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11/04/2024 | CJUE | N°C-6/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, X contre Agrárminiszter., 11/04/2024, C-6/23


 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

11 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Politique agricole commune (PAC) – Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Applicabilité ratione materiae – Applicabilité ratione temporis – Règlement (CE) no 1698/2005 – Article 22 – Aide à l’installation de jeunes agriculteurs – Article 71 – Éligibilité – Conditions d’octroi – Réglementation d’un État membre prévoyant l’obligation de poursuivre l’activité agricole à titre principal, cont

inuellement et en tant qu’entrepreneur indépendant –
Conditions d’éligibilité supplémentaire – Règlement (UE) no 1306/2013 – A...

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

11 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Politique agricole commune (PAC) – Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Applicabilité ratione materiae – Applicabilité ratione temporis – Règlement (CE) no 1698/2005 – Article 22 – Aide à l’installation de jeunes agriculteurs – Article 71 – Éligibilité – Conditions d’octroi – Réglementation d’un État membre prévoyant l’obligation de poursuivre l’activité agricole à titre principal, continuellement et en tant qu’entrepreneur indépendant –
Conditions d’éligibilité supplémentaire – Règlement (UE) no 1306/2013 – Article 63 – Règlement délégué (UE) no 640/2014 – Article 35 – Critère d’admissibilité – Engagement »

Dans l’affaire C‑6/23 [Baramlay] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 13 décembre 2022, parvenue à la Cour le 2 janvier 2023, dans la procédure

X

contre

Agrárminiszter,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Piçarra, président de chambre, MM. N. Jääskinen et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme R. Kissné Berta, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes J. Aquilina, A. C. Becker et Zs. Teleki, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 64, paragraphes 1, 2 et 4, de l’article 77, paragraphes 1, 2 et 4, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), ainsi que de
l’article 50, paragraphe 3, du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant X à l’Agrárminiszter (ministre de l’Agriculture, Hongrie) au sujet de l’obligation de restituer la totalité d’une aide à l’installation de jeunes agriculteurs dont X a bénéficié.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 1698/2005

3 Le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1), a été abrogé par le règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 487).
Toutefois, en vertu de l’article 88 du règlement no 1305/2013, le règlement no 1698/2005 continuait à s’appliquer aux opérations mises en œuvre en application des programmes que la Commission européenne avait approuvés en vertu de ce règlement avant le 1er janvier 2014.

4 Le considérant 61 du règlement no 1698/2005 énonçait :

« Il convient, conformément au principe de subsidiarité, que, sous réserve d’exceptions, les règles nationales pertinentes régissent l’éligibilité des dépenses. »

5 L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application », disposait :

« 1.   Le présent règlement établit les règles générales pour le soutien communautaire en faveur du développement rural financé par le [Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader)] [...]

2.   Il définit les objectifs auxquels la politique de développement rural doit contribuer.

[...]

4.   Il définit les priorités et les mesures de développement rural.

[...] »

6 L’article 2, sous c) et d), dudit règlement contenait les définitions suivantes :

« c) “axe” : un groupe cohérent de mesures ayant des objectifs spécifiques, résultant directement de leur mise en œuvre et contribuant à la réalisation d’un ou plusieurs objectifs définis à l’article 4 ;

d) “mesure” : un ensemble d’opérations contribuant à la mise en œuvre d’un axe [...] »

7 L’article 15 du même règlement, intitulé « Programmes de développement rural », était libellé comme suit :

« 1.   Le Feader intervient dans les États membres dans le cadre de programmes de développement rural. Ces programmes mettent en œuvre une stratégie de développement rural par le biais d’une série de mesures regroupées conformément aux axes définis au titre IV. Cette stratégie est menée à bien en faisant appel au Feader.

Chaque programme de développement rural couvre une période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2013.

2.   L’État membre peut présenter soit un programme unique couvrant tout son territoire, soit une série de programmes régionaux.

3.   Les États membres ayant opté pour les programmes régionaux peuvent aussi présenter pour approbation un cadre national contenant les éléments communs de ces programmes. »

8 L’article 16, sous c), du règlement no 1698/2005, intitulé « Contenu des programmes », disposait :

« Tout programme de développement rural comporte :

[...]

c) des informations sur les axes et les mesures proposées pour chaque axe ainsi que leur description [...] »

9 L’article 18 de ce règlement, intitulé « Élaboration et approbation », prévoyait :

« 1.   Tout programme de développement rural est établi par l’État membre à l’issue d’une concertation étroite avec les partenaires visés à l’article 6.

2.   L’État membre soumet à la Commission pour chaque programme de développement rural une proposition comportant les éléments mentionnés à l’article 16.

3.   La Commission évalue les programmes proposés en fonction de leur cohérence avec les orientations stratégiques de la Communauté [européenne] et le plan stratégique national ainsi qu’avec le présent règlement.

