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07/09/2023 | CJUE | N°C-15/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, RF contre Finanzamt G., 07/09/2023, C-15/22


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

7 septembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération au développement – Fiscalité directe – Impôt sur le revenu – Exonération accordée aux salariés affectés à des projets d’aide au développement financés par des ressources budgétaires nationales – Différence de traitement des salariés affectés à un projet financé par le Fonds européen de développement – Article 63, paragraphe 1, TFUE – Libre circulation des capitaux – Article 4, paragraphe 3, TUE – Obligation de coopérat

ion loyale – Facilitation de la mission de
l’Union européenne – Articles 208 et 210 TFUE – Coopération au développeme...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

7 septembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération au développement – Fiscalité directe – Impôt sur le revenu – Exonération accordée aux salariés affectés à des projets d’aide au développement financés par des ressources budgétaires nationales – Différence de traitement des salariés affectés à un projet financé par le Fonds européen de développement – Article 63, paragraphe 1, TFUE – Libre circulation des capitaux – Article 4, paragraphe 3, TUE – Obligation de coopération loyale – Facilitation de la mission de
l’Union européenne – Articles 208 et 210 TFUE – Coopération au développement – Obligation de promouvoir les politiques en matière de coopération au développement – Invocabilité »

Dans l’affaire C‑15/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 13 juillet 2021, parvenue à la Cour le 6 janvier 2022, dans la procédure

RF

contre

Finanzamt G,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan (rapporteur), président de chambre, MM. D. Gratsias, M. Ilešič, I. Jarukaitis et Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme S. Beer, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 novembre 2022,

considérant les observations présentées :

– pour RF, par Mes B. Ellenrieder, J. Schönfeld et C. Süß, Rechtsanwälte,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, R. Kanitz, et N. Scheffel, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. C. Giolito, M. Kellerbauer, W. Roels, Mme D. Schaffrin et M. V. Uher, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 9 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 45, 56 et 63 TFUE ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, TUE et des dispositions combinées des articles 208 et 210 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant une personne physique au Finanzamt G (bureau des contributions G, Allemagne) au sujet du refus de ce dernier d’exonérer d’impôt sur le revenu les salaires que cette personne, assujettie de manière illimitée à cet impôt en Allemagne, a perçus au titre d’une activité exercée à l’étranger, financée par les 7e et 9e Fonds européens de développement (FED), alors même que la réglementation fiscale nationale prévoit qu’un tel revenu est
exonéré lorsque, en substance, l’activité est financée par des ressources budgétaires nationales.

Le cadre juridique

La réglementation applicable aux 7e et 9e FED

La quatrième convention ACP-CEE

3 La quatrième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15 décembre 1989 (JO 1991, L 229, p. 3), comporte une troisième partie, intitulée « Les instruments de la coopération ACP-CEE », laquelle contient un titre III, intitulé « Coopération pour le financement du développement ». Figure parmi les dispositions de ce titre l’article 231 de cette convention, lequel prévoit :

« Aux fins définies dans le présent titre, le montant global des concours financiers de la Communauté est indiqué dans le protocole financier annexé à la présente convention. »

4 L’article 233, paragraphe 1, de cette convention est libellé comme suit :

« Les projets ou programmes peuvent être financés soit au moyen de subventions, soit au moyen de capitaux à risques au titre du Fonds, soit au moyen de prêts de la Banque [européenne d’investissement (BEI)] sur ses ressources propres, soit en ayant recours à deux ou plusieurs de ces modes de financement. »

5 Le protocole financier annexé à la quatrième convention ACP-CEE comporte un article 1er dont le paragraphe 1 stipule que, aux fins exposées dans le titre III de la troisième partie de cette convention, relatif à la coopération pour le financement du développement, et pour une période de cinq ans à compter du 1er mars 1990, le montant global des concours financiers de la Communauté européenne est de 12000 millions d’écus.

L’accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de la quatrième convention ACP-CEE

6 Le premier considérant de l’accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de la quatrième convention ACP-CEE (JO 1991, L 229, p. 288) énonce :

« Considérant que la quatrième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15 décembre 1989, ci-après dénommée “convention”, a fixé à 12000 millions d’écus le montant global des aides de la Communauté aux États ACP pour la période 1990/1995 ».

7 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, sous a), de cet accord stipule :

« 1.   Les États membres instituent un septième Fonds européen de développement (1990), ci-après dénommé “Fonds”.

2.   

a) Le Fonds est doté d’un montant de 10940 millions d’écus, financés par les États membres selon [une clef de répartition].

