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19/09/2024 | CJUE | N°C-512/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Finanziaria d'investimento Fininvest SpA (Fininvest) contre Banque centrale européenne., 19/09/2024, C-512/22


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 septembre 2024 ( *1 )

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Directive 2013/36/UE – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Évaluation d’acquisitions de participations qualifiées – Opposition à l’acquisition d’une participation qualifiée »

Dans les affaires jointes C‑512/22 P et C‑513/22 P,

ayant pour objet deux pourvo

is au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits respectivement le 26 et le 27 juil...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 septembre 2024 ( *1 )

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Directive 2013/36/UE – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Évaluation d’acquisitions de participations qualifiées – Opposition à l’acquisition d’une participation qualifiée »

Dans les affaires jointes C‑512/22 P et C‑513/22 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits respectivement le 26 et le 27 juillet 2022,

Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest), établie à Rome (Italie), représentée par Mes A. Baldaccini, M. Carpinelli, A. Saccucci et R. Vaccarella, avvocati,

partie requérante dans l’affaire C‑512/22 P,

les autres parties à la procédure étant :

Silvio Berlusconi,

partie demanderesse en première instance,

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. G. Buono et Mme C. Hernández Saseta, en qualité d’agents, assistés de Me M. Lamandini, avvocato,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée initialement par MM. V. Di Bucci, A. Nijenhuis, Mme A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, puis par MM. P. A. Messina, A. Nijenhuis, Mme A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, et enfin par M. P. A. Messina, Mme A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

et

Marina Elvira Berlusconi,

Pier Silvio Berlusconi,

Barbara Berlusconi,

Eleonora Berlusconi,

Luigi Berlusconi,

en qualité d’ayants droit de M. Silvio Berlusconi, représentés initialement par Mes A. Di Porto, N. Ghedini, B. Nascimbene et G. Perroni, avvocati, puis par Mes A. Di Porto, B. Nascimbene et G. Perroni, avvocati,

parties requérantes dans l’affaire C‑513/22 P,

les autres parties à la procédure étant :

Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest), établie à Rome,

partie demanderesse en première instance,

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. G. Buono et Mme C. Hernández Saseta, en qualité d’agents, assistés de Me M. Lamandini, avvocato,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée initialement par MM. V. Di Bucci, A. Nijenhuis, Mme A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, puis par MM. P. A. Messina, A. Nijenhuis, Mme A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, et enfin par M. P. A. Messina, Mme A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu‑Matei, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur), S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 mai 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par leurs pourvois respectifs, Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest), d’une part, et Mme Marina Elvira Berlusconi, M. Pier Silvio Berlusconi, Mme Barbara Berlusconi, Mme Eleonora Berlusconi et M. Luigi Berlusconi, en qualité d’ayants droit de M. Silvio Berlusconi, d’autre part, demandent à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 mai 2022, Fininvest et Berlusconi/BCE (T‑913/16, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2022:279), par lequel celui-ci a rejeté le
recours de Fininvest et de M. S. Berlusconi tendant à l’annulation de la décision ECB/SSM/2016 – 7LVZJ6XRIE7VNZ4UBX81/4 de la Banque centrale européenne (BCE), du 25 octobre 2016, par laquelle la BCE a décidé de s’opposer à l’acquisition par Fininvest et M. S. Berlusconi d’une participation qualifiée dans Banca Mediolanum SpA (ci-après la « décision litigieuse »).

I. Le cadre juridique

A. La directive CRD IV

2 L’article 3 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338, ci‑après la « directive CRD IV »), intitulé « Définitions », prévoit :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend également par :

[...]

33) “participation qualifiée” : une participation qualifiée au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 36), du règlement (UE) no 575/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1)] ».

3 Aux termes de l’article 22, intitulé « Notification et évaluation des acquisitions envisagées », de cette directive :

« 1.   Les États membres exigent de toute personne physique ou morale, agissant seule ou de concert avec d’autres (ci‑après dénommée “candidat acquéreur”), qui a pris la décision, soit d’acquérir, directement ou indirectement, une participation qualifiée dans un établissement de crédit, soit de procéder, directement ou indirectement, à une augmentation de cette participation qualifiée dans un établissement de crédit, de telle façon que la proportion de droits de vote ou de parts de capital détenue
atteigne ou dépasse les seuils de 20 %, de 30 % ou de 50 % ou que l’établissement de crédit devienne sa filiale (ci‑après dénommée “acquisition envisagée”), qu’elle notifie, par écrit et préalablement à l’acquisition, aux autorités compétentes pour l’établissement de crédit dans lequel elle souhaite acquérir ou augmenter une participation qualifiée, le montant envisagé de sa participation et les informations pertinentes précisées conformément à l’article 23, paragraphe 4. [...]

[...]

6.   Si, au cours de la période d’évaluation, les autorités compétentes ne s’opposent pas par écrit à l’acquisition envisagée, celle-ci est réputée approuvée.

[...]

8.   Les États membres n’imposent pas, pour la notification aux autorités compétentes ou l’approbation par ces autorités d’acquisitions directes ou indirectes de droits de vote ou de parts de capital, des exigences plus contraignantes que celles prévues par la présente directive.

[...] »

4 L’article 23 de la directive CRD IV, intitulé « Critères d’évaluation », dispose :

« 1.   En procédant à l’évaluation de la notification prévue à l’article 22, paragraphe 1, et des informations visées à l’article 22, paragraphe 3, les autorités compétentes évaluent, afin de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée et compte tenu de l’influence probable du candidat acquéreur sur cet établissement de crédit, le caractère approprié du candidat acquéreur et la solidité financière de l’acquisition envisagée conformément aux
critères suivants :

a) l’honorabilité du candidat acquéreur ;

b) l’honorabilité, les connaissances, les compétences et l’expérience, énoncées à l’article 91, paragraphe 1, de tout membre de l’organe de direction et de tout membre de la direction générale qui assureront la direction des activités de l’établissement de crédit à la suite de l’acquisition envisagée ;

c) la solidité financière du candidat acquéreur, compte tenu notamment du type d’activités exercées et envisagées au sein de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée ;

[...]

2.   Les autorités compétentes ne peuvent s’opposer à l’acquisition envisagée que s’il existe des motifs raisonnables de le faire sur la base des critères énoncés au paragraphe 1 ou si les informations fournies par le candidat acquéreur sont incomplètes.

