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19/10/2023 | CJUE | N°C-395/22

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 19 octobre 2023., « Trade Express-L » OOD et « DEVNIA TSIMENT » AD contre Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia « Darzhaven rezerv i voennovremenni zapasi »., 19/10/2023, C-395/22


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 19 octobre 2023 (1)

Affaires jointes C‑395/22 et C‑428/22

„Trade Express-L“ OOD (C‑395/22)

„DEVNIA TSIMENT“ AD (C‑428/22)

contre

Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia „Darzhaven rezerv i voennovremenni zapasi“

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Énergie – Directive 2009/119/CE 

Obligation des États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole ou de produits pétroliers – Approvisionnement des stocks – Règlement ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 19 octobre 2023 (1)

Affaires jointes C‑395/22 et C‑428/22

„Trade Express-L“ OOD (C‑395/22)

„DEVNIA TSIMENT“ AD (C‑428/22)

contre

Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia „Darzhaven rezerv i voennovremenni zapasi“

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Énergie – Directive 2009/119/CE – Obligation des États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole ou de produits pétroliers – Approvisionnement des stocks – Règlement (CE) no 1099/2008 – Réglementation nationale imposant aux opérateurs économiques la constitution de stocks de sécurité – Obligation de créer et de maintenir un stock d’un produit pétrolier n’étant pas utilisé ni lié à l’activité économique de cet opérateur »

I.      Introduction

1.        Un opérateur économique qui importe un certain type de produit pétrolier peut-il être obligé de constituer un stock d’un autre type de produit pétrolier, au titre de l’article 3 de la directive 2009/119/CE (2)et, dans l’affirmative, quelle est la portée de cette obligation ?

2.        Telles sont, en substance, les questions qui nous ont été adressées par l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), lesquelles invitent la Cour à interpréter, pour la première fois (3), la directive 2009/119 afin de déterminer la marge dont les États membres jouissent en vue de la mise en œuvre de leur obligation de maintenir des stocks de sécurité. Plus précisément, les deux demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation, d’une part, du
considérant 33, de l’article 1^er, de l’article 2, premier alinéa, sous i) et j), ainsi que de l’article 3 et de l’article 8 de la directive 2009/119 (ci-après les « dispositions pertinentes de la directive 2009/119 ») et, d’autre part, de l’article 17 et de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

3.        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant « Trade Express-L » OOD (ci-après « Trade Express ») (affaire C‑395/22) et « DEVNIA TSIMENT » AD (ci-après « Devnia Tsiment ») (affaire C‑428/22) au Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia « Darzhaven rezerv i voennovremenni zapasi » (vice-président de l’Agence nationale « réserves de l’État et stocks militaires », Bulgarie, ci-après le « vice-président de l’agence nationale ») au sujet de la légalité d’ordonnances
émanant de ce dernier relatives à la constitution et à la conservation, par ces deux sociétés, de stocks de sécurité de fioul lourd.

4.        En vertu de la réglementation bulgare, tout opérateur qui, au cours d’une année donnée, a effectué des activités d’importation de produits énergétiques est tenu de constituer des stocks de sécurité. Cette réglementation limite les types de produits constituant les stocks de sécurité au pétrole brut et à quatre types de produits pétroliers. En l’occurrence, les requérantes au principal ont importé en Bulgarie respectivement deux types de produit relevant du « Pétrole (pétrole brut et
produits pétroliers) », tel que défini à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement (CE) n^o 1099/2008 (4), à savoir du coke de pétrole et des huiles lubrifiantes. En raison de ces importations, les requérantes se sont vu imposer une obligation de constituer, à leurs frais et pour leur compte, pour une durée d’une année, certaines quantités de stocks de sécurité d’un autre produit pétrolier, à savoir du fioul lourd. Devant la juridiction de renvoi, elles contestent, en substance, cette obligation, en
faisant valoir qu’elles n’exercent aucune activité économique avec du fioul lourd et que l’obligation de constituer un stock de sécurité de ce produit leur aurait causé une charge financière déraisonnable qui serait contraire aux dispositions tant de la directive 2009/119 que de la Charte.

5.        C’est dans ce contexte réglementaire, propre à la République de Bulgarie (5), que la Cour sera amenée à évaluer les pouvoirs dont disposent les États membres sur la détermination des types de produits constituant des stocks de sécurité et les conditions dans lesquelles ils peuvent faire peser sur les opérateurs économiques la constitution de tels stocks.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Les directives 68/414, 2006/67 et 2009/119

6.        Les premières règles régissant les stocks de sécurité de pétrole ou de produits pétroliers ont été mises en place par la directive 68/414 (6), qui a été modifiée, en dernier lieu, par la directive 98/93/CE du Conseil, du 14 décembre 1998 (7), et par la suite abrogée par la directive 2006/67 (8). La directive 2006/67 a, à son tour, été abrogée par la directive 2009/119. C’est cette dernière directive qui est actuellement en vigueur et applicable ratione temporis dans les litiges au
principal.

7.        Les considérants 2, 5, 8, 10, 11 et 33 de la directive 2009/119 sont libellés comme suit :

« (2)      La concentration croissante de la production, la diminution des réserves pétrolières, ainsi que l’augmentation de la consommation mondiale de produits pétroliers, contribuent tous à augmenter les risques de difficultés d’approvisionnement.

[...]

(5)      En vertu de la [directive de 2006], l’évaluation des stocks s’effectue par rapport à la consommation intérieure journalière moyenne pendant l’année civile précédente. Par contre, les obligations de stockage imposées en vertu de l’accord relatif à un programme international de l’énergie du 18 novembre 1974 (ci-après dénommé “accord AIE”) sont évaluées sur la base des importations nettes de pétrole et de produits pétroliers. De ce fait, ainsi qu’en raison d’autres écarts de méthodologie, il
est nécessaire d’adapter la méthode de calcul des obligations de stockage, de même que celle concernant l’évaluation des stocks de sécurité communautaires, pour les rapprocher des méthodes utilisées dans le cadre de l’accord AIE [...]

[...]

(8)      La disponibilité des stocks pétroliers et la sauvegarde de l’approvisionnement en énergie constituent des éléments essentiels de la sécurité publique des États membres et de la Communauté. L’existence d’entités centrales de stockage (ECS) dans la Communauté permet d’opérer un rapprochement de ces objectifs. [...]

[...]

(10)      Les stocks pétroliers devraient pouvoir être détenus en n’importe quel endroit de la Communauté, à condition qu’il soit dûment tenu compte de leur accessibilité physique. Par conséquent, les opérateurs économiques auxquels incombent de telles obligations de stockage devraient pouvoir se libérer de leurs obligations en la déléguant à d’autres opérateurs économiques ou à l’une des ECS. En outre, pour peu que lesdites obligations puissent être déléguées à une ECS librement choisie et située
dans la Communauté, moyennant le paiement d’un montant limité au coût des services fournis, les risques de pratiques discriminatoires à l’échelon national seront réduits. [...]

(11)      Les États membres devraient assurer la disponibilité absolue de tous les stocks dont le maintien est imposé en vertu de la législation communautaire. Afin de garantir une telle disponibilité, le droit de propriété de ces stocks ne devrait souffrir aucune restriction ni limitation susceptible d’entraver leur utilisation en cas de rupture de l’approvisionnement en pétrole. Les produits pétroliers propriété d’entreprises exposées à des risques substantiels de procédures d’exécution visant
leurs actifs ne devraient pas être pris en compte. Lorsqu’une obligation de stockage est imposée aux opérateurs, l’engagement d’une procédure de faillite ou de concordat peut être considéré comme révélateur de l’existence d’un tel risque.

[...]

(33)      Étant donné que l’objectif de la présente directive, à savoir le maintien d’un niveau élevé de sécurité des approvisionnements en pétrole dans la Communauté grâce à des mécanismes fiables et transparents fondés sur la solidarité entre les États membres, tout en respectant les règles du marché intérieur et de la concurrence, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions et des effets de l’action, être mieux réalisé au niveau
communautaire, la Communauté peut prendre des mesures en vertu du principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité [CE]. [...] »

8.        L’article 1^er de cette directive, intitulé « Objectif », énonce :

« La présente directive établit des règles visant à assurer un niveau élevé de sécurité des approvisionnements en pétrole dans la Communauté grâce à des mécanismes fiables et transparents fondés sur la solidarité entre les États membres, à maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers ainsi qu’à mettre en place les moyens procéduraux nécessaires pour remédier à une grave pénurie. »

9.        L’article 2, premier alinéa, sous f), i), j) et l), de ladite directive contient les définitions suivantes :

« f)      “entité centrale de stockage” (ECS), l’organisme ou le service auquel des pouvoirs peuvent être conférés pour agir afin d’acquérir, de maintenir ou de vendre des stocks de pétrole, notamment des stocks de sécurité et des stocks spécifiques ;

[...]

i)      “stocks pétroliers”, les stocks des produits énergétiques énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du [règlement n^o 1099/2008] ;

j)      “stocks de sécurité”, les stocks pétroliers dont l’article 3 impose le maintien à chaque État membre ;

[...]

l)      “stocks spécifiques”, les stocks pétroliers répondant aux critères figurant à l’article 9. »

10.      L’article 3 de la même directive, intitulé « Stocks de sécurité – Calcul des obligations de stockage », prévoit :

« 1.      Les États membres prennent toutes les dispositions législatives, réglementaires ou administratives appropriées pour assurer, au plus tard le 31 décembre 2012, le maintien à leur profit, sur le territoire de la Communauté et de façon permanente, d’un niveau total de stocks pétroliers équivalant au moins à la plus grande des quantités représentées soit par 90 jours d’importations journalières moyennes nettes, soit par soixante et un jours de consommation intérieure journalière moyenne.

