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04/10/2024 | CJUE | N°C-438/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Protéines France e.a. contre Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique., 04/10/2024, C-438/23


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 1169/2011 – Information des consommateurs sur les denrées alimentaires – Article 2, paragraphe 2, sous n) à p), et articles 7, 9 et 17 – Pratiques loyales concernant la dénomination des denrées alimentaires – Dénominations légales, noms usuels et noms descriptifs – Remplacement de composants ou d’ingrédients d’une denrée alimentaire – Article 38, paragraphe 1 – Questions expressément harmonisées – Mesures nationales i

nterdisant l’utilisation de dénominations
carnées pour désigner un produit contenant des protéines végétales »

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 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 1169/2011 – Information des consommateurs sur les denrées alimentaires – Article 2, paragraphe 2, sous n) à p), et articles 7, 9 et 17 – Pratiques loyales concernant la dénomination des denrées alimentaires – Dénominations légales, noms usuels et noms descriptifs – Remplacement de composants ou d’ingrédients d’une denrée alimentaire – Article 38, paragraphe 1 – Questions expressément harmonisées – Mesures nationales interdisant l’utilisation de dénominations
carnées pour désigner un produit contenant des protéines végétales »

Dans l’affaire C‑438/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 12 juillet 2023, parvenue à la Cour le 13 juillet 2023, dans la procédure

Protéines France,

Union végétarienne européenne (EVU),

Association végétarienne de France (AVF),

Beyond Meat Inc.

contre

Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique,

en présence de :

77 Foods SAS,

Les Nouveaux Fermiers SAS,

Umiami SAS,

NxtFood SAS,

Nutrition et santé SAS,

Olga SAS,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. F. Biltgen, N. Wahl (rapporteur), J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Protéines France, 77 Foods SAS, Les Nouveaux Fermiers SAS, Umiami SAS, NxtFood SAS, Nutrition et santé SAS ainsi que Olga SAS, par Me G. Hannotin, avocat,

– pour l’Union végétarienne européenne (EVU), par Me A. Aubert, avocate,

– pour Beyond Meat Inc., par Me C. Dupeyron, avocate, Me M. R. Oyarzabal Arigita, abogada, et Me B. Van Vooren, advocaat,

– pour le gouvernement hellénique, par Mmes V. Karra, E. Leftheriotou et A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement français, par MM. G. Bain et B. Fodda, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. M. Cherubini et P. Gentili, avvocati dello Stato,

– pour la Commission européenne, par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et B. Rous Demiri, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement
européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18), notamment des articles 7, 17 et 38 ainsi que de l’annexe VI, partie A, point 4, de celui-ci.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Protéines France, l’Union végétarienne européenne (EVU), l’Association végétarienne de France (AVF) ainsi que Beyond Meat Inc. au ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (France) au sujet de la légalité du décret no 2022-947, du 29 juin 2022, relatif à l’utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales (JORF du 30 juin 2022,
texte no 3).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 178/2002

3 L’article 2 du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), intitulé « Définition de “denrée alimentaire” », dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par “denrée alimentaire” (ou “aliment”), toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d’être ingéré par l’être humain.

[...] »

4 L’article 3, point 1, de ce règlement définit la notion de « législation alimentaire » de la manière suivante :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

1) “législation alimentaire”, les dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant les denrées alimentaires en général et leur sécurité en particulier, au niveau communautaire ou national. [...] »

5 Aux termes de l’article 8 dudit règlement :

« [...] La législation alimentaire vise à protéger les intérêts des consommateurs et elle leur fournit une base pour choisir en connaissance de cause les denrées alimentaires qu’ils consomment. Elle vise à prévenir :

a) les pratiques frauduleuses ou trompeuses ;

b) la falsification des denrées alimentaires et

c) toute autre pratique pouvant induire le consommateur en erreur. »

6 L’article 17, paragraphe 2, du même règlement dispose :

« Les États membres assurent l’application de la législation alimentaire ; ils contrôlent et vérifient le respect par les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale des prescriptions applicables de la législation alimentaire à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution.

[...]

Les États membres fixent également les règles relatives aux mesures et sanctions applicables en cas de violation de la législation relative aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux. Les mesures et sanctions prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

Le règlement (CE) no 853/2004

7 L’annexe I du règlement (CE) no 853/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO 2004, L 139, p. 55), prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

1. Viandes

1.1. “viandes” : les parties comestibles des animaux [...]

[...]

1.14. “viandes séparées mécaniquement ou VSM”: le produit obtenu par l’enlèvement de la viande des os couverts de chair après le désossage ou des carcasses de volailles, à l’aide de moyens mécaniques entraînant la destruction ou la modification de la structure fibreuse des muscles ;

1.15. “préparations de viandes”: les viandes fraîches, y compris les viandes qui ont été réduites en fragments, auxquelles ont été ajoutés des denrées alimentaires, des condiments ou des additifs ou qui ont subi une transformation insuffisante pour modifier à cœur la structure fibreuse des muscles et ainsi faire disparaître les caractéristiques de la viande fraîche ;

[...]

3. Produits de la pêche

3.1. “produits de la pêche”: tous les animaux marins ou d’eau douce (à l’exception des mollusques bivalves vivants, des échinodermes vivants, des tuniciers vivants et des gastéropodes marins vivants et de tous les mammifères marins, reptiles et grenouilles), sauvages ou d’élevage, y compris toutes les formes et parties comestibles de ces animaux ;

[...]

7. Produits transformés

7.1. “produits à base de viande”: les produits transformés résultant de la transformation de viandes ou de la transformation de produits ainsi transformés, de sorte que la surface de coupe à cœur permet de constater la disparition des caractéristiques de viande fraîche ;

[...] »

Le règlement no 1169/2011

8 Les considérants 1 et 3 du règlement no 1169/2011 énoncent :

« (1) L’article 169 [TFUE] prévoit que l’Union [européenne] contribue à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs par des mesures qu’elle adopte en application de l’article 114 [TFUE].

[...]

(3) Afin d’atteindre un niveau élevé de protection de la santé des consommateurs et de garantir leur droit à l’information, il convient que ceux-ci disposent d’informations appropriées sur les denrées alimentaires qu’ils consomment. [...] »

9 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement :

« Le présent règlement contient les dispositions de base permettant d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information sur les denrées alimentaires, dans le respect des différences de perception desdits consommateurs et de leurs besoins en information, tout en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur. »

10 L’article 2 dudit règlement prévoit :

« 1.   Aux fins du présent règlement, les définitions suivantes s’appliquent :

a) les définitions de “denrée alimentaire” [...] figurant à l’article 2 [...] du règlement [no 178/2002] ;

[...]

f) les définitions de “viandes”, de “viandes séparées mécaniquement”, de “préparations de viandes”, de “produits de la pêche” et de “produits à base de viande” figurant à l’annexe I, points 1.1, 1.14, 1.15, 3.1 et 7.1, du règlement [no 853/2004] ;

[...]