Lorsque la Commission considère qu’un programme de développement rural ne correspond pas aux orientations stratégiques de la Communauté, au plan stratégique national ou au présent règlement, elle invite l’État membre à revoir le programme proposé en conséquence.

4.   Chaque programme de développement rural est approuvé conformément à la procédure visée à l’article 90, paragraphe 2. »

10 L’article 20 dudit règlement, intitulé « Mesures », était libellé comme suit :

« L’aide en faveur de la compétitivité des secteurs agricole et forestier concerne :

a) des mesures visant à améliorer les connaissances et à renforcer le potentiel humain par :

[...]

ii) l’installation de jeunes agriculteurs,

[...] »

11 L’article 22 du même règlement, intitulé « Installation de jeunes agriculteurs », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« L’aide prévue à l’article 20, point a), ii), est accordée aux personnes qui :

a) sont âgées de moins de 40 ans et s’installent pour la première fois dans une exploitation agricole comme chef d’exploitation ;

b) possèdent les compétences et les qualifications professionnelles suffisantes ;

c) présentent un plan de développement pour leurs activités agricoles. »

12 L’article 71 du règlement no 1698/2005, intitulé « Éligibilité des dépenses », disposait :

« 1.   Sans préjudice des dispositions de l’article 39, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1290/2005 [du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1)], une dépense est éligible pour la participation du Feader si l’aide y afférente est effectivement payée par l’organisme payeur entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2015. Les opérations cofinancées ne devraient pas être achevées avant la date de début d’éligibilité.

[...]

2.   Les dépenses ne sont éligibles pour la participation du Feader que si elles sont effectuées pour des opérations décidées par l’autorité de gestion du programme concerné ou sous sa responsabilité, selon les critères de sélection fixés par l’organe compétent.

3.   Les règles d’éligibilité des dépenses sont fixées au niveau national, sous réserve des conditions particulières établies au titre du présent règlement pour certaines mesures de développement rural.

[...] »

Le règlement (CE) no 1974/2006

13 Le règlement (CE) no 1974/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2006, L 368, p. 15), a été abrogé par le règlement délégué (UE) no 807/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif au soutien au développement rural par le
Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et introduisant des dispositions transitoires (JO 2014, L 227, p. 1). Toutefois, en vertu de l’article 19 du règlement délégué no 807/2014, le règlement no 1974/2006 restait applicable aux opérations mises en œuvre en application des programmes que la Commission avait approuvés en vertu du règlement no 1698/2005 avant le 1er janvier 2014.

14 L’annexe II, titre A, point 5, du règlement no 1974/2006, qui, dans la ligne de ce que prévoyait l’article 16, sous c), du règlement no 1698/2005, énumérait les informations devant figurer dans les programmes de développement rural, contenait notamment les précisions suivantes :

« 5.3. Informations requises pour les axes et mesures

[...]

5.3.1.1.2. Installation de jeunes agriculteurs

– Définition de la notion d’“installation“” utilisée par l’État membre ou la région.

[...] »

Le règlement no 1306/2013

15 L’article 56 du règlement no 1306/2013, intitulé « Dispositions spécifiques au Feader », dispose, à son premier alinéa :

« Les États membres effectuent les redressements financiers résultant des irrégularités ou des négligences détectées dans les opérations ou les programmes de développement rural par la suppression totale ou partielle du financement de l’Union concerné. Les États membres prennent en considération la nature et la gravité des irrégularités constatées, ainsi que le niveau de la perte financière pour le Feader. »

16 L’article 63 de ce règlement, intitulé « Paiements indus et sanctions administratives », prévoit :

« 1.   Lorsqu’il est constaté qu’un bénéficiaire ne respecte pas les critères d’admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d’octroi de l’aide ou du soutien prévus par la législation agricole sectorielle, l’aide n’est pas payée ou est retirée en totalité ou en partie et, le cas échéant, les droits au paiement correspondants visés à l’article 21 du règlement [no 1307/2013] ne sont pas alloués ou sont retirés.

2.   De surcroît, lorsque la législation agricole sectorielle le prévoit, les États membres imposent également des sanctions administratives, conformément aux règles énoncées aux articles 64 et 77, et sans préjudice des dispositions du titre VI, articles 91 à 101.

[...] »

17 L’article 64 dudit règlement, intitulé « Application de sanctions administratives », est libellé comme suit :

« 1.   En ce qui concerne les sanctions administratives visées à l’article 63, paragraphe 2, le présent article s’applique en cas de non-respect des critères d’admissibilité, des engagements ou des autres obligations découlant de l’application de la législation agricole sectorielle, à l’exception des cas visés au présent titre, chapitre II, articles 67 à 78, et au titre VI, articles 91 à 101, et de ceux passibles des sanctions prévues à l’article 89, paragraphes 3 et 4.

