une lecture manifestement erronée du point 353 de l’arrêt attaqué. Contrairement à ce qu’ils soutiennent, le Tribunal ne s’est pas limité à relever que la valorisation de l’entité concernée devait se fonder sur des hypothèses justes, prudentes et réalistes, mais il a souligné que l’évaluateur devait également tenir compte de différents facteurs et circonstances. Or, selon les
constatations factuelles du Tribunal, figurant au point 356 de cet arrêt, la valorisation 2 s’était basée sur des hypothèses et avait pris en considération de multiples facteurs, tout en s’étant fondée sur des estimations et des évaluations prospectives. En outre, il a relevé à juste titre, au point 357 dudit arrêt, que, compte tenu également des contraintes de temps et des informations disponibles, certaines incertitudes et approximations sont inhérentes à toute valorisation provisoire effectuée en
application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement MRU.
267 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, au point 357 du même arrêt, le Tribunal a jugé, à bon droit et sans contredire le constat figurant au point 353 de celui-ci, que les réserves formulées par Deloitte n’étaient pas susceptibles de mettre en cause le caractère juste, prudent et réaliste de la valorisation 2.
268 Ainsi, le premier grief doit être rejeté comme non fondé.
2) Sur le deuxième grief
269 Les requérants soutiennent que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 359 et 360 de l’arrêt attaqué, il découle de l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement MRU ainsi que de l’article 8 du projet de normes techniques de réglementation que même des valorisations provisoires doivent comporter une évaluation de tous les éléments d’actif et de passif, sans pouvoir se concentrer sur certains de ces éléments.
270 À cet égard, il convient de relever que l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement dispose que la valorisation de l’actif et du passif doit être « juste, prudente et réaliste », sans toutefois exiger une détermination exhaustive de tous les éléments de l’actif et du passif. Une telle exigence ne découle pas davantage de l’article 20, paragraphe 4, dudit règlement qui se borne à indiquer que la valorisation « a pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif ».
271 Or, ainsi qu’il est précisé à l’article 20, paragraphe 10, seconde phrase, du règlement MRU, si, dans une situation d’urgence, la valorisation provisoire doit comporter une estimation de l’actif et du passif, elle ne doit respecter l’exigence tenant à son caractère juste, prudent et réaliste que dans la mesure où cela est raisonnablement possible, compte tenu des circonstances. En effet, une détermination exhaustive de tous les éléments de l’actif et du passif peut s’avérer impossible dans
une situation d’urgence, telle que celle qui caractérise l’adoption de valorisations provisoires.
272 Dans le même ordre d’idées, l’article 8 du projet de normes techniques de réglementation prévoit que l’évaluateur porte une attention particulière aux éléments pour lesquels il existe une incertitude importante en ce qui concerne la valorisation et qui ont une incidence importante sur la valorisation globale.
273 Dans ces conditions, le Tribunal a jugé à bon droit, aux points 359 et 360 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu de la courte période de temps disponible, Deloitte pouvait accorder une stricte priorité à l’examen des informations disponibles, en se concentrant uniquement sur les éléments clés de l’actif et du passif de Banco Popular dont la valorisation était hautement incertaine.
274 Il s’ensuit que le deuxième grief doit être écarté.
3) Sur le troisième grief
275 En ce qui concerne le troisième grief, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où le CRU et la Commission sont appelés à procéder à des choix de nature technique et à effectuer des prévisions et des appréciations complexes lors de l’adoption d’un dispositif de résolution, il y a lieu de leur reconnaître une marge d’appréciation certaine. Compte tenu de cette marge d’appréciation, le contrôle juridictionnel que le juge de l’Union doit exercer sur le bien-fondé des motifs d’un dispositif de
résolution ne doit pas le conduire à substituer sa propre appréciation à celle du CRU et de la Commission, mais vise à vérifier que cette décision ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2023, BCE/Crédit lyonnais, C‑389/21 P, EU:C:2023:368, point 55 et jurisprudence citée). Ces principes s’appliquent à la valorisation du passif et de l’actif d’un
établissement bancaire prévue à l’article 20, paragraphes 1, 3, 10, 11 et 13, du règlement MRU, qu’elle soit effectuée par le CRU ou à sa demande par un expert indépendant.
276 S’agissant des prêts et des créances visés aux points 370 et 371 de l’arrêt attaqué, les requérants se limitent à relever que, selon eux, l’article 8 du projet de normes techniques de réglementation s’applique uniquement à des actifs nécessitant une attention particulière lors de la valorisation. Toutefois, au point 370 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que les prêts et créances font partie des éléments visés par cette disposition, pour lesquels il existe une incertitude importante et
auxquels l’évaluateur porte une attention particulière. Or, dans leur pourvoi, les requérants n’avancent aucun argument mettant spécifiquement en cause cette appréciation, mais demandent, en substance, à la Cour d’effectuer une nouvelle appréciation des faits, ce qui n’est pas en son pouvoir dans le cadre d’un pourvoi. Un tel argument est, partant, irrecevable.
277 Quant aux points 378 et 379 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’évaluation des actifs d’impôts effectuée par Banco Santander à l’issue de la résolution de Banco Popular n’est pas de nature à établir que Deloitte avait procédé à une sous-évaluation. À cet égard, il a, notamment, relevé que la valeur donnée à ces actifs par Banco Santander dépendait, entre autres, des synergies entre Banco Santander et Banco Popular, alors que Deloitte devait déterminer la valeur des différentes
catégories d’actifs non pas pour un acquéreur déterminé, mais pour tout acquéreur potentiel. Or, les requérants contestent le bien-fondé de ces appréciations de nature factuelle et demandent, partant, à la Cour d’effectuer une nouvelle appréciation des faits, de telle sorte que leur demande à cet égard doit être déclarée irrecevable.
278 Enfin, aux points 386 et 387 de cet arrêt, le Tribunal a rappelé les explications fournies par Deloitte en ce qui concerne la méthode d’évaluation des biens incorporels, tout en précisant que, selon elle, la faible performance de Banco Popular était une indication des dépréciations potentielles des actifs incorporels. Dans leur pourvoi, les requérants contestent ces appréciations et invoquent le caractère prétendument spéculatif de ce dernier constat, en se fondant sur des faits postérieurs à
la résolution. Il en découle que les requérants demandent, là encore, à la Cour d’effectuer une nouvelle appréciation des faits, ce qui constitue une demande irrecevable au stade du pourvoi.