2.   Les définitions suivantes s’appliquent également :

[...]

f) “ingrédient”: toute substance ou tout produit, y compris les arômes, les additifs alimentaires et les enzymes alimentaires, ou tout constituant d’un ingrédient composé, utilisé dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et encore présent dans le produit fini, éventuellement sous une forme modifiée ; [...]

[...]

n) “dénomination légale” : la dénomination d’une denrée alimentaire prescrite par les dispositions de l’Union qui lui sont applicables ou, en l’absence de telles dispositions, la dénomination prévue par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables dans l’État membre dans lequel la denrée alimentaire est vendue au consommateur final ou aux collectivités ;

o) “nom usuel” : le nom reconnu comme étant la dénomination de la denrée alimentaire par les consommateurs de l’État membre dans lequel celle-ci est vendue, sans que de plus amples explications soient nécessaires ;

p) “nom descriptif” : un nom qui décrit la denrée alimentaire et, si nécessaire, son utilisation, et qui est suffisamment clair pour que les consommateurs puissent déterminer sa véritable nature et la distinguer des autres produits avec lesquels elle pourrait être confondue ;

q) “ingrédient primaire” : le ou les ingrédients d’une denrée alimentaire qui constituent plus de 50 % de celle-ci ou qui sont habituellement associés à la dénomination de cette denrée par les consommateurs et pour lesquels, dans la plupart des cas, une indication quantitative est requise ;

[...] »

11 L’article 7 du même règlement dispose :

« 1.   Les informations sur les denrées alimentaires n’induisent pas en erreur, notamment :

a) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et, notamment, sur la nature, l’identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, le pays d’origine ou le lieu de provenance, le mode de fabrication ou d’obtention de cette denrée ; [...]

d) en suggérant au consommateur, au moyen de l’apparence, de la description ou d’une représentation graphique, la présence d’une denrée ou d’un ingrédient déterminé alors qu’il s’agit en fait d’une denrée dans laquelle un composant présent naturellement ou un ingrédient normalement utilisé dans cette denrée alimentaire a été remplacé par un composant ou un ingrédient différent.

2.   Les informations sur les denrées alimentaires sont précises, claires et aisément compréhensibles par les consommateurs.

[...]

4.   Les paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent également à :

a) la publicité ;

b) la présentation des denrées alimentaires et notamment à la forme ou à l’aspect donné à celles-ci ou à leur emballage, au matériau d’emballage utilisé, à la manière dont elles sont disposées ainsi qu’à l’environnement dans lequel elles sont exposées ».

12 Aux termes de l’article 8 du règlement no 1169/2011 :

« 1.   L’exploitant du secteur alimentaire responsable des informations sur les denrées alimentaires est l’exploitant sous le nom ou la raison sociale duquel la denrée alimentaire est commercialisée [...]

2.   L’exploitant du secteur alimentaire responsable des informations sur les denrées alimentaires veille à la présence et à l’exactitude des informations sur les denrées alimentaires conformément à la législation applicable concernant l’information sur les denrées alimentaires et les exigences des dispositions nationales pertinentes.

[...] »

13 L’article 9 de ce règlement établit, conformément à son intitulé, la « liste des mentions obligatoires », au nombre desquelles figurent, à son paragraphe 1, sous a), « la dénomination de la denrée alimentaire » et, à ce paragraphe, sous b), « la liste des ingrédients ».

14 Aux termes de l’article 17 dudit règlement :

« 1.   La dénomination de la denrée alimentaire est sa dénomination légale. En l’absence d’une telle dénomination, la dénomination de la denrée est son nom usuel. À défaut d’un tel nom ou si celui-ci n’est pas utilisé, un nom descriptif est à indiquer.

2.   L’utilisation dans l’État membre de commercialisation de la dénomination de la denrée alimentaire sous laquelle le produit est légalement fabriqué et commercialisé dans l’État membre de production est admise. Toutefois, lorsque l’application des autres dispositions du présent règlement, notamment celles fixées à l’article 9, n’est pas de nature à permettre aux consommateurs de l’État membre de commercialisation de connaître la nature réelle de la denrée et de la distinguer des denrées avec
lesquelles ils pourraient la confondre, la dénomination de la denrée en question est accompagnée d’autres informations descriptives à faire figurer à proximité de celle-ci.

[...]

5.   Les dispositions spécifiques relatives à la dénomination de la denrée alimentaire et aux mentions dont celle-ci est assortie sont établies à l’annexe VI. »

15 L’article 38 du même règlement dispose :

« 1.   Pour ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l’Union l’autorise. Ces mesures nationales ne peuvent entraver la libre circulation des marchandises, notamment donner lieu à une discrimination à l’encontre de denrées alimentaires provenant d’autres États membres.

2.   Sans préjudice de l’article 39, les États membres peuvent adopter des dispositions nationales concernant des questions qui ne sont pas expressément harmonisées par le présent règlement, pour autant que ces mesures n’aient pas pour effet d’interdire, d’entraver ou de restreindre la libre circulation des marchandises qui sont conformes au présent règlement. »

16 L’annexe VI du règlement no 1169/2011, intitulée « Dénominations de la denrée alimentaire et mentions particulières dont elle est assortie », prévoit, au point 4 de sa partie A, elle-même intitulée « Mentions obligatoires dont la dénomination de la denrée alimentaire est assortie » :

« Dans le cas de denrées alimentaires dans lesquelles un composant ou un ingrédient que les consommateurs s’attendent à voir normalement utilisé ou à trouver naturellement présent a été remplacé par un composant ou un ingrédient différent, l’étiquetage porte – outre la liste des ingrédients – une indication précise du composant ou de l’ingrédient utilisé pour la substitution partielle ou totale :

a) à proximité immédiate du nom du produit ; et

b) en utilisant un corps de caractère tel que la hauteur de x soit au moins égale à 75 % de celle du nom du produit et ne soit pas inférieure à la hauteur minimale du corps de caractère prévue à l’article 13, paragraphe 2, du présent règlement. »

Le droit français

Le code de la consommation

17 L’article L. 412-10 du code de la consommation, inséré par l’article 5 de la loi no 2020-699, du 10 juin 2020, relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires (JORF du 11 juin 2020, texte no 1), prévoit :

« [...] Les dénominations utilisées pour désigner des denrées alimentaires d’origine animale ne peuvent être utilisées pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires comportant des protéines végétales. Un décret fixe la part de protéines végétales au-delà de laquelle cette dénomination n’est pas possible. Ce décret définit également les modalités d’application du présent article et les sanctions encourues en cas de manquement. »

Le décret no 2022-947

18 Sur le fondement de la disposition reprise au point précédent, les autorités françaises ont adopté le décret no 2022-947.

