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19/09/2024 | CJUE | N°C-725/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Maria Teresa Coppo Gavazzi e.a. contre Parlement européen., 19/09/2024, C-725/20


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 septembre 2024 ( *1 )

« Pourvoi – Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Adoption d’une décision en matière de pensions par la chambre des députés italienne – Modification du montant des pensions des députés nationaux italiens – Modification corrélative, par le Parlement européen, du montant des pensions de certains anciens députés européens élus en Italie – Remplacement des décisions du Parlement – Pe

rsistance de l’intérêt à agir en
annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne »

Dans l’affaire...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 septembre 2024 ( *1 )

« Pourvoi – Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Adoption d’une décision en matière de pensions par la chambre des députés italienne – Modification du montant des pensions des députés nationaux italiens – Modification corrélative, par le Parlement européen, du montant des pensions de certains anciens députés européens élus en Italie – Remplacement des décisions du Parlement – Persistance de l’intérêt à agir en
annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑725/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 décembre 2020,

Maria Teresa Coppo Gavazzi, demeurant à Milan (Italie),

Cristiana Muscardini, demeurant à Milan,

Luigi Vinci, demeurant à Milan,

Agostino Mantovani, demeurant à Brèche (Italie),

Anna Catasta, demeurant à Milan,

Vanda Novati, demeurant à Varèse (Italie),

Francesco Enrico Speroni, demeurant à Busto Arsizio (Italie),

Maria Di Meo, demeurant à Cellole (Italie),

Giuseppe Di Lello Finuoli, demeurant à Palerme (Italie),

Raffaele Lombardo, demeurant à Catane (Italie),

Olivier Dupuis, demeurant à Saint-Gilles (Belgique),

Leda Frittelli, demeurant à Frosinone (Italie),

Livio Filippi, demeurant à Carpi (Italie),

Vincenzo Viola, demeurant à Palerme,

Antonio Mussa, demeurant à Turin (Italie),

Mauro Nobilia, demeurant à Rome (Italie),

Clara di Prinzio, en qualité d’héritière de M. Sergio Camillo Segre, demeurant à Rome,

Stefano De Luca, demeurant à Palerme,

Riccardo Ventre, demeurant à Formicola (Italie),

Mirella Musoni, demeurant à Rome,

Francesco Iacono, demeurant à Forio (Italie),

Vito Bonsignore, demeurant à Turin,

Claudio Azzolini, demeurant à Naples (Italie),

Vincenzo Aita, demeurant à Campagna (Italie),

Mario Mantovani, demeurant à Arconate (Italie),

Vincenzo Mattina, demeurant à Buonabitacolo (Italie),

Romano Maria La Russa, demeurant à Milan,

Giorgio Carollo, demeurant à Torri di Quartesolo (Italie),

Fiammetta Cucurnia, en qualité d’héritière de M. Giulietto Chiesa, demeurant à Rome,

Roberto Costanzo, demeurant à Bénévent (Italie),

Giorgio Gallenzi, en qualité d’héritier de M. Giulio Cesare Gallenzi, demeurant à Rome,

Vitaliano Gemelli, demeurant à Rome,

Pasqualina Napoletano, demeurant à Anzio (Italie),

Ida Panusa, demeurant à Latina (Italie),

représentés par Me M. Merola, avvocato,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par Mmes S. Alves et S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu–Matei, MM. J.–C. Bonichot, S. Rodin (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 11 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, Mmes Maria Teresa Coppo Gavazzi, Cristiana Muscardini, MM. Luigi Vinci, Agostino Mantovani, Mmes Anna Catasta, Vanda Novati, M. Francesco Enrico Speroni, Mme Maria Di Meo, MM. Giuseppe Di Lello Finuoli, Raffaele Lombardo, Olivier Dupuis, Mme Leda Frittelli, MM. Livio Filippi, Vincenzo Viola, Antonio Mussa, Mauro Nobilia, Mme Clara di Prinzio, en qualité d’héritière de M. Sergio Camillo Segre, MM. Stefano De Luca, Riccardo Ventre, Mme Mirella Musoni, MM. Francesco Iacono, Vito
Bonsignore, Claudio Azzolini, Vincenzo Aita, Mario Mantovani, Vincenzo Mattina, Romano Maria La Russa, Giorgio Carollo, Mme Fiammetta Cucurnia, en qualité d’héritière de M. Giulietto Chiesa, MM. Roberto Costanzo, Giorgio Gallenzi, en qualité d’héritier de M. Giulio Cesare Gallenzi, Vitaliano Gemelli, Mmes Pasqualina Napoletano et Ida Panusa demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi e.a./Parlement (T‑389/19 à T‑394/19, T‑397/19, T‑398/19,
T‑403/19, T‑404/19, T‑406/19, T‑407/19, T‑409/19 à T‑414/19, T‑416/19 à T‑418/19, T‑420/19 à T‑422/19, T‑425/19 à T‑427/19, T‑429/19 à T‑432/19, T‑435/19, T‑436/19, T‑438/19 à T‑442/19, T‑444/19 à T‑446/19, T‑448/19, T‑450/19 à T‑454/19, T‑463/19 et T‑465/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:494), par lequel celui-ci a rejeté leurs recours tendant à l’annulation des notes du 11 avril 2019 établies, pour chacun des requérants, par le Parlement européen (ci-après, ensemble, les « décisions
litigieuses ») et concernant l’adaptation du montant des pensions dont les requérants bénéficient à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la décision no 14/2018 de l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (Office de la présidence de la chambre des députés, Italie), du 12 juillet 2018 (ci-après la « décision no 14/2018 »).

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1.   Le règlement intérieur du Parlement

2 L’article 25 du règlement intérieur du Parlement européen, dans sa version applicable au cours de la huitième législature (2014 – 2019) (ci-après le « règlement intérieur du Parlement »), intitulé « Fonctions du Bureau », disposait, à son paragraphe 3 :

« Le Bureau règle les questions financières, d’organisation et administratives concernant les députés sur proposition du secrétaire général ou d’un groupe politique. »

3 Cette disposition du règlement intérieur du Parlement est demeurée identique dans la version de celui-ci applicable au cours de la neuvième législature (2019 – 2024).

2.   La réglementation FID

4 L’article 1er de l’annexe III de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen, dans sa version en vigueur jusqu’au 14 juillet 2009 (ci-après la « réglementation FID »), prévoyait :

« 1.   Tous les membres du Parlement européen ont le droit de bénéficier d’une pension de retraite.

2.   En attendant l’instauration d’un régime communautaire de pension définitif pour tous les membres du Parlement européen, et au cas où le régime national ne prévoit pas de pension, ou au cas où le niveau et/ou les modalités de la pension prévue ne sont pas identiques à ceux applicables pour les membres du parlement national de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu, une pension de retraite provisoire est payée, sur demande du membre concerné, sur le budget de
l’Union européenne, section Parlement. »

5 L’article 2 de l’annexe III de la réglementation FID disposait :

« 1.   Le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu.

2.   Tout membre bénéficiant des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, est tenu, en adhérant à ce régime, de verser au budget de l’Union européenne une cotisation qui est calculée d’une manière telle qu’il paie au total la même contribution que paie un membre de la Chambre basse de l’État membre où il a été élu, en vertu des dispositions nationales. »

6 Aux termes de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de l’annexe III de la réglementation FID :

« 1.   La demande d’adhésion au présent régime de pension provisoire doit être introduite dans un délai de douze mois à compter du début du mandat de l’intéressé.

Passé ce délai, la date d’effet de l’adhésion au régime de pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande.

2.   La demande de liquidation de la pension doit être introduite dans un délai de six mois suivant la naissance du droit.

Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande. »

3.   Le statut des députés

7 L’article 25, paragraphes 1 et 2, de la décision 2005/684/CE, Euratom, du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés »), entré en vigueur le 14 juillet 2009, se lit comme suit :

« 1.   Les députés qui faisaient déjà partie du Parlement avant l’entrée en vigueur du statut et ont été réélus peuvent opter, s’agissant de l’indemnité, de l’indemnité transitoire et des diverses pensions, pour toute la durée de leur activité, en faveur du régime national actuel.

2.   Ces versements sont à la charge du budget de l’État membre. »

8 L’article 28, paragraphe 1, du statut des députés prévoit :

« Tout droit à pension qu’un député a acquis en vertu des régimes nationaux au jour de l’application du présent statut est entièrement maintenu. »

4.   Les mesures d’application

9 Le considérant 7 de la décision 2009/C 159/01 du bureau du Parlement européen, des 19 mai et 9 juillet 2008, portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1), telle que modifiée par la décision 2010/C 340/06 du bureau du Parlement européen, du 13 décembre 2010 (JO 2010, C 340, p. 6) (ci-après les « mesures d’application »), énonce :

« Il importe [...] d’assurer, dans les dispositions transitoires, que les personnes jouissant de certaines prestations accordées sur la base de la réglementation FID puissent continuer à en bénéficier après l’abrogation de cette réglementation, conformément au principe de [protection de la] confiance légitime. Il convient également de garantir le respect des droits à pension acquis sur la base de la réglementation FID avant l’entrée en vigueur du statut [des députés]. »

10 L’article 49, paragraphe 1, des mesures d’application dispose :

« Les députés qui ont exercé leur mandat pendant au moins une année complète ont droit, après la cessation du mandat, à une pension d’ancienneté à vie payable à partir du premier jour du mois suivant celui où ils atteignent l’âge de 63 ans.

