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07/09/2023 | CJUE | N°C-128/22

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. N. Emiliou, présentées le 7 septembre 2023., Nordic Info BV contre Belgische Staat., 07/09/2023, C-128/22


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 7 septembre 2023 ( 1 )

Affaire C‑128/22

BV NORDIC INFO

contre

Belgische Staat

[demande de décision préjudicielle formée par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Mesures nationales prises pour contrôler la propagation de la pandémie de COVID-19 – Interdiction des voyages “n

on essentiels” à destination et au départ de pays considérés comme posant un haut risque d’infection pour les voyageurs – Exigen...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 7 septembre 2023 ( 1 )

Affaire C‑128/22

BV NORDIC INFO

contre

Belgische Staat

[demande de décision préjudicielle formée par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Mesures nationales prises pour contrôler la propagation de la pandémie de COVID-19 – Interdiction des voyages “non essentiels” à destination et au départ de pays considérés comme posant un haut risque d’infection pour les voyageurs – Exigences de quarantaine et de tests de dépistage pour les résidents à leur retour de ces pays – Directive 2004/38/CE – Articles 4 et 5 – Droits de sortie et d’entrée – Restriction – Article 27, paragraphe 1, et
article 29, paragraphe 1 – Justification – Santé publique – Proportionnalité – Vérifications effectuées pour faire respecter les restrictions de voyage – Règlement (UE) 2016/399 – Article 22 et article 23, paragraphe 1 – Distinction entre “vérifications aux frontières” au sens de la première disposition et “exercice des compétences de police” au sens de la seconde – Possibilité de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures – Article 25, paragraphe 1 – Justification – Notion de “menace grave
pour l’ordre public” – Risque de troubles graves affectant la société causés par la pandémie – Proportionnalité »

I. Introduction

1. Parmi les « interventions non pharmaceutiques » ( 2 ) mises en place par les autorités publiques dans le monde entier afin de contrôler la propagation de la pandémie de COVID-19, les limitations à la mobilité des personnes ont occupé une place importante. Si les confinements furent les plus drastiques de ces mesures, les restrictions des déplacements internationaux se trouvaient également au premier plan de la riposte. En effet, à différents moments de la pandémie, les États ont imposé des
interdictions d’entrée et/ou de sortie de leur territoire et ont renforcé le contrôle aux frontières afin de faire respecter ces interdictions.

2. Les États membres de l’Union européenne n’ont pas fait exception à cette tendance. Lors de la « première vague » de la pandémie, à partir du mois de mars 2020 ( 3 ), non seulement ils ont collectivement interdit l’entrée dans l’Union, isolant en partie la « forteresse Europe » du reste du monde ( 4 ), mais les différentes restrictions à la mobilité transfrontalière introduites entre eux se sont également traduites par un niveau sans précédent de fermeture des frontières à l’intérieur de l’Union (
5 ).

3. Si la plupart de ces mesures ont été levées vers la fin du mois de juin 2020, plusieurs États membres, craignant une (à l’époque) potentielle « deuxième vague » de COVID-19, ont maintenu, à titre de précaution, des restrictions aux déplacements internationaux. La présente demande de décision préjudicielle présentée par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique) porte sur la compatibilité avec le droit de l’Union de
certaines de ces mesures, mises en œuvre par le gouvernement belge au début du mois de juillet 2020, consistant en une interdiction des voyages « non essentiels » à destination et au départ, notamment, de certains pays considérés comme posant un haut risque de d’infection pour les voyageurs, en des exigences de quarantaine et de tests pour les résidents belges au retour de ces pays, ainsi qu’en des vérifications effectuées aux frontières belges ou à proximité pour faire respecter ces restrictions
de voyage.

4. La présente affaire n’est pas la première concernant la COVID-19 dont la Cour est saisie. Ce n’est pas non plus la première fois que la Cour doit se pencher sur la légalité de mesures de précaution prises pour contrôler la propagation d’une épidémie ( 6 ). Toutefois, à ce jour, la Cour n’a jamais été appelée à se prononcer sur la compatibilité avec le droit de l’Union de mesures conservatoires qui, par leur nature et leur sévérité mêmes, ont ébranlé l’un des principaux fondements, voire la
principale réalisation de l’Union, à savoir la création d’« un espace [...] au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes » ( 7 ). La présente affaire met également en avant l’éternelle question de l’équilibre que les autorités publiques, dans une société démocratique, doivent trouver entre, d’une part, l’objectif légitime de lutter efficacement contre les menaces pesant sur la société et, d’autre part, les droits fondamentaux des personnes concernées par les mesures adoptées à
cet égard. Si la Cour a déjà dû traiter cette question en ce qui concerne, notamment, la lutte contre les crimes et le terrorisme ( 8 ), elle devra l’aborder, pour la première fois, dans le contexte de la menace que représente une pandémie.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1.   La directive sur la citoyenneté

5. L’article 4 de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ( 9 ) (ci-après la « directive sur la citoyenneté »), intitulé « Droit de sortie », dispose, à son paragraphe 1, que, « [s]ans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, tout citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport
en cours de validité, ainsi que les membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre munis d’un passeport en cours de validité, ont le droit de quitter le territoire d’un État membre en vue de se rendre dans un autre État membre ».

6. L’article 5 de cette directive, intitulé « Droit d’entrée », énonce, à son paragraphe 1, que, « [s]ans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, les États membres admettent sur leur territoire le citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité ainsi que les membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui sont munis d’un passeport en cours de validité ».

7. Le chapitre VI de la directive sur la citoyenneté est intitulé « Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ». Dans ce chapitre, l’article 27, intitulé « Principes généraux », dispose, à son paragraphe 1, que, « [s]ous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation [...] d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa
nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques ».

8. Dans le même chapitre, l’article 29 de cette directive, intitulé « Santé publique », dispose, à son paragraphe 1, que « [l]es seules maladies justifiant des mesures restrictives de la libre circulation sont les maladies potentiellement épidémiques telles que définies dans les instruments pertinents de l’Organisation mondiale de la santé [(OMS)] [...] ».

2.   Le code frontières Schengen

9. L’article 22 du règlement (UE) 2016/399 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ( 10 ) (ci-après le « code frontières Schengen »), intitulé « Franchissement des frontières intérieures », dispose que « [l]es frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité ».

10. L’article 25 de ce code, intitulé « Cadre général pour la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   En cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État membre dans l’espace sans contrôle aux frontières intérieures, cet État membre peut exceptionnellement réintroduire le contrôle aux frontières sur tous les tronçons ou sur certains tronçons spécifiques de ses frontières intérieures pendant une période limitée d’une durée maximale de trente jours ou pour la durée prévisible de la menace grave si elle est supérieure à trente jours. La portée et la durée de la
réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour répondre à la menace grave.

2.   Le contrôle aux frontières intérieures n’est réintroduit qu’en dernier recours et conformément aux articles 27, 28 et 29. Les critères visés, respectivement, aux articles 26 et 30 sont pris en considération chaque fois qu’une décision de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures est envisagée en vertu de l’article 27, 28 ou 29, respectivement. »

B. Le droit belge

11. Dans le cadre d’une série de « mesures urgentes » visant à limiter la propagation de la COVID-19 sur le territoire de la Belgique, le gouvernement belge a instauré des restrictions relatives aux déplacements. Cependant, les règles applicables à cet égard ont évolué dans le temps. Ces évolutions, pour ce qui concerne les éléments pertinents dans le cadre de la présente affaire, peuvent être résumées comme suit.

12. D’abord, entre le 23 mars et le 15 juin 2020, tout voyage « non essentiel » au départ et à destination de la Belgique était, en principe, interdit ( 11 ). Ensuite, entre le 15 juin et le 12 juillet 2020, une exception à cette interdiction a été appliquée à l’égard des « pays UE+ » ( 12 ). Les voyages à destination et au départ de l’un de ces pays ont été autorisés à condition que le pays en question le permette ( 13 ). Enfin, le gouvernement belge a décidé que les voyages « non essentiels »
entre la Belgique et les pays en question seraient réglementés sur la base de la situation épidémiologique de chaque État.

13. À cet effet, l’article 18 de l’arrêté ministériel du 30 juin 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19, tel que modifié par le Ministerieel besluit van 10 juli 2020 (arrêté ministériel du 10 juillet 2020) (Moniteur belge du 10 juillet 2020, p. 51609) (ci-après, conjointement, l’« arrêté litigieux »), a été mis en œuvre. Cet article disposait :

« §1. Les voyages non essentiels au départ de la Belgique et vers la Belgique sont interdits.

§2. Par dérogation au paragraphe premier [...], il est autorisé :

1° de voyager au départ de la Belgique vers tous les pays de l’Union européenne, de la zone Schengen et le Royaume-Uni et de voyager vers la Belgique au départ de ces pays, à l’exception des territoires désignés comme des zones rouges, dont la liste est publiée sur le site web du [ministère belge des Affaires étrangères] ;

[...] »

14. Par conséquent, à partir du 12 juillet 2020, et jusqu’à une date non précisée dans la décision de renvoi, une classification par couleur répartissant les pays UE+ en « rouge », « orange » et « vert » en fonction de leur situation épidémiologique a été utilisée par les autorités belges. Selon cette classification :

– « vert » signifiait que le déplacement vers le pays concerné était autorisé sans aucune restriction ;

– « orange » signifiait que le déplacement vers le pays concerné était déconseillé et qu’une quarantaine et un test au retour étaient demandés, mais pas obligatoires ;

– « rouge » signifiait que le déplacement vers le pays concerné était interdit et que les voyageurs devaient se soumettre à une quarantaine et à des tests obligatoires à leur retour (selon les modalités prévues par les règles de la région belge concernée) ( 14 ).

15. Aux fins de la classification par couleur susmentionnée, l’évaluation de la situation épidémiologique de chaque pays ou région était effectuée conformément à une méthodologie indiquée dans un avis écrit émis par un organe consultatif du gouvernement belge ( 15 ). Les critères clés utilisés à cet effet étaient, premièrement, le nombre cumulé de nouvelles infections (« incidence ») au cours des quatorze jours précédents par 100000 habitants au niveau national ou régional (si des données
sous-nationales étaient disponibles), deuxièmement, la tendance du taux d’infection et, troisièmement, les éventuelles mesures de confinement imposées au niveau national ou régional. En conséquence, les pays ont été classés en :

– « risque élevé » (c’est-à-dire « rouge ») lorsque l’incidence nationale de nouveaux cas de COVID-19 au cours des quatorze jours précédents était plus de 10 fois supérieure à celle de la Belgique (100 cas déclarés par 100000 habitants). Ce critère s’appliquait également aux zones situées à l’intérieur d’un pays où un confinement ou des mesures plus restrictives que celles applicables dans le reste du territoire avaient été imposées ;

– « risque modéré » (c’est-à-dire « orange ») lorsque l’incidence nationale de nouveaux cas de COVID-19 au cours des quatorze jours précédents était entre 2 et 10 fois supérieure à celle de la Belgique (entre 20 et 100 cas déclarés par 100000 habitants) ;

– « risque faible » (c’est-à-dire « vert ») lorsque l’incidence nationale de nouveaux cas de COVID-19 au cours des quatorze jours précédents était similaire à celle de la Belgique (moins de 20 cas déclarés par 100000 habitants).

16. Les données sur le taux d’infection dans chaque pays ou région (lorsqu’elles étaient disponibles) étaient fournies par l’ECDC, qui les recevait elle-même des pays concernés. Les informations sur les éventuelles mesures de confinement applicables dans un pays ou une région donnés étaient obtenues et fournies par le ministère belge des Affaires étrangères. La Celeval devait transmettre les informations relatives à la classification par couleur des pays au moins une fois par semaine.

17. L’article 22 de l’arrêté litigieux disposait également que les infractions aux dispositions, notamment, de l’article 18 de cet arrêté entraîneraient l’imposition des sanctions prévues à l’article 187 de la Wet betreffende de civiele veiligheid (loi relative à la sécurité civile), du 15 mai 2007 ( 16 ). Cette dernière disposition prévoit, en substance, que le refus ou la négligence de se conformer à de telles mesures est puni, en temps de paix, d’un emprisonnement de huit jours à trois mois et
d’une amende de 26 à 500 euros, ou d’une de ces peines seulement. Elle ajoute que le ministre de l’Intérieur ou, le cas échéant, le bourgmestre ou le commandant de police de la zone en question « pourra, en outre, faire procéder d’office à l’exécution desdites mesures », aux frais des contrevenants.

III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

18. NORDIC INFO BV (ci-après « Nordic Info ») est un voyagiste établi en Belgique, qui organise et vend des voyages vers les pays nordiques, et plus particulièrement la Suède.

19. Le 12 juillet 2020, la classification par couleur des pays UE+ visée à l’article 18, paragraphe 2, point 1, de l’arrêté litigieux a été publiée, pour la première fois, sur le site Internet du ministère belge des Affaires étrangères. La Suède y a été classée en « rouge », sur la base de sa situation épidémiologique. Alors que le Royaume de Belgique n’avait appliqué aucune restriction en matière de déplacement à l’égard de ce pays depuis le 15 juin 2020 ( 17 ), les voyages « non essentiels » vers
et au départ de la Suède ont été interdits en vertu de cette disposition. En outre, les exigences en matière de quarantaine et de tests sont devenues obligatoires pour les résidents belges au retour de ce pays, conformément à la réglementation régionale applicable.

20. Par la suite, Nordic Info a annulé tous les voyages programmés en Suède pour la saison d’été 2020, informé les voyageurs présents dans ce pays à ce moment-là de la situation et fourni à ces derniers une aide pour rentrer en Belgique.

21. Le 15 juillet 2020, la classification par couleur des pays UE+ a été mise à jour sur le site Internet du ministère belge des Affaires étrangères. Le code couleur de la Suède est passé de « rouge » à « orange ». Par conséquent, les voyages « non essentiels » vers ce pays n’étaient plus interdits, mais seulement déconseillés, et des tests de dépistage et une quarantaine n’étaient plus imposés aux résidents belges à leur retour.

22. Nordic Info a, par la suite, introduit un recours en responsabilité civile contre le Belgische Staat (État belge) devant le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles), en vue d’obtenir des dommages et intérêts d’un montant provisionnel de 481431 euros, majoré des intérêts, ainsi que la désignation d’un expert pour évaluer le préjudice définitif subi du fait de l’annulation des voyages planifiés vers la Suède ( 18 ).

23. Nordic Info fait valoir, en substance, que le gouvernement belge a commis une erreur de droit en adoptant les restrictions de voyage en cause. En particulier, la requérante au principal fait valoir, d’une part, que ces mesures étaient contraires à la directive sur la citoyenneté en ce qu’elles limitaient le droit à la libre circulation garanti par cette directive et en ce qu’aucune base juridique ne permettait une telle dérogation. D’autre part, ces mesures impliquaient, en pratique, la
réintroduction du contrôle aux frontières que la Belgique partage avec d’autres États membres, en violation des conditions prévues à cet égard par le code frontières Schengen.

24. C’est dans ces circonstances que le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les articles 2, 4, 5, 27 et 29 de la [directive sur la citoyenneté], qui mettent en œuvre les articles 20 et 21 TFUE, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la réglementation d’un État membre (en l’espèce, les articles 18 et 22 de [l’arrêté litigieux]) qui, par une mesure générale :

– impose aux ressortissants belges et aux membres de leur famille ainsi qu’aux citoyens de l’Union résidant sur le territoire belge et aux membres de leur famille une interdiction de principe de sortie pour des voyages non essentiels au départ de la Belgique vers les pays de l’Union européenne et de l’espace Schengen classés en rouge selon le code couleur établi sur la base de données épidémiologiques ;

– impose aux citoyens de l’Union non belges et aux membres de leur famille (qu’ils aient ou non un droit de séjour sur le territoire belge) des restrictions à l’entrée (telles que des quarantaines et des tests) pour les voyages non essentiels au départ de pays de l’Union européenne et de l’espace Schengen vers la Belgique classés en rouge selon le code couleur établi sur la base de données épidémiologiques ?

2) Les articles 1er, 3 et 22 du code frontières Schengen doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la réglementation d’un État membre (en l’espèce, les articles 18 et 22 de [l’arrêté litigieux]) qui impose une interdiction de sortie pour des voyages non essentiels au départ de la Belgique vers les pays de l’Union européenne et de l’espace Schengen ainsi qu’une interdiction d’entrée en Belgique en provenance de ces pays, interdictions qui peuvent non seulement être
contrôlées et sanctionnées, mais également être exécutées d’office par le ministre, le bourgmestre et le commandant de zone ? »

25. La présente demande de décision préjudicielle, datée du 7 février 2022, a été déposée le 23 février 2022. Nordic Info, les gouvernements belge, roumain, norvégien et suisse ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Les gouvernements belge, roumain et norvégien ainsi que la Commission ont été représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 10 janvier 2023.

IV. Analyse

26. La présente affaire porte sur la compatibilité avec le droit de l’Union de deux ensembles de mesures liés, mais distincts, mis en œuvre par le gouvernement belge en juillet 2020 ( 19 ) pour contrôler la propagation de la COVID-19. En premier lieu, cette affaire concerne certaines restrictions de voyage, à savoir, d’une part, une interdiction des voyages « non essentiels », empêchant les voyageurs de quitter le territoire belge à destination de pays considérés comme posant un haut risque
d’infection ainsi que – sauf pour les ressortissants et résidents belges – d’entrer sur ce territoire en provenance de ces pays, et, d’autre part, des exigences de quarantaine et de tests de dépistage imposées à ces ressortissants et résidents ( 20 ) à leur retour des pays en question. En second lieu, cette affaire porte sur la réalisation de vérifications sur les personnes ayant franchi ou tenté de franchir les frontières belges, afin de faire respecter ces restrictions de voyage.

27. De telles mesures sont régies, en droit de l’Union, par des règles différentes. D’une part, les restrictions de voyage, dans la mesure où elles s’appliquent aux ressortissants des États membres ( 21 ) souhaitant se déplacer au sein de l’Union, relèvent du champ d’application de diverses dispositions du droit primaire et dérivé de l’Union qui garantissent à ces ressortissants le droit à la libre circulation. Cet aspect-ci est au cœur de la première question préjudicielle. D’autre part, les
vérifications aux frontières ne sont pas visées par les dispositions susmentionnées ( 22 ). En ce qui concerne les États membres auxquels s’applique l’acquis de Schengen, comme la Belgique ( 23 ), la légalité de ces vérifications doit être examinée sur la base des dispositions du code frontières Schengen. Cet aspect-là est au cœur de la seconde question de la juridiction de renvoi.

28. J’aborderai successivement les deux questions préjudicielles dans les sections suivantes.

A. Sur la compatibilité des restrictions de voyage litigieuses avec les règles relatives à la libre circulation des personnes (première question préjudicielle)

29. Pour les besoins de l’analyse des restrictions de voyage litigieuses, et compte tenu des débats qui se sont tenus devant la Cour, j’estime utile d’aborder un certain nombre de questions, à savoir les règles pertinentes de libre circulation (section 1), leur champ d’application territorial (section 2), la mesure dans laquelle ces restrictions ont entravé l’exercice des droits qu’elles garantissent (section 3), le point de savoir si les États membres pouvaient déroger, à un niveau
« exceptionnel », au droit de l’Union dans les circonstances en cause (section 4) et, enfin, la légalité de ces restrictions au regard de ces règles (section 5).

1.   Les règles pertinentes de libre circulation des personnes

30. Les restrictions de voyage telles que celles adoptées par le Royaume de Belgique sont des mesures de portée générale qui ont touché de nombreuses personnes. Les personnes concernées peuvent avoir eu des statuts juridiques différents, par exemple ressortissants d’États membres ou ressortissants de pays tiers titulaires d’un droit de séjour en Belgique. Ces personnes peuvent avoir cherché à voyager vers ou à arriver en provenance de divers lieux – autre État membre de l’Union ou pays tiers – et
pour différentes raisons – travail, famille, loisir, etc. En fonction de ces variables, les mêmes restrictions de voyage pourraient être appréciées au regard de différentes dispositions, de droit national, du droit de l’Union et du droit international, régissant la circulation transfrontalière des personnes.

31. Cependant, dans le cadre de la présente demande de décision préjudicielle, il n’appartient pas à la Cour d’exercer un contrôle holistique de la légalité de telles mesures. En revanche, il lui incombe de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile à la juridiction de renvoi pour trancher le litige au principal, eu égard à la situation factuelle en cause devant elle.

32. La présente affaire est un peu particulière à cet égard. En effet, la légalité des restrictions de voyage en cause n’est pas contestée par un particulier donné, empêché de voyager vers ou au départ d’une destination déterminée. Il s’agit au contraire d’un recours en responsabilité civile introduit par une société qui, en tant que voyagiste belge organisant des voyages vers, notamment, la Suède, a été indirectement affectée par ces restrictions. Cela étant, devant la juridiction nationale, Nordic
Info ne se prévaut pas de sa propre liberté de fournir des services touristiques transfrontaliers, telle que protégée par diverses dispositions du droit de l’Union ( 24 ). Elle préfère invoquer le droit à la libre circulation dont jouissent ses clients réels et potentiels – supposés être des ressortissants des États membres – en vertu du droit de l’Union. La Cour devrait donc se limiter, dans la présente affaire, à examiner, en substance, les règles liées à ce droit à la libre circulation.

33. J’observe que, en vertu de l’article 20, paragraphe 1, TFUE, les ressortissants des États membres ont le statut de citoyens de l’Union. Ce statut leur confère notamment, en vertu de l’article 20, paragraphe 2, sous a), et de l’article 21, paragraphe 1, de ce traité ainsi que de l’article 45, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ( 25 ), le droit de circuler librement sur le territoire des États membres, quel que soit le but, y compris
pour le tourisme. Ce droit s’exerce dans les conditions énoncées par les instruments de droit dérivé adoptés pour le mettre en œuvre ( 26 ), notamment par la directive sur la citoyenneté ( 27 ).

34. Le droit à la libre circulation garanti aux citoyens de l’Union comporte deux composantes. Il implique, premièrement, un droit de sortie, exprimé à l’article 4 de la directive sur la citoyenneté. Il s’agit du droit pour tout citoyen de l’Union de quitter le territoire de n’importe quel État membre, y compris le sien ( 28 ), en vue de se rendre dans un autre État membre ( 29 ), à la seule condition d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité et, je le
répète, quel que soit le but de la sortie ( 30 ). Dès lors, la situation des ressortissants belges et des autres citoyens de l’Union qui ont cherché à quitter le territoire belge pour se rendre en Suède pour des vacances est couverte par ce droit ( 31 ).

35. Ce droit à la libre circulation implique, deuxièmement, un droit d’entrée, bien que, à cet égard, le cadre juridique soit légèrement plus complexe. En substance, d’une part, l’article 5, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté accorde aux ressortissants d’un État membre le droit d’entrer sur le territoire d’un autre État membre, à la seule condition qu’ils soient en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité et, là encore, quel que soit le but de l’entrée.
D’autre part, cette disposition ne régit pas l’entrée des citoyens de l’Union dans leur propre État membre ( 32 ). Cela étant, premièrement, le droit, pour une personne, d’entrer sur le territoire de l’État dont elle est ressortissante découle d’un principe bien établi de droit international, réaffirmé, notamment, à l’article 3, paragraphe 2, du protocole no 4 à la CEDH ( 33 ). Deuxièmement, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, l’article 21, paragraphe 1, TFUE s’applique à la
situation spécifique d’un citoyen de l’Union retournant dans son propre État membre après avoir exercé son droit à la libre circulation en voyageant à l’étranger ( 34 ). En définitive, dans la présente affaire, les ressortissants belges comme les autres citoyens de l’Union bénéficiaient, bien qu’en vertu de bases juridiques différentes, d’un droit d’entrée sur le territoire belge après, par exemple, un voyage touristique en Suède.