279 Il s’ensuit que le troisième grief doit être écarté comme étant irrecevable.
4) Sur le quatrième grief
280 En ce qui concerne la fourchette de valeurs retenue dans la valorisation 2, il ressort des points 395 à 400 de l’arrêt attaqué que, selon les indications fournies par Deloitte, l’écart entre les valeurs retenues pour les différents scénarios se justifiait par la méthode utilisée dans cette valorisation, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du projet de normes techniques de réglementation.
281 Or, si les requérants soutiennent, dans leur pourvoi, que la fourchette retenue était trop importante pour pouvoir être considérée comme étant prudente, juste et réaliste, ils reconnaissent que la méthode de valorisation choisie était conforme à cette disposition. Partant, ils demandent, à nouveau, à la Cour d’effectuer une nouvelle appréciation des faits, ce qui constitue une demande irrecevable au stade du pourvoi.
282 Partant, le quatrième grief est irrecevable.
5) Sur le cinquième grief
283 Par leur cinquième grief, les requérants font valoir que, aux points 404 à 409 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, à tort, leur argumentation selon laquelle il existait une contradiction entre la valeur de l’actif retenue dans la valorisation 2, se situant dans une fourchette comprise entre 1,3 milliard d’euros et moins 8,2 milliards d’euros, et la valorisation 1 ainsi que l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular ayant conclu à
la solvabilité de Banco Popular.
284 En premier lieu, ils soutiennent, en substance, que la circonstance que le CRU et Deloitte ont tous deux procédé à une valorisation de Banco Popular suffit, à elle seule, pour rendre les valorisations 1 et 2 comparables, indépendamment de leurs différences quant à l’objectif poursuivi et au fondement juridique de celles-ci.
285 Toutefois, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, au point 406 de l’arrêt attaqué, que les objectifs distincts poursuivis par les valorisations 1 et 2 impliquait que ces valorisations devaient s’appuyer sur des critères d’évaluation différents, définis dans le projet de normes techniques de règlementation de l’ABE. Le Tribunal a ainsi rappelé, plus précisément, que, conformément à ce projet de normes techniques de règlementation, la valorisation 1 visait principalement à déterminer si
la valeur totale des éléments d’actif de l’entité dépassait celle de ses éléments de passif, à savoir sa solvabilité au regard du bilan, tandis que la valorisation 2 devait non pas s’appuyer sur la valeur comptable, mais sur la valeur économique de l’entité.
286 Compte tenu de ces différences, le Tribunal a pu rejeter, sans commettre d’erreur de droit, l’argument tiré d’une prétendue contradiction entre ces valorisations.
287 En deuxième lieu, eu égard aux considérations figurant au point 264 du présent arrêt, le Tribunal a jugé, à bon droit, que l’évaluation de la BCE relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular avait rendu caduque la valorisation 1, en ce qu’elle portait sur cette même situation.
288 S’agissant, en troisième lieu, des prétendues contradictions entre la valorisation 2 et cette évaluation de la BCE, les requérants ne contestent pas le constat figurant au point 409 de l’arrêt attaqué, selon lequel la valorisation 2 devait tenir compte de la valeur non pas comptable, mais économique de Banco Popular, ce qui est de nature à exclure l’existence d’une contradiction manifeste entre la valeur économique négative retenue dans cette valorisation et le constat, figurant notamment
dans ladite évaluation de la BCE, selon lequel Banco Popular était solvable.
289 Par ailleurs, en l’absence de toute précision quant aux prétendues contradictions concernant le calcul des actifs non performants, l’argument tiré de telles contradictions ne saurait suffire pour établir une erreur de droit commise par le Tribunal.
290 Il s’ensuit que le cinquième grief et, partant, la première branche du deuxième moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme non fondés.
2. Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement MRU
291 Par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit dans le cadre de son examen de la conformité des valorisations 1 et 2 avec l’article 20, paragraphe 5, du règlement MRU.
a) Argumentation des parties
292 Premièrement, les requérants font valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 292 et 293 de l’arrêt attaqué, l’analyse prévue à l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement MRU doit être effectuée par une personne indépendante et non par le CRU. Deuxièmement, au point 298 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait constaté, à tort, que les requérants n’avaient pas soulevé d’arguments quant à l’article 20, paragraphe 5, sous c), de ce règlement, alors qu’ils auraient
soutenu dans leur réplique en première instance que ces valorisations n’avaient pas analysé l’objectif visé à cette dernière disposition. Troisièmement, le Tribunal aurait jugé sans aucun élément de preuve ou de motivation, aux points 299 et 301 de l’arrêt attaqué, que la valorisation 2 comprenait l’analyse prévue à l’article 20, paragraphe 5, sous b), f) et g), dudit règlement.
293 Banco Santander excipe de l’irrecevabilité de la deuxième branche du deuxième moyen, au motif que les requérants se limitent à reproduire les arguments qu’ils ont déjà avancés devant le Tribunal. En tout état de cause, cette branche serait non fondée.
294 La Commission, le CRU et le Royaume d’Espagne soutiennent que la deuxième branche de ce moyen n’est pas fondée.
b) Appréciation de la Cour
1) Sur la recevabilité
295 Quant à l’exception d’irrecevabilité invoquée par Banco Santander, il convient de relever que, par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérants visent à mettre en cause l’interprétation, par le Tribunal, de l’article 20, paragraphe 5, du règlement MRU, tout en précisant les points critiqués de l’arrêt attaqué et les arguments sur lesquels se fonde leur critique. Dès lors, la deuxième branche de ce moyen ne saurait être déclarée irrecevable dans son intégralité.
296 Cela étant, s’agissant du troisième grief invoqué au soutien de cette branche, le Tribunal a constaté, en se fondant sur le dispositif de résolution litigieux et sur le rapport de Deloitte, que ce dernier avait pris en compte les objectifs prévus à l’article 20, paragraphe 5, sous b), f) et g), de ce règlement aux fins de son analyse. Si les requérants invoquent désormais une absence d’analyse de ces objectifs dans la valorisation 2, ils mettent en cause les appréciations factuelles du
Tribunal sans toutefois invoquer une dénaturation. Dès lors, le troisième grief de la deuxième branche du deuxième moyen est irrecevable.
2) Sur le fond
297 En ce qui concerne le premier grief, il y a lieu de rappeler que l’article 20, paragraphe 5, du règlement MRU précise les objectifs que la valorisation de l’actif et du passif prévue à son article 20, paragraphe 1, doit poursuivre. Si cette dernière disposition dispose que cette valorisation doit être effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée, l’article 20, paragraphe 3, de ce
règlement prévoit expressément que le CRU peut procéder à une valorisation provisoire de l’actif et du passif, dans le cas où une valorisation indépendante n’est pas possible.