L’ancien député ou son représentant légal introduit, sauf en cas de force majeure, la demande de paiement de la pension d’ancienneté dans un délai de six mois suivant la naissance du droit. Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension d’ancienneté est fixée au premier jour du mois de réception de la demande. »

11 En vertu de l’article 73 des mesures d’application, celles-ci sont entrées en vigueur le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009.

12 L’article 74 des mesures d’application prévoit que, sous réserve des dispositions transitoires prévues à leur titre IV, parmi lesquelles figure l’article 75 de celles-ci, la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.

13 Aux termes de l’article 75 des mesures d’application :

« 1.   La pension de survie, la pension d’invalidité, la pension d’invalidité supplémentaire accordée pour les enfants à charge et la pension de retraite attribuées en vertu des annexes I, II et III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de ces annexes aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut [des députés].

Au cas où un ancien député bénéficiant de la pension d’invalidité décède après le 14 juillet 2009, la pension de survie est versée à son conjoint, son partenaire stable non matrimonial ou son enfant à charge, dans les conditions fixées à l’annexe I de la réglementation FID.

2.   Les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut [des députés] en application de l’annexe III précitée restent acquis. Les personnes qui ont acquis des droits dans ce régime de pension bénéficient d’une pension calculée sur la base de leurs droits acquis en application de l’annexe III précitée, dès lors qu’elles remplissent les conditions prévues à cet effet par la législation nationale de l’État membre concerné et qu’elles ont déposé la demande visée à
l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe III précitée. »

B. Le droit italien

14 Aux termes de l’article 1er, paragraphes 1 à 3, de la décision no 14/2018 :

« 1.   À compter du 1er janvier 2019, les montants des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, dont les droits ont été acquis sur la base de la réglementation en vigueur au 31 décembre 2011, sont calculés suivant les nouvelles modalités prévues par la présente décision.

2.   Le nouveau calcul visé au paragraphe précédent est effectué en multipliant le montant de la contribution individuelle par le coefficient de transformation relatif à l’âge du député à la date à laquelle le député a acquis le droit à l’allocation viagère ou à la prestation de prévoyance pro rata.

3.   Les coefficients de transformation figurant dans le tableau 1, annexé à la présente décision, sont appliqués. »

II. Les antécédents du litige

15 Les antécédents du litige figurent aux points 14 à 23 de l’arrêt attaqué. Ils peuvent, aux fins du présent pourvoi, être résumés comme suit.

16 Chacun des requérants est soit un ancien membre du Parlement européen, élu en Italie, soit un ayant droit d’un tel ancien député européen, bénéficiant d’une pension de retraite ou d’une pension de survie (ci-après la « pension »).

17 Par l’ajout d’un commentaire sur les bulletins de pension du mois de janvier 2019, le Parlement a averti les requérants du fait que le montant de leur pension pourrait être révisé en exécution de la décision no 14/2018 et que ce nouveau calcul pourrait éventuellement donner lieu à un recouvrement des sommes indûment versées.

18 À partir du 1er janvier 2019, le Parlement a réduit, en appliquant cette décision en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, le montant de la pension des requérants.

19 Par une note non datée du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale (DG) des finances du Parlement (ci-après le « chef d’unité »), annexée aux bulletins de pension des requérants du mois de février 2019, le Parlement a, tout d’abord, averti ces derniers que, par l’avis no SJ-0836/18 du 11 janvier 2019, son service juridique avait confirmé l’applicabilité automatique de la décision no 14/2018 à leur situation (ci-après l’« avis du service juridique »).
Ensuite, dès qu’il aurait reçu les informations nécessaires de la part de la Camera dei deputati (chambre des députés, Italie), le Parlement notifierait aux requérants le nouveau montant de leur pension et procéderait au recouvrement de l’éventuelle différence sur les douze mois suivants. Enfin, il a informé les requérants que le montant définitif de leur pension serait arrêté par un acte formel contre lequel il serait possible d’introduire une réclamation ou un recours en annulation.

20 Par les décisions litigieuses, le chef d’unité a, en premier lieu, informé les requérants que le montant de leur pension serait adapté, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la chambre des députés en application de la décision no 14/2018. En deuxième lieu, le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019, avec effet
rétroactif au 1er janvier 2019, en application des projets de fixation des nouveaux montants des pensions transmis en annexe de ces décisions. En troisième lieu, les décisions litigieuses accordaient aux requérants un délai de 30 jours, à compter de leur réception, pour faire valoir leurs observations. À défaut de telles observations, les effets de ces décisions seraient considérés comme définitifs et impliqueraient, notamment, le recouvrement des montants indûment perçus pour les mois de janvier
à mars 2019.

21 Aucun des requérants au présent pourvoi n’ayant formulé de telles observations, les effets des décisions litigieuses sont devenus définitifs à leur égard à l’expiration de ce délai.

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

22 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 27 juin (affaires T‑389/19 à T‑393/19), le 28 juin (affaires T‑397/19, T‑407/19, T‑409/19 à T‑411/19, T‑413/19, T‑414/19, T‑416/19 et T‑417/19), le 1er juillet (affaires T‑436/19, T‑439/19 à T‑442/19 et T‑445/19), le 2 juillet (affaires T‑421/19, T‑422/19, T‑425/19, T‑426/19 et T‑429/19 à T‑431/19), le 3 juillet (affaires T‑418/19, T‑420/19, T‑448/19 et T‑450/19 à T‑453/19), les requérants ont introduit leurs recours tendant à l’annulation des
décisions litigieuses.

23 À l’appui de leurs recours, les requérants ont invoqué quatre moyens. Le premier moyen était tiré d’une incompétence du chef d’unité pour adopter les décisions litigieuses ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation de ces décisions. Le deuxième moyen était tiré de l’absence de base juridique et d’une application erronée de l’article 75 des mesures d’application. Le troisième moyen était tiré d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision no 14/2018 et d’une
application erronée de l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application. Par le quatrième moyen, les requérants ont invoqué une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime, de proportionnalité et d’égalité ainsi qu’une violation du droit de propriété.

24 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans l’affaire T‑453/19 comme irrecevable et a écarté l’ensemble des moyens dans les autres affaires, rejetant donc les recours dans ces dernières.

IV. La procédure et les conclusions des parties devant la Cour

25 Les requérants demandent à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de renvoyer l’affaire Panusa/Parlement (T‑453/19) devant le Tribunal ;

– d’annuler les décisions litigieuses relatives aux autres requérants, et

– de condamner le Parlement aux dépens afférents au pourvoi et à la procédure devant le Tribunal.

26 Le Parlement demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner les requérants aux dépens afférents au pourvoi et à la procédure devant le Tribunal.

27 Le 12 janvier 2022, M. Enrico Falqui a, dans le cadre de la procédure dans l’affaire C‑391/21 P le concernant, déposé au greffe de la Cour une copie de l’arrêt no 4/2021 du Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (conseil de juridiction de la chambre des députés, Italie), du 23 décembre 2021 (ci-après l’« arrêt no 4/2021 »), annulant la décision no 14/2018. Ce document n’a pas, à ce stade, été versé au dossier.

28 Le 9 mars 2022, les requérants dans l’affaire Santini e.a./Parlement (C‑198/21 P) ont déposé le même arrêt au greffe de la Cour.

29 Dans la présente affaire, ainsi que dans les affaires Falqui/Parlement (C‑391/21 P) et Santini e.a./Parlement (C‑198/21 P), le greffe a, en date du 16 mars 2022, transmis aux parties dans ces affaires une mesure d’organisation décidée par le juge rapporteur et l’avocate générale en vertu de l’article 62 du règlement de procédure de la Cour, selon laquelle celles-ci ont été priées de produire tous les documents susceptibles d’avoir une incidence sur l’objet de l’affaire les concernant, et
notamment l’arrêt no 4/2021.

30 Le 25 mars 2022, les requérants dans la présente affaire ont produit plusieurs documents, dont l’arrêt no 4/2021. Le 29 mars 2022, le Parlement a, lui aussi, produit plusieurs documents, dont l’arrêt no 4/2021 et un document intitulé « Nouvelles règles pour le calcul des pensions adoptées par la chambre des députés italienne ». Cette institution a également informé la Cour que, dès la réception des clarifications supplémentaires qu’elle avait demandées à la chambre des députés quant à
l’application concrète de ces règles, elle effectuerait un nouveau calcul des pensions des requérants et enverrait à ceux-ci un nouveau projet de décision relatif à la détermination de leurs droits à pension, sur lequel ils auraient la possibilité de présenter des observations avant l’adoption d’une décision finale.

