ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
10 septembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Concurrence – Abus de position dominante – Marchés de la recherche générale et de la recherche spécialisée de produits sur Internet – Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) – Abus par effet de levier – Concurrence par les mérites ou pratique anticoncurrentielle – Affichage favorisé par l’entreprise dominante des résultats de son propre service de recherche spécialisée – Effets anticoncurrentiels
potentiels – Lien de causalité entre abus et effets – Charge de la preuve – Scénario contrefactuel – Capacité d’éviction – Test du concurrent aussi efficace »
Dans l’affaire C‑48/22 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 janvier 2022,
Google LLC, établie à Mountain View (États-Unis),
Alphabet Inc., établie à Mountain View,
représentées par Me A. Bray, avocate, Me T. Graf, Rechtsanwalt, MM. D. Gregory, H. Mostyn, barristers, M. Pickford, KC, Me R. Snelders, advocaat, et Me C. Thomas, avocat,
parties requérantes,
soutenues par :
Computer & Communications Industry Association, établie à Washington (États-Unis), représentée par Me J. Killick, advocaat, Me A. Komninos, dikigoros, et Me A. Lamadrid de Pablo, abogado,
partie intervenante en première instance,
les autres parties à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, A. Dawes, N. Khan, H. Leupold et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
soutenue par :
PriceRunner International AB, établie à Stockholm (Suède), représentée initialement par Mes M. Jonson, K. Ljungström, F. Norburg, P. Scherp et H. Selander, advokater, puis par Mes K. Ljungström, F. Norburg, P. Scherp et H. Selander, advokater,
partie intervenante au pourvoi,
République fédérale d’Allemagne,
Autorité de surveillance AELE, représentée initialement par Mme C. Simpson, M. M. Sánchez Rydelski et Mme M.‑M. Joséphidès, puis par Mme C. Simpson, M. M. Sánchez Rydelski, Mmes I. O. Vilhjálmsdóttir et M.-M. Joséphidès, en qualité d’agents,
Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Me A. Fratini, avvocata,
Infederation Ltd, établie à Crowthorne (Royaume-Uni), représentée initialement par Mme S. Gartagani, M. K. Gwilliam, Mme L. Hannah, solicitors, et Mme A. Howard, KC, puis par Mme S. Gartagani, M. K. Gwilliam, Mme L. Hannah, solicitors, Mme A. Howard, KC, et Me T. Vinje, advocaat,
Kelkoo SAS, établie à Paris (France), représentée par M. W. Leslie, solicitor, et Me B. Meyring, Rechtsanwalt,
Verband Deutscher Zeitschriftenverleger eV, établi à Berlin (Allemagne),
Ladenzeile GmbH, anciennement Visual Meta GmbH, établie à Berlin,
BDZV – Bundesverband Digitalpublisher und Zeitungsverleger eV, anciennement Bundesverband Deutscher Zeitungsverleger eV, établi à Berlin,
représentés par Mes T. Höppner et P. Westerhoff, Rechtsanwälte,
Twenga SA, établie à Paris, représentée par Mes L. Godfroid, M. Gouraud et S. Hautbourg, avocats,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice-président, MM. A. Arabadjiev, E. Regan, F. Biltgen et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), présidents de chambre, M. P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi, MM. I. Jarukaitis, N. Jääskinen, N. Wahl, Mme I. Ziemele et M. J. Passer, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. M. Longar, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 septembre 2023,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 11 janvier 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, Google LLC et Alphabet Inc. demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 novembre 2021, Google et Alphabet/Commission (Google Shopping) (T‑612/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:763), par lequel celui-ci a annulé l’article 1er de la décision C(2017) 4444 final de la Commission, du 27 juin 2017, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [affaire AT.39740 – Moteur de recherche Google
(Shopping)] (ci-après la « décision litigieuse »), dans la seule mesure où la Commission européenne y a constaté une infraction à ces dispositions de Google et d’Alphabet sur treize marchés nationaux de la recherche générale au sein de l’Espace économique européen (EEE) sur la base de l’existence d’effets anticoncurrentiels sur ces marchés, et rejeté leur recours pour le surplus.
I. Les antécédents du litige
2 Les antécédents du litige, tels qu’ils ont été exposés aux points 1 à 78 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.
A. Le contexte
3 Google est une société américaine spécialisée dans les produits et les services liés à l’utilisation d’Internet. Elle est principalement connue pour son moteur de recherche, qui permet aux internautes (ci-après aussi désignés selon le contexte comme « utilisateurs » ou « consommateurs ») de trouver et d’atteindre, avec le navigateur qu’ils utilisent et au moyen de liens hypertextes, les sites Internet répondant à leurs besoins. Depuis le 2 octobre 2015, Google est une filiale à 100 % d’Alphabet.
4 Le moteur de recherche de Google permet d’obtenir des résultats de recherche présentés sur des pages apparaissant sur les écrans des internautes. Ces résultats sont soit sélectionnés par ce moteur selon des critères généraux et sans que les sites auxquels ils renvoient rémunèrent Google pour apparaître (ci-après les « résultats de recherche générale »), soit sélectionnés selon une logique spécialisée pour le type particulier de recherche effectuée (ci-après les « résultats de recherche
spécialisée »). Les résultats de recherche spécialisée peuvent le cas échéant apparaître sans démarche particulière de l’internaute avec les résultats de recherche générale sur une même page (ci-après la ou les « page[s] de résultats générale[s] ») ou bien apparaître seuls à la suite d’une demande de l’internaute effectuée à partir d’une page spécialisée du moteur de recherche de Google ou après activation de liens figurant dans certaines zones de ses pages de résultats générales. Google a
développé différents services de recherche spécialisée, par exemple pour les actualités, pour des renseignements et des offres commerciales de nature locale, pour les voyages par avion ou en vue de l’achat de produits. C’est cette dernière catégorie qui est en question dans la présente affaire.
5 Les services de recherche spécialisée en vue de l’achat de produits (ci-après les « services de comparaison de produits » ou les « comparateurs de produits ») ne vendent pas eux-mêmes de produits, mais comparent et sélectionnent des offres de vendeurs sur Internet qui proposent le produit recherché. Comme les résultats de recherche générale, les résultats de recherche spécialisée peuvent être des résultats, parfois qualifiés de « naturels », indépendants de paiements des sites Internet auxquels
ils renvoient, même si ceux-ci sont des sites marchands. L’ordre de présentation de ces résultats naturels dans les pages de résultats est également indépendant de paiements.
6 Dans les pages de résultats générales de Google, comme dans celles d’autres moteurs de recherche, apparaissent aussi des résultats, appelés couramment « annonces », qui sont, au contraire, liés à des paiements des sites Internet auxquels ils renvoient. Ces résultats présentent également un rapport avec la recherche effectuée par l’internaute et sont distingués des résultats naturels de recherche générale ou de recherche spécialisée, par exemple par les mots « annonce » ou « sponsorisé ».
7 Les pages de résultats générales de Google peuvent comporter ou ont comporté tous les types de résultats évoqués aux points 4 à 6 du présent arrêt.
8 D’autres moteurs de recherche que celui de Google offrent ou ont offert des services de recherche générale et des services de recherche spécialisée. Il existe par ailleurs des moteurs de recherche spécifiques à la comparaison de produits.
9 Google a commencé à fournir aux internautes un service de comparaison de produits à partir de la fin de l’année 2002 aux États-Unis, puis, environ deux ans plus tard, graduellement dans certains pays en Europe. Les résultats de comparaison de produits (ci-après les « résultats pour produits ») ont d’abord été fournis au moyen d’une page de recherche spécialisée, appelée Froogle, distincte de la page de recherche générale du moteur de recherche, puis, à partir de l’année 2003 aux États-Unis et de
l’année 2005 dans certains pays en Europe, également à partir de la page de recherche générale du moteur de recherche. Dans ce dernier cas, les résultats pour produits apparaissaient groupés au sein des pages de résultats générales dans ce qui était dénommé Product OneBox (ci-après la « Product OneBox »), en-dessous ou parallèlement aux publicités figurant en haut ou sur le côté de la page et au-dessus des résultats de recherche générale.
10 Google a exposé que, à partir de l’année 2007, elle avait modifié la manière d’élaborer les résultats pour produits. En particulier, elle a abandonné le nom de Froogle pour celui de Product Search pour ses pages de recherche et de résultats spécialisées de comparaison de produits.
11 S’agissant des résultats pour produits affichés sur les pages de résultats générales, d’une part, Google a enrichi le contenu de la Product OneBox, ultérieurement renommée Product Universal (ci-après la « Product Universal »), en y ajoutant des photographies. Google a également diversifié les issues possibles à l’action de cliquer sur un lien de résultat y apparaissant : selon le cas, l’internaute était comme auparavant directement renvoyé vers la page appropriée du site Internet du vendeur du
produit recherché ou bien il était renvoyé vers la page de résultats spécialisée Product Search pour découvrir plus d’offres du même produit. D’autre part, Google a mis en place un mécanisme, appelé Universal Search, permettant, en cas d’identification d’une recherche en vue de l’achat d’un produit, de hiérarchiser, sur la page de résultats générale, les produits relevant de la Product Onebox, puis de la Product Universal, par rapport aux résultats de recherche générale.
12 S’agissant des résultats pour produits liés à des paiements apparaissant dans ses pages de résultats, Google a introduit à partir du mois de septembre 2010 en Europe un format enrichi par rapport aux annonces composées uniquement de texte (ci-après les « annonces textuelles ») qui apparaissaient jusqu’alors. À partir du mois de novembre 2011 en Europe, Google a complété ce dispositif par la présentation directe, sur ses pages de résultats générales, de groupes d’annonces de plusieurs annonceurs,
avec photos et prix (ci-après les « annonces pour produits »), et qui figuraient soit sur la droite, soit en haut de la page de résultats.
13 Au cours de l’année 2013, Google a mis fin en Europe à la Product Universal et aux annonces textuelles développées sur ses pages de résultats générales. N’y ont, dès lors, plus figuré que des annonces pour produits groupées, rebaptisées « Shopping Commercial Units » ou « Shopping Units » (ci-après les « Shopping Units »), des annonces textuelles et des résultats de recherche générale. Dès lors, l’internaute qui cliquait sur une annonce figurant dans une Shopping Unit était toujours renvoyé vers
le site Internet de vente de l’annonceur. Il n’accédait depuis la page de résultats générale à la page de recherche et de résultats spécialisée de comparaison de produits de Google fournissant plus d’annonces que s’il cliquait sur un lien spécifique figurant en tête de la Shopping Unit ou sur un lien accessible à partir du menu de navigation général (onglet « Shopping »). En même temps que Google a supprimé la Product Universal de sa page de résultats générale, elle a également renoncé à
présenter des résultats naturels pour produits dans sa page de résultats spécialisée Product Search, qui a évolué en une page ne comportant que des annonces, dénommée Google Shopping.
B. La procédure administrative
14 Le 30 novembre 2010, la Commission a engagé une procédure contre Google sur le fondement de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102] TFUE (JO 2004, L 123, p. 18).
15 Le 13 mars 2013, la Commission a adopté une évaluation préliminaire sur le fondement de l’article 9 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), en vue de l’éventuelle acceptation d’engagements de Google qui répondraient à ses préoccupations.
16 Le 4 septembre 2014, la Commission a informé Google qu’elle n’était pas en mesure d’adopter une décision d’acceptation d’engagements conformément à l’article 9 du règlement no 1/2003.
17 Le 15 avril 2015, la Commission est revenue à la procédure de constatation d’infraction prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et a adopté une communication des griefs, adressée à Google, dans laquelle elle est parvenue à la conclusion provisoire que les pratiques en cause constituaient un abus de position dominante et, partant, violaient l’article 102 TFUE.
18 Le 14 juillet 2016, la Commission a engagé une procédure contre Alphabet sur le fondement de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 et a adopté une communication des griefs supplémentaire adressée à Google et à Alphabet.
C. La décision litigieuse
19 Le 27 juin 2017, la Commission a adopté la décision litigieuse.
20 En premier lieu, la Commission a estimé que, dans le contexte de l’identification d’une éventuelle position dominante de Google, les marchés concernés, de dimension nationale, étaient, d’une part, le marché des services de recherche générale sur Internet et, d’autre part, le marché des services de comparaison de produits sur Internet.
21 En deuxième lieu, la Commission a constaté que Google détenait depuis l’année 2008 une position dominante sur le marché de la recherche générale dans chaque pays de l’EEE, excepté en République tchèque où cette position n’était détenue que depuis l’année 2011. Pour parvenir à ce constat, elle s’est appuyée notamment sur les parts de marché en volume très élevées et stables de Google, observées dans différentes études. Elle a par ailleurs souligné les faibles parts de marché des concurrents de
Google, l’existence de barrières à l’entrée existant sur ce marché ainsi que le fait que peu d’internautes utilisaient plusieurs moteurs de recherche générale. Elle a relevé que Google bénéficiait d’une forte réputation et que les internautes, indépendants les uns des autres, ne constituaient pas un contre-pouvoir d’acheteur.
22 En troisième lieu, la Commission a considéré que Google avait, à partir de différents moments, remontant au plus loin au mois de janvier 2008, abusé de sa position dominante existant dans treize marchés nationaux de la recherche générale au sein de l’EEE en diminuant le trafic en provenance de ses pages de résultats générales vers les comparateurs de produits concurrents et en augmentant ce trafic vers son comparateur de produits, ce qui était susceptible d’avoir ou avait vraisemblablement eu des
effets anticoncurrentiels sur les treize marchés nationaux correspondants de la recherche spécialisée pour la comparaison de produits, mais aussi sur les treize marchés de la recherche générale. Les pays concernés étaient la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, la Suède, le Royaume-Uni et la Norvège.
23 À cet égard, premièrement, dans la partie 7.2 de la décision litigieuse, la Commission a indiqué que l’abus identifié en l’espèce consistait dans le positionnement et la présentation plus favorables, dans les pages de résultats générales de Google, de son comparateur de produits par rapport aux comparateurs de produits concurrents.
24 Plus particulièrement, le comportement identifié par la Commission comme étant source de l’abus était, en substance, que Google affichait son comparateur de produits sur ses pages de résultats générales de manière proéminente et attrayante dans des « boxes » dédiées, sans qu’il fût soumis à ses algorithmes d’ajustement utilisés pour la recherche générale, dont l’algorithme dit « Panda », alors que, dans le même temps, les comparateurs de produits concurrents ne pouvaient apparaître sur ces pages
que sous forme de résultats de recherche générale (liens bleus), et jamais dans un format enrichi, tout en étant sujets à être rétrogradés au sein du classement des résultats génériques par ces algorithmes d’« ajustement ». La Commission a souligné qu’elle mettait en cause non pas, en eux-mêmes, les différents critères de sélection choisis par Google, qualifiés de critères de pertinence, mais le fait que les mêmes critères de positionnement et de présentation ne s’appliquaient pas à la fois à son
comparateur de produits et aux comparateurs concurrents. De même, elle a précisé qu’elle mettait en cause non pas, en tant que telle, la mise en valeur de résultats spécialisés de comparaison de produits jugés pertinents par Google, mais le fait qu’une même mise en valeur ne s’appliquait pas à la fois à son comparateur de produits et aux comparateurs concurrents.
25 Deuxièmement, dans la partie 7.2.2 de la décision litigieuse, la Commission a examiné la valeur du volume du trafic pour les services de comparaison de produits. Elle a noté, à ce titre, que le volume du trafic était important, à de nombreux égards, pour la capacité d’un comparateur de produits à faire concurrence.
26 Troisièmement, dans la partie 7.2.3 de la décision litigieuse, la Commission a exposé que les pratiques en cause diminuaient le trafic depuis les pages de résultats générales de Google vers les comparateurs de produits concurrents et augmentaient le trafic depuis ces pages vers le comparateur de produits de Google. Elle a étayé cette conclusion par trois éléments. Tout d’abord, sur la base d’une analyse du comportement des internautes, la Commission a relevé que les résultats génériques
engendraient un trafic important vers un site Internet quand ils étaient classés dans les trois à cinq premiers résultats de la première page de résultats générale, les internautes ne prêtant pas ou prêtant peu attention aux résultats suivants, lesquels n’apparaissaient souvent pas directement à l’écran. Ensuite, la Commission a indiqué que les pratiques en cause avaient conduit à une baisse du trafic depuis les pages de résultats générales de Google vers presque tous les comparateurs de produits
concurrents, sur une période significative, dans chacun des treize pays de l’EEE dans lesquels ces pratiques avaient été mises en œuvre. Enfin, la Commission a constaté que lesdites pratiques avaient conduit à une augmentation du trafic de Google vers son comparateur de produits.