298 Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 292 et 293 de l’arrêt attaqué, que l’analyse de l’objectif visé à l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement MRU ne doit pas toujours être effectuée par un expert indépendant.
299 Partant, le premier grief de la seconde branche du deuxième moyen n’est pas fondé.
300 S’agissant du deuxième grief, il est vrai que les requérants contestent à juste titre l’exactitude du constat figurant au point 298 de l’arrêt attaqué selon lequel ils n’auraient pas soulevé d’argument spécifique quant à l’objectif visé à l’article 20, paragraphe 5, sous c), du règlement MRU dans leur requête et leur réplique en première instance. En effet, dans cette dernière, ils avaient effectivement invoqué l’absence de valorisation au regard de cet objectif.
301 Il n’en demeure pas moins que, comme M^me l’avocate générale l’a relevé au point 48 de ses conclusions, le Tribunal a pu néanmoins, sans commettre d’erreur de droit, juger aux points 302 et 303 de l’arrêt attaqué, que la valorisation 1 était conforme aux dispositions du règlement MRU, en se fondant sur l’article 20, paragraphes 10 et 11, de ce règlement.
302 À cet égard, il convient de relever que l’article 20, paragraphe 10, dudit règlement précise que, en cas d’urgence, si certaines des exigences de valorisation doivent être respectées, d’autres ne doivent l’être que dans la mesure du possible. Or, au titre de ces deux types d’exigences, cette disposition ne mentionne pas l’analyse des objectifs de la valorisation visés à l’article 20, paragraphe 5, du même règlement.
303 En outre, l’article 20, paragraphe 11, du règlement MRU prévoit expressément qu’une valorisation qui ne respecte pas toutes les exigences fixées à l’article 20, paragraphes 1 et 4 à 9, de ce règlement est considérée comme provisoire jusqu’à ce qu’une personne indépendante ait effectué une valorisation respectant pleinement lesdites exigences. Or, conformément à l’article 20, paragraphe 13, dudit règlement, une telle valorisation provisoire constitue une base valable pour que le CRU décide des
mesures de résolution. Ainsi, la prétendue absence de prise en compte de l’objectif visé à l’article 20, paragraphe 5, sous c), du même règlement a pour conséquence non pas l’illégalité de la valorisation, mais seulement son caractère provisoire.
304 Partant, le deuxième grief de la deuxième branche du deuxième moyen est inopérant.
305 Il s’ensuit que la deuxième branche du deuxième moyen est, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
3. Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une méconnaissance de l’article 20, paragraphes 7 et 9, du règlement MRU
306 Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérants invoquent une violation de l’article 20, paragraphes 7 et 9, du règlement MRU. Cette branche se divise en deux griefs.
a) Argumentation des parties
307 Par le premier grief, les requérants soutiennent que, aux points 417 et 418 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a méconnu l’article 20, paragraphe 7, du règlement MRU en jugeant que les déficiences des documents comptables mentionnées dans la valorisation 2 n’étaient pas pertinentes, au motif qu’elles figuraient dans la partie du rapport consacrée à l’analyse du scénario de liquidation. Toutefois, la valorisation 2 aurait, sur le fondement de cette même disposition, précisément évalué si les
investisseurs auraient été mieux ou moins bien traités dans un scénario de liquidation.
308 Par leur second grief, tiré d’une violation de l’article 20, paragraphe 9, de ce règlement, les requérants font valoir que le Tribunal a méconnu les termes mêmes de cette disposition en jugeant, aux points 421 à 423 de cet arrêt, que la question du traitement des différentes catégories d’actionnaires et de créanciers dans un scénario de liquidation relevait non pas de la valorisation 2, mais de la valorisation 3.
309 Selon Banco Santander, la troisième branche du deuxième moyen est irrecevable, au motif que les requérants se limitent à reproduire les arguments qu’ils ont déjà avancés devant le Tribunal. En tout état de cause, cette branche du deuxième moyen serait non fondée.
310 La Commission, le CRU et le Royaume d’Espagne estiment que la troisième branche de ce moyen est non fondée.
b) Appréciation de la Cour
311 En ce qui concerne l’exception d’irrecevabilité, il convient de relever que, par la troisième branche du deuxième moyen, les requérants font valoir que, aux points 417 et 418 ainsi qu’aux points 421 à 423 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, à tort, plusieurs griefs mettant en cause la conformité de la valorisation 2 avec l’article 20, paragraphes 7 et 9, du règlement MRU.
312 Ainsi, contrairement à ce que Banco Santander soutient, les requérants ne se bornent pas à réitérer les arguments qu’ils avaient avancés en première instance, de telle sorte que ces arguments sont recevables.
313 Cela étant, la troisième branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant inopérante.
314 S’agissant du premier grief de cette branche, tiré d’une méconnaissance de l’article 20, paragraphe 7, du règlement MRU, il convient de relever que les points critiqués de l’arrêt attaqué s’insèrent dans l’examen du Tribunal lié à l’argumentation des requérants selon laquelle la valorisation 2 devait être complétée par un bilan actualisé et un rapport sur la situation financière de chaque entité composant le groupe Banco Popular.
315 Or, pour rejeter cette argumentation, le Tribunal ne s’est fondé qu’à titre surabondant, aux points 416 à 419 de l’arrêt attaqué, sur l’absence de pertinence des documents présentés devant lui. En effet, au point 415 de cet arrêt, le Tribunal avait déjà relevé qu’une telle exigence ne découlait pas de l’article 20, paragraphe 7, de ce règlement. En outre, au point 414du même arrêt, il a rappelé que, en vertu de l’article 20, paragraphe 10, dudit règlement, une valorisation provisoire, telle
que la valorisation 2, ne devait respecter les exigences de l’article 20, paragraphes 7 et 9, du même règlement que dans la mesure où cela était raisonnablement possible compte tenu des circonstances.
316 Ces considérations, que les requérants ne contestent pas dans le cadre du pourvoi, fondent à suffisance de droit le rejet de leur argument tiré d’une méconnaissance de l’article 20, paragraphe 7, du règlement MRU.
317 Quant au second grief de la troisième branche du deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 20, paragraphe 9, du règlement MRU, les requérants se limitent à critiquer les points 421 à 423 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal y a considéré que la question du traitement des différentes catégories d’actionnaires et de créanciers dans un scénario de liquidation relevait non pas de la valorisation 2, mais de la valorisation 3.