31 Les 14 octobre et 29 novembre 2022, le Parlement a déposé au greffe de la Cour les décisions finales déterminant le nouveau montant des pensions à verser aux requérants à partir du mois de novembre 2022 avec les arriérés dus (ci-après les « nouvelles décisions du Parlement »).

32 Par décision du 25 octobre 2022, le président de la Cour a invité les parties à préciser si elles considéraient, d’une part, que les nouvelles décisions du Parlement avaient remplacé ex tunc les décisions litigieuses, et, d’autre part, que, à la suite de l’adoption de ces nouvelles décisions, le pourvoi conservait son objet.

33 Le 29 novembre 2022, le Parlement a précisé qu’il considérait que les nouvelles décisions du Parlement avaient remplacé avec un effet ex tunc les décisions litigieuses, mais que le pourvoi conservait son objet. Il serait en effet dans l’intérêt des parties et d’une bonne administration de la justice que la Cour se prononce sur le bien-fondé du pourvoi, afin d’apporter de la clarté sur la question de savoir si l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit et si le Parlement peut recalculer,
sur la base de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, les pensions des requérants en cas de changement intervenu dans la réglementation nationale applicable.

34 Par lettre déposée le 30 novembre 2022, les requérants ont indiqué qu’ils considéraient que les nouvelles décisions du Parlement constituaient une simple modification des décisions litigieuses.

35 En effet, aux fins de procéder à ce nouveau calcul, le Parlement aurait persisté à se référer aux règles nationales, indépendamment de leur contenu, en procédant, sur le fondement de son interprétation de l’article 75 des mesures d’application, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID (ci-après les « règles internes du Parlement »), à une application automatique des décisions nationales.

36 Les requérants en ont conclu, d’une part, que les nouvelles décisions du Parlement demeuraient intrinsèquement identiques, du moins dans une large mesure, aux décisions litigieuses. D’autre part, il résulterait de l’adoption des nouvelles décisions du Parlement une violation persistante du principe de sécurité juridique, du principe de protection de la confiance légitime et des droits acquis ainsi que du principe de proportionnalité, tels qu’invoqués devant le Tribunal et au stade du présent
pourvoi. En d’autres termes, bien que, pour certains des requérants, les nouvelles décisions du Parlement ont eu pour effet de rétablir le montant de leur pension à celui qu’ils percevaient avant l’entrée en vigueur des décisions litigieuses, il n’en demeurerait pas moins que l’erreur de droit commise par le Parlement subsisterait, sous la forme d’un défaut d’instruction et d’une application erronée des principes généraux du droit de l’Union, ce qui, dans certains cas, conduirait à la persistance
d’une réduction illégale de ces montants.

37 Par ailleurs, les requérants estiment que les nouvelles décisions du Parlement ne sont pas susceptibles de remplacer ex tunc les décisions litigieuses, sauf en ce qui concerne le montant des pensions applicable à compter du 1er janvier 2019. Les nouveaux calculs demeureraient effectués sur un fondement illégal. Enfin, les requérants font valoir que le chef d’unité n’était pas compétent pour adopter les nouvelles décisions du Parlement, n’étant pas l’organe compétent pour adopter des actes allant
au-delà de l’administration ordinaire.

V. Sur le pourvoi

38 À l’appui de leur pourvoi, les requérants soulèvent trois moyens visant à remettre en cause, en substance, la confirmation, par le Tribunal, du bien-fondé de l’interprétation des règles internes du Parlement, ayant mené cette institution à appliquer la décision no 14/2018 en vue de revoir le montant de leur pension. Le premier moyen est tiré, en sa première branche, de l’interprétation erronée de l’article 75 des mesures d’application et, en sa seconde branche, de la méconnaissance des principes
de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, ainsi que du droit de propriété consacré à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le deuxième moyen est tiré, en sa première branche, d’une interprétation erronée des articles 74 et 75 des mesures d’application en ce sens que les dispositions de l’annexe III de la réglementation FID ont pu constituer une base juridique des décisions litigieuses ; en sa deuxième branche, de
la méconnaissance de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement par le Tribunal en ce qu’il a jugé à tort que le chef d’unité était compétent pour adopter ces décisions et, en sa troisième branche, de la méconnaissance de l’article 296 TFUE, en ce que le Tribunal a jugé à tort que lesdites décisions étaient motivées à suffisance de droit. Le troisième moyen ne concerne que Mme Panusa et est tiré d’une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal quant à l’appréciation de son
intérêt à agir.

A. Observations liminaires relatives à la persistance de l’intérêt à agir des requérants

39 Il ressort du point 31 du présent arrêt que les nouvelles décisions du Parlement, adoptées en cours de procédure devant la Cour, visent à fixer le nouveau montant des pensions versées aux requérants à partir du mois de novembre 2022 avec les arriérés dus.

40 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’objet du litige doit perdurer, de même que l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 43 et jurisprudence citée).

41 Toutefois, l’intérêt à agir d’un requérant ne disparaît pas nécessairement en raison du fait que l’acte attaqué par ce dernier a cessé de produire des effets en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 62).

42 Dans certaines circonstances, un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte abrogé en cours d’instance, afin d’amener l’auteur de l’acte attaqué à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et, ainsi, éviter le risque de répétition de l’illégalité dont cet acte est prétendument entaché (arrêt du 6 septembre 2018, Bank Mellat/Conseil, C‑430/16 P, EU:C:2018:668, point 64 et jurisprudence citée).

43 En l’espèce, il découle sans ambiguïté de la réponse du Parlement du 29 novembre 2022, résumée au point 33 du présent arrêt, que cette institution souhaite, également à l’avenir, recalculer les pensions d’anciens députés européens en cas de changement intervenu dans la réglementation nationale visée à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID (ci-après le « régime dynamique »).

44 Bien que le Parlement ait remplacé les décisions litigieuses par les nouvelles décisions, il demeure que toutes ces décisions sont fondées sur une interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens bénéficiant de la pension de retraite et aux personnes bénéficiant de la pension de survie qui, tels que les requérants, relèvent du champ d’application des annexes de la réglementation FID (ci-après les
« anciens députés européens concernés »).

45 Or, c’est précisément cette interprétation qui est remise en cause par les requérants dans le cadre du présent pourvoi. Il en résulte que, nonobstant le remplacement ex tunc des décisions litigieuses, les requérants conservent un intérêt à faire constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en confirmant le bien-fondé de cette interprétation, celle-ci étant susceptible d’être mise en œuvre par le Parlement lors de l’adoption, à l’avenir, de décisions analogues aux décisions litigieuses
ou aux nouvelles décisions du Parlement, de telle sorte qu’il existe non seulement un risque de répétition de l’illégalité alléguée, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 42 du présent arrêt, mais également un risque que, en cas de recours en annulation contre de telles décisions similaires, le Tribunal commette à nouveau les prétendues erreurs de droit l’ayant mené à confirmer le bien-fondé de ladite interprétation.

46 Il découle, en outre, des nouvelles décisions que le Parlement demeure d’avis que le chef d’unité est habilité à adopter des décisions portant modification du montant des pensions en cas de changement intervenu dans la réglementation nationale et que ces décisions ne doivent pas comporter une motivation portant sur leur conformité au droit de l’Union.

47 Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer que les requérants conservent un intérêt à agir devant la Cour, pour autant que le présent pourvoi est dirigé contre les motifs de l’arrêt attaqué qui constituent le soutien nécessaire des appréciations du Tribunal selon lesquelles, premièrement, il résulte des règles internes du Parlement que ce dernier est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés, deuxièmement, le chef d’unité est compétent pour adopter les décisions
portant modification du montant des pensions de ces anciens députés et, troisièmement, le Parlement n’est pas tenu d’exposer, dans de telles décisions, les motifs justifiant leur conformité au droit de l’Union.

B. Sur le premier moyen

1.   Argumentation des parties

48 Le premier moyen comporte deux branches.

49 Par la première branche, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir constaté, aux points 142 à 145, 147 et 156, 159, 160 et 162 de l’arrêt attaqué, que les décisions litigieuses n’ont pas violé les droits acquis des requérants à percevoir une pension en s’appuyant notamment sur la distinction erronée entre une réduction du montant de pension et une atteinte à de tels droits acquis.

50 Une telle constatation exigerait de préciser les circonstances dans lesquelles une réduction du montant de la pension due aux anciens députés européens en vertu du droit de l’Union ne porte pas atteinte au droit acquis à la percevoir. À défaut, cette constatation serait arbitraire, en ce que le Tribunal, d’une part, se serait abstenu de vérifier si tel était le cas ou non au regard de situations concrètes et, d’autre part, n’aurait pas mentionné de critères objectifs, prédéfinis et non
discriminatoires qui permettraient de constater dans quelles situations de réduction le droit à la pension des anciens députés européens est violé.

