ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
5 septembre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel –Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Exonérations – Article 135, paragraphe 1, sous g) – Gestion de fonds communs de placement – Notion – Fonds de pension – Comparabilité avec un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) – Risque des investissements supporté par les affiliés – Portée – Nécessité d’une comparaison avec un fonds de pension considéré par l’État membre concerné comme un fonds commun de placement »
Dans les affaires jointes C‑639/22 à C‑644/22,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre, Pays-Bas), par décisions des 5 et 6 octobre 2022, parvenues à la Cour le 12 octobre 2022, dans les procédures
X (C‑639/22),
Stichting BPL Pensioen (C‑643/22),
Stichting Bedrijfstakpensioensfonds voor het levensmiddelenbedrijf (BPFL) (C‑644/22)
contre
Inspecteur van de Belastingdienst Utrecht (C‑639/22, C‑643/22 et C‑644/22),
et
Fiscale Eenheid Achmea BV (C‑640/22),
Y (C‑641/22)
contre
Inspecteur van de Belastingdienst Amsterdam (C‑640/22 et C‑641/22),
et
Stichting Pensioenfonds voor Fysiotherapeuten (C‑642/22)
contre
Inspecteur van de Belastingdienst Maastricht (C‑642/22),
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), MM. J.‑C. Bonichot, S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : Mme A. Lamote, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 octobre 2023,
considérant les observations présentées :
– pour X, Y, Stichting Pensioenfonds voor Fysiotherapeuten et Stichting BPL Pensioen, par Mme K. R. Carton, MM. E. M. van Kasteren et J. P. A. Vermeer, belastingadviseurs,
– pour Fiscale Eenheid Achmea BV et Stichting Bedrijfstakpensioensfonds voor het levensmiddelenbedrijf (BPFL), par MM. U. N. C. Boy et G. J. van Norden, belastingadviseurs,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman, A. Hanje et M. J. Langer, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement danois, par Mmes D. Elkan, J. F. Kronborg et C. A.‑S. Maertens, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme J. Jokubauskaitė et M. W. Roels, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 14 mars 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1) (ci-après la « directive TVA »).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de six litiges opposant, premièrement, dans l’affaire C‑639/22, X, un fonds de pension professionnel obligatoire, et, dans les affaires C‑643/22 et C‑644/22, respectivement, Stichting BPL Pensioen et Stichting Bedrijfstakpensioensfonds voor het levensmiddelenbedrijf (BPFL), des fonds de pension sectoriels, à l’Inspecteur van de Belastingdienst Utrecht (inspecteur du service des impôts d’Utrecht, Pays-Bas), deuxièmement, dans les affaires C‑640/22
et C‑641/22, respectivement, Fiscale Eenheid Achmea BV, une entreprise ayant fourni des prestations à un fonds de pension sectoriel, et Y, un fonds de pension d’entreprise, à l’Inspecteur van de Belastingdienst Amsterdam (inspecteur du service des impôts d’Amsterdam, Pays-Bas), et enfin, troisièmement, dans l’affaire C‑642/22, Stichting Pensioenfonds voor Fysiotherapeuten, un fonds de pension professionnel obligatoire, à l’Inspecteur van de Belastingdienst Maastricht (inspecteur du service des
impôts de Maastricht, Pays-Bas), au sujet de l’application de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA à ces fonds de pension.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive TVA
3 L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA prévoit :
« 1. Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :
[...]
c) les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».
4 L’article 135, paragraphe 1, sous g), de cette directive dispose :
« 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes :
[...]
g) la gestion de fonds communs de placement tels qu’ils sont définis par les États membres ».
La directive OPCVM
5 Aux termes de l’article 1er de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO 2009, L 302, p. 32) (ci-après la « directive OPCVM ») :
« 1. La présente directive s’applique aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) établis sur le territoire des États membres.
2. Aux fins de la présente directive et sous réserve de l’article 3, on entend par OPCVM les organismes :
a) dont l’objet exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d’autres actifs financiers liquides visés à l’article 50, paragraphe 1, des capitaux recueillis auprès du public et dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques ; et
b) dont les parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de ces organismes. Est assimilé à de tels rachats ou remboursements le fait pour un OPCVM d’agir afin que la valeur de ses parts en bourse ne s’écarte pas sensiblement de leur valeur d’inventaire nette.
Les États membres peuvent autoriser les OPCVM à être constitués de plusieurs compartiments d’investissement.
[...] »
Le droit néerlandais
6 L’article 11, paragraphe 1, sous i), point 3, de la Wet houdende vervanging van de bestaande omzetbelasting door een omzetbelasting volgens het stelsel van heffing over de toegevoegde waarde (Wet op de omzetbelasting) [loi portant remplacement de la taxe existante sur le chiffre d’affaires par une taxe sur le chiffre d’affaires selon le système de taxe sur la valeur ajoutée (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires)], du 28 juin 1968 (Stb. 1968, no 329), dans sa version applicable au
litige au principal, énonce :
« 1. Dans les conditions fixées par mesure générale d’administration, sont exonérés de la taxe :
[...]
i) les [...] services suivants :
[...]