318 Toutefois, il ressort des points 420, 421 et 423 in fine de cet arrêt que, pour rejeter leur argument tiré d’une violation de l’article 20, paragraphe 9, du règlement MRU, le Tribunal s’est également fondé sur le constat que la valorisation 2 avait respecté les exigences résultant de cette disposition, dans la mesure où cela était raisonnablement possible compte tenu des circonstances, en conformité avec à l’article 20, paragraphe 10, de ce règlement. Or, les requérants ne contestent pas ce
constat, si bien que le second grief est également inopérant.
319 Partant, il y a lieu d’écarter la troisième branche du deuxième moyen.
4. Sur la quatrième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 20, paragraphes 10 et 11, du règlement MRU
a) Argumentation des parties
320 Par la quatrième branche du deuxième moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a méconnu l’article 20, paragraphes 10 et 11, du règlement MRU, en ce qu’il a jugé, aux points 277 à 284 de l’arrêt attaqué, que l’absence d’adoption d’une valorisation définitive ex post n’était pas de nature à affecter la validité du dispositif de résolution litigieux.
321 En effet, en vertu de l’article 20, paragraphe 13, de ce règlement, une valorisation provisoire devrait être réalisée en conformité avec les paragraphes 10 et 11 de cet article pour constituer une base valable pour décider des mesures de résolution, et ce avant la résolution. Or, il découlerait de l’article 20, paragraphe 11, dudit règlement qu’une valorisation provisoire devrait être suivie d’une valorisation définitive ex post. Dans le cas contraire, l’obligation de procéder à des
valorisations définitives serait dépourvue de pertinence.
322 Par ailleurs, si, en vertu de l’article 20, paragraphe 10, du règlement MRU, les exigences fixées aux paragraphes 1, 7 et 9 de cet article ne devaient être respectées que pour autant que cela soit raisonnablement possible compte tenu des circonstances, cette disposition ne dispenserait pas expressément le CRU de se conformer aux exigences découlant de l’article 20, paragraphe 5, de ce règlement. Dans ce contexte, les requérants ajoutent que, aux points 283 et 284 de l’arrêt attaqué, le
Tribunal a rejeté, à tort, leur allégation selon laquelle le refus d’adopter des valorisations définitives confirme l’inexactitude des versions provisoires de ces valorisations.
323 La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et Banco Santander contestent le bien-fondé de cette argumentation.
b) Appréciation de la Cour
324 Par la quatrième branche du deuxième moyen, les requérants critiquent les points 277 à 284 de l’arrêt attaqué, au motif que, selon eux, une valorisation provisoire ne peut constituer une base valable pour décider des mesures de résolution que si elle est suivie d’une valorisation définitive ex post.
325 À cet égard, il est, certes, vrai que l’article 20, paragraphe 13, du règlement MRU vise des valorisations provisoires effectuées « conformément aux paragraphes 10 et 11 [de cet article] », ce qui tend à indiquer qu’une valorisation provisoire doit respecter les conditions prévues par les paragraphes 10 et 11 dudit article pour pouvoir constituer une base valable aux fins de l’adoption d’une mesure de résolution. Toutefois, l’article 20, paragraphe 11, de ce règlement dispose qu’une
valorisation ne respectant pas toutes les exigences fixées aux paragraphes 1 et 4 à 9 de cet article 20 est considérée comme provisoire « jusqu’à ce qu’une personne indépendante [...] ait effectué [...] une valorisation définitive ex post [...] dans les meilleurs délais ». Il découle de ces termes mêmes, notamment de la conjonction « jusqu’à ce que », que la réalisation d’une valorisation définitive ex post ne constitue pas une condition pour qu’une valorisation puisse être considérée comme étant
provisoire.
326 C’est à tort que les requérants font valoir que cette interprétation est de nature à priver de tout effet utile la valorisation définitive ex post prévue à l’article 20, paragraphe 11, du règlement MRU. En effet, aux termes de cette disposition, celle-ci a pour objectif, d’une part, de faire en sorte que toute perte subie par l’entité concernée soit pleinement prise en compte dans sa comptabilité et, d’autre part, de fournir des éléments permettant d’adopter une décision quant à la reprise
des créances ou à l’augmentation de la valeur de la contrepartie versée, en vertu de l’article 20, paragraphe 12, de ce règlement.
327 En outre, la valorisation définitive ex post intervenant, compte tenu de cet objectif, nécessairement après l’adoption de l’approbation d’un dispositif de résolution, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 ainsi que
jurisprudence citée).
328 Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 277 à 284 de l’arrêt attaqué, que l’absence d’adoption d’une valorisation définitive ex post n’était pas de nature à affecter la validité du dispositif de résolution litigieux.
329 S’agissant de l’allégation selon laquelle le refus d’adopter une valorisation définitive ex post confirme l’inexactitude des versions provisoires, le Tribunal a relevé, à bon droit, que cette allégation est purement spéculative et, en tout état de cause, met en cause non pas l’absence d’une valorisation définitive ex post, mais la valorisation 2.
330 Par ailleurs, si les requérants font remarquer que l’article 20, paragraphe 10, du règlement MRU ne vise pas les exigences résultant du paragraphe 5 de cet article, il convient de relever que cet argument se rapporte aux erreurs de droit invoquées dans le cadre du second grief de la deuxième branche du deuxième moyen et doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 300 à 303 du présent arrêt.
331 Il s’ensuit que la quatrième branche de ce moyen est non fondée.
G. Sur le troisième moyen, relatif à la demande indemnitaire liée à l’annulation du dispositif de résolution litigieux et de la décision 2017/1246
332 Par leur troisième moyen, les requérants soutiennent que, aux points 590 et 591 de l’arrêt attaqué, c’est à tort que le Tribunal a rejeté leur demande indemnitaire liée à l’annulation du dispositif de résolution litigieux et de la décision 2017/1246.
333 Ainsi que M^me l’avocate générale l’a relevé au point 60 de ses conclusions, les requérants se limitent, à cet égard, à identifier les points critiqués de l’arrêt attaqué et à indiquer qu’ils maintiennent leurs arguments quant à l’illégalité de ces décisions ainsi que leur demande indemnitaire fondée sur cette illégalité, sans toutefois préciser l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal.
334 Or, conformément à la jurisprudence constante de la Cour rappelée au point 140du présent arrêt, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné.
335 Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer le troisième moyen comme étant irrecevable.
H. Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’obligation de confidentialité
336 Par la première branche du quatrième moyen, les requérants soutiennent que, dans le cadre de son examen portant sur leur recours en responsabilité non contractuelle en raison d’une violation de l’obligation de confidentialité, le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 339 TFUE ainsi que des articles 88 et 91 du règlement MRU, lus en combinaison avec le considérant 116 de celui-ci. Cette branche se divise en huit griefs.