2.   L’applicabilité de ces règles à la circulation des personnes entre la Belgique et l’Islande ou la Norvège

36. À ce stade des présentes conclusions, je souhaite aborder une question qui, bien qu’accessoire, a pourtant constitué une partie importante des débats devant la Cour. En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que Nordic Info organise régulièrement des voyages à destination non seulement de la Suède, mais également de l’Islande et de la Norvège. Bien que ces pays ne se trouvent pas dans l’Union, ils font partie de l’espace Schengen ( 35 ). Par conséquent, les restrictions de voyage
litigieuses s’appliquaient, à leur égard, de la même manière qu’à l’égard des États membres ( 36 ). Dans ce contexte, la juridiction de renvoi indique que, bien que le recours en responsabilité introduit par Nordic Info se concentre sur le préjudice qu’elle a subi en ce qui concerne l’annulation de voyages vers la Suède, cette société « [n’exclut] aucun poste de préjudice ». Cette juridiction semble ainsi indiquer que la requérante pourrait, à un stade ultérieur de la procédure au principal,
réviser ou, à tout le moins, préciser sa demande afin d’y inclure la possible annulation de voyages en Islande ou en Norvège. C’est pour cela que la juridiction nationale a fait référence, dans sa première question, aux citoyens de l’Union souhaitant se rendre depuis la Belgique vers certains « pays de l’Union européenne et de l’espace Schengen » (et inversement).

37. À la lumière de ce qui précède, la Cour a interrogé les parties intervenantes, lors de l’audience, sur la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure les règles relatives à la libre circulation des personnes prévues par la directive sur la citoyenneté s’appliquent en ce qui concerne l’Islande et la Norvège.

38. À l’instar des gouvernements belge et roumain, je ne suis pas convaincu que la Cour doive examiner cette question pour statuer dans la présente affaire. Outre le fait que la juridiction nationale ne demande pas de précisions sur ce point – dès lors qu’elle semble convaincue de la réponse ( 37 ) –, il n’est pas certain qu’apporter d’office de telles précisions serait utile à cette juridiction pour trancher l’affaire dont elle est saisie. En effet, la Cour rendrait, en substance, une opinion
consultative sur ce qui est, à ce stade de la procédure au principal, une question largement hypothétique ( 38 ) afin de parer à l’éventualité qu’elle s’avère ultérieurement pertinente si Nordic Info modifie ou précise sa demande. La Cour refuse habituellement, et à juste titre, de suivre une telle approche spéculative dans le cadre de la procédure préjudicielle ( 39 ).

39. Dans l’hypothèse où la Cour déciderait néanmoins de se prononcer sur cette question, je formule les remarques suivantes à titre subsidiaire.

40. De manière générale, les règles relatives à la libre circulation des personnes prévues par le traité FUE et les instruments de droit dérivé adoptés pour leur application régissent, ainsi qu’il a été indiqué précédemment, la situation des citoyens de l’Union se déplaçant entre des États membres, et non entre un État membre, tel que la Belgique, et un pays tiers, tel que l’Islande ou la Norvège. La circonstance que ces derniers pays font partie de l’espace Schengen est sans incidence à cet égard
puisque ces règles ne font pas partie de l’acquis de Schengen.

41. Cependant, la République d’Islande et le Royaume de Norvège sont également parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ( 40 ) (ci-après l’« accord EEE »), en même temps que tous les États membres de l’Union et l’Union elle-même. Cet accord comporte, dans ses annexes ( 41 ), deux références expresses à la directive sur la citoyenneté, depuis l’entrée en vigueur de la décision du Comité mixte de l’EEE no 158/2007 du 7 décembre 2007 ( 42 ) (ci-après la « décision du Comité mixte »).
Par ces références, cette directive a été incorporée dans le droit de l’EEE, avec quelques adaptations mineures ( 43 ), et elle est, par conséquent, obligatoire pour les parties contractantes à cet accord ( 44 ).

42. Cela dit, étant donné que les annexes en question sont consacrées, respectivement, à la libre circulation des travailleurs et au droit d’établissement, et qu’elles indiquent l’une et l’autre que la directive sur la citoyenneté « s’applique, s’il y a lieu, aux domaines couverts par [l’annexe en question] », il reste à préciser si cette directive n’a été intégrée que partiellement dans l’accord EEE, uniquement en ce qui concerne la circulation des ressortissants des États membres de l’Union et des
États de l’AELE au sein de l’EEE aux fins spécifiques respectives des activités salariées et des activités non salariées, ou bien totalement, de sorte qu’elle réglemente cette circulation quel qu’en soit le but, comme dans l’Union ( 45 ). Dans ce contexte, la question de savoir si des personnes n’exerçant pas d’activité économique – c’est-à-dire des personnes telles que les étudiants, les retraités, etc., qui ne sont ni salariées ni non salariées – bénéficient, au sein de l’EEE, du droit à la
libre circulation garanti par ladite directive a été particulièrement débattue devant la Cour.

43. En effet, si l’accord EEE comporte, à l’instar du traité FUE, des dispositions assurant la libre circulation des personnes à des fins économiques ( 46 ), il ne contient pas de dispositions analogues aux articles 20 et 21 TFUE, qui régissent la circulation à l’intérieur de l’Union de ces citoyens n’exerçant pas d’activité économique. En effet, la notion de « citoyenneté de l’Union » dans son ensemble n’a pas d’équivalent dans cet accord ( 47 ).

44. Si la Cour ne s’est pas encore prononcée à ce sujet ( 48 ), la Cour AELE l’a déjà fait. Dans son arrêt Gunnarsson ( 49 ), cette juridiction a considéré que la directive sur la citoyenneté s’applique effectivement à la circulation dans l’EEE des personnes n’exerçant pas d’activité économique, indépendamment de l’absence, dans l’accord EEE, d’une disposition équivalente aux articles 20 et 21 TFUE. En substance, la Cour AELE a rappelé que le droit à la libre circulation des personnes n’exerçant pas
d’activité économique était déjà garanti en droit de l’Union et de l’EEE avant l’introduction de la notion de « citoyenneté de l’Union » et de ces dispositions, dans différentes directives ( 50 ), incorporées dès le départ dans cet accord. La directive sur la citoyenneté a abrogé et remplacé ces directives et la décision du Comité mixte a incorporé cette évolution en droit de l’EEE. Si la circulation des personnes « n’exerçant pas d’activité économique » est désormais liée, en droit de l’Union,
à la notion de « citoyenneté de l’Union », et si cette dernière n’a pas d’équivalent en droit de l’EEE, cela n’implique pas, selon la Cour AELE, que les particuliers devraient être « privés de droits qu’ils ont déjà acquis » en vertu de cet accord avant l’introduction de cette notion et qui « ont été maintenus » dans cette directive ( 51 ).

45. Bien évidemment, la Cour n’est pas liée par les arrêts de la Cour AELE. Néanmoins, à mon sens, le principe général de droit international du respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda) ( 52 ), les « relations privilégiées [...] qui lient l’Union, ses États membres et les États de l’AELE » ( 53 ), ainsi que la nécessité d’assurer, dans la mesure du possible, l’application uniforme de l’accord EEE dans toutes les parties contractantes impliquent que la Cour doit tenir compte de ces
décisions aux fins de l’interprétation de cet accord ( 54 ). En fait, je suggère qu’elle s’y conforme, sauf s’il existe des raisons impérieuses de ne pas le faire.

46. Selon moi, cette réserve ne s’applique pas dans la présente affaire. En effet, le raisonnement de la Cour AELE dans son arrêt Gunnarsson est convaincant. Le fait qu’il n’existe pas en droit de l’EEE de « citoyenneté de l’EEE » ne justifie pas de réduire le champ d’application matériel d’une directive qui a été incorporée en tant que telle dans l’accord EEE. Après tout, certaines dispositions de la directive sur la citoyenneté s’adressent spécifiquement aux personnes n’exerçant pas d’activité
économique ( 55 ). Si le Comité mixte avait entendu exclure ces personnes du champ d’application de cette directive en droit de l’EEE, il aurait pu aisément formuler une réserve expresse à ces dispositions. Or, aucune réserve de ce type ne figure dans la décision du Comité mixte. Par conséquent, seuls les droits qui ne trouvent pas de base juridique dans la directive elle-même, et qui découlent uniquement des articles 20 et 21 TFUE, ne s’appliquent pas au sein de l’EEE, à défaut de disposition
équivalente dans l’accord EEE ( 56 ).

47. En résumé, les règles de la directive sur la citoyenneté régissent, selon moi, également la circulation des ressortissants des États membres de l’Union et des États de l’AELE à l’intérieur de l’EEE, quel qu’en soit le but. Par conséquent, ces personnes jouissent, dans les conditions précisées par cette directive, d’un droit de libre circulation entre, notamment, la Belgique et l’Islande ou la Norvège, notamment à des fins de tourisme ( 57 ).

3.   Les restrictions de voyage litigieuses ont entravé l’exercice du droit à la libre circulation garanti par ces règles

48. Il n’est pas contesté que des restrictions de voyage telles que celles en cause au principal ont entravé l’exercice, par les citoyens de l’Union, de leur droit à la libre circulation.

49. Premièrement, dans la mesure où elle s’appliquait aux citoyens de l’Union cherchant à quitter le territoire belge pour se rendre dans les États membres classés en « rouge » dans le cadre de la classification par couleur en cause, l’interdiction des voyages « non essentiels » a restreint, de manière très drastique, le droit de sortie garanti, notamment, à l’article 4, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté. Cette constatation est vraie indépendamment du fait que les voyages vers
d’autres États membres (à savoir ceux classés en « vert » ou en « orange ») demeuraient, en revanche, autorisés sans restriction. Il suffit, selon moi, que ces personnes n’aient pas pu se rendre librement dans l’État de leur choix ( 58 ). En ce qui concerne les États membres « rouges », la possibilité pour les citoyens de l’Union d’exercer le droit de sortie était considérablement entravée. En effet, ils étaient privés de ce droit en ce qui concerne de nombreux motifs de voyage, y compris le
tourisme. En outre, dans la mesure où elle s’appliquait aux citoyens de l’Union – à l’exception des ressortissants belges ( 59 ) et des autres États membres résidant en Belgique ( 60 ) – cherchant à entrer sur le territoire belge au départ d’un État membre « rouge », l’interdiction de voyager litigieuse restreignait, tout aussi sévèrement, le droit d’entrée garanti, notamment, à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, et ce pour des raisons analogues.

50. Deuxièmement, dans la mesure où elles s’appliquaient aux citoyens de l’Union non belges qui résidaient en Belgique, au retour d’un voyage « non essentiel » à destination d’un État membre « rouge », les exigences en matière de quarantaine et de tests de dépistage restreignaient également le droit d’entrée prévu à l’article 5, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté. En particulier, l’obligation de quarantaine limitait de manière drastique la possibilité de circuler sur le territoire
belge, ce qui avait, selon moi, un effet équivalent au fait de différer l’entrée sur ce territoire. Dans la mesure où elles s’appliquaient aux ressortissants belges dans les mêmes circonstances, ces exigences, tout en échappant au champ d’application du principe réaffirmé à l’article 3, paragraphe 2, du protocole no 4 à la CEDH ( 61 ), ont restreint, selon moi, le droit à la libre circulation garanti par l’article 21 TFUE, pour des raisons analogues.

4.   Une possibilité « exceptionnelle » de déroger au droit de l’Union en vertu de l’article 347 TFUE ?

51. Compte tenu de certains des arguments invoqués par les parties intervenantes devant la Cour, je souhaite aborder, à ce stade des présentes conclusions, une considération importante quant à la possibilité, pour les États membres, de déroger au droit de l’Union pendant la pandémie de COVID-19.

52. En effet, ces parties intervenantes soutiennent que la pandémie constituait, à tout le moins au cours de ses premiers mois, une « crise » nécessitant une intervention urgente des autorités publiques. J’observe, à cet égard, que plusieurs États membres ont déclaré, à un moment ou à un autre durant la pandémie, un « état d’urgence » impliquant la suspension ou la dérogation temporaires aux lois ordinaires sur leur territoire afin de mettre en œuvre les mesures urgentes réputées nécessaires pour
répondre à cette « crise ». En fait, bon nombre de ces mesures – en particulier les confinements généralisés – n’étaient pas sans rappeler celles applicables en temps de guerre.

53. Cela soulève la question de savoir s’il convient d’appliquer un cadre juridique « exceptionnel » pour apprécier les mesures litigieuses, au lieu des règles « ordinaires » de l’Union et de leurs exceptions « ordinaires ». À cet égard, je rappelle que l’article 347 TFUE prévoit une « clause de sauvegarde » reconnaissant, en substance, aux États membres la faculté d’adopter les mesures qu’ils estiment nécessaires, notamment, en cas de « troubles intérieurs graves affectant l’ordre public » ( 62 ).
Cette disposition, qui n’a jamais été interprétée par la Cour, pourrait permettre, en théorie, une dérogation générale à l’ensemble des règles de ce traité et à celles adoptées sur son fondement, y compris les différentes dispositions relatives à la libre circulation des personnes, dans de telles circonstances ( 63 ). Inutile de dire que la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la pandémie de COVID-19 pourrait être considérée comme ayant causé de tels « troubles intérieurs
graves » dans les États membres ( 64 ), ainsi que celle des éventuelles autres conditions et limites attachées à cette « clause de sauvegarde », sont extrêmement sensibles.

54. Cela étant, outre le fait que le gouvernement belge n’a pas, devant la Cour ou par ailleurs, invoqué l’article 347 TFUE ( 65 ), il n’y aurait lieu, en tout état de cause, de se prononcer sur cette disposition que si des mesures nationales telles que celles en cause au principal ne pouvaient être justifiées au regard des règles « ordinaires » de l’Union et de leurs exceptions « ordinaires » ( 66 ). Cependant, comme je l’expliquerai dans la suite des présentes conclusions, ces règles sont
suffisamment souples pour tenir compte de la particularité de la situation en cause.

5.   La légalité des restrictions de voyage litigieuses au regard des clauses dérogatoires prévues par la directive sur la citoyenneté

55. Même en vertu du droit de l’Union « ordinaire », le droit à la libre circulation dont jouissent les citoyens de l’Union n’est pas absolu. Des restrictions sont admissibles ( 67 ). Cependant, pour être compatible avec le droit de l’Union, toute restriction doit respecter, notamment, les conditions qui y sont énoncées. Dans la mesure où les restrictions de voyage litigieuses relèvent du champ d’application de la directive sur la citoyenneté, elles doivent être appréciées au regard des conditions
énoncées au chapitre VI de cet instrument. En outre, dans la mesure où ces restrictions s’appliquaient aux ressortissants belges retournant en Belgique après avoir exercé leur droit à la libre circulation, je rappelle que, bien que cette situation relève non pas de la directive sur la citoyenneté, mais de l’article 21 TFUE, les conditions de dérogation prévues par cette directive s’appliquent par analogie ( 68 ).

56. En guise d’introduction au chapitre VI, l’article 27, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté contient la règle générale selon laquelle les États membres sont autorisés à restreindre la « liberté de circulation » d’un citoyen de l’Union pour des raisons d’« ordre public », de « sécurité publique » ou de « santé publique ». Cette règle générale est précisée dans le reste de ce chapitre. Notamment, l’article 29, paragraphe 1, de cette directive encadre la possibilité pour les États
membres de restreindre cette « liberté » pour des raisons de « santé publique ». En ce qui concerne la légalité de mesures nationales adoptées pour de telles raisons, ces deux dispositions doivent donc être lues conjointement. Ensemble, elles imposent une série de conditions qui seront détaillées dans la suite des présentes conclusions, et qui doivent être respectées dans tous les cas ( 69 ).

57. Alors que le gouvernement belge invoque, aussi bien devant la juridiction de renvoi que devant la Cour, l’article 27, paragraphe 1, et l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, Nordic Info soutient que, indépendamment de la question de savoir si les conditions qu’elles prévoient sont remplies, ces dispositions ne peuvent pas couvrir des restrictions de voyage telles que celles en cause au principal. Ce point de contestation requiert que l’on procède à un examen abstrait de
la portée de ces dispositions (sous-section a), avant de passer à une appréciation concrète de ces mesures au regard des conditions en question (sous-section b).

a)   Sur la portée de l’article 27, paragraphe 1, et de l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté

58. Selon Nordic Info, l’article 27, paragraphe 1, et l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté ne sont, de manière générale, pas suffisamment larges pour couvrir – en tout voire en partie – des restrictions de voyage telles que celles en cause parce que ces dispositions permettent des restrictions au seul droit d’entrée, et non au droit de sortie (sous-section 1) et, en tout état de cause, n’autorisent que des restrictions « individuelles » et non pas « générales » à la libre
circulation (sous-section 2). J’aborderai successivement ces objections dans les sous-sections suivantes.

1) Sur la possibilité de restreindre à la fois le droit d’entrée et le droit de sortie

59. Je rappelle que l’article 27, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté permet aux États membres de restreindre la « liberté de circulation » pour des raisons de santé publique, sans autre précision quant au type de mesures susceptibles d’être prises par les autorités nationales.

60. En premier lieu, ces termes englobent les éventuelles restrictions au droit d’entrée prévues à l’article 5, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté. Ces restrictions incluent, d’une part, une éventuelle interdiction d’entrée sur le territoire d’un État membre. Des réserves s’appliquent cependant. Un État membre ne peut jamais utiliser cette disposition pour refuser d’admettre ses propres ressortissants sur son territoire – pour les simples raisons que i) cette directive ne s’applique
pas dans cette situation, et ii) le principe réaffirmé à l’article 3, paragraphe 2, du protocole no 4 à la CEDH l’interdit ( 70 ). En outre, il découle de l’article 29, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté qu’un État membre ne saurait, pour des raisons de « santé publique », interdire l’entrée sur son territoire – après, par exemple, un voyage en Suède – de ressortissants d’autres États membres résidant sur son territoire ( 71 ). D’autre part, un État membre peut, en principe,
imposer aux citoyens de l’Union qui ne peuvent être interdits d’entrée sur le territoire national d’autres types de restrictions à leur entrée qui n’ont pas d’effet équivalent à un refus. Les exigences de quarantaine et de tests imposées aux résidents belges lors de leur retour de pays à « risque élevé » relèveraient de cette catégorie ( 72 ).

61. En second lieu, selon moi, contrairement à ce que soutient Nordic Info, l’article 27, paragraphe 1, et l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté peuvent également couvrir d’éventuelles restrictions au droit de sortie prévu à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, telles qu’une interdiction de sortie ( 73 ). Si l’intitulé du chapitre VI est susceptible d’induire le lecteur en erreur à cet égard ( 74 ), d’une part, l’expression « liberté de circulation » qui y est
utilisée est à l’évidence suffisamment large pour englober ce droit. D’autre part, il ne découle pas du fait que l’article 29, paragraphe 2, vise, en substance, une mesure spécifique, à savoir le refus d’admission, que seules les restrictions au droit d’entrée sont permises pour des raisons de « santé publique » – dès lors que cette disposition n’a pas pour objet d’énumérer toutes les restrictions à la libre circulation admissibles en vertu de l’article 27, paragraphe 1, et de l’article 29,
paragraphe 1, de ladite directive, mais simplement d’encadrer l’utilisation de cette mesure. En outre, cette interprétation est conforme à l’objectif poursuivi par la dérogation relative à la « santé publique » prévue par ces dispositions, qui est, comme l’indique le libellé de la dernière de ces dispositions, de permettre à un État membre de protéger son territoire et sa population contre la propagation de certaines maladies infectieuses ou contagieuses. Certes, les rédacteurs de l’article 29,
paragraphe 1, avaient (probablement) à l’esprit l’exemple d’un État membre empêchant les voyageurs porteurs de telles maladies d’entrer sur son territoire et d’« apporter » la maladie avec eux. Cela étant, la protection du territoire d’un État peut également, dans certaines situations, justifier de restreindre la sortie de ses propres résidents, pour les empêcher de « rapporter » de telles maladies lors de leur retour ( 75 ). Enfin, cette interprétation est confirmée par les travaux
préparatoires ( 76 ) de la directive sur la citoyenneté ( 77 ).

2) Sur la possibilité de restreindre la libre circulation par des mesures générales

62. Les mesures nationales en cause au principal étaient de portée générale. En effet, l’interdiction de voyage ainsi que les exigences en matière de quarantaine et de tests s’appliquaient systématiquement à des catégories abstraites et larges de personnes se trouvant dans des situations déterminées objectivement – les personnes se déplaçant vers ou au départ d’un État membre de l’Union à « risque élevé » dans un but « non essentiel », celles voyageant vers ou au départ d’un pays tiers ne faisant
pas partie de l’espace Schengen, etc.

63. Cependant, Nordic Info fait valoir que seules des mesures individuelles restreignant le droit à la libre de circulation sont susceptibles d’être justifiées sur la base de l’article 27, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté. De telles mesures ne pourraient être adoptées qu’au cas par cas, lorsqu’une appréciation individuelle de la situation d’une personne déterminée révèle que celle-ci représente une menace pour la santé publique, parce
que cette personne présente des symptômes de l’une des maladies mentionnées à cette disposition ou qu’elle y a été exposée – de telle sorte qu’elle présente un risque réel d’être infectée par cette maladie et de la propager.

64. Comme les gouvernements belge, roumain et norvégien, ainsi que la Commission, j’estime que des restrictions générales à la libre circulation sont, en vertu de l’article 27, paragraphe 1, et de l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, susceptibles d’être adoptées pour des raisons de « santé publique » sans nécessiter pareille appréciation au cas par cas ( 78 ).

65. Premièrement, ces dispositions se réfèrent, respectivement, aux « restrictions » que les États membres peuvent mettre en œuvre et aux « mesures restrictives de la libre circulation » qu’ils peuvent adopter pour des raisons de « santé publique ». Ces termes larges sont susceptibles d’englober des mesures aussi bien individuelles que générales.

66. Deuxièmement, l’économie générale du chapitre VI de la directive sur la citoyenneté conforte cette interprétation. En effet, même si l’article 27, paragraphe 2, de cette directive prévoit, en ce qui concerne les mesures prises pour des raisons d’« ordre public » ou de « sécurité publique », qu’elles « doivent [...] être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné » et que « [d]es justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des
raisons de prévention générale ne peuvent être retenues », l’article 29 ne mentionne pas une telle exigence en ce qui concerne les mesures prises pour des raisons de « santé publique » ( 79 ).

67. Certes, cette différence de formulation ne saurait, à elle seule, être déterminante. Le texte de la directive sur la citoyenneté n’est pas exempt d’incohérences ( 80 ). Par le passé, la Cour a, à juste titre, étendu la nécessité d’une appréciation individuelle à d’autres dispositions de la directive sur la citoyenneté qui ne la mentionnent pas expressément. Elle l’a fait notamment dans son arrêt McCarthy e.a. ( 81 ), en ce qui concerne les mesures prises pour cause d’abus de droit, en vertu de
l’article 35 de cette directive.

68. Toutefois, la Cour devrait se montrer prudente avant d’agir de la sorte en matière de mesures prises pour des raisons de « santé publique » au titre de l’article 27, paragraphe 1, et de l’article 29, paragraphe 1, de ladite directive. En effet, à l’instar des gouvernements belge, roumain et norvégien ainsi que de la Commission, j’observe, troisièmement, qu’il est logique de laisser une plus grande marge d’appréciation aux États membres s’agissant des menaces pour la « santé publique » qu’en
matière de menaces pour l’« ordre public » ou la « sécurité publique » et de comportements abusifs, dès lors qu’il s’agit, tout simplement, de questions différentes.