27 Quatrièmement, dans la partie 7.2.4 de la décision litigieuse, la Commission a fait valoir que le trafic détourné par les pratiques en cause comptait pour une large proportion du trafic vers les comparateurs de produits concurrents et qu’il ne pouvait pas être effectivement remplacé par les autres sources de trafic actuellement disponibles pour les comparateurs de produits concurrents, à savoir notamment les applications sur téléphone mobile, le trafic direct, les renvois d’autres sites Internet
partenaires, les réseaux sociaux et les autres moteurs de recherche générale.
28 Cinquièmement, dans la partie 7.3 de la décision litigieuse, la Commission a exposé que les pratiques en cause avaient des effets anticoncurrentiels potentiels sur les treize marchés nationaux de la recherche spécialisée pour la comparaison de produits et sur les treize marchés nationaux de la recherche générale, mentionnés au point 22 du présent arrêt. S’agissant des marchés de la recherche spécialisée pour la comparaison de produits, elle a entendu démontrer que les pratiques en cause pouvaient
conduire les comparateurs de produits concurrents à cesser leurs activités, qu’elles pouvaient avoir un impact négatif sur l’innovation et qu’elles pouvaient dès lors réduire les possibilités des consommateurs d’accéder aux services les plus performants. La structure concurrentielle de ces marchés serait ainsi affectée. S’agissant des marchés de la recherche générale, les effets anticoncurrentiels des pratiques en cause viendraient de ce que les ressources supplémentaires tirées du comparateur de
produits de Google depuis les pages de résultats générales de cette dernière lui permettaient de renforcer son service de recherche générale.
29 Dans la partie 7.4 de la décision litigieuse, la Commission a réfuté les arguments avancés par les requérantes contre cette analyse, selon lesquels les critères juridiques utilisés n’étaient pas corrects. Dans la partie 7.5 de cette décision, elle a également réfuté les justifications avancées par les requérantes pour démontrer que les pratiques en cause n’étaient pas abusives, tirées de ce qu’elles étaient objectivement nécessaires ou de ce que les éventuelles restrictions de concurrence
qu’elles entraînaient étaient compensées par des gains d’efficacité profitant au consommateur.
30 Dès lors, à l’article 1er de la décision litigieuse, la Commission a déclaré que Google et Alphabet, depuis sa prise de contrôle de Google, avaient enfreint l’article 102 TFUE et l’article 54 de l’accord EEE dans les treize pays mentionnés au point 22 du présent arrêt, à partir de différentes dates correspondant à l’introduction de résultats spécialisés pour produits ou d’annonces pour produits sur la page de résultats générale de Google.
31 La Commission a enjoint à Google notamment de mettre fin aux pratiques en cause. Elle a souligné que, si Google pouvait se conformer à cette injonction de différentes façons, des principes devaient être respectés, que Google choisisse, ou non, de maintenir les Shopping Units ou d’autres groupes de résultats de recherche de comparaison de produits sur ses pages de résultats générales. Parmi ces principes figurait, en substance, celui d’un traitement non discriminatoire entre le comparateur de
produits de Google et les comparateurs concurrents. Enfin, par l’article 2 de la décision litigieuse, la Commission a infligé à Google une amende d’un montant de 2424495000 euros, dont 523518000 euros solidairement avec Alphabet.
II. Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 septembre 2017, Google a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende infligée.
33 Par une ordonnance du président de la neuvième chambre du Tribunal du 17 décembre 2018, Computer & Communications Industry Association (ci-après « CCIA ») a été admise à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Par des ordonnances du même jour, la République fédérale d’Allemagne, l’Autorité de surveillance AELE, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), Infederation Ltd (ci-après « Foundem »), Kelkoo SAS, Verband Deutscher Zeitschriftenverleger eV (ci-après le « VDZ »),
Ladenzeile GmbH, anciennement Visual Meta GmbH, BDZV – Bundesverband Digitalpublisher und Zeitungsverleger eV, anciennement Bundesverband Deutscher Zeitungsverleger eV (ci-après le « BDZV ») et Twenga SA ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
34 Par ordonnance du président de la neuvième chambre du Tribunal du 11 avril 2019, un traitement confidentiel a été accordé notamment à l’annexe A.1 de la requête introductive d’instance.
35 Par décision du 10 juillet 2019, le Tribunal a renvoyé l’affaire devant une formation de jugement élargie.
36 À l’appui de son recours, Google a soulevé six moyens, qu’elle a présentés de la manière suivante :
« Le premier et le deuxième moyens démontrent que la décision [litigieuse] conclut, à tort, que Google favorise son service de comparaison de produits en affichant les Product Universals et les Shopping Units. Le troisième moyen explique que la décision [litigieuse] est erronée en ce qu’elle considère que le positionnement et l’affichage des Product Universals et des Shopping Units ont détourné le trafic de recherche de Google. Par le quatrième moyen, il sera démontré que la spéculation de la
décision [litigieuse] sur les effets anticoncurrentiels est sans fondement. Le cinquième moyen démontre que la décision [litigieuse] qualifie, à tort, de pratiques abusives des améliorations qualitatives qui représentent une concurrence fondée sur les mérites. Le sixième moyen montre que les motifs pour lesquels la décision [litigieuse] a imposé une amende sont infondés. »
37 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté pour l’essentiel le recours en validant l’analyse de la Commission en ce qui concerne le marché de la recherche spécialisée pour la comparaison de produits.
38 Le Tribunal a souligné d’emblée que Google ne contestait pas être en position dominante sur les treize marchés nationaux de la recherche générale correspondant aux pays dans lesquels la Commission avait estimé qu’elle avait abusé d’une telle position. Il a précisé que cette donnée constituait une prémisse de l’ensemble des analyses ultérieures.
39 En premier lieu, le Tribunal a examiné le cinquième moyen et la première branche du premier moyen, tirés de la conformité des pratiques en cause à la concurrence par les mérites. Premièrement, il a rejeté l’argumentation des requérantes selon laquelle ces pratiques constituaient des améliorations qualitatives relevant de la concurrence par les mérites et ne pouvaient être qualifiées d’abusives. Deuxièmement, il a écarté l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission avait exigé de
Google qu’elle fournisse aux comparateurs de produits concurrents un accès à ses services améliorés sans satisfaire aux conditions énoncées dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569). Troisièmement, il a rejeté l’argumentation des requérantes selon laquelle les faits avaient été présentés par la Commission de manière erronée puisque Google avait introduit les groupes de résultats pour produits afin d’améliorer la qualité de son service et non pas pour diriger le trafic vers
son propre service de comparaison de produits.
40 En deuxième lieu, le Tribunal a examiné la deuxième branche du premier moyen et les première, deuxième et, en partie, troisième branches du deuxième moyen, tirées du caractère non discriminatoire des pratiques en cause. À cet égard, il a rejeté les griefs des requérantes pris de ce que la Commission avait conclu à tort que Google avait favorisé son service de comparaison de produits par l’affichage des Product Universals et des Shopping Units ainsi que les griefs pris de ce que les comparateurs
de produits concurrents avaient déjà été inclus dans les Shopping Units, de telle sorte qu’il ne pouvait y avoir de favoritisme.
41 En troisième lieu, le Tribunal a examiné les troisième et quatrième moyens, tirés de ce que les pratiques en cause n’avaient pas eu d’effets anticoncurrentiels. Premièrement, il a rejeté l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission n’avait pas établi que les pratiques en cause avaient entraîné, d’une part, une baisse du trafic depuis les pages de résultats générales de Google vers les comparateurs de produits concurrents et, d’autre part, une hausse du trafic depuis les pages de
résultats générales de Google vers son comparateur de produits. Deuxièmement, il a estimé que l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission avait spéculé sur les effets anticoncurrentiels des pratiques en cause devait être écartée pour ce qui concerne les marchés des services de comparaison de produits et devait être accueillie pour ce qui concerne les marchés nationaux de la recherche générale. Troisièmement, il a rejeté l’argumentation des requérantes selon laquelle le rôle des
plateformes marchandes avait été négligé dans l’analyse des effets des pratiques en cause. Quatrièmement, il a écarté l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission n’avait pas démontré l’existence d’effets anticoncurrentiels dus aux pratiques en cause sur les marchés nationaux des services de comparaison de produits.
42 En quatrième lieu, le Tribunal a rejeté la troisième branche du premier moyen et, en partie, la troisième branche du deuxième moyen, prises de l’existence de justifications objectives concernant l’affichage des Product Universals et des Shopping Units.
43 En revanche, s’agissant des marchés nationaux de la recherche générale, le Tribunal a considéré que la Commission s’était appuyée sur des considérations trop imprécises pour justifier l’existence d’effets anticoncurrentiels, même potentiels, de sorte que la première branche du quatrième moyen des requérantes, tirée du caractère purement spéculatif de l’analyse des effets anticoncurrentiels des pratiques en cause, a été accueillie pour ce qui concerne ces marchés.
44 Ainsi, le Tribunal a annulé la décision litigieuse dans la seule mesure où la Commission y avait constaté une infraction de Google et d’Alphabet à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE dans treize marchés nationaux de la recherche générale au sein de l’EEE sur la base de l’existence d’effets anticoncurrentiels dans ces marchés, et a rejeté le recours pour le surplus. En vertu de sa compétence de pleine juridiction, il a maintenu dans son intégralité l’amende infligée par la
Commission aux requérantes.
III. La procédure devant la Cour
45 Par ordonnance du président de la Cour du 22 mars 2022, Google et Alphabet/Commission (C‑48/22 P, EU:C:2022:207), un traitement confidentiel a été réservé, à l’égard de CCIA, de la République fédérale d’Allemagne, de l’Autorité de surveillance AELE, du BEUC, de Foundem, de Kelkoo, du VDZ, de Ladenzeile, du BDZV et de Twenga, parties intervenantes en première instance, à l’annexe 2 du pourvoi, déposée au greffe de la Cour par les requérantes le 2 février 2022, seule une version non confidentielle
de cette annexe devant être signifiée à ces parties intervenantes.
46 Par ordonnance du président de la Cour du 1er septembre 2022, Google et Alphabet/Commission (C‑48/22 P, EU:C:2022:667), PriceRunner International AB (ci-après « PriceRunner ») a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Dans cette ordonnance, un traitement confidentiel a également été réservé, à l’égard de PriceRunner, à l’annexe 2 du pourvoi.
47 Par ordonnance du président de la Cour du 1er septembre 2022, Google et Alphabet/Commission (C‑48/22 P, EU:C:2022:668), la demande de FairSearch AISBL à intervenir au soutien des conclusions de la Commission a été rejetée.
IV. Les conclusions des parties au pourvoi
48 Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’annuler la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;
– de condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre des procédures de première instance et de pourvoi, et
– de condamner PriceRunner à supporter les dépens liés à son intervention.
49 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérantes aux dépens.
50 PriceRunner demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérantes aux dépens qu’elle a exposés.
51 CCIA demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé la décision litigieuse ;
– d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et
– de condamner la Commission aux dépens qu’elle a exposés.
52 L’Autorité de surveillance AELE demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérantes aux dépens.
53 Le BEUC demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérantes aux dépens qu’il a exposés dans le cadre du pourvoi.
54 Foundem demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant manifestement irrecevable ou comme étant non fondé dans son intégralité et
– de condamner les requérantes aux dépens qu’elle a encourus.
55 Kelkoo demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant irrecevable en tant qu’il est dirigé contre des constatations de fait effectuées par le Tribunal et comme étant non fondé pour le surplus et
– de condamner les requérantes aux dépens qu’elle a exposés.
56 Le VDZ, Ladenzeile et le BDZV demandent à la Cour :
– de rejeter le pourvoi dans son intégralité et
– de condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux qu’ils ont exposés.
57 Twenga demande à la Cour :
– de rejeter les moyens invoqués par les requérantes ;
– de confirmer l’arrêt attaqué ;
– de confirmer la décision litigieuse, et
– de condamner les requérantes aux dépens.
58 Lors de l’audience du 19 septembre 2023, en réponse à une question posée par la Cour, les requérantes ont précisé qu’elles demandaient l’annulation de l’arrêt attaqué uniquement dans la mesure où le Tribunal avait rejeté leur recours en première instance, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience. Ainsi, les requérantes se sont désistées du pourvoi en tant que celui-ci était dirigé contre la partie de l’arrêt attaqué par laquelle le Tribunal avait accueilli leurs chefs de
conclusions.
V. Sur le pourvoi
59 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a confirmé la décision litigieuse alors que celle-ci ne satisfaisait pas au critère juridique requis pour constater l’existence d’une obligation de fournir un accès aux comparateurs de produits. Le deuxième moyen est pris d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a confirmé la décision litigieuse alors que celle-ci n’identifiait pas un comportement qui
s’écartait de la concurrence par les mérites. Le troisième moyen est tiré d’erreurs du Tribunal dans son examen du lien de causalité entre l’abus allégué et les effets probables. Le quatrième moyen est pris d’une erreur du Tribunal en ce qu’il a considéré que la Commission ne devait pas examiner si le comportement était susceptible d’évincer des concurrents aussi efficaces.
A. Sur la recevabilité
60 Foundem fait valoir que le pourvoi doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable. Elle soutient, en substance, que les requérantes, sans contester ouvertement les faits établis dans l’arrêt attaqué, cherchent à substituer à ceux-ci leur propre version de ces faits, version qui serait contraire aux constatations du Tribunal. Cette présentation trompeuse et dénaturée des faits affecterait chacun des quatre moyens du pourvoi, étant donné que les arguments juridiques avancés au soutien de
ceux-ci seraient fondés sur des inexactitudes factuelles.
61 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit
soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 12 janvier 2023, Lietuvos geležinkeliai/Commission, C‑42/21 P, EU:C:2023:12, point 60 et jurisprudence citée).
62 Partant, d’une part, la circonstance que les requérantes fonderaient l’argumentation juridique développée dans le cadre de leur pourvoi sur une présentation dénaturée des faits établis dans l’arrêt attaqué doit être appréciée dans le cadre de l’examen du bien-fondé de celui-ci. D’autre part, la critique d’une présentation trompeuse des faits établis dans l’arrêt attaqué, sans pour autant contester la réalité de ces faits, quand bien même celle-ci serait fondée, n’est pas de nature à entraîner
l’irrecevabilité du pourvoi.
63 Par ailleurs, en l’espèce, le pourvoi identifie avec suffisamment de précision, en chacun de ses moyens, les points critiqués de l’arrêt attaqué et expose les motifs pour lesquels ces points seraient, selon les requérantes, entachés d’erreurs de droit, permettant, par conséquent, à la Cour d’effectuer son contrôle de légalité.
64 Il résulte des considérations qui précèdent que le présent pourvoi est recevable.
B. Sur le fond
1. Sur le premier moyen
a) Argumentation des parties
65 Par le premier moyen, composé de deux branches, les requérantes, soutenues par CCIA, font grief au Tribunal d’avoir entériné la décision litigieuse alors que la Commission n’avait pas démontré que les conditions requises pour établir une obligation de fourniture, établies par la jurisprudence et rappelées aux points 213, 215 et 216 de l’arrêt attaqué, étaient remplies.
66 À cet égard, les requérantes soutiennent qu’il a été reproché à Google, en substance, de ne pas avoir fourni aux comparateurs de produits concurrents un accès à des « boxes » dédiées positionnées de manière proéminente sur ses pages de résultats, dotées de fonctionnalités d’affichage enrichies et qui n’étaient pas susceptibles d’être rétrogradées par des algorithmes tels que Panda.
67 Par la première branche du premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, aux points 224 à 228 de l’arrêt attaqué, substitué, de manière illicite, à l’appréciation de la Commission figurant dans la décision litigieuse sa propre appréciation selon laquelle les conditions requises pour établir une obligation de fourniture étaient remplies. En effet, le Tribunal aurait affirmé que la page de résultats générale de Google présentait des caractéristiques qui la rapprochaient d’une
facilité essentielle (point 224), que la Commission a considéré que le trafic de Google était indispensable pour les comparateurs de produits concurrents (point 227) et que cette institution a constaté un risque d’élimination de toute concurrence (point 228). Or, la décision litigieuse ne formulerait pas de telles constatations, comme le Tribunal l’aurait d’ailleurs lui-même confirmé au point 223 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a indiqué que la Commission ne s’était pas référée aux critères de
l’obligation de fourniture.
68 Par la seconde branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 229 à 249 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a estimé que la Commission n’était pas tenue, pour déterminer l’existence de l’abus allégué, d’appliquer le test établi au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569).
69 À cet égard, les requérantes font valoir que, aux points 220, 229 et 287 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a identifié l’abus allégué comme étant en substance une méconnaissance par Google de son obligation de fournir un accès. Toutefois, au point 229 de cet arrêt, le Tribunal aurait considéré que les pratiques litigieuses se distinguaient dans leurs éléments constitutifs du refus de fourniture en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569).