[...] »

B. Le règlement no 575/2013

5 Aux termes du considérant 5 du règlement no 575/2013 :

« Le présent règlement et la directive 2013/36/UE combinés devraient former le cadre juridique régissant l’accès à l’activité, le cadre de surveillance et les règles prudentielles applicables aux établissements de crédit et entreprises d’investissement [...]. Par conséquent, le présent règlement devrait être lu conjointement avec ladite directive. »

6 L’article 4 de ce règlement, intitulé « Définitions », dispose :

« 1.   Au sens du présent règlement, on entend par :

[...]

36) “participation qualifiée”: le fait de détenir dans une entreprise, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote, ou toute autre possibilité d’exercer une influence notable sur la gestion de cette entreprise ;

[...] »

C. Le règlement MSU

7 Aux termes du considérant 11 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63, ci‑après le « règlement MSU ») :

« Il convient [...] de créer une union bancaire au sein de l’Union [européenne], fondée sur un corpus réglementaire unique complet et détaillé pour les services financiers, qui vaille pour l’ensemble du marché intérieur et qui comprenne un mécanisme de surveillance unique et de nouveaux cadres pour la garantie des dépôts et la résolution des défaillances bancaires. [...] »

8 Aux termes du considérant 22 de ce règlement :

« Une évaluation préalable de la qualité de toute personne qui envisage de prendre une participation importante dans un établissement de crédit est indispensable pour garantir en permanence la qualité et la solidité financière des propriétaires des établissements de crédit. En tant qu’institution de l’Union, la BCE est bien placée pour conduire une telle évaluation sans imposer de restrictions indues au marché intérieur. Il convient donc de charger la BCE d’évaluer l’acquisition et la cession de
participations importantes dans les établissements de crédit, sauf dans le cadre de la résolution bancaire. »

9 L’article 1er dudit règlement, intitulé « Objet et champ d’application », dispose :

« Le présent règlement confie à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, en tenant pleinement compte de l’unité et de l’intégrité du marché intérieur et en remplissant à cet égard un devoir de diligence, un traitement égal étant réservé aux
établissements de crédit pour éviter les arbitrages réglementaires.

[...] »

10 L’article 4 du même règlement est ainsi rédigé :

« 1.   Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :

[...]

c) évaluer les notifications d’acquisitions et de cessions de participations qualifiées dans les établissements de crédit, sauf dans le cadre de la résolution des défaillances bancaires et sous réserve de l’article 15 ;

[...]

3.   Aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le présent règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et que ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre d’options, la BCE applique
également la législation nationale faisant usage de ces options.

[...] »

11 L’article 15 du règlement MSU, intitulé « Évaluation d’acquisitions de participations qualifiées », dispose :

« 1.   Sans préjudice des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, point c), toute notification d’une acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit établi dans un État membre participant ou toute information y relative est déposée auprès des autorités compétentes nationales de l’État membre dans lequel l’établissement de crédit est établi, conformément aux conditions prévues dans les dispositions pertinentes du droit national fondé sur les actes visés à
l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa.

2.   L’autorité compétente nationale évalue l’acquisition proposée et transmet à la BCE la notification et une proposition de décision, fondée sur les critères prévus dans les actes visés à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, visant à s’opposer ou à ne pas s’opposer à l’acquisition [...] et prête assistance à la BCE conformément à l’article 6.

3.   La BCE décide de s’opposer ou non à l’acquisition sur la base des critères d’évaluation énoncés dans les dispositions pertinentes du droit de l’Union, conformément à la procédure qui y est définie et dans les délais qui y sont prévus. »

II. Les antécédents du litige et la décision litigieuse

12 Fininvest est une société holding de droit italien, qui était détenue à 61,21 % par M. S. Berlusconi. Fininvest détenait 30,1 % du capital social de Mediolanum, compagnie financière holding mixte cotée en Bourse, dont Fin. Prog. Italia détenait 26,5 % du capital. Jusqu’au 30 décembre 2015, Mediolanum détenait 100 % du capital de Banca Mediolanum, établissement de crédit.

13 À la suite de l’arrêt no 35729/13 de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), devenu définitif le 1er août 2013, par lequel M. S. Berlusconi a été déclaré coupable de fraude fiscale, la Banca d’Italia (Banque d’Italie) a constaté, par une décision du 7 octobre 2014 (ci-après la « décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 »), que ce dernier avait cessé de remplir la condition d’honorabilité prévue par la législation transposant l’article 23, paragraphe 1, sous a), de la
directive CRD IV. Par cette décision, la Banque d’Italie a ordonné, en conséquence, la cession de la participation de Fininvest dans Mediolanum excédant 9,99 %, dans un délai de 30 mois à compter de l’institution d’une fiducie chargée de la vente, et a suspendu l’exercice des droits de vote de Fininvest correspondant aux parts devant être cédées pendant le délai nécessaire à la réalisation de cette cession.

14 Saisi par M. S. Berlusconi et Fininvest, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a prononcé, le 4 décembre 2015, le sursis à exécution de ladite décision, puis son annulation par arrêt du 3 mars 2016 [ci-après l’« arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016 »].

15 Entre-temps, le 30 décembre 2015, Mediolanum a été absorbée par sa filiale Banca Mediolanum.

16 La Banque d’Italie et la BCE ont considéré que, à la suite de cette fusion et de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, Fininvest et M. S. Berlusconi avaient acquis une participation qualifiée dans le capital de Banca Mediolanum et les ont invités à notifier cette acquisition, conformément à la législation nationale transposant les articles 22 et suivants de la directive CRD IV.

17 Aucune suite n’ayant été donnée à cette invitation, la Banque d’Italie a décidé, le 3 août 2016, d’ouvrir d’office la procédure d’évaluation de ladite acquisition.

18 Le 15 octobre 2016, la Banque d’Italie a transmis à la BCE, en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement MSU, une proposition de décision, contenant un avis défavorable quant à l’honorabilité des acquéreurs de la participation qualifiée en cause et invitant la BCE à s’opposer à l’acquisition.

19 Par la décision litigieuse, la BCE s’est opposée à l’acquisition par Fininvest et M. S. Berlusconi de cette participation qualifiée dans le capital de Banca Mediolanum.

III. Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2016, Fininvest et M. S. Berlusconi ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

21 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté leur recours.

IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

22 Par leurs pourvois, présentés en termes quasiment identiques, Fininvest (affaire C‑512/22 P) et M. S. Berlusconi (affaire C‑513/22 P) ont demandé à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– par voie de conséquence, d’annuler la décision litigieuse ;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire à une autre chambre du Tribunal ;

– de condamner la BCE aux dépens, en ce compris les dépens de première instance, et

– aux fins de l’instruction, pour autant que la Cour l’estime nécessaire, d’ordonner le versement au dossier du procès-verbal de l’audience de plaidoiries tenue le 16 septembre 2021 devant le Tribunal et de l’enregistrement sonore de l’audience selon les modalités d’exécution que la Cour estimera opportunes.

