ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
5 septembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Aides d’État – Plainte relative à une aide d’État ayant permis à un club de football d’engager un joueur jusqu’alors employé par un autre club – Plainte déposée par un des socios de ce dernier club, constitué sous la forme d’association à but non lucratif – Décision de la Commission européenne concluant à l’absence de qualité de “partie intéressée” en droit de déposer une plainte – Règlement (UE) 2015/1589 – Article 1er, sous h) – Notions de “partie intéressée” et de “personne dont les
intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide” »
Dans l’affaire C‑224/23 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 avril 2023,
Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (PBL), établie à Bron (France),
Issam Abdelmouine, demeurant à Paris (France),
représentés par Me J. Branco, avocat,
parties requérantes,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par Mme C.-M. Carrega et M. B. Stromsky, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. F. Biltgen, N. Wahl, J. Passer (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 21 mars 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (PBL) et M. Issam Abdelmouine demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 février 2023, PBL et WA/Commission (T‑538/21, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2023:53), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision COMP/C.4/AH/mdr 2021(092342) de la Commission, du 1er septembre 2021, relative au statut d’une plainte présentée à propos d’une prétendue aide d’État accordée au club de
football Paris Saint-Germain (SA.64489).
Le cadre juridique
2 Les considérants 32 et 33 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9, et rectificatif JO 2017, L 186, p. 17), énoncent :
« (32) Les plaintes sont une source essentielle d’informations pour détecter les infractions aux règles de l’Union sur les aides d’État. Afin d’assurer la qualité des plaintes dont la Commission est saisie tout en accroissant la transparence et la sécurité juridique, il y a lieu de fixer les conditions que devrait remplir une plainte pour que des informations concernant une aide présumée illégale puissent être mises à la disposition de la Commission et que soit déclenchée la phase d’examen
préliminaire. Les informations communiquées qui ne respectent pas ces conditions devraient être traitées en tant que renseignements d’ordre général concernant le marché et ne devraient pas nécessairement entraîner l’ouverture d’enquêtes d’office.
(33) Il convient d’exiger des plaignants qu’ils démontrent qu’ils sont des parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, [TFUE] et de l’article 1er, [sous] h), du présent règlement. Il convient également d’exiger d’eux qu’ils fournissent un certain nombre d’informations au moyen d’un formulaire dont la Commission devrait être habilitée à déterminer le contenu dans une disposition d’application. Afin de ne pas décourager les plaignants potentiels, la disposition d’application devrait
tenir compte du fait que les exigences auxquelles les parties intéressées doivent satisfaire pour déposer une plainte ne devraient pas être trop pesantes. »
3 L’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 prévoit qu’il y a lieu d’entendre par « partie intéressée », aux fins de ce règlement, « tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».
4 L’article 12 dudit règlement, intitulé « Examen, demande de renseignements et injonction de fournir des informations », dispose, à son paragraphe 1 :
« Sans préjudice de l’article 24, la Commission peut, de sa propre initiative, examiner les informations concernant une aide présumée illégale, quelle qu’en soit la source.
La Commission examine sans retard indu toute plainte déposée par une partie intéressée conformément à l’article 24, paragraphe 2, et veille à ce que l’État membre concerné soit pleinement et régulièrement informé de l’avancée et des résultats de l’examen. »
5 L’article 24 du même règlement, intitulé « Droits des parties intéressées », énonce :
« 1. Toute partie intéressée peut présenter des observations [...] à la suite d’une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Toute partie intéressée qui a présenté de telles observations et tout bénéficiaire d’une aide individuelle reçoivent une copie de la décision prise par la Commission [...].
2. Toute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide. À cet effet, la partie intéressée remplit en bonne et due forme un formulaire [...] et fournit les renseignements obligatoires qui y sont demandés.
[...] »
Les antécédents du litige
6 Les antécédents du litige, tels que présentés par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.
7 PBL est une association ayant pour objet la « réunion de supporters » du Fútbol Club Barcelona (ci-après le « FCB »), qui est un club de football professionnel établi à Barcelone (Espagne) et constitué sous la forme d’association à but non lucratif.
8 M. Abdelmouine est un adhérent de PBL. Depuis le 3 mars 2020, il a également la qualité de socio (membre cotisant) du FCB.
9 Le 8 août 2021, M. Lionel Messi, joueur de football travaillant pour le FCB, a annoncé son départ de ce club et son recrutement par le Paris Saint-Germain Football Club (PSG), qui est un club de football professionnel établi à Paris (France).
10 Le même jour, M. Abdelmouine a déposé une plainte auprès de la Commission, dans laquelle il a, d’une part, informé cette institution de l’existence d’une aide présumée ayant permis au PSG de recruter M. Messi et, d’autre part, demandé à celle-ci d’adopter des mesures au titre de l’article 116 TFUE.
11 Le 1er septembre 2021, la Commission a adressé à M. Abdelmouine une lettre dans laquelle elle a indiqué, en substance, que celui-ci ne pouvait pas être qualifié de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 et que, par conséquent, les informations fournies au sujet de l’aide présumée octroyée au PSG ne pouvaient pas être considérées comme une plainte au titre de l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement.