3° la gestion de patrimoines réunis par des fonds de placement et des sociétés d’investissement en vue d’un placement collectif ».
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
7 Les requérantes au principal dans les affaires C‑639/22 et C‑641/22 à C‑644/22, à savoir, respectivement, X, Y, Stichting Pensioenfonds voor Fysiotherapeuten, Stichting BPL Pensioen et Stichting Bedrijfstakpensioensfonds voor het levensmiddelenbedrijf (BPFL), sont des fonds de pension néerlandais ayant acheté des services de gestion de patrimoine auprès d’un gestionnaire de placements établi en dehors des Pays-Bas. Dans l’affaire C‑640/22, la requérante au principal, Fiscale Eenheid Achmea, une
société de droit néerlandais, a fourni des services de gestion de patrimoine à un fonds de pension sectoriel.
8 Ces requérantes contestent devant le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi dans chacune des affaires mentionnées au point précédent, le montant de TVA calculé par les inspecteurs des services des impôts d’Utrecht, d’Amsterdam et de Maastricht (ci-après l’« administration fiscale ») sur l’acquisition de ces services de gestion de patrimoine. Elles considèrent que le fonds de pension ayant acheté lesdits services ou auquel ceux-ci ont été fournis
constitue un « fonds commun de placement », au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. Par conséquent, l’acquisition ou la fourniture des mêmes services serait exonérée en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous i), point 3, de la loi portant remplacement de la taxe existante sur le chiffre d’affaires par une taxe sur le chiffre d’affaires selon le système de taxe sur la valeur ajoutée (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), dans sa version applicable au
litige au principal.
9 Il ressort des décisions de renvoi que le système de pension de retraite néerlandais comprend trois piliers, à savoir la pension légale de base, des régimes de pension organisés par les employeurs et des régimes de pension individuels sur la base du volontariat. Le deuxième pilier, qui serait régi par la Wet houdende regels betreffende pensioenen (loi portant les règles en matière de pensions, ci-après la « loi sur les pensions »), comporte des fonds de pension d’entreprise et des fonds de pension
sectoriels. Les fonds de pension professionnels obligatoires au sens de la Wet verplichte beroepspensioenregeling (loi relative au régime de pension professionnel obligatoire) relèveraient également, selon la juridiction de renvoi, de ce deuxième pilier.
10 Les fonds de pension en cause dans les litiges au principal seraient, dans les affaires C‑639/22 et C‑642/22, des fonds de pension professionnels obligatoires, dans les affaires C‑640/22, C‑643/22 et C‑644/22, des fonds de pension sectoriels et, dans l’affaire C‑641/22, un fonds de pension d’entreprise.
11 La juridiction de renvoi expose, dans chacun des renvois préjudiciels, que le régime de pension mis en œuvre par les fonds de pension concernés est fondé sur un « contrat sur les prestations de retraite », qui est caractérisé par le versement de prestations de retraite fixes. Il s’agirait de l’un des trois types de contrats prévus par la loi sur les pensions. Ce contrat se distinguerait du « contrat sur les cotisations », qui prévoirait des cotisations déterminées qui seraient ultérieurement
converties en des prestations de retraite fixes ou variables, et du « contrat sur le capital », qui porterait sur un capital déterminé, ultérieurement converti en des prestations de retraite fixes ou variables.
12 Les fonds de pension seraient soumis à une surveillance étatique quant au respect d’un taux stratégique de couverture, relatif au rapport entre les actifs détenus par ces fonds et la valeur actualisée des engagements de ceux-ci en matière de pension. La juridiction de renvoi précise que le taux stratégique de couverture et les fonds propres d’un fonds de pension déterminent la situation financière de ce fonds ainsi que, dans une large mesure, le niveau des cotisations et des éventuelles
réductions de celles-ci, de même que l’octroi de suppléments conditionnels aux prestations de retraite (indexation) ou l’éventuelle réduction de celles-ci et des droits à pension.
13 Le montant des cotisations à verser serait fixé par le fonds de pension de façon à couvrir l’augmentation des fonds propres requise par l’accroissement des engagements en matière de pension, compte tenu également des prévisions concernant le rendement des investissements.
14 Pour certains fonds de pension, à savoir ceux en cause dans les affaires C‑640/22, C‑643/22 et C‑644/22, le comité de gestion de chaque fonds fixerait le montant des cotisations versées à ces fonds après concertation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs. Les cotisations seraient versées par l’employeur et prélevées en partie sur le salaire du travailleur. Dans le cas du fonds de pension Y, en cause dans l’affaire C‑641/22, la cotisation serait déterminée par affilié individuel,
mais elle serait néanmoins plafonnée. Dans cette dernière affaire, la juridiction de renvoi précise que les employeurs se sont portés garants, entre 2014 et 2020, à concurrence d’un montant de 250 millions d’euros, pouvant servir à compléter les cotisations pour le cas où elles seraient insuffisantes pour garantir les droits à pension escomptés. Dans les affaires C‑639/22 et C‑642/22, les affiliés cotiseraient sur la base des revenus professionnels ou des bénéfices de leur entreprise.