23 Par décision du 29 août 2022, les affaires C‑512/22 P et C‑513/22 P ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale et de l’arrêt.

24 À la suite du décès de M. S. Berlusconi, Mme M. E. Berlusconi, M. P. S. Berlusconi, Mme B. Berlusconi, Mme E. Berlusconi et M. L. Berlusconi ont, par courrier du 6 novembre 2023, déclaré reprendre l’instance C‑513/22 P en leur qualité d’ayants droit du défunt.

V. Sur les demandes de réouverture de la phase orale de la procédure

25 Par courrier déposé au greffe de la Cour le 13 juin 2024, la BCE a demandé la réouverture de la procédure orale, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

26 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (arrêt du 6 mars 2018, Achmea, C‑284/16, EU:C:2018:158, point 28 et jurisprudence citée).

27 À l’appui de sa demande, la BCE soutient que l’avocat général s’est fondé dans ses conclusions sur un élément nouveau qui n’a pas fait l’objet de discussion entre les parties, à savoir l’existence d’une notion autonome de droit de l’Union de participation qualifiée indirecte.

28 En l’occurrence, l’affaire ne doit pas être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu par les parties. En effet, tant en première instance devant le Tribunal que dans le cadre des premiers moyens des pourvois, les parties ont pu se prononcer sur la notion de « participation qualifiée », au sens du droit de l’Union, et la nature directe ou indirecte de la participation de Fininvest et de M. S. Berlusconi dans Banca Mediolanum.

29 Il convient, dès lors, M. l’avocat général -entendu, de rejeter la demande tendant à ce que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure.

30 Par courrier déposé au greffe de la Cour le 15 juillet 2024, les ayants droit de M. S. Berlusconi et Fininvest ont également demandé la réouverture de la procédure orale afin d’être en mesure de prendre position sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure présentée par la BCE ainsi que sur les nouveaux arguments que cette institution aurait avancés dans cette demande.

31 Toutefois, dès lors que la demande de réouverture de la procédure orale présentée par la BCE a été rejetée, il y a lieu, M. l’avocat général entendu, de rejeter également la demande de réouverture de la procédure orale présentée par les ayants droit de M. S. Berlusconi et Fininvest.

VI. Sur les pourvois

A. Sur la recevabilité des pourvois

1.   Argumentation des parties

32 La BCE fait valoir, en premier lieu, que la réhabilitation de M. S. Berlusconi, intervenue en 2018, permettait à ce dernier de demander une réévaluation de son honorabilité dans le cadre d’une nouvelle demande tendant à être autorisé à détenir une participation qualifiée dans le capital de Banca Mediolanum. Cette réhabilitation priverait, par conséquent, les requérants de leur intérêt à obtenir l’annulation de la décision litigieuse ainsi que celle de l’arrêt attaqué et rendrait leurs pourvois
irrecevables.

33 En second lieu, la BCE estime que les pourvois, dans lesquels les requérants se bornent à réitérer des arguments déjà écartés par le Tribunal, sont également irrecevables pour ce motif.

34 Les requérants concluent au rejet de ces fins de non-recevoir.

2.   Appréciation de la Cour

35 En premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, de même que l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours ou, le cas échéant, le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un
bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du 7 septembre 2023, Versobank/BCE, C‑803/21 P, EU:C:2023:630, point 159 et jurisprudence citée).

36 À cet égard, la BCE soutient que la réhabilitation de M. S. Berlusconi, intervenue en 2018, permet aux requérants de demander une réévaluation de l’honorabilité de ce dernier dans le cadre d’une nouvelle demande tendant à être autorisés à détenir une participation qualifiée dans le capital de Banca Mediolanum et les a, en conséquence, privés de leur intérêt à obtenir l’annulation de la décision litigieuse. Cette réhabilitation étant intervenue avant l’introduction des pourvois, ceux-ci seraient
donc irrecevables en application de la jurisprudence citée au point précédent.

37 Toutefois, contrairement à ce que soutient la BCE, la réhabilitation de M. S. Berlusconi ne procure pas aux requérants le même bénéfice que l’annulation de la décision litigieuse.

38 En effet, d’une part, même en supposant que la réhabilitation de M. S. Berlusconi fasse disparaître le motif pour lequel la BCE s’est opposée, par la décision litigieuse, à l’acquisition par les requérants d’une participation qualifiée dans le capital de Banca Mediolanum, elle ne fait pas disparaître pour autant cette décision, contrairement à l’effet qu’aurait l’annulation de ladite décision par la Cour.

39 D’autre part, tandis que la décision litigieuse serait réputée n’avoir jamais existé si elle était annulée, la réhabilitation de M. S. Berlusconi ne produit ses effets qu’à compter de la date à laquelle elle est intervenue, soit dans le courant de l’année 2018.

40 Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir tirée de ce que la réhabilitation de M. S. Berlusconi aurait privé les requérants d’un intérêt à agir contre la décision litigieuse doit être rejetée.

41 En second lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un pourvoi qui constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal échappe à la compétence de la Cour en vertu de l’article 56 du statut de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2024, Commission/Deutsche Telekom, C‑221/22 P, EU:C:2024:488, point 27et jurisprudence citée).

42 Cependant, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens. En outre, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir
des moyens nés de l’arrêt attaqué et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêt du 11 juin 2024, Commission/Deutsche Telekom, C‑221/22 P, EU:C:2024:488, points 28 et 29 ainsi que jurisprudence citée).

43 En l’occurrence, contrairement à ce que la BCE allègue d’ailleurs sans explication, les requérants indiquent de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les motifs pour lesquels celui-ci serait, selon eux, entaché d’erreurs de droit, et ne se limitent donc pas à une simple répétition des arguments qu’ils ont fait valoir devant le Tribunal.

44 La seconde fin de non-recevoir présentée par la BCE doit donc être également écartée.

B. Sur le fond

45 À l’appui de leurs pourvois, rédigés en termes quasiment identiques, les requérants soulèvent onze moyens, tirés, respectivement, pour les premiers aux sixièmes moyens, d’erreurs de droit commises par le Tribunal dans son appréciation de la décision litigieuse, pour les septièmes et huitièmes moyens, d’erreurs de droit entachant l’appréciation par le Tribunal de la régularité de la procédure d’adoption de cette décision et, pour les neuvièmes, dixièmes et onzièmes moyens, d’erreurs de droit
commises par le Tribunal en déclarant irrecevables certains moyens présentés et une partie des documents produits devant lui.

