La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2023 | CJUE | N°C-265/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, ZR et PI contre Banco Santander, SA., 13/07/2023, C-265/22


 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

13 juillet 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire – Clause prévoyant un taux d’intérêt variable – Indice de référence fondé sur les taux annuels effectifs globaux (TAEG) des prêts hypothécaires accordés par des établissements de crédit – Indice établi par un acte réglementaire ou administratif – Indications figurant dans le préambule de cet ac

te – Contrôle relatif à l’exigence
de transparence – Appréciation du caractère abusif »

Dans l’affaire ...

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

13 juillet 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire – Clause prévoyant un taux d’intérêt variable – Indice de référence fondé sur les taux annuels effectifs globaux (TAEG) des prêts hypothécaires accordés par des établissements de crédit – Indice établi par un acte réglementaire ou administratif – Indications figurant dans le préambule de cet acte – Contrôle relatif à l’exigence
de transparence – Appréciation du caractère abusif »

Dans l’affaire C‑265/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n. 17 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance no 17 de Palma de Majorque, Espagne), par décision du 19 avril 2022, parvenue à la Cour le 20 avril 2022, dans la procédure

ZR,

PI

contre

Banco Santander SA,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, M. J.‑C. Bonichot et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mars 2023,

considérant les observations présentées :

– pour PI et ZR, par Mes F. Fuster-Fabra Toapanta et A. Rebollo Redondo, abogados,

– pour Banco Santander SA, par Mes J. M. Rodríguez Cárcamo et A. M. Rodríguez Conde, abogados,

– pour le gouvernement espagnol, par M. A. Ballesteros Panizo, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme S. Pardo Quintillán et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, des articles 5 et 7 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil
(« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22), ainsi que, d’autre part, de l’article 3, paragraphe 1, des articles 4 et 5 ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ZR et PI à Banco Santander SA au sujet de la validité de la clause de révision périodique du taux d’intérêt applicable à un prêt hypothécaire octroyé à ZR et à PI par le prédécesseur en droit de Banco Santander.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 93/13

3 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

4 L’article 4 de cette directive prévoit :

« 1.   Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.   L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

5 L’article 5 de ladite directive est rédigé comme suit :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7, paragraphe 2. »

La directive 2005/29

6 Conformément à l’article 19 de la directive 2005/29, les États membres devaient avoir adopté et publié au plus tard le 12 juin 2007 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci, et en informer immédiatement la Commission européenne. Ces dispositions devaient être applicables au plus tard le 12 décembre 2007.

Le droit espagnol

7 Aux termes de l’article 1258 du Código civil (code civil) :

« Le contrat est parfait par le seul consentement des parties et oblige non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la bonne foi, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. »

8 La directive 93/13 a été transposée dans le droit espagnol par la ley 7/1998, sobre condiciones generales de la contratación (loi 7/1998, relative aux conditions générales des contrats), du 13 avril 1998 (BOE no 89, du 14 avril 1998, p. 12304).

9 L’article 7 de cette loi dispose :

« Les conditions générales suivantes sont réputées ne pas figurer dans le contrat :

a) celles dont le consommateur n’a pas eu réellement l’occasion de prendre intégralement connaissance au moment de la conclusion du contrat ou qui n’ont pas été signées, le cas échéant, aux termes de l’article 5 ;

b) celles qui sont illisibles, ambiguës, obscures et incompréhensibles, sauf, dans le cas de ces dernières, lorsque la partie adhérente les a expressément acceptées par écrit et lorsqu’elles respectent la réglementation spécifique relative à la transparence des clauses contractuelles dans ce domaine. »

10 Aux termes de l’article 8 de ladite loi :

« 1.   Sont nulles de plein droit les conditions générales qui, au préjudice de la partie adhérente, contreviennent aux dispositions de la présente loi ou de toute autre règle impérative ou prohibitive, à moins que celles-ci ne sanctionnent différemment leur violation.

2.   En particulier, sont nulles les conditions générales abusives dans les contrats conclus avec un consommateur [...] »

11 La ley 3/1991, de Competencia Desleal (loi 3/1991, sur la concurrence déloyale), du 10 janvier 1991 (BOE no 10, du 11 janvier 1991, p. 628), dispose, à son article 4, paragraphe 1 :

« Un comportement est réputé déloyal s’il est objectivement contraire aux exigences de la bonne foi.