19 En vertu de l’article 1er, premier alinéa, de ce décret, ce dernier s’applique « aux denrées alimentaires, fabriquées sur le territoire national, contenant des protéines végétales ».

20 Aux termes de l’article 2 dudit décret :

« Il est interdit d’utiliser, pour désigner un produit transformé contenant des protéines végétales :

1° Une dénomination légale pour laquelle aucun ajout de protéines végétales n’est prévu par les règles définissant la composition de la denrée alimentaire concernée ;

2° Une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d’espèces animales, à la morphologie ou à l’anatomie animale ;

3° Une dénomination utilisant la terminologie spécifique de la boucherie, de la charcuterie ou de la poissonnerie ;

4° Une dénomination d’une denrée alimentaire d’origine animale représentative des usages commerciaux. »

21 L’article 3 du même décret dispose :

« Par dérogation aux dispositions de l’article 2, la dénomination d’une denrée alimentaire d’origine animale peut être utilisée :

1° Pour les denrées alimentaires d’origine animale contenant des protéines végétales dans une proportion déterminée lorsqu’une telle présence est prévue par la réglementation ou mentionnée dans la liste annexée au présent décret ;

[...] »

22 Aux termes de l’article 5 du décret no 2022-947 :

« Les produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre de l’Union européenne ou en Turquie, ou légalement fabriqués dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen[, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3)], ne sont pas soumis aux exigences du présent décret. »

23 L’article 6 de ce décret prévoit :

« Il est interdit de détenir en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de mettre en vente, de vendre ou de distribuer à titre gratuit des denrées qui ne répondent pas aux règles fixées dans le présent décret. »

24 L’article 7 dudit décret dispose :

« Tout manquement aux dispositions de l’article 6 du présent décret est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 1500 euros pour une personne physique et 7500 euros pour une personne morale. [...] »

25 En vertu de l’article 8 du même décret, ce dernier est entré en vigueur le 1er octobre 2022.

26 L’annexe du décret no 2022-947 comporte une liste des dénominations de denrées alimentaires d’origine animale pouvant contenir des protéines végétales et la part maximale de protéines végétales que peuvent contenir les denrées pour lesquelles ces dénominations sont utilisées.

Le décret no 2024-144

27 L’article 2 du décret no 2024-144, du 26 février 2024, relatif à l’utilisation de certaines dénominations employées pour désigner les denrées alimentaires comportant des protéines végétales (JORF du 27 février 2024, texte no 15), prévoit :

« [...] il est interdit d’utiliser, pour décrire, commercialiser ou promouvoir un produit transformé contenant des protéines végétales :

1° Une dénomination légale pour laquelle aucun ajout de protéines végétales n’est prévu par les règles définissant la composition de la denrée alimentaire concernée ;

2° Une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d’espèces animales, à la morphologie ou à l’anatomie animale ;

3° Une dénomination comportant les termes mentionnés dans la liste figurant en annexe I. »

28 En vertu de l’article 8 du décret no 2024-144, ce dernier est entré en vigueur le 1er mai 2024.

29 Aux termes de l’article 9 de ce décret :

« Le décret no 2022-947 [...] est abrogé. »

30 La liste figurant à l’annexe I du décret no 2024-144 contient les dénominations suivantes :

« – Filet ;

– Faux filet ;

– Rumsteck ;

– Entrecôte ;

– Aiguillette baronne ;

– Bavette d’Aloyau ;

– Onglet ;

– Hampe ;

– Bifteck ;

– Basse côte ;

– Paleron ;

– Flanchet ;

– Steak ;

– Escalope ;

– Tendron ;

– Grillade ;

– Longe ;

– Travers ;

– Jambon ;

– Boucher/Bouchère ;

– Charcutier/Charcutière. »

31 L’annexe II de ce décret comporte une liste des termes autorisés pour la désignation des denrées alimentaires d’origine animale pouvant contenir des protéines végétales et la part maximale de protéines végétales que peuvent contenir les denrées pour lesquelles ces termes sont utilisés.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

32 Le 18 juillet 2022, Protéines France, qui représente les intérêts des entreprises actives sur le marché français des protéines végétales, a formé un recours devant le Conseil d’État (France), qui est la juridiction de renvoi, tendant à l’annulation du décret no 2022-947.

33 Par une ordonnance du 27 juillet 2022, cette juridiction, statuant en tant que juge des référés, a suspendu l’exécution de ce décret en ce qui concerne les mesures prévues à l’article 2, paragraphes 3 et 4, de celui‑ci.

34 Ladite juridiction a admis plusieurs demandes d’intervention au soutien des conclusions de Protéines France.

35 Le 30 août et le 21 octobre 2022, respectivement, l’EVU et l’AVF, qui promeuvent le végétarisme, la première, dans l’Union et, la seconde, en France, ainsi que Beyond Meat, qui fabrique et commercialise des produits à base de protéines végétales, ont, elles aussi, saisi la même juridiction en vue d’obtenir l’annulation du décret no 2022-947.

36 La juridiction de renvoi a joint les trois affaires ayant pour objet une demande d’annulation de ce décret.

37 À l’appui de leurs recours, les requérantes au principal ont notamment fait valoir que ledit décret, qui interdirait, pour désigner des produits transformés contenant des protéines végétales, l’usage de dénominations telles que « steak » ou « saucisse », sans et même avec l’ajout de précisions complémentaires telles que « végétal » ou « de soja », méconnaît plusieurs dispositions du règlement no 1169/2011.

38 La juridiction de renvoi est d’avis que les moyens ainsi soulevés devant elle posent des questions qui sont déterminantes pour la solution du litige qu’elle doit trancher et qu’ils présentent une difficulté sérieuse.