15 Dans toutes les affaires au principal, à l’exception de l’affaire C‑639/22, les droits à pension et les prestations de retraite dans les régimes de pension en cause seraient calculés sur la base de la rémunération et du nombre d’années d’emploi de chaque travailleur. À cet égard, la juridiction de renvoi expose que le montant de ces droits à pension et de ces prestations de retraite dans les régimes de pension en cause dans ces affaires peut subir des modifications. Ce montant pourrait être
augmenté, par exemple par référence à l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Le comité de gestion de chaque fonds de pension déciderait de l’octroi de ce supplément. Dans l’affaire C‑644/22, la juridiction de renvoi précise que l’octroi d’un éventuel supplément est entièrement financé par le rendement des investissements effectués par le fonds de pension en cause.
16 Dans le régime de pension en cause dans l’affaire C‑639/22, la juridiction de renvoi indique que la pension de vieillesse est fixée en fonction du nombre de trimestres de cotisation. Il s’agirait d’une pension de référence, dont le montant peut être augmenté par rapport à l’année précédente par le comité de gestion du fonds de pension selon une formule déterminée, si les moyens financiers sont suffisants.
17 Dans le régime de pension en cause dans l’affaire C‑641/22, le comité de gestion du fonds de pension déciderait annuellement, pour autant que la situation patrimoniale de ce fonds le permette, si et dans quelle mesure il est accordé un supplément aux droits à pension et prestations de retraite. Dans celui en cause dans l’affaire C‑642/22, un supplément de 2 % est accordé annuellement sur les droits à pension et prestations de retraite. En fonction de la situation financière du fonds de pension,
le comité de gestion de celui-ci peut décider d’accorder un supplément plus important, qui est financé en partie par les cotisations et en partie par le rendement excédentaire du capital investi.
18 À l’inverse, un fonds de pension peut être tenu de diminuer le montant de ces droits et prestations, comme dans l’affaire C‑641/22, en ce qui concerne le taux de constitution des droits à pension pour l’année 2020. De telles diminutions et augmentations sont encadrées par la loi sur les pensions. À cet égard, la juridiction de renvoi relève qu’aucun supplément ne peut être accordé si le taux stratégique de couverture a diminué sous un certain niveau. Ainsi, dans l’affaire C‑644/22, le fonds de
pension n’aurait pu accorder un supplément qu’en 2009. En outre, la situation financière de ce fonds s’étant dégradée, un plan de redressement aurait été introduit auprès de la Nederlandsche Bank (Banque centrale, Pays-Bas), qui aurait prévu une diminution de 0,85 % des pensions constituées.
19 La juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si les fonds de pension en cause dans les litiges au principal doivent être considérés comme des « fonds communs de placement » pouvant bénéficier de l’exonération de la TVA prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.
20 Dans ce cadre, la juridiction de renvoi relève, en se référant aux arrêts du 7 mars 2013, Wheels Common Investment Fund Trustees e.a. (C‑424/11, EU:C:2013:144), du 13 mars 2014, ATP PensionService (C‑464/12, EU:C:2014:139), et du 9 décembre 2015, Fiscale Eenheid X (C‑595/13, EU:C:2015:801), qu’un fonds de pension qui, comme les fonds de pension en cause dans les litiges dont cette juridiction est saisie, ne constitue pas un OPCVM, au sens de la directive OPCVM, peut toutefois être considéré comme
un « fonds commun de placement », au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, lorsqu’il présente certaines caractéristiques.
21 Ladite juridiction s’interroge en particulier sur l’interprétation de l’une de ces caractéristiques, à savoir l’exigence tenant à ce que le risque des investissements soit supporté par les affiliés. Elle relève que, selon l’administration fiscale, qui se réfère sur ce point à un arrêt du Hoge Raad (Cour suprême, Pays-Bas), le risque lié aux investissements effectués par les fonds de pension en cause dans les litiges dont elle est saisie qui est encouru par les affiliés de ces fonds de pension
n’est pas d’une importance suffisante.
22 La juridiction de renvoi estime que les régimes de pension en cause devant elle ne sont pas entièrement comparables aux régimes en cause dans les arrêts du 7 mars 2013, Wheels Common Investment Fund Trustees e.a. (C‑424/11, EU:C:2013:144), et du 13 mars 2014, ATP PensionService (C‑464/12, EU:C:2014:139), ni à celui en cause dans l’arrêt du Hoge Raad (Cour suprême) qu’elle cite dans la décision de renvoi.
23 En effet, selon elle, le niveau des droits à pension et des prestations de retraite au titre des régimes de pension en cause dans les litiges dont elle est saisie serait calculé sur la base des revenus professionnels et du nombre d’années d’emploi des affiliés ou d’une pension de référence.