1.   Sur les premiers moyens des pourvois

a)   Sur la recevabilité

46 La BCE soutient que les premiers moyens, tirés, en substance, de ce que le Tribunal aurait considéré à tort que les requérants avaient acquis une participation qualifiée dans le capital de Banca Mediolanum en 2016, ne sont pas recevables, car ils tendraient à remettre en cause l’appréciation d’un fait par le Tribunal, ainsi que la qualification de ce fait au regard du droit national applicable.

47 Il résulte certes d’une jurisprudence constante que l’appréciation des faits et éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 28 septembre 2023, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑123/21 P, EU:C:2023:708, point 121 et jurisprudence citée). Il est également constant que, sous cette même réserve, la qualification des faits au regard du droit national
impliquant une interprétation de ce droit ne relève pas davantage de la compétence de la Cour (arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 107 et jurisprudence citée).

48 Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 49 de l’arrêt attaqué, la notion d’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit est une notion autonome du droit de l’Union. Cela ressort du fait que ni la définition de « participation qualifiée », figurant à l’article 4, paragraphe 1, point 36, du règlement no 575/2013, ni l’article 15 du règlement MSU, ni l’article 22 de la directive CRD IV fixant les modalités de contrôle de l’acquisition d’une telle
participation ne comportent de renvoi au droit national. Cela ressort également de l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union, ainsi qu’il résulte notamment du considérant 11 et de l’article 1er du règlement MSU, d’instaurer une surveillance prudentielle harmonisée du système financier, en particulier, comme le prévoit le considérant 22 de ce règlement, des acquisitions de participations importantes, dites « qualifiées », dans les établissements de crédit.

49 Par conséquent, la constatation du Tribunal selon laquelle les requérants ont acquis une participation qualifiée dans Banca Mediolanum en 2016 constitue non pas une qualification de ce fait au regard du droit national applicable ni une appréciation factuelle, mais une qualification dudit fait au regard d’une notion de droit de l’Union, telle qu’interprétée par le Tribunal.

50 Or, la Cour est compétente, dans le cadre d’un pourvoi, non seulement pour contrôler l’interprétation retenue par le Tribunal d’une notion de droit de l’Union, telle que la notion de « participation qualifiée », au sens de la directive CRD IV, ainsi que la qualification par ce dernier d’une opération au regard de cette notion, mais aussi, au vu de la jurisprudence mentionnée au point 47 du présent arrêt, pour vérifier si le Tribunal a commis une dénaturation des faits ou des éléments de preuve
sous-jacents à cette qualification, comme les requérants le font d’ailleurs valoir à plusieurs reprises dans le cadre des premiers moyens des pourvois.

51 La fin de non-recevoir soulevée par la BCE doit, en conséquence, être rejetée.

b)   Sur le fond

1) Argumentation des parties

52 Par la première branche de leurs premiers moyens, les requérants soutiennent que le Tribunal aurait dû conclure que la procédure d’autorisation ne pouvait pas être engagée, dès lors qu’il avait constaté, au point 81 de l’arrêt attaqué, que Fininvest et, par l’intermédiaire de cette société, M. S. Berlusconi exerçaient un contrôle conjoint sur Banca Mediolanum à travers une convention d’actionnaires conclue avec Fin. Prog. Italia.

53 Par la deuxième branche de leurs premiers moyens, les requérants font valoir que, en considérant que la participation de Fininvest de 30,16 % dans Banca Mediolanum avait été réduite à une participation de 9,99 % par la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 et était redevenue une participation qualifiée à la suite de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué d’une dénaturation des faits et de plusieurs erreurs de droit.

54 Premièrement, le Tribunal aurait jugé à tort, au point 72 de l’arrêt attaqué, que la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 avait réduit à 9,99 % la participation qualifiée de 30,16 % détenue par Fininvest dans Banca Mediolanum. Cette participation qualifiée de 30,16 %, bien qu’assujettie temporairement à un ordre de cession et à une interdiction simultanée d’exercice des droits de vote, serait demeurée une participation qualifiée.

55 S’agissant de l’ordre de cession, il serait évident que, aussi longtemps que la cession n’était pas intervenue, cet ordre n’a pas modifié l’ampleur de la participation qualifiée détenue par Fininvest. Or, cette cession ne serait jamais intervenue.

56 Quant aux droits de vote, leur limitation n’aurait pas non plus affecté la détention par les requérants d’une participation qualifiée dans Banca Mediolanum.

57 Deuxièmement, cette première erreur aurait conduit le Tribunal à en commettre une deuxième, au point 73 de l’arrêt attaqué. En effet, si, après la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 et jusqu’au moment de la fusion par absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum, Fininvest détenait une participation qualifiée de 30,16 % dans Mediolanum, Fininvest n’a pas pu, selon les requérants, devenir titulaire direct de seulement 9,99 % des actions de Banca Mediolanum à la suite de cette
fusion. Fininvest serait au contraire restée détentrice de la même participation qualifiée de 30,16 % qu’elle possédait précédemment et n’avait jamais cédée.

58 Troisièmement, dès lors que la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 n’aurait pas transformé la participation qualifiée de Fininvest de 30,16 % en une participation non qualifiée de 9,99 % et que ladite fusion aurait laissé cette participation inchangée, le Tribunal se serait également mépris, au point 76 de l’arrêt attaqué, en considérant que, par l’effet de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, Fininvest avait recouvré une participation qualifiée de 30,16 %
dans Banca Mediolanum. Ce dernier arrêt n’aurait pas eu d’incidence sur l’ampleur de la participation. En tout état de cause, un arrêt annulant une décision illégale ne saurait comporter un acte d’appropriation. L’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016 n’aurait donc créé aucun droit, mais aurait seulement annulé l’ordre de cession.

59 Par la troisième branche de leurs premiers moyens, les requérants soutiennent que le Tribunal a illégalement substitué sa propre motivation à celle de l’auteur de la décision litigieuse, ainsi qu’il ressortirait des arguments exposés ci-après.

60 Par la quatrième branche de leurs premiers moyens, les requérants exposent que, en excluant l’existence d’un « renvoi exprès » aux droits nationaux et en écartant, par conséquent, l’application du droit italien pour interpréter la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée », le Tribunal a violé l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU, l’article 19 du decreto legislativo n. 385 – Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia (décret législatif no 385, portant texte unique
des lois en matière bancaire et de crédit), du 1er septembre 1993 (supplément ordinaire à la GURI no 230, du 30 septembre 1993), tel que modifié par le decreto legislativo no 72 (décret législatif no 72), du 12 mai 2015 (ci-après le « TUB »), ainsi que le principe général de coopération loyale consacré par l’article 4, paragraphe 3, TUE.