Dans les relations avec des consommateurs ou des usagers, le comportement d’un professionnel est contraire aux exigences de la bonne foi s’il contrevient aux règles de la diligence professionnelle, entendue comme le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve conformément aux pratiques de marché honnêtes, et s’il altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen ou du membre
moyen du groupe auquel la pratique s’adresse, s’il s’agit d’une pratique commerciale ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

Aux fins de la présente loi, on entend par comportement économique du consommateur ou de l’usager toute décision par laquelle le consommateur ou l’usager choisit d’agir ou de s’abstenir d’agir en relation avec :

a) La sélection d’une offre ou d’un fournisseur.

b) L’acquisition d’un bien ou d’un service ainsi que, le cas échéant, les modalités et les conditions de cette acquisition.

c) Le paiement du prix, en tout ou en partie, ou toute autre forme de paiement.

[...] »

12 L’article 7 de cette loi, intitulé « Omissions trompeuses », est libellé comme suit :

« 1.   Est réputée déloyale l’omission ou la dissimulation d’informations nécessaires pour que le destinataire prenne ou puisse prendre une décision concernant son comportement économique en toute connaissance de cause. Elle est également déloyale si les informations fournies sont peu claires, inintelligibles, ambiguës ou à contretemps, ou si le but commercial de cette pratique n’est pas divulgué, dès lors que celui-ci ne ressort pas du contexte.

2.   Pour déterminer le caractère trompeur des actes visés au paragraphe précédent, il est tenu compte du contexte factuel dans lequel ils se produisent, notamment de toutes leurs caractéristiques et circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé. »

13 Le Banco de España (Banque d’Espagne) a adopté la circular 8/1990, a entidades de crédito, sobre transparencia de las operaciones y protección de la clientela (circulaire 8/1990, à l’attention des établissements de crédit, relative à la transparence des opérations et à la protection des clients), du 7 septembre 1990 (BOE no 226, du 20 septembre 1990, p. 27498). Celle-ci a été modifiée, notamment, par la circular 5/1994, a entidades de crédito (circulaire 5/1994, à l’attention des établissements
de crédit), du 22 juillet 1994 (BOE no 184, du 3 août 1994, p. 25109). Après sa modification par la circulaire 5/1994, la circulaire 8/1990 établissait certains indices ou taux de référence officiels pour les prêts hypothécaires. Parmi ceux-ci figuraient divers taux moyens de prêts hypothécaires d’une durée supérieure à trois ans, destinés à l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé (ci‑après les « IRPH »), dont celui relatif aux prêts accordés par les banques (ci-après l’« IRPH
des banques ») et celui relatif aux prêts accordés par l’ensemble des établissements de crédit (ci-après l’« IRPH des établissements de crédit »).

14 Le préambule de la circulaire 5/1994, circulaire modificative visée au point précédent, contenait le passage suivant :

« Les taux de référence sélectionnés sont, en dernière analyse, des [taux annuels effectifs globaux (TAEG)]. Les taux moyens des prêts hypothécaires accordés par les banques et l’ensemble des établissements pour l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé constituent, à proprement parler, des TAEG, puisqu’ils incluent en outre l’effet des commissions. Aussi, les utiliser directement et simplement comme taux contractuels impliquerait de placer le [TAEG] de l’opération hypothécaire
au-dessus du taux pratiqué sur le marché. Pour aligner le TAEG de cette opération sur celui du marché, il serait nécessaire d’appliquer un différentiel négatif, dont la valeur varierait en fonction des commissions de l’opération et de la fréquence des versements. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 Le 12 mai 2006, ZR et PI, d’une part, et le prédécesseur en droit de Banco Santander, d’autre part, ont conclu un contrat de prêt hypothécaire portant sur la somme de 197934,54 euros.

16 Conformément à l’article 3 bis de ce contrat (ci-après la « clause litigieuse »), le taux d’intérêt est variable, un nouveau taux devant être déterminé à l’issue de chaque période de douze mois, pour les douze mois suivants, et ce jusqu’au terme dudit contrat. Le nouveau taux d’intérêt est fixé par rapport à un « taux de référence », à savoir l’IRPH des établissements de crédit, majoré de 0,20 point de pourcentage, ou à un « taux de référence de substitution », à savoir l’IRPH des banques, majoré
de 0,50 point de pourcentage.