24 Il s’ensuivrait, d’une part, que la situation se distinguerait de celle visée dans l’arrêt du 7 mars 2013, Wheels Common Investment Fund Trustees e.a. (C‑424/11, EU:C:2013:144), car il ne pourrait pas être considéré que les droits à pension et les prestations de retraite en cause devant la juridiction de renvoi ne sont aucunement fonction de la valeur des actifs et du rendement des investissements effectués par les fonds de pension. Bien que le niveau de ces droits à pension et prestations de
retraite ne dépende pas directement du rendement des investissements, le montant escompté de la pension ne serait pas garanti. Le risque de modification de la valeur des actifs se reflèterait dans le taux stratégique de couverture et déterminerait ainsi, conjointement avec d’autres paramètres de calcul, si et dans quelle mesure des suppléments peuvent être accordés ou si les droits à pension et les prestations de retraite doivent au contraire être diminués. Ainsi, selon cette juridiction, le
rendement des investissements et les modifications de valeur des actifs seraient exprimés dans le niveau des droits à pension et des prestations de retraite.
25 D’autre part, les régimes de pension en cause dans les litiges dont ladite juridiction est saisie se différencieraient également du régime de pension visé dans l’arrêt du 13 mars 2014, ATP PensionService (C‑464/12, EU:C:2014:139), dans lequel le niveau de la pension était déterminé par le montant de cotisations fixes et les rendements réalisés sur celles-ci, ce qui correspondrait plutôt, selon la même juridiction, à un régime de pension organisé sur la base de « contrats sur les cotisations », au
sens de la loi sur les pensions. Cela n’empêcherait, toutefois, pas, dans tous les régimes en cause devant la juridiction de renvoi, que le risque de déficits et d’excédents soit assumé par l’ensemble des affiliés, au travers de la diminution des droits constitués ou de l’application d’une réduction, ou, au contraire, par l’octroi de suppléments ou d’une compensation des réductions opérées antérieurement.
26 La juridiction de renvoi cherche à déterminer si le fait que le risque des investissements soit supporté par l’ensemble des affiliés fait obstacle à ce qu’un fonds de pension tel que ceux en cause dans les litiges dont elle est saisie soit regardé comme étant un fonds commun de placement et s’il suffit que les affiliés supportent un quelconque risque à cet égard ou s’ils doivent supporter ce risque à un niveau significatif.
27 Par ailleurs, il ressort des décisions de renvoi que, dans les affaires C‑640/22 et C‑644/22, les requérantes au principal, Fiscale Eenheid Achmea et Stichting Bedrijfstakpensioensfonds voor het levensmiddelenbedrijf (BPFL), font valoir que le principe de neutralité fiscale implique d’établir une comparaison avec certains fonds de pension qui exécutent des contrats sur les cotisations et qui, sans être des OPCVM, sont traités par l’administration fiscale comme des fonds communs de placement. À
cet égard, la juridiction de renvoi observe que, en vertu d’une lettre du Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances, Pays-Bas), certains fonds de pension qui mettent en œuvre des contrats sur les cotisations sont traités par cette administration comme étant des fonds communs de placement.
28 Cette juridiction nourrit toutefois des doutes quant à la nécessité d’une telle comparaison, dès lors que les critères formulés dans les arrêts du 7 mars 2013, Wheels Common Investment Fund Trustees e.a. (C‑424/11, EU:C:2013:144), et du 13 mars 2014, ATP PensionService (C‑464/12, EU:C:2014:139), permettant de déterminer si des opérateurs économiques effectuent les mêmes opérations que des OPCVM, auraient été développés à la lumière du principe de neutralité fiscale. En outre, elle se demande si,
pour un travailleur individuel, qui n’aurait pas toujours le choix du type de contrat de pension, il existe une différence substantielle entre ces différents types de contrats de pension.
29 Dans ces circonstances, le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes dans l’affaire C‑644/22 :
« 1) L’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA [...] doit-il être interprété en ce sens que les affiliés à un fonds de pension tel que celui en cause au principal peuvent être considérés comme encourant le risque d’investissement, et cela implique-t-il que le fonds de pension constitue un “fonds commun de placement” au sens de cette disposition ? Est-il pertinent, à cet égard, de savoir :
– si les affiliés encourent un risque individuel d’investissement ou est-il suffisant que les affiliés dans leur collectivité, et personne d’autre, supportent les conséquences des résultats des investissements ?
– quelle est l’ampleur du risque collectif ou bien individuel ?
– dans quelle mesure le niveau des prestations de retraite dépend également d’autres facteurs, tels que le nombre d’années de constitution des droits à pension, le niveau du salaire et les intérêts prévisionnels ?
2) Le principe de neutralité fiscale implique-t-il que, pour l’application de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, en ce qui concerne les fonds qui ne constituent pas des OPCVM [...], il faille apprécier non pas exclusivement s’ils sont comparables à un OPCVM, mais également si, du point de vue du consommateur moyen, ils sont comparables à d’autres fonds qui, sans être des OPCVM, sont toutefois considérés par l’État membre comme des fonds communs de placement ? »
30 Dans les affaires C‑639/22, C‑642/22 et C‑643/22, le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour une question préjudicielle identique à la première question posée dans l’affaire C‑644/22.