1. Argumentation des parties
337 En premier lieu, les requérants soutiennent que le Tribunal a méconnu les exigences de diligence et de prudence résultant des articles 88 et 91 du règlement MRU, lus en combinaison avec le considérant 116 de celui-ci, ainsi que de l’article 339 TFUE, en jugeant, aux points 613 et 616 à 618 de l’arrêt attaqué, que la présidente du CRU n’avait enfreint ni le principe de confidentialité ni l’obligation de secret professionnel lors de l’interview qu’elle avait accordée à la chaîne de télévision
Bloomberg. En effet, lors de cette interview, elle aurait confirmé que le CRU était en train de surveiller Banco Popular, contrairement à ce qu’aurait fait une administration normalement prudente et diligente.
338 Or, eu égard au considérant 116 du règlement MRU, il faudrait partir du principe que le simple fait d’indiquer que le CRU examine une entité particulière pourrait avoir une incidence négative sur cette entité. À cet égard, les requérants estiment que l’existence antérieure d’échos négatifs dans la presse sur Banco Popular, loin d’exonérer le CRU de sa responsabilité, auraient dû l’amener à faire preuve d’une extrême prudence concernant toute mention de Banco Popular. Par ailleurs, le marché
aurait interprété les propos émis dans ladite interview comme un indice qu’une mesure de résolution pourrait être adoptée.
339 En deuxième lieu, ils invoquent, en substance, une application de critères juridiques différents. Dans le cadre de son examen portant sur la responsabilité du CRU, le Tribunal aurait, aux points 615 et 616 de l’arrêt attaqué, limité la portée du considérant 116 du règlement MRU aux situations dans lesquelles il a été spécifiquement révélé qu’une banque allait faire l’objet d’une procédure de résolution. En revanche, dans le cadre de l’examen relatif au droit d’être entendu, figurant aux
points 485 à 488 de cet arrêt, le Tribunal aurait estimé que la simple communication d’informations quant au fait qu’une entité se trouve en situation de défaillance avérée ou prévisible est susceptible d’avoir des effets négatifs.
340 En troisième lieu, aux points 613 et 616 de cet arrêt, le Tribunal aurait minimisé l’importance de l’impact des déclarations de la présidente du CRU sur la situation de Banco Popular, en comparant ces déclarations avec un article antérieur paru dans le journal El Confidencial du 15 mai 2017, qui rapportait que Banco Popular faisait l’objet d’une inspection par la BCE. Toutefois, l’examen par la BCE en tant qu’autorité de surveillance du secteur bancaire rapporté dans cet article de journal ne
serait aucunement comparable au fait d’être surveillé par le CRU. En outre, la parution d’un article dans la presse non financière ne serait pas non plus comparable aux déclarations de la présidente du CRU sur la chaîne de télévision Bloomberg. Par ailleurs, à la différence de la date desdites déclarations, la date de parution de l’article de journal du 15 mai 2017 n’apparaîtrait dans aucun document officiel comme une date à laquelle des fuites de dépôts ou des effondrements de cours auraient été
constatés.
341 En ce qui concerne, en quatrième lieu, l’article de presse publié, le 31 mai 2017, par l’agence Reuters, les requérants soutiennent que, contrairement à ce que le Tribunal a constaté, au point 625 de l’arrêt attaqué, la fuite d’informations internes relatée par cet article laissait entendre au marché que Banco Popular allait faire l’objet d’une mesure de résolution, nonobstant le démenti figurant dans un communiqué de presse ultérieur du CRU. S’agissant des considérations figurant aux
points 627 à 632 de cet arrêt, ils soutiennent que, si d’autres articles de presse, parus les 11 et 15 mai 2017 dans le journal El Confidencial, avaient déjà évoqué un risque de faillite de Banco Popular, aucun de ces articles n’avait mentionné de sources de l’Union, à la différence dudit article publié par l’agence Reuters. En tout état de cause, le Tribunal méconnaîtrait la réalité selon laquelle un lien aurait été établi entre l’article publié par l’agence Reuters le 31 mai 2017 et les
déclarations faites, le 23 mai 2017, par la présidente du CRU, ce qui aurait provoqué une panique généralisée sur le marché.
342 En cinquième lieu, les requérants font valoir que le considérant 116 et l’article 88 du règlement MRU établissent une présomption réfragable quant à l’existence d’un lien de causalité entre, d’une part, des déclarations, fuites et autres communications au public faites en violation de l’obligation de confidentialité et, d’autre part, le préjudice causé. Ainsi, en cas de violation de cette obligation, la charge de la preuve serait renversée et il incomberait aux organismes de l’Union de
prouver l’absence d’un tel lien. Or, aux points 636 à 641 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de cette présomption.
343 En sixième lieu, ils soutiennent que les deux courriels internes concernant une potentielle fuite d’informations datant des 10 et 18 août 2017, qu’ils ont produits devant le Tribunal, démontrent que le CRU n’avait mis en place aucun mécanisme automatique efficace de contrôle ou d’alerte quant à de telles fuites et aux déclarations de sa présidente. Contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé, aux points 644 et 645 de l’arrêt attaqué, l’absence d’un tel mécanisme était pertinent pour
apprécier une méconnaissance de l’obligation de confidentialité.
344 En septième lieu, le Tribunal se serait abstenu, à tort, aux points 609 et 610 de l’arrêt attaqué, de se prononcer sur leurs arguments concernant les fuites d’informations vers les administrations espagnoles qui compteraient un membre au sein du CRU.
345 En huitième et dernier lieu, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir rejeté, aux points 647 à 651 de l’arrêt attaqué, leur grief relatif à la prétendue attitude passive du CRU et de la Commission, au motif qu’ils n’avaient pas expliqué ce qu’ils reprochaient à la Commission et au CRU, ni quelle était la disposition dont ils invoquaient la violation, et que, dans l’hypothèse où ils feraient référence aux arguments présentés dans le recours en annulation, ces arguments avaient déjà été
rejetés.
346 Toutefois, au point 169, sous ii) et iii), de leur requête en première instance, ils auraient invoqué, en relation avec les déclarations et les fuites du CRU et le processus décisionnel, une violation des principes de bonne administration et de diligence, du principe nemo auditur, de l’obligation de motivation, du principe de proportionnalité en rapport avec l’article 17 de la Charte ainsi que du principe de non-discrimination. Ces principes et droits fondamentaux seraient susceptibles
d’engager la responsabilité non contractuelle du CRU et de la Commission pour violation de l’article 88 du règlement MRU ainsi que pour manque de soin et de prudence dans la mise en œuvre de l’article 18 de ce règlement, en ce qu’ils auraient adopté une mesure de résolution à l’égard de Banco Popular de manière précipitée, tout en commettant une série d’omissions et d’actions illégales qui auraient causé un préjudice aux requérants. Les requérants font valoir qu’ils maintiennent ces griefs, en
invoquant les erreurs de droit avancées dans le cadre des premier et deuxième moyens.