2.      Les importations journalières moyennes nettes à prendre en compte sont calculées sur la base de l’équivalent en pétrole brut des importations durant l’année civile précédente, établie selon la méthode et les modalités exposées à l’annexe I.

La consommation intérieure journalière moyenne à prendre en compte est calculée sur la base de l’équivalent en pétrole brut de la consommation intérieure durant l’année civile précédente, établie et calculée selon la méthode et les modalités exposées à l’annexe II.

3.      Toutefois, par dérogation au paragraphe 2, en ce qui concerne la période allant du 1^er janvier au 30 juin de chaque année civile, les moyennes journalières des importations nettes et de la consommation intérieure visées audit paragraphe sont déterminées sur la base des quantités importées ou consommées durant la pénultième année civile précédant l’année civile en question.

4.      Les méthodes et les modalités de calcul des obligations de stockage visées au présent article peuvent être modifiées conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 23, paragraphe 2. »

11.      L’article 4 de la directive 2009/119, intitulé « Calcul du niveau des stocks », dispose, à son paragraphe 1, que « [l]es niveaux des stocks détenus sont calculés conformément aux méthodes exposées à l’annexe III. [...] »

12.      L’article 7 de cette directive, intitulé « Entités centrales de stockage », énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Les États membres peuvent établir des ECS. [...]

2.      L’ECS a pour principal objet l’acquisition, le maintien et la vente de stocks pétroliers aux fins de la présente directive ou en vue de se conformer aux accords internationaux concernant le maintien de stocks pétroliers. Elle est le seul organisme ou service auquel des pouvoirs peuvent être conférés pour acquérir ou vendre des stocks spécifiques. »

13.      L’article 8 de ladite directive, intitulé « Opérateurs économiques », prévoit :

« 1.      Chaque État membre veille à donner à tout opérateur économique auquel il impose des obligations de stockage pour satisfaire à ses obligations au titre de l’article 3 le droit de déléguer au moins une partie de ses obligations de stockage et, selon le choix de l’opérateur économique, uniquement à :

a)      l’ECS de l’État membre pour le compte duquel les stocks sont détenus ;

b)      une ou plusieurs ECS ayant annoncé au préalable leur volonté de maintenir de tels stocks, à condition que les délégations en question aient été autorisées au préalable tant par l’État membre pour le compte duquel les stocks sont détenus que par tous les États membres sur le territoire desquels ces stocks seront détenus ;

c)      d’autres opérateurs économiques disposant de stocks excédentaires ou de capacités de stockages disponibles en dehors du territoire de l’État membre pour le compte duquel les stocks sont détenus dans la Communauté, à condition que les délégations en question aient été autorisées au préalable tant par l’État membre pour le compte duquel les stocks sont détenus que par tous les États membres sur le territoire desquels ces stocks seront maintenus ; et/ou

d)      d’autres opérateurs économiques disposant de stocks excédentaires ou de capacités de stockages disponibles sur le territoire de l’État membre pour le compte duquel les stocks sont maintenus, à condition que les délégations en question aient été communiquées au préalable à cet État membre. Les États membres peuvent imposer des limites ou des conditions à ces délégations.

Les délégations visées aux points c) et d) ne peuvent faire l’objet d’aucune subdélégation. Toute modification ou prorogation d’une délégation visée aux points b) ou c) ne prend effet que si elle a été autorisée au préalable par tous les États membres ayant autorisé la délégation. Toute modification ou prorogation d’une délégation visée au point d) est considérée comme une nouvelle délégation.

2.      Chaque État membre peut limiter le droit de délégation des opérateurs économiques auxquels il impose ou a imposé des obligations de stockage. [...]

3.      Sans préjudice des dispositions prévues aux paragraphes 1 et 2, un État membre peut imposer à un opérateur économique l’obligation de déléguer au moins une partie de son obligation de stockage à l’ECS de l’État membre.

4.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour informer les opérateurs économiques des méthodes à utiliser pour calculer les obligations de stockage qui leur sont imposées au plus tard deux cents jours avant le début de la période sur laquelle porte l’obligation en question. Les opérateurs économiques exercent le droit de délégation de leurs obligations de stockage aux ECS au moins cent soixante-dix jours avant le début de la période sur laquelle porte l’obligation en question.
[...] »

14.      L’article 9 de la même directive, intitulé « Stocks spécifiques », dispose, à ses paragraphes 1 et 5 :

« 1.      Chaque État membre peut s’engager à maintenir un niveau minimal, déterminé en nombre de jours de consommation, de stocks pétroliers, conformément aux conditions énoncées dans le présent article. [...]

[...]

5.      Les États membres qui n’ont pas pris l’engagement de maintenir, pour toute la durée d’une année civile donnée, au moins trente jours de stocks spécifiques veillent à ce qu’au moins un tiers de leur obligation de stockage soit maintenu sous la forme de produits dont la composition est conforme aux paragraphes 2 et 3.[...] »

15.      L’annexe III de la directive 2009/119 détermine les « [m]éthodes de calcul du niveau de stocks détenus ». Ses troisième, cinquième à septième alinéas sont libellés comme suit :

« Les stocks de pétrole brut sont diminués de 4 % correspondant à un taux moyen de rendement en naphta.

[...]

Les autres produits pétroliers sont comptabilisés dans les stocks selon l’une des deux méthodes exposées ci-dessous. Les États membres doivent conserver la méthode choisie durant toute la durée de l’année civile concernée.

Les États membres peuvent :

a)      inclure tous les autres stocks de produits pétroliers recensés à l’annexe A, chapitre 3.4, du [règlement n^o 1099/2008], et en établir l’équivalent en pétrole brut en multipliant les quantités par 1,065 ; ou

b)      inclure les stocks des seuls produits suivants : essence moteur, essence aviation, carburéacteur type essence (carburéacteur type naphta ou JP4), carburéacteur type kérosène, pétrole lampant, gazole/carburant diesel (fuel-oil distillé), fuel-oil (à haute et à basse teneur en soufre), et en établir l’équivalent en pétrole brut multipliant les quantités par 1,2.

Peuvent être prises en compte dans le calcul des stocks les quantités détenues :

–        dans les réservoirs des raffineries,

–        dans les terminaux de charge,

–         dans les réservoirs d’alimentation des oléoducs,

–        dans les chalands,

–        dans les caboteurs-citernes pétroliers,

–        dans les pétroliers séjournant dans les ports,

–        dans les soutes des bateaux de navigation intérieure,

–        dans le fond des réservoirs,

–        sous forme de stocks d’exploitation,

–        par d’importants consommateurs en vertu d’obligation légales ou d’autres prescriptions des pouvoirs publics.

[...] »

2.      Le règlement n^o 1099/2008

16.      L’article 2, sous d), du règlement n^o 1099/2008 définit la notion de « produits énergétiques », aux fins de ce règlement, comme « les combustibles, la chaleur, l’énergie renouvelable, l’électricité ou toute autre forme d’énergie ».

17.      L’annexe A dudit règlement contient des « précisions terminologiques ». Le chapitre 3.4 de cette annexe détermine la notion de « Pétrole (pétrole brut et produits pétroliers) ».

18.      Au point 3.4.20 de ladite annexe, la notion de « Lubrifiants » est définie comme suit :

« Hydrocarbures obtenus à partir de sous-produits de distillation ; ils sont principalement utilisés pour réduire les frottements entre surfaces d’appui. Cette catégorie comprend toutes les qualités d’huiles lubrifiantes, depuis les huiles à broche jusqu’aux huiles à cylindres, y compris celles utilisées dans les graisses lubrifiantes, ainsi que les huiles moteur et toutes les qualités d’huiles de base pour lubrifiants. »

19.      Le point 3.4.23 de la même annexe apporte la définition suivante de la notion de « Coke de pétrole » :

« Produit solide noir secondaire, obtenu principalement par craquage et carbonisation de résidus de produits d’alimentation, de résidus de distillation sous vide, de goudrons et de poix, dans des procédés tels que la cokéfaction différée ou la cokéfaction fluide. Il se compose essentiellement de carbone (90 à 95 %) et brûle en laissant peu de cendres. Il est employé comme produit d’alimentation dans les fours à coke des usines sidérurgiques, pour le chauffage, pour la fabrication d’électrodes et
pour la production de substances chimiques. Les deux qualités les plus importantes de coke de pétrole sont le “coke vert” et le “coke calciné”. Cette catégorie comprend le “coke de catalyse”, qui se dépose sur le catalyseur pendant les opérations de raffinage ; ce coke n’est pas récupérable et il est en général brûlé comme combustible dans les raffineries. »

B.      Le droit bulgare

20.      Le zakon za zapasite ot neft i neftoprodukti (loi sur les stocks de pétrole et de produits pétroliers), du 15 février 2013 (9) (ci-après le « ZZNN »), qui a transposé la directive 2009/119 dans le droit bulgare, énonce, à son article 1^er, paragraphe 1, que « le [ZZNN] réglemente la constitution, le maintien, le renouvellement, l’utilisation et la reconstitution des stocks de sécurité de pétrole et des stocks spécifiques de produits pétroliers, et met en place les moyens procéduraux
nécessaires pour remédier à une grave pénurie ».