31 Dans l’affaire C‑640/22, cette juridiction précise que plus aucune constitution active de droits à pension n’a eu lieu à partir du 1er janvier 2018 dans le fonds de pension auquel la requérante au principal dans cette affaire a fourni des services de gestion du patrimoine, le fonds de pension en cause dans le litige dont ladite juridiction est saisie ayant été contraint de transférer ses actifs en raison de la faiblesse du taux stratégique de couverture. Partant, la même juridiction s’interroge
sur la pertinence de cet élément dans l’examen du risque des investissements effectués par ce fonds de pension supporté par les affiliés de celui-ci.
32 Dans ces circonstances, le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les mêmes questions préjudicielles que celles posées dans l’affaire C‑644/22, sous réserve d’une précision apportée à la première question sous la forme suivante :
« [...] Est-il pertinent, à cet égard, de savoir :
[...]
– que, depuis le 1er janvier 2018, il n’existe plus de constitution active de droits à pension dans le fonds de pension et que celui-ci, en raison du taux stratégique de couverture bas, est tenu de procéder à un transfert de valeur collectif auprès d’un assureur ou d’un autre fonds de pension ?
[...] »
33 Enfin, dans l’affaire C‑641/22, la juridiction de renvoi se demande si la circonstance, déjà mentionnée au point 14 du présent arrêt, selon laquelle les employeurs se sont portés garants pendant une certaine période pour assurer la constitution de droits à pension, a une incidence sur l’existence d’un risque lié aux investissements effectués par le fonds de pension supporté par les affiliés de celui-ci.
34 Dans ces circonstances, le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour une question préjudicielle identique à la première question posée dans l’affaire C‑644/22, sous réserve d’une précision apportée à cette question sous la forme suivante :
« [...] Est-il pertinent, à cet égard, de savoir :
[...]
– que, en ce qui concerne la période comprise entre l’année 2014 et l’année 2020, incluse, l’employeur s’est porté garant à concurrence d’un montant de 250 [millions d’euros] pour la réalisation de la constitution visée des droits à pension ? »
35 Par décision du président de la Cour du 15 novembre 2022, les affaires C‑639/22 à C‑644/22 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
36 Par sa première question, commune à l’ensemble des affaires jointes, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que les affiliés d’un fonds de pension qui met en œuvre, au titre d’un régime de pension collectif, un contrat de pension prévoyant des droits à pension et des prestations de retraite dont le montant, bien qu’il soit défini sur le fondement d’une pension de référence ou des revenus
professionnels et du nombre d’années d’emploi de chaque affilié, peut varier, sous certaines conditions, en conséquence des résultats des investissements effectués par ce fonds de pension, peuvent être considérés comme supportant le risque des investissements. Cette juridiction demande également si sont pertinents à cet égard l’ampleur du risque encouru, le fait que le risque encouru soit individuel ou collectif, le nombre d’années de constitution des droits à pension d’un affilié, le fait que la
constitution de droits à pension a été interrompue à un certain moment en ce qui concerne un fonds de pension ou encore le fait qu’un employeur s’est porté garant pendant une certaine période pour la constitution escomptée des droits à pension.
37 Conformément à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, les États membres exonèrent de la TVA la gestion de fonds communs de placement tels qu’ils sont définis par les États membres.
38 À cet égard, il convient de rappeler que, bien que le législateur de l’Union ait confié aux États membres le soin de définir la notion de « fonds commun de placement », doivent être considérés comme tels les fonds qui constituent des OPCVM au sens de la directive OPCVM (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2014, ATP PensionService, C‑464/12, EU:C:2014:139, point 46 et jurisprudence citée).
39 Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, les OPCVM sont des organismes dont l’objet exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières des capitaux recueillis auprès du public, dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques, et dont les parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de ces organismes (arrêt du 9 décembre 2015, Fiscale Eenheid X, C‑595/13,
EU:C:2015:801, point 36 et jurisprudence citée).
40 Concrètement, les OPCVM sont des organismes dans lesquels de nombreux placements sont regroupés et répartis sur une série de valeurs mobilières qui peuvent être gérées efficacement afin d’optimiser les résultats, et dans lesquels les placements individuels peuvent être relativement modestes. Ces fonds gèrent leurs placements en leur propre nom et pour leur propre compte, tandis que chaque client investisseur détient une participation dans le fonds, mais non pas les placements du fonds eux-mêmes
(arrêt du 13 mars 2014, ATP PensionService, C‑464/12, EU:C:2014:139, point 50 et jurisprudence citée).
41 Selon une jurisprudence constante, doivent également être considérés comme des fonds communs de placement les fonds qui, sans constituer des organismes de placement collectif au sens de la directive OPCVM, présentent des caractéristiques identiques à ces derniers et effectuent donc les mêmes opérations ou, à tout le moins, présentent des traits comparables avec ces derniers au point de se situer dans un rapport de concurrence avec eux (arrêt du 9 décembre 2015, Fiscale Eenheid X, C‑595/13,
EU:C:2015:801, point 37 et jurisprudence citée).