2.   Il n’est imposé aucune sanction administrative :

[...]

e) lorsque le non-respect est d’ordre mineur, y compris lorsqu’il est exprimé sous la forme d’un seuil que la Commission fixe conformément au paragraphe 7, point b) ;

[...]

4.   Les sanctions administratives peuvent revêtir l’une des formes suivantes :

a) une réduction du montant de l’aide ou du soutien à verser au titre de la demande d’aide ou de paiement concernée par le non-respect, ou de demandes ultérieures ; s’agissant du soutien au développement rural, cela s’entend sans préjudice de la possibilité de suspendre le soutien lorsque l’on peut s’attendre à ce que le bénéficiaire remédie au non-respect dans un délai raisonnable ;

b) le paiement d’un montant calculé sur la base de la quantité et/ou de la période concernées par le non-respect ;

c) la suspension ou le retrait d’une autorisation, d’une reconnaissance ou d’un agrément ;

d) l’exclusion du droit de participer au régime d’aide, à la mesure de soutien ou à une autre mesure concernés ou de bénéficier de ceux-ci.

5.   Les sanctions administratives, qui sont proportionnées et progressives en fonction de la gravité, de l’étendue, de la durée et de la répétition du non-respect constaté, s’inscrivent dans les limites suivantes :

a) le montant de la sanction administrative visée au paragraphe 4, point a), ne dépasse pas 200 % du montant de la demande d’aide ou de paiement ;

b) s’agissant du développement rural et nonobstant le point a), le montant de la sanction administrative visée au paragraphe 4, point a), ne dépasse pas 100 % du montant admissible ;

c) le montant de la sanction administrative visée au paragraphe 4, point b), ne dépasse pas un montant comparable au pourcentage indiqué au point a) ;

[...] »

18 L’article 77 du règlement no 1306/2013, intitulé « Application de sanctions administratives », prévoit de telles sanctions en cas de non-respect des critères d’admissibilité, obligations ou autres engagements découlant de l’application des règles relatives à l’un de ces soutiens.

Le règlement délégué (UE) no 640/2014

19 Le règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48, et rectificatif JO 2015, L 209, p. 48), prévoit, à son article 35, intitulé
« Non-conformité avec les critères d’admissibilité autres que la taille de la surface ou le nombre d’animaux, les engagements ou d’autres obligations » :

« 1.   L’aide demandée est refusée ou retirée en totalité lorsque les critères d’admissibilité ne sont pas respectés.

2.   L’aide demandée est refusée ou est retirée en tout ou partie lorsque les engagements ou les autres obligations ci-dessous ne sont pas respectés :

a) les engagements formulés dans le programme de développement rural ; ou

b) le cas échéant, d’autres obligations liées à l’opération établies par le droit national ou la législation de l’Union ou formulées dans le programme de développement rural, en particulier en ce qui concerne les marchés publics, les aides d’État et d’autres normes et exigences obligatoires.

3.   Lorsqu’il détermine le taux de refus ou de retrait de l’aide après avoir constaté un cas de non-conformité avec les engagements ou d’autres obligations visées au paragraphe 2, l’État membre tient compte de la gravité, de l’étendue, de la durée et de la répétition du cas de non-conformité en ce qui concerne les conditions applicables à l’aide visées au paragraphe 2.

La gravité du cas de non-conformité dépend en particulier de l’ampleur des conséquences qu’il entraîne eu égard à la finalité des engagements ou des obligations non respectés.

L’étendue du cas de non-conformité dépend en particulier de son effet sur l’ensemble de l’opération.

La durée dépend en particulier de la période de temps pendant laquelle les effets perdurent ou de la possibilité d’y mettre un terme par la mobilisation de moyens raisonnables.

La répétition dépend de la constatation éventuelle, au cours des quatre dernières années ou tout au long de la période de programmation 2014–2020, de cas de non-conformité similaires, constatés pour un même bénéficiaire et pour une mesure ou un type d’opération identique ou en ce qui concerne la période de programmation 2007-2013, pour une mesure similaire.

[...] »

Le droit hongrois

20 L’article 56/C, paragraphe 6, de l’a mezőgazdasági, agrár-vidékfejlesztési, valamint halászati támogatásokhoz és egyéb intézkedésekhez kapcsolódó eljárás egyes kérdéseiről szóló 2007. évi XVII. törvény (loi no XVII de 2007 sur certains aspects de la procédure relative aux soutiens à l’agriculture, au développement rural et à la pêche ainsi qu’à d’autres mesures) prévoit :

« Dans la procédure devant l’organisme de soutien à l’agriculture et au développement rural, sous réserve des dispositions de l’article 56/B, il n’y a aucune possibilité d’exempter l’intéressé de son obligation ou de la réduire (bénéfice indu de la mesure, intérêts, indemnités de retard). »