70 Par le premier grief, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, aux points 237 à 240 de l’arrêt attaqué, estimé que la présente affaire devait être distinguée d’une affaire relative à un refus de fourniture, car elle a trait à une « différence de traitement ». Or, une affaire relative à un refus de fourniture ne constituerait qu’un type particulier d’affaires portant sur une différence de traitement, car elle impliquerait pour l’entreprise concernée le fait de conserver un élément d’actif
pour son propre profit, tout en refusant de le fournir à ses concurrents.
71 Selon les requérantes, le problème identifié en l’espèce était l’existence d’une installation, constituée des « boxes », à laquelle les comparateurs de produits concurrents n’avaient pas accès et le fait que cette installation était plus attrayante, en termes de positionnement, de caractéristiques et d’absence de rétrogradations, que l’installation à laquelle ces comparateurs s’étaient effectivement vu offrir un « accès », selon les termes utilisés par le Tribunal aux points 219 et 243 de l’arrêt
attaqué, à savoir la présentation des résultats génériques. Décrire l’abus allégué comme une combinaison de plusieurs pratiques, à savoir un affichage des résultats du comparateur de produits de Google dans des « boxes » proéminentes et un affichage des résultats des comparateurs de produits concurrents dans des résultats génériques susceptibles d’être rétrogradés, ne serait qu’une autre façon d’exprimer le fait que Google a traité différemment les résultats de son comparateur de produits et ceux
des comparateurs de produits concurrents au motif qu’elle n’a pas fourni à ces derniers un accès aux « boxes ». Dès lors, contrairement à ce que le Tribunal aurait affirmé au point 232 de l’arrêt attaqué, la différence de traitement en cause ne serait pas une « pratique extrinsèque », distincte de l’accès.
72 Par le deuxième grief, les requérantes prétendent que, aux points 177, 219 et 243 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, de manière illégale et erronée, décrit la décision litigieuse comme portant sur les conditions de fourniture par Google de son service de recherche générale au moyen de l’accès aux pages de résultats générales, plutôt que sur une obligation de fournir un accès à une installation distincte.
73 Premièrement, le Tribunal aurait « réécrit » la décision litigieuse, en constatant au point 219 de l’arrêt attaqué que, « contrairement à ce que soutient la Commission », sont en cause, dans la présente affaire, les conditions de la fourniture par Google de son service de recherche générale au moyen de l’accès aux pages de résultats générales », alors qu’une telle constatation ne figurerait pas dans cette décision.
74 Deuxièmement, en décrivant la présente affaire comme portant sur des conditions de fourniture, le Tribunal se serait livré à une qualification juridique erronée de celle-ci. En effet, cette affaire ne porterait pas sur des conditions de fourniture, c’est-à-dire sur des conditions commerciales auxquelles une entreprise, qui a choisi d’en approvisionner une autre, met ensuite ses produits ou ses services à disposition. En outre, l’infrastructure en cause ne serait pas l’intégralité de la page de
résultats générale de Google. Au contraire, il résulterait de la décision litigieuse que les « boxes » constituent une installation distincte avec leur propre infrastructure technique et qu’il est reproché à Google de ne pas avoir donné aux comparateurs de produits concurrents accès à ces « boxes ». Le fait que Google ait fourni aux comparateurs de produits concurrents un accès à ses résultats génériques n’y changerait rien. Partant, comme dans toutes les affaires d’obligation de fourniture, la
question en l’espèce concernerait le droit d’une entreprise de choisir qui a accès à une installation donnée. Dans ces conditions, serait sans pertinence la référence, aux points 234 à 236 et 239 de l’arrêt attaqué, à la jurisprudence relative aux pratiques de compression des marges.
75 Par le troisième grief, les requérantes soutiennent que, aux points 232 et 233 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté à tort le critère de l’obligation de fourniture au motif de l’absence d’une demande d’accès expresse de la part du concurrent et d’un refus exprès de l’entreprise dominante. Premièrement, le Tribunal aurait commis une erreur de droit puisque la jurisprudence n’exige pas l’existence d’une demande et d’un refus d’accès exprès. Deuxièmement, l’approche formaliste du Tribunal serait
contraire à la logique juridique et économique de l’obligation de fourniture. Il importerait de déterminer si la présente affaire remplit les conditions juridiques requises pour l’imposition d’une telle obligation, qui constitue une ingérence dans les libertés fondamentales et une exception à la concurrence dans une économie de marché. En revanche, l’existence ou non d’une demande expresse serait dépourvue de pertinence. Troisièmement, le raisonnement du Tribunal s’écarterait de la décision
litigieuse, qui aurait constaté l’existence d’une demande et d’un refus d’accès aux Shopping Units.
76 Par le quatrième grief, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, au point 240 de l’arrêt attaqué, rejeté le critère de l’obligation de fourniture, au motif qu’il aurait qualifié d’« actif » le comportement en cause, à savoir le traitement différent réservé par Google aux résultats de son comparateur de produits par rapport aux résultats des comparateurs de produits concurrents. Or, la décision litigieuse s’opposerait au défaut « passif » de fourniture aux autres comparateurs de produits du
même accès que celui fourni au comparateur de produits de Google. Selon les requérantes, le fait de qualifier le comportement d’« actif » ou de « passif » est dépourvu de pertinence pour distinguer la présente espèce des affaires de refus de fourniture en général.
77 Par le cinquième grief, les requérantes contestent les considérations du Tribunal, figurant au point 246 de l’arrêt attaqué, par lesquelles il a retenu l’absence de pertinence des mesures correctives de la décision litigieuse pour apprécier la nature de l’abus allégué. La Commission n’aurait identifié que deux mesures pour mettre fin à l’abus, Google pouvant soit conclure des accords avec les comparateurs de produits concurrents pour leur donner le même accès à ses « boxes » que celui dont
disposait son comparateur de produits, soit supprimer l’affichage des « boxes ». La décision litigieuse aurait, dès lors, clairement visé à remédier à la préoccupation résultant de ce que Google refusait de fournir un accès à une infrastructure, alors qu’elle était tenue en droit de le fournir.
78 La Commission, PriceRunner, l’Autorité de surveillance AELE, le BEUC, Foundem, Kelkoo, le VDZ, Ladenzeile, le BDZV et Twenga contestent l’argumentation des requérantes et soutiennent que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant irrecevable, inopérant ou non fondé. En particulier, ce moyen reposerait sur la prémisse erronée selon laquelle, dans la décision litigieuse, telle que confirmée par l’arrêt attaqué, le comportement incriminé consistait uniquement en ce que Google affichait
de manière visible les résultats de son comparateur de produits et refusait de donner aux comparateurs de produits concurrents accès à une installation distincte, prétendument constituée par les « boxes », à savoir les Products Universals puis les Shopping Units.
b) Appréciation de la Cour
1) Sur la seconde branche du premier moyen
79 Par la seconde branche du premier moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, les requérantes critiquent les points 229 à 249 de l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal, en refusant d’appliquer à la présente affaire les conditions établies au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), aurait retenu un critère juridique erroné afin d’apprécier l’existence d’un abus de position dominante.
80 À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 229 de l’arrêt attaqué, que, si les pratiques en cause n’étaient pas étrangères à une problématique d’accès, elles se distinguaient néanmoins dans leurs éléments constitutifs du refus de fourniture en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), ce qui justifiait la décision de la Commission de les appréhender sous l’angle d’autres conditions que celles relevées dans cet arrêt.
81 Aux points 230 et 231 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, en effet, toute problématique totale ou partielle d’accès, comme celle de l’espèce, n’impliquait pas nécessairement l’application des conditions énoncées dans cet arrêt, en particulier, comme l’a indiqué la Commission dans la décision litigieuse, lorsque la pratique en cause consiste en un comportement autonome qui, tout en pouvant revêtir les mêmes effets d’exclusion, se distingue, dans ses éléments constitutifs, d’un refus de
fourniture.
82 Aux points 232 et 233 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué, en substance, qu’un refus de fourniture justifiant l’application des conditions énoncées dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), implique, d’une part, qu’il soit explicite, à savoir qu’existent une demande ou, en tout état de cause, un souhait de se voir accorder un accès et un refus corrélatif et, d’autre part, que le comportement incriminé réside principalement dans le refus en tant que tel, et non pas
dans une pratique extrinsèque comme, en particulier, une autre forme d’abus par effet de levier. Selon le Tribunal, l’absence d’un tel refus exprès exclut que soient qualifiées de refus de fourniture des pratiques qui, même si elles pourraient avoir, in fine, pour conséquence un refus implicite d’accès, constituent, compte tenu de leurs éléments constitutifs qui s’écartent, par leur nature même, de la concurrence par les mérites, une violation autonome de l’article 102 TFUE.
83 Au point 234 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que, si toutes ou à tout le moins la plupart des « pratiques d’éviction » sont susceptibles de constituer des refus implicites de fourniture, puisqu’elles tendent à rendre plus difficile l’accès à un marché, l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), ne saurait être appliqué à toutes ces pratiques sauf à méconnaître la lettre et l’esprit de l’article 102 TFUE dont la portée ne peut être limitée aux pratiques abusives portant
sur des biens et des services « indispensables » au sens de cet arrêt.
84 Au point 235 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a observé que, dans plusieurs affaires qui soulevaient des problématiques d’accès à un service, telles des pratiques de compression des marges, la démonstration de la condition d’indispensabilité n’avait pas été requise. À cet égard, il a estimé, au point 236 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), que les conditions nécessaires afin d’établir l’existence d’un refus abusif de
fourniture doivent nécessairement s’appliquer dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’un comportement consistant à soumettre la fourniture de services ou la vente de produits à des conditions désavantageuses ou auxquelles l’acheteur pourrait ne pas être intéressé, de tels comportements pouvant, en soi, être constitutifs d’une forme d’abus différent du refus de fourniture.
85 Aux points 237 à 241 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en substance, qu’était en cause, en l’espèce, non pas un simple refus unilatéral de la part de Google de fournir aux entreprises concurrentes un service nécessaire pour exercer une concurrence sur un marché voisin, mais une différence de traitement contraire à l’article 102 TFUE. Il a relevé que les pratiques litigieuses comportaient un caractère « actif » se traduisant par des actes positifs de discrimination entre le service de
comparaison de produits de Google et les services de comparaison de produits concurrents et que ces pratiques constituaient une forme autonome d’abus par effet de levier à partir d’un marché dominé, caractérisé par de fortes barrières à l’entrée, à savoir le marché des services de recherche générale. Selon le Tribunal, la Commission n’était, dès lors, pas tenue d’établir que les conditions énoncées dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), étaient satisfaites pour
constater l’existence d’un abus de position dominante.
86 Aux points 242 à 247 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, notamment, l’argument de Google selon lequel la décision litigieuse lui imposait, en substance, de transférer un actif de valeur, à savoir l’espace alloué aux résultats de recherche. Il a expliqué que l’obligation, pour une entreprise qui exploite de façon abusive une position dominante, de céder des actifs, de conclure des contrats ou de donner accès à son service dans des conditions non discriminatoires n’implique pas nécessairement
l’application des conditions énoncées dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569). En effet, il ne pourrait pas exister d’automaticité entre les critères de qualification juridique de l’abus et les mesures correctives qui permettent d’y remédier. Le Tribunal a ajouté que la circonstance que l’une des manières de mettre fin au comportement abusif consistait à permettre aux concurrents de figurer dans les « boxes » qui s’affichaient en haut de la page de résultats de Google
n’impliquait pas que les pratiques abusives soient limitées à l’affichage desdites « boxes » et que les conditions d’identification de l’abus soient définies au regard de ce seul aspect.
87 Afin d’apprécier si, comme l’allèguent les requérantes, ces considérations sont entachées d’une erreur de droit, il importe de rappeler que l’article 102 TFUE interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Cet article vise à éviter qu’il ne soit porté atteinte à la concurrence au
détriment de l’intérêt général, des entreprises individuelles et des consommateurs, en réprimant les comportements d’entreprises en position dominante qui restreignent la concurrence par les mérites et sont ainsi susceptibles de causer un préjudice direct à ces derniers, ou qui empêchent ou faussent cette concurrence et sont ainsi susceptibles de leur causer un préjudice indirect (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 124 et jurisprudence citée).
88 Constituent de tels comportements ceux qui, sur un marché où le degré de concurrence est déjà affaibli, à la suite précisément de la présence d’une ou de plusieurs entreprises en position dominante, font obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent la concurrence par les mérites entre les entreprises, au maintien du degré de concurrence existant sur le marché ou au développement de cette concurrence (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21,
EU:C:2023:1011, point 125 et jurisprudence citée).
89 S’agissant de pratiques consistant en un refus de donner accès à une infrastructure développée par une entreprise dominante pour les besoins de ses propres activités et détenue par elle, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un tel refus est susceptible de constituer un abus de position dominante à condition non seulement que ce refus soit de nature à éliminer toute concurrence sur le marché en cause de la part du demandeur d’accès et ne puisse être objectivement justifié, mais également
que l’infrastructure en elle-même soit indispensable à l’exercice de l’activité de celui-ci, en ce sens qu’il n’existe aucun substitut réel ou potentiel à cette infrastructure (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 1998, Bronner, C‑7/97, EU:C:1998:569, point 41, ainsi que du 12 janvier 2023, Lietuvos geležinkeliai/Commission, C‑42/21 P, EU:C:2023:12, point 79 et jurisprudence citée).
90 L’imposition de ces conditions, au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), était justifiée par les circonstances propres à cette affaire, qui consistaient en un refus par une entreprise dominante de donner accès à un concurrent à une infrastructure qu’elle avait développée pour les besoins de sa propre activité, à l’exclusion de tout autre comportement (arrêts du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission, C‑152/19 P, EU:C:2021:238, point 45, et du 12 janvier
2023, Lietuvos geležinkeliai/Commission, C‑42/21 P, EU:C:2023:12, point 80).
91 En effet, le constat qu’une entreprise dominante a abusé de sa position en raison d’un refus de contracter avec un concurrent a pour conséquence que cette entreprise est forcée de contracter avec ce concurrent. Or, une telle obligation est particulièrement attentatoire à la liberté de contracter et au droit de propriété de l’entreprise dominante dès lors qu’une entreprise, même dominante, reste, en principe, libre de refuser de contracter et d’exploiter l’infrastructure qu’elle a développée pour
ses propres besoins (arrêt du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission, C‑152/19 P, EU:C:2021:238, point 46).
92 En l’espèce, les requérantes font valoir que, malgré le fait d’avoir identifié, aux points 220, 229 et 287 de l’arrêt attaqué, l’abus allégué en des termes qui démontrent qu’il s’agit en réalité de savoir si Google est soumise à une obligation de fournir aux comparateurs de produits concurrents un accès à une telle infrastructure, le Tribunal, aux points 229 et 240 de cet arrêt, a conclu, à tort, que les pratiques de Google se distinguent dans leurs éléments constitutifs d’un refus d’accès tel
que celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), et que, partant, les conditions établies par cet arrêt ne s’appliquent pas à ces pratiques.
93 Par leurs premier et deuxième griefs, les requérantes reprochent notamment au Tribunal d’avoir considéré que la présente affaire portait sur une « différence de traitement » en ce qui concerne les conditions de fourniture par Google de son service de recherche générale au moyen de l’accès aux pages de résultats générales, plutôt que sur une obligation de fournir un accès à une installation distincte, constituée par les « boxes » dédiées positionnées de manière proéminente sur ses pages de
résultats, dotées de fonctionnalités d’affichage enrichies et qui n’étaient pas susceptibles d’être rétrogradées par des algorithmes tels que Panda.
94 À cet égard, il importe de relever, en premier lieu, que les requérantes font une lecture erronée des points 220, 229 et 287 de l’arrêt attaqué.
95 Certes, le Tribunal a relevé, au point 220 de l’arrêt attaqué, qu’« il est reproché à Google de ne pas permettre aux comparateurs de produits concurrents de bénéficier d’un positionnement et d’un affichage similaires à ceux dont bénéficie son propre comparateur ». Au point 229 de cet arrêt, il a noté que « les pratiques en cause, comme le soutient Google, ne sont pas étrangères à une problématique d’accès ». Au point 287 dudit arrêt, il a constaté que « les résultats des comparateurs concurrents,
quand bien même ils seraient particulièrement pertinents pour l’internaute, ne peuvent jamais bénéficier d’un traitement similaire à celui des résultats du comparateur de Google, que ce soit au niveau de leur positionnement, dans la mesure où, du fait de leurs caractéristiques mêmes, ils sont enclins à être rétrogradés par les algorithmes d’ajustement et où les “boxes” sont réservées aux résultats du comparateur de Google, ou de leur présentation, les caractères enrichis et les images étant
également réservés au comparateur de Google ».