69. D’une part, les menaces pour l’« ordre public » ou la « sécurité publique » résultent en général du comportement d’individus déterminés, tels que des terroristes ou de dangereux criminels. Par conséquent, les autorités publiques ne devraient pas, en principe, être en mesure d’adopter, compte tenu notamment de l’importance du droit à la libre circulation dont jouissent les citoyens de l’Union, des mesures générales à titre préventif, telles que l’interdiction d’entrée de toutes les personnes
voyageant au départ de certains pays au motif que certaines d’entre elles peuvent être dangereuses. Non seulement ces mesures iraient au‑delà de ce qui est nécessaire à cet égard, mais j’estime en outre que, dans une société démocratique, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, les autorités publiques ne devraient pas être autorisées à présumer que des individus sont dangereux au seul motif qu’ils appartiennent à une catégorie aussi vaste et abstraite de personnes ( 82 ). Des
considérations relatives à la dignité individuelle s’appliquent à cet égard. En effet, dans de nombreux cas, une telle approche reposerait sur des préjugés ( 83 ). La même logique s’applique en ce qui concerne la prévention des abus du droit à la libre circulation. Même lorsqu’ils font face à de nombreux cas d’entrée abusive de ressortissants de pays tiers se faisant passer pour des membres de la famille de citoyens de l’Union, les États membres ne sauraient, à titre de précaution, adopter des
mesures générales privant tous ces membres de la famille du droit qu’ils tirent, entre autres, de la directive sur la citoyenneté ( 84 ).

70. D’autre part, la menace pour la « santé publique » pertinente au regard de l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, c’est-à-dire le risque de propagation sur le territoire d’un État membre de certaines « maladies potentiellement épidémiques » ou d’« autres maladies infectieuses ou parasitaires contagieuses », n’est généralement pas liée au comportement d’individus déterminés. La situation épidémiologique dans un pays donné peut être une considération pertinente à cet
égard ( 85 ). Dans certaines circonstances, en fonction de leur degré de contagiosité, une grande partie, sinon la totalité de la population, peut être infectée. Dans ce contexte, des mesures individuelles prises au point d’entrée ou de sortie des voyageurs sur le territoire d’un État membre, sur la base de symptômes apparents ou d’une exposition confirmée aux maladies en cause, pourraient n’être pas toujours suffisamment efficaces pour empêcher ou limiter leur propagation ( 86 ). Des
restrictions générales à la libre circulation, adoptées à titre de précaution, ciblant, par exemple, l’ensemble des personnes se déplaçant au départ de certains pays ou régions à « risque élevé », peuvent être nécessaires à cet égard. Il convient d’interpréter en conséquence l’article 27, paragraphe 1, et l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté. Si ces dispositions, en tant que clauses dérogatoires, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte ( 87 ), cette
interprétation doit néanmoins garantir qu’elles puissent remplir leur fonction ( 88 ).En outre, conformément à l’article 168, paragraphe 1, TFUE, « [u]n niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union », y compris la libre circulation des personnes – un impératif si important qu’il est réaffirmé à l’article 35, deuxième phrase, de la Charte. Or, le contrôle des épidémies fait partie intégrante de cet
objectif ( 89 ).

71. Il existe un dernier contre-argument qu’il convient d’examiner avant de clore la présente section. En effet, les articles 30 et 31 de la directive sur la citoyenneté contiennent des garanties pour les citoyens de l’Union soumis à des mesures restreignant les droits qu’ils tirent de cette directive. Les autorités nationales doivent, en vertu de l’article 30, paragraphes 1 et 2, respectivement notifier à l’« intéressé »« toute décision prise en application de l’article 27, paragraphe 1 », et
porter à sa connaissance « les motifs [...] d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d’une décision le concernant ». En outre, en vertu de l’article 31, paragraphe 1, de ladite directive, ces autorités doivent veiller à ce que « les personnes concernées » aient accès à des procédures de recours « pour attaquer une décision prise à leur encontre pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ».

72. Dans ce contexte, Nordic Info soutient que le fait que ces dispositions se réfèrent systématiquement à des « décisions » ayant pour destinataires certaines « personnes concernées » implique nécessairement que seules des mesures individuelles peuvent être prises sur le fondement de l’article 27, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, et ce même pour des raisons de « santé publique ». On pourrait également légitimement soutenir que, dès lors que les garanties en question sont destinées,
selon les termes employés par la Cour, à « permettre à la personne concernée de faire valoir des circonstances et des considérations relatives à sa situation individuelle » ( 90 ), le fait d’autoriser les États membres à adopter, sur le fondement de cette disposition, des mesures d’application générale pourrait vider ces garanties de leur substance.

73. Je considère que tel n’est pas le cas. Premièrement, comme le souligne la Commission, les articles 30 et 31 de la directive sur la citoyenneté n’ont pas pour objet de circonscrire le type de mesures susceptibles d’être adoptées en vertu de l’article 27, paragraphe 1, de cette directive, mais seulement de prévoir certaines garanties lorsque de telles mesures sont prises. Si les articles 30 et 31 de ladite directive utilisent le terme « décision », par opposition aux termes plus larges de
« restrictions » ou de « mesures », cela reflète simplement le fait que, ainsi qu’il peut être conclu de ce qui précède, des mesures individuelles sont souvent requises par cette même directive et que, à l’évidence, le législateur de l’Union avait ces mesures à l’esprit lors de la rédaction de ces dispositions. De manière générale, les termes « mesures » et « décisions » semblent utilisés indifféremment dans la directive sur la citoyenneté, et pas toujours de manière cohérente ( 91 ), de sorte
qu’aucune conclusion ne peut être tirée de l’emploi de l’un ou l’autre terme dans une disposition donnée. Deuxièmement, quand bien même ces dispositions n’auraient pas été rédigées en pensant à des mesures générales, il ne s’ensuit pas que la possibilité d’adopter de telles mesures pour des raisons de « santé publique » priverait lesdites dispositions de tout effet utile. Les citoyens de l’Union devraient toujours être à même, dans une certaine mesure, de « faire valoir des circonstances et des
considérations relatives à [leur] situation individuelle ». Je reviendrai sur cet aspect aux points 115 à 119 des présentes conclusions.

b)   Sur la question de savoir si les conditions énoncées à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté étaient remplies dans la présente affaire

74. J’ai expliqué, dans les sections précédentes des présentes conclusions, pourquoi des mesures nationales telles que celles mises en cause dans l’affaire au principal peuvent, en principe, être justifiées au regard de l’article 27, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté.

75. Cependant, pour être pleinement compatibles avec ces dispositions, de telles mesures doivent remplir toutes les conditions qui en découlent. Plus précisément, elles doivent avoir été mises en œuvre en réponse à une menace grave, réelle et pertinente pour la « santé publique » (sous-section 1) et elles doivent respecter les principes de sécurité juridique (sous-section 2), d’égalité de traitement (sous-section 3) ainsi que de proportionnalité (sous-section 4). Il incombe à l’État membre en cause
de démontrer que tel est le cas. En outre, il appartiendra en dernière analyse à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits, de déterminer si ces conditions sont remplies dans l’affaire au principal. La Cour peut cependant fournir des indications à ce sujet, sur la base des éléments dont elle dispose. À cette fin, j’examinerai successivement lesdites conditions dans les sous-sections suivantes.

1) Sur l’existence d’une menace grave, réelle et pertinente pour la « santé publique »

76. Comme indiqué aux points précédents des présentes conclusions, le recours à la justification relative à la « santé publique » prévue à l’article 27, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté est encadré par l’article 29 de cette directive. Cette dernière disposition contient une définition précise des circonstances pertinentes dans lesquelles de tels motifs peuvent être valablement invoqués ( 92 ). En vertu de son paragraphe 1, seules certaines maladies sont susceptibles de justifier la
mise en œuvre de mesures restrictives de la libre circulation. Parmi celles-ci figurent les « maladies potentiellement épidémiques telles que définies dans les instruments pertinents de l’[OMS] » à savoir le règlement sanitaire international (2005) (ci-après le « RSI ») ( 93 ).

77. La COVID-19 relève manifestement de cette catégorie. J’observe que, le 30 janvier 2020 ( 94 ), le directeur général de l’OMS a conclu que l’apparition de la maladie en cause constituait une « urgence de santé publique de portée internationale » au sens de cet instrument ( 95 ). En outre, le 11 mars 2020, la même institution, compte tenu de l’augmentation exponentielle des cas et des pays touchés signalés, a qualifié la COVID-19 de « pandémie » ( 96 ).

78. Cependant, le fait que certaines mesures aient été adoptées dans la perspective d’une telle maladie ne suffit pas pour les considérer comme justifiées au regard de l’article 27, paragraphe 1, et de l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque les autorités publiques invoquent des raisons de « santé publique » pour justifier une restriction du droit à la libre circulation dont jouissent les citoyens de l’Union,
elles doivent démontrer, de manière satisfaisante, que les mesures en question sont nécessaires pour protéger effectivement les intérêts visés par ces dispositions ( 97 ). Bien qu’il découle de la raison d’être même de l’article 29, paragraphe 1, que, d’une manière générale, les maladies qui y sont mentionnées sont considérées comme représentant une menace grave pour la « santé publique », des mesures préventives contre de telles maladies ne sauraient être imposées aux citoyens de l’Union de
manière systématique ( 98 ) : cette menace doit être réelle, et pas simplement hypothétique, dans les circonstances de l’espèce. Les autorités publiques doivent par conséquent démontrer, en procédant à une évaluation des risques fondée sur les données scientifiques les plus fiables disponibles au moment des faits et sur les résultats les plus actualisés de la recherche internationale, la probabilité que la menace en cause se réalise, ainsi que la gravité des effets sur la « santé publique » si
tel était le cas ( 99 ).

79. Néanmoins, ainsi que le font valoir les gouvernements intervenants et la Commission, il découle également de la jurisprudence de la Cour que, lorsque, après la réalisation d’une telle évaluation des risques, une incertitude subsiste quant à l’existence ou à la portée du risque allégué pour la « santé publique », mais que la probabilité d’une atteinte réelle à cet intérêt persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, un État membre peut, en vertu du principe de précaution, prendre des
mesures sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ce risque soient pleinement démontrées ( 100 ). Même s’il faut encore apporter la preuve de la nécessité de prendre des mesures de précaution, la charge de la preuve est faible dans de telles circonstances, de sorte que les autorités nationales peuvent agir avec l’urgence requise. Dès lors, une juridiction appelée à apprécier de telles mesures devrait, à mon sens, se limiter à contrôler si l’appréciation par les autorités de
l’existence d’une menace réelle et grave pour la « santé publique » repose sur des motifs raisonnables.

80. Dans la présente affaire, il n’est pas contesté que tel a été le cas, s’agissant de la COVID-19, lors du pic de la « première vague » de la pandémie dans l’Union. À l’époque, l’augmentation exponentielle du nombre de cas a transformé l’apparition de cette maladie en une « crise sanitaire ». Indépendamment de l’incertitude scientifique entourant la source, la transmissibilité, la dynamique d’infection et les effets du (à l’époque) nouveau coronavirus, les autorités publiques avaient plus qu’assez
de motifs raisonnables de croire que la pandémie représentait une menace réelle et grave pour la sécurité de l’offre de soins – dès lors que les systèmes nationaux de santé peinaient à faire face au nombre de personnes à hospitaliser –, voire pour la vie et l’intégrité physique de leur population. En outre, il est difficile de réfuter l’observation selon laquelle, à l’époque, la pandémie « [pouvait] avoir des effets très graves non seulement sur la santé, mais aussi sur la société, sur
l’économie, sur le fonctionnement de l’État et sur la vie en général » ( 101 ).

81. Par conséquent, les autorités publiques pouvaient raisonnablement, pour le moins, considérer que le contrôle de la propagation de la COVID-19 était devenu une nécessité pour préserver leurs systèmes de santé et atténuer les conséquences du virus sur la société dans son ensemble et que, à cet effet, elles devaient notamment mettre en œuvre un ensemble d’« interventions non pharmaceutiques », y compris des restrictions de voyage, pour tenter de ralentir la transmission communautaire ( 102 ) de la
maladie ( 103 ).

82. Cependant, la question cruciale, aux fins de l’affaire au principal, est de savoir si tel était encore le cas, en Belgique, au moment de l’adoption et de la mise en œuvre des mesures litigieuses au détriment de Nordic Info, à savoir, en gros, au début du mois de juillet 2020. En effet, la légalité de ces mesures doit être appréciée au regard du contexte de l’époque ( 104 ).

83. À ce moment-là, la gravité de la « première vague » était passée. La situation épidémiologique globale dans l’Union avait commencé à montrer des signes d’amélioration dès le mois de mai 2020, ce qui avait donné lieu à un « optimisme prudent » ( 105 ), à telle enseigne que la Commission avait invité les États membres à envisager l’assouplissement progressif et, finalement, la levée des restrictions de déplacement qu’ils avaient mises en place entre eux au début du mois de mars ( 106 ). Cette
amélioration a été confirmée en juin. Par conséquent, plusieurs États membres ont levé ces restrictions dès le 15 de ce mois, et la Commission a encouragé le reste d’entre eux à faire de même. La restriction temporaire des déplacements non essentiels dans l’Union a également été assouplie le 30 du même mois ( 107 ).

84. Cependant, le gouvernement belge fait valoir que, même si la situation épidémiologique dans l’Union au début du mois de juillet 2020 s’était améliorée dans l’ensemble, la pandémie n’était ni terminée ni entièrement contrôlée. En fait, cette situation différait fortement d’un pays à l’autre. Si elle était stabilisée en Belgique, des données objectives ( 108 ) montraient d’importants rebonds dans les infections survenant dans d’autres États membres, y compris la Suède. Compte tenu de la nature
hautement contagieuse du virus ( 109 ), les autorités belges ont considéré que le risque d’une résurgence de grande ampleur de la pandémie sur le territoire national – une (à l’époque) potentielle « deuxième vague » – était réel, surtout si les mesures de confinement étaient levées trop tôt, compte tenu du début des vacances d’été. Elles ont donc décidé de maintenir certaines de ces mesures, y compris les restrictions de voyage litigieuses, tout en les adaptant au risque.

85. Selon moi, l’appréciation par les autorités belges du risque pour la « santé publique » à l’époque des faits semble raisonnable au regard du principe de précaution ( 110 ). Les mesures litigieuses paraissaient donc justifiées au regard de l’article 27, paragraphe 1, et de l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté. Le fait qu’il n’existait pas, à cette époque, de traitement ou de vaccin autorisé ou efficace pour atténuer l’impact que le virus était susceptible d’avoir sur la
population tend à confirmer le caractère raisonnable de cette appréciation. Cependant, ainsi que l’a relevé la Commission, l’ampleur du risque aurait également dépendu de la capacité prévisible du système de santé belge, notamment, à faire face à un éventuel nouveau rebond des infections sur le territoire national, ce qu’il appartiendrait à la juridiction de renvoi de vérifier ( 111 ).

86. En revanche, le fait que d’autres États membres aient levé, aux alentours de cette période, tout ou partie des mesures qu’ils avaient mises en place pour limiter la transmission du virus n’est pas déterminant à cet égard. En effet, étant donné que, premièrement, la santé et la vie humaines occupent le premier rang parmi les intérêts protégés par le traité FUE ( 112 ), que, deuxièmement, la compétence en la matière appartient, pour l’essentiel, aux États membres ( 113 ) et que, troisièmement,
toute action de l’Union doit être menée dans le respect des « responsabilités » des États membres en la matière ( 114 ), la Cour a itérativement jugé qu’il appartient aux États membres de décider, notamment, du « niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique » et qu’il convient, par conséquent, de leur reconnaître une « marge d’appréciation » dans ce domaine ( 115 ). Partant, bien que certains États membres aient manifestement considéré le niveau de risque lié à la
COVID-19 comme étant acceptable, cette appréciation ne remet pas en cause le caractère raisonnable de l’évaluation par les autorités belges de la nécessité de mesures de précaution en Belgique ( 116 ).

2) Les restrictions de voyage litigieuses étaient transparentes

87. Si, à première vue, les autorités belges avaient des raisons légitimes de mettre en œuvre des mesures de précaution à l’époque des faits, celles-ci devaient en outre, pour être compatibles avec l’article 27, paragraphe 1, et avec l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, être transparentes, à savoir respecter le principe de sécurité juridique. Ce principe exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier
lorsqu’elles ont, comme c’est le cas dans la présente affaire, des conséquences défavorables sur les individus et les entreprises ( 117 ).

88. J’estime que les mesures litigieuses ont été formulées avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre aux intéressés de régler leur conduite. Premièrement, les mesures étaient clairement définies : interdiction de voyage, quarantaine et exigence de tests. Deuxièmement, la liste des pays à « risque élevé »/« rouges » auxquels elles s’appliquaient était disponible sur un site Internet spécifique et, donc, facilement accessible. Troisièmement, il est vrai que ces mesures reposaient sur
une notion – celle de « voyage “non essentiel” » – dont le caractère ouvert créait une certaine incertitude pour les personnes cherchant à voyager à destination et au départ de la Belgique. Le gouvernement belge a expliqué que, même si cette notion n’était pas précisée dans la réglementation applicable, une liste illustrative des motifs de voyage considérés comme « essentiels », qui correspondait à celle applicable dans le cadre de la restriction temporaire des déplacements non essentiels vers
l’Union ( 118 ), était néanmoins disponible en ligne. Cette liste a indubitablement aidé les personnes à comprendre si le voyage qu’elles envisageaient pouvait être considéré comme « essentiel » ou non. Néanmoins, si, sur la base de cette liste, certains voyages étaient clairement interdits – les voyages touristiques, par exemple –, certaines entrées de ladite liste, telles que les « voyages pour des raisons familiales impératives », étaient également ouvertes. À cet égard, il me semble que les
autorités nationales étaient tenues, en vertu du principe de sécurité juridique, de mettre en place un mécanisme permettant au public de demander à l’avance, par des moyens appropriés, si un certain motif de voyage – par exemple lié à la famille – était considéré comme « essentiel » ou non, de manière à éviter de faire face à un refus inattendu au moment du départ ou de l’arrivée. En fait, le gouvernement belge a expliqué qu’il avait fourni une « FAQ » en ligne à ce sujet. Chaque fois qu’une
telle question était fréquemment posée par le public, une réponse y était apportée par les autorités. Cela semble satisfaire à l’exigence que je viens d’exposer.

3) Les restrictions de voyage litigieuses s’appliquaient de manière non discriminatoire

89. Pour être compatibles avec l’article 27, paragraphe 1, et l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, les mesures litigieuses devaient également être appliquées de manière non discriminatoire ( 119 ).

90. Cet aspect peut être abordé succinctement dès lors que tel semble clairement avoir été le cas. Premièrement, l’interdiction de sortie du territoire belge vers des pays « à risque élevé »/« rouges » s’appliquait quelle que soit la nationalité des voyageurs. Deuxièmement, s’agissant de l’interdiction d’entrée, il est vrai que cette mesure ne s’appliquait pas aux ressortissants belges ni aux ressortissants d’autres États membres résidant en Belgique, alors qu’elle était imposée aux autres citoyens
de l’Union. Cependant, cette différence de traitement est justifiée puisque ces catégories de personnes ne se trouvent pas dans une situation comparable ( 120 ). Troisièmement, la quarantaine et les tests étaient exigés des résidents belges au retour des mêmes pays, quelle que soit leur nationalité.

4) Sur la proportionnalité des restrictions de voyage litigieuses

91. Pour être compatibles avec l’article 27, paragraphe 1, et avec l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, les mesures litigieuses devaient, en outre, être conformes au principe de proportionnalité ( 121 ). Ainsi qu’il sera exposé en détail dans les sous-sections suivantes, l’appréciation de cette exigence englobe un examen de trois critères cumulatifs consistant respectivement à se demander si ces mesures étaient « appropriées » [sous-section i)], « nécessaires »
[sous-section ii)] et « proportionnées stricto sensu » [sous-section iii)].

92. Cependant, avant d’approfondir chacun de ces critères, certaines précisions s’imposent quant au niveau de contrôle de ce principe applicable dans la présente affaire. Comme le souligne le gouvernement norvégien, en matière de santé publique, une certaine retenue s’impose à cet égard. En effet, la Cour a itérativement jugé que, en vertu de la « marge d’appréciation » dont jouissent les États membres dans ce domaine, il leur appartient de décider non seulement du niveau auquel ils entendent
assurer la protection de la santé publique sur leur territoire, mais aussi de « la manière dont ce niveau doit être atteint » ( 122 ). En outre, cette marge d’appréciation est particulièrement large dans des circonstances telles que celle en cause au principal où les autorités publiques cherchent à répondre à une pandémie provoquée par un nouveau virus, à un stade encore relativement précoce et incertain de cet événement, en disposant d’un temps ou de connaissances limités pour envisager les
mesures les plus appropriées. Dans une telle situation, le principe de précaution requiert que les autorités publiques disposent d’une marge de manœuvre significative ( 123 ).

93. Pour être précis, il ne s’ensuit pas que ces autorités bénéficiaient d’un blanc-seing dans le cadre de leur riposte à la pandémie de COVID-19, de sorte qu’un contrôle juridictionnel de leurs actions à cet égard devrait être exclu. En fait, le contrôle juridictionnel est d’autant plus nécessaire que, en raison de l’urgence de la situation, les mesures instaurées pour lutter contre la propagation de cette maladie avaient souvent été adoptées par les seuls gouvernements, sans suivre le processus
décisionnel démocratique normal et, notamment, sans contrôle parlementaire ex ante.

94. Ainsi, pour concilier, d’une part, cette large marge d’appréciation et, d’autre part, le nécessaire respect des normes juridiques, la portée du contrôle juridictionnel du principe de proportionnalité dans la présente affaire devrait, selon moi, se limiter, ici encore, à la question de savoir si les autorités ont pu raisonnablement considérer que les mesures litigieuses étaient appropriées et nécessaires pour gérer le risque pour la « santé publique » abordé ci-dessus, ainsi que proportionnées
stricto sensu ( 124 ).

95. Je souhaite également préciser d’emblée que, à l’époque des faits, les institutions de l’Union ont adopté ( 125 ), en vertu de la compétence limitée de l’Union dans le domaine de la santé publique ( 126 ), une série de communications, de recommandations et d’orientations afin de promouvoir un niveau de coordination entre les différentes mesures adoptées par les États membres en réponse à la pandémie ( 127 ). Même si, par définition, ces instruments juridiques non contraignants ne s’imposaient
pas aux États membres, ceux-ci devaient néanmoins les prendre dûment en compte conformément au principe de coopération loyale. Les principes et les normes recommandés qu’ils énoncent sont donc des éléments contextuels pertinents dans la présente affaire.

i) Les restrictions de voyage litigieuses semblaient appropriées

96. Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’exigence selon laquelle toute mesure restreignant la liberté de circulation doit être « appropriée » englobe deux critères cumulatifs : la mesure en cause doit, d’une part, être de nature à contribuer à la réalisation de l’objectif poursuivi et, d’autre part, « [répondre] véritablement au souci de l’atteindre et [être] mise en œuvre de manière cohérente et systématique » ( 128 ).

– Les restrictions de voyage litigieuses semblaient susceptibles de contribuer à l’objectif poursuivi

97. Pour satisfaire à la première partie de l’exigence de « caractère approprié », le gouvernement belge devait démontrer que des restrictions de voyage telles que les restrictions litigieuses pouvaient contribuer à prévenir le risque d’un nouveau rebond des cas de COVID-19 sur le territoire belge. Des preuves scientifiques concordantes à ce sujet sont requises. Cela dit, ici aussi, en vertu du principe de précaution, la charge de la preuve est faible. En effet, à l’époque des faits, même si la
menace que représentait la pandémie semblait réelle et grave, il existait un degré important d’incertitude quant aux solutions disponibles pour y faire face.