[...] »

8 L’article 3, premier alinéa, dudit accord est libellé comme suit :

« Au montant fixé à l’article 1er s’ajoutent, à concurrence de 1225 millions d’écus, des prêts accordés par la [BEI], sur ses ressources propres, dans les conditions fixées par elle conformément aux dispositions de ses statuts. »

9 Aux termes de l’article 5 de ce même accord :

« Toutes les opérations financières au profit des États ACP et des pays et territoires qui sont en conformité avec la convention et la décision [concernant les pays et territoires] sont effectuées dans les conditions prévues par le présent accord et sont imputées sur le Fonds, à l’exception des prêts consentis par la [BEI] sur ses ressources propres. »

10 L’article 13, paragraphe 1, de l’accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de la quatrième convention ACP-CEE stipule :

« La Commission [européenne] instruit les projets et programmes qui, en application de l’article 233 de la convention et des dispositions correspondantes de la décision, sont susceptibles d’être financés par des subventions sur les ressources du Fonds. »

11 En vertu de l’article 15 de cet accord :

« 1.   La [BEI] assure, pour le compte de la Communauté, l’exécution financière des opérations effectuées sur les ressources du Fonds sous la forme de capitaux à risques. Dans ce cadre, la [BEI] agit au nom et aux risques de la Communauté. Celle-ci est titulaire de tous les droits qui en découlent, notamment à titre de créancier ou propriétaire.

2.   La [BEI] assure l’exécution financière des opérations effectuées par prêts sur ses ressources propres, assortis de bonifications d’intérêts sur les ressources du Fonds. »

Le règlement financier 91/491/CEE

12 L’article 33, paragraphe 1, du règlement financier 91/491/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, applicable à la coopération pour le financement du développement en vertu de la quatrième convention ACP-CEE (JO 1991, L 266, p. 1), dispose :

« Les paiements s’effectuent en principe par l’intermédiaire d’institutions financières reconnues. [...] »

L’accord de Cotonou

13 L’article 62, paragraphe 1, de l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (JO 2000, L 317, p. 3), et approuvé au nom de la Communauté par la décision 2003/159/CE du Conseil, du 19 décembre 2002 (JO 2003, L 65, p. 27), tel que modifié par l’accord approuvé par la décision 2005/599/CE du Conseil, du 21 juin 2005 (JO 2005, L 209,
p. 26), et par l’accord approuvé par la décision 2010/648/UE du Conseil, du 14 mai 2010 (JO 2010, L 287, p. 1) (ci-après l’« accord de Cotonou »), stipule :

« Aux fins définies dans le présent accord, le montant global des concours financiers de la Communauté et les modalités et conditions de financement figurent dans les annexes du présent accord. »

14 L’annexe I de cet accord, intitulée « Protocole financier », est libellée comme suit :

« 1. Aux fins exposées dans le présent accord et pour une période de cinq ans à compter du 1er mars 2000, le montant global des concours financiers de la Communauté est de 15200 millions d’[euros (EUR)].

2. L’assistance financière de la Communauté comprend un montant de 13500 millions d’EUR du 9e FED.

3. Le 9e FED est réparti entre les instruments de la coopération de la façon suivante :

a) dix milliards d’EUR sous forme d’aides non remboursables sont réservés pour une enveloppe de soutien au développement à long terme. [...]

[...]

4. Un montant maximal de 1700 millions d’EUR est accordé par la [BEI] sous forme de prêts sur ses ressources propres. [...]

[...]

6. La [BEI] gère les prêts accordés sur ses ressources propres ainsi que les opérations financées dans le cadre de la facilité d’investissement. [...]

[...] »

15 L’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe II dudit accord, intitulée « Modes et conditions de financement », prévoit :

« Les modes et conditions de financement relatifs aux capitaux à risques et aux prêts financés par la facilité d’investissement et la [BEI] sur ses ressources propres et des opérations spéciales seront ceux qui sont définis dans le présent chapitre. [...] »

16 L’article 37, paragraphe 1, de l’annexe IV de ce même accord, intitulé « Paiements », stipule :

« En vue des paiements dans les monnaies nationales des États ACP, des comptes libellés dans les monnaies des États membres ou en euros peuvent être ouverts dans les États ACP, par et au nom de la Commission, dans une institution financière nationale publique ou paraétatique désignée d’un commun accord par l’État ACP et la Commission. Cette institution exerce les fonctions de payeur délégué national. »

L’accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de l’accord de Cotonou

17 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de l’accord interne entre les représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre du protocole financier de l’accord de partenariat entre les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne et ses États membres, signé à Cotonou (Bénin) le 23 juin 2000, et à l’affectation des aides financières destinées aux pays et territoires
d’outre-mer auxquels s’appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité CE (JO 2000, L 317, p. 355, ci-après l’« accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de l’accord de Cotonou »), prévoit :

« 1.   Les États membres instituent un neuvième Fonds européen de développement (2000), ci-après dénommé “9e FED”.