21.      Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 et 4, du ZZNN :

« (1)      En vertu de la présente loi, des stocks de sécurité de pétrole et des catégories de produits pétroliers énumérées ci‑dessous sont constitués, maintenus, mis à jour, utilisés, reconstitués et contrôlés : 1. essence pour automobiles ; 2. gazole, carburéacteur de type kérosène et carburant pour moteurs diesel ; 3. fioul lourd ; 4. gaz propane-butane.

[...]

(4)      La présente loi s’applique aux produits énergétiques visés à l’annexe A, chapitre 3.4, du [règlement n^o 1099/2008], ainsi qu’aux combustibles lourds, sauf s’ils sont livrés sur le territoire du pays dans des emballages industriels d’un poids net allant jusqu’à 1 kg. »

22.      L’article 3, paragraphe 4, du ZZNN prévoit :

« Les personnes obligées organisent et financent elles-mêmes, pour leur propre compte et par leurs propres moyens, la constitution, le maintien, le renouvellement et la reconstitution des niveaux de stocks de sécurité qui leur sont ordonnés. »

23.      L’article 21, paragraphes 1 et 11, du ZZNN est libellé comme suit :

« (1)      Des stocks de sécurité peuvent être maintenus sous la forme de pétrole et/ou de produits pétroliers visés à l’article 2, paragraphe 1.

[...]

(11)      Les niveaux des stocks de sécurité de fioul lourd, déterminés sur la base des importations nettes et des arrivées intracommunautaires ou de la consommation journalière moyenne peuvent être constitués et maintenus, jusqu’à 100 %, sous forme de gasoil, d’essence pour automobiles et/ou de carburant pour moteurs diesel, la quantité devant être égale à la quantité de stock de fioul lourd pour laquelle la substitution est demandée. »

III. Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

24.      Trade Express, la requérante au principal dans le litige à l’origine de l’affaire C‑395/22, a déclaré en Bulgarie des acquisitions intracommunautaires portant sur 89,6 tonnes d’huiles lubrifiantes au cours de l’année 2020. Ces huiles lubrifiantes, correspondant au point 3.4.20 de l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008, étaient destinées à la vente. Au cours de cette même année, Trade Express n’a exercé aucune autre activité économique impliquant d’autres types de produits
visés à cette même annexe.

25.      Devnia Tsiment, la requérante au principal dans le litige à l’origine de l’affaire C‑428/22, a déclaré avoir importé en Bulgarie 34 657,39 tonnes de coke de pétrole au cours de l’année 2020. Ce coke de pétrole, relevant du point 3.4.23 de l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008, a été utilisé dans un procédé minéralogique pour la production de ciments non pulvérisés dits « clinkers ». Au cours de cette même année, Devnia Tsiment n’a exercé aucune activité économique impliquant
d’autres types de produits visés à cette annexe.

26.      En raison de ces activités, par deux ordonnances des 28 et 29 avril 2021 (ci-après, ensemble, les « ordonnances litigieuses »), le vice-président de l’agence nationale a ordonné respectivement à Devnia Tsiment et à Trade Express de constituer et de maintenir, pour leur propre compte et par leurs propres moyens, pour la période allant du 1^er juillet 2021 au 30 juin 2022, des niveaux de stocks de sécurité de fioul lourd. Devnia Tsiment s’est vu ordonner de constituer et de maintenir un tel
stock pour une quantité de 7 806,058 tonnes, et Trade Express pour une quantité de 15,947 tonnes.

27.      Chacune de ces sociétés a saisi l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna), la juridiction de renvoi dans les présentes affaires, d’un recours en annulation de l’ordonnance dont elle a fait l’objet. Elles contestent la légalité des ordonnances litigeuses en faisant valoir, en substance, que la réglementation nationale est incompatible avec la directive 2009/119 dans la mesure où elle impose une obligation aux opérateurs économiques de constituer des stocks de sécurité
pour des produits pétroliers autres que ceux faisant l’objet de leurs activités économiques (10).

28.      Cette juridiction constate que Devnia Tsiment et Trade Express n’exerçaient, au cours de l’année 2020, et n’exercent toujours à l’heure actuelle, aucune activité économique en utilisant les types de produits énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008 autres que, respectivement, le coke de pétrole et les huiles lubrifiantes. Elle souligne que ces sociétés ne disposent ni des quantités de stock de sécurité de fioul lourd réclamées par le vice-président de l’agence
nationale, ni d’un entrepôt pour conserver de tels stocks de sorte qu’elles n’ont pas la qualité d’« entrepositaire » de produits pétroliers, au sens du ZZNN. La constitution et le stockage des niveaux de stocks de sécurité entraîneraient de ce fait, d’une part, une charge financière significative pour elles, dans la mesure où ces sociétés seraient obligées soit d’acheter les quantités de stock de sécurité de fioul lourd exigés, soit de déléguer leurs obligations à d’autres opérateurs économiques
moyennant paiement et, d’autre part, la nécessité d’un délai technique pour mettre en œuvre la procédure d’enregistrement d’un entrepôt de stockage de produits pétroliers.

29.      Ladite juridiction fait état de l’existence d’affaires similaires à celles des litiges au principal, dans lesquelles le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie) a rejeté des recours formés par des sociétés ayant importé ou procédé à des acquisitions intracommunautaires de coke de pétrole ou d’huiles lubrifiantes contre des ordonnances leur imposant la constitution de stocks de réserve de fioul lourd (11).

30.      Toutefois, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la compatibilité de cette réglementation avec les dispositions pertinentes de la directive 2009/119, lues à la lumière de la Charte.

31.      En effet, selon cette juridiction, il découle, en substance, du considérant 33, de l’article 2, premier alinéa, sous i) et j), ainsi que des articles 3 et 8 de la directive 2009/119 que celle-ci poursuit l’objectif de constituer des stocks de sécurité pour l’ensemble des produits visés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008, qui est intitulé « Pétrole (pétrole brut et produits pétroliers) », à savoir l’ensemble des 24 sous-groupes de tels produits, et non uniquement certains
d’entre eux.

32.      Or, la réglementation bulgare ne prévoirait la constitution de tels stocks que pour le pétrole et quatre autres produits pétroliers, parmi lesquels le fioul lourd (12). Elle obligerait tout opérateur économique qui a importé des produits visés à ce chapitre à constituer et à maintenir des stocks de sécurité de l’un de ces derniers produits. Concrètement, en vertu de cette réglementation, un opérateur économique qui n’utilise que des huiles lubrifiantes ou du coke de pétrole dans le cadre de
ses activités pourrait donc se voir imposer une obligation de constituer un stock de réserve de fioul lourd, alors même qu’il ne réalise aucune activité avec ce dernier. Ladite juridiction tend à penser qu’une telle obligation est contraire aux objectifs et à l’esprit de la directive 2009/119 ainsi qu’au principe de proportionnalité visé par la Charte.

33.      En effet, l’obligation pour un opérateur économique de stocker un produit pétrolier qu’il n’utilise pas dans le cadre de ses activités économiques contraindrait cet opérateur à acheter ou à emprunter, en déléguant une partie de son obligation, la quantité nécessaire de ce produit et à le stocker conformément aux exigences réglementaires. Cela entraînerait pour lui une charge financière importante (13) et pourrait affecter les règles du marché intérieur et de la concurrence. La logique de la
directive 2009/119 ainsi qu’une exigence de cohérence militeraient plutôt en faveur d’une interprétation consistant à faire peser sur un tel opérateur des obligations en nature qui ne causeraient pas de telles contraintes excessives (telle qu’une obligation de stocker un produit énergétique relevant de ses activités économiques), et ce afin d’assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts publics de l’Union et les intérêts privés (à savoir, l’ingérence dans la sphère juridique privée). En
outre, la réglementation bulgare ne permettrait pas de tenir compte de l’incidence que produisent sur la situation financière et la compétitivité de l’opérateur économique concerné les exigences administratives et les moyens financiers nécessaires aux fins de la constitution et du maintien d’un stock de sécurité portant, le cas échéant, sur un produit étranger à son activité économique.