21 L’article 3, paragraphe 1, de l’az Európai Mezőgazdasági Vidékfejlesztési Alapból a fiatal mezőgazdasági termelők indulásához a 2015. évben igényelhető támogatások részletes feltételeiről szóló 24/2015. (IV. 28.) MvM rendelet (Jogcímrendelet) [décret 24/2015 (IV. 28.) du ministre chargé de la direction du cabinet du premier ministre relatif aux conditions détaillées du soutien du Fonds européen agricole pour le développement rural pour l’installation de jeunes agriculteurs auquel il peut être
fait appel en 2015 (décret-titre) (ci-après le « décret 24/2015 »)] dispose :

« Peut demander une aide la personne physique qui :

a) est âgée de plus de 18 ans mais de moins de 40 ans au moment de l’introduction de la demande d’aide ;

b) dispose, lors de l’introduction de la demande d’aide :

ba) d’au moins l’une des qualifications professionnelles définies à l’annexe 1,

bb) d’au moins un des diplômes obtenus dans le cadre de la formation définie à l’annexe 2, ou

bc) d’un certificat ou un diplôme obtenu à l’étranger, reconnu ou homologué en vertu de la loi sur la reconnaissance des certificats et diplômes étrangers, attestant d’une qualification professionnelle ou d’un diplôme au sens du point ba) ou bb) ;

c) introduit un plan d’affaires pour le développement de son activité agricole, la fiche [de contribution à la marge standard] qui en fait partie et un plan financier auprès du [Mezőgazdasági és Vidékfejlesztési Hivatal (Office de l’agriculture et du développement rural, Hongrie)] [...], et

d) s’engage à créer une exploitation pour la première fois et à la gérer en tant que gérant de l’exploitation, quelle que soit la période d’exploitation. »

22 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ce décret :

« L’intéressé est tenu de

a) gérer l’exploitation avec une participation personnelle ;

b) exercer de manière continue, à titre d’activité principale, une activité de production agricole en tant qu’entrepreneur indépendant à partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de l’aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation ;

[...] »

23 L’article 11, paragraphe 1, dudit décret prévoit :

« Si le [Magyar Államkincstár (Trésor public hongrois)] établit, dans le cadre d’un contrôle, que le bénéficiaire ne respecte pas les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous a) ou b), le droit établi en relation avec la participation à la mesure est supprimé et la totalité de l’aide reçue est qualifiée d’indûment perçue. »

24 L’article 13 du même décret est libellé comme suit :

« Le présent décret fixe certaines dispositions nécessaires à la mise en œuvre du règlement [no 1698/2005]. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25 Le 1er juin 2015, X a introduit, sur le fondement du décret 24/2015, une demande d’aide à l’installation de jeunes agriculteurs au titre du Feader auprès de l’Office de l’agriculture et du développement rural, prédécesseur du Trésor public hongrois pour le traitement de telles demandes.

26 Dans sa demande, conformément aux exigences prévues à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4, paragraphe 1, du décret 24/2015, X s’engageait à créer une nouvelle exploitation agricole, à gérer en personne cette exploitation ainsi qu’à exercer une activité de production agricole à titre principal et en tant qu’entrepreneur indépendant à partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de l’aide, soit le 20 octobre 2015, et ce jusqu’à la fin de la période
d’exploitation, soit le 31 décembre 2020.

27 Sur la base de cette demande, le montant de l’aide accordée à X a été fixé à montant correspondant à 40000 euros et, ensuite, en réponse à la demande de paiement de 90 % de ce montant, une aide de 11359440 forints hongrois (HUF) (36000 euros) lui a été versée.

28 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que cette aide à l’installation de jeunes agriculteurs a été accordée au titre du programme de développement rural de la Hongrie pour la période de programmation 2007-2013 et que ce programme avait été approuvé par la Commission le 19 septembre 2007.

29 Le 28 août 2020, X a présenté une demande de paiement des 10 % restants du montant de l’aide accordée.

30 Cette demande a été rejetée par une décision du Trésor public hongrois qui a également réclamé le remboursement du montant de 11359440 HUF (36000 euros) versé en 2015, au motif que celui-ci a été indûment perçu par X.

31 Dans sa décision, le Trésor public hongrois relevait que X n’avait pas exercé une activité agricole à titre principal pendant toute la durée au titre de laquelle l’aide accordée était due, puisque, pour la période du 12 septembre 2017 au 7 mars 2018, une activité de photocopie et de reproduction était désignée comme étant l’activité principale de celui-ci au registre des entrepreneurs indépendants. Ainsi, le Trésor public hongrois a constaté que l’article 4, paragraphe 1, sous b), du
décret 24/2015 n’avait pas été respecté par X et que, par conséquent, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de ce décret, le droit établi en relation avec la participation de celui-ci à la mesure avait disparu, l’aide versée devant être considérée comme étant indue dans sa totalité.