2.   Le 9e FED est doté comme suit :

a) Un montant maximum de 13800 millions d’EUR financés par les États membres selon [une clef de répartition]

[...] »

18 L’article 5, paragraphe 1, de cet accord stipule :

« Au montant fixé à l’article 1er, paragraphe 2, s’ajoutent, jusqu’à concurrence de 1720 millions d’EUR, des prêts accordés par la [BEI] sur ses ressources propres. [...] »

Le règlement financier du 27 mars 2003 applicable au 9e Fonds européen de développement

19 L’article 28 du règlement financier du 27 mars 2003 applicable au 9e Fonds européen de développement (JO 2003, L 83, p. 1) dispose :

« Afin d’effectuer les paiements visés à l’article 37, paragraphes 1 et 4, de l’annexe IV de l’accord ACP-CE ou aux mesures de mise en œuvre de la décision d’association outre-mer, le comptable ouvre des comptes auprès d’institutions financières des États ACP pays et territoires d'outre-mer (ci-après les "PTOM"), pour les paiements en monnaie nationale des États ACP ou en monnaie locale des PTOM, et auprès d’institutions financières des États membres pour les paiements en euros et autres devises.
Conformément à l’article 37, paragraphe 2, de ladite annexe, les fonds en dépôt sur des comptes auprès d’institutions financières des États ACP et des PTOM ne portent pas d’intérêts et les services de ces dernières ne sont pas rémunérés. Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de l’accord interne [relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de l’accord de Cotonou], les fonds en dépôt sur des comptes auprès d’institutions financières des États membres
portent des intérêts, lesquels sont crédités au compte visé audit article. »

La directive 88/361/CEE

20 La partie introductive de l’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article [63] du traité (JO 1988, L 178, p. 5), énonce :

« Dans la présente nomenclature, les mouvements de capitaux sont classés selon la nature économique des avoirs et engagements, libellés en monnaie nationale ou en devises étrangères, sur lesquels ils portent.

Les mouvements de capitaux énumérés dans la présente nomenclature s’entendent comme couvrant :

– l’ensemble des opérations nécessaires à la réalisation des mouvements de capitaux : conclusion et exécution de la transaction et transferts y afférents. La transaction s’effectue généralement entre résidents de différents États membres ; il arrive, toutefois, que certains mouvements de capitaux soient effectués par une seule personne pour son propre compte (cas, par exemple, des transferts d’avoirs d’émigrants),

[...] »

21 Parmi les mouvements de capitaux énumérés à cette annexe I figurent, à la rubrique VIII de celle-ci, les « prêts et crédits financiers (non compris dans les catégories I, VII et XI) » et, à la rubrique XI de ladite annexe, les « mouvements de capitaux à caractère personnel » dont les « dons et dotations ».

Le droit allemand

L’EStG

22 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu), dans sa version applicable aux faits du litige au principal (ci-après l’« EStG »), les personnes physiques qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire allemand y sont soumises à une obligation fiscale illimitée.

23 Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de l’EStG, les revenus d’une activité salariée que l’assujetti perçoit alors qu’il est soumis à une obligation fiscale illimitée sont soumis à l’impôt sur le revenu.

24 L’article 34c, paragraphe 5, de l’EStG dispose :

« Les hautes autorités fiscales des Länder ou les autorités fiscales qu’elles désignent peuvent, avec l’accord du ministère fédéral des Finances, accorder une remise, partielle ou totale, sur l’impôt sur le revenu frappant les revenus étrangers, ou fixer un montant forfaitaire, lorsque cela apparaît opportun pour des raisons économiques ou lorsque l’application du paragraphe 1 du présent article s’avère particulièrement difficile. »

L’ATE

25 Le 31 octobre 1983, le ministère allemand des Finances a publié, en vertu de l’article 34c, paragraphe 5, de l’EStG et en accord avec les hautes autorités fiscales des Länder, l’Auslandstätigkeitserlass (instruction relative au traitement fiscal des revenus des salariés tirés d’activités à l’étranger) (BStBl. 1983 I, p. 470, ci-après l’« ATE »), qui comporte les passages suivants :

« Le revenu du travail que les salariés d’un employeur établi sur le territoire national [...] perçoivent pour une activité bénéficiant du régime effectué au titre d’un contrat de travail en cours dans un autre État est exonéré d’impôt sur le revenu.