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2021, PBL et M. Abdelmouine ont introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision, contenue dans cette lettre, de ne pas considérer M. Abdelmouine comme une partie intéressée en droit de déposer une plainte à la Commission, au sens du règlement 2015/1589 (ci-après la « décision litigieuse »), et, d’autre part, à l’adoption d’injonctions.
13 Le jour de l’audience de plaidoiries, qui s’est tenue le 18 octobre 2022, les requérants ont, par ailleurs, déposé au greffe du Tribunal un ensemble d’éléments de preuve, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure de cette juridiction.
14 Aux points 9 à 13 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le second chef de conclusions des requérants, tendant à l’adoption d’injonctions, au motif qu’il n’était pas compétent pour prononcer de telles injonctions.
15 S’agissant du premier chef de conclusions des requérants, tendant à l’annulation de la décision litigieuse, le Tribunal a considéré, aux points 14 à 18 de l’arrêt attaqué, que celui-ci devait être rejeté comme étant partiellement irrecevable, en tant qu’il visait l’absence de prise en compte de PBL par la Commission dans la décision litigieuse. À cet égard, le Tribunal a estimé qu’il n’était pas établi que PBL s’était associée à la plainte qui avait été déposée par M. Abdelmouine et qui faisait
l’objet de cette décision, de telle sorte que ce dernier devait être considéré comme étant l’unique plaignant. Partant, ce chef de conclusions n’a été examiné au fond qu’en tant qu’il visait le traitement de la plainte ainsi introduite par M. Abdelmouine, agissant en tant que socio du FCB.
16 Quant au fond, le Tribunal a estimé, aux points 19 et 20 de l’arrêt attaqué, que, à l’appui dudit chef de conclusions, les requérants soulevaient un moyen unique tiré de la violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 et comportant lui-même deux branches.
17 En ce qui concerne la première branche, tirée d’une erreur de qualification juridique des faits, le Tribunal a considéré, en substance, aux points 22 à 47 de l’arrêt attaqué, que les différents intérêts invoqués par les requérants en vue de démontrer que M. Abdelmouine devait être qualifié, en sa qualité de socio du FCB, de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, n’étaient pas établis, pour certains, et revêtaient un caractère « purement général ou
indirect », pour les autres. Pour ces motifs, cette juridiction a conclu que M. Abdelmouine ne pouvait pas être regardé comme étant une telle « partie intéressée ».
18 Pour ce qui est de la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation des faits, le Tribunal l’a écartée, aux points 48 à 53 de l’arrêt attaqué, au motif qu’elle était inopérante, après avoir relevé, en substance, qu’elle portait sur un aspect purement illustratif et, partant, accessoire de la motivation sur laquelle la Commission s’était appuyée, dans la décision litigieuse, pour se prononcer sur le statut de la plainte déposée par M. Abdelmouine.
19 Par ailleurs, le Tribunal a estimé, aux points 54 à 57 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur la recevabilité des éléments de preuve qui lui avaient été soumis par les requérants le jour de l’audience de plaidoiries puisque ces éléments étaient, en tout état de cause, dépourvus de pertinence aux fins de l’appréciation, notamment, de la recevabilité et du bien-fondé de leur recours.
20 Compte tenu de l’ensemble de ces motifs, le Tribunal a rejeté le recours.
Les conclusions des parties au pourvoi
21 Les requérants demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué et, en substance,
– de faire droit à leurs conclusions présentées en première instance.
22 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérants aux dépens.
Sur le pourvoi
23 A l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent, en substance, six moyens.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
24 Par leur premier moyen, qui vise les points 14 à 18 de l’arrêt attaqué et qui comporte, en substance, deux branches, les requérants contestent le rejet comme partiellement irrecevable, par le Tribunal, de leur premier chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
25 Par la première branche de ce moyen, ils soutiennent, pour l’essentiel, que, contrairement à ce que le Tribunal a estimé aux points en cause, les éléments de preuve qu’ils ont soumis à cette juridiction le jour de l’audience de plaidoiries établissent à suffisance que PBL s’est associée à la plainte déposée par M. Abdelmouine et que la Commission avait connaissance de cette situation quand elle a adopté la décision litigieuse.
26 Par la seconde branche dudit moyen, ils font valoir que, en tout état de cause, le Tribunal a méconnu sa jurisprudence selon laquelle il convient, dans le cas où un recours en annulation est introduit par plusieurs personnes, de considérer que la constatation de la qualité pour agir d’une de ces personnes suffit pour rendre recevable ce recours dans son ensemble et rend donc inutile l’examen de la qualité pour agir des autres personnes concernées. Selon les requérants, eu égard à cette
jurisprudence, il aurait, en effet, incombé à cette juridiction de juger leur premier chef de conclusions recevable dans son intégralité.