98. À cet égard, ce gouvernement fait valoir que, s’il n’était pas possible d’établir avec certitude, à l’époque des faits, que ces mesures auraient un effet préventif, il n’en demeurait pas moins raisonnable, sur la base des informations scientifiques alors disponibles, de supposer que tel pouvait être le cas. Il existait un « large consensus » parmi les experts médicaux nationaux et les conseillers du gouvernement sur le fait que les déplacements internationaux de personnes contribuaient de
manière significative à la propagation de la COVID-19. La restriction de ces déplacements semblait donc être une mesure appropriée pour contrôler la pandémie.

99. Je conviens que les autorités belges ont pu raisonnablement supposer que les restrictions de déplacement étaient de nature à contribuer à la réalisation de l’objectif de « santé publique » poursuivi. Cependant, des précisions supplémentaires s’imposent à cet égard dès lors que cette contribution n’est pas aussi évidente que ce qui a été suggéré à la Cour par les gouvernements intervenants et la Commission.

100. En effet, s’agissant de la base scientifique de telles mesures, je relève que, avant la COVID-19, il était généralement considéré que les restrictions de déplacement n’étaient pas efficaces pour contenir des épidémies ( 129 ). Par conséquent, au cours des premières semaines de la pandémie, l’OMS n’a pas recommandé la mise en œuvre de telles restrictions en ce qui concerne la Chine ou d’autres pays ( 130 ). Or, on le sait, la plupart des pays n’ont pas tenu compte des conseils de l’OMS sur ce
point ( 131 ). Les institutions de l’Union elles-mêmes ont approuvé les restrictions de voyage mises en place au sein de l’Union par les États membres et elles ont recommandé la mise en œuvre de la restriction temporaire coordonnée des déplacements non essentiels vers l’Union, en considérant que l’afflux important de personnes voyageant au départ des pays touchés par le virus impliquait l’« importation » d’un nombre considérable de cas « étrangers » de COVID-19 dans leurs pays d’arrivée, ce qui
pouvait produire, et a effectivement produit, des foyers épidémiques locaux ( 132 ). Dans ce contexte, divers articles scientifiques publiés au printemps de l’année 2020 suggéraient que ces restrictions de déplacement contribuaient effectivement à limiter ou, à tout le moins, à retarder l’arrivée et l’apparition initiales de la maladie dans les pays concernés ( 133 ). L’OMS a elle-même fini par revoir sa position et par considérer que ces mesures avaient une certaine valeur à cet égard ( 134 ).

101. Il convient cependant de noter que, à l’époque des faits au principal, la COVID-19 avait déjà pris racine sur le territoire belge. On pourrait légitimement s’interroger sur l’intérêt de restreindre les déplacements internationaux après que le virus s’était déjà propagé dans la population locale. Néanmoins, ainsi que le fait valoir le gouvernement belge, et bien que les éléments de preuve disponibles à l’époque à ce sujet aient été limités et peu déterminants ( 135 ), il était raisonnable de
supposer que, dans un contexte où, d’une part, la situation épidémiologique variait significativement d’un État membre à l’autre, certains pays connaissant un taux élevé de transmission du virus, alors que la situation sur le territoire belge était comparativement sûre ( 136 ), et où, d’autre part, il était attendu, à l’approche de l’été, qu’un important afflux de voyageurs arriverait en provenance de ces pays à incidence supérieure ou en reviendrait pour des raisons liées au tourisme, il était
logique de maintenir certaines restrictions de voyage entre la Belgique et ces pays. Ces restrictions pouvaient contribuer – dans une mesure, certes limitée, mais non négligeable ( 137 ) – à prévenir le risque d’un nouveau rebond des cas de COVID-19 sur le territoire belge. Elles étaient de nature à empêcher une importation importante des cas « étrangers » de COVID-19 qui pouvaient quant à eux perturber le fragile équilibre local. En fait, l’OMS elle-même envisageait la possibilité de mettre en
œuvre ou de maintenir de telles restrictions comme l’une des mesures appropriées pour limiter la transmission communautaire dans un tel contexte ( 138 ).

102. Évidemment, une fois qu’il semble établi – dans une mesure raisonnable – que le fait de restreindre les déplacements internationaux de personnes était une mesure susceptible de contribuer à limiter la propagation de la COVID-19, il ne fait guère de doute que, comme les gouvernements intervenants le font valoir devant la Cour, l’interdiction litigieuse des voyages « non essentiels » était appropriée aux fins de limiter de tels déplacements entre la Belgique et les pays à « risque élevé » en
cause. L’interdiction « d’entrée » prévenait le risque que des voyageurs en provenance de ces zones « introduisent » avec eux des cas de maladie. L’interdiction « de sortie » empêchait les résidents belges de s’y rendre avec le même résultat à leur retour. En outre, ainsi que le fait valoir le gouvernement belge, les exigences de quarantaine et de tests de dépistage imposées aux résidents belges permettaient aux autorités de suivre de près l’état de santé de ces derniers, ce qui était de nature
à contribuer à la détection et à l’isolement des cas d’importation suspectés, limitant ainsi le risque de transmission à la population locale ( 139 ).

– Les restrictions de voyage litigieuses semblaient cohérentes

103. Pour savoir si les restrictions de voyage litigieuses répondaient « véritablement » au souci d’atteindre l’objectif de « santé publique » poursuivi, il faut se demander si ces mesures s’inscrivaient dans une stratégie plus large visant à limiter la propagation de la COVID-19 ( 140 ). Tel semble avoir été le cas. Le gouvernement belge indique que d’autres « interventions non pharmaceutiques » destinées à empêcher la transmission communautaire – telles que les mesures d’hygiène, les tests,
l’isolement et le traçage des contacts – étaient en place à l’époque des faits. En outre, lorsqu’un État membre restreint, comme le Royaume de Belgique l’a fait à l’époque, les déplacements au départ et à destination d’autres États membres en raison de leur situation épidémiologique comparativement pire, la cohérence exige, selon moi, qu’il impose des restrictions analogues aux déplacements à destination et au départ des zones, situées à l’intérieur du territoire national, connaissant une
situation épidémiologique aussi grave ( 141 ). Il ne ressort pas clairement du dossier si tel était le cas en Belgique à cette époque. Il convient que la juridiction de renvoi vérifie ce point.

104. S’agissant de la question de savoir si les mesures litigieuses ont été mises en œuvre de manière cohérente et systématique, je rappelle que leur application dépendait de la situation épidémiologique dans les pays concernés, un facteur manifestement conforme à l’objectif de santé publique poursuivi. En outre, tous les pays présentant une situation épidémiologique analogue étaient traités de la même manière à cet égard. De plus, l’évaluation de cette situation dans chaque pays était effectuée sur
la base de données raisonnablement fiables et actualisées fournies par l’ECDC ( 142 ), ce qui contribuait indubitablement à la cohérence du système dans son ensemble.

105. Le fait que les restrictions litigieuses ne s’appliquaient pas aux voyages à but « essentiel » ne remet pas en cause, selon moi, leur cohérence. En effet, un nombre limité de motifs de voyage étaient reconnus comme « essentiels ». La portée de cette exclusion n’était, dès lors, pas de nature à faire obstacle à la réalisation de l’objectif de santé publique poursuivi ( 143 ). En fait, cette exclusion était nécessaire au regard de cet objectif. Empêcher certains de ces déplacements
« essentiels », notamment ceux des travailleurs « essentiels » tels que les professionnels de la santé, aurait été préjudiciable à la lutte contre la COVID-19. Enfin, comme je l’expliquerai en détail dans la suite des présentes conclusions, cette exclusion était nécessaire pour garantir la stricte proportionnalité de ces mesures ( 144 ). En outre, la « cible » des mesures en cause était, je le rappelle, l’afflux potentiel de voyageurs à des fins touristiques, qui ne relevaient pas de cette
exclusion.

ii) Les restrictions de voyage litigieuses semblaient nécessaires

106. L’exigence que toute mesure restreignant la liberté de circulation soit « nécessaire » englobe également deux conditions. Il convient de vérifier, d’une part, s’il existe d’autres mesures aussi efficaces que la mesure choisie pour atteindre l’objectif poursuivi tout en étant moins contraignantes ( 145 ) et, d’autre part, si cette mesure est « strictement nécessaire », à savoir si elle ne va pas au-delà de ce qui est requis pour atteindre cet objectif ( 146 ).

– Sur la question de savoir s’il existait d’autres solutions moins contraignantes, mais aussi efficaces

107. À titre liminaire, je rappelle qu’il appartient à tout État membre de décider à la fois du niveau auquel il entend assurer la protection de la santé publique sur son territoire et de la manière dont cette protection doit être assurée, à condition que les exigences du droit de l’Union soient respectées. Le fait que d’autres États membres aient pu imposer des mesures moins strictes n’est, dès lors, pas déterminant ( 147 ). Bien évidemment, plus le niveau de protection de la santé publique
recherché est élevé, plus les mesures nécessaires pour l’atteindre sont strictes. Il est clair que, dans la présente affaire, le Royaume de Belgique recherchait un niveau de protection élevé.

108. S’agissant, à présent, de l’existence d’autres solutions que les restrictions de voyage litigieuses, susceptibles d’offrir une protection aussi efficace de la santé publique tout en restreignant moins la liberté de circulation, je relève que la charge de la preuve imposée aux autorités nationales à cet égard ne saurait aller jusqu’à exiger qu’elles démontrent qu’aucune autre mesure n’était à même de constituer une telle autre solution viable ( 148 ). Donc, dans la présente affaire, il n’est pas
nécessaire d’examiner toute mesure imaginable. Un examen des autres solutions les plus évidentes, qui ont été discutées devant la Cour, suffit.

109. Premièrement, imposer des mesures individuelles de refus d’entrée ou de quarantaine uniquement à certains voyageurs, par exemple à ceux présentant des symptômes de la maladie, aurait évidemment été moins contraignant. Cependant, cette mesure n’aurait pas été aussi efficace pour prévenir le risque d’« importation » de cas de COVID-19 au niveau souhaité par les autorités belges. À supposer même qu’un dépistage des symptômes pratiqué sur tous les voyageurs à leur point d’entrée sur le territoire
belge était réalisable, il était raisonnable de supposer qu’un tel dépistage permettrait seulement l’identification de certains transporteurs de la maladie et qu’une partie d’entre eux, à savoir les personnes asymptomatiques et présymptomatiques, passeraient à travers le filtre sans être détectés ( 149 ). Un dépistage généralisé des voyageurs au moyen de tests rapides aurait présenté des lacunes analogues ( 150 ).

110. Deuxièmement, se contenter d’imposer une quarantaine à tous les voyageurs arrivant ou de retour de pays à « risque élevé » n’aurait pas non plus été aussi efficace pour atteindre le niveau de protection recherché par le gouvernement belge qu’une interdiction de voyager vers et à partir de ces pays assortie d’exigences de quarantaine applicables aux seuls résidents. Certes, la mise en quarantaine des voyageurs pour une durée appropriée contribue, dans une certaine mesure, à atténuer le risque
évoqué ci-dessus ( 151 ). En théorie, elle garantit que tous, y compris les porteurs asymptomatiques et ceux qui se trouvent en phase d’incubation présymptomatique, soient isolés du reste de la population locale et, partant, ne provoquent pas de chaînes d’infections. Cependant, ainsi que le font valoir les gouvernements belge et norvégien, alors qu’une interdiction de voyage empêche le risque d’importation de cas « étrangers » de COVID-19 sur le territoire national, la quarantaine, en revanche,
n’est qu’une mesure corrective agissant lorsque de tels cas ont déjà été importés et, en fonction de ses modalités, n’est que partiellement efficace pour atténuer le risque d’une nouvelle transmission à la population locale. Imposer à des personnes une mise en quarantaine à domicile, comme cela a apparemment été le cas dans la présente affaire, présente de telles lacunes. Outre le fait que les personnes peuvent ne pas respecter pleinement leur obligation d’isolement, elles partagent souvent
leur domicile avec des membres de leur famille qui pourraient, eux-mêmes, être infectés et propager la maladie ( 152 ).

– Sur la stricte nécessité des restrictions de voyage litigieuses

111. Quant à la question de savoir si les restrictions de voyage litigieuses n’allaient pas au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif de « santé publique » poursuivi, je rappelle que ces mesures s’appliquaient uniquement à l’égard des pays considérés comme posant un haut risque d’infection pour les voyageurs. En outre, il semblerait, bien que cela doive être vérifié par la juridiction de renvoi, que, chaque fois que des données relatives au taux d’infection à l’intérieur d’un pays
donné, au niveau régional, étaient disponibles, les restrictions s’appliquaient de manière plus ciblée, en ne portant que sur les déplacements entre la Belgique et les régions problématiques ( 153 ).

112. Certes, il aurait été possible de concevoir des mesures plus ajustées, ce qui aurait pu permettre une approche encore plus ciblée. L’évaluation de la situation épidémiologique dans un pays donné aurait pu être affinée. Des considérations telles que le taux de dépistage, la structure de la population, etc., auraient pu permettre une évaluation plus précise ( 154 ). Cependant, cela aurait, à l’évidence, rendu cette appréciation plus complexe à effectuer, alors qu’il était essentiel d’agir vite.
Comme le soulignent les gouvernements belge et norvégien, le droit de l’Union permet aux autorités nationales d’adopter des règles faciles à appliquer et à faire respecter, même si elles peuvent ne pas aboutir à une solution parfaite pour chaque situation ( 155 ).

113. Je rappelle en outre que, pour satisfaire à l’exigence en cause dans la présente section, les mesures restreignant le droit à la libre circulation doivent également être assorties de certaines garanties, de nature à assurer que l’ingérence dans ce droit soit effectivement limitée au strict nécessaire ( 156 ).

114. Dans la présente affaire, une première garantie contre une telle ingérence non nécessaire consiste, selon moi, dans la réévaluation régulière des restrictions de voyage litigieuses ( 157 ). Ainsi que le soulignent les gouvernements intervenants et la Commission, la situation épidémiologique dans chaque pays ou région était régulièrement réexaminée afin d’assurer que ces restrictions s’appliquaient, à l’égard d’une zone donnée, dans la mesure où cette situation était problématique. Les données
relatives au taux d’infection national ou régional étaient, semble-t-il, actualisées sur une base hebdomadaire ( 158 ), afin que les autorités publiques puissent adapter la classification par couleur de manière dynamique ( 159 ). Quant à la nécessité générale de ces mesures, il incomberait à la juridiction de renvoi de vérifier si les arrêtés pertinents comportaient une « clause de caducité » prévoyant leur abrogation à une date déterminée ou, à tout le moins, si les autorités belges assuraient
un suivi de l’évolution de la menace les justifiant.

115. Deuxièmement, la juridiction de renvoi devrait également vérifier si les garanties procédurales prévues aux articles 30 et 31 de la directive sur la citoyenneté étaient en place. Même si, comme je l’ai indiqué au point 73 des présentes conclusions, ces dispositions n’ont pas été rédigées en ayant à l’esprit des mesures générales telles que celles en cause, ces garanties s’appliquaient néanmoins. En effet, elles ont vocation à « assurer, d’une part, un niveau élevé de protection des droits du
citoyen de l’Union » en cas de restriction de sa libre circulation et, d’autre part, « le respect du principe de la motivation suffisante des actes de l’administration » ( 160 ). Les garanties en question constituent, en outre, une expression spécifique du principe de protection juridictionnelle effective garanti à l’article 47 de la Charte, ce qui justifie d’autant plus qu’elles aient une large portée. Cela étant dit, je conviens avec le gouvernement belge et la Commission que certaines
adaptations sont nécessaires dans la présente affaire.

116. D’une part, en ce qui concerne les obligations de notifier « par écrit » la « décision » restreignant la liberté de circulation à l’« intéressé » et de lui communiquer des informations sur les motifs qui sont à la base de cette « décision », prévues respectivement à l’article 30, paragraphes 1 et 2, de la directive sur la citoyenneté, il est évident qu’il n’aurait pas été possible de notifier de la sorte les restrictions de voyage litigieuses ni de communiquer individuellement ces informations
à toutes les personnes relevant de leur champ d’application. Néanmoins, la protection offerte par ces garanties devait être assurée de manière appropriée. Ainsi que l’a fait valoir le gouvernement belge lors de l’audience, le fait que des informations relatives à l’adoption de ces restrictions et aux motifs de « santé publique » sur lesquels elles reposaient avaient été fréquemment partagées avec le grand public au moyen de diverses formes de médias à large diffusion répond, selon moi, à cette
exigence ( 161 ).

117. En ce qui concerne, d’autre part, l’obligation de permettre aux citoyens de l’Union d’accéder à des voies de recours juridictionnelles pour attaquer toute « décision » restreignant leur droit de libre circulation, prévue à l’article 31, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, elle ne signifie pas, selon moi, que les citoyens de l’Union auraient dû avoir le droit d’attaquer directement des mesures générales telles que celles en cause si une telle possibilité n’existait pas en droit
national. En effet, cette disposition doit, selon moi, être lue à la lumière de l’article 47 de la Charte et des exigences essentielles qui en découlent ( 162 ). Je rappelle que le principe de protection juridictionnelle effective qui y est garanti ne requiert pas, en tant que tel, l’existence d’un recours autonome tendant à contester la conformité de dispositions nationales avec le droit de l’Union, pour autant qu’une ou plusieurs voies de recours existent permettant d’assurer, indirectement,
le respect des droits des justiciables tirés du droit de l’Union ( 163 ).

118. Pendant la pandémie, les juridictions belges auraient pu garantir de plusieurs manières la protection juridictionnelle des droits que les citoyens de l’Union tirent de la directive sur la citoyenneté. D’une part, toute action, par exemple, d’autorités policières refusant, sur le fondement des restrictions de voyage litigieuses, de laisser embarquer une personne déterminée sur un vol, ou infligeant une amende pour avoir tenté de le faire, aurait constitué, en soi, une « décision » au sens de
l’article 31, paragraphe 1, de cette directive ( 164 ), et aurait dû en conséquence pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Dans ce contexte, l’intéressé aurait dû avoir la possibilité de soulever, à titre liminaire, la question de la compatibilité avec le droit de l’Union des mesures générales sur la base desquelles cette « décision » avait été prise. D’autre part, il était évidemment possible – dès lors que Nordic Info a introduit un tel recours – de le faire dans le cadre d’un
recours en indemnité contre l’État ( 165 ).

119. Dans le cadre de ces procédures de recours, un citoyen de l’Union aurait dû être en mesure non seulement de contester la compatibilité globale de ces mesures avec le droit de l’Union, mais également de faire valoir qu’elles n’auraient pas dû lui être opposées. Cette personne aurait dû être en mesure de soutenir, par exemple, qu’elle s’était vu refuser à tort le droit d’embarquer sur son vol, alors qu’elle voyageait pour un motif « essentiel ». Les juridictions auraient dû être en mesure de
contrôler, par exemple, si les autorités étaient en droit de considérer que le voyage en question, bien que d’ordre familial, ne relevait pas de la catégorie des « raisons familiales impératives » ( 166 ) ou si cette situation individuelle très particulière aurait dû justifier, au-delà de ces catégories générales de déplacements considérées comme « essentielles », une dérogation exceptionnelle à l’interdiction de voyage ( 167 ).

iii) Sur la stricte proportionnalité des restrictions de voyage litigieuses

120. La proportionnalité stricto sensu implique une appréciation des inconvénients causés par une mesure donnée et de la question de savoir si ceux-ci sont proportionnés aux buts poursuivis ( 168 ). Cette exigence a été largement ignorée par les gouvernements intervenants et la Commission dans leurs observations. Cependant, cette omission peut leur être pardonnée, dès lors que cette étape du contrôle de la proportionnalité est généralement absente de la jurisprudence « classique » de la Cour en
matière de libre circulation ( 169 ). En revanche, elle figure de manière relativement constante dans ses décisions relatives à la légalité de mesures nationales qui limitent l’exercice des droits fondamentaux garantis par la Charte, en vertu de son article 52, paragraphe 1 ( 170 ). Dans ce contexte, le gouvernement belge et la Commission ont été interrogés par la Cour, lors de l’audience, sur le point de savoir si la juridiction de renvoi devrait, en réalité, également vérifier la stricte
proportionnalité des restrictions de voyage litigieuses. Ces parties intervenantes ont concédé qu’elle devrait le faire. Je suis, moi aussi, convaincu que c’est la bonne approche, pour les raisons suivantes.

121. Les mesures restreignant la libre circulation des personnes posent, d’une manière générale, des problèmes en matière de droits fondamentaux. Outre le fait que le droit à la liberté de circulation dont jouissent les citoyens de l’Union est, en soi, protégé dans la Charte ( 171 ), les mesures nationales restreignant ce droit limitent habituellement, en même temps, d’autres droits et libertés qui y sont garantis. Tel est assurément le cas dans la présente affaire. Les restrictions de voyage
litigieuses, en entravant la circulation entre les États membres, peuvent avoir, selon les circonstances, limité i) le droit à la vie privée et familiale protégé par l’article 7 (dans la mesure où elles ont pu, notamment, maintenir des familles séparées) ( 172 ), ii) le droit à l’éducation protégé par l’article 14 (dans la mesure où elles ont pu empêcher, par exemple, les étudiants de suivre des cours dans une université étrangère), iii) le droit au travail garanti à l’article 15 (dans la
mesure où elles ont pu empêcher les personnes d’aller chercher du travail à l’étranger) et iv) la liberté d’entreprise protégée à l’article 16 (notamment parce qu’elles ont rendu pratiquement impossible la fourniture de services touristiques en rapport avec les pays à « risque élevé » concernés).

122. Dans de telles situations, les conditions de dérogation au droit à la libre circulation prévues à l’article 27, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté doivent être interprétées d’une manière conforme aux exigences découlant de la Charte. En effet, cette disposition ne saurait tolérer des restrictions à la libre circulation des personnes qui ne seraient pas admissibles en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Il s’ensuit, selon moi, que le contrôle de la proportionnalité
devrait être aussi strict au titre de la première disposition que de la seconde.

123. En effet, il existe une différence importante, en matière de protection des droits fondamentaux, entre les différentes étapes du contrôle de la proportionnalité. Les exigences de « caractère approprié » et de « nécessité » concernent uniquement l’efficacité des mesures concernées par rapport à l’objectif poursuivi. Il ne s’agit, en définitive, que d’un contrôle juridictionnel limité de la question de savoir si les autorités ont, sur ce point, apprécié de manière raisonnablement correcte la
situation de fait. En outre, ce contrôle dépend fortement de considérations abstraites telles que le « niveau de protection » de l’intérêt en cause recherché par les autorités publiques. Comme je l’ai déjà indiqué dans les présentes conclusions, plus ce niveau de protection sera élevé, plus les mesures restrictives, même particulièrement drastiques, sembleront « nécessaires ». Cependant, certaines mesures, aussi « nécessaires » puissent-elles être pour sauvegarder certains intérêts, pèsent tout
simplement trop sur d’autres intérêts pour être acceptables dans une société démocratique. Tel est précisément l’objet de l’exigence de « proportionnalité stricto sensu ». En vertu de cette exigence, les avantages résultant des mesures litigieuses au regard de l’objectif poursuivi sont mis en balance avec les inconvénients qu’elles causent au regard des droits fondamentaux ( 173 ). Comme M. l’avocat général Saugmandsgaard Øe l’a observé dans ses conclusions dans les affaires jointes Tele2
Sverige e.a. ( 174 ), cet exercice de mise en balance « ouvre [...] un débat sur les valeurs devant prévaloir dans une société démocratique et, en définitive, sur le type de société dans lequel nous souhaitons vivre ». Ce débat est nécessaire même en ce qui concerne les mesures de « santé publique » ( 175 ) et, j’ajouterai, tout particulièrement en ce qui concerne les mesures prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19, compte tenu de leur impact sans précédent sur l’ensemble de la
population des États membres ( 176 ).