39 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions de l’article 7 du règlement no 1169/2011, qui prescrivent la délivrance aux consommateurs d’informations ne les induisant pas en erreur sur l’identité, la nature et les qualités des denrées alimentaires, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles harmonisent expressément, au sens et pour l’application du paragraphe 1 de l’article 38 de ce même règlement, la question de l’utilisation de dénominations de produits d’origine animale issues des secteurs de la boucherie,
de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, susceptibles d’induire le consommateur en erreur, faisant ainsi obstacle à ce qu’un État membre intervienne sur cette question par l’édiction de mesures nationales réglementant ou interdisant l’usage de telles dénominations ?

2) Les dispositions de l’article 17 du règlement no 1169/2011, qui prévoient que la dénomination par laquelle la denrée alimentaire est identifiée est, en l’absence de dénomination légale, son nom usuel ou un nom descriptif, combinées aux dispositions [de son annexe VI, partie A, point 4], doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles harmonisent expressément, au sens et pour l’application du paragraphe 1 de l’article 38 de ce même règlement, la question du contenu et de l’utilisation de
dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d’origine animale pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, y compris dans l’hypothèse d’une substitution totale d’ingrédients d’origine végétale à la totalité des ingrédients d’origine animale composant une denrée, faisant ainsi obstacle à ce qu’un État membre intervienne sur cette question par l’édiction de mesures nationales réglementant ou
interdisant l’usage de telles dénominations ?

3) En cas de réponse positive à la première ou à la deuxième question, l’harmonisation expresse à laquelle procèdent, au sens et pour l’application du paragraphe 1 de l’article 38 du règlement no 1169/2011, les dispositions des articles 7 et 17 de ce même règlement, combinées aux dispositions [de son annexe VI, partie A, point 4], fait-elle obstacle :

a) à ce qu’un État membre édicte une mesure nationale prévoyant d’infliger des sanctions administratives en cas de manquement aux prescriptions et interdictions résultant des dispositions de ce règlement ?

b) à ce qu’un État membre édicte une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels l’utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d’origine animale pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales, resterait autorisée ?

4) En cas de réponse négative à la première et à la deuxième question[s], les dispositions des articles 9 et 17 du règlement no 1169/2011 autorisent-elles un État membre :

a) à édicter une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels l’utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, désignant des denrées alimentaires d’origine animale est permise pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales [;]

b) à édicter une mesure nationale interdisant l’usage de certaines dénominations usuelles ou descriptives, y compris lorsqu’elles sont accompagnées d’indications complémentaires garantissant l’information loyale du consommateur [;]

c) à édicter les mesures visées au [points a) et b) de la quatrième question], uniquement à l’égard des produits fabriqués sur son territoire, sans, dans ce cas, méconnaître le principe de proportionnalité de ces mesures ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

40 Ainsi que les requérantes au principal, Protéines France et Beyond Meat le soulignent, au cours de la procédure devant la Cour, les autorités françaises ont adopté le décret no 2024-144, dont l’article 9 prévoit l’abrogation du décret no 2022-947.

41 Dès lors, par une décision du président de la Cour du 1er mars 2024, une demande d’informations a été adressée à la juridiction de renvoi en vue d’obtenir des précisions concernant les éventuelles conséquences de l’adoption du décret no 2024-144 sur la persistance de l’objet du litige au principal et sur le traitement de la demande de décision préjudicielle.

42 Cette juridiction a déposé, le 15 mars 2024, sa réponse à cette demande d’informations ainsi que, le 7 mai 2024, un complément à cette réponse, lequel a été admis par une décision de la présidente de la deuxième chambre du 8 mai 2024.

43 La juridiction de renvoi estime que, en dépit de l’adoption du décret no 2024-144, les questions posées restent déterminantes pour la solution du litige pendant devant elle. En particulier, dans ladite réponse, cette juridiction relève, d’une part, que l’exécution du décret no 2022-947 n’a été suspendue par l’ordonnance mentionnée au point 33 du présent arrêt qu’en partie. Partant, certaines des dispositions de ce dernier décret auraient reçu une application effective entre le 1er octobre 2022,
date d’entrée en vigueur du décret no 2022-947, en vertu de l’article 8 de ce décret, et le 30 avril 2024, date à laquelle était censée intervenir l’abrogation dudit décret, conformément à l’article 9 du décret no 2024-144, entré en vigueur le 1er mai 2024, en vertu de l’article 8 de ce dernier. D’autre part, ladite juridiction signale que plusieurs requérantes au principal ont exprimé leur intention de contester devant elle également le décret no 2024-144, par les mêmes moyens que ceux déjà
soulevés contre le décret no 2022-947, en raison du fait que certaines dispositions de ces deux décrets seraient identiques.

44 En outre, la juridiction de renvoi a produit une ordonnance du 10 avril 2024, par laquelle, saisie par plusieurs entreprises françaises, en tant que juge des référés, elle a suspendu l’exécution du décret no 2024‑144. Cette juridiction précise que cette suspension fait obstacle à l’abrogation du décret no 2022-947.

45 Il résulte des éléments ainsi fournis en réponse à la demande d’informations de la Cour que, en dépit de l’adoption du décret no 2024‑144, les recours dont est saisie la juridiction de renvoi n’ont pas perdu leur objet.

46 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la juridiction de renvoi explique à suffisance de droit les raisons pour lesquelles l’adoption, en cours d’instance, du décret no 2024-144 ne rend pas hypothétique cette demande, laquelle doit donc être déclarée recevable.

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

47 À titre liminaire, il convient de rappeler, d’une part, qu’il résulte de la jurisprudence que les dispositions de l’article 17 et de l’annexe VI, partie A, point 4, du règlement no 1169/2011 complètent celles de l’article 7 de ce règlement par des prescriptions spéciales en matière d’étiquetage, afin de protéger le consommateur contre les tromperies causées par des indications inexactes (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2022, LSI – Germany, C‑595/21, EU:C:2022:949, point 31).

48 D’autre part, l’interprétation de ces dispositions doit se faire au regard des définitions de « dénomination légale », de « nom usuel » et de « nom descriptif », figurant respectivement à l’article 2, paragraphe 2, sous n), à l’article 2, paragraphe 2, sous o), et à l’article 2, paragraphe 2, sous p), dudit règlement, ainsi que de l’obligation, prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous a), du même règlement, de mentionner sur la denrée alimentaire concernée la dénomination de celle-ci.

49 Dès lors, il y a lieu de considérer que, par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 7 et 17 ainsi que l’annexe VI, partie A, point 4, du règlement no 1169/2011, lus à la lumière de l’article 2, paragraphe 2, sous n) à p), et de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, doivent être interprétés en ce sens qu’ils harmonisent expressément, au sens de l’article 38, paragraphe 1, dudit
règlement, la protection des consommateurs du risque d’être induits en erreur par l’utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie, pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales au lieu des protéines d’origine animale, y compris dans leur totalité, et, de ce fait, s’opposent à ce qu’un État membre édicte des mesures
nationales qui réglementent ou interdisent l’usage de telles dénominations.