I. Activité bénéficiant du régime

L’activité bénéficiant du régime est celle exercée à l’étranger pour le compte d’un fournisseur, d’un producteur, d’un contractant ou d’un détenteur de droits de prospection et d’extraction de minerai, établis sur le territoire national, en rapport avec :

1. la planification, la construction, l’établissement, la mise en service, l’expansion, la réparation, la modernisation, la surveillance ou la maintenance des usines, bâtiments, machines de grande taille fixées au sol ou des installations comparables ainsi que la pose, la mise en place ou la réparation d’autres équipements ; par ailleurs, l’exploitation de l’installation jusqu’à la remise au client bénéficie d’une faveur fiscale.

2. la prospection et l’exploitation de minéraux.

3. le conseil auprès de clients ou d’organisations étrangers, en ce qui concerne les opérations mentionnées aux points 1 et 2, ou

4. l’aide publique allemande au développement dans le cadre de la coopération technique ou financière.

[...]

II. Durée de l’activité bénéficiant du régime

L’activité à l’étranger doit être exercée pendant une période ininterrompue d’au moins trois mois dans des États avec lesquels n’a pas été conclue une convention contre la double imposition portant également sur les revenus d’une activité salariée.

[...]

V. Non-application

Le présent régime ne s’applique pas lorsque :

1. le salaire est versé par des caisses publiques nationales, y compris les caisses de la Deutsche Bundesbahn [Chemins de fer fédéraux allemands] ou de la Deutsche Bundesbank [Banque fédérale d’Allemagne],

2. l’activité à l’étranger est exercée dans un État avec lequel une convention préventive de la double imposition a été signée, applicable aux revenus provenant du travail salarié ; si une convention est applicable à une date antérieure à son entrée en vigueur, alors les règles antérieures demeurent applicables jusqu’à cette entrée en vigueur dans la mesure où elles sont plus favorables pour le salarié [...] »

La pratique fiscale

26 Selon les informations fournies par le gouvernement allemand, la notion d’« aide publique allemande au développement dans le cadre de la coopération technique ou financière » employée au titre I, point 4, de l’ATE est, à son tour, interprétée par l’administration fiscale comme impliquant que la mesure d’aide au développement doive être financée à hauteur d’au moins 75 % par le ministère fédéral responsable de la coopération au développement ou par une société privée d’aide au développement
appartenant à l’État.

Le litige au principal et la question préjudicielle

27 Du 12 avril 2009 au 31 octobre 2012, la requérante au principal a été employée en tant que cheffe de projet salariée par une société d’aide au développement ayant son siège en Allemagne. Elle travaillait dans le cadre d’un contrat de travail dont la durée était égale à celle d’un projet de coopération au développement se déroulant en Afrique, auquel elle a été affectée. Ce projet était financé par les 7e et 9e FED. Pendant cette période, elle a néanmoins maintenu sa résidence et le centre de ses
intérêts en Allemagne où elle était, par conséquent, assujettie à l’impôt sur le revenu de manière illimitée.

28 Le Finanzamt Z (bureau des contributions Z, Allemagne) a accueilli une demande de l’employeur de la requérante au principal visant à l’exonération du salaire de cette dernière, en application de l’ATE, et a émis, en conséquence, une attestation d’exonération. Par suite, ledit employeur n’a pas retenu à la source et reversé à l’administration fiscale d’impôt sur les salaires. Les salaires de la requérante n’ont pas non plus été imposés dans un pays tiers.

29 À la suite d’un contrôle fiscal de la société employant la requérante au principal, le service des impôts compétent a constaté que le projet de coopération au développement en cause avait été financé non pas par le gouvernement fédéral ni par la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (société allemande pour la coopération internationale, Allemagne), mais par les 7e et 9e FED. En conséquence, il a été demandé au bureau des contributions G de soumettre les salaires de cette
requérante à l’impôt sur le revenu.

30 Par décision du 13 février 2014, le bureau des contributions G a fixé le montant de l’impôt dû par la requérante au principal au titre des exercices 2011 et 2012.

31 Après une réclamation infructueuse contre cette décision, cette requérante a formé un recours auprès du Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne, Allemagne) que ce dernier a rejeté comme non fondé par un arrêt du 22 mars 2018. Ladite requérante a ensuite introduit un recours en Revision contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi, à savoir le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne).