96 Toutefois, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal, à ces points 220, 229 et 287 de l’arrêt attaqué, n’a nullement identifié l’abus allégué en des termes qui démontrent qu’il s’agissait en définitive de savoir si Google était soumise à une obligation de fournir un accès aux « boxes », à savoir les Products Universals puis les Shopping Units.
97 En effet, il ressort des termes mêmes de ces points ainsi que d’une lecture desdits points dans leur contexte, notamment des points 219 à 229 et 288 de l’arrêt attaqué, qu’il a été reproché à Google de ne pas permettre aux comparateurs de produits concurrents de son comparateur de produits de bénéficier, sur ses pages de résultats générales, d’une visibilité similaire à celle dont bénéficiait ce dernier et, dès lors, de ne pas assurer une égalité de traitement entre son comparateur de produits et
les comparateurs de produits concurrents. Plus précisément, le comportement reproché à Google consistait, ainsi que l’a également rappelé le Tribunal aux points 187 et 261 de cet arrêt, en la combinaison de deux pratiques, à savoir, d’une part, le positionnement et la présentation plus favorables de ses propres résultats spécialisés dans ses pages de résultats générales que ceux des résultats des comparateurs de produits concurrents et, d’autre part, la rétrogradation concomitante, par des
algorithmes d’ajustement, des résultats des comparateurs de produits concurrents.
98 Par ailleurs, les requérantes invoquant également la pertinence des mesures correctives prévues dans la décision litigieuse, il suffit de relever que celles-ci n’imposaient pas à Google de donner accès aux « boxes ». En effet, il ressort des points 71 et 221 de l’arrêt attaqué que la Commission a enjoint à Google de mettre fin au comportement incriminé, soulignant que, si Google pouvait se conformer à cette injonction de différentes façons, toute mesure d’exécution devait garantir que Google ne
traite pas les services de comparaison de produits concurrents « moins favorablement » que son service de comparaison de produits dans ses pages de résultats générales et que toute mesure d’exécution devrait soumettre le service de comparaison de produits de Google aux « mêmes procédés et méthodes » de positionnement et de présentation que ceux utilisés pour les services de comparaison de produits concurrents.
99 La description du comportement en cause dans l’arrêt attaqué met ainsi en évidence que ce comportement concernait le positionnement et la présentation discriminatoires sur les pages de résultats générales du service de recherche générale de Google et non pas l’accès aux « boxes ».
100 Ainsi, au point 177 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment indiqué que l’infrastructure en cause était les pages de résultats générales de Google qui généraient du trafic vers les autres sites Internet, notamment ceux des comparateurs de produits concurrents, et que cette infrastructure était, en principe, ouverte.
101 En outre, aux points 219 et 243 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’étaient en cause les conditions de la fourniture par Google de son service de recherche générale au moyen de l’accès aux pages de résultats générales par les comparateurs de produits concurrents.
102 Enfin, après avoir résumé aux points 220 et 221 de l’arrêt attaqué la teneur des considérants 662, 699 et 700, sous c), de la décision litigieuse, le Tribunal a constaté, au point 222 de cet arrêt, que cette décision visait un égal accès du comparateur de produits de Google et des comparateurs de produits concurrents aux pages de résultats générales de Google, quels que soient les types de résultats en cause – résultats génériques, Product Universals ou Shopping Units – et tendait donc bien à ce
que soit accordé aux comparateurs de produits concurrents un accès aux pages de résultats générales de Google dans un positionnement et une présentation aussi visibles que ceux du comparateur de produits de celle-ci.
103 Il est ainsi constant que, lorsqu’il a relevé, au point 229 de l’arrêt attaqué, que les pratiques en cause « ne sont pas étrangères à une problématique d’accès », le Tribunal s’est référé non pas à l’accès des comparateurs de produits concurrents aux « boxes », mais à leur accès aux pages de résultats générales de Google dans des conditions non discriminatoires.
104 En deuxième lieu, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir substitué, au point 219 de l’arrêt attaqué, son appréciation à celle figurant dans la décision litigieuse. La description du comportement en cause, telle qu’ainsi opérée par le Tribunal, ne constitue, en effet, qu’une manière de décrire le fait qu’il a été reproché à Google le positionnement et la présentation plus favorables, dans les pages de résultats de recherche générale de Google, de son comparateur de produits par rapport
aux comparateurs de produits concurrents, ce qui est indiqué à plusieurs reprises dans la décision litigieuse et dans l’arrêt attaqué, avec des variations minimes dans la formulation utilisée.
105 En troisième lieu, ne saurait être retenu l’argument des requérantes selon lequel les « boxes » constitueraient une installation distincte des pages de résultats générales de Google, de sorte que le Tribunal aurait dû considérer qu’il s’agissait en l’espèce de la question de savoir s’il était justifié d’imposer à Google de donner aux comparateurs de produits concurrents accès à cette installation. En effet, ainsi que l’a, en substance, relevé Mme l’avocate générale aux points 114 et 115 de ses
conclusions, même si elles sont mises en valeur sur la page de résultats générale de Google, les « boxes » ne constituent pas une infrastructure distincte de cette page au sens d’une page de résultats autonome.
106 Par ailleurs, il est constant que les comparateurs de produits concurrents de celui de Google avaient accès à son service de recherche générale et aux pages de résultats générales. Il n’est donc nullement reproché à Google d’avoir refusé cet accès.
107 Partant, le désavantage qui résulte pour les comparateurs de produits concurrents de Google de la combinaison des deux pratiques en cause – à savoir, d’une part, le positionnement et la présentation plus favorables de ses propres résultats spécialisés dans ses pages de résultats générales que ceux des résultats des comparateurs de produits concurrents et, d’autre part, la rétrogradation concomitante, par des algorithmes d’ajustement, des résultats des comparateurs de produits concurrents –
concerne les conditions d’accès à la page de résultats générale de Google, et non pas l’accès à une infrastructure prétendument distincte, constituée par les « boxes ».
108 En quatrième lieu, comme le Tribunal l’a, en substance, relevé, aux points 223, 237 et 240 de l’arrêt attaqué, la Commission a considéré dans la décision litigieuse que, par la combinaison de ces deux pratiques et, donc, par la discrimination entre son propre comparateur de produits et les comparateurs de produits concurrents sur ses pages de recherche générale, Google faisait levier sur sa position dominante sur le marché de la recherche générale, caractérisé par de fortes barrières à l’entrée,
pour favoriser son propre comparateur de produits sur le marché des services de comparaison de produits, et que ce comportement conduisait à une éviction potentielle ou actuelle de la concurrence sur ce dernier marché, situé en aval.
109 Au regard de cette circonstance, le Tribunal a constaté, aux points 229 et 240 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue d’établir que les conditions énoncées dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), rappelées au point 89 du présent arrêt, étaient satisfaites, pour parvenir à un constat d’infraction sur la base des pratiques constatées, dès lors que celles-ci se distinguent dans leurs éléments constitutifs d’un refus d’accès tel que celui en cause dans
l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et constituent une forme autonome d’abus par effet de levier.
110 Or, comme il a été rappelé au point 90 du présent arrêt, il ressort de la jurisprudence issue de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), que l’imposition des conditions mentionnées au point 41 de cet arrêt était justifiée par les circonstances propres à l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, qui consistaient en un refus par une entreprise dominante de donner accès à un concurrent à une infrastructure qu’elle avait développée pour les besoins de sa propre activité, à
l’exclusion de tout autre comportement.
111 En revanche, lorsqu’une entreprise dominante donne accès à son infrastructure mais soumet cet accès, la fourniture de services ou la vente de produits à des conditions inéquitables, les conditions énoncées par la Cour au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), ne s’appliquent pas. Certes, lorsque l’accès à une telle infrastructure, voire à un service ou à un intrant, est indispensable pour permettre aux concurrents de l’entreprise dominante d’opérer de manière
rentable sur un marché en aval, il est d’autant plus probable que des pratiques inéquitables sur ce marché auront des effets anticoncurrentiels au moins potentiels et constitueront un abus, au sens de l’article 102 TFUE. Toutefois, s’agissant de pratiques autres qu’un refus d’accès, l’absence d’un tel caractère indispensable n’est pas déterminante en soi aux fins de l’examen de comportements potentiellement abusifs de la part d’une entreprise dominante (arrêts du 25 mars 2021, Deutsche
Telekom/Commission, C‑152/19 P, EU:C:2021:238, point 50, ainsi que du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 50 et jurisprudence citée).
112 En effet, bien que de tels comportements puissent être constitutifs d’une forme d’abus lorsqu’ils sont à même de créer des effets anticoncurrentiels au moins potentiels, voire des effets d’éviction, sur les marchés concernés, ils ne sauraient être assimilés à un refus pur et simple de permettre à un concurrent d’accéder à une infrastructure, dès lors que l’autorité de la concurrence ou la juridiction nationale compétente n’aura pas à contraindre l’entreprise dominante à donner accès à son
infrastructure, cet accès ayant d’ores et déjà été octroyé. Les mesures qui viendront à être prises dans un tel contexte seront, partant, moins attentatoires à la liberté de contracter de l’entreprise dominante et à son droit de propriété que le fait de la contraindre à donner accès à son infrastructure lorsqu’elle la réservait pour les besoins de sa propre activité (arrêts du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission, C‑152/19 P, EU:C:2021:238, point 51, et du 25 mars 2021, Slovak
Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 51).
113 Dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé aux points 105 à 107 du présent arrêt, Google donne aux comparateurs de produits concurrents accès à son service de recherche générale et aux pages de résultats générales, mais soumet cet accès à des conditions discriminatoires, les conditions établies au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), ne s’appliquent pas au comportement en cause.
114 Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, aux points 229 et 240 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas commis d’erreur de droit en s’abstenant d’apprécier si le comportement en cause satisfaisait à ces conditions.
115 Il résulte de ce qui précède que les premier et deuxième griefs doivent être rejetés.
116 Par voie de conséquence, les troisième à cinquième griefs, concernant les points 232, 233, 240 et 246 de l’arrêt attaqué, sont inopérants.
117 En effet, par ces griefs, les requérantes soutiennent que le Tribunal a rejeté à tort l’applicabilité desdites conditions, aux points 232 et 233 de l’arrêt attaqué, au motif de l’absence d’une demande d’accès et d’un refus exprès, ainsi que, au point 240 de cet arrêt, au motif que le comportement en cause, à savoir le traitement différent réservé par Google aux résultats de son comparateur de produits par rapport aux résultats des comparateurs de produits concurrents, était un comportement
« actif » et non « passif ». Au point 246 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré à tort que les mesures correctives de la décision litigieuse n’étaient pas pertinentes pour apprécier la nature de l’abus allégué.
118 Or, quand bien même ces considérations du Tribunal seraient entachées d’erreurs de droit, leur analyse n’est pas nécessaire, car c’est sans commettre d’erreur de droit qu’il a estimé que le comportement en cause ne constituait pas un refus d’accès soumis aux conditions établies au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569).
119 Par conséquent, la seconde branche du premier moyen doit être rejetée.
2) Sur la première branche du premier moyen
120 Par la première branche du premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, aux points 224 à 228 de l’arrêt attaqué, substitué de manière illicite à l’appréciation de la Commission figurant dans la décision litigieuse sa propre appréciation selon laquelle les conditions établies au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), étaient remplies, alors qu’aucune conclusion de cette nature ne figurait dans la décision litigieuse.
121 Toutefois, étant donné que, ainsi qu’il a été dit au point 118 du présent arrêt, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que le comportement reproché à Google ne devait pas être apprécié conformément à ces conditions, cette première branche du premier moyen doit être écartée comme étant inopérante.
122 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.
2. Sur le deuxième moyen
a) Argumentation des parties
123 Par le deuxième moyen, composé de trois branches, les requérantes, soutenues par CCIA, font valoir que, si l’abus allégué n’était pas un refus de fourniture d’accès, la décision litigieuse devait, pour établir une violation de l’article 102 TFUE, identifier une autre « pratique extrinsèque » et démontrer que cette pratique s’écartait de la concurrence par les mérites. À cet égard, ainsi que le Tribunal l’aurait rappelé notamment aux points 162 à 164 de l’arrêt attaqué, il ne suffirait pas
d’identifier une simple extension par effet de levier d’une position dominante sur un marché vers un marché voisin, même si cette extension conduit à la disparition ou à la marginalisation de concurrents.
124 Par la première branche du deuxième moyen, les requérantes prétendent que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce que, aux points 175 et 197 de l’arrêt attaqué, il a considéré que des circonstances relatives aux effets probables du comportement de Google, résumées aux points 169 à 174 de cet arrêt, étaient susceptibles de déterminer si celle-ci se livrait à une concurrence par les mérites.
125 Plus précisément, les requérantes relèvent que, aux points 195 et 196 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reconnu que le considérant 341 de la décision litigieuse ne suffisait pas à apprécier le bien-fondé du comportement en cause, car il avait trait aux « seuls effets d’éviction » du comportement de Google, mais a indiqué que ce considérant devait être lu en combinaison avec le considérant 342 de cette décision, qui énonçait trois circonstances. Aux points 169, 175, 196, 197, 219 et 283 de cet
arrêt, ces circonstances auraient été considérées par le Tribunal comme étant pertinentes pour qualifier la différence de traitement entre Google et ses concurrents de déviation par rapport à la concurrence par les mérites.
126 Selon les requérantes, ces trois circonstances ne se rapportent pas à la nature du comportement de Google, mais tiennent à l’importance ainsi qu’aux sources du trafic de recherche et concernent les effets probables allégués de ce comportement. Elles ne constitueraient dès lors pas un fondement valable pour se prononcer sur la question de savoir si Google s’est écartée de la concurrence par les mérites en ce qu’elle s’est réservée un traitement différent de celui qu’elle a appliqué à ses
concurrents.
127 Dans leur mémoire en réplique, les requérantes précisent que, si les facteurs pris en compte pour établir une déviation par rapport à la concurrence par les mérites ne doivent pas seulement se rapporter à la nature du comportement en cause, ils doivent néanmoins permettre de qualifier cette nature. Ainsi, contrairement à ce que la Commission soutiendrait, ne sauraient suffire de simples facteurs entourant ce comportement.
128 Par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a illicitement « réécrit » la décision litigieuse. En effet, il aurait avancé trois motifs supplémentaires, qui ne figuraient pas dans cette décision, afin de combler une lacune dans la motivation de celle-ci et d’expliquer en quoi le comportement en cause s’était prétendument écarté de la concurrence par les mérites. Ces trois motifs supplémentaires seraient,
premièrement, un critère juridique plus strict pour les entreprises « superdominantes » (points 180, 182 et 183 de l’arrêt attaqué), deuxièmement, le fait qu’il serait anormal pour Google de limiter « le champ de ses résultats aux siens » au motif que Google serait ouvert à l’affichage de résultats pour tous les contenus (points 176 à 184) et, troisièmement, la description du comportement reproché comme relevant d’un traitement discriminatoire (points 124, 237, 240, 279 et 284 à 289).
129 Dans leur mémoire en réplique, en premier lieu, les requérantes contestent l’observation de la Commission selon laquelle le Tribunal n’aurait avancé qu’à titre surabondant deux de ces motifs, à savoir celui relatif à l’anormalité du comportement de Google (points 176 à 179 de l’arrêt attaqué), et celui concernant l’application d’un critère juridique plus strict en raison de la « superdominance » de Google (point 180). En second lieu, les requérantes réfutent l’idée que l’affirmation du Tribunal
selon laquelle Google aurait changé son comportement (points 181 à 184) constitue seulement, comme l’aurait également suggéré la Commission, des « explications supplémentaires ».
130 Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que les motifs supplémentaires avancés par le Tribunal, tels que relevés dans la deuxième branche du deuxième moyen, pour expliquer en quoi Google ne s’est pas livrée à une concurrence par les mérites sont, en tout état de cause, erronés en droit.
131 Par un premier grief, les requérantes prétendent que, aux points 180, 182 et 183 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a appliqué un critère juridique erroné en se fondant sur une notion de position « superdominante » pour apprécier le bien-fondé du comportement de Google. Or, premièrement, le degré de position dominante serait dépourvu de pertinence pour établir l’existence d’un abus de position dominante, en tant que tel, au sens de l’article 102 TFUE. Deuxièmement, le Tribunal aurait estimé à tort
que, en raison de la position « superdominante » de Google, devait être prise en compte dans l’appréciation du comportement de Google au regard de cet article 102 TFUE la règle d’égalité de traitement des fournisseurs d’accès à Internet, prévue par le règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, établissant des mesures relatives à l’accès à un Internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs
au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (JO 2015, L 310, p. 1). Le fait de qualifier Google de « superdominante » ou de « porte d’entrée de l’Internet » ne saurait étendre l’application de cette règle d’égalité de traitement de manière à introduire des obligations plus étendues au titre dudit article 102 TFUE.