32 Saisi d’une réclamation administrative déposée par X, le ministre de l’Agriculture a confirmé la décision du Trésor public hongrois.

33 Le recours juridictionnel par lequel X a demandé l’annulation de ces deux décisions administratives a été rejeté par la Debreceni Törvényszék (cour de Debrecen, Hongrie).

34 Dès lors, X a formé un pourvoi en révision devant la Kúria (Cour suprême, Hongrie), la juridiction de renvoi.

35 Cette juridiction considère que les dispositions du règlement no 1698/2005, abrogé au 1er janvier 2014, ne sont pas pertinentes pour la solution du litige dont elle est saisie, étant donné que la demande d’aide a été introduite par X au mois de juin 2015. Elle ajoute que l’exigence selon laquelle le demandeur doit poursuivre des activités de production agricole à titre principal, en tant qu’indépendant, jusqu’à la fin de la période d’exploitation, ne peut être considérée comme une exigence de
compétence ou de formation au sens de l’article 50, paragraphe 3, du règlement no 1307/2013, et en déduit que cette exigence ne peut être incluse parmi les conditions d’éligibilité.

36 Par ailleurs, selon la juridiction de renvoi, eu égard à la faible importance de l’irrégularité en cause au principal, une sanction réduite à 10 % pourrait être appliquée, qui serait déterminée en fonction de la période concernée par cette irrégularité, à savoir 176 jours sur un total de 5 ans.

37 Dans ces conditions, la Kúria (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Faut-il interpréter l’article 50, paragraphe 3, du règlement (UE) no 1307/2013 [...] en ce sens qu’il permet à un État membre d’exiger, comme condition d’admissibilité, que le bénéficiaire de l’aide exerce de manière continue son activité agricole à titre d’activité principale, en tant qu’entrepreneur indépendant, à partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de l’aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation ?

2) Si la réponse à cette question est négative, la condition ci-dessus doit-elle être interprétée comme un engagement du bénéficiaire ?

3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, faut-il interpréter l’article 64, paragraphe 1, et l’article 77, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1306/2013 [...] en ce sens que le non–respect de cet engagement peut donner lieu à l’application d’une sanction administrative dont le montant, compte tenu du principe de proportionnalité, doit être établi sur la base de l’article 64, paragraphe 4, sous b), et de l’article 77, paragraphe 4, sous b), [de ce règlement], c’est-à-dire, en
d’autres termes, que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu’est contraire auxdites dispositions une réglementation nationale qui prévoit le remboursement de la totalité de l’aide, sans tenir compte de la durée de la période concernée par le non–respect ?

4) Faut-il interpréter l’article 64, paragraphe 2, sous e), et l’article 77, paragraphe 2, sous e), [du règlement précité] en ce sens que relève notamment du cas de “non–respect d’ordre mineur” la situation dans laquelle le bénéficiaire de l’aide ne respecte pas l’exigence relative à l’exercice de l’activité agricole à titre d’activité principale pendant 176 jours au cours de la période de cinq ans qui fait l’objet de son engagement, sachant que, pendant toute cette période, la seule activité
qu’il a exercée et dont il a tiré des revenus est une activité agricole ? »

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

38 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le
juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 7 septembre 2023, Groenland Poultry, C‑169/22, EU:C:2023:638, point 47 et jurisprudence citée).

39 En l’occurrence, il convient d’observer que les questions posées visent, au regard des conditions d’éligibilité à une aide à l’installation de jeunes agriculteurs prévues par le droit national, les dispositions du règlement no 1307/2013 et, au regard du recouvrement du montant de cette aide pour non-respect des obligations imposées aux bénéficiaires d’une telle aide, les dispositions du règlement no 1306/2013.

40 Or, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, X a introduit une demande d’aide à l’installation de jeunes agriculteurs dont la source de financement était le Feader et cette aide a été accordée au titre d’un programme de développement rural national.

41 Dans ces conditions, les dispositions de la réglementation de l’Union relatives aux mesures de développement rural, à savoir celles du règlement no 1698/2005 ou celles du règlement no 1305/2013, sont susceptibles de s’appliquer ratione materiae au litige au principal.

42 À cet égard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs en cause au principal a été accordée au titre du programme de développement rural de la Hongrie pour la période de programmation 2007-2013 et que ce programme avait été approuvé par la Commission le 19 septembre 2007.

43 Or, en vertu de l’article 88 du règlement no 1305/2013, qui a abrogé le règlement no 1698/2005, ce dernier règlement continue à s’appliquer aux opérations mises en œuvre en application des programmes que la Commission approuve en vertu dudit règlement avant le 1er janvier 2014. De même, conformément à l’article 19 du règlement délégué no 807/2014, qui a abrogé le règlement no 1974/2006, ce dernier règlement reste applicable aux opérations mises en œuvre en application des programmes que la
Commission approuve en vertu du règlement no 1698/2005 avant le 1er janvier 2014.