42 Il y a lieu de rappeler que la Cour a considéré que l’une des caractéristiques requises pour qu’une entité puisse être considérée comme présentant des traits comparables à un OPCVM et, partant, comme étant un fonds commun de placement pouvant bénéficier de l’exonération de la TVA prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA est que les participants ont droit aux bénéfices ou supportent le risque lié à la gestion du fonds. En d’autres termes, il est requis que les affiliés
supportent le risque des investissements (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2013, Wheels Common Investment Fund Trustees e.a., C‑424/11, EU:C:2013:144, point 27 ; du 13 mars 2014, ATP PensionService, C‑464/12, EU:C:2014:139, point 59, et du 9 décembre 2015, Fiscale Eenheid X, C‑595/13, EU:C:2015:801, points 51 et 52 ).
43 À cet égard, la Cour a précisé que les affiliés à un régime de pension ne supportent pas le risque lié à la gestion d’un fonds d’investissement dans lequel les actifs de ce régime ont été regroupés, lorsque la pension perçue par l’employé ne dépend aucunement de la valeur des actifs du régime et des résultats des placements effectués par les gestionnaires du régime, mais qu’elle est prédéfinie en fonction de la durée de la carrière auprès de l’employeur et du montant du salaire, à la différence
du rendement que peuvent espérer les personnes qui achètent des parts d’un organisme de placement collectif, lequel est fonction des résultats des investissements effectués par les gestionnaires du fonds sur la période durant laquelle elles détiennent ces parts (arrêt du 7 mars 2013, Wheels Common Investment Fund Trustees e.a., C‑424/11, EU:C:2013:144, point 27).
44 Il s’ensuit que, pour constater qu’un affilié d’un fonds de pension supporte le risque des investissements requis, il est nécessaire que la pension perçue par cet affilié soit fonction des investissements effectués par ce fonds, et cela dans une mesure comparable à celle dans laquelle les rendements d’un porteur de parts d’un organisme de placement collectif sont fonction des investissements effectués par cet organisme.
45 Partant, pour qu’un fonds de pension puisse être considéré comme un fonds commun de placement pouvant bénéficier de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, le risque que supportent les affiliés de ce fonds de pension en conséquence des investissements effectués par celui-ci doit être comparable à celui qu’encourent les porteurs de parts d’un organisme de placement collectif sur les actifs qu’ils ont déposés auprès de ce dernier.
46 Un tel risque devant être reflété dans le niveau des droits à pension et des prestations de retraite, il y a lieu d’établir, afin de déterminer si les affiliés d’un fonds de pension encourent un risque comparable aux porteurs de parts d’un organisme de placement collectif, que les résultats des investissements effectués par le fonds de pension ont une incidence significative sur le montant des droits à pension et des prestations de retraite.
47 En effet, dès lors que le rendement que peuvent espérer les porteurs de parts d’un organisme de placement collectif dépend essentiellement des résultats, sur la période durant laquelle ils détiennent ces parts, des investissements effectués par cet organisme, ce qui affecte immédiatement la valeur desdites parts, l’application de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA à un fonds de pension suppose que le montant des droits à pension et des prestations de
retraite dus en vertu du contrat de pension concerné ne soit pas garanti, mais dépende, à titre principal, que ce soit de manière positive ou négative, des résultats des investissements effectués par ce fonds.
48 Pour qu’il soit établi qu’un risque d’investissement, supporté par les affiliés d’un fonds de pension, est comparable à celui que supportent les porteurs de parts d’organismes de placement collectif, le montant des droits à pension et des prestations de retraite ne peut donc pas être largement prédéfini en fonction de la durée de la carrière auprès de l’employeur et du montant du salaire de chaque affilié. À cet égard, il appartient à la juridiction nationale de déterminer, ainsi que
Mme l’avocate générale l’a observé en substance au point 44 de ses conclusions, si les droits à pension et prestations de retraite dépendent à titre principal des résultats des investissements effectués par le fonds de pension concerné.
49 En l’occurrence, la juridiction de renvoi relève que, dans les régimes de pension en cause dans les affaires au principal, les droits à pension et les prestations de retraite sont, en principe, calculés sur la base d’une pension de référence ou des revenus professionnels et du nombre d’années d’emploi de chaque affilié, que leur niveau ne dépend pas directement des résultats des investissements effectués par le fonds de pension, mais qu’il n’est pas non plus garanti. Le taux stratégique de
couverture permettrait de déterminer si et dans quelle mesure des suppléments peuvent être accordés aux affiliés ou si les droits à pension et les prestations de retraite doivent au contraire être diminués. Ainsi, selon la juridiction de renvoi, les résultats de ces investissements se reflètent dans le montant des pensions. En outre, le risque de déficits et la possibilité d’excédents seraient répartis sur l’ensemble des affiliés.
50 Il paraît ressortir de ces éléments que le montant des droits à pension ou des prestations de retraite est, dans une large mesure, prédéfini en fonction de la durée de la carrière auprès de l’employeur et du salaire de chaque affilié. En outre, la modification de ce montant dépend du taux stratégique de couverture, défini notamment par référence à la valeur actualisée des engagements en matière de pensions. Ainsi, bien que ledit montant puisse être diminué ou augmenté, et que l’octroi de
suppléments soit, dans certains cas, entièrement financé par les résultats des investissements effectués par le fonds de pension, le même montant paraît dépendre de plusieurs facteurs, parmi lesquels les résultats de ces investissements ne semblent pas être le facteur principal, ce qu’il revient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques des contrats de pension concernés.