132 Par le deuxième grief, les requérantes soutiennent que, aux points 176 à 179 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’il était anormal pour un service de recherche de n’afficher que ses propres résultats. Elles contestent également les affirmations du Tribunal, aux points 181 à 184 de cet arrêt, car il n’y aurait pas eu de changement de comportement de Google rendant d’autant plus patente une déviation par rapport à la concurrence par les mérites.
133 Par le troisième grief, les requérantes font valoir que, aux points 71, 124, 237, 240, 279 et 284 à 288 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a qualifié à tort le comportement de Google de discriminatoire.
134 Premièrement, le Tribunal n’aurait pas adopté une approche cohérente dans la définition des deux éléments qui auraient été traités de manière discriminatoire. Au point 285 de l’arrêt attaqué, dans son analyse de la prétendue discrimination, le Tribunal se serait opposé au traitement différent des résultats par Google selon qu’ils provenaient de son comparateur de produits ou de comparateurs de produits concurrents. En revanche, au point 575 de l’arrêt attaqué, dans son analyse de la
justification objective, il aurait estimé que la préoccupation de la Commission dans la décision litigieuse était d’assurer une égalité de traitement entre deux types de résultats de Google, à savoir les résultats génériques et les résultats spécialisés.
135 Deuxièmement, le Tribunal aurait commis une erreur en ce qu’il n’aurait pas établi que Google avait procédé à une différence de traitement arbitraire, le simple fait d’appliquer un traitement différent ne suffisant pas à conclure à l’existence d’une discrimination. Selon les requérantes, il n’est pas arbitraire pour un service de recherche d’agir uniquement en tant que producteur de ses propres résultats, fondés sur ses données et ses algorithmes. En outre, l’incapacité de Google à afficher des
résultats spécialisés de tiers présentant la même fiabilité et la même qualité que ses propres résultats serait une différence objective pertinente. Pour les mêmes motifs, la critique du Tribunal, exprimée aux points 287, 291 et 292 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les résultats spécialisés pour produits provenant de tiers ne bénéficiaient pas du même traitement que ceux de Google, même s’ils étaient particulièrement pertinents, serait infondée. En tant que producteur de résultats de
recherche, Google afficherait les meilleurs résultats qu’elle est capable de produire. Par ailleurs, les requérantes soutiennent que, s’il leur est fait grief d’avoir traité différemment deux types de résultats de Google, comme cela ressortirait du point 575 de l’arrêt attaqué, cette différence était également fondée sur des considérations objectives et raisonnables.
136 Dans leur mémoire en réplique, les requérantes précisent qu’une entreprise dominante s’écarte de la concurrence par les mérites si elle porte atteinte à la qualité de son service et agit contre son intérêt.
137 La Commission, PriceRunner, le BEUC, Foundem, Kelkoo, le VDZ, Ladenzeile, le BDZV et Twenga contestent l’argumentation des requérantes et soutiennent que le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable ainsi qu’inopérant et, en tout état de cause, non fondé.
b) Appréciation de la Cour
138 Par leur deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que la Commission avait établi que le comportement en cause ne relevait pas de la concurrence par les mérites.
139 À cet égard, le Tribunal a rappelé, aux points 166 et 167 de l’arrêt attaqué, que, pour conclure à l’existence d’une violation de l’article 102 TFUE, la Commission ne s’était pas simplement référée à des pratiques par effet de levier, mais avait estimé que, par un tel effet, Google s’était appuyée sur sa position dominante sur le marché de la recherche générale pour favoriser son service de comparaison de produits sur le marché de la recherche spécialisée de comparaison de produits, en
valorisant le positionnement et la présentation de son comparateur de produits et de ses résultats dans ses pages de résultats générales, par rapport aux services des comparateurs de produits concurrents.
140 Au point 168 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, au point 344 de la décision litigieuse, la Commission avait observé que les résultats des comparateurs de produits concurrents ne pouvaient apparaître que comme des résultats génériques, à savoir de simples liens bleus, qui étaient en outre enclins à être rétrogradés dans les pages de résultats générales de Google par des algorithmes d’ajustement, alors que les résultats du comparateur de produits de Google étaient positionnés bien en
vue en haut de ces pages de résultats générales, présentés dans un format enrichi et insusceptibles d’être rétrogradés par ces algorithmes. Le Tribunal a ajouté que, selon la Commission, ces pratiques aboutissaient à une différence de traitement sous la forme d’un favoritisme par Google de son comparateur de produits.
141 Aux points 169 à 173 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, dans les parties 7.2.2 à 7.2.4 de la décision litigieuse, la Commission avait expliqué, en particulier, que, en raison de la réunion de trois circonstances spécifiques, ce favoritisme était de nature à conduire à un affaiblissement de la concurrence sur le marché. Il a exposé l’analyse de la Commission relative à ces trois circonstances, mentionnées également au point 196 de cet arrêt, qui étaient, premièrement, l’importance du
trafic généré par le moteur de recherche générale de Google pour les comparateurs de produits, deuxièmement, le comportement des utilisateurs effectuant des recherches sur Internet et, troisièmement, le fait que le trafic détourné issu des pages de résultats générales de Google comptait pour une large proportion du trafic vers les comparateurs de produits concurrents et ne pouvait pas être effectivement remplacé par d’autres sources.
142 Au point 174 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que c’était sans commettre d’erreur de droit que la Commission avait considéré que l’importance du trafic de Google issu de ses pages de recherche générales et son caractère non effectivement remplaçable constituaient, compte tenu des éléments de contexte rappelés aux points 168 à 173 de cet arrêt, des circonstances pertinentes susceptibles de caractériser l’existence de pratiques ne relevant pas d’une concurrence par les mérites.
143 Au point 175 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission ne s’était pas bornée à constater l’existence d’un effet de levier et avait qualifié en droit les pratiques de Google qui accompagnaient cet effet, en se fondant sur des critères pertinents. Il a ainsi estimé que, sous réserve que le favoritisme et ses effets, identifiés compte tenu des circonstances spécifiques des marchés concernés, aient été valablement démontrés par la Commission, ce qui faisait l’objet d’un examen
ultérieur par le Tribunal, celle-ci avait estimé à bon droit que ce favoritisme s’écartait de la concurrence par les mérites.
144 Au point 189 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que cette conclusion n’était pas infirmée par les arguments de CCIA selon lesquels l’absence de test juridique clair formulé dans la décision litigieuse violait le principe de sécurité juridique. À cet égard, il a relevé, au point 195 de cet arrêt, que, certes, le considérant 341 de cette décision exposait les raisons pour lesquelles les pratiques en cause s’écartaient de la concurrence par les mérites en indiquant, en substance, que, d’une
part, ces pratiques avaient détourné le trafic et, d’autre part, elles étaient susceptibles d’avoir des effets anticoncurrentiels. Ainsi, par ce considérant, lu isolément, la Commission aurait semblé avoir déduit le caractère déviant de ces pratiques par rapport à la concurrence par les mérites de l’existence d’effets d’éviction en découlant.
145 Au point 196 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cependant considéré que ce considérant 341 devait être lu de façon combinée avec le considérant 342 de la décision litigieuse dans lequel la Commission avait exposé, « pour démontrer pourquoi la conduite est abusive et s’inscrit en dehors du champ de la concurrence par les mérites », que les pratiques en cause consistaient pour Google à favoriser son comparateur de produits au détriment des comparateurs concurrents et que ce favoritisme s’inscrivait
dans un contexte particulier. Ce dernier considérant énoncerait les nombreux éléments pris en compte par la Commission pour démontrer pourquoi la pratique en cause s’écartait de la concurrence par les mérites et, en particulier, les trois circonstances spécifiques exposées dans les parties 7.2.2 à 7.2.4 de la décision litigieuse et rappelées aux points 170 à 173 de cet arrêt.
146 Au point 197 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ainsi considéré que l’analyse de la Commission aboutissant à constater un abus par effet de levier permettait de conclure à l’existence d’une infraction en s’appuyant, d’une part, sur des éléments suspects au regard du droit de la concurrence qui étaient absents dans le cas d’un refus d’accès, en particulier une différence de traitement non justifiée, et, d’autre part, sur des circonstances spécifiques, relatives à la nature de l’infrastructure à
l’origine de cette différence de traitement, en l’espèce l’importance du trafic de Google issu de ses pages de recherche générales et son caractère non effectivement remplaçable.
1) Sur la première branche du deuxième moyen
147 Par la première branche du deuxième moyen, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, aux points 175 et 197 de l’arrêt attaqué, en considérant que les trois circonstances spécifiques visées aux points 169 à 174 et 196 de cet arrêt étaient pertinentes pour déterminer si le comportement en cause relevait de la concurrence par les mérites.
i) Sur la recevabilité
148 La Commission soutient que la première branche du deuxième moyen est irrecevable. En effet, les requérantes ne pourraient faire valoir pour la première fois devant la Cour que ces trois circonstances, exposées à la section 7.2 de la décision litigieuse, concernaient la possibilité que le comportement en cause soit susceptible de restreindre la concurrence, et non pas qu’il ne relève pas de la concurrence par les mérites.
149 Pour statuer sur la fin de non-recevoir ainsi soulevée par la Commission, il convient de relever que, par cette première branche du deuxième moyen, les requérantes contestent une partie de la réponse du Tribunal au cinquième moyen du recours en première instance, exposée aux points 169 à 175 et 197 de l’arrêt attaqué.
150 Selon le résumé figurant au point 136 de cet arrêt, par la première branche de ce cinquième moyen, les requérantes soutenaient que la décision litigieuse n’avait pas identifié, dans le comportement de Google ayant consisté à mettre en place des améliorations qualitatives de son service de recherche sur Internet, d’éléments qui s’écartaient de la concurrence par les mérites.
151 Par la première branche du deuxième moyen du pourvoi, les requérantes contestent l’interprétation et l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, ayant conduit celui-ci à constater, aux points 175 et 197 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne s’était pas fondée sur la seule existence d’effets d’éviction découlant des pratiques en cause pour conclure que celles-ci s’écartaient d’une concurrence par les mérites.
152 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant celle-ci un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui.
Toutefois, un argument qui n’a pas été soulevé en première instance ne constitue pas un moyen nouveau qui est irrecevable au stade du pourvoi s’il ne constitue que l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre d’un moyen présenté dans la requête devant le Tribunal (arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 28 et jurisprudence citée).
153 En outre, un moyen de pourvoi doit, sous peine d’irrecevabilité, viser à obtenir l’annulation non pas de la décision contestée en première instance, mais de l’arrêt du Tribunal dont l’annulation est demandée, en comportant une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché cet arrêt. Ainsi, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêt
du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 77 ainsi que jurisprudence citée).
154 En l’espèce, contrairement à ce que soutient la Commission, les arguments développés par les requérantes dans le cadre de la première branche du deuxième moyen sont étroitement liés au cinquième moyen exposé dans la requête en première instance, qui remettait en cause les constats exposés à partir du considérant 341 de la décision litigieuse selon lesquels les pratiques en cause échappent au domaine de la concurrence par les mérites, et, dans la mesure où ils visent à démontrer que c’est à tort
que le Tribunal, aux points 175 et 197 de l’arrêt attaqué, a considéré que la Commission avait qualifié en droit les pratiques en cause qui accompagnaient l’effet de levier, en se fondant sur des critères pertinents, ils constituent l’ampliation de ce moyen et non pas un moyen nouveau, introduit pour la première fois dans le cadre du pourvoi.
155 Par ailleurs, les requérantes ne se limitent pas à reproduire les arguments invoqués en première instance, mais allèguent que le Tribunal, en répondant à ces arguments, a entaché l’arrêt attaqué d’une erreur de droit. Par conséquent, si, comme le relève la Commission, une partie de l’argumentation des requérantes est avancée pour la première fois devant la Cour, il n’en demeure pas moins que celle-ci est née de l’arrêt attaqué lui-même.
156 Dès lors, la première branche du deuxième moyen est recevable.
ii) Sur le fond
157 Après avoir rappelé, aux points 164 et 165 de l’arrêt attaqué, que les effets de levier pratiqués par une entreprise dominante ne sont pas interdits en tant que tels par l’article 102 TFUE et que le champ d’application matériel de la responsabilité particulière pesant sur une entreprise dominante doit être apprécié au regard des circonstances spécifiques de chaque espèce, démontrant un affaiblissement de la concurrence, le Tribunal a jugé, aux points 166 à 175 de l’arrêt attaqué, que la
Commission, dans la décision litigieuse, ne s’était pas contentée de constater un tel effet de levier et avait qualifié en droit les pratiques de Google qui accompagnaient cet effet, en se fondant sur des critères pertinents, de sorte qu’elle n’avait pas commis d’erreur de droit en considérant que le comportement en cause, consistant pour Google à favoriser son comparateur de produits, ne relevait pas de la concurrence par les mérites.
158 De même, aux points 195 à 197 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas déduit l’abus par effet de levier de l’existence d’effets d’éviction découlant de ces pratiques, mais avait fondé son analyse en s’appuyant, d’une part, sur des éléments suspects au regard du droit de la concurrence, en particulier une différence de traitement non justifiée, et, d’autre part, sur des circonstances spécifiques pertinentes relatives à la nature de l’infrastructure à l’origine de
cette différence de traitement, ce qui lui avait effectivement permis de conclure à l’existence d’une infraction à l’article 102 TFUE.
159 S’agissant des circonstances spécifiques retenues par la Commission dans la décision litigieuse, exposées aux points 169 à 173 de l’arrêt attaqué, la première de ces circonstances portait sur l’importance du trafic généré par le moteur de recherche générale de Google pour les comparateurs de produits. Le Tribunal a relevé, en particulier, que la Commission avait expliqué que ce trafic permettait de bénéficier d’effets de réseau positifs, dans la mesure où plus un comparateur de produits recevait
de visites d’internautes, plus il accroissait la pertinence et l’utilité de ses services et plus les marchands étaient enclins à y recourir. Il a ajouté que la perte de ce trafic pouvait conduire à un cercle vicieux et, à terme, à une sortie du marché.
160 La deuxième circonstance était le comportement des utilisateurs lorsqu’ils effectuent des recherches sur Internet. Le Tribunal a indiqué notamment que la Commission avait précisé que ces utilisateurs se concentraient, en général, sur les trois à cinq premiers résultats de recherche, qu’ils n’accordaient pas ou peu d’attention aux résultats qui suivaient, et notamment aux résultats en dessous de la partie immédiatement visible de l’écran, et qu’ils tendaient à présumer que les résultats les plus
visibles étaient les plus pertinents, et ce indépendamment de leur pertinence effective.
161 La troisième circonstance était l’impact du trafic détourné. Selon le Tribunal, la Commission a souligné que ce trafic représentait une large proportion du trafic vers les services de comparaison de produits concurrents et qu’il ne pouvait pas être effectivement remplacé par d’autres sources, y compris par les annonces textuelles, les applications mobiles, le trafic direct, les renvois vers des sites partenaires, les réseaux sociaux ou les autres moteurs de recherche.
162 Ainsi qu’il résulte des points 174 et 197 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission avait considéré que l’importance du trafic de Google issu de ses pages de recherche générales et son caractère non effectivement remplaçable constituaient, compte tenu des éléments de contexte rappelés aux points 168 à 173 de cet arrêt, des circonstances pertinentes susceptibles de caractériser l’existence de pratiques ne relevant pas d’une concurrence
par les mérites.
163 Afin d’apprécier si les considérations du Tribunal ainsi exposées sont entachées d’une erreur de droit comme l’allèguent les requérantes, il importe de rappeler que, tout en faisant peser sur les entreprises en position dominante la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par leur comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur, l’article 102 TFUE incrimine non pas l’existence elle-même d’une position dominante, mais seulement l’exploitation
abusive de celle-ci (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 128 et jurisprudence citée).
164 En effet, l’article 102 TFUE ne vise ni à empêcher les entreprises de conquérir, par leurs propres mérites, une position dominante sur un ou plusieurs marchés ni à assurer que des entreprises concurrentes moins efficaces que celles qui détiennent une telle position restent sur le marché. Au contraire, la concurrence par les mérites peut, par définition, conduire à la disparition ou à la marginalisation d’entreprises concurrentes moins efficaces et donc moins intéressantes pour les consommateurs
en termes, notamment, de prix, de production, de choix, de qualité ou d’innovation (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, points 126 et 127 ainsi que jurisprudence citée).