44 Étant donné que, en l’espèce, il n’est pas contesté que la demande d’aide en cause au principal a été introduite au titre du décret 24/2015, dont l’article 13 énonce que celui-ci fixe certaines dispositions nécessaires à la mise en œuvre du règlement no 1698/2005, et qu’est en cause au principal l’obligation d’exercer une activité de production agricole à titre principal, et en tant qu’entrepreneur indépendant, à partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de
l’aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce décret, cette obligation et les circonstances de son non-respect doivent être appréciées au regard des dispositions de ce règlement et du règlement no 1974/2006 (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2024, Askos Properties, C‑656/22, EU:C:2024:56, point 39 et jurisprudence citée).

45 Cela étant, lorsque le recouvrement des sommes indûment versées dans le cadre d’un programme d’aide, approuvé et cofinancé par le Feader au titre de la période de programmation 2007-2013, intervient après la fin de cette période de programmation, à savoir après le 1er janvier 2014, ce recouvrement doit être fondé sur les dispositions du règlement no 1306/2013 (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2024, Askos Properties, C‑656/22, EU:C:2024:56, point 40 et jurisprudence citée).

Sur la première question

46 Eu égard à ces observations liminaires, il convient de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 22, paragraphe 1, et l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005 doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à un État membre d’imposer une condition d’éligibilité à une aide à l’installation de jeunes agriculteurs selon laquelle le bénéficiaire de cette aide est tenu d’exercer une activité de production agricole à titre principal, à
partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de ladite aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation de cette activité.

47 En vertu de l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005, les règles d’éligibilité des dépenses sont fixées au niveau national, sous réserve des conditions particulières établies au titre de ce règlement pour certaines mesures de développement rural.

48 Conformément à l’article 22, paragraphe 1, dudit règlement, l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs est accordée aux personnes qui sont âgées de moins de 40 ans, s’installent pour la première fois dans une exploitation agricole comme chef d’exploitation, possèdent les compétences et les qualifications professionnelles suffisantes et présentent un plan de développement pour leurs activités agricoles.

49 Il résulte d’une jurisprudence constante que les États membres peuvent adopter des mesures d’application d’un règlement s’ils n’entravent pas son applicabilité directe, s’ils ne dissimulent pas sa nature de droit de l’Union et s’ils précisent l’exercice de la marge d’appréciation qui leur est conférée par ce règlement tout en restant dans les limites de ses dispositions (arrêt du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 36 et jurisprudence citée).

50 C’est en se référant aux dispositions pertinentes du règlement en cause, interprétées à la lumière des objectifs de celui-ci, qu’il convient de déterminer si celles-ci interdisent, imposent ou permettent aux États membres d’arrêter certaines mesures d’application et, notamment dans cette dernière hypothèse, si la mesure concernée s’inscrit dans le cadre de la marge d’appréciation reconnue à chaque État membre (arrêt du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 37 et jurisprudence
citée).

51 Il ressort du considérant 61 et de l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005 que, si les règles d’éligibilité des dépenses sont, en règle générale, fixées au niveau national, tel n’est le cas que sous réserve des conditions particulières établies au titre de ce règlement pour certaines mesures de développement rural (arrêt du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 38).

52 L’aide à l’installation de jeunes agriculteurs constitue une telle mesure et les conditions d’éligibilité que pose l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement constituent des conditions particulières de cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 39).

53 Il en découle que les États membres sont libres d’établir des conditions supplémentaires d’éligibilité des dépenses effectuées dans le cadre de la mise en œuvre du règlement no 1698/2005, pour autant que ces conditions ne soient pas contraires à celles énoncées à l’article 22 de ce règlement ni à l’effet utile de celui-ci.

54 En ce qui concerne les objectifs poursuivis par ledit règlement, il y a lieu de rappeler que ce dernier vise, au moyen de l’aide concernée, à faciliter l’installation de jeunes agriculteurs et, une fois celle-ci intervenue, l’adaptation structurelle de l’exploitation, cela dans la perspective de renforcer le potentiel humain et d’améliorer la compétitivité des secteurs agricole et forestier et de contribuer de la sorte à assurer le développement durable des zones rurales (voir, en ce sens, arrêt
du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 40).

55 S’agissant du point de savoir si une condition d’éligibilité, telle que celle prévue par le décret 24/2015, exigeant que le bénéficiaire de l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs exerce une activité de production agricole à titre principal jusqu’à la fin de la période d’exploitation respecte le règlement no 1698/2005, il y a lieu d’indiquer qu’il ressort des articles 15, 16 et 18 de ce règlement que les États membres devaient établir eux-mêmes leurs programmes de développement rural
relatifs aux financements à mettre en place au titre dudit règlement et que seul un programme correspondant au même règlement était censé être approuvé par la Commission.