27 La Commission conteste la recevabilité de la première branche du moyen et le bien-fondé de sa seconde branche.
Appréciation de la Cour
28 S’agissant de la première branche du présent moyen, il doit être rappelé qu’il résulte d’une jurisprudence constante, d’une part, que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve de leur dénaturation, une question de droit pouvant être soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Exception
faite de celle tirée d’une dénaturation, toute argumentation remettant en cause cette appréciation dans un tel cadre doit, dès lors, être rejetée comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, C‑478/21 P, EU:C:2023:685, points 157 et 158 ainsi que jurisprudence citée).
29 D’autre part, lorsqu’une partie allègue une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, elle doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs qui auraient conduit le Tribunal à commettre cette dénaturation. Par ailleurs,
ladite dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve (arrêt du 21 septembre 2023, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, C‑478/21 P, EU:C:2023:685, point 219 ainsi que jurisprudence citée).
30 En l’espèce, il s’ensuit que les requérants, qui n’allèguent ni n’établissent l’existence d’une dénaturation des faits à cet égard, sont irrecevables à contester, dans le cadre du présent pourvoi, les appréciations du Tribunal selon lesquelles, en substance, il n’était pas établi que PBL s’était associée à la plainte qui avait été déposée à la Commission par M. Abdelmouine et qui faisait l’objet de la décision litigieuse.
31 Par ailleurs, les arguments que les requérants soumettent à la Cour ne permettent ni d’identifier ni, à plus forte raison, d’établir, de manière manifeste, dans les conditions rappelées au point 29 du présent arrêt, l’existence d’une dénaturation, par le Tribunal, des éléments de preuve soumis à cette juridiction le jour de l’audience de plaidoiries, une telle dénaturation n’étant, au demeurant, pas formellement alléguée. En effet, le seul élément de preuve précis auquel les requérants se
réfèrent à cet égard est un courrier électronique de la Commission qui, contrairement à ce qu’ils allèguent, indique non pas que cette institution a reçu une plainte émanant de PBL, mais, tout au contraire, que ladite institution n’est pas en possession d’une telle plainte. Pour le reste, les requérants se limitent à faire état d’arguments péremptoires, généraux ou non étayés à suffisance.
32 En ce qui concerne la seconde branche du présent moyen, il y a lieu de constater que les requérants ne sont pas fondés à reprocher au Tribunal d’avoir méconnu sa jurisprudence selon laquelle il convient, dans le cas où un recours en annulation est introduit par plusieurs personnes, de considérer que la constatation de la qualité pour agir d’une de ces personnes suffit pour rendre recevable ce recours dans son ensemble et rend donc inutile l’examen de la qualité pour agir des autres personnes en
question.
33 En effet, aux points 14 à 18 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est prononcé non pas sur la qualité pour agir de PBL, mais sur la recevabilité du premier chef de conclusions des requérants, tendant à l’annulation de la décision litigieuse. À cet égard, le Tribunal a estimé que ce chef de conclusions était recevable uniquement en tant qu’il mettait en cause le contenu de cette décision, par laquelle la Commission s’était prononcée sur la plainte déposée par M. Abdelmouine. Corrélativement, cette
juridiction a rejeté comme irrecevable, pour les motifs rappelés aux points 15, 30 et 31 du présent arrêt, ledit chef de conclusions en tant qu’il mettait en cause, en substance, l’absence de prise en compte, dans la décision litigieuse, de la circonstance alléguée selon laquelle PBL s’était associée à la plainte déposée par M. Abdelmouine.
34 Or, dans ce contexte, la jurisprudence à laquelle les requérants se réfèrent ne revêtait aucune pertinence, eu égard à son objet et à sa portée.
35 Partant, le premier moyen doit être rejeté comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondé.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
36 Par leur deuxième moyen, les requérants soutiennent, en substance, que le Tribunal a manqué à ses obligations en s’abstenant de répondre, dans l’arrêt attaqué, à l’un des deux moyens figurant dans leur recours, qui portait sur la violation de l’article 116 TFUE.
37 La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.
Appréciation de la Cour
38 Ainsi qu’il résulte des points 9 à 13 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu’il n’était pas compétent pour connaître du second chef de conclusions des requérants, tendant à ce qu’il soit fait injonction à la Commission de mettre en œuvre les pouvoirs que cette institution détiendrait, notamment, en vertu de l’article 116 TFUE.
39 Or, ce constat d’incompétence, qui n’est pas critiqué par le pourvoi et qui est, au demeurant, exempt de toute erreur de droit pour les raisons énoncées par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, s’opposait à toute forme d’examen, par cette juridiction, de la recevabilité ou du bien-fondé de tout moyen ayant pu être présenté par les requérants à l’appui du chef de conclusions en question. Ledit constat justifie donc, implicitement mais nécessairement, que ladite juridiction se soit abstenue de
répondre, dans l’arrêt attaqué, aux arguments tirés de la violation de l’article 116 TFUE que les requérants soutiennent lui avoir présentés.
40 Partant, le deuxième moyen n’est pas fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
41 Par leur troisième moyen, qui vise les points 22 à 47 de l’arrêt attaqué, les requérants critiquent le rejet, par le Tribunal, de la première branche de leur moyen d’annulation tiré de la violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.