124. En ce qui concerne à présent la stricte proportionnalité des restrictions de voyage litigieuses, j’observe que, comme indiqué précédemment, d’une part, ces mesures ont limité, selon les circonstances, divers droits et libertés fondamentaux protégés par la Charte. D’autre part, elles semblaient appropriées et nécessaires pour poursuivre un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, à savoir la protection de la santé publique. En outre, ainsi que le soulignent les gouvernements belge et
norvégien, la mise en œuvre de telles mesures était requise pour protéger le « droit à la santé » des populations nationales, qui est reconnu dans de nombreux instruments internationaux auxquels les États membres sont parties et qui leur impose des obligations positives de prendre les mesures appropriées, notamment, pour contrôler les maladies épidémiques ( 177 ). Dans ce contexte, il fallait maintenir un « juste équilibre » entre ces différents droits et intérêts ( 178 ).

125. De toute évidence, maintenir un tel équilibre n’était pas un exercice facile. Maîtriser la pandémie tout en limitant l’impact des mesures sanitaires sur les libertés civiles était, sans aucun doute, une tâche complexe. Les autorités publiques ont dû faire de nombreux choix politiques, économiques et sociaux, et très rapidement, compte tenu de la vitesse élevée de l’évolution de la situation à laquelle elles étaient confrontées. En fait, c’est probablement l’un des plus grands défis auxquels les
autorités publiques ont dû faire face dans l’histoire récente.

126. Mettre en balance les avantages et inconvénients de restrictions de voyage telles que les restrictions en question était particulièrement difficile. D’une part, ces mesures pouvaient contribuer à limiter la propagation de la COVID-19. D’autre part, elles étaient susceptibles de provoquer des perturbations sociales et économiques importantes ( 179 ).

127. D’une part, les restrictions en matière de déplacement ont eu un impact important sur les entreprises et la liberté d’entreprise garantie par l’article 16 de la Charte. En particulier, les conséquences pour le secteur du tourisme ont été sans précédent. En raison de ces restrictions, les activités, notamment, des voyagistes tels que Nordic Info ont généralement été mises à l’arrêt ( 180 ). Néanmoins, dans le cadre de la mise en balance de valeurs concurrentes, les autorités publiques ont pu,
selon moi, raisonnablement considérer que la santé publique devait prévaloir sur de telles considérations économiques ( 181 ) et/ou qu’une pandémie incontrôlée aurait pu avoir des conséquences à long terme encore plus graves sur l’économie, si aucune mesure temporaire n’était prise pour en limiter la propagation. En outre, d’autres mesures ont été adoptées, au niveau de l’Union et au niveau national, pour atténuer l’impact de ces restrictions sur le secteur en question ( 182 ).

128. D’autre part, les restrictions de voyage ont causé des inconvénients importants pour les particuliers. Ces inconvénients font mal au juriste de l’Union dès lors que, en effet, ces mesures ont frappé le plus durement « l’enfant chéri » du droit de l’Union, à savoir le citoyen de l’Union mobile. Le statut en question, ainsi que le droit à la libre circulation qui s’y attache, a été conçu comme un moyen d’émancipation des individus, par l’intermédiaire des études, du travail, du fait de se faire
des amis, de la création de liens familiaux, etc., dans l’ensemble de l’Union. Il est allé de pair avec un mode de vie : pour bon nombre de tels citoyens, les déplacements internationaux font partie de la vie. Soudainement, la mobilité même que l’Union avait encouragée était considérée comme une menace et était restreinte en conséquence ( 183 ).

129. Cela étant, il est évident que, de manière générale, les restrictions de déplacement ont pu avoir un impact inégal sur les citoyens de l’Union, en fonction des circonstances. Empêcher, par exemple, une personne de rentrer chez elle et/ou de retrouver ses proches dans un autre pays empiète davantage sur son droit fondamental au respect de la vie privée et familiale que l’empêcher de partir en voyage touristique en Suède. C’est pourquoi, habituellement, la stricte proportionnalité de telles
mesures doit être appréciée in concreto, compte tenu de la situation individuelle des personnes concernées ( 184 ).

130. J’ai expliqué au point 70 des présentes conclusions que, en ce qui concerne les restrictions de voyage adoptées pour répondre à la menace d’une maladie épidémique, une telle évaluation individuelle ne serait souvent pas possible sans compromettre l’efficacité de pareilles restrictions. Des mesures générales peuvent être adoptées à cet égard. Cependant, dans cette hypothèse, une appréciation in abstracto de la proportionnalité doit être effectuée, en opérant une distinction entre différentes
catégories de personnes et de circonstances, pour tenir compte du fait que certains motifs de voyage méritent davantage de protection que d’autres et doivent prévaloir sur les exigences de santé publique ( 185 ).

131. Lors de l’audience, en réponse aux questions de la Cour, le gouvernement belge a fait valoir que les restrictions de voyage litigieuses procédaient de cette logique. C’est notamment pour assurer la stricte proportionnalité de ces mesures que les personnes voyageant dans un but « essentiel », en particulier pour des « raisons familiales impératives », ont été exclues de leur champ d’application.

132. Selon moi, pour autant que les catégories générales de voyages « essentiels » aient été entendues de manière suffisamment large pour satisfaire aux exigences, notamment, du droit fondamental à la vie privée et familiale et que les éléments de preuve requis pour démontrer le caractère « essentiel » d’un voyage n’aient pas été de nature à rendre, en pratique, la réalisation d’un tel voyage excessivement difficile ( 186 ), cette exclusion a en effet contribué à assurer la stricte proportionnalité
des mesures litigieuses ( 187 ). Cependant, au-delà de ces catégories générales, les mesures litigieuses auraient également dû, selon moi, être appliquées souplement. D’autres circonstances individuelles spécifiques auraient dû justifier des dérogations exceptionnelles au moment de l’application. Les personnes en séjour temporaire en Belgique auraient dû être autorisées à retourner dans leur État membre de résidence, qu’il s’agisse de la Suède ou d’un autre pays à « risque élevé » ( 188 ).
D’autres circonstances humanitaires auraient pu, et dû, également justifier une telle dérogation pour des motifs liés aux droits fondamentaux. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier ce point.

133. En revanche, les autorités publiques ont pu raisonnablement considérer que les déplacements touristiques, aussi importants soient-ils, devaient temporairement céder le pas aux exigences de santé publique. En outre, à cet égard, il convient de garder à l’esprit que les restrictions en cause ne s’appliquaient qu’à l’égard de certains pays à « risque élevé », tandis que les voyages touristiques vers d’autres pays étaient autorisés. Cela aussi a contribué à la stricte proportionnalité des mesures
litigieuses.

6.   Conclusion intermédiaire

134. À la lumière des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, lus conjointement avec l’article 27, paragraphe 1, et l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à des mesures nationales mises en œuvre en réponse à la menace grave et réelle pour la santé publique que représente une
pandémie et consistant, d’une part, en une interdiction des voyages vers et au départ de pays connaissant une situation épidémiologique comparativement pire que celle qui prévaut dans l’État membre en question et, d’autre part, en des exigences de quarantaine et de tests pour les résidents à leur retour de tels pays.

B. Sur la légalité des vérifications effectuées pour faire respecter les restrictions de voyage litigieuses (seconde question préjudicielle)

135. Devant la juridiction de renvoi, Nordic Info allègue que, afin de faire respecter les restrictions de voyage examinées dans le cadre de mon analyse de la première question préjudicielle, les autorités belges ont effectué, à l’époque des faits, des vérifications aux frontières entre la Belgique et d’autres États Schengen, en violation des règles du code frontières Schengen.

136. Je rappelle que, afin de mettre en œuvre l’objectif de l’Union de créer « un espace [...] sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes » ( 189 ), le code frontières Schengen prévoit le principe de l’absence de contrôle aux frontières des personnes franchissant les « frontières intérieures » ( 190 ) entre les pays auxquels s’applique l’acquis de Schengen, tels que la Belgique et la Suède ( 191 ). L’article 22 de ce code exprime ce principe en
prévoyant que les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes. Cependant, à titre d’exception, les articles 25 à 35 dudit code permettent, sous certaines conditions, la réintroduction temporaire de telles vérifications.

137. Dans la présente affaire, Nordic Info fait valoir que les vérifications litigieuses ont été effectuées en violation de l’article 22 du code frontières Schengen. En outre, selon elle, les conditions d’une réintroduction exceptionnelle du contrôle aux frontières intérieures, telles que prévues aux articles 25 et suivants de ce code, n’étaient pas réunies.

138. Dans la décision de renvoi, la juridiction nationale semble prendre pour prémisse que les vérifications effectuées par les autorités belges constituaient bien des « vérifications aux frontières » au sens de l’article 22 du code frontières Schengen, et semble, en conséquence, s’interroger uniquement sur leur légalité au regard des articles 25 et suivants de ce code. Cependant, le gouvernement belge conteste cette prémisse dans ses observations. En outre, la seconde question préjudicielle est
formulée de manière large et ouverte, de sorte qu’elle couvre potentiellement ce problème également. Par conséquent, j’estime opportun d’apporter certaines précisions quant à la qualification des vérifications litigieuses (section 1), avant d’examiner les conditions de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures (section 2).

1.   Sur la qualification des vérifications litigieuses

139. La demande de décision préjudicielle est vague en ce qui concerne les vérifications effectuées par les autorités belges pour faire respecter les restrictions de voyage litigieuses à l’époque des faits. La juridiction de renvoi explique seulement – et rappelle dans la formulation de sa seconde question – que l’interdiction de voyage prévue à l’article 18 de l’arrêté litigieux ( 192 ) a été « contrôlée et sanctionnée » en cas de violation et qu’elle pouvait être « exécutée d’office » par les
autorités compétentes. Au surplus, cette juridiction reproduit le contenu de certaines dispositions pertinentes du droit belge, sans expliquer ce qu’elles impliquaient en pratique. Quoi qu’il en soit, les éléments suivants ressortent du dossier et, en particulier, des réponses fournies par le gouvernement belge aux questions posées par la Cour.

140. D’une part, il n’est pas contesté que, à l’époque des faits au principal, les autorités belges n’avaient pas formellement réintroduit le contrôle aux frontières intérieures que la Belgique partage avec d’autres pays Schengen, en application des articles 25 et suivants du code frontières Schengen. D’autre part, certaines vérifications étaient effectuées à l’époque par des agents de police, en particulier :

– dans les aéroports, en ce qui concerne, en principe, tous les vols. Néanmoins, pour les vols en provenance de pays Schengen à « risque élevé »/« rouges », les passagers étaient contrôlés de manière aléatoire ;

– dans les gares ferroviaires, les agents effectuant des vérifications aléatoires sur les voyageurs des trains internationaux à grande vitesse en provenance des pays voisins, au moment du débarquement dans la première gare où ces trains s’arrêtaient après leur entrée sur le territoire belge ;

– sur les routes franchissant les frontières, des unités mobiles d’agents effectuant des vérifications aléatoires pendant leurs heures de travail normales.

141. Selon le gouvernement belge, ces vérifications n’étaient pas des « vérifications aux frontières » au sens de l’article 22 du code frontières Schengen. Il s’agissait simplement de cas d’« exercice des compétences de police par les autorités compétentes de l’État membre en vertu du droit national [...] dans les zones frontalières » et, en outre, lesdites vérifications n’avaient pas d’« effet équivalent à celui des vérifications aux frontières » au sens de l’article 23, sous a), de ce code. Par
conséquent, elles ne relevaient pas de l’interdiction de contrôle aux frontières intérieures telle que précisée par cette dernière disposition.

142. La qualification correcte des vérifications litigieuses est, à l’évidence, une question qu’il appartient à la juridiction de renvoi de trancher. Afin d’éclairer cette juridiction à cet égard, je ferai néanmoins quelques observations.

143. D’une part, les vérifications litigieuses pourraient, à première vue, sembler répondre à la définition des « vérifications aux frontières » figurant à l’article 2, paragraphe 11, du code frontières Schengen. Premièrement, elles étaient apparemment « effectuées aux points de passage frontaliers » ou à proximité de ces points, à tout le moins en ce qui concerne les routes et les aéroports ( 193 ), bien que le cas des gares ferroviaires ne soit pas tellement différent ( 194 ). Deuxièmement, elles
étaient sans doute effectuées « afin de s’assurer que les personnes [...] peuvent être autorisées à entrer sur le territoire [d’un État membre] ou à le quitter », dès lors que les agents de police vérifiaient apparemment que les voyageurs remplissaient au moins l’une des conditions imposées à l’époque des faits pour « être autorisés à entrer » ou « à quitter » le territoire belge, à savoir voyager dans un « but essentiel » ou, subsidiairement, ne pas arriver en provenance ou tenter de partir à
destination d’un pays à « risque élevé ».

144. D’autre part, le fait que les vérifications litigieuses étaient apparemment effectuées non pas dans des installations fixes, mais par des unités mobiles d’agents de police présentes dans différents lieux à différents moments, ainsi que le fait qu’elles n’étaient pas systématiques ( 195 ), mais consistaient en des « vérifications réalisées à l’improviste » aléatoires, constituent des indices forts ( 196 ) de ce qu’il s’agissait, comme l’affirme le gouvernement belge, de cas d’« exercice des
compétences de police [...] dans les zones frontalières », comme le prévoit l’article 23, sous a), du code frontières Schengen. Pour autant que l’intensité et la fréquence de ces vérifications n’étaient pas de nature à avoir un « effet équivalent à celui des vérifications aux frontières », ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier sur la base des règles pertinentes du droit belge, lesdites vérifications ne relevaient effectivement pas de l’interdiction prévue à l’article 22 de
ce code ( 197 ). Le fait que l’article 23, sous a), ne vise, au point ii), que des vérifications effectuées en réponse à des « menaces pour la sécurité publique », et non pas à des « menaces pour la santé publique » est dénué de pertinence à cet égard. En effet, cette disposition ne constitue pas une base juridique ni ne définit les raisons pour lesquelles les « compétences de police » peuvent être exercées – dès lors que ces raisons sont définies dans le droit national applicable –, et le
scénario des contrôles liés à la sécurité publique n’est donné qu’à titre d’exemple ( 198 ).

2.   Sur les conditions de la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures

145. J’ai expliqué, dans la section précédente, pourquoi, selon moi, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, des vérifications telles que celles effectuées, à l’époque des faits, par les autorités belges pour faire respecter les restrictions de voyage litigieuses ne constituaient pas des « vérifications aux frontières » aux frontières intérieures interdites au sens de l’article 22 du code frontières Schengen. Par conséquent, la question de savoir si les conditions d’une
réintroduction exceptionnelle du contrôle à ces frontières étaient remplies en Belgique à cette époque n’apparaît plus pertinente. Cependant, je l’aborderai par souci d’exhaustivité ( 199 ).

146. L’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen établit le cadre général régissant la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures. Il dispose, notamment, que ce contrôle peut être réintroduit « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure » dans un État membre. D’autres conditions de procédure et de fond doivent être remplies, comme je l’expliquerai dans les présentes conclusions ( 200 ).

147. Cependant, indépendamment de la question de savoir si ces autres conditions étaient remplies à l’époque des faits en Belgique, Nordic Info fait valoir que la réintroduction du contrôle aux frontières n’était manifestement pas possible dans des circonstances telles que celles en cause au principal, pour la simple raison que l’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen ne mentionne pas la « santé publique » comme justification d’une telle mesure. Ce problème est, ainsi qu’il ressort de
la décision de renvoi, au cœur de la seconde question posée par la juridiction de renvoi. Par conséquent, j’examinerai d’abord, de manière abstraite, la portée de cette disposition (sous-section a), avant de formuler quelques brèves remarques sur le point de savoir si les conditions de mise en œuvre d’une telle mesure étaient remplies dans les circonstances de la présente affaire (sous-section b).

a)   Sur la portée de l’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen

148. Selon moi, l’argument de Nordic Info concernant les raisons pour lesquelles le contrôle aux frontières intérieures peut être légalement réintroduit en vertu de l’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen a un certain poids ( 201 ).

149. En effet, alors que l’article 27, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté mentionne expressément « [l’]ordre public, [la] sécurité publique ou [la] santé publique » en tant que motifs admissibles de restriction à la libre circulation, l’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen se borne à faire référence, en ce qui concerne le contrôle aux frontières intérieures, à une « menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure », en excluant apparemment la « santé
publique ». La prévention des « menaces pour la santé publique » des États membres est, en fait, mentionnée dans ce code, mais uniquement en ce qui concerne l’entrée de ressortissants de pays tiers arrivant aux frontières extérieures ( 202 ).

150. En outre, une analyse de la genèse dudit code tend à indiquer que cette différence de régime n’est pas une simple omission, mais un choix délibéré du législateur de l’Union. À cet égard, je rappelle que la convention d’application de l’accord de Schengen ( 203 ), signée à Schengen le 19 juin 1990 ( 204 ), ne faisait référence à la « santé publique » ni en ce qui concerne la condition d’entrée des étrangers, ni en ce qui concerne la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières
intérieures ( 205 ). Néanmoins, dans sa proposition législative, devenue la première version du code frontières Schengen ( 206 ), la Commission a proposé, entre autres, d’ajouter aux conditions d’entrée existantes que les étrangers ne devraient pas constituer une menace pour la santé publique ( 207 ) et que le contrôle aux frontières puisse être réintroduit en cas de « menace grave pour l’ordre public, la santé publique ou la sécurité intérieure » ( 208 ). Or, lors de la première lecture du
texte, le Parlement a amendé les dispositions relatives au contrôle aux frontières intérieures en ce sens que toute référence aux menaces pour la « santé publique » a été supprimée ( 209 ). L’amendement en question a survécu à la suite du processus législatif.

151. Cela étant, à l’instar des gouvernements belge, norvégien et suisse, ainsi que de la Commission, j’estime que, bien que des « menaces pour la santé publique » ne puissent, à elles seules, justifier la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures au titre de l’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen, certaines situations liées à la santé publique sont à ce point graves qu’elles sont susceptibles de relever de la notion de « menace grave pour l’ordre public » visée à cette
disposition ( 210 ).

152. Si la notion de « menace grave pour l’ordre public » n’est pas définie dans le code frontières Schengen, il ressort du considérant 27 de ce code que le législateur de l’Union a entendu que la définition donnée par la Cour dans sa jurisprudence en matière de libre circulation trouve à s’appliquer à cet égard. Selon la jurisprudence pertinente, la notion d’« ordre public » suppose l’existence d’« une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société » (
211 ).

153. Or, premièrement, la protection de la population contre les atteintes, au moyen, notamment, du contrôle des maladies épidémiques, ainsi que la fourniture de soins de santé à cette population peuvent aisément être considérées comme relevant de ces « intérêt[s] fondament[aux] de la société ». En effet, il peut s’agir d’une des « fonctions essentielles de l’État » que l’Union doit « respecter » en vertu de l’article 4, paragraphe 2, TUE. Deuxièmement, les risques posés par de telles maladies
peuvent, dans certaines circonstances, être suffisamment graves pour constituer une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave » affectant ces « intérêts » ( 212 ).

154. Dans la mesure où, par exemple, une certaine pandémie répond à la définition de l’« ordre public » rappelée ci-dessus, je ne vois aucune raison de l’exclure du champ d’application de l’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen. Le libellé de cette disposition ne formule pas de restriction liée au type de « menace pour l’ordre public » susceptible de justifier la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures. Pour autant qu’elle soit « grave », toute menace de cette nature
est couverte. Les éléments tirés de la genèse des dispositions en cause examinés ci-dessus n’excluent pas, selon moi, pareille interprétation ( 213 ). Pour être clair, cela ne signifie pas que la « santé publique » et l’« ordre public » coïncident et que la première de ces notions est toujours susceptible de justifier une telle mesure. Tel ne serait le cas que dans les circonstances exceptionnelles où le problème de santé publique est suffisamment grave pour menacer gravement l’ordre public (
214 ).

b)   Sur la question de savoir si les conditions de réintroduction du contrôle aux frontières étaient remplies dans les circonstances de la présente affaire

155. Dès lors que la juridiction de renvoi ne cherche pas vraiment à savoir si les conditions de réintroduction du contrôle aux frontières étaient remplies dans les circonstances de la présente affaire et que, en outre, d’éventuelles précisions à ce sujet sont susceptibles d’être dépourvues de pertinence pour l’affaire au principal, je ne formulerai que quelques remarques sur cet aspect.

156. D’une part, comme je viens de l’exposer, la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures est justifiable, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen, en réponse à une « menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État membre ». Quant à la question de savoir si la pandémie de COVID-19 constituait effectivement une telle « menace » à l’époque des faits, je renvoie aux points 76 à 86 des présentes conclusions.

157. D’autre part, il découle de l’article 25, paragraphe 2, et de l’article 26 du code frontières Schengen que la mise en œuvre d’une telle mesure doit respecter le principe de proportionnalité ( 215 ).

158. Premièrement, s’agissant de la question de savoir si la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures constitue une mesure appropriée pour remédier à la « menace grave pour l’ordre public » que la COVID-19 a pu présenter à l’époque des faits, je renvoie aux points 97 à 102 des présentes conclusions, consacrés à l’examen de l’effet (limité) des restrictions des déplacements internationaux de personnes sur la propagation d’une maladie épidémique. Cependant, dans la mesure où des
restrictions de voyage telles que celles en cause étaient appropriées à cet égard, il me semble qu’il en va de même pour la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures. En effet, une telle mesure a contribué (ou aurait pu contribuer) au respect de ces restrictions et, partant, à leur application systématique et cohérente.

159. Deuxièmement, la nécessité de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures dépend, en substance, de la question de savoir si d’autres mesures auraient été moins contraignantes, mais tout aussi efficaces, pour faire respecter les restrictions de voyage litigieuses. À cet égard, j’observe que des « vérifications réalisées à l’improviste » aléatoires effectuées sur le territoire, y compris dans les zones frontalières, assorties de sanctions effectives et dissuasives en cas de violation de
ces mesures, auraient probablement pu constituer un moyen moins contraignant, mais tout aussi efficace, de les faire appliquer – et, au demeurant, il semble que telle a été l’approche précisément choisie par les autorités belges à l’époque des faits ( 216 ).

160. Troisièmement, quant à la stricte proportionnalité de la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures, je rappelle mes observations aux points 120 à 133 des présentes conclusions, consacrés à l’examen du caractère acceptable, dans une société démocratique, des restrictions aux déplacements internationaux de personnes pour des raisons de « santé publique ». J’ajoute également que, au-delà des inconvénients causés par les restrictions de voyage matérielles, les vérifications aux
frontières entraînent, en elles-mêmes, certains inconvénients ( 217 ). Les vérifications aux frontières effectuées par les États membres pendant la pandémie ont entravé de manière significative la circulation des personnes qui voyageaient dans un but « essentiel », qui n’étaient donc pas visées par des interdictions de voyage et pour lesquelles le franchissement sans entraves des frontières était crucial. L’impact de ces vérifications sur les travailleurs frontaliers et de santé a parfois été
important, surtout lorsqu’elles étaient organisées d’une manière qui entraînait de longues files d’attente et des retards considérables. Il en va de même de la circulation des marchandises entre les frontières. À tout le moins, pour « équilibrer » les possibles avantages et inconvénients du contrôle aux frontières, des mesures devaient être mises en place, telles que le système des « voies réservées » préconisé par la Commission, pour faciliter le flux des personnes et des marchandises
« essentielles » ( 218 ).