51 En outre, le Tribunal n’aurait pas opéré de distinction entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 75 des mesures d’application. En revanche, il aurait rejeté la thèse de la fixation définitive de la prestation de pension acquise au moment de l’abrogation de la réglementation FID, tant pour les situations visées à l’article 75, paragraphe 1, des mesures d’application que pour celles visées à l’article 75, paragraphe 2, de celles-ci.

52 Selon les requérants, le droit à pension d’un ancien député européen naît lors de la cessation de ses fonctions, à la condition qu’il ait cotisé pendant au moins cinq ans. Pour que ce droit soit exigible, l’intéressé devrait avoir atteint l’âge de la retraite prévu par la législation de l’État membre dans lequel il a été élu et la demande de liquidation de la pension devrait avoir été présentée conformément à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe III de la réglementation FID. Ainsi, la violation
des droits à pension découlant des décisions litigieuses, lesquelles auraient violé les droits exigibles, aurait concerné les deux situations visées par l’article 75 des mesures d’application, et en particulier celle visée au paragraphe 1 de celui-ci.

53 En l’espèce, les décisions litigieuses auraient modifié non seulement le montant de la pension des requérants, mais également la méthode de calcul de ce montant. En effet, le mode de calcul basé sur l’indemnité perçue pendant le mandat du député européen concerné aurait été remplacé, de manière rétroactive, par celui fondé sur les cotisations versées par celui-ci. Le nouveau calcul du montant de la pension des requérants n’aurait pas porté sur les sommes dues à compter de l’entrée en vigueur de
la décision no 14/2018, mais ab initio, à savoir sur la pension due à l’ancien député européen concerné élu en Italie à partir du moment où ce dernier a pris sa retraite. En outre, le nouveau calcul aurait été effectué comme si, durant leur mandat, tous les anciens députés européens avaient versé des cotisations sur la base du même taux déterminé par la décision no 14/2018, pénalisant ainsi les requérants qui ont versé des cotisations supérieures à ce taux.

54 À titre subsidiaire, à savoir dans l’hypothèse où la distinction entre le droit à la pension et le droit à la prestation de pension était applicable, les requérants soutiennent qu’il ressort de l’article 75 des mesures d’application qu’ils sont non seulement titulaires d’un droit à pension, mais également d’un droit de percevoir un montant fixe de pension, correspondant à celui auquel ils pouvaient s’attendre au moment où ils ont décidé de cotiser au régime de pension établi par la réglementation
FID, ou à tout le moins à partir de l’entrée en vigueur du statut des députés, contrairement à ce que le Tribunal a constaté au point 143 de l’arrêt attaqué.

55 Les décisions litigieuses entraîneraient un déséquilibre au préjudice des requérants, étant donné que les cotisations versées n’avaient à l’époque aucune influence sur l’acquisition du droit à pension. Ce déséquilibre serait d’autant plus évident dans le cas des requérants qui, ayant effectué une partie seulement d’un mandat complet de député européen, parce qu’ils l’ont écourté ou l’ont entamé en cours de législature, ont versé des cotisations complémentaires pour couvrir également les années
pendant lesquelles ils n’ont pas cotisé, de manière à pouvoir prétendre à un droit à pension au titre de la réglementation FID.

56 Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérants soutiennent que le rejet, aux points 204, 211 et 236 de l’arrêt attaqué, de leurs arguments tirés d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ainsi que du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte, repose sur un raisonnement qui méconnaît ces principes généraux de droit de l’Union et ce droit fondamental consacré par la Charte.

57 Premièrement, la détermination des droits à la pension sur la base des nouvelles règles violerait le principe de sécurité juridique qui s’oppose, conformément à la raison d’être de l’article 28 du statut des députés et de l’article 75 des mesures d’application, à une atteinte des droits acquis.

58 Deuxièmement, un tel calcul violerait le principe de protection de la confiance légitime dans la mesure où ce dernier ne permet pas d’altérer les règles de calcul de pension auxquelles les requérants ont volontairement adhéré.

59 Par ailleurs, au point 202 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que le Parlement n’a informé les requérants de la possible application de la décision no 14/2018 à leur égard qu’au cours du mois de janvier 2019, c’est-à-dire après la date à laquelle la diminution du montant de leur pension induite par cette décision aurait dû s’appliquer, à savoir le 1er janvier 2019.

60 Troisièmement, les requérants font valoir que le Tribunal a méconnu le droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte.

61 En premier lieu, le Tribunal aurait opéré, au point 222 de l’arrêt attaqué, une distinction entre une atteinte au droit à pension et une simple adaptation du montant de la pension. Le Tribunal n’aurait toutefois pas indiqué où se trouverait la limite au-delà de laquelle la modification du montant de la pension ne respecte plus le contenu essentiel du droit de propriété et entraîne une violation du droit à pension en tant que tel.

62 En second lieu, au point 228 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément constaté, en se fondant sur le contenu de la décision no 14/2018, que la réduction du montant des pensions des requérants avait pour objectif d’adapter le montant des pensions versées à tous les anciens députés européens à la méthode de calcul contributive.

63 Selon les requérants, ce raisonnement du Tribunal est circulaire. Il se fonderait en effet sur les dispositions du droit italien et non pas sur un objectif d’intérêt général reconnu par l’ordre juridique de l’Union. Or, il aurait incombé au Tribunal d’examiner si le Parlement avait dûment vérifié si l’adaptation de la pension des anciens députés européens élus en Italie était, au regard notamment d’un objectif d’intérêt général reconnu par l’ordre juridique de l’Union, conforme au droit de
celle-ci.

64 En outre, ledit raisonnement aurait dénaturé la méthode de calcul du montant des pensions prévue par la décision no 14/2018 qui ne saurait être considérée comme étant de nature contributive, dans la mesure où elle se fonderait non pas sur un taux de cotisations versées au budget de l’Union déterminé individuellement, mais sur un taux identique pour tous les anciens députés européens concernés. Ainsi, un ancien député européen qui aurait versé, durant son mandat, des cotisations calculées à un
taux supérieur à ce taux identique perdrait le bénéfice de la part de cotisations allant au-delà dudit taux. Dès lors, la méthode de calcul du montant des pensions instaurée par la décision no 14/2018 démontrerait non seulement une atteinte au droit de propriété, mais également au principe de proportionnalité, dans la mesure où elle se fonderait sur un taux de cotisations non individualisé.

65 Cette violation du principe de proportionnalité face à la justification avancée serait d’autant plus évidente si l’on considère que le régime contributif des pensions a été introduit pour la première fois en Italie le 1er janvier 1996, et qu’il a été étendu à la majorité des travailleurs à partir du 1er janvier 2012. En revanche, par les décisions litigieuses, le système contributif serait imposé aux requérants pour ce qui concerne une période de versement des cotisations bien antérieure à
l’année 1995, lorsque ce système contributif n’existait pour personne en Italie.

66 Le Parlement fait valoir que le premier moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

2.   Appréciation de la Cour

a)   Observations liminaires

67 Par la première branche de leur premier moyen, les requérants font valoir, en s’appuyant sur l’article 75 des mesures d’application, que le régime dynamique porte atteinte aux droits acquis à percevoir une pension.

68 Dès lors, par un tel grief, les requérants contestent, en substance, le bien-fondé de l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.

69 Il en va de même en ce qui concerne la seconde branche de ce moyen, pour autant que, par celle-ci, les requérants font valoir que l’application des nouvelles règles de calcul du montant de leur pension n’est conforme ni au principe de sécurité juridique, dans la mesure où ces nouvelles règles portent atteinte aux droits acquis à percevoir une pension, ni au principe de protection de la confiance légitime, celui-ci s’opposant à toute diminution du montant de la pension auquel les requérants
espéraient pouvoir prétendre en adhérant volontairement au régime de pension instauré par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.

70 En revanche, pour autant que, par cette seconde branche, les requérants reprochent au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait que le Parlement les a informés tardivement d’une possible application de la décision no 14/2018, ils ne critiquent pas des motifs de l’arrêt attaqué qui constituent le soutien nécessaire de l’une des appréciations du Tribunal visées au point 47 du présent arrêt. En effet, cet argument a trait à une circonstance spécifique relative à l’adoption des décisions
litigieuses.

71 S’agissant toujours de ladite seconde branche, dans la mesure où, par celle-ci, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir apprécié la conformité des décisions litigieuses au droit de propriété consacré par la Charte au regard non pas d’un objectif reconnu par le droit de l’Union, mais de celui poursuivi par la décision no 14/2018, ils contestent, en substance, la conformité au droit de l’Union de l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle cette institution est tenue
d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.