34.      C’est dans ces conditions que l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, qui sont, en substance, analogues pour chacune des deux affaires :

« 1)      Eu égard à l’objectif de la [directive 2009/119], ainsi qu’à l’article 2, sous d), du [règlement n^o 1099/2008], et eu égard au principe de proportionnalité, énoncé à l’article 52, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 17 de la [Charte], faut-il interpréter le considérant 33, l’article 1^er, l’article 3, l’article 8 et l’article 2, [premier alinéa,] sous i) et j), de la [directive 2009/119] dans le sens qu’ils s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au
principal, qui définit les personnes ayant effectué des arrivées intracommunautaires d’huiles lubrifiantes, au sens du point 3.4.20 de l’annexe A du [règlement n^o 1099/2008] (ou, le cas échéant, les importateurs de ces huiles) [dans le cadre de l’affaire C-395/22] [ou] de coke de pétrole, au sens du point 3.4.23 de l’annexe A du [règlement n^o 1099/2008] à des fins de production [dans le cadre de l’affaire C-428/22] en tant que personnes obligées de constituer des stocks de sécurité ?

2)      Eu égard à l’objectif de la [directive 2009/119], ainsi qu’au principe de proportionnalité énoncé à l’article 52, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 17 de la [Charte], faut-il interpréter le considérant 33, l’article 1^er, l’article 3, l’article 8 et l’article 2, [premier alinéa,] sous i) et j), de la [directive 2009/119] dans le sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui limite les types de produits dont des stocks de sécurité
doivent être constitués et maintenus à seulement une partie des types de produits visés à l’article 2, [premier alinéa,] sous i), de [cette] directive, en combinaison avec le chapitre 3.4 de l’annexe A du [règlement n^o 1099/2008] ?

3)      Eu égard à l’objectif de la directive 2009/119, ainsi qu’au principe de proportionnalité énoncé à l’article 52, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 17 de la [Charte], faut-il interpréter le considérant 33, l’article 1^er, l’article 3, l’article 8 et l’article 2, [premier alinéa,] sous i) et j), de la [directive 2009/119] dans le sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que la réalisation d’arrivées intracommunautaires,
ou d’importations, d’un type de produit visé à l’article 2, [premier alinéa,] sous i), de [cette] directive, en combinaison avec le chapitre 3.4 de l’annexe A du [règlement n^o 1099/2008] par une personne déterminée donne lieu à l’obligation pour cette personne de constituer et de maintenir des stocks de sécurité d’un autre type de produit différent ?

4)      Eu égard à l’objectif de la [directive 2009/119], ainsi qu’au principe de proportionnalité énoncé à l’article 52, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 17 de la [Charte], faut-il interpréter le considérant 33, l’article 1^er, l’article 3, l’article 8 et l’article 2, [premier alinéa,] sous i) et j), de la [directive 2009/119] en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose à une personne déterminée l’obligation de constituer
et de maintenir un stock d’un produit qu’elle n’utilise pas dans le cadre de son activité économique et qui est sans lien avec celle-ci, obligation qui lui impose, en plus, une charge financière importante (conduisant à une impossibilité pratique de s’y conformer) du fait qu’elle ne dispose pas du produit en question et qu’elle n’en est pas un importateur et/ou un entrepositaire ?

5)      En cas de réponse négative à l’une ou l’autre question, eu égard à l’objectif de la [directive 2009/119], ainsi qu’au principe de proportionnalité énoncé à l’article 52, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 17 de la [Charte], faut-il interpréter le considérant 33, l’article 1^er, l’article 3, l’article 8 et l’article 2, [premier alinéa,] sous i) et j), de la [directive 2009/119] dans le sens qu’une personne qui a effectué des arrivées intracommunautaires ou des importations d’un type
de produit déterminé peut se voir imposer l’obligation de constituer et de maintenir des stocks de sécurité uniquement du même type de produit qui a fait l’objet desdites arrivées/importations intracommunautaires ? »

35.      Par décision du président de la Cour du 9 août 2022, les présentes affaires ont été jointes aux fins des procédures écrite, orale et de l’arrêt. Des observations écrites ont été présentées à la Cour par Devnia Tsiment, les gouvernements bulgare, néerlandais et slovaque, ainsi que la Commission. Lors de l’audience qui s’est tenue le 5 juillet 2023, ces parties, à l’exception du gouvernement slovaque, ont présenté leurs observations orales et ont répondu aux questions pour réponse orale
adressées par la Cour.

IV.    Analyse

A.      Observations liminaires

36.      D’emblée, dans un souci de clarté, il me semble opportun de reformuler les questions préjudicielles telles que posées par la juridiction de renvoi. En effet, cette juridiction nous demande, en substance, si les dispositions pertinentes de la directive 2009/119, lues à la lumière de l’article 17 et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle :

–        un opérateur économique ayant effectué des importations de produits énergétiques relevant de l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008, peut être tenu de constituer un stock de sécurité (première question) ;

–        les stocks de sécurité sont constitués pour une partie seulement des types de produits énergétiques visés à l’article 2, premier alinéa, sous i), de la directive 2009/119 (deuxième question) ; et

–        la réalisation, par un opérateur économique, d’importations d’un type de produit visé à l’article 2, premier alinéa, sous i), de cette directive, donne lieu à l’obligation pour cet opérateur de constituer des stocks de sécurité d’un autre type de produit visé par cette disposition, et ce même lorsque ledit opérateur n’utilise pas ce dernier type de produit dans le cadre de son activité, et que cette obligation constitue une charge financière importante (troisième à cinquième questions).

B.      Sur la première question préjudicielle

37.      Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un État membre peut, dans le cadre de la mise en œuvre des obligations qui lui incombent au titre de l’article 3 de la directive 2009/119, exiger d’un « opérateur économique », au sens de l’article 8 de cette directive, qui a effectué des importations d’un produit énergétique énuméré à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008, de constituer et de maintenir un « stock de sécurité », au sens
de l’article 2, premier alinéa, sous j), de ladite directive.

38.      J’estime que cette question appelle clairement une réponse affirmative.

39.      À cet égard, des remarques liminaires s’imposent.

40.      Tout d’abord, j’estime utile de rappeler que, dans la continuité des directives de 1968 et de 2006 (14), ainsi qu’il ressort de son article 1^er, lu à la lumière de ses considérants 3 et 33, la directive 2009/119 vise : i) à renforcer et à assurer un niveau élevé de sécurité des approvisionnements en pétrole dans l’Union grâce à des mécanismes transparents fondés sur la solidarité entre les États membres, tout en respectant les règles du marché intérieur et de la concurrence, ii) à
maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers, ainsi que, iii) à mettre en place les moyens procéduraux nécessaires pour remédier à une grave pénurie. Il s’ensuit que, au titre de cette solidarité entre les États membres, les stocks pétroliers constitués par chaque État membre représentent une partie des stocks partagés de l’Union. En effet, le considérant 8 de cette directive le confirme en énonçant que « la disponibilité des stocks pétrolier et la sauvegarde de
l’approvisionnement en énergie constituent des éléments essentiels de la sécurité publique des États membres et de l’Union » (15).

41.      Ensuite, il convient de souligner que, au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2009/119, « les États membres prennent toutes les dispositions législatives, réglementaires ou administratives appropriées pour assurer [...] le maintien à leur profit, sur le territoire de [l’Union] et de façon permanente, d’un niveau total de stocks pétroliers équivalant au moins à la plus grande des quantités représentées soit par 90 jours d’importations journalières moyennes nettes, soit par
soixante et un jours de consommation intérieure journalière moyenne ». Il ressort du libellé de cette disposition, d’une part, que les États membres sont tenus de déterminer eux-mêmes la manière dont ils mettront en œuvre les obligations qui leur incombent en vertu de cette directive (16) et, d’autre part, que ladite directive impose toutefois les méthodes et les modalités du calcul de ces stocks de sécurité estimées, par le législateur de l’Union, comme appropriées.

42.      Enfin, dans le cadre de cette mise en œuvre des obligations qui leurs incombent, les États membres ont la possibilité d’imposer des obligations de stockage à des opérateurs économiques. En effet, il résulte des différentes dispositions de la directive 2009/119 que l’obligation de constituer des stocks n’incombe pas toujours à l’ECS de l’État membre (17), mais que celle-ci peut également être imposée (de manière exclusive ou complémentaire) à l’industrie et aux opérateurs économiques (18).

43.      Pour répondre à la première question préjudicielle, il convient donc de déterminer si la directive 2009/119 précise la catégorie des opérateurs économiques à laquelle une obligation de stockage peut être imposée.

44.      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également du contexte de cette dernière, des objectifs poursuivis par la réglementation dont ladite disposition fait partie et, le cas échéant, de la genèse de celle-ci (19).

45.      En premier lieu, s’agissant du libellé des différentes dispositions de la directive 2009/119, force est de constater que plusieurs d’entre elles se réfèrent à la notion d’« opérateur économique », sans toutefois que cette notion soit expressément définie dans cette directive (20). En effet, l’article 8 de ladite directive, qui est lui-même intitulé « opérateurs économiques », réglemente la possibilité accordée à un opérateur économique de déléguer à tout le moins une partie de l’obligation
de stockage qui lui est imposée soit à l’ECS de l’État membre ou d’autres États membres (21), soit à d’autres opérateurs qui disposent de stocks ou de capacités de stockage excédentaires dans le reste de l’Union ou dans l’État membre (22), sans toutefois préciser la catégorie d’entreprises qui constitue de tels opérateurs.