42 En premier lieu, ils font valoir que, selon la jurisprudence de la Cour, la notion de « partie intéressée » à laquelle cette disposition se réfère est définie de manière large, puisqu’elle renvoie à un ensemble indéterminé de personnes incluant toutes celles dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en ce sens que cette aide risque d’avoir une incidence concrète sur leur situation.
43 En deuxième lieu, en l’espèce, les requérants observent, tout d’abord, que l’aide présumée qui a été mise en cause par la plainte faisant l’objet de la décision litigieuse est, selon eux, une aide qui a bénéficié au PSG, club de football professionnel établi en France, et qui a porté préjudice au FCB, club de football concurrent établi en Espagne.
44 Ensuite, ils soutiennent que cette aide a déjà eu et, en tout état de cause, risque d’avoir une incidence concrète négative sur la situation économique, financière et juridique non seulement du FCB mais également, compte tenu de la structure d’association à but non lucratif ainsi que des activités très particulières qui sont les siennes, des socios qui en détiennent la propriété et en contrôlent démocratiquement la gouvernance, les décisions ainsi que les activités.
45 Enfin, les requérants font valoir, en substance, qu’ils ont exposé de façon claire, précise et étayée, aussi bien devant la Commission que devant le Tribunal, les différentes raisons pour lesquelles il devait être considéré que, en sa qualité de socio du FCB et compte tenu des droits, des pouvoirs ainsi que des obligations spécifiquement attachés à cette qualité, tels qu’ils sont stipulés dans les statuts du FCB, M. Abdelmouine était une personne dont les intérêts moraux, patrimoniaux et
économiques ainsi que la situation concrète pouvaient être affectés par l’octroi de l’aide dénoncée dans sa plainte.
46 En troisième et dernier lieu, les requérants soutiennent, en substance, que le raisonnement qui a conduit le Tribunal à conclure que la Commission avait dénié à juste titre la qualité de « partie intéressée » à M. Abdelmouine est vicié par plusieurs erreurs de droit.
47 Premièrement, le Tribunal aurait retenu une acception indûment restrictive de la notion de « partie intéressée » en excluant, sur la base de sa jurisprudence antérieure, que des intérêts non seulement « généraux » mais également « indirects » puissent suffire pour établir la qualité de « partie intéressée » de la personne qui s’en prévaut.
48 Deuxièmement, le Tribunal aurait, sur la base de cette acception indûment restrictive, commis des erreurs de qualification juridique des faits ainsi que des erreurs d’appréciation en concluant au caractère insuffisamment étayé, pour partie, et « purement général ou indirect », pour le reste, des différents intérêts que les requérants ils avaient invoqués pour établir la qualité de « partie intéressée » de M. Abdelmouine.
49 En réponse, la Commission fait valoir, en premier lieu, que la jurisprudence de la Cour doit être comprise, à l’instar de celle du Tribunal, en ce sens qu’il ne suffit pas de se prévaloir d’intérêts « purement généraux ou indirects » pour pouvoir être considéré comme une « partie intéressée ».
50 En deuxième lieu, les requérants se limiteraient, dans une large mesure, à réitérer les arguments qu’ils ont avancés devant le Tribunal et à remettre en cause les appréciations effectuées par cette juridiction, sans toutefois invoquer l’existence d’une quelconque dénaturation. Dans cette mesure, leur moyen serait irrecevable.
51 En troisième et dernier lieu, aucun des arguments des requérants ne permettrait de considérer que le Tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits. Au contraire, à la lumière de la jurisprudence pertinente de la Cour et du Tribunal, il devrait être constaté que le Tribunal a conclu à bon droit, dans l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse n’était entachée d’aucune illégalité en ce qu’elle avait dénié la qualité de « partie intéressée » à M. Abdelmouine, au vu des arguments
et des éléments de preuve lui ayant été présentés par les requérants.
Appréciation de la Cour
52 Par leur troisième moyen, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir entaché d’erreurs de droit son contrôle de la légalité de la décision litigieuse, en ce que la Commission y a dénié à M. Abdelmouine la qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. En substance, cette juridiction aurait, d’une part, procédé à ce contrôle au regard d’une interprétation juridiquement erronée de cette notion. Sur cette base, ladite juridiction aurait, d’autre part,
commis des erreurs de qualification juridique et d’appréciation des faits en jugeant que la Commission avait conclu à juste titre que M. Abdelmouine n’avait pas établi les raisons pour lesquelles il devait être regardé comme étant une telle partie intéressée.
53 À cet égard, il convient, en premier lieu, de rappeler, tout d’abord, que l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, qui codifie la jurisprudence de la Cour relative à la notion d’« intéressé » visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, précise que la notion de « partie intéressée » inclut « tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises
concurrentes et les associations professionnelles » (arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 58 ainsi que jurisprudence citée).
54 Ensuite, ainsi que cela découle de l’article 24 dudit règlement, la qualité de « partie intéressée » permet à la personne qui se la voit reconnaître de bénéficier de certains droits procéduraux, lesquels incluent celui de déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide, celui de présenter des observations à la suite d’une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen et, dans le cas où cette
personne a présenté de telles observations, celui de recevoir une copie de la décision prise par la Commission à l’issue de la procédure.