61 Cette erreur de droit vicierait l’arrêt attaqué, car si le Tribunal avait appliqué le droit italien, il n’aurait pas pu regarder comme un acte d’appropriation « le changement de la structure juridique » d’une participation.

62 En outre, dès lors que, dans la décision litigieuse, la BCE avait expressément retenu que le droit italien constituait la base légale aux fins de la définition de la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée », le Tribunal aurait substitué sa propre motivation à celle de l’auteur de la décision litigieuse et méconnu le principe du contradictoire sur ce point.

63 Selon la cinquième branche de leurs premiers moyens, l’interprétation de la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée » comme incluant « la modification de la structure juridique d’une participation » ne trouverait appui ni dans le texte de la directive CRD IV, ni dans celui du règlement MSU, ni dans le langage courant, ni dans les objectifs poursuivis par la législation en cause. En effet, la directive CRD IV et le règlement MSU auraient instauré une évaluation préalable de la qualité
de toute personne qui envisage de prendre une participation dans un établissement de crédit. Or, les éventuelles « modifications de la structure juridique » d’une participation déjà détenue n’impliqueraient, comme en l’espèce, aucun changement de propriétaire de cette participation.

64 En outre, la notion, inédite, forgée par le Tribunal, de « modification de la structure juridique » d’une participation serait contraire au principe de sécurité juridique, dès lors que cette notion n’aurait aucune signification définie en droit de l’Union et qu’elle ne pourrait pas être interprétée, selon le Tribunal, en recourant au droit des États membres.

65 Enfin, la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée » retenue par le Tribunal n’étant pas la même que celle de la décision litigieuse, les parties n’auraient pas eu la possibilité d’en débattre.

66 Par la sixième branche de leurs premiers moyens, les requérants soutiennent que le Tribunal a violé l’article 22 de la directive CRD IV et l’article 22 du TUB en considérant que Fininvest avait acquis une participation qualifiée soumise à autorisation du fait que sa participation qualifiée indirecte dans Banca Mediolanum était devenue directe.

67 En effet, la réglementation régissant la surveillance prudentielle bancaire tant en droit de l’Union, conformément à l’article 22, paragraphe 1, de la directive CRD IV, qu’en droit national, conformément à l’article 22 du TUB, n’attribuerait aucune importance à la distinction établie par l’arrêt attaqué entre participation qualifiée directe et participation qualifiée indirecte, dès lors que cette réglementation viserait à remonter au détenteur ultime d’une participation qualifiée, indépendamment
de la présence d’intermédiaires.

68 En outre, la distinction opérée par le Tribunal entre participation directe et participation indirecte serait entièrement dépourvue de pertinence en ce qui concerne M. S. Berlusconi. En effet, celui-ci aurait conservé, avant comme après la fusion et l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, une participation indirecte dans Banca Mediolanum.

69 La BCE estime que la première branche des premiers moyens est dénuée de fondement. Le Tribunal se serait borné, au point 81 de l’arrêt attaqué, à rappeler un élément de contexte.

70 En réponse à la deuxième branche des premiers moyens, la BCE maintient que les requérants ne détenaient, en tout état de cause, pas de participation qualifiée à la suite de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 et qu’ils ont acquis cette participation qualifiée du fait de la fusion et de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016. Au demeurant, sur le fondement du droit national applicable, la participation des requérants dans Mediolanum n’aurait pas constitué une
participation qualifiée indirecte dans Banca Mediolanum, car Mediolanum n’était pas soumise au contrôle exclusif des requérants.

71 S’agissant de la troisième branche des premiers moyens, le Tribunal n’aurait pas substitué sa propre motivation à celle de l’auteur de la décision litigieuse. La seule différence entre la position de la BCE et celle du Tribunal tiendrait à la description du contexte, sans influence sur la ratio decidendi.

72 La quatrième branche des premiers moyens serait également non fondée. En effet, sur la base d’une interprétation tant textuelle que contextuelle, la notion d’« acquisition » aurait nécessairement une signification autonome en droit de l’Union, au même titre que la notion composite d’« acquisition de participations qualifiées ». En tout état de cause, si le Tribunal avait appliqué la législation italienne, il aurait également constaté que les requérants avaient acquis une participation qualifiée.

73 En réponse à la cinquième branche des premiers moyens, la BCE fait valoir que le Tribunal a expliqué que, après la fusion, Mediolanum ne s’interposait plus entre les requérants et Banca Mediolanum et que « le degré de contrôle indirect de cette participation » avait donc été modifié. Par conséquent, en mentionnant la modification de la « structure juridique » de la participation, le Tribunal aurait entendu distinguer la relation entre les requérants et Banca Mediolanum par l’intermédiaire de
Mediolanum, d’une part, et leur relation après l’absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum, d’autre part.

74 La sixième branche des premiers moyens devrait être également rejetée, car elle reposerait sur la prémisse erronée que M. S. Berlusconi serait toujours resté détenteur d’une participation qualifiée indirecte de Banca Mediolanum.

75 La Commission européenne estime que la première branche des premiers moyens, par laquelle les requérants soutiennent que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé que M. S. Berlusconi et Fininvest exerçaient déjà, avant la fusion, un contrôle conjoint sur Banca Mediolanum grâce à une convention d’actionnaires, est vouée au rejet, car il ne s’agirait pas d’une critique de l’arrêt attaqué. En tout état de cause, cette circonstance serait dénuée de pertinence pour trancher la question de savoir si
la fusion a donné lieu à une nouvelle participation soumise à notification. Le point important serait que la participation de Fininvest et de M. S. Berlusconi dans Banca Mediolanum n’aurait jamais été soumise auparavant à l’appréciation de l’autorité de surveillance, ainsi que l’indiquerait l’annexe 5 de la décision litigieuse.

76 Les griefs exposés dans la deuxième branche des premiers moyens seraient inopérants, car ils viseraient des motifs sur lesquels le dispositif de l’arrêt attaqué ne serait pas fondé. Ils seraient, en outre, dépourvus de pertinence. À titre subsidiaire, si la Cour devait constater une dénaturation des faits, elle pourrait décider d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a considéré que, à la suite de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014, la participation indirecte des
requérants dans Banca Mediolanum n’était plus une participation qualifiée et, en statuant sur le recours en première instance, rejeter le premier moyen de ce recours en jugeant que, après la fusion et l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, Fininvest et M. S. Berlusconi se sont retrouvés pour la première fois titulaires d’une participation directe dans Banca Mediolanum.