51 Par ailleurs, afin de déterminer si un risque d’investissement comparable à celui auquel font face les porteurs de parts d’un organisme de placement collectif est supporté par les affiliés des fonds de pension en cause au principal, il ne suffit pas de constater que ces affiliés supportent, individuellement ou collectivement, le risque des investissements effectués par un tel fonds de pension, à l’exclusion d’autres personnes ou entités. En effet, si ces investissements n’ont qu’une incidence
marginale sur le montant des droits à pension et des prestations de retraite, le risque encouru par les affiliés n’est pas comparable à celui des porteurs de parts d’un organisme de placement collectif sur les actifs qu’ils ont déposés auprès de ce dernier.
52 En revanche, lorsque le risque des investissements effectués par un fonds de pension a une incidence significative sur le montant des droits à pension et des prestations de retraite dus en vertu du contrat de pension, il importe peu que ce risque soit réparti sur l’ensemble des affiliés de ce fonds et que son impact soit, de ce fait, modéré. En effet, cette circonstance résulte de la mise en commun dudit fonds et n’empêche pas que ledit risque se répercute individuellement sur les droits de tous
les affiliés du même fonds.
53 De même, sont sans importance le nombre d’années pour constituer les droits à pension d’un affilié ou le fait que la période de constitution de ces droits a été interrompue à un certain moment en ce qui concerne un fonds de pension, comme cela serait le cas dans l’affaire C‑640/22. En effet, ainsi que Mme l’avocate générale l’a observé au point 46 de ses conclusions, seules importent la manière dont les droits à pension et les prestations de retraite sont conçus dans le contrat de pension de
l’affilié et la mesure dans laquelle ces droits et ces prestations dépendent des résultats des investissements effectués par le fonds de pension. Le fait que le fonds de pension ait cessé d’exister ou qu’il soit, en raison de sa situation financière, obligé de transférer ses actifs à une autre entité n’a pas d’incidence sur l’existence d’un risque des investissements supporté par les affiliés de ce fonds, sauf si ce transfert implique le transfert du risque à une entité tierce.
54 Il pourrait en aller ainsi en cas de faillite d’un fonds de pension, ce qui constitue un risque collectif qu’il convient de distinguer de la possibilité de modifications du montant des droits à pension et des prestations de retraite. Dans ce cas, il incombe à la juridiction nationale de vérifier si, pour le fonds de pension concerné, une forme de garantie étatique ou un système de réassurance a été mis en place, afin d’établir si les affiliés supportent également le risque qu’entraîne la faillite
de ce fonds.
55 En outre, il n’est pas exclu que le fait qu’un employeur se soit porté garant pendant une certaine période en vue de la constitution escomptée des droits à pension soit susceptible d’avoir une incidence sur les droits à pension et les prestations de retraite, dans la mesure où, dans ce cas, les cotisations versées peuvent donner lieu à un montant de pension garanti, indépendant des résultats des investissements effectués par le fonds de pension concerné, ce qui pourrait exclure l’existence du
risque requis pour que ce fonds puisse être considéré comme présentant des traits comparables à un OPCVM. Toutefois, sauf dans l’hypothèse où une telle garantie est totale, la juridiction nationale doit vérifier dans quelle mesure les résultats de ces investissements ont une incidence sur le montant total de ces pensions.
56 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que les affiliés d’un fonds de pension qui met en œuvre, au titre d’un régime de pension collectif, un contrat de pension prévoyant des droits à pension et des prestations de retraite dont le montant, bien qu’il soit défini sur le fondement d’une pension de référence ou des revenus professionnels et du nombre
d’années d’emploi de chaque affilié, peut varier, sous certaines conditions, en conséquence des résultats des investissements effectués par ce fonds de pension, ne peuvent être considérés comme supportant le risque des investissements que lorsque ce montant dépend, à titre principal, des résultats de ces investissements. Afin de porter une telle appréciation, ne sont pertinents ni le nombre d’années de constitution des droits à pension d’un affilié ni le fait que la constitution de droits à
pension a été interrompue à un certain moment en ce qui concerne un fonds de pension. Le fait que le risque soit supporté individuellement ou collectivement, notamment en cas de faillite, ou qu’un employeur se soit porté garant pendant une certaine période pour la constitution escomptée des droits à pension constituent quant à eux des facteurs pertinents, sans être, en tant que tels, déterminants.
Sur la seconde question dans les affaires C‑640/22 et C‑644/22
57 Par sa seconde question dans les affaires C-640/22 et C-644/22, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, lu à la lumière du principe de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer si un fonds de pension qui n’est pas un OPCVM peut bénéficier de l’exonération prévue par cette disposition, il est non seulement nécessaire d’effectuer une comparaison avec un tel organisme, mais également d’apprécier
si, au regard de la situation juridique et financière de l’affilié par rapport à ce fonds de pension, ledit fonds de pension est comparable à d’autres fonds qui, sans constituer des OPCVM, sont considérés par l’État membre concerné comme étant des fonds communs de placement, au sens de ladite disposition.