55 Corrélativement, l’article 12, paragraphe 1, second alinéa, du même règlement fait obligation à la Commission, notamment, d’examiner sans retard indu toute plainte déposée par une partie intéressée conformément à son article 24, paragraphe 2.
56 Enfin, la mise en œuvre des dispositions prévoyant respectivement ces droits et cette obligation suppose, ainsi que cela ressort du considérant 33 du règlement 2015/1589, à la lumière duquel ces dispositions doivent être lues, que la personne qui a déposé une plainte à la Commission ait démontré, dans cette plainte, qu’elle est une partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), de ce règlement.
57 En deuxième lieu, il résulte du libellé clair de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 que cette notion de « partie intéressée » n’inclut pas seulement les États membres, le ou les bénéficiaires de l’aide présumée qui est mise en cause par la plainte, les entreprises concurrentes de ce ou de ces bénéficiaires ainsi que les associations professionnelles intéressées. En effet, au-delà de ces catégories déterminées de personnes morales ou physiques, ladite notion inclut aussi toute autre
personne dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi de cette aide.
58 Dans cette mesure, la notion de « partie intéressée » vise, ainsi que cela découle de la jurisprudence de la Cour, un ensemble indéterminé de destinataires, qui peut inclure toute personne faisant valoir que ses intérêts peuvent être affectés par l’octroi d’une aide présumée (arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 16, ainsi que du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, points 59 et 60), à condition, toutefois, que cette
personne démontre, à suffisance de droit, que les exigences requises pour qu’elle doive être considérée comme une « partie intéressée » sont remplies et, en particulier, que cette aide présumée risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 60 ainsi que jurisprudence citée).
59 À cette fin, la personne qui se prévaut, dans un cas donné, de la qualité de « partie intéressée » doit démontrer à suffisance de droit, premièrement, que c’est bien l’octroi de l’aide présumée, en tant que telle, qui peut affecter ses intérêts, à l’exclusion de tout autre comportement ou de toute autre mesure, en particulier de toute mesure juridiquement distincte qui peut avoir été adoptée par l’État membre octroyant cette aide, quand bien même une telle mesure serait liée, dans les faits, à
ladite aide. Ce n’est que dans le cas où certaines des modalités de mise en œuvre d’une telle aide sont à ce point indissociablement liées à l’objet de celle-ci qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément que ces modalités indissociables de mise en œuvre peuvent être invoquées afin de démontrer la qualité de « partie intéressée » de la personne en question (voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, points 81, 97 à 99, 103 et 106
ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 14 décembre 2023, CAPA e.a./Commission, C‑742/21 P, EU:C:2023:1000, points 40, 79, 93 et 95).
60 Deuxièmement, cette personne doit démontrer, à suffisance de droit, que ce sont bien « ses » intérêts, donc des intérêts qui lui sont personnels, que l’octroi de l’aide présumée peut affecter (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 64, et du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 60).
61 Cela étant, cette exigence n’exclut pas la possibilité, pour certains types de personnes morales, telles que celles constituées sous la forme de syndicats ou d’associations, de se prévaloir d’intérêts de nature catégorielle ou même générale, tels que la promotion ou la défense des intérêts des membres d’un syndicat de travailleurs dans le cadre de négociations collectives ou l’intérêt général consistant à ce qu’une infrastructure sportive soit exploitée dans des conditions économiques assurant
son accessibilité aux sportifs amateurs aussi bien qu’aux sportifs professionnels, pour autant que de tels intérêts relèvent de l’objet social de ces personnes morales et recoupent donc un intérêt personnel de celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, points 33, 45, 46, 52, 57 à 59, 65 et 104, ainsi que du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission, C‑647/19 P, EU:C:2021:666, points 59, 64, 66 et 67).
62 Troisièmement, comme Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 72 et 74 de ses conclusions, la personne en question doit démontrer, à suffisance de droit, que l’octroi de l’aide présumée a effectivement ou, à tout le moins, risque potentiellement d’avoir une incidence concrète sur ses intérêts (arrêts du 7 avril 2022, Solar Ileias Bompaina/Commission, C‑429/20 P, EU:C:2022:282, point 35, et du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 60), en mettant en évidence
tant cette incidence effective ou potentielle elle-même que le lien de causalité qu’elle entretient avec l’octroi de l’aide en cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2022, Solar Ileias Bompaina/Commission, C‑429/20 P, EU:C:2022:282, point 43).
63 En troisième lieu, en l’espèce, il convient de rappeler que, aux points 22 à 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission avait estimé à juste titre, dans la décision litigieuse, que les différents intérêts invoqués par les requérants en vue de démontrer que M. Abdelmouine devait être considéré, en sa qualité de socio du FCB, comme étant une « partie intéressée » au regard de l’aide présumée qui est visée dans sa plainte n’étaient pas établis, pour certains, et
revêtaient un caractère « purement général ou indirect », pour les autres.