347 Le CRU soutient que la première branche du quatrième moyen est irrecevable, au motif que, en cette branche, le pourvoi se limite à réitérer les arguments déjà présentés en première instance. La Commission invoque, pour les mêmes raisons, l’irrecevabilité du huitième grief invoqué au soutien de cette branche, tout en soutenant que les allégations faites sont générales et imprécises, ce qui empêcherait la partie adverse de se défendre utilement.
2. Appréciation de la Cour
348 À titre liminaire, en ce que le CRU fait valoir que la première branche du quatrième moyen se limite à réitérer les arguments déjà présentés en première instance, il convient de relever que, en cette branche, le pourvoi vise, en substance, à remettre en cause le bien-fondé de la motivation du Tribunal à l’égard de plusieurs questions de droit qui lui ont été soumises en ce qui concerne la violation de l’obligation de confidentialité par le CRU et/ou par la Commission. En outre, dans la mesure
où cette branche comporte des indications précises quant aux points critiqués de l’arrêt attaqué, elle ne saurait être déclarée irrecevable dans son intégralité.
349 Pour le reste, les exceptions d’irrecevabilité se limitent à certains griefs invoqués au soutien de la première branche du quatrième moyen. Il convient de les examiner dans la cadre de l’analyse portant sur le grief concerné.
a) Sur les premier à troisième griefs, tirés d’une méconnaissance de l’obligation de confidentialité
350 Par les premier à troisième griefs de la première branche du quatrième moyen, les requérants soutiennent, en substance, que les points 611 à 618 de l’arrêt attaqué sont entachés d’une interprétation et d’une application erronée de l’obligation de confidentialité, résultant de l’article 339 TFUE ainsi que des articles 88 et 91 du règlement MRU, lus à la lumière du considérant 116 de celui-ci, eu égard aux propos tenus par la présidente du CRU lors de l’interview qu’elle a accordée à la chaîne
de télévision Bloomberg, le 23 mai 2017.
351 En ce qui concerne, en premier lieu, l’interprétation de cette obligation, les requérants reprochent au Tribunal de ne pas avoir considéré que le simple fait d’indiquer que le CRU surveille une entité particulière peut porter atteinte à ladite obligation.
352 En vertu de l’article 339 TFUE, les membres des institutions de l’Union et les fonctionnaires et agents de celle-ci sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient.
353 Pour ce qui concerne le CRU, l’article 88, paragraphe 1, du règlement MRU dispose que les membres du CRU et, notamment, le personnel de cet organisme sont soumis aux exigences de secret professionnel prévues à l’article 339 TFUE et par les actes pertinents de la législation de l’Union. À cet effet, il leur est, notamment, interdit de divulguer à toute personne ou autorité des informations confidentielles obtenues dans l’exercice de leurs activités professionnelles, à moins que, notamment, ce
ne soit dans l’exercice desdites fonctions ou sous une forme résumée ou agrégée empêchant l’identification de l’entité concernée. Cela étant, l’article 88, paragraphe 1, du règlement MRU ne précise pas lui-même ce que constituent des informations confidentielles.
354 À cet égard, le considérant 116 de ce règlement précise, tout d’abord, que « les informations relatives au contenu et aux détails des plans de résolution et les résultats de l’examen de ces plans peuvent avoir de lourdes conséquences, en particulier pour les entreprises concernées » et qu’« [i]l faut partir du principe que la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont
réunies, sur le recours à un instrument spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action ».
355 Ensuite, aux termes de ce considérant, « le simple fait d’indiquer que le CRU et les autorités de résolution nationales examinent une entité particulière pourrait avoir une incidence négative sur cette entité » et qu’il « est donc indispensable de veiller à l’existence de mécanismes appropriés permettant de préserver la confidentialité de ces informations ».
356 Enfin, ledit considérant spécifie les informations ainsi visées, à savoir « le contenu et les détails des plans de résolution ou les résultats de tout examen réalisé dans ce cadre ». Or, ces informations se rapportent, à l’instar de celles visées au point 354 du présent arrêt, à une mesure de résolution.
357 Il en découle que le simple fait d’indiquer que le CRU et les autorités de résolution nationales examinent une entité en particulier dans le cadre ou dans la perspective d’une procédure ou d’une mesure de résolution pourrait avoir une incidence négative sur cette entité et doit, dès lors, être considéré comme relevant de l’obligation de confidentialité prévue à l’article 88, paragraphe 1, du règlement MRU.
358 En revanche, les considérants 15 et 89 de ce règlement font ressortir le lien étroit qui existe entre les tâches de surveillance conférées dans le cadre du MSU, notamment, à la BCE et la mission confiée au CRU par le règlement MRU. Il en résulte en effet que, en vue d’optimiser l’efficacité du MRU, le CRU doit coopérer étroitement avec la BCE et les autres autorités chargées de la surveillance des entités dans le cadre du MSU, notamment dans le cas des groupes soumis à une surveillance sur
base consolidée exercée par la BCE. Dans ces conditions, l’article 30, paragraphe 2, du règlement MRU prévoit que – notamment, mais pas exclusivement durant les phases de planification de la résolution, d’intervention précoce et de résolution – le CRU et la BCE sont tenus de coopérer étroitement et d’échanger toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches.
359 Ainsi, le CRU est tout autant que la BCE tenu de suivre les évolutions sur les marchés financiers et, notamment, de surveiller les établissements couverts par ce règlement, afin de pouvoir intervenir de manière efficace et rapide en cas de défaillance avérée ou prévisible d’un établissement de crédit.
360 Par conséquent, la seule information selon laquelle le CRU surveille, avec la BCE, un établissement de crédit parmi d’autres établissements couverts par le règlement MRU ne saurait, en principe, être considéré comme relevant de l’obligation de confidentialité prévue à l’article 88, paragraphe 1, du règlement MRU, en l’absence d’éléments supplémentaires susceptibles d’indiquer que le CRU agit dans le cadre ou dans la perspective d’une procédure ou d’une mesure de résolution.
361 En l’espèce, il ressort des points 613, 615 à 617 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est précisément fondé sur la considération que les informations en cause ne se rapportaient pas à la situation particulière de l’entité concernée et/ou n’étaient pas de nature à associer celle-ci à une procédure ou à une mesure de résolution.