17 Le paragraphe 3 de la clause litigieuse définit le taux de référence comme suit :

« Le taux de référence est [l’IRPH des établissements de crédit], défini comme la moyenne simple des taux d’intérêt moyens pondérés par le capital des opérations de prêt assorties d’une garantie hypothécaire d’une durée égale ou supérieure à trois ans visant à l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé, opérations que l’ensemble des [entités, à savoir les] banques, les caisses d’épargne et les sociétés de crédit hypothécaire ont initiées ou renouvelées pendant le mois de
référence de l’indice, en prenant comme référence le dernier de ces taux moyens qui est publié dans le [BOE] par la Banque d’Espagne avant le début de chaque nouvelle période d’intérêts et au cours des trois mois civils qui la précèdent. »

18 Ce paragraphe 3 définit en des termes analogues le taux de référence de substitution, lequel est applicable en cas d’absence de publication du taux de référence.

19 Il est également précisé dans la clause litigieuse que le taux de référence et le taux de référence de substitution sont décrits dans l’annexe VIII de la circulaire 8/1990.

20 Le 13 février 2020, ZR et PI ont saisi le Juzgado de Primera Instancia n. 17 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance no 17 de Palma de Majorque, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, d’une demande visant à faire constater la nullité de la clause litigieuse en raison de son caractère abusif et à faire condamner Banco Santander à la réparation du préjudice qu’ils auraient subi du fait de l’application de cette clause.

21 ZR et PI font valoir devant cette juridiction que le fait que la clause litigieuse renvoie, pour la révision annuelle du taux d’intérêt de leur prêt, à des IRPH, tout en prévoyant une faible majoration de ceux-ci, à savoir 0,20 point de pourcentage s’il s’agit de l’IRPH des établissements de crédit ou 0,50 point de pourcentage s’il s’agit de l’IRPH des banques, est trompeur. En effet, une telle présentation, consistant en une majoration relativement limitée, inciterait les candidats emprunteurs à
conclure un prêt dont le taux est révisable par référence à un IRPH plutôt que par référence au taux moyen du marché interbancaire européen (ci-après l’« indice Euribor »), alors que, avec une majoration nettement plus importante, même de l’ordre de 2 %, une référence à l’indice Euribor aboutirait à l’application d’un taux d’intérêt révisé moindre. Cela découlerait du fait que, contrairement à l’indice Euribor, les IRPH seraient calculés sur la base de taux prenant en compte des commissions.
Selon les requérants au principal, le préjudice qu’ils ont subi du fait de l’application de la clause litigieuse s’élève à 39799,25 euros.

22 La défenderesse au principal conteste ladite demande en ce qui concerne tant l’affirmation du caractère abusif de la clause litigieuse que l’évaluation du dommage allégué. Elle soutient également que cette clause a été négociée individuellement et qu’elle est légale en son principe, les IRPH constituant des indices officiels et publics, et donc accessibles aux consommateurs, ces derniers pouvant dès lors connaître les données pertinentes quant à leur mode de calcul et à leur évolution historique
en se référant aux données figurant dans le contrat en cause au principal.

23 Au cours de la procédure devant la juridiction de renvoi, les requérants au principal ont fait valoir en outre que la nullité de la clause litigieuse devait être constatée du fait que celle-ci, dès lors qu’elle désignait un IRPH comme taux de référence pour les révisions périodiques du taux d’intérêt du prêt concerné, aurait dû prévoir l’application d’un différentiel négatif, ainsi que l’exigerait la circulaire 5/1994, et non d’un différentiel positif.

24 La juridiction de renvoi souligne que le préambule de la circulaire 5/1994 n’a pas de valeur normative. Toutefois, elle considère qu’il témoigne de ce que l’autorité administrative qui est l’auteur de cette circulaire estimait que la commercialisation de produits incluant une référence à un IRPH devrait s’accompagner de l’application d’un différentiel négatif.

25 Quant à la présentation de la clause litigieuse, la juridiction de renvoi relève que le contrat en cause au principal ne fait pas état des indications figurant dans ce préambule concernant l’application d’un différentiel négatif aux IRPH afin de les aligner sur le taux du marché.