46.      En deuxième lieu, je relève que, d’un point de vue contextuel, les contours de la notion d’« opérateur économique » peuvent être déduits des autres dispositions de la directive 2009/119.

47.      Premièrement, l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive, énonce que « [l]orsqu’un État membre établit une ECS, celle-ci a la forme d’un organisme ou d’un service sans but lucratif agissant dans l’intérêt général et n’est pas considérée comme un opérateur économique au sens de la présente directive » (23). À contrario, toute entreprise qui agit dans un but lucratif pourrait potentiellement être qualifiée d’« opérateur économique » au sens de cette directive.

48.      Deuxièmement, l’article 2, premier alinéa, sous k), de ladite directive prévoit qu’il existe des « opérateurs économiques » qui détiennent des stocks dits « commerciaux », à savoir des stocks pétroliers dont la même directive n’impose cependant pas le maintien. Il s’ensuit que le terme « opérateur économique » est employé de manière générique, sans se référer exclusivement aux opérateurs auxquels incombent des obligations de constitution de stocks pétroliers.

49.      Troisièmement, l’article 3 de la même directive, qui décrit la méthode de calcul du volume des stocks que les États membres sont tenus de maintenir, se réfère notamment aux « importations journalières moyennes nettes » qui, à leur tour, conformément au paragraphe 2 de cet article, sont calculées sur la base de l’équivalent en pétrole brut des importations durant l’année civile précédente, établie selon la méthode et les modalités exposées à l’annexe I. Conformément à la méthode 2 de cette
annexe I, les États membres peuvent effectuer ce calcul en se fondant sur la « somme des importations nettes de tous les autres produits pétroliers, tels que définis à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008 ». Partant, dans la mesure où les opérateurs qui importent de tels produits contribuent à l’obligation totale de l’État membre de constituer des stocks de sécurité, il est cohérent que ces mêmes opérateurs soient (potentiellement) soumis à des obligations de constituer et de
maintenir de tels stocks.

50.      En troisième lieu, plaide également en faveur d’une interprétation large de la notion d’« opérateur économique » l’objectif même que poursuit la directive 2009/119, qui consiste à garantir un niveau élevé de sécurité d’approvisionnement (24). En effet, à la lumière de cet objectif, il serait cohérent que les entreprises susceptibles de se voir imposer une obligation de stockage doivent pouvoir être en possession des produits énergétiques composant les stocks pétroliers, au sens de
l’article 2, premier alinéa, sous i), de cette directive.

51.      En quatrième et dernier lieu, une interprétation large de la notion d’« opérateur économique » me semble pouvoir être confortée par la genèse de la directive 2009/119, qui permet d’identifier des éléments additionnels quant aux caractéristiques de ces opérateurs.

52.      En effet, cette notion remonte à la directive de 1968, qui, à son quatrième considérant, indiquait « que la production nationale contribue par elle-même à la sécurité d’approvisionnement » et que « les conditions de la production communautaire et la plus grande sécurité d’approvisionnement qui lui est inhérente justifient la possibilité pour les États membres de mettre l’obligation du stockage à la charge des importations » (25). Ainsi, l’article 6, paragraphe 3, de cette directive
prévoyait que pouvaient être incluses dans les stocks de sécurité, notamment, « les quantités se trouvant dans les entrepôts des raffineries, des entreprises d’importation, de stockage ou de distribution en gros », « les quantités se trouvant dans les entrepôts d’entreprises consommatrices importantes et qui correspondent aux dispositions nationales en matière d’obligation de stockage permanent » et « les quantités se trouvant dans les chalands et les caboteurs en cours de transport à l’intérieur
des frontières nationales sur lesquelles un contrôle est susceptible d’être exercé par les autorités responsables et si elles peuvent être rendues disponibles sans délai » (26). L’équivalent de ces dispositions figurent actuellement, en substance, sous le septième alinéa de l’annexe III de la directive 2009/119, qui détermine les quantités de produits énergétiques qui peuvent être prises en compte dans le calcul des stocks (27).

53.      J’estime qu’il convient dès lors d’entendre par « opérateur économique » tout opérateur sur le marché qui est actif soit dans la production, l’importation ou la vente des produits énergétiques énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008, soit dans une activité impliquant une utilisation de tels produits. Ainsi, la notion d’« opérateur économique » peut couvrir non seulement les producteurs (tels que les raffineries), mais aussi les négociants en produits pétroliers (tels
que Trade Express) ou les fabricants utilisant des produits pétroliers à des fins de production (tels que Devnia Tsiment), qui peuvent aussi, en principe, se voir imposer une obligation de stockage.

54.      Il s’ensuit que si la directive 2009/119 ne détermine ni les opérateurs économiques susceptibles de se voir imposer des obligations de stockage de sécurité, ni la manière dont les États membres doivent les déterminer, laissant ainsi une marge à ces derniers pour décider quelles entreprises sont tenues de conserver ces stocks, une analyse à la lumière d’une interprétation contextuelle, téléologique et historique de cette directive permet de préciser les contours de la notion d’« opérateur
économique », qui demeure très large.

55.      Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre à la première question, telle que reformulée, que les dispositions pertinentes de la directive 2009/119, lues à la lumière de l’article 17 et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle un opérateur économique ayant effectué des importations de produits énergétiques relevant de l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement
n^o 1099/2008, peut être tenu de constituer un stock de sécurité.

C.      Sur la deuxième question préjudicielle

56.      Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un État membre peut, dans le cadre de la mise en œuvre des obligations qui lui incombent au titre de l’article 3 de la directive 2009/119, limiter les types de produits énergétiques constituant des stocks de sécurité seulement à une partie des types des produits énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008.

57.      J’estime que la réponse à cette question doit également être affirmative.

58.      D’emblée, ainsi qu’il a été indiqué au point 41 des présentes conclusions, je rappelle que la faculté dont dispose un État membre d’imposer une obligation de constituer des stocks de sécurité découle de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2009/119, qui oblige les États membres à assurer le maintien « d’un niveau total de stocks pétroliers ». L’article 2, premier alinéa, sous i), de cette directive définit les « stocks pétroliers » comme étant « les stocks des produits énergétiques
énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008 ». Ce chapitre contient une liste de 24 types de produits regroupés sous l’intitulé « Pétrole (pétrole brut et produits pétroliers) ». En ce sens, le règlement n^o 1099/2008 constitue uniquement un document de référence par rapport à la directive 2009/119 (28).

59.      Dans la mesure où ces deux dispositions se réfèrent de manière générale aux « stocks des produits énergétiques énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008 », il est possible de concevoir que l’obligation de stockage s’applique à l’ensemble de ces produits. En principe, un État membre doit donc avoir la faculté d’imposer aux opérateurs une obligation de stockage qui couvrirait l’ensemble des produits pétroliers visés à l’article 2, premier alinéa, sous i), de ladite
directive.

60.      Toutefois, il ne saurait être déduit de ces deux dispositions que la directive 2009/119 impose aux États membres de garantir un maintien constant de chacun des produits énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008 ni que ceux-ci ne pourraient pas limiter les types de produits énergétiques constituant leur propre stock de sécurité.

61.      En effet, en premier lieu, quant au libellé des dispositions pertinentes, il convient de préciser que l’article 2, premier alinéa, sous j), de la directive 2009/119 définit les « stocks de sécurité » comme étant « les stocks pétroliers dont l’article 3 impose le maintien à chaque État membre ». Or, l’article 3 de cette directive ne décrit que la méthode de calcul du volume des stocks que les États membres sont tenus de maintenir, en utilisant comme point de repère les « importations
journalières moyennes nettes » ou la « consommation intérieure journalière moyenne » (29), qui, à leur tour, sont calculées sur la base de l’équivalant en pétrole brut. Plus précisément, le stockage obligatoire doit être réalisé en utilisant les méthodes et les modalités de calcul des obligations de stockage visées à l’article 3, paragraphe 2, premier et second alinéas, de ladite directive (qui se réfèrent respectivement aux annexes I et II de celle-ci), ainsi qu’à l’article 3, paragraphe 3, de la
même directive. Cet article 3 détermine donc non pas la composition spécifique des stocks de sécurité que les États membres sont tenus de détenir, mais uniquement le volume de ceux-ci.

62.      À cet égard, il convient de préciser que l’approche de l’actuelle directive se distingue de celle retenue dans les versions précédentes de cette dernière, qui exigeait, en substance, que les États membres maintiennent un niveau de stocks pour chacune des trois catégories de produits pétroliers suivantes : a) essences auto et carburants pour avion (essence avion, carburéacteur de type essence) ; b) gasoils, dieseloils, pétrole lampant et carburéacteur de type kérosène, et c) fuel-oils (30).
Ainsi qu’il ressort du considérant 5 de l’actuelle directive, la raison de ce changement se justifie par l’objectif d’adapter la méthode de calcul des obligations de stockage, pour les rapprocher des méthodes utilisées dans le cadre de l’accord AIE, à savoir pour des raisons pratiques et pour réduire la charge administrative (31).