50 Aux termes de l’article 38, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1169/2011, « [p]our ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l’Union l’autorise. »

51 Il résulte de la jurisprudence qu’aucune disposition du règlement no 1169/2011 n’énumère quelles sont les « questions expressément harmonisées » par celui-ci, au sens de l’article 38, paragraphe 1, de ce règlement, et que l’identification de ces questions doit s’effectuer dans le strict respect du libellé dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, Groupe Lactalis, C‑485/18, EU:C:2020:763, point 25).

52 En l’occurrence, il y a lieu de déterminer si les autres dispositions du règlement no 1169/2011 mentionnées au point 49 du présent arrêt procèdent à une harmonisation expresse de la question que les autorités françaises ont voulu régler par l’adoption du décret no 2022-947.

53 En vertu de l’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1169/2011, les informations sur les denrées alimentaires ne doivent pas induire en erreur les consommateurs et doivent être précises, claires et aisément compréhensibles par ceux-ci.

54 À cet égard, il résulte en particulier de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et d), de ce règlement que les erreurs dont les consommateurs doivent être protégés ont trait, d’une part, aux caractéristiques de la denrée alimentaire concernée, notamment la nature et la composition de celle‑ci, et, d’autre part, à la possibilité que, au moyen de l’apparence, de la description ou d’une représentation graphique, leur soit suggérée « la présence d’une denrée ou d’un ingrédient déterminé alors qu’il
s’agit en fait d’une denrée dans laquelle un composant présent naturellement ou un ingrédient normalement utilisé dans cette denrée alimentaire a été remplacé par un composant ou un ingrédient différent ».

55 Par ailleurs, il résulte de l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement que les obligations que cet article impose quant à l’information des consommateurs s’appliquent également à la publicité et à la présentation des denrées alimentaires.

56 En vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous a), du même règlement, les denrées alimentaires doivent obligatoirement afficher leur « dénomination ».

57 L’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011 prévoit que la dénomination d’une denrée alimentaire est sa « dénomination légale ». En l’absence d’une telle dénomination légale, la dénomination de cette denrée est son « nom usuel ». À défaut d’un tel nom usuel ou si celui-ci n’est pas utilisé, un « nom descriptif » est à indiquer.

58 L’article 2, paragraphe 2, sous n) à p), de ce règlement fournit les définitions des trois notions mentionnées au point précédent. Ainsi, premièrement, la « dénomination légale » d’une denrée alimentaire est celle « prescrite par des dispositions du droit de l’Union qui lui sont applicables ou, en l’absence de telles dispositions, la dénomination prévue par les dispositions [...] applicables dans l’État membre dans lequel la denrée alimentaire est vendue au consommateur ». Deuxièmement, le « nom
usuel » d’une denrée alimentaire est celui reconnu par les consommateurs dans l’État membre où cette denrée est vendue, sans que de plus amples explications soient requises. Troisièmement, le « nom descriptif » d’une denrée alimentaire est celui qui décrit cette denrée et qui est suffisamment clair pour que les consommateurs puissent déterminer quelle est la nature de celle-ci et la distinguer d’autres produits avec lesquels elle pourrait être confondue.

59 Conformément à l’article 17, paragraphe 5, du règlement no 1169/2011, l’annexe VI de ce règlement contient des dispositions spécifiques relatives à la dénomination d’une denrée alimentaire et aux mentions dont celle-ci doit être assortie.

60 À cet égard, l’annexe VI, partie A, point 4, dudit règlement prévoit que, dans le cas de denrées alimentaires dans lesquelles un composant ou un ingrédient que les consommateurs s’attendent à voir normalement utilisé ou à trouver naturellement présent a été remplacé par un composant ou un ingrédient différent, l’étiquetage comporte, outre la liste des ingrédients, une indication précise du composant ou de l’ingrédient utilisé pour la substitution partielle ou totale, à proximité immédiate du
« nom du produit », dans des caractères de taille suffisamment importante par rapport à ce dernier.

61 Ainsi, une lecture conjointe des dispositions de l’article 7, paragraphes 1, 2 et 4, de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de l’article 17, paragraphes 1 et 5, ainsi que de l’annexe VI, partie A, point 4, du règlement no 1169/2011 permet de résumer celles-ci de la manière suivante.

62 Premièrement, les denrées alimentaires doivent porter une dénomination. Deuxièmement, cette dénomination doit être une dénomination légale ou, en l’absence d’une telle dénomination, un nom usuel ou, à défaut, un nom descriptif. Troisièmement, ladite dénomination doit être précise, claire et aisément compréhensible par les consommateurs. Quatrièmement, la même dénomination ne doit pas induire en erreur les consommateurs, notamment, sur les caractéristiques de la denrée alimentaire concernée, au
nombre desquelles figurent la nature et la composition de celle-ci, et sur le remplacement de composants naturellement présents ou d’ingrédients normalement utilisés par des composants ou ingrédients différents. Cinquièmement, de telles exigences doivent être respectées lors de la commercialisation et de la promotion de toute denrée alimentaire.

63 S’agissant des dénominations légales, selon la première hypothèse visée à l’article 2, paragraphe 2, sous n), du règlement no 1169/2011, celles-ci peuvent être prescrites par des dispositions du droit de l’Union. Ainsi, par exemple, l’article 2, paragraphe 1, sous f), de ce règlement renvoie à l’annexe I du règlement no 853/2004 en ce qui concerne les définitions des notions de « viandes », de « viandes séparées mécaniquement », de « préparations de viandes », de « produits de la pêche » et de
« produits à base de viande ».

64 Dès lors que les « viandes » sont définies, au point 1.1 de cette annexe I, comme étant « les parties comestibles des animaux », une denrée alimentaire ne contenant pas de telles parties ne saurait utiliser la dénomination « viande », quand bien même celle-ci serait accompagnée de précisions sur le remplacement de composants ou d’ingrédients.

65 Selon la seconde hypothèse visée à l’article 2, paragraphe 2, sous n), du règlement no 1169/2011, en l’absence de dénomination légale prescrite par le droit de l’Union, les États membres peuvent adopter des dispositions nationales prévoyant une telle dénomination.