161. Enfin, je rappelle qu’une procédure spécifique doit être suivie pour réintroduire le contrôle aux frontières intérieures. En particulier, en vertu de l’article 27 du code frontières Schengen, les autorités nationales doivent notifier leurs homologues des autres États membres et la Commission au plus tard quatre semaines avant la réintroduction prévue. À titre exceptionnel, en vertu de l’article 28, elles peuvent immédiatement réintroduire le contrôle aux frontières, tout en notifiant cette
mesure en même temps. Dans l’un ou l’autre cas, une notification est requise. Il semblerait que tous les États membres ayant mis en œuvre une telle mesure pendant la pandémie ne se soient pas conformés à cette exigence ( 219 ).

3.   Conclusion intermédiaire

162. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la seconde question préjudicielle que l’article 25, paragraphe 1, du code frontières Schengen ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un État membre réintroduise temporairement le contrôle aux frontières intérieures en réponse à une pandémie, pour autant que celle-ci soit suffisamment grave pour être qualifiée de « menace grave pour l’ordre public » au sens de cette disposition et que toutes les conditions qu’elle
énonce soient remplies.

V. Conclusion

163. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique) de la manière suivante :

1) L’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, lus conjointement avec l’article 27, paragraphe 1, et l’article 29, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE,
75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas, en principe, à des mesures nationales mises en œuvre en réponse à la menace grave et réelle pour la santé publique que représente une pandémie et consistant, d’une part, en une interdiction des voyages vers et au départ de pays connaissant une situation épidémiologique comparativement pire que celle qui prévaut dans l’État membre en question et, d’autre part, en des exigences de quarantaine et de tests pour les résidents à leur retour de tels pays.

2) L’article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen),

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un État membre réintroduise temporairement le contrôle aux frontières intérieures en réponse à une pandémie, pour autant que celle-ci soit suffisamment grave pour être qualifiée de « menace grave pour l’ordre public » au sens de cette disposition et que toutes les conditions qu’elle énonce soient remplies.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Les « interventions non pharmaceutiques » sont des mesures de santé publique autres que la vaccination et l’administration de médicaments ou de traitements médicaux ayant pour objet de prévenir et/ou de contrôler la transmission d’une maladie contagieuse au sein d’une communauté. Voir Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ci-après l’« ECDC »), Guidelines for non‑pharmaceutical interventions to reduce the impact of COVID‑19 in the EU/EEA and the UK, ECDC, Stockholm,
24 septembre 2020 (ci-après les « lignes directrices de l’ECDC »).

( 3 ) Il est vrai que les États membres ont connu différentes « vagues » de la pandémie à différents moments. Néanmoins, en ce qui concerne l’année pertinente dans la présente affaire, à savoir l’année 2020, une distinction approximative peut être opérée entre une « première vague », de la fin du mois de février à la fin du mois de juin, et une « deuxième vague », commençant à l’automne 2020 et coïncidant avec l’émergence de nouvelles souches de COVID-19.

( 4 ) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil, du 16 mars 2020, « COVID-19 : Restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE » [COM(2020) 115 final] et Conseil européen, conclusions du président du Conseil européen faisant suite à la vidéoconférence sur le COVID-19 tenue avec les membres du Conseil européen, 17 mars 2020.

( 5 ) Voir, sur les différentes restrictions à la mobilité transfrontalière mises en place par les États membres, lignes directrices de l’ECDC, p. 18 à 20 et références indiquées.

( 6 ) Voir, à cet égard, la jurisprudence relative à l’apparition de la maladie de la « vache folle », notamment arrêt du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission (C‑180/96, EU:C:1998:192).

( 7 ) Voir article 3, paragraphe 2, TUE et article 26, paragraphe 2, TFUE.

( 8 ) Voir, notamment, la jurisprudence de la Cour sur la conservation des données relatives au trafic Internet, notamment arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791).

( 9 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).

( 10 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 (JO 2016, L 77, p. 1).

( 11 ) Voir article 7 du Ministerieel besluit van 23 maart 2020 houdende dringende maatregelen om de verspreiding van het coronavirus COVID-19 te beperken (arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19) (Moniteur belge du 23 mars 2020, p. 17603).

( 12 ) Cette expression désigne les États membres de l’Union et les pays tiers qui mettent en œuvre l’acquis de Schengen, à savoir l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.

( 13 ) Voir article 7 de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 tel que modifié par le Ministerieel besluit van 5 juni 2020 (arrêté ministériel du 5 juin 2020) (Moniteur belge du 5 juin 2020, p. 41544), puis article 18 du Ministerieel Besluit van 30 juni 2020 houdende dringende maatregelen om de Verspreiding van het coronavirus COVID-19 te beperken (arrêté ministériel du 30 juin 2020 portant des mesures d’urgence pour
limiter la propagation du coronavirus COVID-19) (Moniteur belge du 30 juin 2020, p. 48715).

( 14 ) La décision de renvoi n’explique pas sur quelle base juridique des exigences de quarantaine et de tests ont été imposées au retour. Devant la Cour, le gouvernement belge a expliqué que les exigences en matière de quarantaine et de tests relèvent de la compétence non pas de l’État fédéral, mais des entités fédérées. Par conséquent, différents règlements étaient applicables à cet égard dans différentes parties de la Belgique.

( 15 ) À savoir la Celeval, organe créé par le gouvernement belge en avril 2020, présidé par le Service public fédéral Santé publique et composé d’experts en santé, de virologues, d’économistes, de psychologues, d’experts en comportement et en communication.

( 16 ) Moniteur belge du 31 juillet 2007.

( 17 ) Voir point 12 des présentes conclusions. Il n’est pas contesté que le Royaume de Suède n’a pas imposé de restrictions d’entrée aux résidents belges à l’époque des faits.

( 18 ) Nordic Info réclame spécifiquement des dommages et intérêts pour le préjudice lié à l’annulation de tous les voyages vers la Suède, à l’information des voyageurs concernés et à l’assistance au retour, ainsi qu’à l’impossibilité de procéder à de futures réservations en raison de l’interdiction des voyages. Cependant, la juridiction de renvoi précise que, à ce stade de la procédure au principal, Nordic Info « [n’exclut] aucun poste de préjudice », ce qui, si j’ai bien compris, implique qu’elle
peut invoquer d’autres dommages à un stade ultérieur. Je reviendrai sur cet aspect au point 36 des présentes conclusions.

( 19 ) La décision de renvoi ne précise pas jusqu’à quand ces mesures ont été en vigueur.

( 20 ) Je souligne que, contrairement à ce que semble indiquer la formulation de la première question préjudicielle, il ressort clairement de la décision de renvoi que ces exigences s’appliquaient non seulement aux ressortissants d’autres États membres qui résident en Belgique, mais aussi aux ressortissants belges. La juridiction de renvoi explique, à cet égard, que cette question reflète non pas leur champ d’application effectif, mais le fait que Nordic Info ne conteste la compatibilité de ces
mesures avec le droit de l’Union qu’en tant qu’elles s’appliquaient aux ressortissants d’autres États membres.

( 21 ) Ainsi qu’aux membres de leur famille ressortissants de pays tiers. Dans la suite des présentes conclusions, par souci de simplicité, je me concentrerai sur les ressortissants des États membres, mais l’analyse sera tout aussi valable pour ces ressortissants de pays tiers.

( 22 ) En effet, si les règles de libre circulation accordent aux ressortissants des États membres le droit de circuler entre ces États, elles ne leur accordent pas celui de ne pas être soumis à des vérifications aux frontières lorsqu’ils le font. Voir, à cet égard, considérant 7 ainsi que articles 4 et 5 de la directive sur la citoyenneté.

( 23 ) Voir articles 1er et 2 du protocole no 19 sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 290).

( 24 ) Voir, notamment, article 56 TFUE.

( 25 ) En outre, le droit des ressortissants des États membres de se déplacer à l’intérieur de l’Union à des fins spécifiques de tourisme est protégé au titre de la libre prestation des services prévue, notamment, à l’article 56 TFUE. Voir, notamment, arrêt du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, EU:C:1984:35, point 16).

( 26 ) Voir article 20, paragraphe 2, et article 21, paragraphe 1, TFUE, ainsi qu’article 52, paragraphe 2, de la Charte.

( 27 ) Voir article 1er, sous a), de la directive sur la citoyenneté.

( 28 ) Voir, notamment, arrêt du 4 octobre 2012, Byankov (C‑249/11, EU:C:2012:608, points 30 et 32 ainsi que jurisprudence citée).

( 29 ) En revanche, la possibilité pour les citoyens de l’Union de quitter un État membre afin de se rendre dans un pays tiers n’est pas visée par cette disposition, ni par le droit de l’Union relatif à la libre circulation de manière générale.

( 30 ) Voir, en ce sens, considérants 2 et 3 de la directive sur la citoyenneté.

( 31 ) En droit international, le droit de quitter n’importe quel pays, y compris le sien, est garanti, notamment, à l’article 2, paragraphe 2, du protocole no 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Dès lors que tous les États membres, à l’exception de la République hellénique, ont ratifié ce protocole, il constitue un élément d’analyse pertinent dans la présente affaire.

( 32 ) Cette solution découle de la délimitation du champ d’application général de la directive sur la citoyenneté, qui, en vertu de son article 3, paragraphe 1, s’applique « à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité » [voir, notamment, arrêt du 6 octobre 2021, A (Franchissement de frontières en navire de plaisance) (C‑35/20, EU:C:2021:813, points 67 à 69 et jurisprudence citée)]. Lors de l’audience, la Cour a demandé aux parties
intervenantes s’il fallait en tirer la conséquence que l’article 4, paragraphe 1, de cette directive ne régit pas non plus la sortie du territoire belge d’un ressortissant suédois qui souhaite se rendre en Suède. Selon moi, tel n’est pas le cas. Premièrement, d’un point de vue logique, il ne découle pas du fait que la directive sur la citoyenneté n’aborde pas la question particulière de l’entrée d’un ressortissant suédois en Suède qu’elle ne régit pas non plus la question de la sortie de ce
ressortissant de Belgique, puisqu’il s’agit de deux questions, certes liées, mais néanmoins distinctes. Deuxièmement, lorsqu’un ressortissant suédois réside en Belgique, il est un « citoyen de l’Union qui [...] séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive. Cette personne est, par conséquent, un « bénéficiaire » du droit conféré par cet instrument. L’article 4, paragraphe 1, de ladite directive s’applique donc à la
question de savoir si le Royaume de Belgique peut ou non interdire à cette personne de quitter son territoire, quelle que soit la destination.

( 33 ) En revanche, aucun droit général, pour un étranger, d’entrer dans un pays donné n’est garanti en tant que tel en droit international. Voir, s’agissant de la CEDH, Cour EDH, 26 juin 2012, Kurić et autres c. Slovénie (CE:ECHR:2012:0312JUD002682806, § 355).

( 34 ) Voir, en ce sens, notamment, arrêt du 6 octobre 2021, A (Franchissement de frontières en navire de plaisance) (C‑35/20, EU:C:2021:813, point 70 et jurisprudence citée). L’article 56 TFUE pourrait également, selon moi, être invoqué par des citoyens de l’Union contre leur propre État membre, dans le cadre de leur retour d’un voyage touristique dans un autre État membre (voir note en bas de page 26 des présentes conclusions).

( 35 ) Voir article 2 de l’accord du 18 mai 1999 conclu par le Conseil de l’Union européenne, la République d’Islande et le Royaume de Norvège sur l’association de ces deux États à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen (JO 1999, L 176, p. 36).

( 36 ) Voir points 12 et 13 des présentes conclusions.

( 37 ) La juridiction de renvoi indique, dans la décision de renvoi, qu’elle considère que la directive sur la citoyenneté régit la circulation des personnes entre, notamment, la Belgique et l’Islande ou la Norvège.

( 38 ) La classification de ces pays dans la classification par couleur en cause au principal n’est pas mentionnée dans la décision de renvoi, de sorte qu’il n’est même pas évident que des restrictions de voyage aient été appliquées à leur égard à l’époque des faits.

( 39 ) Voir, notamment, arrêts du 11 décembre 2018, Weiss e.a. (C‑493/17, EU:C:2018:1000, point 166), et du 26 novembre 2020, Sögård Fastigheter (C‑787/18, EU:C:2020:964, points 79 à 81).

( 40 ) Accord du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3).

( 41 ) Plus précisément à l’annexe V, point 1, et à l’annexe VIII, point 3.

( 42 ) JO 2008, L 124, p. 20, et supplément EEE no 26 du 8 mai 2008, p. 17.

( 43 ) En droit de l’EEE, toute référence, dans la directive sur la citoyenneté, à l’expression « État(s) membre(s) » doit être comprise comme incluant, en outre, les États de l’Association européenne de libre-échange (AELE) (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse) et toute référence à l’expression « citoyen(s) de l’Union » est remplacée par l’expression « ressortissant(s) des États membres de la CE et des États de l’AELE » (voir annexe V et annexe VIII de l’accord EEE).

( 44 ) Voir, en ce sens, article 7 de l’accord EEE.

( 45 ) Voir points 34 et 35 des présentes conclusions.

( 46 ) Voir, notamment, article 28 (libre circulation des travailleurs) et article 31 (droit d’établissement) de l’accord EEE. Dans le même ordre d’idées, la Commission a rappelé, lors de l’audience, que la libre prestation des services garantie à l’article 36 de cet accord accorde aux ressortissants des États membres de l’Union et des États de l’AELE un droit de voyager à l’intérieur de l’EEE à des fins de tourisme [voir arrêt du 2 avril 2020, Ruska Federacija (C‑897/19 PPU, EU:C:2020:262,
points 51 à 54)], exactement comme l’article 56 TFUE au sein de l’Union (voir note en bas de page 26 des présentes conclusions), et ce indépendamment du statut économique de ces ressortissants. Partant, en l’occurrence, les clients de Nordic Info avaient, quelle que soit la mesure dans laquelle la directive sur la citoyenneté s’applique au sein de l’EEE, un droit garanti, en vertu du droit de l’EEE, de se déplacer de la Belgique vers l’Islande ou la Norvège (et inversement). Cette constatation
renforce ma conviction qu’il n’y a pas lieu de trancher cette question dans la présente affaire.

( 47 ) Voir décision du Comité mixte, considérant 8.

( 48 ) Je souligne que la Cour est compétente pour interpréter l’accord EEE. En effet, dès lors qu’il a été conclu, notamment, par l’Union, il fait partie intégrante du droit de l’Union. Voir arrêt du 2 avril 2020, Ruska Federacija (C‑897/19 PPU, EU:C:2020:262, point 49).

( 49 ) Arrêt de la Cour AELE du 27 juin 2014 (E-26/13, EFTA Court Report 2014, p. 254, ci-après l’« arrêt Gunnarsson »).

( 50 ) Voir directives du Conseil 90/364/CEE, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO 1990, L 180, p. 26), 90/365/CEE, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle (JO 1990, L 180, p. 28), et 90/366/CEE, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des étudiants (JO 1990, L 180, p. 30). Ces directives avaient été adoptées, à l’époque, sur la base de la « clause de flexibilité » prévue à l’article 235 TCE
(devenu article 352 TFUE).

( 51 ) Voir arrêt Gunnarsson, points 75 à 82.

( 52 ) Consacré à l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331).

( 53 ) Voir, notamment, arrêt du 2 avril 2020, Ruska Federacija (C‑897/19 PPU, EU:C:2020:262, point 50 et jurisprudence citée).

( 54 ) Voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2020, Commission/Hongrie (Enseignement supérieur) (C‑66/18, EU:C:2020:792, point 92).

( 55 ) Voir, notamment article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive sur la citoyenneté.

( 56 ) Selon moi, le raisonnement de la Cour AELE au point 80 de son arrêt Gunnarsson, selon lequel, d’une part, l’incorporation de la directive sur la citoyenneté dans l’accord EEE ne saurait y avoir introduit des « droits fondés sur la notion de “citoyenneté de l’Union” », tandis que, d’autre part, les particuliers devraient être en mesure d’invoquer les « droits acquis » qui ont été « maintenus » dans cette directive, peut être lu en ce sens. Cela étant, la Cour a demandé aux parties
intervenantes, lors de l’audience, si ce raisonnement ne devrait pas plutôt être compris en ce sens que seuls certains droits garantis par cette directive, considérés comme « acquis », devraient bénéficier aux personnes n’exerçant pas d’activité économique actives de l’EEE, tandis que d’autres, tels que le droit de séjour de courte durée (article 6) et le droit de séjour permanent (articles 16 à 21), ne le devraient pas, au motif qu’il s’agit de « nouveaux » droits, « fondés sur la notion de
“citoyenneté de l’Union” ». Avec l’ensemble des parties intervenantes, je ne pense pas qu’une telle interprétation restrictive s’impose. Je le répète : aucune réserve en ce sens ne figure dans la décision du Comité mixte. Il est évident que, pour la Cour AELE, il suffisait que les « droits » à la liberté de circulation et de séjour aient, de manière générale, déjà été « acquis » pour les personnes n’exerçant pas d’activité économique en vertu des directives précédentes, même si les « sous-droits »
détaillés qui en découlent ont évolué dans la directive sur la citoyenneté.

( 57 ) Par souci de simplicité, je continuerai, dans la suite des présentes conclusions, à faire référence aux seuls citoyens de l’Union se déplaçant à l’intérieur de l’Union. Le raisonnement sera valable, mutatis mutandis, dans l’hypothèse de la circulation à l’intérieur de l’EEE des ressortissants des États membres de l’Union et des États de l’AELE.

( 58 ) Voir, par analogie, Cour EDH, 14 juin 2022, L.B. c. Lituanie (CE:ECHR:2022:0614JUD003812120, § 81).

( 59 ) En effet, le principe de droit international réaffirmé à l’article 3, paragraphe 2, du protocole no 4 à la CEDH empêche un État de refuser l’entrée sur son territoire à ses propres ressortissants.

( 60 ) Ce qui peut s’expliquer par le fait que l’article 29, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté ne permet pas à un État membre de refuser, pour des raisons de « santé publique », l’entrée de ressortissants d’autres États membres résidant sur son territoire (voir point 60 des présentes conclusions).

( 61 ) En effet, cette disposition a, selon moi, un champ d’application plus étroit que l’article 5, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté ou que l’article 21, paragraphe 1, TFUE, dès lors qu’elle se limite à interdire ex lege ou de facto la privation du droit d’entrer sur le territoire national. Des mesures temporaires telles que la quarantaine ne sauraient être considérées comme telle. Voir Cour EDH, 14 septembre 2022, H.F. et autres c. France (CE:ECHR:2022:0914JUD002438419, § 128
et 248).

( 62 ) Voir, par analogie, article 123, sous c), de l’accord EEE.

( 63 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Valstybės sienos apsaugos tarnyba e.a. (C‑72/22 PPU, EU:C:2022:431, point 112 et jurisprudence citée). S’agissant de l’article 2, paragraphe 2, du protocole no 4 à la CEDH, je rappelle que, de la même manière, l’article 15, paragraphe 1, de cette convention permet aux États membres, en cas de « danger public menaçant la vie de la nation », de « prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la
situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international. »

( 64 ) Je me limiterai à observer que, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), la notion de « danger public menaçant la vie de la nation », au sens de l’article 15 de la CEDH, vise « une situation de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui affecte l’ensemble de la population et constitue une menace pour la vie organisée de la communauté composant l’État » [voir Cour EDH, 1er juillet 1961, Lawless c. Irlande (no 3),
CE:ECHR:1961:0701JUD000033257, § 28]. La Cour EDH ne s’est pas encore prononcée sur la question de savoir si la pandémie de COVID-19 relève de cette définition. Cependant, dans sa décision du 13 avril 2021 dans l’affaire Terheș c. Roumanie (CE:ECHR:2021:0413DEC004993320, § 39, ci-après l’« arrêt Terheș c. Roumanie »), elle a laissé entendre que tel pourrait être le cas, au moins pendant les premiers mois de ladite pandémie (voir § 39). Dans mes conclusions dans l’affaire Valstybės sienos apsaugos
tarnyba e.a. (C‑72/22 PPU, EU:C:2022:431, points 110 à 113), j’ai suggéré une définition analogue de la notion de « troubles intérieurs graves » utilisée à l’article 347 TFUE. Selon moi, la situation dans certains États membres au pic de la première vague aurait pu être caractéristique de tels « troubles ». Cette qualification semblerait plus exagérée s’agissant de la situation dans d’autres États membres à l’époque des faits (voir points 80 à 85 des présentes conclusions).

( 65 ) À ma connaissance, aucun État membre n’a invoqué l’article 347 TFUE au cours de la pandémie de COVID-19. Quant à l’article 15, paragraphe 1, de la CEDH, le Royaume de Belgique ne figure pas parmi les États qui ont émis, pendant cette pandémie, des déclarations au titre de l’article 15, paragraphe 3 (liste des déclarations disponibles à l’adresse Internet suivante : https://www.coe.int/fr/web/conventions/derogations-covid-19).

( 66 ) Voir, par analogie, arrêt Terheș c. Roumanie (§ 46 et jurisprudence citée).

( 67 ) Voir, en ce sens, article 20 et article 21, paragraphe 1, TFUE. Voir également, en ce qui concerne l’article 45 de la Charte, article 52, paragraphe 1, de cet instrument.

( 68 ) Voir, mutatis mutandis, arrêt du 5 juin 2018, Coman e.a. (C‑673/16, EU:C:2018:385, point 25 et jurisprudence citée).

( 69 ) Voir points 75 et suiv. des présentes conclusions. Je souligne que, par opposition aux exceptions relatives à l’« ordre public » ou à la « sécurité publique », celle relative à la « santé publique » n’a, à ce jour, jamais été interprétée par la Cour.

( 70 ) Voir point 35 et note en bas de page 61 des présentes conclusions.

( 71 ) En effet, en vertu de l’article 29, paragraphe 2, de cette directive, un État membre ne peut pas procéder à l’éloignement d’un citoyen de l’Union pour des raisons de « santé publique » après l’expiration d’une « période de trois mois suivant l’arrivée ». Il s’ensuit qu’un État membre peut refuser la seule entrée initiale d’un tel citoyen sur son territoire ou procéder à son éloignement avant que ce dernier ait commencé à exercer le droit de séjour prévu à l’article 7 de la directive sur la
citoyenneté. En revanche, une fois ce citoyen devenu résident, s’il quitte temporairement le territoire, l’entrée ne peut lui être refusée lors du retour pour de telles raisons.

( 72 ) En ce qui concerne les ressortissants belges, étant donné que le principe réaffirmé à l’article 3, paragraphe 2, du protocole no 4 à la CEDH ne s’oppose pas à de telles mesures (voir note en bas de page 61 des présentes conclusions), celles-ci pourraient être adoptées en vertu de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, les conditions énoncées à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 29, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté s’appliquant par analogie.

( 73 ) Voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Jipa (C‑33/07, EU:C:2008:396, points 19 à 22) ; du 17 novembre 2011, Gaydarov (C‑430/10, EU:C:2011:749, points 26, 29 et 30), ainsi que du 4 octobre 2012, Byankov (C‑249/11, EU:C:2012:608, points 35 et 36).

( 74 ) Le chapitre VI de la directive sur la citoyenneté est intitulé « Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique » (mise en italique par mes soins).

( 75 ) Voir, s’agissant de la COVID-19, point 102 des présentes conclusions.

( 76 ) Dans la proposition de la Commission de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres [COM(2001) 257 final], l’article 27 (devenu article 25) faisait référence aux « décisions de refus d’entrée [...] d’un citoyen de l’Union », tandis que l’article 29 (devenu article 27) faisait référence au « refus d’entrée ». Cependant, ces dispositions ont été
modifiées au cours de la procédure législative d’adoption de la proposition, pour laisser la place à une référence à de possibles restrictions à la « libre circulation », expression jugée préférable, car « [elle] couvre tout type de mesure, qu’il s’agisse d’un éloignement, d’un refus d’entrée ou d’un refus de sortie du territoire » [voir proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de
séjourner librement sur le territoire des États membres, COM(2003) 199 final, p. 8, 29 et 30]. Le fait que l’intitulé du chapitre VI de la directive sur la citoyenneté n’ait pas été modifié en conséquence constitue donc une simple omission du législateur de l’Union. Il en va de même du maintien, à l’article 29, paragraphe 1, de cette directive, de la référence à l’« État membre d’accueil », au lieu de l’utilisation d’un terme plus général tel que « l’État membre en cause », pour couvrir l’hypothèse
où un État membre restreindrait le droit de sortie de ses propres ressortissants.