32 À cet égard, la juridiction de renvoi estime que, sur la base du droit national, le recours en Revision est dénué de fondement. En revanche, l’ATE et la pratique fiscale s’y rapportant pourraient être contraires au principe de coopération loyale inscrit à l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi qu’à l’obligation pour les États membres de coordonner leurs politiques de développement en vertu des articles 208 et 210 TFUE, lus conjointement.

33 C’est dans ce contexte que le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 3, [TUE] et des articles 208 et 210 [TFUE] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une pratique administrative nationale en vertu de laquelle il n’y a pas de renonciation à l’impôt si un projet de coopération au développement est financé par [deux des FED] tandis que, sous certaines conditions, il est renoncé à imposer le salaire que touche [un] travailleur sur la base d’un contrat de travail pour une activité en
lien avec l’aide publique au développement fournie par l’Allemagne dans le cadre de la coopération technique ou financière, financée au moins à 75 % par un ministère fédéral responsable de la coopération au développement ou par une société privée d’aide au développement appartenant à l’État ? »

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité

34 Dans ses observations écrites, le gouvernement allemand a émis des doutes sur la recevabilité de la présente demande préjudicielle, au motif que la présentation qui aurait été faite, par la juridiction de renvoi, du contexte juridique de celle-ci serait trompeuse, car elle passerait sous silence le fait que l’exonération prévue à l’article 34c, paragraphe 5, de l’EStG serait proportionnelle non pas à la part du projet financé par le ministère fédéral responsable de la coopération au développement
ou par une société privée d’aide au développement appartenant à l’État, mais, au contraire, à la part qui n’est pas ainsi financée. La requérante au principal a contesté lors de l’audience cette règle de calcul de l’exonération au motif que ladite règle n’était applicable qu’à compter de 2014, soit postérieurement à la date des faits litigieux.

35 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que
l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a., C‑357/19, C‑379/19, C‑547/19, C‑811/19 et C‑840/19, EU:C:2021:1034, point 139).

36 Or, en l’occurrence, il ressort de la demande introduite par cette juridiction que les doutes ayant justifié la question que cette dernière a posée concernent non pas l’exonération susceptible d’être accordée à un salarié selon que l’activité à laquelle il est affecté est financée par des ressources publiques nationales ou par le FED, mais la possibilité, pour une réglementation nationale, de traiter différemment un salarié pour ce motif. Partant, il n’apparaît pas de manière manifeste que
l’interprétation du droit de l’Union que la juridiction de renvoi a sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

37 En conséquence, à considérer même que le gouvernement allemand ait entendu soulever une exception d’irrecevabilité tirée des imprécisions du dossier en ce qui concerne le contexte juridique applicable, celle-ci doit être rejetée.

Sur le fond

38 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 3, TUE et des articles 208 et 210 TFUE doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une pratique fiscale nationale qui refuse d’exonérer d’impôt sur le revenu le salaire que touche un travailleur affecté à une activité en lien avec l’aide publique au développement lorsque cette activité est financée par un FED, alors que cette exonération est accordée lorsqu’une
telle activité est financée au moins à hauteur de 75 % par un ministère responsable de la coopération au développement ou par une société privée d’aide au développement appartenant à l’État membre concerné.

39 Cela étant, il convient de relever, à titre liminaire, que, si, dans l’énoncé de sa question, la juridiction de renvoi mentionne uniquement les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi que des articles 208 et 210 TFUE, il y a lieu de relever que, dans sa demande de décision préjudicielle, cette juridiction évoque également les libertés de circulation. Or, interrogées à ce sujet à l’audience, la requérante au principal et la Commission ont fait valoir qu’une pratique fiscale
telle que celle en cause au principal relève notamment du champ d’application de la liberté de circulation des capitaux, prévue à l’article 63, paragraphe 1, TFUE, alors que le gouvernement allemand a soutenu que ces libertés ne s’appliquent pas dans une situation telle que celle en cause au principal.

40 Dans ces conditions, il convient d’examiner, tout d’abord, si l’article 63, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique fiscale telle que celle en cause au principal.

41 À cet égard, il ressort de la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de la directive 88/361, laquelle a conservé la valeur indicative qui était la sienne pour définir la notion de mouvements de capitaux (arrêt du 16 décembre 2021, UBS Real Estate, C‑478/19 et C‑479/19, EU:C:2021:1015, point 31), que cette liberté a pour champ d’application matériel les opérations relatives à des avoirs ou à des engagements libellés en monnaie nationale ou en devises étrangères dont celles
de prêt et de don de sommes d’argent.