72 En revanche, les requérants ne contestent pas le bien-fondé de l’interprétation des règles internes du Parlement lorsqu’ils reprochent au Tribunal, premièrement, de ne pas avoir précisé la limite au-delà de laquelle une modification du montant de la pension ne respecte plus le contenu essentiel du droit de propriété et entraîne une violation du droit à pension en tant que tel, et, deuxièmement, d’avoir dénaturé la méthode de calcul des pensions prévue par la décision no 14/2018. Dès lors que, par
de tels arguments, les requérants ne critiquent pas des motifs de l’arrêt attaqué qui constituent le soutien nécessaire de l’une des appréciations du Tribunal visées au point 47 du présent arrêt, il n’y a pas lieu de les examiner.

73 Il en va de même s’agissant de l’argumentation tirée de la méconnaissance du principe de proportionnalité, par laquelle les requérants soutiennent que la décision no 14/2018 n’est pas conforme à ce principe en raison, d’une part, de la méthode de calcul des pensions prévue par cette décision et, d’autre part, du contexte historique dans lequel ladite décision s’insère.

b)   Sur le fond

1) Sur la violation alléguée des règles internes du Parlement

74 Les requérants reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir jugé, au point 163 de l’arrêt attaqué, sur la base des motifs exposés aux points 142 à 145, 147 et 156, 159, 160 et 162 de cet arrêt, que le Parlement pouvait valablement se fonder sur ses règles internes pour appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.

75 Il convient de relever, tout d’abord, que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, « le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu ».

76 Ainsi que le Tribunal l’a indiqué, en substance, au point 139 de l’arrêt attaqué, il ressort des termes « [l]e niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques » que le Parlement est tenu d’appliquer aux anciens députés européens concernés les règles de calcul des pensions telles qu’elles sont appliquées aux membres du parlement de l’État membre dans lequel ces anciens députés européens ont été élus. En d’autres termes, cette institution est tenue d’appliquer le régime dynamique
aux anciens députés européens concernés.

77 Cette interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID est conforme à l’objectif que poursuit cette disposition, tel qu’il découle de l’article 1er, paragraphe 2, de cette annexe.

78 En effet, cette dernière disposition prévoit que seuls peuvent bénéficier de la pension prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ladite annexe les anciens députés européens dont le régime de retraite de l’État membre dans lequel ils ont été élus ne prévoit pas de pension, ou dont le niveau et/ou les modalités de calcul de la pension à laquelle ils peuvent prétendre ne sont pas identiques à ceux applicables pour les membres du parlement national.

79 Dès lors, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID a essentiellement pour objectif de permettre aux anciens députés européens se trouvant dans la situation visée à l’article 1er, paragraphe 2, de cette annexe d’être traités de la même manière que les députés européens dont le régime de pension national prévoyait un droit à pension dont le niveau et/ou les modalités de calcul étaient identiques à ceux applicables aux membres de leur parlement national.

80 L’interprétation de cette disposition en ce sens qu’elle impose au Parlement d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés a ainsi pour conséquence de soumettre ceux-ci, à l’instar de ces autres anciens députés européens, aux modifications apportées aux règles de calcul du montant des pensions des membres de leur parlement national.

81 Ce régime fondé sur l’annexe III de la réglementation FID a été maintenu, en vertu de l’article 75 des mesures d’application, après l’entrée en vigueur du statut des députés pour ce qui concerne, notamment, les pensions de retraite des anciens députés européens.

82 Certes, l’article 74 des mesures d’application prévoit que la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés. À cet égard, le Tribunal a, à juste titre, relevé, au point 153 de l’arrêt attaqué, que le statut des députés et les mesures d’application ont instauré deux régimes de pension successifs qui impliquent deux types de droits à pension, à savoir, d’une part, les droits à pension acquis jusqu’au 14 juillet 2009, date de l’entrée en vigueur dudit statut, sur la
base des règles internes du Parlement, et, d’autre part, les droits à pension d’ancienneté acquis depuis cette date, sur le fondement de l’article 49 des mesures d’application.

83 Toutefois, ainsi que l’article 74 des mesures d’application l’énonce expressément, cette expiration de la réglementation FID est sous réserve des dispositions transitoires prévues au titre IV de ces mesures. Parmi ces dispositions transitoires figure l’article 75 desdites mesures.

84 Ainsi que le Tribunal l’a constaté aux points 145 et 153 de l’arrêt attaqué, l’article 75, paragraphe 1, des mesures d’application s’applique aux anciens députés européens, dont certains des requérants, qui ont versé au budget de l’Union des cotisations au titre de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe III de la réglementation FID et avaient commencé à percevoir une pension en vertu de cette annexe avant l’entrée en vigueur du statut des députés, alors que l’article 75, paragraphe 2, des mesures
d’application s’applique aux anciens députés européens, dont d’autres requérants, qui, tout en ayant eux aussi versé de telles cotisations, n’avaient pas encore commencé à percevoir une pension de retraite au jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.

85 En effet, d’une part, en vertu de l’article 75, paragraphe 1, des mesures d’application, les pensions octroyées au titre de l’annexe III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de cette annexe aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut des députés.

86 Ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 140 de l’arrêt attaqué, il doit être déduit du libellé de cette disposition, et plus précisément du caractère impératif de la formulation « continuent d’être versées en application d[e l’annexe III de la réglementation FID] », ainsi que de l’utilisation du présent de l’indicatif dans cette formulation, que le régime dynamique demeure applicable aux anciens députés européens concernés après l’entrée en vigueur du statut des députés.

87 D’autre part, il ressort de la première phrase de l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application que « les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut [des députés] en application de l’annexe III [de la réglementation FID] restent acquis » et de la seconde phrase de cette disposition que « [l]es personnes qui ont acquis des droits en [application de l’annexe III de la réglementation FID] bénéficient d’une pension calculée sur la base de leurs droits
acquis en application de [cette annexe], dès lors qu’elles remplissent les conditions prévues à cet effet par la législation nationale de l’État membre concerné et qu’elles ont déposé la demande visée à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe III précitée ».

88 Dans la mesure où l’article 75, paragraphe 2, seconde phrase, des mesures d’application prévoit des conditions que les anciens députés européens doivent remplir pour bénéficier d’une pension calculée sur la base de leurs droits acquis en application de l’annexe III de la réglementation FID, cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer aux anciens députés européens qui ont commencé à bénéficier d’une pension en application de cette annexe avant l’entrée en vigueur du statut des députés.

89 Par ailleurs, en ce que la seconde phrase de l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application prévoit que les anciens députés européens concernés bénéficient d’une pension de retraite en application de l’annexe III de la réglementation FID sur la base des droits acquis, la notion de « droits à pension de retraite acquis », au sens de cet article 75, paragraphe 2, doit être comprise, ainsi que le Tribunal l’a souligné à bon droit, en substance, aux points 143 et 151 de l’arrêt attaqué, comme
visant les droits à pension résultant des cotisations payées à titre individuel par chacun des anciens députés européens concernés et qui constituent la base de calcul de la pension de retraite qui leur est servie au titre de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID. Cette notion ne saurait dès lors être comprise en ce sens qu’elle ferait référence à un prétendu droit de percevoir un montant fixe et immuable de pension, calculé sur la base des règles nationales en
vigueur au moment de l’entrée en vigueur du statut des députés ou lors de l’adhésion au régime instauré par cette disposition.

90 Contrairement à ce que font valoir les requérants, c’est donc également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 142 de l’arrêt attaqué, qu’une réduction du montant de la pension des anciens députés européens concernés ne portait pas atteinte à leurs « droits à pension de retraite acquis » au sens des règles internes du Parlement, dès lors que celles-ci ne leur garantissent que le droit à ce que le montant de leur pension soit déterminé conformément au régime
dynamique.

91 Dès lors, il ressort tant du libellé que du contexte et de la finalité des règles internes du Parlement que, au point 163 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’il a jugé que le Parlement avait valablement pu se fonder sur ses règles internes pour appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.

2) Sur la violation alléguée des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ainsi que du droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte

92 Les requérants soutiennent que l’interprétation des règles internes du Parlement retenue par le Tribunal contrevient aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ainsi qu’au droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte.

93 Selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remette pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire et, notamment, avec les dispositions de la Charte. Ainsi, lorsqu’un texte du droit dérivé de l’Union est susceptible de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme au droit primaire plutôt qu’à celle conduisant à constater
son incompatibilité avec celui-ci (arrêt du 21 juin 2022, Ligue des droits humains, C‑817/19, EU:C:2022:491, point 86 et jurisprudence citée).

94 En ce qui concerne, d’abord, le principe de protection de la confiance légitime, les requérants font valoir que le fait qu’ils ont volontairement adhéré au régime de pension instauré par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID leur garantit, en vertu de ce principe, que le montant de leur pension soit calculé selon les modalités en vigueur au moment de leur adhésion à ce régime.

95 Selon la jurisprudence de la Cour, nul ne peut invoquer utilement une violation dudit principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. La possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à toute personne à l’égard de laquelle une institution a fait naître des espérances fondées. Constituent à cet égard des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont
communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA, C‑419/17 P, EU:C:2019:52, points 69 et 70 ainsi que jurisprudence citée).