( 77 ) Par analogie, le droit de sortie prévu à l’article 2, paragraphe 2, du protocole no 4 à la CEDH peut être restreint, notamment pour des raisons de « santé » (voir article 2, paragraphe 3).

( 78 ) Voir, pour le même point de vue, Goldner Lang, I., « “Laws of Fear” in the EU : The Precautionary Principle and Public Health Restrictions to Free Movement of Persons in the Time of COVID-19 », European Journal of Risk Regulation, 2021, p. 1 à 24 ; Thym, D., et Bornemann, J., « Schengen and Free Movement Law During the First Phase of the COVID-19 Pandemic : Of Symbolism, Law and Politics », European Papers, vol. 5, no 3, 2020, p. 1162 et 1163 ; van Eijken, H., et Rijpma, J. J., « Stopping a
Virus from Moving Freely : Border Controls and Travel Restrictions in Times of “Corona” », Utrecht Law Review, vol. 17, no 3, 2021, p. 34 à 50.

( 79 ) Il est vrai que l’article 29, paragraphe 3, de la directive sur la citoyenneté dispose qu’un État membre ne peut pas, de manière « systématique », subordonner l’entrée sur son territoire à un examen médical « afin qu’il soit attesté que [les citoyens de l’Union arrivant] ne souffrent pas des maladies visées [à l’article 29, paragraphe 1] ». Il ne peut le faire que « [s]i des indices sérieux le justifient ». La Commission a indiqué, dans l’exposé des motifs de sa proposition initiale, que
cette mention visait à préciser que la dérogation relative à la « santé publique » ne peut être utilisée que « sous condition qu’il y ait des indices sérieux que la personne concernée souffre d’une des maladies [visées à l’article 29, paragraphe 1] ». Cependant, il ne s’ensuit pas, selon moi, que seules des mesures individuelles puissent être adoptées en vertu de l’article 29, paragraphe 1, de cette directive. En effet, le fait qu’une personne présente des symptômes d’une maladie potentiellement
épidémique est susceptible de constituer un « indice sérieux » de la nécessité d’une telle mesure. Cependant, il peut en aller de même d’une personne cherchant à se rendre temporairement dans un pays confronté à un grave foyer de cette maladie ou qui en arrive. Par conséquent, les mesures restrictives d’application générale aux personnes voyageant au départ d’un tel pays ou cherchant à s’y rendre ne sont pas contraires à l’article 29, paragraphe 3, de ladite directive.

( 80 ) Voir point 61 et note en bas de page 76 des présentes conclusions. À titre d’exemple supplémentaire, l’article 27, paragraphe 2, de cette directive fait référence au principe de proportionnalité alors que l’article 29 ne le fait pas, en dépit du fait que ce principe doit toujours être respecté (voir point 91 des présentes conclusions).

( 81 ) Arrêt du 18 décembre 2014 (C‑202/13, EU:C:2014:2450, points 43 à 58).

( 82 ) Voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale) (C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, points 135, 159 et 160).

( 83 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mayras dans l’affaire Bonsignore (67/74, EU:C:1975:22, p. 315).

( 84 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450, point 56).

( 85 ) Voir, mutatis mutandis, arrêt du 4 avril 2017, Fahimian (C‑544/15, EU:C:2017:255, points 40 et 41).

( 86 ) Voir, pour ce qui concerne la COVID-19, point 109 des présentes conclusions.

( 87 ) Voir, notamment, arrêt du 22 juin 2021, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (Mesures préventives en vue d’éloignement) (C‑718/19, EU:C:2021:505, point 56 et jurisprudence citée).

( 88 ) Voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Spiegel Online (C‑516/17, EU:C:2019:625, points 53 à 55 et jurisprudence citée). Certes, une appréciation individuelle est généralement requise pour s’assurer, outre de la nécessité des mesures restrictives en cause, de leur stricte proportionnalité. Cependant, en ce qui concerne les mesures générales prises pour des raisons de « santé publique », cette proportionnalité peut être assurée en les ajustant correctement et en veillant à ce que des
circonstances individuelles très spécifiques puissent être prises en compte au moment de les faire respecter, comme je l’expliquerai aux points 128 à 132 des présentes conclusions.

( 89 ) Voir, en ce sens, article 168, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE, précisant que l’action de l’Union dans le domaine de la santé publique couvre notamment « la surveillance de menaces transfrontières graves sur la santé, l’alerte en cas de telles menaces et la lutte contre celles-ci ». Certes, comme je l’expliquerai à propos du code frontières Schengen, dans la partie B des présentes conclusions, certaines situations liées à la « santé publique » présentent une gravité telle qu’elles
pourraient être considérées comme constituant une menace pour l’« ordre public », ce qui pourrait aboutir à la situation paradoxale que, lorsque tel est le cas, des mesures restreignant la libre circulation ne pourraient être adoptées que sur une base individuelle. Cependant, selon moi, cette question peut être résolue par une simple application de la théorie de la lex specialis. Le législateur ayant prévu, dans la directive sur la citoyenneté, un régime spécial pour les mesures prises pour des
raisons de « santé publique », il s’ensuit que ce régime, dans la mesure où il déroge à celui applicable aux mesures adoptées pour des raisons d’« ordre public », devrait prévaloir sur ce dernier.

( 90 ) Arrêt du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450, points 50 et 51).

( 91 ) Par exemple, l’article 27, paragraphe 2, évoque des « mesures » alors que, en vertu de cette même disposition, seules des mesures individuelles, à savoir des décisions, peuvent être prises pour des raisons d’« ordre public » ou de « sécurité publique ».

( 92 ) Voir, à cet égard, considérant 22 de la directive sur la citoyenneté.

( 93 ) Le RSI est contraignant pour tous les membres de l’OMS. Les États membres de l’Union en font partie.

( 94 ) OMS, « Déclaration sur la deuxième réunion du Comité d’urgence du Règlement sanitaire international (2005) concernant la flambée de nouveau coronavirus 2019 (2019-nCoV) », 30 janvier 2020.

( 95 ) En vertu de l’article 1er du RSI, il s’agit d’« un événement extraordinaire dont il est déterminé [...] qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États du raison du risque de propagation internationale de maladies [...] ».

( 96 ) OMS, « Allocution liminaire du Directeur général de l’OMS lors du point presse sur la COVID-19 », 11 mars 2020.

( 97 ) Voir, par analogie, arrêt du 19 novembre 2020, B S et C A [Commercialisation du cannabidiol (CBD)] (C‑663/18, EU:C:2020:938, point 87 et jurisprudence citée). De même, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du protocole no 4 à la CEDH, une mesure portant atteinte au droit de sortie prévu à l’article 2, paragraphe 2, de ce protocole est considérée comme « nécessair[e], dans une société démocratique », à la protection de la santé publique si elle répond à une « nécessité sociale impérieuse »
et, en particulier, si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier sont « pertinents et suffisants ».

( 98 ) Voir, en ce sens, article 29, paragraphe 3, de la directive sur la citoyenneté.

( 99 ) Voir, par analogie, arrêt du 19 novembre 2020, B S et C A [Commercialisation du cannabidiol (CBD)] (C‑663/18, EU:C:2020:938, points 88 et 91 ainsi que jurisprudence citée).

( 100 ) Arrêt du 19 novembre 2020, B S et C A [Commercialisation du cannabidiol (CBD)] (C‑663/18, EU:C:2020:938, point 92).

( 101 ) Arrêt Terheș c. Roumanie, § 39. Voir également OMS, « Plan stratégique de préparation et de riposte à la COVID-19 – Mise à jour de la stratégie COVID‑19 », du 14 avril 2020, indiquant que, au 13 avril 2020, plus de 1,7 million de personnes ont été infectées et près de 85000 sont décédées. La capacité de propagation rapide du virus a saturé même les systèmes de santé les plus résilients. À l’époque, 20 % de l’ensemble des cas étaient graves ou critiques, avec un taux de létalité supérieur
à 3 %, en augmentation chez les personnes âgées et chez celles atteintes de pathologies sous-jacentes.

( 102 ) L’expression « transmission communautaire » fait référence au processus de propagation d’une maladie infectieuse au sein d’un grand groupe de personnes au moyen d’un contact occasionnel.

( 103 ) Voir Conseil européen, conclusions du président du Conseil européen faisant suite à la vidéoconférence sur le COVID-19 tenue avec les membres du Conseil européen, 17 mars 2020, et OMS, « Plan stratégique de préparation et de riposte à la COVID-19 – Mise à jour de la stratégie COVID‑19 », du 14 avril 2020.

( 104 ) Voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, point 62 et jurisprudence citée).

( 105 ) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil, du 8 mai 2020, concernant la deuxième évaluation de l’application de la restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE [COM(2020) 222 final].

( 106 ) Communication de la Commission, du 15 mai 2020, « Pour une approche coordonnée par étapes du rétablissement de la libre de circulation et de la levée des contrôles aux frontières intérieures – COVID-19 » (JO 2020, C 169, p. 30).

( 107 ) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil du 11 juin 2020 concernant la troisième évaluation de l’application de la restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE [COM(2020) 399 final].

( 108 ) La Belgique s’est référée aux données de son institut national de santé. Voir également ECDC, Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) in the EU/EEA and the UK – Tenth Update, 11 juin 2020, Stockholm, p. 3, et Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) in the EU/EEA and the UK – Eleventh Update, 10 août 2020, Stockholm, p. 3.

( 109 ) Qui avait déjà fait l’objet d’études publiées au printemps 2020. Voir Liu, Y., Gayle, A., Wilder-Smith, A., et Rocklöv, J., « The Reproductive Number of COVID-19 is Higher Compared to SARS Coronavirus », J. Travel Med, 2020. Ce taux élevé de contagiosité apparaissait d’autant plus évident, au début du mois de juillet 2020, que l’OMS venait de reconnaître que le virus se transmettait par voie aérienne [voir OMS, Maladie à coronavirus (COVID-19), Rapport de situation – 172, 10 juillet 2020].

( 110 ) Voir également OMS, Maladie à coronavirus (COVID-19), Rapport de situation – 172, 10 juillet 2020, indiquant que le directeur régional de l’OMS pour l’Europe avait incité les pays à « faire preuve de fermeté et à rester concentrés ».

( 111 ) J’observe que cette évaluation du risque, fondée sur les données épidémiologiques et les capacités locales, suit d’une manière générale celle développée par l’OMS et les institutions de l’Union dans leurs recommandations respectives. Voir, notamment, OMS, « Plan stratégique de préparation et de riposte à la COVID-19 – Mise à jour de la stratégie COVID‑19 », 14 avril 2020, et communication de la Commission du 15 mai 2020, « Pour une approche coordonnée par étapes du rétablissement de la libre
de circulation et de la levée des contrôles aux frontières intérieures – COVID-19 ».

( 112 ) Voir, à cet égard, article 168, paragraphe 1, TFUE et article 35, deuxième phrase, de la Charte.

( 113 ) Voir, cependant, point 95 des présentes conclusions.

( 114 ) Voir article 168, paragraphe 7, TFUE.

( 115 ) Voir, notamment, arrêt du 19 janvier 2023, CIHEF e.a. (C‑147/21, EU:C:2023:31, point 50 et jurisprudence citée).

( 116 ) J’ajoute, au passage, que, si l’article 27, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté contient la réserve que les raisons de « santé publique » ne peuvent pas être invoquées « à des fins économiques », elles ne l’ont, comme le soutient le gouvernement belge, manifestement pas été dans la présente affaire. Certes, les restrictions litigieuses ont été introduites pour garantir, entre autres, que le système de santé belge dispose du matériel, du personnel, mais aussi de la capacité
financière pour faire face à la pandémie. Cependant, toute mesure publique implique des considérations financières. Seules celles qui poursuivent un « objectif exclusivement économique » sont problématiques (arrêt du 4 octobre 2012, Byankov, C‑249/11, EU:C:2012:608, point 39). Maintenir un système de santé opérationnel ne relève pas de cette catégorie [voir, par analogie, arrêt du 28 janvier 2016, CASTA e.a. (C‑50/14, EU:C:2016:56, point 61 et jurisprudence citée)].

( 117 ) Voir, notamment, arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, points 74, 76 et 77 ainsi que jurisprudence citée).

( 118 ) Voir, notamment, recommandation (UE) 2020/912 du Conseil, du 30 juin 2020, concernant la restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE et la possible levée de cette restriction (JO 2020, L 208 I, p. 1), annexe II.

( 119 ) Voir article 27, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté (« [...] quelle que soit sa nationalité [...] »).

( 120 ) Voir point 60 des présentes conclusions.

( 121 ) En effet, bien que cette exigence ne soit mentionnée qu’à l’article 27, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté concernant les mesures adoptées pour des raisons d’« ordre public » ou de « sécurité publique », le principe de proportionnalité constitue un principe général du droit de l’Union, qui doit toujours être respecté par les États membres lorsqu’ils restreignent la libre circulation [voir, notamment, arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 45 et
jurisprudence citée)].

( 122 ) Voir, notamment, arrêt du 19 janvier 2023, CIHEF e.a. (C‑147/21, EU:C:2023:31, point 50 et jurisprudence citée).

( 123 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, VIPA (C‑222/18, EU:C:2019:751, point 72 et jurisprudence citée).

( 124 ) Voir, en ce sens, arrêts du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, point 36), et du 1er mars 2018, CMVRO (C‑297/16, EU:C:2018:141, points 70 et 71).

( 125 ) Une chronologie de l’action de l’Union relative à la COVID-19 est disponible à l’adresse Internet suivante : https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/coronavirus-response/timeline-eu-action_fr.

( 126 ) En vertu de l’article 168, paragraphes 1 et 2, TFUE, l’action de l’Union « complète les politiques nationales », « encourage la coopération entre les États membres [...] et, si nécessaire, elle appuie leur action » en ce qui concerne, notamment, la « surveillance de menaces transfrontières graves sur la santé [...] et la lutte contre celles-ci ». À cet effet, la Commission « peut prendre, en contact étroit avec les États membres, toute initiative utile pour promouvoir [la] coordination [des
États membres] », notamment en « [établissant des] orientations ». Enfin, en vertu de l’article 168, paragraphe 5, TFUE, le Parlement européen et le Conseil peuvent également adopter, notamment, « des mesures concernant la surveillance des menaces transfrontières graves sur la santé, l’alerte en cas de telles menaces et la lutte contre celles-ci ».

( 127 ) Je souligne cependant qu’une coordination complète des mesures de voyage au sein de l’Union n’a été réalisée qu’après l’époque des faits. Voir recommandation (UE) 2020/1475 du Conseil, du 13 octobre 2020, relative à une approche coordonnée de la restriction de la libre circulation en réaction à la pandémie de COVID-19 (JO 2020, L 337, p. 3).

( 128 ) Voir, notamment, arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a. (C‑391/20, EU:C:2022:638, points 74 et 75 ainsi que jurisprudence citée).

( 129 ) Voir, notamment, von Tigerstrom, B., et Wilson, K., « COVID-19 Travel Restrictions and the International Health Regulations (2005) », BMJ Global Health, vol. 5, no e002629, 2020 ; Grépin, K. A., Ho, T. L., Liu, Z., e.a., « Evidence of the Effectiveness of Travel-Related Measures during the Early Phase of the COVID-19 Pandemic : A Rapid Systematic Review », BMJ Global Health, vol. 6, no e004537, 2021.

( 130 ) Voir OMS, « WHO Advice for International Travel and Trade in Relation to the Outbreak of Pneumonia Caused by a New Coronavirus in China », 10 janvier 2020 ; « Déclaration sur la deuxième réunion du Comité d’urgence du Règlement sanitaire international (2005) concernant la flambée de nouveau coronavirus 2019 (2019‑nCoV) », 30 janvier 2020.

( 131 ) La question de savoir si cette attitude est conforme au RSI ne fait pas l’objet des présentes conclusions. Voir, à cet égard, von Tigerstrom, B., et Wilson, K., « COVID-19 travel restrictions and the International Health Regulations (2005) », BMJ Global Health, vol. 5, no e002629, 2020.

( 132 ) Voir communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil, du 16 mars 2020, « COVID-19 : Restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE » [COM(2020) 115 final], Commission européenne, 16 mars 2020, « COVID-19 – Lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé publique et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels » (JO 2020, C 86 I, p. 1), et Conseil européen, conclusions
du président du Conseil européen faisant suite à la vidéoconférence sur le COVID-19 tenue avec les membres du Conseil européen, 17 mars 2020. Cette recommandation temporaire, initialement adoptée pour une durée de 30 jours, a ensuite été prorogée jusqu’au 30 juin 2020. Voir communications de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil, du 8 avril 2020, concernant l’évaluation de l’application de la restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE
[COM(2020) 148 final], et du 8 mai 2020, concernant la deuxième évaluation de l’application de la restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE [COM(2020) 222 final].

( 133 ) Voir, notamment, Lau, H., e.a., « The Association Between International and Domestic Air Traffic and the Coronavirus (COVID-19) Outbreak », Journal of Microbiology, Immunology and Infection, vol. 53, no 3, 2020, p. 467 à 472 ; Chinazzi, M., e.a., « The Effect of Travel Restrictions on the Spread of the 2019 Novel Coronavirus (COVID-19) Outbreak », Science, vol. 368, no 6489, 2020, p. 395 à 400 ; Wells, C. R., e.a., « Impact of International Travel and Border Control Measures on the Global
Spread of the Novel 2019 Coronavirus Outbreak », PNAS, vol. 117, no 13, p. 7504 à 7509, et Linka, K., e.a., « Outbreak Dynamics of COVID-19 in Europe and the Effect of Travel Restrictions », Computer Methods in Biomechanics and Biomedical Engineering, vol. 23, no 11, 2020, p. 710 à 717. J’observe que ces études sur l’efficacité des restrictions de voyage reposent sur des modèles plutôt que sur des preuves solides – qui étaient limitées à l’époque, comme le reconnaissent les auteurs. Elles présentent
des scénarios simulés, contrefactuels – reposant sur des hypothèses relatives à la transmissibilité du virus, au volume de voyageurs malades, etc. –, de ce qui se serait produit si ces mesures n’avaient pas été mises en place.

( 134 ) Voir, notamment, OMS, « Updated Recommendations for International Traffic in Relation to COVID-19 Outbreak », 29 février 2020, et « Déclaration sur la troisième réunion du Comité d’urgence du Règlement sanitaire international (2005) concernant la flambée de maladie à coronavirus (COVID-19) », 1er mai 2020.

( 135 ) Voir lignes directrices de l’ECDC, p. 18 et 19.

( 136 ) Je rappelle que, en vertu de la méthodologie applicable, les pays considérés comme à « risque élevé », auxquels s’appliquaient les restrictions de voyage litigieuses, étaient ceux où l’incidence nationale de nouveaux cas de COVID-19 était plus de 10 fois supérieure à celle de la Belgique (100 cas déclarés par 100000 habitants au cours des quatorze jours précédents) (voir point 15 des présentes conclusions).

( 137 ) J’observe que, pour être considérée comme appropriée, une mesure donnée ne doit pas nécessairement être à même d’éliminer, à elle seule, le risque pour la « santé publique » en question. Il suffit qu’elle puisse apporter une contribution appréciable à cet égard (voir, à cet effet, arrêt du 19 janvier 2023, CIHEF e.a., C‑147/21, EU:C:2023:31, point 56).

( 138 ) Voir, notamment, OMS, « Plan stratégique de préparation et de riposte à la COVID-19 – Mise à jour de la stratégie COVID‑19 », du 14 avril 2020, et « Questions de santé publique à prendre en considération pour la reprise des voyages internationaux », du 30 juillet 2020. La Commission a suggéré une telle approche dans plusieurs communications (voir, notamment, communication du 15 mai 2020, « Pour une approche coordonnée par étapes du rétablissement de la libre de circulation et de la levée des
contrôles aux frontières intérieures – COVID-19 ») même si, comme indiqué précédemment dans les présentes conclusions, à l’époque des faits, elle plaidait en faveur de la levée des restrictions de voyage au sein de l’Union. La restriction temporaire coordonnée des voyages non essentiels vers l’Union a également suivi une logique analogue à partir du 1er juillet 2020, les restrictions ne s’appliquant qu’aux pays connaissant une situation de COVID-19 comparativement pire que celle de l’Union. Voir
recommandation 2020/912. La méthodologie et les critères utilisés pour évaluer la situation dans un pays donné (le nombre de nouvelles infections par 100000 habitants au cours des quatorze jours précédents, l’évolution du nouveau taux d’infection au cours de la même période et la riposte globale à la COVID-19) étaient également analogues à ceux utilisés par la Belgique à l’époque des faits (voir point 15 des présentes conclusions).

( 139 ) Voir, pour une analyse de telles mesures comme étant appropriées, notamment, Commission européenne, 16 mars 2020, « COVID-19 – Lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé publique et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels », point 21, et OMS, « Key Considerations for Repatriation and Quarantine of Travellers in Relation to the Outbreak of Novel Coronavirus 2019-nCoV », 11 février 2020. Voir également, de manière
générale, article 31, paragraphe 2, sous c), du RSI.

( 140 ) Voir, par analogie, arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, point 38).

( 141 ) Voir, par analogie, arrêt du 18 mai 1982, Adoui et Cornuaille (115/81 et 116/81, EU:C:1982:183, point 8). Cette exigence ne remettait pas en cause la marge d’appréciation des États membres quant à la poursuite d’une politique plus libérale ou plus restrictive de riposte à la pandémie. Ces derniers demeuraient libres de choisir l’une ou l’autre, mais ils devaient, pour être cohérents, traiter de la même manière des scénarios internes et externes comparables. Voir van Eijken, H., et
Rijpma, J. J., « Stopping a Virus from Moving Freely : Border Controls and Travel Restrictions in Times of “Corona” », Utrecht Law Review, vol. 17, no 3, 2021, p. 43, ainsi que Thym, D., et Bornemann, J., « Schengen and Free Movement Law During the First Phase of the COVID-19 Pandemic : Of Symbolism, Law and Politics », European Papers, vol. 5, no 3, 2020, p. 1168 et 1169.

( 142 ) Voir point 16 des présentes conclusions.

( 143 ) Voir, par analogie, arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a. (C‑391/20, EU:C:2022:638, point 76).

( 144 ) Voir points 128 à 132 des présentes conclusions. Voir, par analogie, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, point 45).

( 145 ) Voir, notamment, arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C‑547/14, EU:C:2016:325, point 160).

( 146 ) Voir, notamment, arrêt du 26 avril 2012, ANETT (C‑456/10, EU:C:2012:241, point 45).

( 147 ) Voir, notamment, arrêt du 10 mars 2021, Ordine Nazionale dei Biologi e.a. (C‑96/20, EU:C:2021:191, point 36 et jurisprudence citée).

( 148 ) Voir, notamment, arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, point 55 et jurisprudence citée).

( 149 ) En effet, des études publiées à l’époque des faits estimaient que, lors de la première phase de la pandémie, plus de la moitié des voyageurs qui importaient des cas à partir de la Chine dans d’autres pays étaient arrivés en période d’incubation présymptomatique tout en étant déjà contagieux, et qu’ils n’avaient commencé à présenter des symptômes que quelques jours après leur arrivée. Voir, notamment, Wells, C. R., e.a., « Impact of International Travel and Border Control Measures on the
Global Spread of the Novel 2019 Coronavirus Outbreak », PNAS, vol. 117, no 13, p. 7505, ainsi que les références qui y figurent. Voir, de manière générale, sur l’absence d’efficacité du dépistage à l’entrée, lignes directrices de l’ECDC, p. 20.