26 Quant aux effets de la clause litigieuse, cette juridiction souligne que la référence à un IRPH est intrinsèquement défavorable aux emprunteurs, dans la mesure où un tel indice est constitué d’une moyenne des taux d’intérêt de l’ensemble des opérations de prêt concernées en cours, ces taux étant déjà constitués pour partie de commissions et de majorations.

27 En conséquence, la juridiction de renvoi considère que l’absence d’information donnée aux emprunteurs quant au contenu du préambule de la circulaire 5/1994, et donc sur les caractéristiques des IRPH, mais aussi, plus généralement, sur les niveaux respectifs des IRPH et de l’indice Euribor, pourrait être contraire à la bonne foi et génératrice d’un déséquilibre au détriment des consommateurs, justifiant de qualifier la clause litigieuse d’abusive.

28 Par ailleurs, elle estime que l’absence d’information quant au contenu du préambule de la circulaire 5/1994, combinée avec l’application d’un différentiel positif légèrement inférieur à ceux appliqués pour les prêts dont les taux sont fixés par référence à l’indice Euribor, pourrait constituer un stratagème commercial, destiné à donner l’impression que la charge d’intérêts sera avantageuse. Au contraire, la communication aux candidats emprunteurs de l’information figurant dans le préambule de la
circulaire 5/1994 permettrait à ceux-ci de prendre une décision éclairée.

29 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi envisage la possibilité que l’inclusion de la clause litigieuse dans le contrat de prêt en cause au principal soit considérée comme une pratique commerciale déloyale, au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 2005/29, car elle altérerait ou serait susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen du fait de l’absence d’information concernant la nécessité d’appliquer un différentiel
négatif lorsque le taux de référence est un IRPH. À cet égard, elle relève que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’existence d’une pratique commerciale déloyale, au sens de la directive 2005/29, en rapport avec une clause contractuelle constitue un élément d’appréciation du caractère abusif de cette clause.

30 Dans ces circonstances, le Juzgado de Primera Instancia n. 17 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance no 17 de Palma de Majorque) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Eu égard au fait que l’élaboration de [l’IRPH des établissements de crédit] inclut les commissions et les différentiels [appliqués] aux taux nominaux, de telle sorte qu’[il] représent[e] une charge plus lourde pour le consommateur que les autres TAEG sur le marché, et compte tenu du fait que, selon [...] la circulaire 5/1994 [...] – qui constitue le critère normatif de l’organisme de contrôle –, ces différentiels doivent être négatifs, exigence qui a été omise et largement ignorée par les
entités financières, le fait de s’écarter complètement du critère normatif de l’organisme de contrôle est-il contraire aux articles 5 et 7 de la directive [2005/29] ?

2) S’il est établi que le fait de s’écarter du critère normatif susmentionné est contraire aux articles 5 et 7 de la directive [2005/29], conformément à la jurisprudence de la Cour [...] dans l’affaire C‑689/20, cette pratique déloyale constitue‑t‑elle un élément d’appréciation et d’évaluation du caractère abusif de la clause, et est-elle contraire aux articles 3 et 4 de la directive 93/13 [...] ?

3) Si la circulaire 5/1994 [...], spécifique au secteur financier, mais qui n’est pas connue du grand public, n’a nullement été prise en considération et qu’il est constaté que cette omission est contraire à l’article 7 de la directive [2005/29], ladite omission constitue‑t‑elle un élément d’appréciation du caractère abusif aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, et, le cas échéant, l’indice [IRPH], qui est composé “d’un indice de référence et d’un différentiel”, doit-il
faire l’objet d’un contrôle de transparence ?

4) L’article 3, paragraphe 1, et les articles 4 et 5 de la directive [93/13] s’opposent-t-il à une jurisprudence nationale [selon laquelle] l’absence d’application d’un différentiel négatif à l’IRPH [n’est pas] une pratique abusive, malgré l’obligation en ce sens imposée par le préambule de la circulaire [5/1994] et le fait que [les prêts dont le taux variable est déterminé par référence à] l’IRPH, qui est moins avantageux que tous les TAEG existants, ai[en]t été commercialisé[s] comme [des]
produit[s] aussi avantageux que [les prêts dont le taux variable est déterminé par référence à] l’[indice] Euribor, sans tenir compte de la nécessité [d’appliquer à l’IRPH] un différentiel négatif, de sorte qu’il serait possible de faire cesser les effets des clauses prévoyant [une telle] application [de l’IRPH] dans le[s] contrat[s concernés], en raison de leur nullité, d’amener les entités bancaires à s’abstenir de l’utiliser à l’avenir, puisque la commercialisation de ce service [auprès de]
consommateurs vulnérables peut affecter leur comportement économique, et de déclarer que ces clauses sont exclues des contrats commerciaux en raison de leur caractère déloyal, compte tenu du fait qu’elles ont été introduites [pour la détermination] des [taux d’intérêt] en violation de la directive [2005/29] ?