96 En revanche, lorsqu’une personne prudente et avisée est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à porter atteinte à ses intérêts, elle ne saurait invoquer le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime lorsque cette mesure est adoptée (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA, C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 71 et jurisprudence citée).

97 Le fait qu’un ancien député européen a volontairement adhéré au régime de pension instauré par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID ne lui a pas pour autant ouvert, au moment de son adhésion à ce régime, le droit de percevoir un montant de pension de retraite prévisible, fixe et immuable. En effet, comme le Tribunal l’a jugé à bon droit aux points 208 et 209 de l’arrêt attaqué, non critiqués par les requérants dans le cadre de leur pourvoi, la seule assurance,
précise et inconditionnelle, que le Parlement était en mesure de donner était celle que, en application de ses règles internes, les anciens députés européens concernés percevraient une pension de retraite dont le niveau et les modalités seraient identiques à ceux qui étaient applicables aux membres du parlement de l’État membre dans lequel ils ont été élus, conformément au régime dynamique.

98 Il s’ensuit que l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer ce régime est conforme au principe de protection de la confiance légitime.

99 S’agissant, ensuite, du droit de propriété, les requérants font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 228 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a examiné la conformité des décisions litigieuses au droit de propriété au regard de l’objectif de la décision no 14/2018 et non pas d’un objectif reconnu par le droit de l’Union.

100 Il y a lieu de rappeler que, au point 219 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, même si les décisions litigieuses n’emportent pas une privation pure et simple des pensions des requérants, il n’en demeure pas moins qu’elles en réduisent le montant, restreignant ainsi leur droit de propriété.

101 Par la suite, aux points 220 à 235 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné si cette restriction répondait aux exigences de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, rappelées au point 213 de cet arrêt. À cet égard, au point 227 dudit arrêt, le Tribunal a jugé que l’appréciation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par les décisions litigieuses ne pouvait être menée sans avoir égard aux buts ayant présidé à l’adoption de la décision no 14/2018. C’est dans cette mesure que, au terme de
l’examen de la conformité de ces décisions au droit de propriété auquel il s’est livré, aux points 228 à 234 du même arrêt, en tenant compte de ces buts, le Tribunal a décidé, au point 236 de celui-ci, que le grief tiré de la violation du droit de propriété devait être rejeté.

102 Selon la jurisprudence de la Cour, la portée de ce droit doit, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, être déterminée en tenant compte de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952, qui consacre ledit droit (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 49).

103 Il découle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les droits découlant du versement de cotisations à un régime de sécurité sociale constituent des droits patrimoniaux aux fins de cet article 1er (arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 50).

104 En outre, une réduction du montant d’une pension de retraite qui est susceptible d’avoir un effet sur la qualité de vie de l’intéressé constitue une restriction de son droit de propriété (voir, en ce sens, Cour EDH, 1er septembre 2015, Da Silva Carvalho Rico c. Portugal, CE:ECHR:2015:0901DEC001334114, § 33).

105 Dans la mesure où l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés est susceptible de conduire à une telle réduction du montant d’une pension, cette interprétation peut conduire à une restriction du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte.

106 Or, le droit de propriété n’est pas absolu et son exercice peut donc faire l’objet de restrictions, pourvu, notamment, que celles-ci soient justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

107 En effet, en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation du droit de propriété consacré à l’article 17 de celle-ci est conforme à cette dernière disposition pour autant qu’elle soit prévue par la loi, qu’elle respecte le contenu essentiel du droit de propriété et, dans le respect du principe de proportionnalité, qu’elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés
d’autrui.

108 À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que l’exigence selon laquelle toute limitation de l’exercice des droits fondamentaux doit être prévue par la loi implique que l’acte qui permet l’ingérence dans ces droits doit définir lui–même la portée de la limitation de l’exercice du droit concerné, étant précisé, d’une part, que cette exigence n’exclut pas que la limitation en cause soit formulée dans des termes suffisamment ouverts pour pouvoir s’adapter à des cas de figure différents
ainsi qu’aux changements de situation et, d’autre part, que la Cour peut, le cas échéant, préciser, par voie d’interprétation, la portée concrète de la limitation au regard tant des termes mêmes de la réglementation de l’Union en cause que de son économie générale et des objectifs qu’elle poursuit, tels qu’interprétés à la lumière des droits fondamentaux garantis par la Charte (arrêt du 21 juin 2022, Ligue des droits humains, C‑817/19, EU:C:2022:491, point 114).

109 Ainsi qu’il est relevé au point 91 du présent arrêt, il ressort tant du libellé que du contexte et de la finalité des règles internes du Parlement, qui ont une portée générale à l’égard des députés européens et peuvent donc être considérées comme étant l’équivalent, sur le plan interne de cette institution, d’une « loi », au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte [voir, par analogie, avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, points 145 et 146], que ladite
institution est tenue d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.

110 En deuxième lieu, le Tribunal a, en sa qualité de juge du fond et sans commettre d’erreur de droit, pu constater aux points 216 et 235 de l’arrêt attaqué que les requérants n’avaient pas apporté d’éléments concrets susceptibles de démontrer que la réduction du montant de leurs pensions portait atteinte au contenu essentiel de leur droit de propriété ou devait être qualifiée de disproportionnée.

111 S’agissant, en troisième lieu, du point de savoir si le régime dynamique et les réductions des montants des pensions pouvant en résulter sont nécessaires et répondent effectivement à un ou à plusieurs objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, il y a lieu de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 227 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a considéré que, compte tenu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, l’adoption des décisions
litigieuses était nécessairement tributaire des choix posés par les autorités italiennes compétentes, de telle sorte que « l’appréciation de l’objectif d’intérêt général poursuivi [par les décisions litigieuses] ne [pouvait] faire abstraction des buts ayant présidé à l’adoption de la décision no 14/2018 ».

112 En effet, les objectifs poursuivis par la décision no 14/2018, applicable aux anciens députés européens concernés en vertu du régime dynamique, sont de nature purement nationale. En tant que tels, ils ne sont, dès lors, pas susceptibles de justifier une réduction du montant des pensions, ces sommes étant versées au titre d’un régime de pension instauré en vertu non pas du droit national, mais du droit de l’Union et étant à charge du budget de l’Union.

113 C’est, partant, également à tort que, aux points 228 à 234 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a pris en considération les objectifs poursuivis par cette décision nationale aux fins d’examiner si l’atteinte au droit de propriété des requérants, induite par les décisions litigieuses, était justifiée.

114 Il importe, cependant, de rappeler que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs et de rejeter le pourvoi (arrêt du 14 décembre 2023, Commission/Amazon.com e.a., C‑457/21 P, EU:C:2023:985, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

115 Il convient dès lors de vérifier si le rejet du grief tiré d’une violation du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte apparaît fondé pour des motifs de droit autres que ceux entachés de l’erreur identifiée aux points 111 et 113 du présent arrêt.

116 À cet égard, il y a lieu de relever que l’application du régime dynamique aux anciens députés européens se trouvant dans la situation visée à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe III de la réglementation FID poursuit un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, dans la mesure où elle vise, ainsi qu’il ressort du point 79 du présent arrêt, à traiter de la même manière, d’une part, les députés européens qui soit ne bénéficiaient pas d’un régime de pension dans l’État membre dans lequel
ils avaient été élus, soit bénéficiaient d’un régime de pension dont le niveau et/ou les modalités de calcul de la pension n’étaient pas identiques à ceux applicables aux membres du parlement national et, d’autre part, les députés européens dont le régime de pension national prévoyait un tel niveau et/ou des modalités de calcul de la pension identiques à ceux applicables aux membres du parlement national.

117 L’application du régime dynamique aux anciens députés européens concernés répond effectivement à cet objectif d’égalité de traitement, dès lors qu’elle a pour effet que les deux catégories de députés européens mentionnées au point précédent sont soumises, en tout temps, aux règles nationales relatives au calcul des pensions de retraite des membres du parlement de l’État membre concerné.

118 Cette application était, en outre, nécessaire pour atteindre ledit objectif, seul un alignement du niveau et/ou des modalités de calcul de la pension tel que celui prévu à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, lu en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 2, de cette annexe, pouvant conduire à l’égalité de traitement entre lesdites catégories de députés européens.

119 Il apparaît ainsi que, nonobstant l’erreur de droit identifiée aux points 111 et 113 du présent arrêt, le rejet du grief tiré d’une violation du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte est fondé, la restriction du droit de propriété en cause satisfaisant à l’ensemble des conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

120 S’agissant, enfin, du principe de sécurité juridique, les requérants soutiennent que celui-ci s’oppose à une atteinte à leurs droits acquis à laquelle l’application du régime dynamique conduit.