165 Pour pouvoir considérer, dans un cas donné, qu’un comportement doit être qualifié d’« exploitation abusive d’une position dominante » au sens de l’article 102 TFUE, il est nécessaire, en règle générale, de démontrer que, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent la concurrence par les mérites entre les entreprises, ce comportement a pour effet actuel ou potentiel de restreindre cette concurrence en évinçant des entreprises concurrentes aussi efficaces du ou des marchés
concernés, ou en empêchant leur développement sur ces marchés, étant observé que ces derniers peuvent être aussi bien ceux où la position dominante est détenue que ceux, connexes ou voisins, où ledit comportement a vocation à produire ses effets actuels ou potentiels (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 129 et jurisprudence citée).
166 Cette démonstration, qui peut impliquer de recourir à des grilles d’analyse différentes en fonction du type de comportement qui est en cause dans un cas d’espèce donné, doit toutefois être effectuée, dans tous les cas, en appréciant l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes, que celles-ci concernent ce comportement lui-même, le ou les marchés en cause ou le fonctionnement de la concurrence sur celui-ci ou ceux-ci. En outre, ladite démonstration doit viser à établir, en se fondant sur
des éléments d’analyse et de preuve précis et concrets, que ledit comportement a, à tout le moins, la capacité de produire des effets d’éviction (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 130 et jurisprudence citée).
167 Au-delà des seuls comportements ayant pour effet actuel ou potentiel de restreindre la concurrence par les mérites en évinçant des entreprises concurrentes aussi efficaces du ou des marchés concernés, peuvent également être qualifiés d’« exploitation abusive d’une position dominante » des comportements dont il est démontré qu’ils ont soit pour effet actuel ou potentiel, soit même pour objet, d’empêcher à un stade préalable, par la mise en place de barrières à l’entrée ou par le recours à
d’autres mesures de verrouillage ou à d’autres moyens différents de ceux qui gouvernent la concurrence par les mérites, des entreprises potentiellement concurrentes ne serait-ce que d’accéder à ce ou ces marchés et, ce faisant, d’empêcher le développement de la concurrence sur ceux-ci au détriment des consommateurs, en y limitant la production, le développement de produits ou de services alternatifs ou encore l’innovation (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21,
EU:C:2023:1011, point 131 et jurisprudence citée).
168 Il résulte de cette jurisprudence que figurent parmi les circonstances factuelles pertinentes non seulement celles qui concernent le comportement lui-même, mais également celles sur le ou les marchés en cause ou sur le fonctionnement de la concurrence sur celui-ci ou ceux-ci. Ainsi, des circonstances relatives au contexte dans lequel le comportement de l’entreprise en position dominante est mis en œuvre, telles que des caractéristiques du secteur concerné, doivent être considérées comme étant
pertinentes.
169 Or, force est de constater que les circonstances spécifiques exposées aux points 169 à 173 de l’arrêt attaqué constituaient des éléments du contexte dans lequel fonctionnaient le moteur de recherche générale de Google et les services de comparaison de produits, et dans le cadre duquel le comportement en cause a été mis en œuvre.
170 En particulier, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ces circonstances ne tiennent pas aux seuls effets des pratiques en cause ou aux éléments entourant simplement ces pratiques, mais sont, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 174 de l’arrêt attaqué, susceptibles de caractériser l’existence de pratiques ne relevant pas d’une concurrence par les mérites.
171 En effet, lesdites circonstances étaient pertinentes pour qualifier en droit les pratiques en cause – à savoir, d’une part, le positionnement et la présentation plus favorables des propres résultats spécialisés de Google dans ses pages de résultats générales que ceux des résultats des comparateurs de produits concurrents et, d’autre part, la rétrogradation concomitante, par des algorithmes d’ajustement, des résultats des comparateurs de produits concurrents – dès lors qu’elles permettaient de
placer ces pratiques dans le contexte des deux marchés concernés et du fonctionnement de la concurrence sur ces marchés et étaient ainsi susceptibles de démontrer que les effets d’éviction potentiels sur le marché en aval, à savoir celui de la recherche spécialisée pour la comparaison de produits, et le succès du service de comparaison de produits de Google sur ce marché depuis la mise en œuvre desdites pratiques, relevés dans la décision litigieuse, étaient dus non pas aux mérites de ce
service, mais à ces mêmes pratiques combinées aux circonstances spécifiques relevées.
172 Ainsi, le Tribunal n’a nullement confondu l’analyse du comportement en cause pour déterminer si celui-ci s’écartait de la concurrence par les mérites et l’analyse des effets de ce comportement. Au contraire, comme Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, au point 143 de ses conclusions, il ressort des développements figurant aux points 168 à 175 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a soigneusement examiné la question de savoir si, dans la décision litigieuse, la Commission avait pu
considérer sans commettre d’erreur que les pratiques litigieuses, et non pas seulement leurs effets, pouvaient être qualifiées en droit de pratiques s’écartant de la concurrence par les mérites.
173 Il découle de ce qui précède que les points 175 et 197 de l’arrêt attaqué ne sont entachés d’aucune erreur de droit.
174 Par conséquent, il y a lieu d’écarter la première branche du deuxième moyen.
2) Sur les deuxième et troisième branches du deuxième moyen
175 Par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir retenu, s’agissant de la déviation par rapport aux moyens de concurrence par les mérites, des éléments de motivation qui ne figuraient pas dans la décision litigieuse et d’avoir ainsi substitué son propre raisonnement à celui de la Commission, commettant ainsi une erreur de droit. Ces éléments de motivation supplémentaires concerneraient, premièrement, un critère d’appréciation juridique plus strict pour
les entreprises « superdominantes » (points 180, 182 et 183 de l’arrêt attaqué), deuxièmement, l’appréciation selon laquelle, eu égard à l’infrastructure en principe ouverte du moteur de recherche de Google, le fait que certains résultats de recherche spécialisée propres sont favorisés par rapport aux résultats de recherche concurrents constitue une anormalité (points 176 à 184), et, troisièmement, l’appréciation selon laquelle le comportement en cause était discriminatoire (points 71, 124, 237,
240, 279 et 284 à 289).
176 Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes soutiennent que, en tout état de cause, ces éléments de motivation supplémentaires sont erronés en droit.
177 Il convient d’examiner, en premier lieu, l’argumentation des requérantes par laquelle elles soutiennent, dans la deuxième branche du deuxième moyen, que la qualification du comportement reproché comme relevant d’un traitement discriminatoire ne figure pas dans la décision litigieuse et, dans la troisième branche, que, en tout état de cause, cette qualification est erronée.
178 Premièrement, contrairement à l’argumentation des requérantes, qui font référence aux points 71, 124, 237, 240, 279, 284 à 289 et 316 de l’arrêt attaqué, il ne ressort pas de ces points que le Tribunal aurait ajouté une qualification du comportement en cause à celle retenue par la Commission.
179 En effet, d’une part, aux points 71 et 124 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas procédé à la qualification de ce comportement. Dans le premier de ces points, il s’est borné à résumer l’injonction de cessation et d’abstention formulée à l’article 3 du dispositif de la décision litigieuse. Dans le second point, il a annoncé la manière selon laquelle il examinerait l’argumentation des requérantes, en indiquant qu’il procéderait à l’examen de la matérialité de la différence de traitement à la
base de la qualification de favoritisme retenue par la Commission, à savoir de l’existence ou non d’une discrimination mise en place par Google au bénéfice de son propre service de recherche spécialisée.
180 D’autre part, il ressort des points 237, 240, 279, 284 à 289 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné la qualification du comportement en cause retenue par la Commission. Ainsi, auxdits points 237 et 240, le Tribunal a, en substance, en s’appuyant sur la décision litigieuse, confirmé l’appréciation de la Commission selon laquelle les pratiques en cause, qui se traduisaient par des actes positifs de discrimination dans le traitement des résultats du comparateur de produits de Google, étaient
une forme autonome d’abus par effet de levier à partir d’un marché dominé, caractérisé par de fortes barrières à l’entrée, à savoir le marché des services de recherche générale. Par ailleurs, auxdits points 279 et 284 à 289, le Tribunal a examiné la différence de traitement constatée par la Commission s’agissant notamment du positionnement et de la présentation des Product Universals, pour vérifier si la Commission avait pu à juste titre conclure à l’existence d’une discrimination. Le point 316
de l’arrêt attaqué relève de la partie de cet arrêt consacrée à cet examen s’agissant des Shopping Units.
181 Il ressort ainsi clairement de ces points, visés par les requérantes, qui les citent en les isolant des autres points de la partie du raisonnement du Tribunal dont ils relèvent, que le Tribunal a fondé son raisonnement sur la décision litigieuse et a confirmé la qualification retenue par la Commission, sans ajouter une nouvelle qualification qui ne trouverait pas appui dans cette décision.
182 Deuxièmement, il convient d’examiner si, comme les requérantes le soutiennent, le Tribunal a commis une erreur de droit en retenant l’existence d’une discrimination sans établir que Google avait procédé à une différenciation de traitement arbitraire.
183 Ainsi qu’il ressort, en substance, des points 168 à 174, 237, 240, 279 et 284 à 289 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, tout d’abord, relevé que, selon la Commission, le comportement en cause consistait à traiter différemment les résultats des comparateurs de produits selon qu’ils émanaient du comparateur de Google ou de comparateurs concurrents, en termes de présentation et de positionnement sur les pages de résultats générales, et aboutissait à une différence de traitement sous la forme d’un
favoritisme accordé par Google à son comparateur.
184 Ensuite, le Tribunal a souligné que, en raison de la réunion des trois circonstances spécifiques qu’elle avait visées, la Commission avait estimé que ce favoritisme était de nature à conduire à un affaiblissement de la concurrence sur le marché et qu’il pouvait être qualifié en droit de comportement ne relevant pas de la concurrence par les mérites.
185 Enfin, le Tribunal a estimé que le comportement en cause avait été mis en œuvre par l’utilisation d’un effet de levier, ayant consisté à ce que Google exploite sa position dominante sur le marché en amont des services de recherche générale sur Internet, caractérisé par de fortes barrières à l’entrée, afin de se procurer des avantages concurrentiels sur le marché situé en aval des services de recherche spécialisée, sur lequel elle ne détenait pas une telle position, et ce en favorisant son propre
service de comparaison de produits.
186 Il importe de préciser qu’il ne saurait être considéré, de manière générale, qu’une entreprise dominante qui applique à ses produits ou à ses services un traitement plus favorable que celui qu’elle accorde à ceux de ses concurrents adopte, indépendamment des circonstances de l’espèce, un comportement qui s’écarte de la concurrence par les mérites.
187 Toutefois, en l’espèce, le Tribunal, en confirmant l’analyse de la Commission, ne s’est pas contenté de relever l’existence d’un tel traitement plus favorable par Google de son propre service de comparaison de produits, mais a établi que, eu égard aux caractéristiques du marché en amont et aux circonstances spécifiques relevées, le comportement en cause, avec ses deux composantes, à savoir la mise en valeur de ses propres résultats et la rétrogradation de ceux des opérateurs concurrents, était
discriminatoire et ne relevait pas de la concurrence par les mérites.
188 S’agissant de l’argumentation des requérantes par laquelle elles invoquent, en substance, l’incapacité de Google à afficher des résultats spécialisés de tiers présentant la même fiabilité et la même qualité que ses propres résultats, cette argumentation doit être écartée en application de la jurisprudence rappelée au point 61 du présent arrêt, dès lors que, par celle-ci, les requérantes remettent en cause l’appréciation des faits par le Tribunal, sans invoquer une dénaturation.
189 Il convient également de rejeter l’argumentation des requérantes par laquelle elles prétendent, en renvoyant aux points 285 et 575 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal n’a pas adopté une approche cohérente dans la définition des deux éléments, lesquels auraient été traités de manière discriminatoire.
190 Le Tribunal a relevé, notamment au point 285 de l’arrêt attaqué, que le traitement différencié mis en place par Google s’opérait en fonction de l’origine des résultats, à savoir selon qu’ils provenaient de comparateurs de produits concurrents ou de son comparateur, Google favorisant le dernier par rapport aux premiers et non un résultat par rapport à un autre en fonction de son contenu.
191 Au point 575 de l’arrêt attaqué, dans son analyse de la justification objective, le Tribunal a certes considéré que la Commission n’avait recherché qu’une égalité de traitement, en termes de positionnement et de présentation, entre deux types de résultats de Google. Il ressort toutefois de la partie du raisonnement du Tribunal dans laquelle ce point figure, notamment des points 574 et 576 de cet arrêt, que la Commission a fait grief à Google de ne pas avoir appliqué le même traitement aux
résultats provenant de comparateurs de produits concurrents qu’à ceux provenant de son comparateur de produits. La référence aux « deux types de résultats de Google » mentionnée au point 575 dudit arrêt constitue dès lors une erreur de plume, le Tribunal ayant par ailleurs itérativement mentionné que le comportement de Google consistait à traiter différemment les résultats selon leur origine et non selon leur contenu.
192 Par conséquent, la définition de l’objet de la discrimination dans l’arrêt attaqué n’est pas entachée d’incohérence et il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que le comportement en cause pouvait être qualifié de discriminatoire et qu’il ne relevait pas de la concurrence par les mérites.
193 Dans ces conditions, il convient de rejeter l’argumentation des requérantes par laquelle elles soutiennent, dans la deuxième branche du deuxième moyen, que la qualification du comportement reproché comme étant un traitement discriminatoire ne figurait pas dans la décision litigieuse et, dans la troisième branche du deuxième moyen, que cette qualification était, en tout état de cause, erronée.
194 En second lieu, les requérantes font valoir, dans la deuxième branche du deuxième moyen, que, aux points 176 à 184 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a avancé deux considérations supplémentaires qui ne figuraient pas dans la décision litigieuse, à savoir, d’une part, un critère d’appréciation juridique plus strict pour les entreprises « superdominantes » et, d’autre part, eu égard à l’infrastructure en principe ouverte du moteur de recherche de Google, le fait que certains résultats de recherche
spécialisée de Google étaient favorisés par rapport aux résultats de recherche concurrents constituait une anormalité. Dans la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes soutiennent que, en tout état de cause, ces considérations ne sont pas fondées.
195 À cet égard, il est vrai que, aux points 176 à 184 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a avancé des considérations ne ressortant pas de la motivation de la décision litigieuse. Il en va ainsi de celles relatives à l’anormalité du comportement de Google et à sa superdominance sur le marché de la recherche générale ainsi que de celles portant sur l’obligation de traitement non discriminatoire découlant des dispositions du règlement 2015/2120.
196 Toutefois, bien que les seules considérations que le Tribunal a explicitement présentées comme étant surabondantes soient celles figurant au point 180 de l’arrêt attaqué, les considérations figurant aux points 176 à 179 et 181 à 184 de l’arrêt attaqué ont également été formulées à titre surabondant.
197 En effet, aux points 175 et 185 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré en substance que, à supposer que le favoritisme et ses effets, identifiés compte tenu des circonstances spécifiques des marchés concernés, aient été valablement démontrés par la Commission, c’était à bon droit que cette institution aurait estimé que ce favoritisme s’écartait de la concurrence par les mérites. Cette conclusion figurant à la fin du point 185 de cet arrêt se borne à renvoyer aux considérations figurant aux
points 170 à 173 dudit arrêt, sans renvoyer aux considérations supplémentaires formulées par le Tribunal aux points 176 à 184 du même arrêt, critiquées par les requérantes.
198 En outre, ainsi qu’il ressort du point 192 du présent arrêt, ces considérations n’étaient pas nécessaires pour confirmer l’appréciation selon laquelle le comportement en cause pouvait être considéré en droit comme ne relevant pas de la concurrence par les mérites.
199 Par conséquent, il y a lieu d’écarter comme étant inopérants les griefs des requérantes soulevés dans les deuxième et troisième branches du deuxième moyen, par lesquels elles critiquent les points 176 à 184 de l’arrêt attaqué, et, dès lors, de rejeter ces deux branches dans leur ensemble.
200 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.
3. Sur le troisième moyen
201 Par le troisième moyen, composé de trois branches, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’analyse du lien de causalité entre l’abus allégué et ses effets probables.
202 Par la première branche du troisième moyen, les requérantes allèguent que, en l’espèce, le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré, aux points 377 à 379 de l’arrêt attaqué, que la charge d’entreprendre une analyse contrefactuelle incombait à Google et non à la Commission. Par la deuxième branche du troisième moyen, elles avancent que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 374, 376 et 525 de cet arrêt, qu’un scénario contrefactuel pour un abus
consistant en la combinaison de deux pratiques licites exigeait la suppression de ces deux pratiques. Par la troisième branche du troisième moyen, elles allèguent que l’approche erronée du Tribunal sur ce que constituerait un scénario contrefactuel correct a invalidé son évaluation, au point 572 de l’arrêt attaqué, des justifications objectives et des effets du comportement concerné.
a) Sur la recevabilité
203 Le BEUC, le VDZ, Ladenzeile et le BDZV soutiennent que le troisième moyen est irrecevable. Ils allèguent que, par celui-ci, les requérantes tendent à remettre en cause l’appréciation par le Tribunal des éléments de preuve, notamment des deux scénarios contrefactuels qu’elles avaient présentés durant la procédure administrative, ou se limitent à réitérer des arguments déjà exposés devant le Tribunal. De son côté, sans invoquer formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir
que l’appréciation par le Tribunal de ces scénarios contrefactuels est définitivement établie aux points 369 à 376 de l’arrêt attaqué, en l’absence de toute allégation de dénaturation de la part des requérantes.