5) L’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13] s’oppose-t-il à l’absence de contrôle d’inclusion et du caractère abusif [d’une clause prévoyant que le taux d’intérêt variable d’un contrat de prêt est déterminé par référence à l’IRPH] dans le cas d’un différentiel imposé de manière dissimulée, alors qu’un différentiel négatif doit être appliqué dans l’offre soumise par une entité bancaire et que le consommateur ne parvient pas à connaître le fonctionnement économique des intérêts appliqués
à son contrat de prêt lors de la phase d’information précontractuelle, ce qui est contraire à la directive [2005/29] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité des première à troisième et cinquième questions

31 Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la compatibilité avec les articles 5 et 7 de la directive 2005/29 d’un contrat de prêt à taux variable conclu entre un professionnel et un consommateur, dont la clause établissant les modalités de révision périodique du taux d’intérêt prend pour référence un indice officiel auquel une majoration est appliquée, en s’écartant ainsi des indications contenues dans l’acte par lequel l’autorité compétente a instauré
cet indice, lesquelles précisaient au contraire que, compte tenu de son mode de calcul, il serait nécessaire d’appliquer un différentiel négatif pour aligner le TAEG du prêt sur celui du marché.

32 Par ses deuxième et troisième questions, cette juridiction demande certaines précisions dans l’hypothèse où la première question recevrait une réponse négative.

33 Enfin, par sa cinquième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dans le contexte de la conclusion d’un contrat de prêt dont le taux d’intérêt est présenté de manière trompeuse, ne respectant pas les exigences de la directive 2005/29.

34 Il est de jurisprudence constante que les questions portant sur le droit de l’Union posées par le juge national bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la
Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 26 et jurisprudence citée].

35 À cet effet, pour permettre à la Cour de fournir une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national, la demande de décision préjudicielle doit, conformément à l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour, contenir l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale
applicable au litige au principal [arrêt du 26 janvier 2023, Ministerstvo na vatreshnite raboti (Enregistrement de données biométriques et génétiques par la police), C‑205/21, EU:C:2023:49, point 55 et jurisprudence citée].

36 Les première à troisième et cinquième questions posées supposent que la directive 2005/29 soit applicable au litige au principal.

37 À cet égard, il convient de rappeler qu’une règle de droit nouvelle s’applique à compter de l’entrée en vigueur de l’acte qui l’instaure et que, si elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l’empire de la loi ancienne, elle s’applique aux effets futurs de celles-ci ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Il n’en va autrement, et sous réserve du principe de non‑rétroactivité des actes juridiques, que si la règle nouvelle est accompagnée de
dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d’application dans le temps (arrêts du 16 décembre 2010, Stichting Natuur en Milieu e.a., C‑266/09, EU:C:2010:779, point 32, ainsi que du 26 mars 2015, Commission/Moravia Gas Storage, C‑596/13 P, EU:C:2015:203, point 32).

38 Ainsi, en ce qui concerne plus particulièrement les directives, ce ne sont, en règle générale, que les situations juridiques acquises postérieurement à l’expiration du délai de transposition d’une directive qui relèvent, ratione temporis, du champ d’application de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2019, E.B., C‑258/17, EU:C:2019:17, point 53 et jurisprudence citée).

39 Or, conformément à l’article 19 de la directive 2005/29, les États membres devaient avoir adopté et publié au plus tard le 12 juin 2007 les dispositions nécessaires pour se conformer à celle-ci et ces dispositions devaient être appliquées au plus tard le 12 décembre suivant.