42 Étant donné que figurent notamment parmi les concours susceptibles d’être octroyés par le 7e ou par le 9e FED tant des aides non remboursables que des prêts, force est de constater qu’une pratique fiscale telle que celle en cause au principal est, en principe, susceptible d’affecter la liberté de circulation des capitaux.

43 Cela étant, il ressort du libellé de l’article 63, paragraphe 1, TFUE que, pour s’appliquer, la liberté de circulation des capitaux requiert un mouvement entre États membres ou entre un État membre et un pays tiers.

44 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a certes jugé, au point 38 de l’arrêt du 2 mars 1994, Parlement/Conseil (C‑316/91, EU:C:1994:76), que les dépenses nécessaires aux concours financiers prévus à l’article 231 de la quatrième convention ACP-CEE et à l’article 1er du protocole financier annexé à cette convention sont engagées directement par les États.

45 Toutefois, dans ce même point, la Cour a établi une distinction entre l’engagement de ces dépenses par les États membres et la distribution des concours qu’un tel engagement vise à permettre, puisqu’elle a souligné que cette dernière opération était effectuée non pas par lesdits États, mais par le 7e FED. En outre, la Cour a relevé, au point 29 de cet arrêt, que, dès lors que la quatrième convention ACP-CEE avait été conclue à la fois par la Communauté économique européenne et par les État
membres, ils étaient, sauf dérogations expressément prévues, conjointement responsables à l’égard des États ACP de l’exécution de toute obligation résultant des engagements souscrits, y compris ceux relatifs aux concours financiers. Partant, ainsi qu’il résulte des points 30 à 32 dudit arrêt, si la quatrième convention ACP-CEE emploie l’expression « concours financiers de la Communauté », celle-ci doit être comprise, dans le contexte de cette convention, comme se référant à la Communauté
économique européenne et à ses États membres considérés ensemble.

46 En conséquence, la Cour en a déduit, aux points 33 à 37 du même arrêt, que les concours distribués par le 7e FED l’étaient afin de satisfaire à l’obligation d’assistance financière, mentionnée à l’article 231 de la quatrième convention ACP-CEE, laquelle incombait à la Communauté ainsi qu’aux États membres, considérés ensemble, mais dont ces derniers avaient volontairement choisi d’assumer seuls la charge, raison pour laquelle ils avaient institué le 7e FED.

47 Au vu de ces éléments, il y a donc lieu de considérer que, si les dépenses nécessaires aux concours financiers et, plus généralement, la dotation du 7e FED en capitaux, sont directement assumées par les États membres, la distribution de ces concours par ledit fonds doit être considérée, quant à elle, comme étant effectuée non par ces États membres, mais par une entité qui a été instituée au moyen d’un accord intergouvernemental et aux fins d’assumer, en lieu et place de l’Union et des États
membres, des obligations auxquelles ceux-ci ont collectivement souscrit à l’occasion de la ratification d’un accord international mixte.

48 Dès lors, il doit être constaté que le mouvement de capitaux qu’implique la distribution, par le 7e FED, de concours financiers constitue un mouvement de capitaux intervenant non pas entre des États membres ou entre un État membre et un pays tiers, mais entre cette entité et, en principe, un pays tiers et qu’il ne saurait donc relever de la libre circulation des capitaux.

49 Il en va de même de la distribution de concours financiers par le 9e FED, les dispositions de l’accord de Cotonou ainsi que de l’accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de l’accord de Cotonou étant, sur ce point, analogues aux dispositions précitées.

50 Au demeurant, quand bien même la pratique fiscale en cause relèverait du champ d’application de la libre circulation des capitaux, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque les effets restrictifs qu’une mesure nationale pourrait produire sont trop aléatoires et trop indirects, de tels effets ne sauraient être regardés comme étant de nature à entraver l’une des libertés de circulation (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2022, Instituto do Cinema e do Audiovisual,
C‑411/21, EU:C:2022:836, point 29). Or, une pratique fiscale, telle que celle en cause au principal, n’est pas susceptible d’affecter de manière certaine et directe les financements octroyés par le 7e ou par le 9e FED.

51 Eu égard à ce qui précède, force est constater qu’une pratique fiscale telle que celle en cause au principal ne relève pas de la liberté de circulation des capitaux, visée à l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

52 S’agissant, ensuite, de l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu en combinaison avec les articles 208 et 210 TFUE, il peut être relevé que, comme il a été constaté, en substance, au point 46 du présent arrêt, les 7e et 9e FED ne sont pas des organes de l’Union. Or, si l’article 4, paragraphe 3, TUE consacre un principe de coopération loyale, il n’en demeure pas moins que ce dernier, même lu en combinaison avec les articles 208 et 210 TFUE, a un champ d’application limité à l’accomplissement par l’Union
et les États membres des missions découlant des traités.