204 Dans leur mémoire en réplique, les requérantes font valoir que le troisième moyen est recevable. Elles précisent que les critiques qu’elles formulent dans le cadre de ce moyen portent sur l’appréciation erronée faite par le Tribunal du concept juridique de l’analyse contrefactuelle dans le contexte particulier d’un comportement incluant plusieurs pratiques dont l’effet combiné porte atteinte à la concurrence par les mérites, ce qui serait constitutif d’une erreur de droit.
205 Il importe d’observer, en premier lieu, que, ainsi qu’il a été rappelé au point 61 du présent arrêt, la compétence de la Cour statuant sur un pourvoi formé contre une décision rendue par le Tribunal est limitée aux questions de droit, l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constituant pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question soumise au contrôle de la Cour.
206 Or, les questions de savoir, d’une part, s’il existe une obligation systématique pour la Commission d’entreprendre une analyse contrefactuelle dans les affaires relevant de l’article 102 TFUE et, d’autre part, à quels critères un scénario contrefactuel doit répondre afin qu’il puisse refléter ce qui serait advenu en l’absence de l’abus allégué dans le cas particulier d’un comportement constitué de plusieurs pratiques dont l’effet combiné est constitutif d’une atteinte à la concurrence par les
mérites sont des questions de droit, susceptibles de faire l’objet du contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
207 En second lieu, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours du pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait pas fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (voir,
en ce sens, arrêt du 19 octobre 2023, Aquino/Parlement, C‑534/22 P, EU:C:2023:802, points 69 et 70 ainsi que jurisprudence citée).
208 Or, en l’espèce, les requérantes ne se limitent pas à reproduire les arguments invoqués en première instance, mais allèguent que le Tribunal, en répondant à ces arguments, a entaché l’arrêt attaqué d’erreurs de droit.
209 Il s’ensuit que le troisième moyen est recevable.
b) Sur le fond
1) Sur la première branche du troisième moyen
i) Argumentation des parties
210 Par la première branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 377 à 379 de l’arrêt attaqué, en considérant que la charge d’entreprendre une analyse contrefactuelle incombait à Google puisque la Commission avait retenu des effets anticoncurrentiels potentiels et non réels. En l’absence d’une analyse contrefactuelle effectuée par la Commission, les allégations de celle-ci relatives aux effets anticoncurrentiels du comportement
prétendument abusif demeureraient abstraites, car il n’existerait aucune base de référence permettant d’apprécier ces effets.
211 Par le premier grief, les requérantes font valoir que le Tribunal s’est écarté illicitement de la décision litigieuse en considérant que celle-ci avait retenu des effets anticoncurrentiels potentiels et non des effets réels. En effet, au considérant 462 de cette décision, la Commission aurait affirmé que l’abus allégué avait eu des effets réels et non seulement potentiels, car le comportement en cause avait entraîné une réduction du trafic en provenance des pages des recherches génériques de
Google vers les comparateurs de produits concurrents. Au demeurant, le Tribunal lui-même se serait également fondé sur cet effet réel sur le trafic lorsqu’il a conclu, au point 519 de l’arrêt attaqué, que le comportement en cause avait eu la capacité de restreindre la concurrence. Dès lors, en présence de tels effets anticoncurrentiels réels, la Commission aurait dû entreprendre une analyse contrefactuelle.
212 Par le second grief, les requérantes allèguent que, indépendamment de la question de savoir si les effets du comportement en cause étaient réels ou potentiels, toute évaluation de ceux-ci aurait exigé que la Commission entreprenne une analyse contrefactuelle, puisqu’une telle analyse est inhérente à la notion de causalité.
213 À cet égard, les requérantes avancent, en premier lieu, que le juge de l’Union a confirmé à plusieurs reprises la nécessité pour la Commission d’entreprendre une analyse contrefactuelle dans le contexte de l’article 101 TFUE, de sorte qu’il n’existerait aucun fondement raisonnable pour une approche différente dans le contexte de l’article 102 TFUE.
214 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le point 21 de la communication relative aux orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7) confirme que les comportements présumés abusifs devraient généralement être appréciés sur la base d’un scénario contrefactuel adéquat.
215 En troisième lieu, les requérantes allèguent que, contrairement à ce qui ressort du point 377 de l’arrêt attaqué, des scénarios contrefactuels fondés sur des contextes réels, à savoir les développements des marchés similaires dans les États membres dans lesquels la Commission n’a pas identifié d’abus, existaient en l’occurrence. En outre, selon les requérantes, même en l’absence de tels scénarios, la Commission ne saurait être dispensée d’entreprendre une analyse contrefactuelle afin
d’expliquer, de manière motivée, quelle serait la situation probable sans l’abus allégué. Ainsi, en l’espèce, l’absence d’« analyse objective » d’un scénario contrefactuel aurait dû constituer un motif suffisant pour annuler la décision litigieuse.
216 Dans leur mémoire en réplique, les requérantes contestent le caractère inopérant de leurs griefs, invoqué par la Commission. En réponse à l’argumentation de cette dernière portant, premièrement, sur l’augmentation non contestée du trafic vers le comparateur de produits de Google sur laquelle repose également la constatation des effets anticoncurrentiels du comportement en cause, deuxièmement, sur le caractère surabondant des points 377 et 378 de l’arrêt attaqué et, troisièmement, sur le
caractère non contesté de l’impact des algorithmes de classement des résultats génériques de Google sur le trafic, constaté par le Tribunal au point 393 de cet arrêt, les requérantes avancent, tout d’abord, que, dans la mesure où il a été retenu que le comportement en cause a entraîné à la fois des baisses et des hausses du trafic, la contestation de la baisse suffit pour invalider la constatation de la hausse. Ensuite, les requérantes contestent que les motifs exposés par le Tribunal aux
points 377 à 379 du même arrêt aient été formulés à titre surabondant et affirment que ces motifs comportent des éléments nécessaires à la motivation. Enfin, les requérantes font valoir que le point 393 de l’arrêt attaqué fait précisément partie de l’erreur relevée par le pourvoi, car il démontre que Tribunal a imputé la baisse du trafic vers les comparateurs de produits concurrents non pas au comportement en cause en tant que combinaison des deux pratiques mais seulement à l’une de ces
pratiques, à savoir l’utilisation des algorithmes de classement des résultats génériques.
217 La Commission, PriceRunner, l’Autorité de surveillance AELE, le BEUC, Kelkoo, le VDZ, Ladenzeile, le BDZV et Twenga contestent l’argumentation des requérantes et soutiennent que la première branche du troisième moyen est inopérante ou, en tout état de cause, dénuée de fondement.
ii) Appréciation de la Cour
218 Les points 377 à 379 de l’arrêt attaqué, contestés dans le cadre de la première branche du troisième moyen, concernent l’analyse du Tribunal relative au lien de causalité entre le comportement en cause et la baisse de trafic depuis les pages de résultats générales de Google vers les comparateurs de produits concurrents.
219 S’agissant du premier grief, il y a lieu d’observer que le considérant 426 de la décision litigieuse figure dans la partie 7.2 de cette décision relative au comportement en cause et porte sur l’analyse de l’impact de ce comportement sur le trafic généré depuis les pages de résultats générales de Google vers les comparateurs de produits concurrents, effectuée par la Commission à la partie 7.2.3.2 de ladite décision. La Commission y a constaté une baisse de ce trafic dans chacun des treize pays de
l’EEE dans lesquels ces pratiques avaient été mises en œuvre.
220 En revanche, c’est à la partie 7.3 de la décision litigieuse que la Commission a procédé à l’analyse des effets du comportement en cause, qu’elle a qualifiés d’effets anticoncurrentiels potentiels, capables d’affecter la structure concurrentielle des marchés concernés. Ces effets potentiels consistaient, ainsi qu’il a été relevé au point 451 de l’arrêt attaqué, en un risque que les comparateurs de produits concurrents cessent leurs activités ainsi qu’en un impact négatif sur l’innovation et sur
la possibilité des consommateurs d’accéder aux services les plus performants.
221 Les éléments concernant la variation du trafic depuis les pages de résultats générales de Google vers les comparateurs de produits concurrents ainsi que vers son comparateur de produits constituaient, dès lors, non pas des effets anticoncurrentiels réels retenus par la Commission, mais des éléments de preuve tangibles sur lesquels reposait la constatation des effets anticoncurrentiels potentiels du comportement en cause. En effet, ainsi qu’il ressort également des points 445 à 450 et 454 de
l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission, à l’issue d’une analyse en plusieurs temps et au terme d’une motivation argumentée, avait déduit l’existence d’effets anticoncurrentiels potentiels sur les marchés des services de comparaison de produits en s’appuyant sur des éléments concrets portant sur l’évolution du trafic depuis les pages de résultats générales de Google vers les comparateurs de produits concurrents et vers son comparateur de produits ainsi que sur la part
représentée par ce trafic dans l’ensemble du trafic des comparateurs de produits concurrents. Or, ce faisant, le Tribunal ne s’est pas écarté de la décision litigieuse, car les effets anticoncurrentiels retenus par cette décision demeuraient potentiels tout en étant déduits des éléments concrets tirés de l’évolution du trafic.
222 Par conséquent, le premier grief doit être écarté comme étant non fondé.
223 Par le second grief, les requérantes entendent démontrer, en substance, que le Tribunal a renversé la charge de la preuve en confirmant la décision litigieuse sans que la Commission ait entrepris une analyse contrefactuelle afin d’établir le lien de causalité entre le comportement en cause et ses effets.
224 À cet égard, il y a lieu d’observer, d’emblée, que ce lien de causalité relève des éléments constitutifs essentiels d’une infraction au droit de la concurrence dont il revient à la Commission d’apporter la preuve, conformément aux règles générales d’administration de preuves, rappelées notamment aux points 132 à 134 de l’arrêt attaqué. Ainsi, il appartient à la Commission d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une
infraction. En revanche, il revient à l’entreprise soulevant un moyen de défense contre la constatation d’une telle infraction d’apporter la preuve que ce moyen de défense doit être accueilli.
225 Le point 382 de l’arrêt attaqué, non contesté par les requérantes, complète le raisonnement du Tribunal à cet égard en énonçant les critères qui doivent guider l’examen de la relation de causalité. Il y est ainsi affirmé que, afin d’établir les effets réels ou potentiels des pratiques examinées, la Commission peut s’appuyer sur des éléments tirés de l’observation de l’évolution réelle du ou des marchés concernés par ces pratiques. Si une corrélation entre lesdites pratiques et la modification de
la situation concurrentielle sur ces marchés est observée, des éléments supplémentaires, qui peuvent comporter notamment des appréciations des acteurs du marché, de leurs fournisseurs, de leurs clients, d’associations professionnelles ou de consommateurs, peuvent être susceptibles de démontrer le lien de causalité entre le comportement concerné et l’évolution du marché.
226 C’est sur ces critères d’analyse que le Tribunal s’est fondé aux points 383 à 393 de cet arrêt pour procéder à l’examen concret de la relation de causalité entre le comportement en cause et la baisse du trafic depuis les pages de résultats générales de Google vers la majorité des comparateurs de produits concurrents, examen au terme duquel le Tribunal a constaté, au point 394 dudit arrêt, que la Commission avait démontré que les pratiques concernées avaient entraîné une baisse du trafic de
recherche générique vers presque tous les comparateurs de produits concurrents.
227 Dans ce contexte, le Tribunal a jugé, au point 379 de l’arrêt attaqué, que, dans le cadre de la répartition de la charge de la preuve, une entreprise peut mettre en avant une analyse contrefactuelle afin de contester l’appréciation de la Commission des effets potentiels ou réels du comportement concerné.
228 Or, en procédant ainsi, le Tribunal n’a ni renversé la charge de la preuve qui incombe à la Commission en ce qui concerne l’obligation de démontrer le lien de causalité entre le comportement en cause et ses effets, ni exclu le caractère utile d’une analyse contrefactuelle. Il a seulement constaté qu’il est loisible à la Commission de s’appuyer sur un ensemble d’éléments probatoires, sans qu’elle soit tenue de recourir systématiquement à un outil unique pour prouver l’existence d’un tel lien de
causalité.
229 Cette approche est, du reste, conforme à la jurisprudence de la Cour citée aux points 165 à 167 du présent arrêt.
230 Par conséquent, pour autant qu’il vise le raisonnement du Tribunal sur la répartition de la charge de la preuve et sur l’utilité de l’analyse contrefactuelle dans le cadre des preuves pertinentes au regard de l’article 102 TFUE, le second grief doit être écarté comme étant non fondé.
231 Dans la mesure où ce grief vise les points 377 et 378 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que le Tribunal y a considéré que l’identification d’un scénario contrefactuel fiable pour analyser les effets de pratiques supposées anticoncurrentielles sur un marché peut être, dans une situation telle que celle de l’espèce, un exercice aléatoire, voire impossible, et que, pour démontrer une infraction à l’article 102 TFUE, en particulier en ce qui concerne les effets de pratiques sur la
concurrence, la Commission ne saurait être tenue d’établir systématiquement un tel scénario contrefactuel.
232 Or, ces points de l’arrêt attaqué présentent, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 171 de ses conclusions, un caractère surabondant par rapport, notamment, aux points 372 à 376 de l’arrêt attaqué, de sorte que la critique des requérantes à cet égard doit être écartée comme étant inopérante.
233 Enfin, s’agissant de la critique des requérantes dirigée contre le point 393 de l’arrêt attaqué, il suffit de constater que le Tribunal s’y est limité à constater qu’il existait un lien de causalité entre la visibilité d’un site Internet au sein des résultats génériques de Google, dépendant des algorithmes de classement de ces résultats, et l’importance du trafic depuis lesdits résultats vers ce site. Or, une telle constatation ne contredit pas son appréciation sur ce qui pourrait constituer un
scénario contrefactuel approprié en l’espèce.
234 Par conséquent, la première branche du troisième moyen doit être écartée comme étant en partie non fondée et en partie inopérante.
2) Sur les deuxième et troisième branches du troisième moyen
i) Argumentation des parties
235 Par la deuxième branche du troisième moyen, les requérantes contestent la qualification juridique, effectuée aux points 374, 376 et 525 de l’arrêt attaqué, de ce que constituerait, pour le Tribunal, un scénario contrefactuel correct lorsqu’un abus comporte une « conjugaison » de deux pratiques. Selon les requérantes, en jugeant que, dans une telle situation, un scénario contrefactuel doit prendre en compte les effets des deux pratiques en cause, à savoir tant les effets de la mise en valeur du
comparateur de produits de Google au moyen des « boxes » que les effets de l’application des algorithmes d’ajustement et de la rétrogradation des comparateurs de produits concurrents dans les résultats génériques, le Tribunal a commis une erreur de droit.
236 Par le premier grief, les requérantes allèguent que, dans la mesure où chacune de ces deux pratiques est, ainsi qu’il a été admis par le Tribunal au point 373 de l’arrêt attaqué, licite en soi, un scénario contrefactuel qui supprime l’une de ces pratiques, notamment l’affichage des « boxes », constitue un scénario adéquat, car il crée une situation sans la combinaison des deux pratiques et, par conséquent, sans l’abus allégué. En revanche, la suppression des deux pratiques dans l’établissement
du scénario contrefactuel, privilégiée par le Tribunal au point 376 de cet arrêt, irait au-delà de ce qui serait nécessaire pour créer une situation sans la combinaison prétendument abusive et confondrait les effets du comportement licite et ceux du comportement illicite.
237 Par le second grief, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir envisagé un scénario contrefactuel qui n’est pas « réaliste », « plausible » et « probable », au sens de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 166 à 169 et 173). En effet, ce scénario ne se limiterait pas à supprimer les « boxes », ce qui mettrait fin à l’abus, ainsi que la Commission l’a confirmé dans son mémoire en défense devant le Tribunal,
mais exigerait même la suppression des algorithmes de rétrogradation destinés à l’amélioration de la qualité du service de recherche. Or, les études présentées par les requérantes durant la procédure administrative, à savoir l’analyse dite « des différences dans les différences » et l’expérience dite d’« ablation », auraient mis en évidence que le trafic vers les comparateurs de produits concurrents n’aurait pas sensiblement changé en cas de suppression des « boxes », ce qui prouverait que la
baisse du trafic avait été imputée à tort au comportement en cause.