121 Dans le cadre de son examen de la conformité des décisions litigieuses au principe de sécurité juridique, le Tribunal a rappelé, au point 191 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait déjà des points 126 à 161 de cet arrêt que les « droits à pension acquis » devaient être distingués des « montants des pensions ». Le Tribunal a indiqué, à cet égard, que, si les « droits à pension » sont définitivement acquis et ne peuvent être modifiés, et si les pensions continuent d’être versées, rien ne s’opposait
à ce que les montants de ces pensions soient adaptés à la hausse ou à la baisse, ce que le Parlement était tenu de faire en l’espèce, eu égard à son obligation d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.

122 Au point 202 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu son analyse en jugeant que les requérants n’avaient pas démontré que le principe de sécurité juridique avait été méconnu en l’espèce. En effet, les règles internes du Parlement impliquaient que les nouveaux montants des pensions des requérants entraient en vigueur au 1er janvier 2019. Or, le Tribunal a rappelé que ces règles internes étaient largement antérieures au 1er janvier 2019, et non pas postérieures à cette date. De plus, les
requérants n’avaient ni établi ni soutenu que le Parlement avait appliqué ces nouveaux montants avant le 1er janvier 2019, c’est-à-dire avant la date retenue à cet effet par la décision no 14/2018. Enfin, selon le Tribunal, le Parlement avait, dès le mois de janvier 2019, informé les requérants d’une possible application des règles énoncées dans la décision no 14/2018 à leur égard, ce que cette institution leur aurait confirmé au mois de février 2019. Le Tribunal en a déduit que les requérants
avaient été mis au courant de la modification des règles applicables au calcul du montant de leur pension avant que les décisions litigieuses ne soient adoptées.

123 Il convient de rappeler à cet égard que le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 9 novembre 2023, Global Silicones Council e.a./Commission, C‑558/21 P, EU:C:2023:839, point 99 et jurisprudence citée).

124 Ainsi, les lois nouvelles, qui apportent des modifications à la loi ancienne, s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de cette dernière. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la loi ancienne, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait
constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Grossetête/Parlement, C‑714/21 P, EU:C:2023:187, point 84 et jurisprudence citée).

125 En ce qui concerne, en particulier, le droit de percevoir une pension de retraite, celui-ci est acquis, en principe, au moment où le fait générateur de ce droit intervient, c’est-à-dire au moment où la pension devient exigible (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Grossetête/Parlement, C‑714/21 P, EU:C:2023:187, points 85 à 87).

126 Cela n’implique cependant pas que toute modification apportée aux modalités de calcul d’une pension qui entraîne une réduction de ce montant, appliquée sur le fondement d’une réglementation adoptée après que cette pension est devenue exigible, constitue une atteinte à ces droits acquis.

127 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’il n’existe pas, en droit de l’Union, de principe selon lequel les droits acquis ne sauraient en aucun cas être modifiés ou réduits. Il est possible, sous certaines conditions, de modifier de tels droits (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Grossetête/Parlement, C‑714/21 P, EU:C:2023:187, points 88 et 89).

128 En l’espèce, le Tribunal a pu conclure à bon droit, sur le fondement des éléments visés notamment au point 202 de l’arrêt attaqué, que l’application du régime dynamique, telle que prévue par l’annexe III de la réglementation FID et l’article 75 des mesures d’application, est compatible avec le principe de sécurité juridique.

129 Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans la mesure où, par celui-ci, les requérants contestent l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.

C. Sur le deuxième moyen

1.   Argumentation des parties

130 Le deuxième moyen comprend trois branches.

131 Par la première branche, les requérants font valoir que le Tribunal a commis, au point 126 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en interprétant les articles 74 et 75 des mesures d’application en ce sens que les dispositions de l’annexe III de la réglementation FID ont pu constituer une base juridique valable pour l’adoption des décisions litigieuses.

132 En effet, le Tribunal aurait considéré comme applicable, en vertu du renvoi prévu à l’article 74 des mesures d’application lu en combinaison avec l’article 75 de celles-ci, non pas le contenu de cette annexe au moment de l’adoption du statut des députés, mais la disposition juridique en tant que telle, alors qu’elle avait été abrogée. Ainsi, ladite annexe devrait s’appliquer, selon le Tribunal, non seulement par référence au moment de l’abrogation de l’ancien régime de pension mais également à
l’avenir, en appliquant de manière rétroactive des modifications de la prestation de pension italienne décidées lorsque l’annexe III n’était plus en vigueur.

133 Selon les requérants, il ressort en effet du libellé de l’article 74 des mesures d’application, lu en combinaison avec le considérant 7 de celles-ci, que l’annexe III de la réglementation FID a été totalement abrogée au jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.

134 Par la deuxième branche, les requérants soutiennent que, aux points 90 à 92 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement en ce sens que le chef d’unité était compétent pour adopter les décisions litigieuses, dès lors qu’il était titulaire d’une subdélégation régulière.

135 Les décisions litigieuses auraient dû être adoptées par le bureau du Parlement, dans la mesure où elles auraient la qualité d’actes d’administration extraordinaire. En effet, de telles décisions relèveraient d’une situation nouvelle, complexe et imprévue, ce dont témoignerait d’ailleurs l’intervention du service juridique du Parlement, de telle sorte que leur conformité aux normes et aux principes de rang supérieur de l’Union aurait dû être vérifiée avant qu’elles ne soient adoptées. Dès lors,
il ne s’agirait pas de décisions purement techniques, susceptibles d’être déléguées à un chef d’unité.

136 Par la troisième branche de leur deuxième moyen, les requérants font valoir que, aux points 110 à 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur dans l’appréciation de la motivation des décisions litigieuses.

137 Ces décisions se borneraient à effectuer un renvoi indirect à la motivation figurant dans l’avis du service juridique. Or, cet avis ne serait ni mentionné dans les décisions litigieuses ni joint en annexe à celles-ci. Ledit avis ne serait pas non plus annexé à la communication jointe aux bulletins de pension du mois de février 2019 qui ont été adressés aux requérants. Il y aurait été seulement cité, sous la forme d’une simple mention selon laquelle le service juridique du Parlement avait
confirmé l’applicabilité automatique de la décision no 14/2018.

138 En outre, le Tribunal aurait fait état à tort de ce que le courrier adressé par le chef d’unité le 11 juin 2019 à M. Florio, partie requérante dans l’affaire T‑465/19, mentionnait un lien direct vers la page Internet du Parlement permettant de consulter l’avis du service juridique. Ce courrier serait en effet la réponse aux observations présentées par l’intéressé à la suite de la notification de la note du 11 avril 2019 le concernant. Les autres requérants n’auraient donc pas reçu une telle
information et les décisions litigieuses ne feraient pas référence à un lien vers le site Internet sur lequel l’avis du service juridique serait accessible au public.

139 Le fait que les requérants ont réussi à obtenir cet avis ne saurait conduire à conclure que les exigences formelles prévues à l’article 296 TFUE ont été respectées.

140 Enfin, l’avis du service juridique n’aurait comporté qu’un examen très partiel et sommaire du respect des normes de rang supérieur et des principes fondamentaux du droit de l’Union, fait que le Tribunal aurait négligé.

141 Le Parlement soutient que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

2.   Appréciation de la Cour

a)   Observations liminaires

142 La première branche, tirée d’une violation des articles 74 et 75 des mesures d’application, a trait à l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 42 du présent arrêt, il convient d’examiner le bien-fondé d’un tel grief dès lors que, par celui-ci, les requérants invoquent une illégalité qui risque d’être répétée à l’avenir.

143 Il en va de même en ce qui concerne la deuxième branche, par laquelle les requérants font valoir que le chef d’unité n’était pas compétent en vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement pour adopter les décisions litigieuses.

144 Par la troisième branche, les requérants soutiennent, en substance, que le Tribunal a méconnu l’article 296 TFUE. D’une part, il aurait jugé à tort, aux points 112 et 116 de l’arrêt attaqué, que le Parlement n’avait pas manqué à son obligation de motivation dès lors que les requérants avaient eu un libre accès et une parfaite connaissance de la teneur de l’avis du service juridique avant l’introduction de leur recours. D’autre part, le Tribunal aurait négligé le fait que l’avis du service
juridique ne comportait qu’un examen très partiel et sommaire du respect des normes de rang supérieur et des principes fondamentaux du droit de l’Union.

145 Il convient de constater à cet égard que cette branche est irrecevable.

146 Conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans
le cadre d’un pourvoi (arrêt du 28 septembre 2023, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑123/21 P, EU:C:2023:708, point 121 et jurisprudence citée).

147 En premier lieu, dans la mesure où les requérants contestent qu’ils ont eu un libre accès et une parfaite connaissance de la teneur de l’avis du service juridique avant l’introduction de leur recours, ils cherchent en réalité à ce que la Cour procède à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, sans pourtant invoquer leur dénaturation par le Tribunal.