56 Dans ce cadre, il demeurait loisible aux États membres de notamment prévoir, aux fins d’octroi des aides financées par le Feader, des conditions d’éligibilité venant s’ajouter à celles qui résultaient des dispositions du règlement no 1698/2005, pour autant que, ce faisant, ils précisaient l’exercice de la marge d’appréciation qui leur était conférée par ce règlement tout en restant dans les limites de ses dispositions (arrêt du 15 mai 2014, Szatmári Malom, C‑135/13, EU:C:2014:327, point 60).

57 À cet égard, il importe de relever, d’une part, que l’article 22, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1698/2005 pose comme condition de l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs que l’intéressé s’installe « comme chef d’exploitation », exigeant en substance qu’il dispose de la maîtrise effective et durable tant de l’exploitation agricole que de la gestion de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 55).

58 D’autre part, l’annexe II, titre A, point 5.3.1.1.2, premier tiret, du règlement no 1974/2006 prévoit que, pour l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs, les programmes de développement rural établis par les États membres définissent la notion d’« installation » utilisée par l’État membre concerné ou la région concernée.

59 Force est de constater que ni ces dispositions ni les objectifs poursuivis par le règlement no 1698/2005 ne font obstacle à ce qu’une réglementation nationale établisse, comme condition d’éligibilité à l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs, l’exercice à titre principal par le bénéficiaire de cette aide d’une activité de production agricole jusqu’à la fin de la période d’exploitation de cette activité. Cette condition respecte en effet les limites tracées par lesdites dispositions, tout
en précisant les exigences en découlant.

60 Il y a lieu dès lors de considérer que relève de la marge d’appréciation que l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005 confère aux États membres l’imposition d’une telle condition d’éligibilité supplémentaire à l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs.

61 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 22, paragraphe 1, et l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005 doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à un État membre d’imposer une condition d’éligibilité à une aide à l’installation de jeunes agriculteurs selon laquelle le bénéficiaire de cette aide est tenu d’exercer une activité de production agricole à titre principal, à partir de la date d’introduction de la demande de
paiement de 90 % du montant de ladite aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation de cette activité.

Sur les deuxième et troisième questions

62 Eu égard aux observations liminaires formulées aux points 38 à 45 du présent arrêt, il convient de considérer que, par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande si l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 et l’article 35, paragraphes 1 à 3, du règlement délégué no 640/2014 doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, une condition d’éligibilité à l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs, prévue par la
réglementation d’un État membre, selon laquelle le bénéficiaire de cette aide est tenu d’exercer une activité de production agricole à titre principal, à partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de l’aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation de cette activité, constitue un « critère d’admissibilité » ou un « engagement », au sens de ces dispositions, et, d’autre part, lesdites dispositions s’opposent à ce que le non-respect de cette condition
implique le remboursement du montant total de l’aide par ce bénéficiaire, sans tenir compte de la durée de la période concernée par ce non-respect.

63 En vertu de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, lorsqu’il est constaté qu’un bénéficiaire ne respecte pas les critères d’admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d’octroi de l’aide ou du soutien prévus par la législation agricole sectorielle, l’aide n’est pas payée ou est retirée en totalité ou en partie et, le cas échéant, les droits au paiement correspondants visés à l’article 21 du règlement no 1307/2013 ne sont pas alloués ou sont
retirés.

64 L’article 35 du règlement délégué no 640/2014 prévoit, à son paragraphe 1, que l’aide demandée est refusée ou retirée en totalité lorsque les critères d’admissibilité à cette aide ne sont pas respectés et, à son paragraphe 3, que, lorsque l’État membre détermine le taux de refus ou de retrait de l’aide après avoir constaté un cas de non–conformité aux engagements ou à d’autres obligations visées au paragraphe 2 de cet article 35, il tient compte de la gravité, de l’étendue, de la durée et de la
répétition du cas de non-conformité en ce qui concerne les conditions applicables à l’aide visées à ce paragraphe 2.

65 Les notions de « critère d’admissibilité » et d’« engagement » ne sont définies ni par le règlement no 1306/2013 ni par le règlement délégué no 640/2014.

66 Or, il ressort du sens habituel de ces termes et du contexte dans lequel ils sont utilisés dans ces règlements que, dans le domaine du développement rural financé par le Feader, un « critère d’admissibilité » doit s’entendre comme étant une exigence préalable indispensable à la validité d’une demande d’aide, ce qui a pour conséquence que, si une telle exigence n’est pas remplie, la demande d’aide doit être rejetée, et qu’un « engagement » désigne la promesse faite par le demandeur de l’aide de
respecter, sous réserve de l’octroi de cette aide, une obligation, formulée dans le programme de développement rural, pendant la durée d’exécution du programme.