63.      Il s’ensuit que, contrairement aux directives antérieures à la directive 2009/119, celle-ci n’impose désormais plus de catégories de produits, ce qui démontre l’intention du législateur de l’Union de laisser aux États membres le libre choix des produits pouvant faire partie des stocks de sécurité.

64.      En deuxième lieu, il me semble que cette interprétation être confortée par des éléments contextuels.

65.      Premièrement, au titre de l’article 4 de la directive 2009/119, intitulé « Calcul du niveau des stocks », les niveaux des stocks sont calculés en « équivalent en pétrole brut », conformément aux méthodes exposées à l’annexe III de cette directive (32). D’une part, conformément au troisième alinéa cette annexe III, s’agissant du « pétrole brut », il s’agit de faire la somme des quantités de pétrole brut (qu’il convient de diminuer de 4%, correspondant à un taux moyen de rendement en naphta).
D’autre part, s’agissant des autres types de produits pétroliers, conformément au sixième alinéa de ladite annexe, pour calculer l’équivalent en pétrole brut, les États membres peuvent choisir entre deux méthodes, à savoir : « a) inclure tous les autres stocks de produits pétroliers recensés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008 [...] en multipliant les quantités par 1,065, ou b) inclure les stocks des seuls produits suivants : [...] en multipliant les quantités par 1,2 » [ci-après
la « catégorie de produits sous b) »] (33). Le libellé de l’annexe III de la directive 2009/119 prévoit donc explicitement la possibilité pour les États membres d’inclure dans leur stock de sécurité uniquement une partie des produits pétroliers, à savoir, ceux qui relèvent de la catégorie de produits sous b). Or, l’octroi d’un tel choix aux États membres présuppose leur liberté de déterminer la composition de leurs stocks de sécurité, pourvu que soient respectés les volumes requis à l’article 3 de
la directive 2009/119. En effet, les États membres sont les seuls à connaître tous les tenants et les aboutissants en termes de consommation, de production ou d’importation nationales des produits pétroliers. En fait, il ressort des données statistiques officielles que la grande majorité des États membres ont choisi, à l’instar de la République de Bulgarie, d’inclure dans leur stock de sécurité, outre le pétrole brut, conformément à la seconde méthode précitée, les produits relevant de la catégorie
sous b) (34).

66.      Deuxièmement, il convient de remarquer que la seule restriction au libre choix des États membres découle des exigences de l’article 9, paragraphe 5, de la directive 2009/119, qui concerne la composition des « stocks spécifiques », qui ne peuvent se composer que d’un (ou plusieurs) des 14 types de produits pétroliers énumérés à l’article 9, paragraphe 2, de cette directive. En effet, les États membres qui n’ont pas pris l’engagement de maintenir, pour toute la durée d’une année civile
donnée, au moins trente jours de stocks spécifiques, veillent à ce qu’au moins un tiers de leur obligation de stockage soit maintenu sous la forme de produits dont la composition est conforme à l’article 9, paragraphes 2 et 3, de ladite directive, à savoir au moins l’une des catégories des produits pétroliers énumérées audit paragraphe 2. Cette disposition exige essentiellement qu’au moins un tiers de l’obligation de stockage de l’État membre soit maintenu sous la forme de produits spécifiques,
reflétant les modèles de consommation (et rendant ainsi compte des besoins réels de l’État membre concerné).

67.      En troisième et dernier lieu, quant à l’objectif des dispositions pertinentes, contrairement à ce que prétend la juridiction de renvoi, j’estime qu’on ne saurait affirmer que l’objectif d’assurer un niveau élevé de sécurité des approvisionnements en pétrole ne peut être atteint que si les États membres maintenaient dans leurs stocks de sécurité l’ensemble des produits énergétiques visés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008. Bien au contraire, les différentes catégories de
produits pétroliers énumérées à cette annexe revêtent une importance variable lorsqu’il s’agit de faire face à de graves crises d’approvisionnement. Cela ressort clairement du fait que la méthode actuelle de calcul du niveau des stocks détenus, telle que détaillée à l’annexe III de la directive 2009/119 et décrite au point 65 des présentes conclusions, prévoit, pour le calcul de l’équivalent en pétrole brut des produits énergétiques, un coefficient plus favorable (à savoir 1,2) pour la catégorie de
produits sous b) (35) par rapport au coefficient prévu pour les autres types de produits pétroliers (à savoir 1,065). En d’autres termes, cette distinction entre coefficients suggère que non seulement l’actuelle directive n’impose pas aux États membres le maintien des stocks de sécurité pour l’ensemble des produits énergétiques énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008, mais que, en fixant un coefficient plus favorable pour la catégorie de produits sous b), cette directive a
implicitement reconnu que ces produits sont plus utiles pour faire face à une éventuelle grave crise d’approvisionnement. De même, la directive 2009/119 permet d’inclure dans les stocks de sécurité les stocks de « pétrole brut », dont le traitement permet de produire toutes les catégories de produits pétroliers visés à cette annexe. D’un point de vue pratique, il serait donc dépourvu de logique de vouloir obliger les États membres de détenir un stock de sécurité pour absolument toutes les catégories
de produits visées à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008.

68.      Compte tenu de ce qui précède, je propose de répondre à la deuxième question que les dispositions pertinentes de la directive 2009/119, lues à la lumière de l’article 17 et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle les stocks de sécurité sont constitués pour une partie seulement des types de produits énergétiques visés à l’article 2, premier alinéa, sous i), de la
directive 2009/119, à condition que ce stock soit : i) constitué en utilisant les méthodes et les modalités de calcul des obligations de stockage visées à l’article 3, paragraphes 1, 2 et 3, de cette directive, ii) calculé conformément aux méthodes exposées à l’annexe III de ladite directive et, iii) dans le respect de l’article 9, paragraphe 5, de la même directive.

D.      Sur les troisième, quatrième et cinquième questions préjudicielles

69.      Par ses troisième à cinquième questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un État membre peut, dans le cadre de la mise en œuvre des obligations qui lui incombent au titre de l’article 3 de la directive 2009/119, obliger un opérateur économique à détenir des stocks de produits autres que ceux importés par lui-même, ou qui ne sont pas liés à son activité économique, même si cela entraîne une charge financière
importante.

70.      Contrairement aux réponses proposées aux deux premières questions préjudicielles, j’estime que la réponse à ces trois dernières questions doit être plus nuancée.

71.      Sur la base des réponses apportées aux deux premières questions, il convient de rappeler que, d’une part, la directive 2009/119 ne détermine pas quels opérateurs économiques peuvent se voir imposer des obligations de stockage de sécurité, de sorte qu’il appartient aux États membres, destinataires des obligations visées à cette directive, de décider quelles entreprises (ou ECS) sont tenues de conserver des stocks de pétrole et/ou de produits pétroliers, et que, d’autre part, ladite directive
n’impose pas aux États membres de maintenir des stocks de l’ensemble des produits énergétiques énumérés à l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008.

72.      Il convient donc logiquement d’en conclure qu’il incombe aux États membres de déterminer quelles obligations de constitution et de maintien de stocks de sécurité peuvent être imposées aux opérateurs économiques de façon à exécuter les obligations découlant de la directive 2009/119. Concrètement, un État membre devrait donc pouvoir en principe imposer l’obligation de maintenir un stock de sécurité à tout opérateur économique, tant en termes de quantité que de type de produit, indépendamment
de la question de savoir si l’opérateur dispose lui-même du produit à stocker et/ou d’installations de stockage pour celui-ci.

73.      À cet égard, il convient d’observer que si, en règle générale, un État membre mettant en œuvre son obligation de stockage cherchera à le faire de la manière la plus efficace et choisira donc d’imposer ces obligations principalement aux entreprises qui disposent déjà d’installations de stockage ou qui ont de réelles possibilités de louer ces installations, la situation particulière dans ce même État membre pourrait rendre nécessaire une répartition des obligations de stockage au-delà de ce
cercle d’entreprises, en impliquant également d’autres entreprises qui, soit ne disposent pas elles-mêmes d’installations de stockage ou d’un accès facile à de telles installations, soit ne disposent pas de produit énergétique relevant du stock de sécurité (36).

74.      Toutefois, lorsqu’un État membre adopte des mesures dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par un acte du droit de l’Union, il doit être considéré comme mettant en œuvre ce droit, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (37). Partant, de telles obligations ayant des conséquences potentiellement considérables sur la situation d’un opérateur économique ne peuvent être imposées que dans le respect, notamment, d’une part, du droit de propriété, consacré à
l’article 17 de la Charte et, d’autre part, de la liberté d’entreprise, garantie par l’article 16 de la Charte, qui comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle ainsi que la concurrence libre (38), mais aussi le droit, pour toute entreprise, de pouvoir librement utiliser, dans les limites de la responsabilité qu’elle encourt pour ses propres actes, les ressources économiques, techniques et financières dont elle dispose (39).