64 Cette conclusion du Tribunal repose sur quatre séries de motifs. En effet, aux points 29 à 31 de l’arrêt attaqué, cette juridiction a estimé, en réponse à un premier argument des requérants, que les éléments de preuve présentés par ceux-ci ne démontraient pas qu’un socio du FCB, tel que M. Abdelmouine, peut voir sa responsabilité financière engagée en cas de pertes de ce club et détient, à ce titre, un intérêt patrimonial direct à la préservation de la situation financière de ce dernier. Aux
points 32 à 34 de cet arrêt, ladite juridiction a considéré, en réponse à un deuxième argument des requérants, que l’intérêt général tenant à la défense d’un sport tel que le football et de ses valeurs ne pouvait pas valablement être invoqué par une personne physique telle que M. Abdelmouine en vue de démontrer qu’il est une « partie intéressée ». Aux points 35 à 38 dudit arrêt, le Tribunal a rejeté comme irrecevable, en raison de son caractère insuffisamment clair et précis, un troisième
argument des requérants, tiré, en substance, d’un intérêt de M. Abdelmouine à la défense de ses droits moraux et de son droit à la liberté d’association. Aux points 39 à 45 du même arrêt, il a écarté un quatrième argument des requérants, relatif à l’intérêt de M. Abdelmouine à conserver les différents droits détenus par celui-ci en sa qualité de socio du FCB.
65 Or, ainsi qu’il ressort de leur argumentation devant la Cour, telle qu’elle est synthétisée aux points 41 à 48 du présent arrêt, les requérants ne contestent pas le rejet comme irrecevable, par le Tribunal, de leur troisième argument. En effet, ils se limitent, sur ce point, à faire état, dans leur pourvoi, de considérations factuelles et juridiques relatives aux droits et aux obligations qui seraient détenus par des entités telles que PBL et par des socios tels que M. Abdelmouine, ces
considérations de fond attestant, selon eux, de ce que leurs intérêts et leur situation peuvent être affectés par l’octroi d’une aide présumée telle que celle visée par la plainte faisant l’objet de la décision litigieuse. Partant, le rejet comme irrecevable de ce troisième argument doit être regardé comme étant définitif.
66 S’agissant des motifs de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal s’est prononcé sur le bien-fondé de leurs premier, deuxième et quatrième arguments, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, ainsi qu’il ressort du point 28 du présent arrêt, un requérant est irrecevable, dans le cadre d’un pourvoi, à demander à la Cour d’apprécier les faits et les éléments de preuve ainsi qu’à remettre en cause l’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve par le Tribunal, à moins d’invoquer
l’existence d’une dénaturation de ceux-ci.
67 En l’espèce, en ce qui concerne le premier argument des requérants, il s’ensuit que ceux-ci, qui n’invoquent pas l’existence d’une dénaturation des éléments de preuve présentés à l’appui de leur recours, sont irrecevables à contester les appréciations du Tribunal figurant aux points 29 à 31 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles les éléments de preuve auxquels il est fait référence à ces points ne démontrent pas qu’un socio du FCB, tel que M. Abdelmouine, peut voir sa responsabilité financière
engagée en cas de pertes de ce club et détient, à ce titre, un intérêt patrimonial direct à la préservation de la situation financière de ce dernier. Pour ce même motif, les requérants sont également irrecevables à demander à la Cour de porter une appréciation sur d’autres éléments de preuve, tels que certaines stipulations des statuts du FCB faisant ressortir, selon eux, l’existence d’un ensemble d’autres intérêts moraux, patrimoniaux ou économiques directs dont les socios de ce club seraient
détenteurs.
68 D’autre part, dès lors que le Tribunal a constaté les faits et apprécié ceux-ci ainsi que les éléments de preuve qui lui ont été soumis, un requérant est recevable à contester, dans le cadre d’un pourvoi, la qualification juridique de ces faits retenue par cette juridiction et les conséquences de droit qui ont été tirées de celle-ci (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 23, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P,
EU:C:2011:698, point 57).
69 En l’espèce, il convient de relever, en ce qui concerne le deuxième argument des requérants, que, contrairement à ce que ceux-ci font valoir, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant en substance, aux points 32 à 34 de l’arrêt attaqué, que l’intérêt général tenant à la défense d’un sport tel que le football et de ses valeurs ne peut pas être valablement invoqué par une personne physique telle que M. Abdelmouine en vue de démontrer qu’il est une « partie intéressée ».
70 En effet, ainsi que cela découle du libellé clair de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 et de la jurisprudence constante rappelée aux points 58 et 60 du présent arrêt, c’est exclusivement parce que, et dans la mesure où, l’octroi d’une aide peut affecter une personne dans « ses » intérêts, donc dans des intérêts qui lui sont personnels, par opposition aux intérêts d’autres personnes et à plus forte raison à des intérêts généraux, que cette personne doit être qualifiée de « partie
intéressée » au sens de cette disposition. C’est, ainsi, exclusivement parce que, et dans la mesure où, l’octroi de certaines aides pouvait affecter des intérêts catégoriels ou un intérêt général que certaines personnes morales avaient pour objet social de défendre, et, par conséquent, parce que, et dans la mesure où, ces intérêts catégoriels ou cet intérêt général recoupaient l’intérêt personnel de ces personnes morales qu’il a été admis que celles-ci puissent invoquer de tels intérêts en vue de
se voir reconnaître la qualité de « partie intéressée », comme cela ressort de la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 61 de cet arrêt.