77 La troisième branche des premiers moyens, tirée de ce que le Tribunal aurait substitué sa motivation à celle de la décision litigieuse en ce qui concerne l’interprétation de la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée », manquerait en fait.

78 La quatrième branche des premiers moyens confondrait deux questions bien distinctes : la première, celle du droit que la BCE était tenue d’appliquer, à savoir , en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU, « toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives » ; la seconde, celle de l’interprétation de la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée », au sens de l’article 15 du
règlement MSU.

79 Conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 44 de l’arrêt attaqué, les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres devraient trouver une interprétation autonome et uniforme dans toute l’Union. La simple lecture des dispositions précitées du règlement MSU et de la directive CRD IV confirmerait ce qui aurait été correctement observé au point 45 de l’arrêt attaqué, à savoir que ces dispositions ne comportent aucun renvoi
aux droits des États membres. Il s’ensuivrait que la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée » constituerait une notion autonome du droit de l’Union, qui devrait être interprétée de manière uniforme dans l’ensemble des États membres.

80 En ce qui concerne l’erreur d’interprétation de la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée » qu’aurait commise le Tribunal, les griefs des requérants se concentreraient, de manière trompeuse, sur l’utilisation, par le Tribunal, de l’expression « modification de la structure juridique ». Or le raisonnement du Tribunal, plus structuré et plus précis, porterait spécifiquement sur la transformation d’une participation qualifiée indirecte en une participation qualifiée directe, ainsi
qu’il ressortirait d’une lecture objective des points 78 à 81 de l’arrêt attaqué. Le grief selon lequel l’interprétation retenue par le Tribunal serait contraire au principe de sécurité juridique ne serait donc pas fondé.

81 Tout au plus pourrait-on admettre que, dans le respect du principe de proportionnalité, les transactions intragroupes effectuées au sein du groupe d’un actionnaire existant, n’entraînant pas de modification réelle ou substantielle de l’actionnariat direct ou final de l’institution financière, soient exemptées de l’obligation de notification et du contrôle de l’autorité de surveillance, mais uniquement à la condition qu’au moins une évaluation ait déjà été effectuée précédemment. Les lignes
directrices conjointes des autorités européennes de surveillance de 2008 (CEBS/2008/214 ; CEIOPS 3L 3 19/08 ; CESR/08 543b) auraient été rédigées en ce sens. En l’espèce, la participation de Fininvest et de M. S. Berlusconi dans Banca Mediolanum n’aurait jamais fait l’objet d’une évaluation.

82 Par la sixième branche des premiers moyens, les requérants critiqueraient la distinction entre participation directe et participation indirecte, en faisant valoir qu’elle serait sans influence sur l’existence d’une participation qualifiée.

83 Certes, les réglementations européenne et italienne prévoiraient le contrôle des acquisitions de participations qualifiées tant directes qu’indirectes. Toutefois, cela ne signifierait pas que la nature et les modalités de la participation soient dénuées de pertinence. En effet, conformément à l’article 23, paragraphe 1, de la directive CRD IV, l’évaluation devrait tenir compte notamment de l’influence probable du candidat acquéreur et de la solidité de l’acquisition envisagée, ces critères
pouvant être influencés par la nature et la structure juridique de la participation.

84 Le fait que la participation de M. S. Berlusconi soit restée indirecte ne serait pas non plus pertinent. Celle-ci aurait également changé de nature et de structure juridique du fait que la participation de Fininvest serait devenue une participation directe.

2) Appréciation de la Cour

85 À titre liminaire, il convient de rappeler que la directive CRD IV, qui réglemente la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, prévoit notamment le contrôle de l’acquisition des participations qualifiées dans les établissements de crédit.

86 L’article 4, paragraphe 1, point 36, du règlement no 575/2013, auquel renvoie l’article 3, paragraphe 1, point 33, de la directive CRD IV, définit une participation qualifiée comme « le fait de détenir dans une entreprise, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote, ou toute autre possibilité d’exercer une influence notable sur la gestion de cette entreprise ».

87 L’article 22, paragraphe 1, de la directive CRD IV impose aux États membres d’exiger « de toute personne physique ou morale [...] qui a pris la décision, soit d’acquérir, directement ou indirectement, une participation qualifiée dans un établissement de crédit, soit de procéder, directement ou indirectement, à une augmentation de cette participation qualifiée dans un établissement de crédit, [...] qu’elle notifie [cette décision], par écrit et préalablement à l’acquisition, aux autorités
compétentes ».

88 L’article 15, paragraphe 2, du règlement MSU prévoit que la demande d’acquisition d’une participation qualifiée est évaluée par l’autorité nationale compétente, qui transmet à la BCE une proposition de décision. Le pouvoir de s’opposer ou non à l’acquisition d’une participation qualifiée appartient à la BCE, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, de ce règlement.

89 En vertu de l’article 23, paragraphe 1, de la directive CRD IV, l’évaluation du caractère approprié du candidat acquéreur et de la solidité financière de l’acquisition envisagée doit prendre en compte, afin de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit concerné, plusieurs critères, dont « l’honorabilité du candidat acquéreur ».

90 Saisie par la Banque d’Italie, la BCE s’est opposée, par la décision litigieuse, à l’acquisition par Fininvest et M. S. Berlusconi d’une participation qualifiée dans Banca Mediolanum, au motif que M. S. Berlusconi ne satisfaisait pas au critère d’honorabilité.

91 Dans leur premier moyen de première instance, les requérants ont contesté avoir acquis une participation qualifiée dans Banca Mediolanum en 2016. Le Tribunal a rejeté ce moyen par des motifs que les requérants contestent par les premiers moyens de leurs pourvois.

92 Par les premiers moyens de leurs pourvois, les requérants soutiennent que le Tribunal s’est mépris en jugeant qu’ils avaient acquis une participation qualifiée dans Banca Mediolanum en 2016.

93 Par la deuxième branche de ces premiers moyens, qu’il convient d’examiner d’abord, les requérants soutiennent que, en jugeant, aux points 72, 73 et 76 de l’arrêt attaqué, que leur participation dans Banca Mediolanum avait augmenté en 2016, le Tribunal a dénaturé les faits du litige et commis des erreurs de droit.

94 Ainsi qu’il a été indiqué au point 47 du présent arrêt, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour saisie dans le cadre d’un pourvoi. La dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits (voir, en ce sens, arrêt
du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, points 104 et 105 ainsi que jurisprudence citée).