58 Il résulte des points 38 et 41 du présent arrêt que, dans le cadre de l’application de cette exonération, les États membres sont tenus de traiter les fonds qui constituent des OPCVM au sens de la directive OPCVM comme des fonds communs de placement et que doivent également être considérés comme des fonds communs de placement des fonds qui, sans constituer des organismes de placement collectif au sens de cette directive, effectuent les mêmes opérations ou, à tout le moins, présentent des traits
comparables avec ces organismes au point de se situer dans un rapport de concurrence avec eux.
59 En effet, même si l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA est d’interprétation stricte, le principe de neutralité fiscale ainsi que l’objectif de faciliter aux investisseurs le placement dans des titres au moyen d’organismes de placement exigent de lui donner tout son effet (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2021, K et DBKAG, C‑58/20 et C‑59/20, EU:C:2021:491, point 38 ainsi que jurisprudence citée).
60 En particulier, le principe de neutralité fiscale s’oppose à ce que des biens ou des prestations de services semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traités différemment au regard de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 3 février 2022, Finanzamt A, C‑515/20, EU:C:2022:73, point 43 et jurisprudence citée).
61 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, en vertu d’une lettre du secrétaire d’État aux Finances, certains fonds de pension qui mettent en œuvre des contrats sur les cotisations doivent être traités par l’administration fiscale comme des fonds communs de placement, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.
62 Dans cette lettre, le secrétaire d’État aux Finances aurait considéré qu’un régime de pension à cotisations définies d’ordre individuel constituait un fonds commun de placement, au motif que, en substance, dans un tel régime de pension, les affiliés supportent le risque des investissements. En outre, certains régimes de pension à cotisations définies d’ordre collectif pourraient aussi être considérés comme des fonds communs de placement, lorsque la constitution des droits à pension se fait de
façon comparable à la constitution de tels droits dans des régimes de pension à cotisations définies d’ordre individuel.
63 Dans ce contexte, l’affilié d’un fonds de pension doit être considéré comme étant le consommateur moyen auquel fait référence la juridiction de renvoi. En l’occurrence, il incombe donc à cette juridiction de procéder à un examen concret afin de déterminer si, au regard de la situation juridique et financière de cet affilié par rapport au fonds de pension, les droits de pension acquis en vertu de contrats de pension mis en œuvre par un fonds de pension tel que ceux en cause au principal, qui
constituent, selon la demande de décision préjudicielle, des « contrats sur les prestations de retraite », sont comparables à des droits de pension acquis en vertu d’un contrat de pension « sur les cotisations » mis en œuvre par un fonds de pension qualifié par un État membre de fonds commun de placement, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, caractérisé notamment par le fait que les affiliés supportent le risque des investissements.
64 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question dans les affaires C-640/22 et C-644/22 que l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, lu à la lumière du principe de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer si un fonds de pension qui n’est pas un OPCVM peut bénéficier de l’exonération prévue par cette disposition, il est non seulement nécessaire d’effectuer une comparaison avec un tel organisme, mais également
d’apprécier si, au regard de la situation juridique et financière de l’affilié par rapport à ce fonds de pension, ledit fonds de pension est comparable à d’autres fonds qui, sans constituer des OPCVM, sont considérés par l’État membre concerné comme étant des fonds communs de placement, au sens de ladite disposition.
Sur les dépens
65 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,
doit être interprété en ce sens que :
les affiliés d’un fonds de pension qui met en œuvre, au titre d’un régime de pension collectif, un contrat de pension prévoyant des droits à pension et des prestations de retraite dont le montant, bien qu’il soit défini sur le fondement d’une pension de référence ou des revenus professionnels et du nombre d’années d’emploi de chaque affilié, peut varier, sous certaines conditions, en conséquence des résultats des investissements effectués par ce fonds de pension, ne peuvent être considérés
comme supportant le risque des investissements que lorsque ce montant dépend, à titre principal, des résultats de ces investissements. Afin de porter une telle appréciation, ne sont pertinents ni le nombre d’années de constitution des droits à pension d’un affilié ni le fait que la constitution de droits à pension a été interrompue à un certain moment en ce qui concerne un fonds de pension. Le fait que le risque soit supporté individuellement ou collectivement, notamment en cas de faillite, ou
qu’un employeur se soit porté garant pendant une certaine période pour la constitution escomptée des droits à pension constituent quant à eux des facteurs pertinents, sans être, en tant que tels, déterminants.
2) L’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112, lu à la lumière du principe de neutralité fiscale,
doit être interprété en ce sens que :
afin de déterminer si un fonds de pension qui n’est pas un organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut bénéficier de l’exonération prévue par cette disposition, il est non seulement nécessaire d’effectuer une comparaison avec un tel organisme, mais également d’apprécier si, au regard de la situation juridique et financière de l’affilié par rapport à ce fonds de pension, ledit fonds de pension est comparable à d’autres fonds qui, sans constituer des organismes de placement
collectif en valeurs mobilières, sont considérés par l’État membre concerné comme étant des fonds communs de placement au sens de ladite disposition.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.