66 En l’occurrence, d’une part, il n’existe pas de disposition du droit de l’Union qui imposerait l’utilisation de certaines dénominations légales pour les produits à base de protéines végétales ou qui prescrirait les dénominations légales applicables à des produits en raison du seul fait qu’ils seraient définis comme étant d’origine animale, sans d’autres précisions.

67 D’autre part, certes, il résulte de l’ordonnance mentionnée au point 33 du présent arrêt que, dans le cadre du litige au principal, les autorités françaises ont écarté l’hypothèse que le décret no 2022-947 édicte une dénomination légale.

68 Toutefois, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 84 de ses conclusions, la question de savoir si ces autorités ont adopté une telle dénomination doit faire l’objet d’une évaluation objective.

69 Si cette évaluation doit être effectuée par la juridiction de renvoi, la Cour peut néanmoins fournir à celle-ci les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui lui sont nécessaires à cette fin (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2019, Baltic Media Alliance, C‑622/17, EU:C:2019:566, point 47).

70 À cet égard, il ressort du libellé de l’article 2, paragraphe 2, sous n), du règlement no 1169/2011 que les dénominations légales doivent être « prescrites » ou « prévues », à savoir définies, par des dispositions du droit de l’Union ou du droit d’un État membre, en vue de désigner une denrée alimentaire. Ainsi, l’adoption d’une dénomination légale consiste à associer une expression spécifique à une denrée alimentaire déterminée.

71 C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner l’argumentation que le gouvernement italien fait valoir dans ses observations écrites, selon laquelle, dès lors que les États membres, en l’absence de dénomination légale prescrite par des dispositions du droit de l’Union, peuvent adopter des mesures en vue de prévoir des dénominations légales pour certaines denrées alimentaires, ils doivent se voir également reconnaître le pouvoir d’interdire l’utilisation de certaines
dénominations pour certaines denrées. En effet, d’après ce gouvernement, l’interdiction d’utiliser une dénomination donnée pour certaines denrées alimentaires équivaut à l’imposition d’une dénomination légale pour les denrées alimentaires qui présentent des caractéristiques différentes de celles visées par l’interdiction en cause. À l’appui de cette argumentation, ledit gouvernement invoque l’arrêt du 14 juin 2017, TofuTown.com (C‑422/16, EU:C:2017:458), dans lequel la Cour aurait exclu que les
dénominations « lait » et « produits laitiers » puissent être utilisées pour désigner des produits alimentaires non issus de la sécrétion mammaire.

72 Or, il y a lieu de relever que, aux fins du règlement no 1169/2011, l’adoption de mesures consistant à prévoir que des denrées alimentaires doivent respecter certaines conditions, notamment en ce qui concerne leur composition, pour pouvoir être désignées par des termes retenus, en vertu de ces mesures, en tant que dénomination légale ne saurait être considérée comme étant équivalente à l’adoption de mesures interdisant l’utilisation de certains termes, non juridiquement définis par ces mesures,
pour désigner des denrées alimentaires présentant certaines caractéristiques, notamment quant à leur composition.

73 En effet, les premières mesures permettent d’assurer la protection du consommateur, qui doit pouvoir partir du principe qu’une denrée alimentaire désignée par des termes spécifiques qui constituent une dénomination légale donnée répond aux conditions spécifiquement prévues pour l’utilisation de celle-ci. En revanche, les secondes mesures ne réservent pas l’usage de termes définis de manière précise, en tant que dénomination légale, par une autorité, à la désignation de denrées alimentaires
présentant des caractéristiques spécifiques.

74 Cette absence d’équivalence n’est pas remise en cause par les enseignements de l’arrêt du 14 juin 2017, TofuTown.com (C‑422/16, EU:C:2017:458).

75 En effet, il résulte des points 5, 8, 20 à 22, 25 et 28 à 30 de cet arrêt que les dispositions du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), que la Cour était appelée à interpréter dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, définissent de manière précise
les exigences que des denrées alimentaires doivent respecter pour pouvoir utiliser la dénomination « lait » et des dénominations propres aux « produits laitiers ».

76 En vertu de ces dispositions, d’une part, la dénomination « lait » est réservée exclusivement au produit de la sécrétion mammaire normale. D’autre part, les « produits laitiers » sont ceux qui sont dérivés exclusivement du lait et seuls ces produits peuvent utiliser les dénominations figurant sur une liste annexée au règlement no 1308/2013 ainsi que les dénominations, au sens de l’article 17 du règlement no 1169/2011, effectivement utilisées pour lesdits produits.

77 C’est au regard d’un tel cadre juridique particulier que, dans le dispositif de l’arrêt du 14 juin 2017, TofuTown.com (C‑422/16, EU:C:2017:458), la Cour a dit pour droit, en substance, que lesdites dispositions s’opposent à ce que la dénomination « lait » et les dénominations réservées uniquement aux « produits laitiers » soient utilisées pour désigner, lors de la commercialisation ou dans la publicité, un produit purement végétal, et ce même si ces dénominations sont complétées par des mentions
explicatives ou descriptives indiquant l’origine végétale du produit en cause, sauf exception prévue par le droit de l’Union.

78 Or, force est de constater que le droit de l’Union ne prévoit pas de règle réservant à certaines denrées alimentaires, spécifiquement définies comme étant d’origine animale, l’utilisation de dénominations légales contenant des termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie, visés par le décret no 2022-947, ou par les termes énumérés à l’annexe I du décret no 2024-144. En outre, il ne résulte pas du dossier dont dispose la Cour que de telles règles existeraient
dans le droit français.

79 Il s’ensuit que les enseignements issus de l’arrêt du 14 juin 2017, TofuTown.com (C‑422/16, EU:C:2017:458), ne peuvent pas être transposés aux fins de l’examen des première et deuxième questions.

80 Partant, sous réserve de la vérification à laquelle il appartiendra à la juridiction de renvoi de procéder, conformément aux points 67 à 69 du présent arrêt, il convient de considérer que le décret no 2022-947 ne contient pas de « dénomination légale », au sens du règlement no 1169/2011, mais concerne le point de savoir quels sont les « noms usuels » ou les « noms descriptifs » qui ne peuvent pas être utilisés pour désigner les denrées alimentaires à base de protéines végétales. Aussi y a-t-il
lieu de déterminer si ces notions sont expressément harmonisées par ce règlement, au sens de l’article 38, paragraphe 1, dudit règlement.

81 À cet égard, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 2, sous o) et p), du règlement no 1169/2011 ne dispose pas que les États membres puissent adopter des mesures qui réglementeraient les noms usuels ou les noms descriptifs d’une denrée alimentaire déterminée, contrairement à ce que prévoit, s’agissant des dénominations légales, l’article 2, paragraphe 2, sous n), de ce règlement.