40 En pratique, le Royaume d’Espagne et la Commission ont indiqué lors de l’audience que la directive 2005/29 avait finalement été transposée dans le droit espagnol par la ley 29/2009, por la que se modifica el régimen legal de la competencia desleal y de la publicidad para la mejora de la protección de los consumidores y usuarios (loi 29/2009, modifiant le régime légal de la concurrence déloyale et de la publicité aux fins de l’amélioration de la protection des consommateurs et des usagers), du
30 décembre 2009 (BOE no 315, du 31 décembre 2009, p. 11039).

41 Il résulte de ce qui précède que la directive 2005/29 n’était pas applicable à la date de conclusion du contrat en cause au principal, intervenue le 12 mai 2006.

42 En conséquence, l’interprétation de cette directive est sans rapport avec la solution du litige au principal, de telle sorte que les première à troisième questions ainsi que, pour partie, la cinquième question, qui portent, directement ou indirectement, sur cette interprétation, sont irrecevables.

43 S’agissant de la cinquième question, en tant que celle-ci porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, la demande de décision préjudicielle n’apporte pas les éléments requis par l’article 94, sous c), du règlement de procédure, destinés à permettre à la Cour de répondre utilement à la juridiction de renvoi, dès lors que cette demande n’expose pas les raisons qui ont conduit cette juridiction à s’interroger sur l’interprétation de ladite disposition.

44 En conséquence, la cinquième question est également intégralement irrecevable.

Sur la quatrième question

45 Par la quatrième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 3, paragraphe 1, ainsi que les articles 4 et 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une jurisprudence nationale selon laquelle n’est pas abusive une clause d’un contrat de prêt à taux variable prenant comme indice de référence un IRPH en lui appliquant une majoration, en dépit des indications figurant dans le préambule de la circulaire 5/1994.

46 À titre liminaire, il convient de relever que, premièrement, la décision de renvoi ne contient pas d’informations quant au contenu précis de la jurisprudence nationale visée dans cette question, de telle sorte que la Cour ne dispose pas des éléments nécessaires pour formuler une réponse en fonction de cette jurisprudence.

47 Deuxièmement, il résulte des développements contenus dans la décision de renvoi que ladite question concerne non seulement le fait que la clause litigieuse ne prévoit pas l’application d’un différentiel négatif à l’IRPH désigné comme indice de référence afin de tenir compte des effets du mode de calcul des IRPH tels que décrits dans le préambule de la circulaire 5/1994, mais également l’absence d’information donnée aux emprunteurs pendant la phase précontractuelle quant à l’existence et au
contenu de ces indications, ce qui est corroboré notamment par la mention de l’article 5 de la directive 93/13, disposition qui porte sur l’exigence de transparence.

48 Enfin, troisièmement, il résulte également de ces développements que, d’une part, la clause litigieuse renvoie à la circulaire 8/1990 en tant que cette dernière décrit les IRPH à son annexe VIII et, d’autre part, que le préambule contenant les indications relatives aux effets du mode de calcul des IRPH figure non pas dans cette circulaire, mais dans la circulaire 5/1994, ces circulaires ayant toutes deux fait l’objet d’une publication officielle.

49 Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que, par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, ainsi que les articles 4 et 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’est pertinente pour apprécier la transparence et le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable qui désigne comme indice de référence, pour la révision périodique du taux d’intérêt applicable à ce
prêt, un indice établi par une circulaire ayant fait l’objet d’une publication officielle, auquel est appliquée une majoration, la teneur des informations contenues dans une autre circulaire, faisant état de la nécessité d’appliquer à cet indice, compte tenu de son mode de calcul, un différentiel négatif en vue d’aligner ledit taux d’intérêt sur le taux du marché.

50 Il importe de préciser que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la compétence de cette dernière en la matière porte sur l’interprétation des notions de la directive 93/13 ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de celle-ci, étant entendu qu’il appartient à ce juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en
fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Constructora Principado, C‑226/12, EU:C:2014:10, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 52 et jurisprudence citée).