71 En ce qui concerne, enfin, le quatrième argument des requérants, c’est, en revanche, à juste titre que ceux-ci font valoir que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 et commis une erreur de qualification juridique des faits, aux points 44 et 45 de l’arrêt attaqué, en jugeant en substance que, pour démontrer que ses intérêts peuvent être affectés par l’octroi d’une aide et qu’elle est par conséquent une « partie intéressée », une personne doit
prouver que l’octroi de cette aide a une incidence directe sur ses intérêts, puis en considérant que les requérants ne rapportaient pas cette preuve puisqu’ils se limitaient à faire état des conséquences indirectes que l’octroi de l’aide visée par la plainte déposée par M. Abdelmouine pouvait avoir sur les intérêts de celui-ci.
72 En effet, ainsi que cela résulte de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 62 du présent arrêt, il est à la fois nécessaire et suffisant que la personne qui cherche à se voir qualifier de « partie intéressée » démontre, à suffisance de droit, que l’octroi de l’aide visée par sa plainte a effectivement ou, à tout le moins, risque potentiellement d’avoir une incidence concrète sur ses intérêts, en mettant en évidence tant cette incidence effective ou potentielle elle-même que le lien de
causalité qu’elle entretient avec l’octroi de cette aide. Or, cette démonstration peut notamment être effectuée en rapportant la preuve de l’incidence concrète que ladite aide a ou risque d’avoir, directement ou indirectement, du fait d’un enchaînement d’événements liés qui se sont déjà matérialisés ou qui sont appelés à se matérialiser de façon suffisamment prévisible et certaine.
73 Néanmoins, ces erreurs de droit ne sont pas susceptibles d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué dès lors que le Tribunal a estimé, en parallèle, au point 45 de cet arrêt, que les éléments invoqués par les requérants à l’appui de leur quatrième argument présentaient, en outre, un caractère incertain et ne permettaient donc pas d’établir que l’octroi de l’aide présumée visée par la plainte déposée par M. Abdelmouine risquait d’avoir une incidence concrète sur les intérêts de celui-ci,
appréciations qui sont exemptes d’erreurs de droit au regard de la jurisprudence visée au point précédent du présent arrêt et qui, comme cela résulte des points 28 et 66 de cet arrêt, ne peuvent pas être remises en cause dans le cadre d’un pourvoi.
74 Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
75 Par leur quatrième moyen, qui vise les points 48 à 53 de l’arrêt attaqué, les requérants critiquent le rejet, par le Tribunal, de la seconde branche de leur moyen d’annulation tiré de la violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.
76 En substance, ils reprochent au Tribunal d’avoir écarté cette branche au motif que celle-ci était inopérante en ce qu’elle portait sur un aspect « accessoire » de la décision litigieuse et, par conséquent, de ne pas avoir examiné au fond leur argumentation détaillée selon laquelle les personnes qui, comme M. Abdelmouine, ont la qualité très particulière de socio d’un club de football professionnel ayant opté pour un modèle associatif à but non lucratif, à l’instar du FCB, ne se trouvent pas dans
une situation comparable à celle d’un actionnaire de société et ne doivent donc pas être considérées, par analogie avec une telle situation, comme ne pouvant pas être affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide telle que celle qui a été accordée en l’espèce au PSG.
77 La Commission fait valoir que le Tribunal a constaté à juste titre le caractère inopérant de la seconde branche du moyen d’annulation des requérants et que, par conséquent, cette juridiction ne peut pas être critiquée au motif qu’elle n’a pas examiné au fond cette branche.
Appréciation de la Cour
78 Il convient de relever, d’emblée, que les appréciations de fait du Tribunal visées aux points 67, 69 et 73 du présent arrêt et les conséquences de droit qui en ont été tirées par cette juridiction quant au caractère non-fondé de la première branche du moyen d’annulation des requérants, pris de la violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, suffisent à fonder, à elles seules, l’arrêt attaqué en ce que celui-ci a rejeté comme étant non fondé le recours introduit par ces derniers.
79 En effet, ces considérations de fait et de droit justifient de retenir que M. Abdelmouine ne peut pas être regardé comme étant une « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, faute pour les requérants d’avoir établi, de façon suffisamment certaine, que l’aide visée par sa plainte pouvait affecter les intérêts qu’il est susceptible de détenir en sa qualité de socio du FCB. En outre, lesdites considérations ne sont pas susceptibles d’être remises en cause par
les considérations distinctes et indépendantes que le Tribunal et, avant lui, la Commission, ont consacrées à une éventuelle analogie ou absence d’analogie entre la situation d’un socio tel que M. Abdelmouine et celle d’un actionnaire de société.
80 Par conséquent, le quatrième moyen porte sur des éléments de la motivation de l’arrêt attaqué qui, même à les supposer entachés d’une erreur de droit, sont surabondants, comme Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, au point 96 de ses conclusions.