362 En effet, s’agissant de l’extrait de l’interview cité au point 612 de cet arrêt, il a relevé, aux points 613, 615 et 616 de celui-ci, que les propos relatés étaient de portée générale, ne mentionnaient pas l’hypothèse d’une mesure de résolution à l’égard de Banco Popular et, en particulier, ne permettaient pas d’en tirer une conclusion quant à la mise en œuvre prochaine d’une telle mesure et encore moins s’agissant de l’instrument de résolution qui pourrait être mis en œuvre par le CRU. Quant
à l’autre extrait cité au point 617 dudit arrêt, le Tribunal s’est limité à relever que cet extrait ne concernait pas la situation particulière de Banco Popular.
363 Dans ces conditions, les requérants soutiennent, à tort, dans le cadre des premier et troisième griefs, que le Tribunal s’est fondé sur une interprétation erronée de l’article 88, paragraphe 1, du règlement MRU, lu à la lumière du considérant 116 de celui-ci.
364 En outre, le deuxième grief relatif à une prétendue contradiction de motifs doit être écarté. En effet, tant aux points 615 et 616 qu’aux points 485 à 488 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, en des termes presque identiques, si les informations en question étaient susceptibles de révéler que Banco Popular pourrait être soumise à une procédure de résolution. Le Tribunal s’est, dès lors, fondé sur le même critère juridique pour examiner une éventuelle violation de l’obligation de
confidentialité.
365 En second lieu, s’agissant de l’application de l’article 88, paragraphe 1, du règlement MRU, lu à la lumière du considérant 116 de celui-ci, les requérants critiquent essentiellement l’appréciation de l’extrait de l’interview cité au point 612 de l’arrêt attaqué. Dans cet extrait, la présidente du CRU avait répondu à une question, portant spécifiquement sur la situation de Banco Popular, ce qui suit :
« Je ne parle jamais des banques individuellement. Il y a plus d’une banque sur notre écran radar et bien sûr Banco Popular est également un cas que nous surveillons, mais ce n’est pas le seul. » (Well, I am never talking about individual banks. There are more banks than just one on our radar screen and of course, Banco Popular is also a case we are watching but it is not the only one we are watching).
366 Les requérants font, en substance, valoir que la présidente du CRU a implicitement révélé une possible procédure de résolution à l’égard de Banco Popular, en indiquant que cet organisme était en train de surveiller cette banque.
367 À cet égard, il convient de relever que, au point 613 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé sur le constat que les propos cités au point 612 de cet arrêt, et reproduits au point 365 du présent arrêt, se référaient non pas à un examen individuel de Banco Popular par le CRU dans la perspective d’une procédure ou d’une mesure de résolution, mais, de manière générale, « des » établissements, à savoir l’ensemble de ceux dont le CRU assure la surveillance, en coopération avec la BCE, dans le
contexte du MSU.
368 Or, dans le mesure où les requérants n’invoquent aucune dénaturation à cet égard, l’examen de la Cour dans le cadre du présent pourvoi doit se fonder sur ce constat du Tribunal.
369 Il s’ensuit que, eu égard aux constatations figurant aux points 358 à 360 du présent arrêt, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en relevant, au point 613 de l’arrêt attaqué, que la circonstance que Banco Popular, en tant qu’établissement de crédit couvert par le MSU, est surveillé par le CRU en coopération avec la BCE n’est pas une information confidentielle, au sens de l’article 339 TFUE ainsi que des articles 88 et 91 du règlement MRU, lus à la lumière du considérant 116 de ce
règlement.
370 Dans ce contexte, les requérants font encore valoir que, d’une part, la présidente du CRU aurait dû faire preuve d’une extrême prudence, compte tenu de la couverture médiatique négative de Banco Popular et, d’autre part, le marché aurait interprété les propos exprimés lors de l’interview accordée à la chaîne de télévision Bloomberg du 23 mai 2017 comme signalant une possible mesure de résolution bancaire à l’égard de cette banque.
371 À cet égard, il suffit de relever que, en l’absence de communication d’une information confidentielle dans cette interview, ces circonstances ne permettent pas de conclure à une méconnaissance de l’obligation de confidentialité par la présidente du CRU.
372 Partant, les premier à troisième griefs de la première branche du quatrième moyen doivent être rejetés comme non fondés.
b) Sur le quatrième grief, tiré d’une prétendue fuite d’informations internes
373 Par le quatrième grief de la première branche du quatrième moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a jugé à tort que l’article de presse publié, le 31 mai 2017, par l’agence Reuters n’était pas de nature à établir une fuite d’informations confidentielles, constitutive d’une violation de l’obligation de confidentialité par le CRU et la Commission.
374 À cet égard, il ressort des points 619 à 633 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a rejeté l’existence d’une violation de cette obligation au motif, d’une part, que les fuites d’informations relatées dans cet article contenaient des informations qui étaient soit démenties par le CRU, soit déjà publiques. D’autre part, il a constaté, aux points 634 à 643 de cet arrêt, qu’il n’avait pas été prouvé devant lui que le CRU ou la Commission était à l’origine des fuites ayant donné lieu à ces
informations.
375 Or, dans le cadre du quatrième grief de la première branche du quatrième moyen, les requérants se limitent à critiquer les points 625 et 627 à 632 de l’arrêt attaqué. Ils soutiennent que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé à ces points, la fuite interne relatée dans l’article de presse publié, le 31 mai 2017, par l’agence Reuters laissait entendre que Banco Popular allait faire l’objet d’une mesure de résolution et que cette information n’était pas publique nonobstant le fait que
d’autres articles avaient relayé la même information auparavant, au motif que ces autres articles n’avaient pas mentionné de sources internes de l’Union.
376 En revanche, les requérants ne contestent pas les constatations figurant aux points 634 à 639 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles ils n’avaient pas établi devant le Tribunal que la prétendue fuite interne d’informations serait imputable à un fonctionnaire de la Commission ou à un membre du personnel du CRU.
377 Dans la mesure où, sur le fondement de ces dernières constatations, le Tribunal pouvait conclure, sans commettre d’erreur de droit, qu’une méconnaissance de l’obligation de confidentialité par la Commission ou le CRU n’avait pas été établie, le quatrième grief est inopérant.
c) Sur les cinquième à huitième griefs de la première branche du quatrième moyen
378 Les cinquième et sixième griefs de la première branche du quatrième moyen procèdent d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué.