238 Par la troisième branche du troisième moyen, les requérantes allèguent, d’une part, que l’approche erronée du Tribunal sur le scénario contrefactuel a invalidé son évaluation des effets du comportement concerné, car cette approche a conduit à imputer à l’abus allégué des effets qui étaient imputables à des pratiques licites. D’autre part, elles affirment que ladite approche a également invalidé l’évaluation par le Tribunal de la justification objective avancée par Google selon laquelle il
n’aurait pas été possible d’améliorer son service de recherche si les résultats des comparateurs de produits concurrents étaient inclus dans les « boxes ». Or, en rejetant cette explication, au point 572 de l’arrêt attaqué, au motif que les améliorations ne l’emportaient pas sur les effets anticoncurrentiels du comportement en cause, le Tribunal aurait entaché cet arrêt d’une erreur de droit.
239 La Commission, PriceRunner, l’Autorité de surveillance AELE, le BEUC, Foundem, Kelkoo, le VDZ, Ladenzeile, le BDZV et Twenga contestent l’argumentation des requérantes comme étant inopérante, ou, en tout état de cause, non fondée.
ii) Appréciation de la Cour
240 Les points 374, 376 et 525 de l’arrêt attaqué, contestés dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen, concernent l’appréciation faite par le Tribunal de ce que constituerait une analyse contrefactuelle à même d’appréhender les effets d’un comportement consistant en la combinaison de deux pratiques, dont chacune serait licite en soi.
241 Aux points 370 à 373 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’aucune des pratiques en cause, prise séparément, n’avait soulevé d’objections en matière de concurrence aux yeux de la Commission mais que celle-ci mettait en cause les pratiques conjuguées qui, d’une part, valorisaient le comparateur de produits de Google et, d’autre part, dévalorisaient les comparateurs de produits concurrents dans les pages de résultats générales de Google. Le Tribunal en a déduit que l’analyse des effets de ces
pratiques conjuguées ne pouvait pas être effectuée en isolant les effets d’une pratique de ceux de l’autre pratique.
242 C’est sur le fondement de ces constatations que, aux points 374 et 376 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’analyse des effets du comportement en cause sur les comparateurs de produits concurrents ne pouvait se limiter à l’impact qu’avait pu avoir sur eux l’apparition de résultats du comparateur de produits de Google dans les Product Universals et les Shopping Units, mais qu’elle devait également tenir compte de l’impact des algorithmes d’ajustement des résultats génériques, de
sorte que le seul scénario contrefactuel que Google pouvait valablement mettre en avant aurait été celui dans lequel aucune composante de ce comportement n’était mise en œuvre, sauf à n’appréhender que partiellement les effets conjugués dudit comportement. Cette constatation a été, en substance, réitérée au point 525 de cet arrêt, également contesté par les requérantes dans la deuxième branche du troisième moyen.
243 Or, ce raisonnement du Tribunal n’est entaché d’aucune erreur de droit.
244 En effet, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale aux points 179 et 180 de ses conclusions, ce n’est qu’en étant conjuguées que les deux pratiques en cause ont influencé le comportement des utilisateurs de manière telle que le trafic en provenance des pages de résultats générales de Google a été détourné, dans la mesure constatée par la Commission, au profit de son comparateur de produits et au détriment des comparateurs de produits concurrents. Ainsi, ce détournement du trafic reposait tant
sur le positionnement et la présentation préférentiels des résultats de recherche du comparateur de produits de Google dans les « boxes » que sur la rétrogradation parallèle effectuée par les algorithmes d’ajustement et sur la présentation moins attrayante des résultats de recherche des comparateurs de produits concurrents, ce qui faisait échapper ces derniers à l’attention des utilisateurs.
245 Partant, dans la mesure où l’augmentation du trafic en faveur des résultats de recherche du comparateur de produits de Google et la baisse du trafic depuis ses pages de résultats générales vers les comparateurs de produits concurrents, sur lesquelles reposent les effets anticoncurrentiels potentiels du comportement en cause, découlaient d’une application conjointe des deux pratiques en cause, un scénario contrefactuel approprié devait également permettre d’examiner l’évolution probable du marché
en l’absence de ces deux pratiques et non seulement en l’absence de l’une d’entre elles.
246 Dans ces conditions, l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait admis, au point 373 de l’arrêt attaqué, que, prise séparément, aucune de ces pratiques n’avait soulevé d’objections en matière de concurrence ne saurait infirmer le raisonnement du Tribunal figurant aux points 374, 376 et 525 de l’arrêt attaqué, contestés dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen.
247 C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 374 à 376 et 525 de l’arrêt attaqué, que l’analyse des effets du comportement en cause devait prendre en compte les effets à la fois des algorithmes d’ajustement des résultats génériques et de la mise en valeur du comparateur de produits de Google au moyen des Product Universals et des Shopping Units, et que les études présentées par Google qui ne visaient que l’impact sur le trafic de cette mise en valeur
étaient, à elles seules, insuffisantes pour mesurer l’impact du comportement en cause sur les comparateurs de produits concurrents.
248 Partant, la deuxième branche du troisième moyen doit être écartée comme étant non fondée.
249 La troisième branche du troisième moyen repose sur la prémisse selon laquelle l’approche du Tribunal de ce que constituerait un scénario contrefactuel correct lorsqu’un abus comporte une combinaison des deux pratiques serait erronée. Or, ainsi qu’il résulte de l’examen de la deuxième branche du troisième moyen, le raisonnement du Tribunal à cet égard n’est entaché d’aucune erreur de droit.
250 Les critiques avancées par les requérantes à l’appui de cette branche doivent, dès lors, être écartées comme étant inopérantes.
251 Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.
4. Sur le quatrième moyen
a) Argumentation des parties
252 Par le quatrième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 538 à 541 de l’arrêt attaqué, en considérant que la Commission n’était pas tenue d’examiner si le comportement en cause était susceptible d’évincer des concurrents aussi efficaces. Selon les requérantes, si la décision litigieuse a cherché à démontrer que ce comportement avait eu la capacité de restreindre la concurrence, en faisant état de la difficulté des comparateurs de produits
concurrents à attirer du trafic provenant de sources autres que Google, cette décision n’aurait toutefois pas examiné si ces difficultés n’étaient pas plutôt imputables à l’efficacité relative de ces comparateurs ou encore aux préférences des utilisateurs pour d’autres sites de comparaison de produits, tels que les plateformes marchandes.
253 Au soutien de ce moyen, les requérantes allèguent, en premier lieu, que c’est à tort que le Tribunal a jugé, au point 538 de l’arrêt attaqué, que l’application du critère du concurrent aussi efficace n’est pas justifiée dans les affaires autres que celles concernant des pratiques tarifaires. Ce faisant, le Tribunal aurait confondu le critère formel prix-coût du concurrent aussi efficace, dont l’application n’est pas toujours nécessaire, avec le principe général qui se dégage de la jurisprudence
de la Cour, notamment du point 21 de l’arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172), et des points 133 et 134 de l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), selon lequel l’objectif de l’article 102 TFUE n’est pas de protéger les entreprises moins efficaces. Or, l’applicabilité de ce principe serait indépendante de la nature tarifaire ou non tarifaire de l’abus allégué, de sorte qu’il serait toujours nécessaire d’examiner si le comportement concerné
est susceptible d’évincer des concurrents aussi efficaces, d’autant plus lorsque ce comportement entraîne une innovation des produits et conduit à l’amélioration des choix et de la qualité de l’offre aux consommateurs.
254 En deuxième lieu, les requérantes critiquent le point 539 de l’arrêt attaqué et reprochent au Tribunal d’avoir considéré qu’il n’était pas pertinent d’examiner si les concurrents réels de Google étaient aussi efficaces que cette dernière, car, dans la jurisprudence mentionnée au point précédent du présent arrêt, la Cour s’est référée à un concurrent hypothétique. Toutefois, selon les requérantes, la Commission n’a pas tenté d’apprécier l’efficacité de comparateurs de produits concurrents, qu’ils
soient hypothétiques ou réels, et s’est limitée à invoquer les effets du comportement en cause sur les concurrents réels, sans examiner leur efficacité. Les lacunes du raisonnement du Tribunal seraient encore plus évidentes à la lecture du motif figurant au point 391 de l’arrêt attaqué, selon lequel la meilleure qualité des plateformes marchandes serait une « explication [...] possible » du déclin de ces comparateurs.
255 En troisième lieu, les requérantes critiquent les points 540 et 541 de l’arrêt attaqué ainsi que les constatations du Tribunal qui y figurent selon lesquelles, d’une part, l’appréciation de l’efficacité des comparateurs de produits concurrents ne serait objective que si « les conditions de concurrence n’étaient pas faussées par un comportement anticoncurrentiel » et, d’autre part, la Commission pouvait se limiter à démontrer des effets d’éviction potentiels, indépendamment de la question de
savoir si Google était plus efficace que les comparateurs de produits concurrents.
256 À cet égard, les requérantes allèguent que, s’il est possible que l’effet de distorsion du comportement concerné soit tel que son incidence sur des concurrents réels aussi efficaces ne puisse être appréciée, une telle hypothèse ne saurait être présumée. Or, la Commission n’aurait pas envisagé cette hypothèse et le Tribunal aurait substitué sa propre motivation à l’appréciation de la décision litigieuse. En outre, les requérantes prétendent que, même dans une telle hypothèse, la Commission ne
saurait être dispensée de l’obligation de démontrer l’incidence probable du comportement en cause sur ces concurrents. Dans ce cas, si l’analyse demeure nécessairement au niveau hypothétique, elle devrait s’appuyer sur des éléments de preuve réels.
257 Dans leur mémoire en réplique, les requérantes ajoutent que les points 45 et 73 de l’arrêt du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a. (C‑377/20, EU:C:2022:379), confortent leur thèse sur l’obligation qui incombe à la Commission d’apprécier, dans le cadre de l’article 102 TFUE, la capacité du comportement en cause d’évincer des concurrents aussi efficaces.
258 Les requérantes font également valoir que, en l’occurrence, la Commission aurait dû appliquer le même filtre que pour les abus fondés sur les prix, car, à l’instar d’un prix bas qui ne saurait être considéré en soi comme faussant le processus concurrentiel, la combinaison des deux pratiques licites ne pouvait nuire à ce processus, surtout parce que chacune de ces pratiques améliorait la qualité des services offerts aux consommateurs et que Google ne poursuivait pas une stratégie
anticoncurrentielle. Ainsi, à l’instar des réductions de prix, les améliorations de la qualité et l’innovation relèveraient d’un processus concurrentiel qui fonctionne correctement.
259 La Commission, PriceRunner, l’Autorité de surveillance AELE, le BEUC, Foundem, Kelkoo, le VDZ, Ladenzeile, le BDZV et Twenga contestent l’argumentation des requérantes et soutiennent que le quatrième moyen est irrecevable ou dénué de fondement.
b) Appréciation de la Cour
260 Par le quatrième moyen, les requérantes contestent les points 538 à 541 de l’arrêt attaqué et affirment, en substance, que le Tribunal a jugé à tort que la Commission n’était pas tenue d’analyser l’efficacité des concurrents, réels ou hypothétiques, de Google, lors de l’appréciation de la capacité du comportement en cause à évincer la concurrence sur les marchés concernés.
261 À cet égard, il y a lieu d’observer, d’emblée, que les points 538 à 541 de l’arrêt attaqué s’inscrivent dans le cadre de l’analyse des effets anticoncurrentiels du comportement en cause, à l’issue de laquelle le Tribunal a conclu, au point 543 de cet arrêt, que la Commission avait démontré l’existence des effets potentiels sur les marchés nationaux des services de comparaison de produits.
262 Les arguments des requérantes à l’appui du quatrième moyen visent, en particulier, à démontrer que les motifs de l’arrêt attaqué portant sur l’absence de l’obligation de la Commission de procéder à l’examen de l’efficacité des comparateurs de produits concurrents sont entachés d’une erreur de droit. En effet, d’une part, la Commission aurait été tenue d’examiner l’efficacité de ces comparateurs, qu’ils soient réels ou hypothétiques, cette obligation traduisant un principe général selon lequel
l’objectif de l’article 102 TFUE n’est pas de protéger les entreprises moins efficaces. D’autre part, le critère du concurrent aussi efficace, caractéristique de situations d’abus tarifaires aurait également dû s’appliquer en l’espèce, puisque le comportement en cause consistait en une combinaison de pratiques licites et conduisait à une amélioration de l’innovation.
263 S’agissant de la question de savoir si l’article 102 TFUE implique une obligation systématique à la charge de la Commission d’examiner l’efficacité des concurrents réels ou hypothétiques de l’entreprise en position dominante, il résulte de la jurisprudence de la Cour citée aux points 163 à 167 du présent arrêt que, certes, l’objectif de cet article n’est pas d’assurer que des concurrents moins efficaces que l’entreprise occupant une position dominante restent sur le marché.
264 Pour autant, il n’en découle pas que toute constatation d’une infraction au regard de cette disposition serait subordonnée à la démonstration que le comportement concerné est susceptible d’évincer un concurrent aussi efficace.
265 L’appréciation de la capacité du comportement en cause d’évincer un concurrent aussi efficace, évoquée par Google en tant que principe qui sous-tend l’application de l’article 102 TFUE, apparaît, en particulier, pertinente, lorsque l’entreprise en situation dominante a soutenu, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l’appui, que son comportement n’a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés. Dans un tel
cas, la Commission est non seulement tenue d’analyser l’importance de la position dominante de l’entreprise sur le marché pertinent, mais elle est également tenue d’apprécier l’existence éventuelle d’une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 138 et 139).
266 Par ailleurs, la Commission étant tenue de démontrer l’infraction à l’article 102 TFUE, elle doit établir l’existence d’un abus de position dominante au regard de différents critères, en appliquant, notamment, le test du concurrent aussi efficace, lorsque celui-ci est pertinent, son appréciation quant à la pertinence d’un tel test étant, le cas échéant, soumise au contrôle du juge de l’Union.
267 En l’occurrence, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il ressort, notamment, des points 54 à 63 de l’arrêt attaqué, l’abus identifié par la Commission a consisté dans le positionnement et la présentation plus favorables que Google réservait, dans les pages de son moteur de recherche générale, à son comparateur de produits par rapport aux comparateurs de produits concurrents. Ainsi, la Commission a constaté que, dans la mesure où la capacité d’un comparateur de produits à faire concurrence
dépendait du trafic, ce comportement discriminatoire de Google avait eu un impact important sur la concurrence en ce qu’il avait permis à cette société de détourner, au bénéfice de son comparateur de produits, une large proportion du trafic auparavant existant entre les pages de résultats générales de Google et les comparateurs de produits appartenant à ses concurrents, sans que ces derniers puissent compenser cette perte de trafic par le recours à d’autres sources de trafic, car un
investissement accru dans des sources alternatives n’aurait pas constitué une solution « économiquement viable ».
268 C’est donc à bon escient que, au point 540 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué, sans que cette constatation soit infirmée par les requérantes, qui se bornent à des allégations de principe, qu’il n’aurait pas été possible pour la Commission d’obtenir des résultats objectifs et fiables concernant l’efficacité des concurrents de Google au regard des conditions spécifiques du marché en cause.
269 Il en découle que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, d’une part, qu’un tel test ne revêtait pas un caractère impératif dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 102 TFUE et, d’autre part que, dans les circonstances de l’espèce, ce test n’aurait pas été pertinent.
270 Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le BEUC.
271 Aucun des moyens du présent pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.
VI. Sur les dépens
272 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
273 Selon l’article 140, paragraphe 2, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi par l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États parties à l’accord EEE, autres que les États membres, ainsi que l’Autorité de surveillance AELE supportent leurs propres dépens lorsqu’ils sont intervenus au litige.
274 Conformément à l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi par l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, la Cour peut décider qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens.
275 Conformément à l’article 184, paragraphe 4, du même règlement, lorsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supportera ses propres dépens.
276 En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, à l’exception des dépens exposés par celle-ci du fait de l’intervention de CCIA, qui seront supportés par cette dernière.
277 PriceRunner, CCIA, l’Autorité de surveillance AELE, le BEUC, Foundem, Kelkoo, le VDZ, Ladenzeile, le BDZV et Twenga supporteront chacun leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Google LLC et Alphabet Inc. sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne à l’exception de ceux exposés par celle-ci du fait de l’intervention de Computer & Communications Industry Association.
3) Computer & Communications Industry Association supporte ses propres dépens ainsi que les dépens que la Commission a exposés du fait de son intervention.
4) PriceRunner International AB, l’Autorité de surveillance AELE, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), Infederation Ltd, Kelkoo SAS, Verband Deutscher Zeitschriftenverleger eV, Ladenzeile GmbH, BDZV – Bundesverband Digitalpublisher und Zeitungsverleger eV et Twenga SA supportent leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.