82 Cette différence s’explique par le fait que, au vu des définitions retenues par le législateur de l’Union pour ces noms usuels et descriptifs, la portée de ceux-ci ne peut pas être circonscrite, de manière générale et abstraite, par des autorités nationales. En effet, ainsi que le font valoir, en substance, Protéines France et l’EVU, d’une part, une dénomination ne peut être considérée comme étant un nom usuel pour une denrée alimentaire que si le langage courant, l’usage, l’habitude, la
tradition et la coutume permettent de considérer que les consommateurs reconnaissent cette dénomination comme désignant spécifiquement le produit auquel elle est accolée. D’autre part, pour être qualifiée de « nom descriptif », une dénomination doit, à sa lecture, permettre de comprendre quelles sont les caractéristiques principales de la denrée ainsi désignée.

83 Dès lors, à défaut d’adopter une dénomination légale, il découle de l’article 38, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011 qu’un État membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales de s’acquitter de l’obligation qui est la leur d’indiquer la dénomination de ces denrées par l’utilisation de noms usuels ou de noms descriptifs.

84 Quant à la question de savoir si un État membre peut adopter des mesures générales et abstraites en vue de prévenir le risque que l’utilisation de certains noms usuels ou descriptifs induise en erreur les consommateurs au motif que ceux-ci ne seraient pas correctement informés du fait que, dans des denrées alimentaires désignées par ces noms, les protéines animales ont été remplacées par des protéines végétales, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il résulte des points 54 et 60 du présent
arrêt, l’article 7, paragraphe 1, sous d), et l’annexe VI, partie A, point 4, du règlement no 1169/2011 concernent spécifiquement le remplacement de composants ou d’ingrédients des denrées alimentaires. Partant, cette question est également expressément harmonisée par ce règlement, au sens de son article 38, paragraphe 1.

85 Toutefois, les gouvernements ayant déposé des observations écrites ainsi que la Commission européenne font valoir, en substance, que ces dispositions ne visent pas la situation qui serait pertinente en l’occurrence, dans laquelle la composition de la denrée alimentaire concernée deviendrait complètement autre.

86 Conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 12 mai 2021, Bundesrepublik Deutschland (Notice rouge d’Interpol), C‑505/19, EU:C:2021:376, point 77 et jurisprudence citée].

87 Sur le plan littéral, il convient de relever que les libellés de l’article 7, paragraphe 1, sous d), et de l’annexe VI, partie A, point 4, du règlement no 1169/2011 font référence au remplacement d’un composant ou d’un ingrédient par un composant ou un ingrédient différent. Or, le fait que ces dispositions fassent référence à un composant ou à un ingrédient ne suffit pas pour les considérer inapplicables lorsque le composant ou l’ingrédient remplacé est le seul composant ou ingrédient d’une
denrée alimentaire.

88 Sur le plan contextuel, il y a lieu de rappeler que ce règlement contient, à son article 2, paragraphe 2, sous f), la définition du terme « ingrédient », lequel désigne « toute substance ou tout produit, y compris les arômes, les additifs alimentaires et les enzymes alimentaires, ou tout constituant d’un ingrédient composé, utilisé dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et encore présent dans le produit fini, éventuellement sous une forme modifiée ». L’article 2,
paragraphe 2, sous q), dudit règlement dispose que, par « ingrédient primaire » doivent être entendus « le ou les ingrédients d’une denrée alimentaire qui constituent plus de 50 % de celle-ci ou qui sont habituellement associés à la dénomination de cette denrée par les consommateurs et pour lesquels, dans la plupart des cas, une indication quantitative est requise ».

89 Or, l’article 7, paragraphe 1, sous d), et l’annexe VI, partie A, point 4, du même règlement utilisent le terme « ingrédient » sans exclure les « ingrédients primaires ». Partant, ceux-ci peuvent faire l’objet d’un remplacement, au sens de ces dispositions.

90 Sur le plan téléologique, il ressort de l’article 1er,paragraphe 1, du règlement no 1169/2011, lu à la lumière des considérants 1 et 3 de celui‑ci, que ce règlement vise à atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’informations sur les denrées alimentaires, dans le respect des différences de perception de ces consommateurs et de leurs besoins en information, tout en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur, par l’adoption de dispositions de base.

91 Or, ce niveau de protection élevé risque d’être compromis si les dispositions relatives au remplacement, dans une denrée alimentaire, d’un composant ou d’un ingrédient par un composant ou un ingrédient différent ne s’appliquent pas lorsque ce remplacement concerne un composant ou un ingrédient qui est particulièrement important au sein d’une denrée alimentaire, voire qui en constitue le seul composant ou ingrédient. En effet, paradoxalement, le résultat n’en serait pas que la vente et la
promotion de cette denrée seraient interdites par le droit de l’Union, mais que la protection des consommateurs dans de tels cas de figure ne serait pas harmonisée et donc pas assurée, alors qu’elle le serait lorsque le remplacement porte sur un composant ou un ingrédient moins importants.

92 Partant, il y a lieu de considérer que l’article 7, paragraphe 1, sous d), et l’annexe VI, partie A, point 4, du règlement no 1169/2011 couvrent également la question des informations qui doivent être fournies aux consommateurs lorsque la composition de la denrée alimentaire concernée devient complètement autre.

93 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence relative notamment à ces dispositions que le fait d’indiquer, à proximité immédiate de la dénomination de la denrée alimentaire, l’information relative au remplacement d’un composant ou d’un ingrédient suffit pour protéger le consommateur du risque d’être induit en erreur (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2022, LSI – Germany, C‑595/21, EU:C:2022:949, points 32 et 34).

94 Dès lors, ainsi que l’indique, en substance, Beyond Meat, lesdites dispositions instituent une présomption réfragable en vertu de laquelle les informations fournies selon les modalités prescrites par elles protègent suffisamment les consommateurs, y compris en cas de remplacement total du seul composant ou ingrédient que ceux-ci peuvent s’attendre à trouver dans une denrée alimentaire désignée par un nom usuel ou un nom descriptif contenant certains termes.

95 Il n’en demeure pas moins que, si une autorité nationale estime que les modalités concrètes de vente ou de promotion d’une denrée alimentaire induisent en erreur le consommateur, elle pourra poursuivre l’exploitant du secteur alimentaire concerné, lequel, en vertu de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1169/2011, est responsable des informations qui figurent sur cette denrée et doit veiller à la présence et à l’exactitude de ces informations, et démontrer que la présomption
susmentionnée est renversée.