75.      S’agissant des restrictions pouvant être apportées à l’usage du droit de propriété du fait de l’imposition de ces obligations, je rappelle, par ailleurs, que le droit de propriété garanti par l’article 17 de la Charte n’est pas une prérogative absolue et que son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Il ressort ainsi de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte que des restrictions peuvent être apportées à l’usage du
droit de propriété, à la condition, notamment (40), que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (41). De même, s’agissant de la liberté d’entreprise, la Cour a également confirmé que cette liberté ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit être prise en considération par rapport à sa
fonction dans la société (42).

76.      À cet égard, il me paraît utile d’apporter des précisions.

77.      En premier lieu, il me semble peu contestable que l’objectif poursuivi par la directive 2009/119, tel que décrit au point 40 des présentes conclusions, et consistant à garantir la sécurité d’approvisionnement énergétique, figure parmi les objectifs d’intérêt général qui sont susceptibles de justifier une restriction à l’usage de la propriété (43). En effet, la Cour a déjà jugé que l’approvisionnement minimal en produits pétroliers dépasse des considérations de nature purement économique et
peut donc constituer un objectif couvert par la notion de « sécurité publique » (44). Partant, en ciblant le stockage sur les produits pétroliers les plus indispensables et en définissant largement le cercle des opérateurs économiques soumis à l’obligation de stockage, la réglementation en cause au principal devrait, à mes yeux, être considérée comme étant apte à atteindre cet objectif.

78.      En deuxième lieu, il est nécessaire d’apprécier si de telles obligations, en l’absence d’indemnisation en faveur des opérateurs économiques sur lesquels elles reposent, constitueraient une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété (45). Or, si la directive 2009/119 ne prévoit pas de système d’indemnisation, elle contient toutefois d’autres règles qui me semblent pertinentes quant à l’appréciation de la proportionnalité de ces
obligations.

79.      D’une part, aux termes de l’article 8 de la directive 2009/119, un État membre doit « [veiller] à donner à tout opérateur économique auquel il impose des obligations de stockage [...] le droit de déléguer au moins une partie de ses obligations de stockage » (46). Ainsi qu’il a été décrit au point 45 des présentes conclusions, l’opérateur a dès lors le choix de déléguer ces obligations à une ECS ou à d’autres opérateurs économiques, tant à l’intérieur qu’en dehors du territoire de l’État
membre pour le compte duquel les stocks sont détenus, et ce « moyennant le paiement d’un montant limité au coût des services fournis » (47). Cette disposition démontre que le législateur de l’Union a implicitement reconnu que les États membres peuvent imposer aux opérateurs économiques des obligations difficiles à remplir et que, dès lors, ceux-ci devraient pouvoir choisir de les déléguer à un coût raisonnable à un opérateur plus approprié. Une réelle possibilité de délégation devrait donc être
perçue comme une garantie que les obligations de stockage sont proportionnées et comme assurant des conditions de concurrence équitables.

80.      D’autre part, et dans cette même logique, il est rappelé que l’obligation de constituer et de maintenir des stocks a un champ temporel et matériel bien délimité (un an, pour une quantité identifiée) et que rien ne devrait empêcher les opérateurs économiques tenus de constituer des stocks de sécurité de produits pétroliers qu’ils n’utilisent pas dans le cadre de leurs activités de procéder à la vente de ces produits une fois l’année de stockage de sécurité obligatoire écoulée et ainsi en
tirer profit.

81.      Ces précisions ayant été apportées, l’appréciation de la compatibilité avec le droit de l’Union des éventuelles limitations occasionnées par les ordonnances litigieuses appartient en définitive à la juridiction de renvoi, à la lumière des circonstances spécifiques présentes en République de Bulgarie.

82.      À cet égard, il apparaît évident que les obligations imposées ne doivent en aucun cas, dans leur ensemble, dépasser les limites d’approvisionnement minimal telles que définies à l’article 3 de la directive 2009/119 (48). En effet, une telle obligation, lorsqu’elle est partagée de manière équitable (et donc, par définition, proportionnelle) entre tous les opérateurs économiques ne devrait pas être, en tant que telle, de nature à porter atteinte aux contenu essentiel du droit de propriété
et/ou de la liberté d’entreprise.

83.      Quant à la portée de l’atteinte, il convient de distinguer deux cas de figure.

84.      D’une part, je suis d’avis que, lorsque des opérateurs économiques sont tenus de constituer des stocks de sécurité d’un type de produit énergétique qui fait partie de leur activité, l’atteinte au droit de propriété (et, par extension, à la liberté d’entreprise) ne saurait, a priori, être considérée comme une ingérence disproportionnée, dans la mesure où, notamment, ils disposent, en principe, des infrastructures physiques ou des relations commerciales nécessaires à la production, au
commerce, au traitement, au transport et au stockage du pétrole brut et des produits pétroliers. Toutefois, cette obligation ne devrait pas représenter une charge financière démesurée ou excessive par rapport au chiffre d’affaires généré dans le cadre de son activité commerciale (49).

85.      D’autre part, lorsqu’un État membre, comme en l’occurrence la République de Bulgarie, prévoit dans sa réglementation nationale une obligation de constitution de stocks de sécurité d’un produit pétrolier dans le chef d’un opérateur économique qui n’utilise pas ce produit dans le cadre de ses activités économiques régulières, cet opérateur est logiquement susceptible d’être exposé à des coûts supplémentaires par rapport aux opérateurs relevant du premier cas de figure. Ainsi, s’il existe un
rapport de concurrence effective ou potentielle entre de tels opérateurs, l’imposition d’une telle obligation pourrait créer des conditions manifestement inéquitables quant à la capacité de satisfaire à l’obligation de stockage, ce qui serait incompatible non seulement avec le respect des règles du marché intérieur et de la concurrence, qui est expressément exigé au considérant 33 de la directive 2009/119, mais également avec le principe de non-discrimination. Dans un tel cas de figure, plutôt
exceptionnel, où un opérateur voit sa position concurrentielle substantiellement affectée du fait d’une charge financière, il pourrait donc être envisageable de faire appel, dans le cadre de la réglementation nationale ou par voie judiciaire sur la base d’une appréciation individuelle, à des mesures correctives, telles qu’une compensation du surcoût, voire une dispense de l’obligation de payer l’assurance ou l’accise liée à l’achat du produit pétrolier ou des coûts administratifs liés au transport
et au stockage de ce produit, afin de pouvoir rétablir des conditions équitables dans le marché et mettre tous les opérateurs sur un pied d’égalité.

86.      Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre aux troisième, quatrième et cinquième questions, telles que reformulées, que les dispositions pertinentes de la directive 2009/119, lues à la lumière de l’article 17 de la Charte, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui oblige un opérateur économique à détenir des stocks de produits autres que ceux importés par lui-même, ou qui ne sont pas liés à son activité économique, même si cela
entraîne une charge financière importante pour cet opérateur, à moins qu’une telle obligation entraîne un désavantage disproportionné pour ledit opérateur, notamment, par rapport à son chiffre d’affaires ou par rapport à d’autres opérateurs économiques concurrents.

V.      Conclusion

87.      Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), telles que reformulées :

L’article 1^er, l’article 2, premier alinéa, sous i), ainsi que les articles 3 et 8 de la directive 2009/119/CE, du 14 septembre 2009, faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers, telle que modifiée par la directive d’exécution (UE) 2018/1581 de la Commission, du 19 octobre 2018, lus en combinaison avec l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement (CE) n^o 1099/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008,
concernant les statistiques de l’énergie, tel que modifié par le règlement (UE) 2019/2146 de la Commission, du 26 novembre 2019, et l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle :

1)      un opérateur économique ayant effectué des importations de produits énergétiques relevant de l’annexe A, chapitre 3.4, du règlement n^o 1099/2008, tel que modifié par le règlement 2019/2146, peut être tenu de constituer un stock de sécurité ;

2)      les stocks de sécurité sont constitués pour une partie seulement des types de produits énergétiques visés à l’article 2, premier alinéa, sous i), de la directive 2009/119, telle que modifiée par la directive d’exécution 2018/1581, à condition que ce stock soit : i) constitué en utilisant les méthodes et les modalités de calcul des obligations de stockage visées à l’article 3, paragraphes 1, 2 et 3, de cette directive, ii) calculé conformément aux méthodes exposées à l’annexe III de ladite
directive et, iii) dans le respect de l’article 9, paragraphe 5, de la même directive ;

3)      un opérateur économique a l’obligation de détenir des stocks de produits autres que ceux importés par lui-même, ou qui ne sont pas liés à son activité économique, même si cela entraîne une charge financière importante pour cet opérateur, à moins qu’une telle obligation entraîne un désavantage disproportionné pour ledit opérateur, notamment, par rapport à son chiffre d’affaires ou par rapport à d’autres opérateurs économiques concurrents.

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1      Langue originale : le français.

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2      Directive du Conseil, du 14 septembre 2009, faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers (JO 2009, L 265, p. 9), telle que modifiée par la directive d’exécution (UE) 2018/1581 de la Commission, du 19 octobre 2018 (JO 2018, L 263, p. 57) (ci-après la « directive 2009/119 » ou l’« actuelle directive »).