53 Toutefois, il convient de rappeler que les 7e et 9e FED ont été institués par les États membres afin d’exécuter les obligations d’assistance financière auxquelles ils ont souscrit collectivement avec l’Union dans le cadre de la quatrième convention ACP-CEE et de l’accord de Cotonou.

54 Étant donné que les dispositions des traités s’imposent aux États membres, ces derniers ne sauraient s’exonérer de leur obligation de respecter leur devoir de coopération loyale aux fins, notamment, de l’accomplissement par l’Union de ses missions parmi lesquelles figurent, en vertu de l’article 3 TUE, le strict respect du droit international et donc des engagements auxquels elle a souscrit collectivement avec les États membres lors de la ratification d’accords internationaux mixtes ainsi que,
conformément à l’article 21 TUE, le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement. Dès lors, les relations entre, d’une part, les États membres et, d’autre part, les 7e et 9e FED doivent être considérées comme étant régies par les mêmes principes que ceux qui auraient prévalu si les États membres n’avaient pas choisi d’instituer ces FED aux fins d’exécuter les obligations financières auxquelles ils ont collectivement souscrit avec l’Union à
l’occasion de la ratification de la quatrième convention ACP-CEE et de celle de l’accord de Cotonou, parmi lesquels le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, le cas échéant, lu en combinaison avec les articles 208 et 210 TFUE.

55 En outre, ce devoir de coopération loyale est d’application générale et ne dépend pas du caractère exclusif ou non de la compétence de l’Union concernée (voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 2010, Commission/Suède, C‑246/07, EU:C:2010:203, point 71) ni donc, a fortiori, de la circonstance que cette compétence relève d’un domaine de compétences parallèles, comme c’est le cas, conformément à l’article 4, paragraphe 4, TFUE, de la coopération au développement, pour lequel l’exercice par l’Union de sa
compétence n’empêche pas les États membres d’exercer la leur.

56 En revanche, il convient de rappeler que seules les dispositions, y compris celles prévues dans les traités, qui imposent des obligations précises et inconditionnelles, ne nécessitant, pour leur application, aucune intervention ultérieure des autorités de l’Union ou nationales, sont susceptibles d’être invoquées par des particuliers (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 1992, Hansa Fleisch Ernst Mundt, C‑156/91, EU:C:1992:423, point 13, ainsi que du 20 mars 2018, Garlsson Real Estate e.a.,
C‑537/16, EU:C:2018:193, point 65).

57 Or, s’agissant du principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, celui-ci entraîne, ainsi qu’il ressort du libellé de cette disposition, deux obligations positives à la charge des États membres, consistant, d’une part, à respecter, à faciliter et à assister l’Union dans l’accomplissement des missions découlant des traités, rappelé au point 54 du présent arrêt, et, d’autre part, à prendre toutes les mesures nécessaires pour l’exécution des obligations découlant des
traités ou résultant des actes des institutions, ainsi qu’une obligation négative, à savoir s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union.

58 Pour ce qui est de la première de ces obligations positives, si celle-ci oblige les États membres à respecter les stratégies et actions arrêtées par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 2010, Commission/Suède, C‑246/07, EU:C:2010:203, points 75 et 76) et, à ce titre, peut exiger, lorsqu’une réglementation nationale soumet l’application d’un avantage juridique ou fiscal à la condition que son octroi soit opportun pour des raisons économiques, que l’État membre concerné considère qu’une
telle condition est remplie lorsque l’application d’un tel avantage va dans le sens des intérêts économiques de l’Union que lesdites stratégies et actions visent à promouvoir ou à défendre, il n’en demeure pas moins qu’une telle obligation est trop imprécise pour être susceptible d’engendrer des droits en faveur des particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 1986, Hurd, 44/84, EU:C:1986:2, points 47 à 49).

59 Pour ce qui est de la seconde desdites obligations positives et aux termes de laquelle les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions, il résulte du libellé même de l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, TUE que cette obligation ne confère pas, à elle seule, des droits subjectifs, mais qu’elle n’existe qu’en combinaison avec une obligation particulière pesant sur les États membres
en vertu des traités ou d’un acte des institutions de l’Union, telle que celle relative aux règles de compétences.