51 S’agissant, en premier lieu, de l’exigence de transparence des clauses contractuelles, telle qu’elle résulte de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 5 de la directive 93/13, il convient de rappeler que l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences de cette conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur le fondement de cette information que ce dernier décide s’il souhaite être lié par les
conditions rédigées préalablement par le professionnel (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

52 En conséquence, et dès lors que le système de protection mis en œuvre par cette directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence doit être entendue de manière extensive (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

53 Concrètement, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible implique que, dans le cas des contrats de prêt, les établissements financiers fournissent aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 51). À cet égard, il incombe au juge national,
lorsqu’il tient compte de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion d’un contrat, de vérifier qu’ont été communiqués au consommateur concerné l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement et qui lui permettent d’évaluer celle-ci, notamment en ce qui concerne le coût total de l’emprunt (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

54 Jouent un rôle décisif dans cette appréciation, d’une part, la question de savoir si les clauses sont rédigées de manière claire et compréhensible, de telle sorte qu’elles permettent à un consommateur moyen, à savoir un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, d’évaluer un tel coût, et, d’autre part, la mention ou l’absence de mention, dans le contrat de crédit, des informations considérées, au regard de la nature des biens ou des services qui font l’objet de ce
contrat, comme étant essentielles (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

55 En ce qui concerne plus particulièrement une clause prévoyant, dans le cadre d’un contrat de prêt hypothécaire, une rémunération de ce prêt au moyen d’intérêts calculés sur la base d’un taux variable établi, comme dans l’affaire au principal, par référence à un indice officiel, l’exigence de transparence doit s’entendre comme imposant, notamment, qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode
de calcul de ce taux et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 51 et jurisprudence citée).

56 Parmi les éléments pertinents qu’il incombe au juge national de prendre en considération lorsqu’il effectue les vérifications nécessaires à cet égard figurent non seulement la teneur de l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation du contrat de prêt concerné, mais également la circonstance que les éléments principaux relatifs au calcul de l’indice de référence sont aisément accessibles, en raison de leur publication (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral
Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, points 52, 53 et 56).

57 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, d’une part, l’indice de référence en cause au principal a été établi par la circulaire 8/1990, laquelle a fait l’objet d’une publication au Boletín Oficial del Estado. D’autre part, il est précisé dans la clause litigieuse que cet indice est décrit dans l’annexe VIII de cette circulaire et que cette dernière émane de la Banque d’Espagne.

58 Il incombe à la juridiction de renvoi de s’assurer que les informations ainsi fournies étaient suffisantes pour permettre à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de prendre effectivement connaissance des modalités de calcul de l’indice de référence visé dans la clause litigieuse.

59 S’agissant de la question de savoir si la prise de connaissance effective des modalités de calcul de l’indice de référence visé dans la clause litigieuse, figurant à l’annexe VIII de la circulaire 8/1990, était suffisante pour permettre à un consommateur moyen de les comprendre et d’appréhender leurs conséquences économiques sans que soient également portées à sa connaissance les informations figurant dans le préambule de la circulaire 5/1994, il y a lieu, pour la juridiction de renvoi, de tenir
compte de l’importance, pour ce consommateur, de celles-ci pour évaluer correctement les conséquences économiques de la conclusion du contrat de prêt hypothécaire en cause au principal. À cet égard, constitue un indice pertinent de l’utilité de telles informations pour le consommateur le fait que l’institution auteur de la circulaire 5/1994 ait estimé opportun, par ce préambule, d’attirer l’attention des établissements de crédit concernant le niveau des IRPH par rapport au taux du marché et la
nécessité d’appliquer un différentiel négatif pour les aligner sur ce taux.

60 Est également pertinent pour l’appréciation de la juridiction de renvoi la circonstance que ces informations, bien qu’ayant été publiées au Boletín Oficial del Estado, figurent dans le préambule de la circulaire 5/1994, et non dans la circulaire établissant l’indice de référence contractuel, à laquelle renvoyait la clause litigieuse, à savoir la circulaire 8/1990. Il appartient, en particulier, à cette juridiction de vérifier si l’obtention desdites informations supposait l’accomplissement d’une
démarche qui, relevant déjà de la recherche juridique, ne pouvait être raisonnablement attendue d’un consommateur moyen.

61 En second lieu, s’agissant de l’appréciation du caractère éventuellement abusif d’une clause telle que la clause litigieuse, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose qu’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

62 À cet égard, il y a lieu de relever à titre liminaire qu’il ressort de la décision de renvoi que la défenderesse au principal soutient que la clause litigieuse a fait l’objet d’une négociation individuelle. Il appartient à la juridiction de renvoi de se prononcer à cet égard, en prenant en considération les règles relatives à la répartition de la charge de la preuve énoncées à l’article 3, paragraphe 2, premier et troisième alinéas, de la directive 93/13, lesquelles prévoient notamment que, si le
professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

63 Dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, il lui incombe d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du
consommateur, au sens de cette disposition (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

64 Afin de préciser ces notions, il convient de rappeler, d’une part, quant à la question de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé « en dépit de l’exigence de bonne foi », que, eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, le juge national doit vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle (arrêt du
26 janvier 2017, Banco Primus, C‑421/14, EU:C:2017:60, point 60 et jurisprudence citée).