96 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que les articles 7 et 17 ainsi que l’annexe VI, partie A, point 4, du règlement no 1169/2011, lus à la lumière de l’article 2, paragraphe 2, sous o) et p), et de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de celui-ci, doivent être interprétés en ce sens qu’ils harmonisent expressément, au sens de l’article 38, paragraphe 1, de ce règlement, la protection des consommateurs du risque d’être induits en erreur par
l’utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales au lieu des protéines d’origine animale, y compris dans leur totalité, et, de ce fait, s’opposent à ce qu’un État membre édicte des mesures nationales qui réglementent ou interdisent l’usage de telles dénominations.

Sur la troisième question

97 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en cas de réponse positive à la première ou à la deuxième question, l’article 38, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011 doit être interprété en ce sens que l’harmonisation expresse à laquelle procèdent les dispositions faisant l’objet de ces questions s’oppose à ce qu’un État membre édicte une mesure nationale qui, d’une part, prévoit d’infliger des sanctions administratives en cas de manquement aux prescriptions et
aux interdictions résultant des dispositions de ce règlement et, d’autre part, détermine des taux de protéines végétales en deçà desquels resterait autorisée l’utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie et de la charcuterie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales.

98 S’agissant du premier volet de la troisième question, relatif aux interdictions et aux sanctions résultant des articles 6 et 7 du décret no 2022-947, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 178/2002, les États membres fixent les règles relatives aux mesures et aux sanctions applicables en cas de violation de la législation relative aux denrées alimentaires, lesquelles doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

99 En vertu de l’article 3, point 1, de ce règlement, d’une part, par « législation alimentaire », il convient d’entendre les dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant les denrées alimentaires en général et leur sécurité en particulier, dans le droit de l’Union ou dans le droit national. D’autre part, la législation alimentaire couvre toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution des denrées alimentaires.

100 Il résulte de l’article 8 dudit règlement que la législation alimentaire vise à protéger les intérêts des consommateurs et à prévenir notamment les pratiques frauduleuses ou trompeuses ainsi que toute autre pratique pouvant induire le consommateur en erreur.

101 Ces éléments relatifs au règlement no 178/2002 sont pertinents également s’agissant du règlement no 1169/2011.

102 En effet, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011, aux fins de ce règlement, la définition de la notion de « législation alimentaire » est celle prévue à l’article 3, point 1, du règlement no 178/2002. Le considérant 4 du règlement no 1169/2011 rappelle que, en vertu du règlement no 178/2002, l’un des principes généraux de la législation alimentaire est de fournir aux consommateurs une base pour choisir en connaissance de cause les denrées alimentaires qu’ils
consomment et de prévenir toute pratique pouvant induire le consommateur en erreur.

103 Dès lors que la législation alimentaire inclut le règlement no 1169/2011 et que ce règlement permet, sous certaines conditions, l’adoption de mesures nationales, les États membres sont tenus de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux violations dudit règlement ou de ces mesures.

104 Partant, l’harmonisation expresse à laquelle procèdent les dispositions visées par les première et deuxième questions ne fait pas obstacle à ce qu’un État membre édicte des sanctions administratives en cas de manquement aux prescriptions et aux interdictions résultant de ces dispositions ou de mesures nationales qui sont conformes auxdites dispositions.

105 S’agissant du second volet de la troisième question, il y a lieu de relever que la fixation, telle que celle résultant de l’article 3, paragraphe 1, du décret no 2022-947, de taux maximaux de protéines végétales admis, pour que des denrées alimentaires puissent être désignées par certains noms usuels ou descriptifs, équivaut à réglementer l’utilisation de ces noms, sans pour autant adopter de dénomination légale. Or, étant donné que les dispositions faisant l’objet des première et deuxième
questions harmonisent expressément l’utilisation desdits noms, un État membre ne saurait adopter de mesure à cet égard, sans mettre en danger l’uniformité du droit de l’Union.

106 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 38, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011 doit être interprété en ce sens que l’harmonisation expresse constatée dans la réponse aux première et deuxième questions ne fait pas obstacle à ce qu’un État membre édicte des sanctions administratives en cas de manquement aux prescriptions et aux interdictions résultant des dispositions de ce règlement ainsi que des mesures nationales conformes à ce dernier.
En revanche, cette harmonisation expresse s’oppose à ce qu’un État membre édicte une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels resterait autorisée l’utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie et de la charcuterie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales.

Sur la quatrième question

107 Dès lors que la juridiction de renvoi précise que la quatrième question n’est posée que si les réponses aux première et deuxième questions sont négatives, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

Sur les dépens

108 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

  1) Les articles 7 et 17 du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les
directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission, ainsi que l’annexe VI, partie A, point 4, du règlement no 1169/2011, lus à la lumière de l’article 2, paragraphe 2, sous o) et p), et de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de celui-ci,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils harmonisent expressément, au sens de l’article 38, paragraphe 1, de ce règlement, la protection des consommateurs du risque d’être induits en erreur par l’utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales au lieu des protéines d’origine animale, y compris dans leur totalité,
et, de ce fait, s’opposent à ce qu’un État membre édicte des mesures nationales qui réglementent ou interdisent l’usage de telles dénominations.

  2) L’article 38, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011

doit être interprété en ce sens que :

l’harmonisation expresse constatée au point 1 du dispositif ne fait pas obstacle à ce qu’un État membre édicte des sanctions administratives en cas de manquement aux prescriptions et aux interdictions résultant des dispositions de ce règlement ainsi que des mesures nationales conformes à ce dernier. En revanche, cette harmonisation expresse s’oppose à ce qu’un État membre édicte une mesure nationale déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels resterait autorisée l’utilisation
de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie et de la charcuterie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales.

Prechal

Biltgen

Wahl

Passer

Arastey Sahún
 
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2024.

Le greffier

A. Calot Escobar

La présidente de chambre

A. Prechal

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-438/23
Date de la décision : 04/10/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 1169/2011 – Information des consommateurs sur les denrées alimentaires – Article 2, paragraphe 2, sous n) à p), et articles 7, 9 et 17 – Pratiques loyales concernant la dénomination des denrées alimentaires – Dénominations légales, noms usuels et noms descriptifs – Remplacement de composants ou d’ingrédients d’une denrée alimentaire – Article 38, paragraphe 1 – Questions expressément harmonisées – Mesures nationales interdisant l’utilisation de dénominations carnées pour désigner un produit contenant des protéines végétales.


Parties
Demandeurs : Protéines France e.a.
Défendeurs : Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:826

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