60 Or, contrairement à la situation prévalant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2004, My (C‑293/03, EU:C:2004:821, points 35, 41, 42, 45 et 47), il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que, dans la présente affaire, il existerait à la charge de l’État membre concerné une obligation susceptible d’être lue en liaison avec le principe de coopération loyale qui aurait pour effet de créer des droits subjectifs en faveur des particuliers. En effet, les obligations énoncées
par l’article 208, paragraphe 1, et l’article 210, paragraphe 1, TFUE sont elles-mêmes trop générales pour être susceptibles de créer de tels droits.

61 Certes, ces dispositions, qui poursuivent les objectifs généraux de l’action extérieure de l’Union visés à l’article 21 TUE, tels que la promotion du développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement [voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Conseil (Accord avec l’Arménie), C‑180/20, EU:C:2021:658, point 49], prévoient que les États membres et l’Union doivent coopérer et se concerter afin que leurs politiques respectives d’aide au
développement se complètent et se renforcent mutuellement. Toutefois, les modalités précises d’une telle coopération dépendent d’un ensemble de paramètres qu’il revient exclusivement aux États membres et à l’Union de prévoir. En conséquence, si les États membres ou l’Union peuvent se prévaloir desdites obligations, en revanche, en l’absence de concrétisation plus précise des obligations qu’elles énoncent, ces dispositions ne sauraient être excipées par des particuliers à l’encontre d’un État
membre ou de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a., C‑366/10, EU:C:2011:864, points 75 à 78).

62 En l’occurrence, la décision par laquelle la Commission, agissant au nom du FED, accorde un concours financier ne saurait constituer une concrétisation desdites dispositions qui soit de nature à permettre à des particuliers de s’opposer à la pratique fiscale en cause au principal, dans la mesure où, d’une part, le destinataire de ce type de décision est l’organisme d’aide au développement et non ses employés et, d’autre part, cette décision n’énonce pas une obligation pesant sur l’État membre
concerné de ne pas taxer les revenus des salariés affectés au projet d’aide au développement ainsi subventionné.

63 Enfin, s’agissant de l’obligation négative énoncée à l’article 4, paragraphe 3, TUE, il convient de relever que, pour définir celle-ci, les auteurs du traité ont choisi de recourir à des termes impliquant une certaine gravité, à savoir « mettre en péril » la réalisation des objectifs de l’Union, lequel choix reflète la volonté délibérée de ces auteurs de limiter le champ d’application de cette obligation aux situations d’une gravité particulière. Or, il ne saurait être considéré qu’une pratique
fiscale telle que celle en cause au principal met en péril la réalisation des objectifs de l’Union, les FED n’étant ni empêchés ni même dissuadés de financer des actions d’aide au développement.

64 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question préjudicielle que les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 3, TUE et des articles 208 et 210 TFUE doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une pratique fiscale nationale qui refuse d’exonérer d’impôt sur le revenu le salaire que touche un travailleur affecté à une activité en lien avec l’aide publique au développement lorsque cette activité est financée par un FED, alors que cette exonération
est accordée lorsqu’une telle activité est financée au moins à hauteur de 75 % par un ministère responsable de la coopération au développement ou par une société privée d’aide au développement appartenant à l’État membre concerné.

Sur les dépens

65 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  Les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 3, TUE et des articles 208 et 210 TFUE doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une pratique fiscale nationale qui refuse d’exonérer d’impôt sur le revenu le salaire que touche un travailleur affecté à une activité en lien avec l’aide publique au développement lorsque cette activité est financée par un Fonds européen de développement, alors que cette exonération est accordée lorsqu’une telle activité est financée au
moins à hauteur de 75 % par un ministère responsable de la coopération au développement ou par une société privée d’aide au développement appartenant à l’État membre concerné.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-15/22
Date de la décision : 07/09/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Bundesfinanzhof.

Renvoi préjudiciel – Coopération au développement – Fiscalité directe – Impôt sur le revenu – Exonération accordée aux salariés affectés à des projets d’aide au développement financés par des ressources budgétaires nationales – Différence de traitement des salariés affectés à un projet financé par le Fonds européen de développement – Article 63, paragraphe 1, TFUE – Libre circulation des capitaux – Article 4, paragraphe 3, TUE – Obligation de coopération loyale – Facilitation de la mission de l’Union européenne – Articles 208 et 210 TFUE – Coopération au développement – Obligation de promouvoir les politiques en matière de coopération au développement – Invocabilité.

Relations extérieures

Coopération au développement

Principes, objectifs et mission des traités


Parties
Demandeurs : RF
Défendeurs : Finanzamt G.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Regan

Origine de la décision
Date de l'import : 09/09/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:636

Source

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