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3      Les directives antérieures 68/414/CEE du Conseil, du 20 décembre 1968, faisant obligation aux États membres de la CEE de maintenir un niveau minimum de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers (JO 1968, L 308, p. 14) et 2006/67/CE du Conseil, du 24 juillet 2006, faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers (JO 2006, L 217, p. 8) ont donné lieu à des arrêts peu nombreux et dénués de pertinence en l’espèce
(arrêts du 12 décembre 1990, Hennen Olie, C‑302/88, EU:C:1990:455 ; du 25 octobre 2001, Commission/Grèce, C‑398/98, EU:C:2001:565, et du 17 juillet 2008, Commission/Belgique, C‑510/07, EU:C:2008:435). L’affaire pendante C‑784/22, Solvay Sodi, pose des questions analogues à celles des présentes affaires, justifiant une suspension jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans celles-ci.

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4      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 concernant les statistiques de l’énergie (JO 2008, L 304, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2019/2146 de la Commission, du 26 novembre 2019 (JO 2019, L 325, p. 43) (ci-après le « règlement n^o 1099/2008 »).

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5      Seule la République de Bulgarie semble imposer un régime exigeant d’un opérateur économique qui importe un certain type de produit pétrolier de constituer un stock d’un type de produit pétrolier autre que celui importé. Lors de l’audience, la Commission européenne a toutefois indiqué, sur la base des rapports établis au titre de l’article 6 de la directive 2009/119, qu’un régime similaire existe en Pologne.

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6      Ci-après la « directive de 1968 ».

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7      JO 1998, L 358, p. 100.

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8      Ci-après la « directive de 2006 ».

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9      DV n^o 15, du 15 février 2013.

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10      Plus précisément, Trade Express conteste sa qualification en tant que « personne obligée » sur la base de trois griefs, à savoir : l’impossibilité financière d’acheter la quantité de fioul lourd indiquée dans l’ordonnance la concernant, le fait qu’elle ne détient pas d’installations pour le stockage du fioul lourd, et l’impossibilité de remplir dans les délais l’obligation de constituer et de maintenir le stock de sécurité spécifié. Devnia Tsiment, pour sa part, fait valoir, notamment, la
mauvaise transposition de la directive 2009/119 en droit bulgare.

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11      La juridiction de renvoi se réfère aux arrêts des 11 mars et 4 mai 2022 du Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême).

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12      Voir point 21 des présentes conclusions.

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13      À savoir, payer le prix d’achat du produit concerné, acheter ou louer un site d’entreposage pour le stock, l’assurer conformément au ZZNN, payer l’accise conformément à la législation bulgare sur les accises, et ce même en cas de délégation de l’obligation, la délégation étant une possibilité relevant de l’appréciation de la personne obligée.

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14      À cet égard, on peut faire remonter l’origine des règles visant au maintien d’un niveau élevé de stocks de pétrole aux premier et deuxième considérants de la directive de 1968.

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15      Mise en italique par mes soins.

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16      Lors de l’élaboration du projet de directive, la Commission a retenu que la diversité des systèmes nationaux « ne constitu[ait] pas un problème » [voir p. 17 du document de travail de la Commission accompagnant la proposition de directive – Analyse d’impact, COM(2008) 775 (disponible en langue anglaise sur le site Internet : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/ALL/?uri=CELEX%3A52008SC2858) (ci-après l’« analyse d’impact »)].

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17      Voir article 7, paragraphe 2, de la directive 2009/119.

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18      Voir article 5, paragraphe 1, et article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/119.

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19      Voir arrêt du 8 juin 2023, VB (Information du condamné par défaut) (C‑430/22 et C‑468/22, EU:C:2023:458, point 24).

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20      À titre d’exemple, les considérants 10, 11 et 19 de la directive 2009/119 se réfèrent à des obligations imposées à des « opérateurs économiques ».

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21      Voir article 8, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2009/119.

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22      Voir article 8, paragraphe 1, sous c) et d), de la directive 2009/119.

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23      Mise en italique par mes soins.

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24      Voir point 40 des présentes conclusions.

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25      Mise en italique par mes soins.

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26      Mise en italique par mes soins. Ces dispositions ont été reprises à l’article 6, paragraphe 2, de la directive de 2006.

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27      Voir point 15 des présentes conclusions.

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28      Voir considérant 3 de la directive d’exécution 2018/1581.

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29      Voir point 41 des présentes conclusions.

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30      Voir article 3 de la directive de 1968 et article 2 de la directive de 2006. En outre, il convient d’observer que l’article 5 de la directive de 1968, telle que modifiée, prévoyait que « [l]es stocks à maintenir dans le cadre de l’obligation définie à l’article 1^er [l’équivalent de l’article 3 de l’actuelle directive] peuvent se présenter sous la forme de pétrole brut et de produits intermédiaires, ainsi que sous la forme de produits finis » (mise en italique par mes soins).

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31      Voir p. 15 et 21 (respectivement points 2.2.3.1. et 3.2.4 de l’analyse d’impact).

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32      Cette annexe III reproduit globalement la méthode de calcul des stocks de l’accord AIE (voir point 62 des présentes conclusions).

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33      Voir point 15 des présentes conclusions. Mise en italique par mes soins.

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34      Voir fiches statistiques d’Eurostat, intitulées « The EU emergency oil stocks », de juillet 2022, démontrant qu’uniquement sept États membres possédaient des stocks pour « tous les autres produits » (« all other products ») (voir données disponibles en langue anglaise sur le site Internet d’Eurostat : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Emergency_oil_stocks_statistics#Emergency_oil_stocks_statistics).

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35      Ces produits coïncident, en substance, avec les produits énumérés à l’article 2 de la directive de 2006 (voir point 62 des présentes conclusions).

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36      Cette exigence serait par exemple justifiée lorsqu’un État ne dispose pas de ressources propres en pétrole brut ou de grandes raffineries à même de tenir les stocks nécessaires et dépend entièrement des importations (voir, par analogie, arrêt du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a., 72/83, EU:C:1984:256, points 34 et 35).

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37      Voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2022, Sātiņi-S (C‑234/20, ci-après l’« arrêt Sātiņi-S », EU:C:2022:56, points 56 à 59 et jurisprudence citée).

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38      Voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, TP (Monteur audiovisuel pour la télévision publique) (C‑356/21, EU:C:2023:9, point 74 et jurisprudence citée).

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39      Voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) e.a. (C‑798/18 et C‑799/18, EU:C:2021:280, point 62 ainsi que jurisprudence citée).

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40      Selon l’article 52, paragraphe 1, première phrase, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits reconnus par celle-ci doit être, notamment, « prévue par la loi », ce qui implique que la base légale qui permet l’ingérence dans ledit droit doit définir elle-même, de manière claire et précise, la portée de la limitation de son exercice (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers (C‑265/19, EU:C:2020:677, point 86 et jurisprudence citée). Or, en
l’occurrence, il n’est pas contesté que la limitation aux droits des opérateurs économiques est prévue de manière claire et précise par le ZZNN.

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41      Selon l’article 52, paragraphe 1, seconde phrase, de la Charte, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées aux droits et libertés reconnus par la Charte que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui. Voir, en ce sens, arrêt Sātiņi-S (points 62 et 63, ainsi que jurisprudence citée).

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42      Voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, TP (Monteur audiovisuel pour la télévision publique) (C‑356/21, EU:C:2023:9, point 75 et jurisprudence citée).

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43      Voir, par analogie, arrêt Sātiņi-S (point 64 et jurisprudence citée).

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44      Voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a. (72/83, EU:C:1984:256, points 34 et 35), et du 17 septembre 2020, Hidroelectrica (C‑648/18, EU:C:2020:723, point 37), ainsi que considérant 25 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55).

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45      Voir, par analogie, arrêt Sātiņi-S (point 65 et jurisprudence citée).

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46      Mise en italique par mes soins.

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47      Voir, à cet égard, considérant 10 de la directive 2009/119.

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48      Voir, par analogie, arrêt du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a. (72/83, EU:C:1984:256, point 47).

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49      Voir, par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Lidl (C‑134/15, EU:C:2016:498, point 27).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-395/22
Date de la décision : 19/10/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle, introduites par l'Administrativen sad – Varna.

Renvoi préjudiciel – Énergie – Directive 2009/119/CE – Approvisionnement de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers – Article 3 – Obligation, pour les États membres, de maintenir des stocks de sécurité – Article 8 – Opérateurs économiques – Règlement (CE) no 1099/2008 – Statistiques de l’énergie – Réglementation nationale permettant d’imposer à un opérateur économique l’obligation de constituer et de maintenir un stock de sécurité d’un produit pétrolier, y compris lorsque ce produit est étranger à l’activité économique de cet opérateur – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 16 – Liberté d’entreprise – Article 17 – Droit de propriété.

Charte des droits fondamentaux

Rapprochement des législations

Droits fondamentaux

Dispositions générales

Énergie


Parties
Demandeurs : « Trade Express-L » OOD et « DEVNIA TSIMENT » AD
Défendeurs : Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia « Darzhaven rezerv i voennovremenni zapasi ».

Composition du Tribunal
Avocat général : Rantos

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:798

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