67 Les conséquences juridiques du non-respect sont différentes selon que celui-ci porte sur un « critère d’admissibilité » ou sur un « engagement ». En effet, il découle de l’article 35, paragraphes 1 à 3, du règlement délégué no 640/2014, dispositions précisant l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, que, lorsqu’un « critère d’admissibilité » n’est pas respecté, c’est la totalité de l’aide qui est refusée ou retirée, tandis que, lorsqu’il s’agit d’un « engagement », l’aide, si elle
n’a pas encore été versée, ne peut pas l’être ou doit être retirée en tout ou en partie, en tenant compte de la gravité, de l’étendue, de la durée et de la répétition du cas de non-conformité.

68 Sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, il apparaît que l’obligation d’exercer une activité de production agricole à titre principal, à partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de cette aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation de cette activité, constitue un « engagement », au sens de ces dispositions.

69 Pour autant que cette juridiction considérerait que cette obligation constitue un « engagement », au sens de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 et de l’article 35, paragraphe 2, du règlement délégué no 640/2014, en cas de non-respect de celui-ci, les autorités nationales seraient tenues de tenir compte, aux fins de déterminer la partie de l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs dont X a bénéficié qui doit être retirée, de la gravité, de l’étendue, de la durée et de la
répétition du cas de non-conformité, en application de l’article 35, paragraphe 3, de ce règlement délégué.

70 Par conséquent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 et l’article 35, paragraphes 1 à 3, du règlement délégué no 640/2014 doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, une condition d’éligibilité à l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs, prévue par la réglementation d’un État membre, selon laquelle le bénéficiaire de cette aide est tenu d’exercer une activité de production agricole à titre principal, à
partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de l’aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation de cette activité, est susceptible de constituer un « engagement », au sens de ces dispositions, et, d’autre part, dans un tel cas de figure, l’article 35, paragraphes 2 et 3, du règlement délégué no 640/2014 s’oppose à ce que le non-respect d’un tel engagement implique le remboursement du montant total de l’aide par ce bénéficiaire sans qu’il soit tenu compte,
notamment, de la durée de la période concernée par ce non-respect.

Sur la quatrième question

71 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi, en se référant à l’article 64, paragraphe 2, sous e), et à l’article 77, paragraphe 2, sous e), du règlement no 1306/2013, demande, en substance, si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le non-respect de l’engagement que le bénéficiaire de l’aide a pris implique le remboursement du montant total de cette aide, sans qu’il soit tenu compte, notamment, de la
durée de la période concernée par ce non-respect.

72 Or, eu égard à ce qu’il a déjà été répondu par l’affirmative à une telle question, sur la base des dispositions pertinentes du droit de l’Union, dans la seconde partie du point 70 du présent arrêt, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

Sur les dépens

73 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 22, paragraphe 1, et l’article 71, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader),

doivent être interprétés en ce sens que :

ils permettent à un État membre d’imposer une condition d’éligibilité à une aide à l’installation de jeunes agriculteurs selon laquelle le bénéficiaire de cette aide est tenu d’exercer une activité de production agricole à titre principal, à partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de ladite aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation de cette activité.

  2) L’article 63, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et no 485/2008 du Conseil, ainsi que de l’article 35, paragraphes 1 à 3, du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement (UE)
no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité,

doivent être interprétés en ce sens que :

d’une part, une condition d’éligibilité à l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs, prévue par la réglementation d’un État membre, selon laquelle le bénéficiaire de cette aide est tenu d’exercer une activité de production agricole à titre principal, à partir de la date d’introduction de la demande de paiement de 90 % du montant de l’aide et jusqu’à la fin de la période d’exploitation de cette activité, est susceptible de constituer un « engagement », au sens de ces dispositions, et,
d’autre part, dans un tel cas de figure, l’article 35, paragraphes 2 et 3, du règlement délégué no 640/2014 s’oppose à ce que le non-respect d’un tel engagement implique le remboursement du montant total de l’aide par ce bénéficiaire sans qu’il soit tenu compte, notamment, de la durée de la période concernée par ce non-respect.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-6/23
Date de la décision : 11/04/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Agriculture – Politique agricole commune (PAC) – Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Applicabilité ratione materiae – Applicabilité ratione temporis – Règlement (CE) no 1698/2005 – Article 22 – Aide à l’installation de jeunes agriculteurs – Article 71 – Éligibilité – Conditions d’octroi – Réglementation d’un État membre prévoyant l’obligation de poursuivre l’activité agricole à titre principal, continuellement et en tant qu’entrepreneur indépendant – Conditions d’éligibilité supplémentaire – Règlement (UE) no 1306/2013 – Article 63 – Règlement délégué (UE) no 640/2014 – Article 35 – Critère d’admissibilité – Engagement.


Parties
Demandeurs : X
Défendeurs : Agrárminiszter.

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:294

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