379 Quant au cinquième grief, il convient de relever que, aux points 637 à 641 de cet arrêt, le Tribunal ne s’est aucunement prononcé sur l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation de confidentialité et le préjudice causé, mais a examiné la question préalable de savoir si la violation de cette obligation, à la supposer établie, pouvait être imputée à la Commission ou au CRU.
380 S’agissant du sixième grief, il suffit de relever que le Tribunal a jugé, aux points 643 à 645 dudit arrêt, qu’une enquête interne était sans pertinence pour l’appréciation d’un comportement prétendument illégal qui serait à l’origine du dommage invoqué au titre du dispositif de résolution litigieux lorsqu’elle est réalisée postérieurement à l’adoption de ce dispositif. En revanche, le Tribunal n’a aucunement pris position sur la pertinence de mécanismes de contrôle ou d’alerte, susceptibles
de prévenir la survenance d’un tel dommage.
381 Le septième grief met en cause les points 609 et 610 de l’arrêt attaqué. À ces points, le Tribunal a constaté que les requérants n’avaient pas identifié, outre l’interview de la présidente du CRU du 23 mai 2017 et l’article publié par l’agence Reuters le 31 mai 2017, d’autres prétendues déclarations du CRU qui méconnaissaient, selon eux, l’obligation de confidentialité.
382 Dans leur pourvoi, les requérants invoquent des « fuites d’informations » vers les administrations espagnoles qui compteraient un membre au sein du CRU, en se limitant à renvoyer à des points de leur requête et de leur réplique en première instance. Toutefois, dans leur pourvoi, ils n’ont pas démontré que le Tribunal a dénaturé les informations relatives auxdites fuites contenues dans cette requête et cette réplique, en s’abstenant de prendre en compte les dites « fuites d’informations » en
tant que déclarations du CRU.
383 Partant, le septième grief est irrecevable.
384 En ce qui concerne, enfin, le huitième grief, le Tribunal a rejeté, aux points 647 à 650 de l’arrêt attaqué, le grief tiré d’une prétendue attitude passive du CRU et de la Commission, au motif que les requérants n’avaient pas expliqué ce qu’ils leur reprochaient ni les mesures que ceux-ci auraient dû prendre et les dispositions établissant une obligation d’agir.
385 Si les requérants contestent le bien-fondé de ces considérations, force est de constater que leur argumentation, telle que résumée au point 346 du présent arrêt, n’est pas de nature à démontrer que le Tribunal aurait dénaturé leur requête introductive d’instance.
386 Eu égard aux considérations qui précèdent, la première branche du quatrième moyen est, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.
I. Sur la deuxième branche du quatrième moyen, relative à l’existence d’un lien de causalité
387 Par la deuxième branche du quatrième moyen, les requérants font valoir que le Tribunal a jugé à tort, aux points 653 à 674 l’arrêt attaqué, qu’il n’existait pas de lien de causalité entre la prétendue violation de l’obligation de confidentialité et la crise de liquidité de Banco Popular.
388 À cet égard, il suffit de relever que le Tribunal n’a examiné la prétendue existence d’un lien de causalité qu’à titre subsidiaire, après avoir conclu à l’absence d’une violation de l’obligation de confidentialité. En outre, il ressort de l’analyse de la première branche du quatrième moyen que l’ensemble des arguments contestant cette conclusion du Tribunal doivent être écartés.
389 Partant, la deuxième branche du quatrième moyen est inopérante.
J. Sur la troisième branche du quatrième moyen, relative à une demande indemnitaire
390 Par la troisième branche du quatrième moyen, les requérants soutiennent que c’est à tort que le Tribunal a rejeté, aux points 678 à 698 de l’arrêt attaqué, leur demande d’indemnisation liée à l’annulation de la valorisation 2, comme étant irrecevable.
391 À cet égard, il convient de relever que cette demande tendait, d’une part, à ce que la valorisation 2 soit annulée, et ce indépendamment d’une éventuelle annulation du dispositif de résolution litigieux et de la décision 2017/1246, ainsi que, d’autre part, à se voir octroyer une indemnisation en relation avec cette valorisation.
392 S’agissant du premier chef de demande, il convient de rappeler que l’article 20, paragraphe 15, du règlement MRU prévoit qu’une valorisation telle que la valorisation 2 fait partie intégrante du dispositif de résolution, tout en précisant expressément qu’une telle valorisation ne peut pasfaire l’objet d’un recours distinct, mais peut seulement le faire ensemble avec la décision prise par le CRU. Cette disposition reflète ainsi la jurisprudence constante relative à la portée de
l’article 263 TFUE, selon laquelle des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale n’ont pas, à elles seules, d’effets de droit obligatoires et, partant, ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annulation distinct de celui contre la décision finale (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE, C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 39 ainsi que jurisprudence citée).
393 Ainsi, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en rejetant ce premier chef de demande comme étant irrecevable.
394 S’agissant du second chef de demande, ainsi que M^me l’avocate générale l’a relevé au point 86 de ses conclusions, c’est à bon droit que le Tribunal l’a rejeté comme étant irrecevable. Il ressort en effet des points 689 à 698 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que la requête introductive de première instance ne permettait pas de comprendre le fondement juridique de cette demande d’indemnité soulevée dans le cadre de la contestation de la valorisation 2, en l’absence de tout lien
compréhensible entre les dispositions du droit de l’Union invoquées et l’indemnité demandée.
395 Or, l’argumentation invoquée au soutien du pourvoi ne permet pas davantage de comprendre le fondement juridique de cette demande.
396 Dès lors, c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable ce second chef de demande.
397 Il s’ensuit que la troisième branche du quatrième moyen doit être écartée.
398 Tous les moyens soulevés par les requérants à l’appui de leur pourvoi devant être écartés, il y a lieu de rejeter ce pourvoi dans son ensemble.
Sur les dépens
399 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
400 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
401 En l’espèce, les requérants ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu, eu égard aux conclusions de la Commission, du CRU et de Banco Santander, de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, par le CRU et par Banco Santander.
402 En vertu de l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
403 Par conséquent, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) M^me Araceli García Fernández, MM. Faustino González Parra, Fernando Luis Treviño de Las Cuevas, Juan Antonio Galán Alcázar, M^me Lucía Palazuelo Vallejo-Nágera, Macon SA, M^me Marta Espejel García, Memphis Investments Ltd, MM. Pedro Alcántara de la Herrán Matorras, Pedro José de Jesús Benito Trebbau López, Pedro Regalado Cuadrado Martínez et M^me María Rosario Mari Juan Domingo sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, par le Conseil
de résolution unique (CRU) et par Banco Santander SA.
3) Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.
Signatures
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* Langue de procédure : l’espagnol.