65 D’autre part, afin de déterminer si une clause crée, au détriment du consommateur, un « déséquilibre significatif » entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, il y a lieu, notamment, de tenir compte des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties, de manière à évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure ce contrat place ce consommateur dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national en vigueur
(voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C‑421/14, EU:C:2017:60, point 59). S’agissant d’une clause relative au calcul des intérêts relatifs à un contrat de prêt, il est également pertinent de comparer le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le montant effectif de ce taux en résultant, avec les modes de calcul habituellement retenus et le taux d’intérêt légal ainsi que les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion du
contrat en cause au principal pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux du contrat de prêt considéré (arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C‑421/14, EU:C:2017:60, point 65).

66 Il convient également de rappeler que le caractère transparent d’une clause contractuelle, tel qu’exigé à l’article 5 de la directive 93/13, constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 49). En revanche, il découle de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive que la circonstance qu’une clause ne soit pas rédigée de manière claire et compréhensible
n’est pas, à elle seule, de nature à lui conférer un caractère abusif (voir, en ce sens, ordonnance du 17 novembre 2021, Gómez del Moral Guasch, C‑655/20, EU:C:2021:943, point 37).

67 Enfin, il y a lieu de tenir compte de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 en tant que celui-ci précise que le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié, notamment, en se référant à toutes les autres clauses du contrat. À cet égard, dès lors que, aux termes du préambule de la circulaire 5/1994, les IRPH incluent l’effet des commissions, il peut être pertinent d’examiner la nature des commissions éventuellement stipulées dans d’autres clauses du contrat en cause au
principal, afin de vérifier s’il existe un risque de double rémunération de certaines prestations du prêteur.

68 Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier la situation en cause au principal en tenant compte des indications mentionnées aux points 51 à 67 du présent arrêt, après avoir vérifié les éléments qui relèvent du cadre factuel de cette affaire et du cadre juridique national.

69 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 3, paragraphe 1, ainsi que les articles 4 et 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’est pertinente pour apprécier la transparence et le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable qui désigne comme indice de référence, pour la révision périodique du taux d’intérêt applicable à ce prêt, un indice établi par
une circulaire ayant fait l’objet d’une publication officielle, auquel est appliquée une majoration, la teneur des informations contenues dans une autre circulaire, faisant état de la nécessité d’appliquer à cet indice, compte tenu de son mode de calcul, un différentiel négatif en vue d’aligner ce taux d’intérêt sur le taux du marché. Est également pertinente la question de savoir si ces informations sont suffisamment accessibles pour un consommateur moyen.

Sur les dépens

70 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

  L’article 3, paragraphe 1, ainsi que les articles 4 et 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,

  doivent être interprétés en ce sens que :

  est pertinente pour apprécier la transparence et le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable qui désigne comme indice de référence, pour la révision périodique du taux d’intérêt applicable à ce prêt, un indice établi par une circulaire ayant fait l’objet d’une publication officielle, auquel est appliquée une majoration, la teneur des informations contenues dans une autre circulaire, faisant état de la nécessité d’appliquer à cet indice, compte
tenu de son mode de calcul, un différentiel négatif en vue d’aligner ce taux d’intérêt sur le taux du marché. Est également pertinente la question de savoir si ces informations sont suffisamment accessibles pour un consommateur moyen.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-265/22
Date de la décision : 13/07/2023

Analyses

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire – Clause prévoyant un taux d’intérêt variable – Indice de référence fondé sur les taux annuels effectifs globaux (TAEG) des prêts hypothécaires accordés par des établissements de crédit – Indice établi par un acte réglementaire ou administratif – Indications figurant dans le préambule de cet acte – Contrôle relatif à l’exigence de transparence – Appréciation du caractère abusif.


Parties
Demandeurs : ZR et PI
Défendeurs : Banco Santander, SA.

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:578

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award