95 Le Tribunal a considéré, au point 72 de l’arrêt attaqué, que, à la suite de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014, par laquelle cette dernière a ordonné aux requérants de céder leurs parts dans Mediolanum excédant 9,99 % et a suspendu leurs droits de vote attachés à ces parts, la participation indirecte des requérants dans Banca Mediolanum avait été ramenée à 9,99 % et que, par suite, ceux-ci avaient perdu la participation qualifiée qu’ils détenaient précédemment dans cet
établissement de crédit. Au point 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé, en conséquence, que, à la suite de l’absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum, intervenue le 30 décembre 2015, Fininvest était devenue titulaire directe de seulement 9,99 % des actions de Banca Mediolanum. Le Tribunal en a déduit, au point 76 de l’arrêt attaqué, que, par l’effet de l’annulation de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 par l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016,
Fininvest était devenue titulaire direct de 30,16 % des actions de Banca Mediolanum et avait donc acquis une participation qualifiée.

96 Cependant, il y a lieu d’observer que la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 par laquelle cette dernière a ordonné la cession de la participation des requérants dans Mediolanum excédant 9,99 % n’a pas, par elle-même, entraîné la réduction de cette participation. En effet, cette décision prévoyait que la cession devrait avoir lieu dans un délai de 30 mois par l’intermédiaire d’une fiducie chargée de la vente. Or, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, à
la date de l’annulation par l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016 de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014, les actions représentatives de la participation à hauteur de 30,16 % de Fininvest dans Banca Mediolanum étaient toujours dans les mains de la première société et n’avaient pas encore été transférées à un quelconque acquéreur. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 44 de ses conclusions, le seul effet de la décision de la Banque d’Italie du
7 octobre 2014 jusqu’à son annulation a été de suspendre les droits de vote attachés aux actions soumises à l’obligation de cession.

97 Il s’ensuit que le Tribunal a dénaturé la portée de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014.

98 En effet, le Tribunal a manifestement méconnu la portée de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 en confondant l’injonction faite par celle-ci aux requérants de céder leurs parts de Mediolanum qui excédaient 9,99 % et la cession même de ces parts, seule à pouvoir entraîner une réduction de leur participation, alors même que, à la date de son annulation par le Consiglio du Stato (Conseil d’État), cette injonction n’avait pas été suivie d’effet.

99 Il en découle que, ainsi que le soutiennent les requérants, le Tribunal a entaché de dénaturation l’appréciation des faits figurant au point 72 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 avait réduit à 9,99 % la participation des requérants dans Mediolanum.

100 Sont, par suite, également entachées de dénaturation les conséquences que le Tribunal a tirées de cette appréciation aux points 73, 76 et 77 de l’arrêt attaqué, à savoir, d’une part, que Fininvest était devenue titulaire directe de seulement 9,99 % des actions de Banca Mediolanum à la suite de l’absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum et, d’autre part, que l’annulation de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014 par l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016
lui avait fait de nouveau acquérir une participation qualifiée, à hauteur de 30,16 %, dans Banca Mediolanum.

101 L’appréciation par le Tribunal de la portée de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016 figurant au point 76 de l’arrêt attaqué est, en outre, entachée d’une erreur de droit. En effet, quelle que soit la portée de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014, l’annulation de cette décision par l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016 a eu pour effet, ainsi que le font valoir les requérants, de replacer ces derniers dans la situation qui était la
leur avant ladite décision, à savoir, comme le Tribunal l’a lui-même admis au point 71 de l’arrêt attaqué, celle de détenteurs d’une participation qualifiée dans Banca Mediolanum, et non de leur faire acquérir une telle participation.

102 Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que le Tribunal a dénaturé les faits du litige et commis une erreur de droit en jugeant que leur participation dans Banca Mediolanum avait augmenté à la suite de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016.

103 La deuxième branche des premiers moyens doit, dès lors, être accueillie.

104 Par les cinquième et sixième branches des premiers moyens, qu’il convient d’examiner ensuite conjointement, les requérants soutiennent que, aux points 75 à 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété de manière erronée la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée », en retenant qu’une telle acquisition pouvait résulter de la seule modification de la structure juridique d’une participation qualifiée et, en particulier, de la transformation d’une participation qualifiée indirecte en
participation qualifiée directe.

105 Il convient d’emblée de relever, à l’instar de M. l’avocat général au point 61 de ses conclusions, que l’interprétation retenue par le Tribunal mentionnée au point précédent ne trouve aucun appui dans le texte de la directive CRD IV ni dans celui du règlement MSU.

106 En ce qui concerne, en particulier, le caractère direct ou indirect de la participation qualifiée faisant l’objet de l’acquisition, l’article 22, paragraphe 1, de la directive CRD IV indique expressément qu’il est indifférent que cette participation soit acquise « directement ou indirectement ».

107 Le caractère indifférent de la structure juridique de la participation qualifiée ressort plus généralement de l’article 4, paragraphe 1, point 36, du règlement no 575/2013, qui définit la participation qualifiée, de manière alternative, comme « le fait de détenir dans une entreprise, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote, ou toute autre possibilité d’exercer une influence notable sur la gestion de cette entreprise ».

108 Ainsi, ce n’est pas la structure juridique d’une participation, notamment son caractère direct ou indirect, qui détermine l’existence d’une participation qualifiée, mais, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance au point 73 de ses conclusions, le fait que cette participation permette d’atteindre un certain niveau de contrôle ou d’influence sur l’établissement de crédit.

109 Cette interprétation est corroborée par l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union en instituant une surveillance de l’acquisition des participations qualifiées dans les établissements de crédit, laquelle surveillance tend, selon l’article 23, paragraphe 1, de la directive CRD IV, à « garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée [...] compte tenu de l’influence probable du candidat acquéreur sur cet établissement ».

110 Par conséquent, en jugeant, au point 80 de l’arrêt attaqué, que la modification de la structure juridique de la participation qualifiée pouvait être qualifiée d’acquisition d’une telle participation, même si le quantum de ladite participation n’avait pas été modifié, le Tribunal a commis une erreur de droit.

111 Par suite, le Tribunal s’est également mépris en considérant, aux points 75 à 81 de l’arrêt attaqué, que les circonstances, d’une part, que, à la suite de l’absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum, la participation de Fininvest dans Banca Mediolanum, précédemment indirecte, soit devenue directe et, d’autre part, que la participation indirecte de M. S. Berlusconi dans Banca Mediolanum, précédemment par l’intermédiaire de Fininvest et de Mediolanum, soit devenue indirecte par le seul
intermédiaire de Fininvest permettaient de caractériser l’acquisition par les requérants d’une participation qualifiée dans Banca Mediolanum.