81 Dès lors, ce quatrième moyen doit être écarté comme étant inopérant.
Sur le cinquième moyen
Argumentation des parties
82 Par leur cinquième moyen, qui vise les points 54 à 57 de l’arrêt attaqué, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir écarté les éléments de preuve qu’ils lui avaient soumis le jour de l’audience de plaidoiries, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure de cette juridiction, au motif que ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient recevables, étaient, en tout état de cause, dépourvus de pertinence.
83 À cet égard, ils observent, d’une part, que la pertinence de ces éléments de preuve est démontrée par le fait que ceux-ci ont fait l’objet d’échanges nourris lors de cette audience.
84 D’autre part, l’examen desdits éléments de preuve ferait apparaître, lui aussi, que ceux-ci étaient pertinents en ce qui concerne, en particulier, la recevabilité et le bien-fondé du recours que les requérants avaient introduit devant le Tribunal. En effet, ils démontreraient que, lorsque la Commission a adopté la décision litigieuse, elle avait connaissance du fait que PBL s’était associée, en temps utile, à la plainte déposée par M. Abdelmouine. En outre, ils établiraient l’incidence concrète
que l’aide d’État dénoncée par M. Abdelmouine risquait d’avoir sur la situation juridique, économique, financière et concurrentielle du FCB ainsi que la façon dont cette aide pouvait affecter les intérêts de M. Abdelmouine et ceux de PBL.
85 La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de cette argumentation.
Appréciation de la Cour
86 Force est de constater que le présent moyen porte, à l’instar de la première branche du premier moyen, dont il reprend d’ailleurs en partie le contenu, sur l’appréciation portée par le Tribunal sur la pertinence de certains éléments de preuve produits par les requérants.
87 Comme tel, ce moyen doit, pour des motifs analogues à ceux figurant aux points 28 à 31 du présent arrêt, être rejeté comme étant irrecevable.
Sur le sixième moyen
Argumentation des parties
88 Dans le cadre de leur sixième moyen, les requérants font valoir, en substance, en premier lieu, qu’une des personnes ayant participé à l’élaboration de leur recours a intégré l’équipe du membre du Tribunal qui a exercé la fonction de juge rapporteur de l’affaire à l’origine de l’arrêt attaqué, avant ou immédiatement après le prononcé de cet arrêt.
89 En second lieu, ils soutiennent que cette situation doit être considérée comme étant constitutive d’un conflit d’intérêts irréfragable et entachant d’illégalité la procédure ayant précédé ledit arrêt.
90 La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de cette argumentation.
Appréciation de la Cour
91 Il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du
3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 46, ainsi que ordonnance du 20 juillet 2016, Staelen/Médiateur, C‑338/15 P, EU:C:2016:599, point 15).
92 Ne répond pas à ces exigences et doit donc être déclaré irrecevable un moyen dont le contenu n’est pas suffisamment clair et précis pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels ce moyen est fondé ne ressortent pas de façon suffisamment claire et précise du pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 30, ainsi que ordonnance du 20 juillet 2016,
Staelen/Médiateur, C‑338/15 P, EU:C:2016:599, point 16).
93 Or, en l’espèce, le moyen ne répond manifestement pas auxdites exigences.
94 En effet, s’agissant des éléments de fait essentiels sur lesquels ce moyen est fondé, le pourvoi se limite à affirmer, de manière vague et sans être appuyé par le moindre élément de preuve, qu’« [i]l apparaît que l’une des personnes ayant participé à l’élaboration du recours, a intégré l’équipe [du membre du Tribunal qui a exercé la fonction de juge rapporteur de l’affaire], avant ou dans l’immédiate suite » du prononcé de l’arrêt attaqué.
95 Ce faisant, le pourvoi ne précise et, à plus forte raison, n’établit ni l’identité de la personne concernée ni à quel titre et dans quelle mesure celle-ci aurait participé à l’élaboration du recours, informations qui peuvent pourtant être raisonnablement considérées comme étant à la disposition de l’avocat qui a introduit, et a donc a priori élaboré, ce recours et qui représente désormais les requérants devant la Cour. Quant à l’affirmation selon laquelle cette personne aurait intégré, « avant ou
dans l’immédiate suite » du prononcé de l’arrêt attaqué, l’équipe du juge rapporteur, elle revêt, elle aussi, un caractère très imprécis.
96 Dans ces circonstances, en l’absence de toute information permettant de comprendre, de façon claire et précise, la situation factuelle qui est alléguée, comme de tout élément de preuve permettant d’en établir la véracité, les requérants ne mettent pas la Cour en position d’exercer un quelconque contrôle à cet égard et, à plus forte raison, de se prononcer sur les éventuelles conséquences de droit à en tirer, alors que leurs allégations, si elles étaient avérées, attesteraient de l’existence d’une
situation factuelle soulevant des questions juridiques certaines et sérieuses.
97 Dès lors, le sixième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.
Sur les dépens
98 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
99 En l’espèce, les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (PBL) et M. Issam Abdelmouine sont condamnés aux dépens.
Prechal
Biltgen
Wahl
Passer
Arastey Sahún
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 septembre 2024.
Le greffier
A. Calot Escobar
La présidente de chambre
A. Prechal
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le français.