( 150 ) Ainsi que l’a fait valoir le gouvernement norvégien, les données scientifiques disponibles à l’époque des faits tendaient à indiquer qu’il existait, en ce qui concerne la COVID-19, une « fenêtre » suivant l’infection, au cours de laquelle les marqueurs biologiques utilisés dans le cadre des tests restaient négatifs.

( 151 ) Voir point 102 des présentes conclusions. Voir également lignes directrices de l’ECDC, p. 20.

( 152 ) Certes, une mise en quarantaine stricte de tous les voyageurs dans des installations spécialement affectées à cet effet à proximité de leur point d’entrée aurait permis d’assurer un bon isolement du reste de la population. Cependant, non seulement sa mise en place aurait été excessivement difficile, mais elle aurait certainement été plus que discutable du point de vue des droits fondamentaux.

( 153 ) Voir, à cet égard, points 14 et 15 des présentes conclusions.

( 154 ) Cette méthode de calcul s’est, par exemple, révélée particulièrement injuste à l’égard d’États membres tels que le Luxembourg qui menaient une campagne de tests beaucoup plus intensive que d’autres et qui, en raison du nombre de cas recensés au moyen de leurs pratiques de tests, ont été considérés comme des pays à « haut risque » alors que la situation épidémiologique sur leur territoire était probablement, en réalité, semblable à celle d’autres pays classés en « orange », mais qui
pratiquaient simplement des tests de manière moins stricte.

( 155 ) Voir, notamment, arrêt du 20 novembre 2019, Infohos (C‑400/18, EU:C:2019:992, point 49 et jurisprudence citée).

( 156 ) Voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 132 et jurisprudence citée).

( 157 ) Voir, sur la nécessité d’un réexamen périodique de la persistance de la menace pour la santé publique qui a initialement justifié des mesures conservatoires, notamment, arrêt du 11 juillet 2013, France/Commission (C‑601/11 P, EU:C:2013:465, point 110 et jurisprudence citée). Voir, pour une telle exigence en matière de restrictions de voyage, arrêt du 4 octobre 2012, Byankov (C‑249/11, EU:C:2012:608, points 44 et 47), ainsi que Cour EDH, 8 décembre 2020, Rotaru c. République de Moldavie
(CE:ECHR:2020:1208JUD002676412, § 25 et jurisprudence citée).

( 158 ) Voir point 16 des présentes conclusions.

( 159 ) L’affaire au principal semble fournir un bon exemple à cet égard. Le 12 juillet 2020, la Suède a été classée en « rouge » dans la classification par couleur en cause, conformément à la méthodologie établie (voir point 15 des présentes conclusions), sur la base du fait que, selon les données de l’ECDC du 10 juillet, le taux d’incidence sur les quatorze jours précédents était de 102,1 cas par 100000 habitants, même si une tendance à la baisse pouvait être observée. Par conséquent, des
restrictions de voyage ont été appliquées à partir de ce jour. Or, le 13 juillet, l’ECDC a publié de nouvelles données indiquant un taux de 94,5 cas par 100000 habitants. Une baisse significative des infections a été confirmée par l’ambassade de Suède le lendemain. Par conséquent, la classification de ce pays a été modifiée en « orange » le 15 juillet, et les restrictions de voyage ont été levées par rapport à ce pays. On pourrait certainement s’interroger sur la nécessité de classer la Suède en
tant que pays à « risque élevé » alors que les chiffres étaient à peine supérieurs au seuil pertinent et qu’une tendance à la baisse était déjà perceptible, pour finalement lever les restrictions deux jours plus tard. Une application aussi zélée des règles, discutable du point de vue de la sécurité juridique, n’était peut-être pas nécessaire. Cependant, elle ne remet pas en cause, selon moi, la légitimité du système en soi.

( 160 ) Considérant 25 de la directive sur la citoyenneté (mise en italique par mes soins).

( 161 ) Voir également, en ce sens, article 34 de la directive sur la citoyenneté.

( 162 ) Voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 52).

( 163 ) Arrêt du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, EU:C:2007:163, points 47 à 64).

( 164 ) Voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, EU:C:1977:172, point 15).

( 165 ) Voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, EU:C:2007:163, points 56 à 64).

( 166 ) Voir point 88 des présentes conclusions.

( 167 ) Voir point 132 des présentes conclusions.

( 168 ) Voir, notamment, arrêt du 17 décembre 2020, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a. (C‑336/19, EU:C:2020:1031, point 64 et jurisprudence citée).

( 169 ) Voir, notamment, pour une mention du caractère approprié et de la nécessité uniquement, arrêts du 14 juillet 1983, Sandoz (174/82, EU:C:1983:213, point 18) ; du 10 juillet 2008, Jipa (C‑33/07, EU:C:2008:396, point 29), et du 16 mars 2023, OL (Prorogation des concessions italiennes) (C‑517/20, non publié, EU:C:2023:219, point 53).

( 170 ) Voir, notamment, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50) ; du 15 février 2016, N. (C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, point 54), et du 17 décembre 2020, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a. (C‑336/19, EU:C:2020:1031, point 64).

( 171 ) Je souligne que la Charte est applicable dans une situation telle que celle en cause au principal. En effet, lorsque les États membres restreignent le droit à la libre circulation dont jouissent les citoyens de l’Union et cherchent à invoquer les fondements prévus par le droit de l’Union, tels que l’article 27, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, pour justifier une telle restriction, ils « mettent en œuvre le droit de l’Union », au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la
Charte. Voir, notamment, arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2019:432, points 63 et 64 ainsi que jurisprudence citée).

( 172 ) De même, bien que la libre circulation soit garantie en tant que telle en vertu de l’article 2 du protocole no 4 à la CEDH, la Cour EDH la considère également comme un aspect important du droit d’une personne au respect de sa vie privée, garanti à l’article 8 de cette convention. Voir, notamment, Cour EDH, arrêt du 6 décembre 2005, İletmiș c. Turquie (CE:ECHR:2005:1206JUD002987196, § 47).

( 173 ) De même, en présence d’une mesure restreignant le droit de sortie garanti à l’article 2, paragraphe 2, du protocole no 4 à la CEDH, la Cour EDH a examiné si cette mesure ménage un juste équilibre entre l’intérêt général et les droits de l’individu. Voir, notamment, Cour EDH, 23 février 2017, De Tommaso c. Italie (CE:ECHR:2017:0223JUD004339509, § 104).

( 174 ) C‑203/15 et C‑698/15, EU:C:2016:572, point 248.

( 175 ) Voir résolution du Parlement européen du 17 avril 2020 sur une action coordonnée de l’Union pour combattre la pandémie de COVID-19 et ses conséquences [2020/2616 (RSP)], points 46 et suiv., ainsi que Conseil de l’Union européenne, déclaration de Josep Borrell, haut représentant, au nom de l’Union européenne, sur les droits de l’homme au temps de la COVID-19, 5 mai 2020.

( 176 ) La mesure dans laquelle les droits fondamentaux devaient être protégés a pu être différente dans le cadre d’un régime exceptionnel, d’« état d’urgence », conformément à l’article 347 TFUE. Cependant, je n’aborderai pas cette question dans les présentes conclusions pour les raisons exposées aux points 51 à 54 des présentes conclusions.

( 177 ) Voir, notamment, article 12, paragraphe 2, sous c), du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, et article 11, paragraphe 3, de la charte sociale européenne (révisée), signée à Strasbourg le 3 mai 1996. En outre, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour EDH, si le « droit à la santé » n’est pas garanti en tant que tel par la CEDH, des obligations positives en matière de santé découlent néanmoins des articles 2 et 8 de la CEDH (respectivement
droit à la vie et au respect de la vie privée et familiale). Notamment, l’article 2 de cette convention impose aux États parties l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de leur juridiction et de protéger leur intégrité physique, y compris dans le domaine de la santé publique (voir, notamment, Cour EDH, 5 novembre 2020, Le Mailloux c. France, CE:ECHR:2020:1105DEC001810820, § 9 et jurisprudence citée). En droit de l’Union, de telles
obligations positives découlent également, selon moi, de l’article 2, paragraphe 1, de la Charte, dès lors que le « droit à la vie » qui y est garanti correspond à celui énoncé à l’article 2 de la CEDH, ainsi que de l’article 35, première phrase, de la Charte.

( 178 ) Je rappelle, au passage, que, en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et libertés garantis par celle-ci doit également respecter le « contenu essentiel » desdits droits et libertés et que, lorsque tel n’est pas le cas, une telle mise en balance des intérêts n’est pas possible. Cependant, je ne pense pas que les restrictions de voyage litigieuses aient porté atteinte au « contenu essentiel » du droit à la libre circulation, tel que
garanti à l’article 45, paragraphe 1, de la Charte, ni des autres droits fondamentaux en cause. Si, notamment, une interdiction de voyage constitue la forme la plus sévère de restriction au droit à la libre circulation, le fait que cette interdiction n’était pas absolue est déterminant à cet égard. En effet, elle ne s’appliquait qu’aux voyages à destination et en provenance de certains pays à « risque élevé » ; les voyages « essentiels » étaient exclus de son champ d’application, et elle n’a été
imposée que temporairement (voir, a contrario, arrêt du 4 octobre 2012, Byankov, C‑249/11, EU:C:2012:608, points 44 et 79).

( 179 ) Voir lignes directrices de l’ECDC, p. 18 et 19.

( 180 ) Voir, notamment, Forum économique mondial, « This is the Impact of COVID-19 on the Travel Sector » (https://www.weforum.org/agenda/2022/01/global-travel-tourism-pandemic-covid-19/), et conclusions de l’avocate générale Medina dans l’affaire UFC – Que choisir et CLCV (C‑407/21, EU:C:2022:690, points 1 et 2).

( 181 ) Voir Conseil européen, conclusions du président du Conseil européen faisant suite à la vidéoconférence sur le COVID-19 tenue avec les membres du Conseil européen, 17 mars 2020.

( 182 ) Voir, pour les différentes mesures proposées à l’époque des faits par la Commission à cet égard, « Tourisme et transports : orientations de la Commission sur la reprise des voyages en toute sécurité et sur la relance du secteur touristique européen en 2020 et au-delà », communiqué de presse du 13 mai 2020.

( 183 ) Voir Iliopoulou-Penot, A., « La Citoyenneté de l’Union aux temps du coronavirus », dans Dubout, E., et Picod, F. (dir.), Coronavirus et droit de l’Union européenne, Bruylant, 2021, p. 178 à 180.

( 184 ) Voir, par analogie, arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, points 93 à 99), et Cour EDH, 8 décembre 2020, Rotaru c. République de Moldavie (CE:ECHR:2020:1208JUD002676412, § 31 et jurisprudence citée).

( 185 ) Voir, notamment, Thym, D., et Bornemann, J., « Schengen and Free Movement Law During the First Phase of the COVID-19 Pandemic : Of Symbolism, Law and Politics », European Papers, vol. 5, no 3, 2020, p. 1164 et 1165.

( 186 ) Voir, par analogie, en ce qui concerne la catégorie des voyages liés à des « raisons familiales impératives », communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil, du 28 octobre 2020, « COVID-19 – Orientations relatives aux personnes exemptées de la restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE en ce qui concerne la mise en œuvre de la recommandation (UE) 2020/912 du Conseil du 30 juin 2020 » [COM(2020) 686 final], p. 8.

( 187 ) Voir, pour une appréciation similaire au regard de la CEDH, McBride, J., « An Analysis of COVID-19 Responses and ECHR Requirements », ECHR blog, 27 mars 2020 (disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.echrblog.com/2020/03/an-analysis-of-covid-19-responses-and.html).

( 188 ) Voir, notamment, Commission européenne, 16 mars 2020, « COVID-19 – Lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé publique et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels, point 21.

( 189 ) Voir point 4 des présentes conclusions.

( 190 ) En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du code frontières Schengen, aux fins de ce code, la notion de « frontières intérieures » désigne « a) les frontières terrestres communes, y compris fluviales et lacustres, des États membres ; b) les aéroports des États membres pour les vols intérieurs ; c) les ports maritimes, fluviaux et lacustres des États membres pour les liaisons régulières intérieures de transbordeur [...] ».

( 191 ) Ainsi que l’Islande et la Norvège, si cela devait s’avérer pertinent aux fins de l’affaire au principal (voir notes en bas de page 23 et 35 des présentes conclusions).

( 192 ) Il semblerait que l’application des exigences en matière de quarantaine et de tests ne soit pas en cause.

( 193 ) Je rappelle que, aux fins du code frontières Schengen, les aéroports des États membres sont considérés comme des points de passage frontaliers. Voir, à cet égard, les définitions des « frontières intérieures » et des « frontières extérieures » à l’article 2, respectivement paragraphes 1 et 2, de ce code.

( 194 ) D’une part, même en ce qui concerne les trains internationaux, les gares ferroviaires ne sont pas considérées comme des points de passage frontaliers aux fins du code frontières Schengen (voir, à cet égard, les définitions des « frontières intérieures » et des « frontières extérieures » à l’article 2, respectivement paragraphes 1 et 2, de ce code). D’autre part, selon les règles dudit code, des « vérifications aux frontières » doivent être effectuées, sur les passagers des trains qui
franchissent les frontières extérieures, au moment du débarquement (ou de l’embarquement), dans la première gare d’arrivée (ou la dernière gare de départ) sur le territoire d’un État Schengen. Voir annexe VI « Modalités spécifiques relatives aux différents types de frontières et aux moyens de transport utilisés pour le franchissement des frontières extérieures », point 1 (« Frontières terrestres »), point 1.2 (« Vérifications dans le cadre du trafic ferroviaire »).

( 195 ) Il semble que les seules vérifications effectuées de manière systématique concernaient les passagers des trains Eurostar en provenance ou à destination de Londres (Royaume-Uni) embarquant ou débarquant à la gare du Midi à Bruxelles (Belgique). Cependant, ces vérifications ne sont pas pertinentes aux fins de la présente affaire. En effet, ainsi que l’a souligné le gouvernement belge lors de l’audience, elles concernent le franchissement non pas d’une « frontière intérieure », mais des
« frontières extérieures » des États Schengen. Ces trains n’étant bien évidemment pas arrêtés, au milieu du tunnel sous la Manche, à la frontière virtuelle entre la France et le Royaume-Uni, les passagers sont contrôlés avant d’embarquer ou de débarquer à la gare du Midi (voir note en bas de page 193 des présentes conclusions). Le fait que ces trains s’arrêtent parfois sur le territoire des États Schengen entre Bruxelles et Londres est dénué de pertinence à cet égard. En fait, un régime spécifique
s’applique en la matière, en vertu duquel les passagers embarquant dans ces trains, par exemple à Lille (France) vers Bruxelles, sont soumis à des « vérifications aux frontières » à la gare de destination (voir annexe VI, point 1.2.3, du code frontières Schengen). Je souligne que, s’agissant de ces passagers, les vérifications en question ne sont pas considérées comme étant liées au franchissement de « frontières intérieures ». Au contraire, ces personnes sont considérées, au moyen d’une fiction
juridique, comme ayant franchi les « frontières extérieures » des États Schengen.

( 196 ) Voir, en ce sens, article 23, sous a), iii) et iv), du code frontières Schengen.

( 197 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2017, A (C‑9/16, EU:C:2017:483, points 38 à 40 et jurisprudence citée).

( 198 ) Comme l’indique clairement l’emploi de l’expression « en particulier » à l’article 23, sous a), du code frontières Schengen.

( 199 ) Ces développements pourraient s’avérer, à tout le moins, instructifs pour d’autres affaires dès lors que, comme indiqué dans l’introduction des présentes conclusions, les États membres ont massivement réintroduit le contrôle aux frontières intérieures à différents moments au cours de la pandémie. Voir Member States’ Notifications of the Temporary Reintroduction of Border Control at Internal Borders Pursuant to Article 25 and 28 et seq. of the Schengen Borders Code (disponibles à l’adresse
Internet suivante : https://home-affairs.ec.europa.eu/policies/schengen-borders-and-visa/schengen-area/temporary-reintroduction-border-control_en).

( 200 ) Voir points 155 à 161 des présentes conclusions.

( 201 ) À telle enseigne que son point de vue est, ou du moins a été, apparemment partagé par le Parlement. Voir résolution du Parlement européen du 19 juin 2020 sur la situation de l’espace Schengen au temps de la pandémie de COVID-19 [2020/2640 (RSP)] (JO 2021, C 362, p. 77), point 7.

( 202 ) Ne pas constituer « une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure [ou] la santé publique » (mise en italique par mes soins) est l’une des conditions d’entrée applicables aux ressortissants de pays tiers pour un court séjour sur le territoire des États membres [voir article 6, paragraphe 1, sous e), du code frontières Schengen], qui est, en principe, vérifiée par les gardes-frontières dans le cadre des vérifications « approfondie[s] » aux frontières auxquelles les ressortissants de
pays tiers sont soumis à l’entrée dans l’espace Schengen [voir article 8, paragraphe 3, sous a), vi), de ce code].

( 203 ) Accord entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen le 14 juin 1985 (JO 2000, L 239, p. 13).

( 204 ) JO 2000, L 239, p. 19.

( 205 ) Voir, respectivement, article 2, paragraphe 2, et article 5, paragraphe 1, sous e), de la convention d’application de l’accord de Schengen.

( 206 ) Proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, présentée par la Commission le 26 mai 2004 [COM(2004) 391 final].

( 207 ) Voir article 5, paragraphe 1, sous e), de cette proposition.

( 208 ) Voir article 20, paragraphe 1, article 22, paragraphe 1, et article 24 de cette proposition (mise en italique par mes soins).

( 209 ) Voir résolution législative du Parlement européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes [COM(2004) 391 – C6‑0080/2004 – 2004/0127(COD)] [P6_TA(2005)0247]. Cet amendement remonte à une proposition faite par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. Voir commission des libertés civiles, de la justice et des affaires
intérieures, 14 avril 2005, amendements 138 à 198, projet de rapport, Michael Cashman, Doc no PE 355.529v01‑00, p. 20, amendement 171 (« [...] Il existe [...] une différence entre le fait de refuser l’entrée d’une personne en raison de “menaces à la santé publique” et le fait de réintroduire pour la même raison des contrôles aux frontières intérieures, qui concerneraient toutes les personnes souhaitant franchir cette frontière. Si, dans le premier cas, il y a un avantage évident à ajouter les
“menaces à la santé publique” aux motifs de refus [...], ce n’est pas vraiment le cas en ce qui concerne la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures : en cas d’épidémie d’une telle maladie sur le territoire d’un État membre, les mesures appropriées et proportionnées seraient par exemple la mise en quarantaine des personnes atteintes, voire l’interdiction de l’accès à un hôpital ou à quelques bâtiments »).

( 210 ) Voir, pour le même point de vue, Commission européenne, 16 mars 2020, « COVID‑19 – Lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé publique et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels », point 18.

( 211 ) Voir, notamment, arrêts du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, EU:C:1974:133, point 18), et du 4 octobre 2012, Byankov (C‑249/11, EU:C:2012:608, point 40).

( 212 ) Voir, en ce sens, point 81 des présentes conclusions. Voir également Lebœuf, L., « La fermeture des frontières de l’Union pour motifs de santé publique : la recherche d’une approche coordonnée », dans Dubout, E., et Picod, F. (dir.), Coronavirus et droit de l’Union européenne, Bruylant, 2021, p. 223 à 239 ; van Eijken, H., et Rijpma, J. J., « Stopping a Virus from Moving Freely : Border Controls and Travel Restrictions in Times of “Corona” », Utrecht Law Review, vol. 17, no 3, 2021, p. 40,
ainsi que Thym, D., et Bornemann, J., « Schengen and Free Movement Law During the First Phase of the COVID-19 Pandemic : Of Symbolism, Law and Politics », European Papers, vol. 5, no 3, 2020, p. 1148 et 1149.

( 213 ) Il est évident que l’amendement a été initialement proposé pour la raison indiquée à la note en bas de page 208 des présentes conclusions. Il n’est cependant pas certain que les différents membres du Parlement et du Conseil ont accepté l’amendement pour cette raison. Ils ont très bien pu considérer qu’une référence à la « santé publique » n’était pas nécessaire dès lors qu’une crise de santé publique suffisamment grave pour justifier la réintroduction des vérifications aux frontières serait
couverte par les motifs d’« ordre public ».

( 214 ) La même interprétation figure, en substance, dans la récente proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/399 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, du 14 décembre 2021 [COM(2021) 891 final]. La Commission y propose de préciser que « [s]ont notamment réputé[e]s créer une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure [...] les urgences de santé publique de grande
ampleur » [voir considérant 28 et article 25, paragraphe 1, sous b), de cette proposition de règlement].

( 215 ) L’article 25, paragraphe 2, de ce code indique que la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures ne peut être qu’une mesure de « dernier recours », tandis que l’article 26 dispose que les autorités publiques doivent vérifier « la mesure dans laquelle cette réintroduction est susceptible de remédier correctement à la menace pour l’ordre public ou la sécurité intérieure » et « la proportionnalité de la mesure par rapport à cette menace ». Ces conditions correspondent, selon moi, aux
critères classiques de proportionnalité que sont le caractère approprié, la nécessité et la proportionnalité stricto sensu.

( 216 ) Voir points 139 à 144 des présentes conclusions.

( 217 ) Voir, pour une analyse détaillée à cet égard, Commission européenne, Direction générale de la politique régionale et urbaine, Peyrony, J., Rubio, J., et Viaggi, R., The Effects of COVID-19 Induced Border Closures on Cross-Border Regions : An Empirical Report Covering the Period March to June 2020, Office des publications de l’Union européenne, 2021.

( 218 ) Voir communications de la Commission européenne, du 24 mars 2020, sur la mise en œuvre des voies réservées prévues par les lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé publique et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels (JO 2020, C 96 I, p. 1), et du 30 mars 2020, « Lignes directrices concernant l’exercice de la libre circulation des travailleurs pendant l’épidémie de COVID-19 » (JO 2020, C 102 I, p. 12).

( 219 ) Voir, notamment, Heinikoski, S., « COVID-19 Bends the Rules on Internal Border Controls : Yet Another Crisis Undermining the Schengen Acquis ? », FIIA Briefing Paper, 281, avril 2020.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-128/22
Date de la décision : 07/09/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel.

Renvoi préjudiciel – Directive 2004/38/CE – Articles 27 et 29 – Mesures restreignant la libre circulation des citoyens de l’Union pour des raisons de santé publique – Mesures de portée générale – Réglementation nationale prévoyant l’interdiction de sortir du territoire national pour effectuer des voyages non essentiels vers des États membres classés en zones à haut risque dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ainsi que l’obligation pour tout voyageur entrant sur le territoire national au départ de l’un de ces États membres de se soumettre à des tests de dépistage et d’observer une quarantaine – Code frontières Schengen – Article 23 – Exercice des compétences de police en matière de santé publique – Équivalence avec l’exercice des vérifications aux frontières – Article 25 – Possibilité de réintroduction de contrôles aux frontières intérieures dans le contexte de la pandémie de COVID-19 – Contrôles effectués dans un État membre dans le cadre de mesures d’interdiction de franchissement des frontières aux fins d’effectuer des voyages non essentiels au départ ou à destination d’États de l’espace Schengen classés en zones à haut risque dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Citoyenneté de l'Union

Contrôles aux frontières

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Droit d'établissement

Libre prestation des services

Principes, objectifs et mission des traités

Libre circulation des travailleurs


Parties
Demandeurs : Nordic Info BV
Défendeurs : Belgische Staat.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:645

Source

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