148 En second lieu, en ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel le Tribunal a ignoré le caractère partiel et sommaire de l’examen du respect des normes de rang supérieur et des principes fondamentaux du droit de l’Union que l’avis du service juridique comportait, il y a lieu de constater qu’il est irrecevable, dès lors qu’il est fondé sur une illégalité prétendument commise par le Parlement qui n’a pas été soulevée, et, par conséquent, n’a pas été débattue devant le Tribunal.

149 En effet, il ressort de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que les moyens du pourvoi doivent être fondés sur des arguments tirés de la procédure devant le Tribunal. En outre, selon l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est donc limitée à l’appréciation de la solution juridique qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus
devant les premiers juges (arrêt du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 53 et jurisprudence citée).

150 Les requérants ont certes reproché au Parlement devant le Tribunal, ainsi qu’il ressort du point 99 de l’arrêt attaqué, de ne pas avoir analysé dans quelle mesure l’application rétroactive d’un régime de pension moins favorable pourrait être compatible avec le droit de l’Union. Toutefois, cet argument diffère de celui résumé au point 140 du présent arrêt notamment dans la mesure où il n’a pas trait à l’obligation de motivation, ainsi que le Tribunal l’a à bon droit jugé au point 120 de l’arrêt
attaqué.

151 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’examiner le bien-fondé seulement des première et deuxième branches du deuxième moyen.

b)   Sur le fond

152 En ce qui concerne la première branche, il convient de relever que l’article 74 des mesures d’application prévoit que, sous réserve des dispositions transitoires prévues au titre IV de ces mesures, la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.

153 Il ne saurait être déduit de ce texte que les anciens députés européens concernés devraient être soumis, de manière intangible, aux règles de calcul des pensions qui étaient applicables au moment de l’abrogation de la réglementation FID aux membres du parlement de l’État membre dans lequel ces anciens députés ont été élus.

154 Ainsi qu’il ressort des points 81 à 83 du présent arrêt, le régime dynamique demeure applicable à de tels députés en vertu de l’article 75 des mesures d’application après l’entrée en vigueur du statut des députés.

155 Cette interprétation de l’article 75 des mesures d’application n’est pas infirmée, contrairement à ce que font valoir les requérants, par le considérant 7 de celles-ci.

156 Le considérant 7 des mesures d’application énonce, d’une part, que « les personnes jouissant de certaines prestations accordées sur la base de la réglementation FID [doivent pouvoir] continuer à en bénéficier après l’abrogation de cette réglementation, conformément au principe de [protection de la] confiance légitime » et, d’autre part, qu’« il convient également de garantir le respect des droits à pension acquis sur la base de la réglementation FID avant l’entrée en vigueur de ce statut ».

157 Il découle de ce considérant que celui-ci précise que les prestations accordées en vertu de cette réglementation continuent d’être versées, sans qu’il puisse en être déduit que cette réglementation cesserait de s’appliquer après ladite date.

158 Ainsi, la notion de « droits à pension acquis » a la même portée dans ce considérant que celle qu’elle revêt à l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application, telle que précisée au point 89 du présent arrêt.

159 Dès lors, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’il a constaté, au point 126 de l’arrêt attaqué, en substance, que l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, qui prévoit l’application du régime dynamique aux anciens députés européens concernés, n’a pas été abrogé et reste applicable après l’entrée en vigueur du statut des députés, dans le cas des requérants.

160 Il s’ensuit que la première branche doit être rejetée comme étant non fondée.

161 S’agissant de la deuxième branche, il convient de relever que le Tribunal a constaté, au point 90 de l’arrêt attaqué, que le chef d’unité avait été désigné ordonnateur subdélégué pour la ligne budgétaire 1030, relative aux pensions d’ancienneté visées par l’annexe III de la réglementation FID, par la décision FINS/2019-01 du directeur général des finances du Parlement du 23 novembre 2018 et que cette décision indique expressément que le chef d’unité est autorisé à procéder, notamment, à
l’établissement des engagements juridiques et des engagements budgétaires, à la liquidation des dépenses et à l’ordonnancement des paiements, mais aussi à l’établissement des prévisions de créances, à la constatation des droits à recouvrer et à l’émission des ordres de recouvrement.

162 Au point 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment relevé que les règles fixées par les mesures d’application et par la réglementation FID, telles qu’elles ont été adoptées par le bureau du Parlement, n’ont pas été modifiées par le chef d’unité, mais qu’elles ont seulement été mises en œuvre par lui.

163 Dans ces circonstances, le Tribunal a jugé, au point 92 de l’arrêt attaqué, que le chef d’unité était compétent pour adopter les décisions litigieuses.

164 Dans la mesure où la décision FINS/2019-01 du directeur général des finances du Parlement du 23 novembre 2018 autorise le chef d’unité à procéder notamment à l’établissement des engagements juridiques et des engagements budgétaires, à la liquidation des dépenses et à l’ordonnancement des paiements, mais aussi à l’établissement des prévisions de créances, à la constatation des droits à recouvrer et à l’émission des ordres de recouvrement, elle est rédigée de manière suffisamment large pour
englober les situations invoquées par les requérants, à savoir des situations nouvelles, complexes et imprévues dans les domaines délégués.

165 En outre, les requérants ne font pas valoir que cette décision comporte une réserve relative à la compétence pour appliquer le droit primaire de l’Union et, notamment, les dispositions de la Charte, dans le cadre de l’adoption des décisions relevant de ces domaines.

166 Par ailleurs, l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement ne comporte, contrairement à ce que font valoir les requérants, aucune réserve de compétence en la matière au profit du bureau du Parlement. En effet, aux termes de cette disposition, « [l]e bureau du Parlement règle les questions financières, d’organisation et administratives concernant les députés sur proposition du secrétaire général de cette institution ou d’un groupe politique ». Une prétendue distinction entre
les actes d’administration extraordinaire, dont l’adoption serait réservée au bureau du Parlement et les actes d’administration ordinaire, lesquels auraient été délégués au chef d’unité, ne saurait non plus être déduite de ladite disposition.

167 Dès lors, il convient de rejeter la deuxième branche comme étant non fondée.

168 Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

D. Sur le troisième moyen

1.   Argumentation des parties

169 Le troisième moyen est dirigé contre le point 70 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a jugé irrecevable le recours de Mme Panusa dans l’affaire T‑453/19, au motif que la note du chef d’unité du 11 avril 2019 qui la concernait n’avait emporté aucune diminution du montant de sa pension de survie.

170 Cette conclusion serait entachée d’une erreur de droit, dans la mesure où, en substance, la pension de survie dont Mme Panusa bénéficie est calculée sur la base des dispositions de l’annexe III de la réglementation FID, alors que la détermination d’une telle pension relèverait des dispositions de l’annexe I de cette réglementation, ce qui devrait la mener à pouvoir prétendre à un montant de pension plus élevé.

171 Le Parlement fait valoir que le troisième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé.

2.   Appréciation de la Cour

172 Force est de constater que les motifs de l’arrêt attaqué visés par le troisième moyen ne constituent pas le soutien nécessaire de l’une des appréciations du Tribunal visées au point 47 du présent arrêt.

173 Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner ce moyen.

174 Tous les moyens avancés par les requérants à l’appui de leur pourvoi ayant été écartés, il y a lieu de rejeter ce dernier dans son intégralité.

VI. Sur les dépens

175 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

176 Les requérants ayant succombé en leurs moyens et le Parlement ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Mmes Maria Teresa Coppo Gavazzi, Cristiana Muscardini, MM. Luigi Vinci, Agostino Mantovani, Mmes Anna Catasta, Vanda Novati, M. Francesco Enrico Speroni, Mme Maria Di Meo, MM. Giuseppe Di Lello Finuoli, Raffaele Lombardo, Olivier Dupuis, Mme Leda Frittelli, MM. Livio Filippi, Vincenzo Viola, Antonio Mussa, Mauro Nobilia, Mme Clara di Prinzio, en qualité d’héritière de M. Sergio Camillo Segre, MM. Stefano De Luca, Riccardo Ventre, Mme Mirella Musoni, MM. Francesco Iacono, Vito Bonsignore,
Claudio Azzolini, Vincenzo Aita, Mario Mantovani, Vincenzo Mattina, Romano Maria La Russa, Giorgio Carollo, Mme Fiammetta Cucurnia, en qualité d’héritière de M. Giulietto Chiesa, MM. Roberto Costanzo, Giorgio Gallenzi, en qualité d’héritier de M. Giulio Cesare Gallenzi, Vitaliano Gemelli, Mmes Pasqualina Napoletano et Ida Panusa sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-725/20
Date de la décision : 19/09/2024

Analyses

Pourvoi – Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Adoption d’une décision en matière de pensions par la chambre des députés italienne – Modification du montant des pensions des députés nationaux italiens – Modification corrélative, par le Parlement européen, du montant des pensions de certains anciens députés européens élus en Italie – Remplacement des décisions du Parlement – Persistance de l’intérêt à agir en annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne.


Parties
Demandeurs : Maria Teresa Coppo Gavazzi e.a.
Défendeurs : Parlement européen.

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:766

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