112 Les cinquième et sixième branches des premiers moyens doivent, dès lors, être accueillies.

113 Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres branches des premiers moyens des pourvois, il y a lieu d’accueillir ces premiers moyens.

2.   Sur les deuxièmes moyens des pourvois

a)   Argumentation des parties

114 Selon les requérants, bien que le Tribunal ait admis la non-rétroactivité de la directive CRD IV, aux points 95 à 99 de l’arrêt attaqué, il n’en aurait pas moins fait, au point 100 de cet arrêt, une application rétroactive, puisqu’il aurait appliqué cette directive à une participation qualifiée détenue par Fininvest et M. S. Berlusconi depuis l’année 1996.

115 La BCE et la Commission estiment que le Tribunal n’a pas fait une application rétroactive de la directive CRD IV, puisqu’il a constaté que M. S. Berlusconi, en vertu de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014, n’était plus détenteur d’une participation qualifiée indirecte à la date à laquelle le mécanisme de surveillance unique a été mis en place sur la base du règlement MSU et qu’il n’est devenu détenteur d’une telle participation qu’à la suite de l’absorption de Mediolanum par
Banca Mediolanum en 2015 et du prononcé de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016.

b)   Appréciation de la Cour

116 Il y a lieu de rappeler que l’article 22 de la directive CRD IV prévoit que les États membres exigent de toute personne qui a pris la décision d’acquérir, directement ou indirectement, une participation qualifiée dans un établissement de crédit qu’elle notifie cette décision par écrit, préalablement à l’acquisition, aux autorités compétentes et que, conformément à l’article 23 de cette directive, une telle acquisition n’est permise que si cette personne satisfait aux critères énoncés à cette
dernière disposition.

117 Il résulte de ce qui précède, ainsi que le Tribunal l’a relevé, en substance, au point 98 de l’arrêt attaqué, que les articles 22 et 23 de la directive CRD IV sont uniquement applicables aux acquisitions de participations qualifiées postérieures à la date d’entrée en vigueur des dispositions que ces articles imposent aux États membres d’adopter, laquelle date est fixée au plus tard au 31 décembre 2013 par l’article 162 de cette directive.

118 En l’occurrence, les requérants soutiennent sans être contestés qu’ils ont acquis en 1996 une participation dans Banca Mediolanum à hauteur de 30,16 %, soit une participation qualifiée au sens de la directive CRD IV. Ainsi qu’il ressort des points 71 et 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a d’ailleurs admis que les requérants détenaient toujours une telle participation à la date de la décision de la Banque d’Italie du 7 octobre 2014.

119 Or, d’une part, il ressort, du point 102 du présent arrêt, que contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, cette dernière décision n’a pas modifié le quantum de la participation des requérants dans Banca Mediolanum.

120 D’autre part, il ressort des points 108 et 110 du présent arrêt que la modification de la structure juridique de cette participation consécutive à l’absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum n’a eu aucune influence sur la détention par les requérants d’une participation qualifiée dans Banca Mediolanum.

121 Il s’ensuit que les requérants n’ont pas acquis de participation qualifiée dans Banca Mediolanum après la date d’entrée en vigueur des dispositions transposant la directive CRD IV, mais qu’ils ont seulement conservé une telle participation acquise antérieurement.

122 Or, il résulte du point 117 du présent arrêt que les articles 22 et 23 de cette directive, qui sont dépourvus de portée rétroactive, ne sont pas applicables aux participations qualifiées acquises avant cette date. Les requérants sont ainsi fondés à soutenir que la BCE, en s’opposant à la détention d’une participation qualifiée des requérants dans Banca Mediolanum, a fait illégalement une application rétroactive de ces articles.

123 Partant, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la BCE n’avait pas fait une application rétroactive desdits articles en s’opposant, dans la décision litigieuse, à la détention d’une participation qualifiée des requérants dans Banca Mediolanum.

124 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’accueillir, outre les premiers moyens, les deuxièmes moyens des pourvois.

125 L’arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois.

VII. Sur le recours devant le Tribunal

126 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

127 En l’espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur le présent litige, qui est en état d’être jugé.

128 Par le premier moyen de leur recours de première instance, les requérants contestent avoir acquis une participation qualifiée dans Banca Mediolanum en 2016.

129 Or, il ressort du point 121 du présent arrêt que les requérants n’ont pas acquis une telle participation dans Banca Mediolanum en 2016.

130 Partant, la BCE ne pouvait pas légalement s’opposer, par la décision litigieuse, à une prétendue acquisition d’une participation qualifiée des requérants dans Banca Mediolanum en 2016.

131 Il y a lieu, dès lors, d’accueillir ce premier moyen de première instance et d’annuler la décision litigieuse, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du recours en première instance.

VIII. Sur les dépens

132 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

133 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

134 Les requérants ayant conclu à la condamnation de la BCE aux dépens et celle-ci ayant succombé, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérants, afférents tant à la procédure de première instance qu’à celle de pourvoi.

135 En vertu de l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, lorsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supportera ses propres dépens.

136 En l’espèce, la Commission, partie intervenante en première instance, ayant, sans être l’auteur du pourvoi, participé à la procédure devant la Cour au soutien des conclusions de la BCE, il y a lieu de décider qu’elle supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 mai 2022, Fininvest et Berlusconi/BCE (T‑913/16, EU:T:2022:279), est annulé.

  2) La décision ECB/SSM/2016 – 7LVZJ6XRIE7VNZ4UBX81/4 de la Banque centrale européenne (BCE), du 25 octobre 2016, est annulée.

  3) La Banque centrale européenne (BCE) supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest), par M. Silvio Berlusconi ainsi que par Mme Marina Elvira Berlusconi, M. Pier Silvio Berlusconi, Mme Barbara Berlusconi, Mme Eleonora Berlusconi et M. Luigi Berlusconi, en leur qualité d’ayants droit de M. Silvio Berlusconi, afférents tant à la procédure de première instance qu’à celle de pourvoi.

  4) La Commission européenne supporte ses propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-512/22
Date de la décision : 19/09/2024

Analyses

Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Directive 2013/36/UE – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Évaluation d’acquisitions de participations qualifiées – Opposition à l’acquisition d’une participation qualifiée.


Parties
Demandeurs : Finanziaria d'investimento Fininvest SpA (Fininvest)
Défendeurs : Banque centrale européenne.

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:774

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