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29/06/2023 | CJUE | N°C-501/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel) contre Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire., 29/06/2023, C-501/22


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

29 juin 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Agriculture et pêche – Organisation commune des marchés – Règlement (UE) no 1308/2013 – Article 164, paragraphes 1 et 4 – Normes de commercialisation – Extension d’un accord interprofessionnel – Accord prévoyant des règles plus strictes que la réglementation de l’Union européenne »

Dans les affaires jointes C‑501/22 à C‑504/22,

ayant pour objet quatre demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE,

introduites par le Conseil d’État (France), par décisions du 22 juillet 2022, parvenues à la Cour le même jour, dans les procédur...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

29 juin 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Agriculture et pêche – Organisation commune des marchés – Règlement (UE) no 1308/2013 – Article 164, paragraphes 1 et 4 – Normes de commercialisation – Extension d’un accord interprofessionnel – Accord prévoyant des règles plus strictes que la réglementation de l’Union européenne »

Dans les affaires jointes C‑501/22 à C‑504/22,

ayant pour objet quatre demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Conseil d’État (France), par décisions du 22 juillet 2022, parvenues à la Cour le même jour, dans les procédures

Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel)

contre

Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. D. Gratsias (rapporteur), M. Ilešič, I. Jarukaitis et Z. Csehi, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour l’Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel), par Mes A. Bouviala, P. Morrier, S. Pelet-Serra et A. Soualem, avocats,

– pour le gouvernement français, par MM. G. Bain et J.-L. Carré, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement hellénique, par Mmes E. Leftheriotou, M. Tassopoulou et A.- E. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme R. Kissné Berta, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. M. Konstantinidis et F. Le Bot, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger les affaires sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 164, paragraphes 1 et 4, du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de quatre litiges opposant l’Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel) au ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (France, ci‑après le « Ministre »), au sujet des refus opposés par ce dernier à quatre demandes d’Interfel tendant à l’extension des quatre accords interprofessionnels conclus par Interfel aux opérateurs non affiliés à cette dernière.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1234/2007

3 L’article 125 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO 2007, L 299, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 361/2008 du Conseil, du 14 avril 2008 (JO 2008 L 121, p. 1) (ci‑après le « règlement no 1234/2007 »), prévoyait :

« Les statuts d’une organisation de producteurs dans le secteur des fruits et légumes obligent les producteurs associés, notamment à :

a) appliquer, en matière de connaissance de la production, de production, de commercialisation et de protection de l’environnement, les règles adoptées par l’organisation de producteurs ;

[...] »

4 L’article 125 septies, paragraphe 1, de ce règlement disposait :

« Dans le cas où une organisation de producteurs dans le secteur des fruits et légumes opérant dans une circonscription économique déterminée est considérée, pour un produit donné, comme représentative de la production et des producteurs de cette circonscription, l’État membre concerné peut, à la demande de l’organisation de producteurs, rendre obligatoires pour les producteurs établis dans cette circonscription économique et non membres de l’organisation de producteurs :

a) les règles visées à l’article 125 bis, paragraphe 1, point a) ;

[...]

Le premier alinéa s’applique à condition que ces règles :

[...]

b) figurent sur la liste limitative établie à l’annexe XVI bis ;

[...] »

5 L’article 125 terdecies dudit règlement énonçait :

« 1.   Dans le cas où une organisation interprofessionnelle opérant dans une ou plusieurs régions déterminées d’un État membre est considérée, pour un produit donné, comme représentative de la production ou du commerce ou de la transformation de ce produit, l’État membre concerné peut, à la demande de cette organisation interprofessionnelle, rendre obligatoires, pour une période de temps limitée et pour d’autres opérateurs, individuels ou non, opérant dans la ou les régions en question et non
membres de cette organisation, certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtés dans le cadre de cette organisation.

[...]

3.   Les règles dont l’extension peut être demandée :

a) portent sur l’un des objets suivants :

[...]

iv) règles de commercialisation ;

[...]

4.   Les règles visées au paragraphe 3, [point] a) [...], iv) [...], ne sont pas autres que celles qui figurent à l’annexe XVI bis. [...] »

6 L’annexe XVI bis du même règlement, intitulée « Liste limitative des règles qui peuvent être étendues aux producteurs non membres conformément aux articles 125 septies et 125 terdecies », contenait un point 3 ainsi libellé :

« 3. Règles de commercialisation

a) dates prévues pour le début de la récolte et échelonnement de la commercialisation ;

b) critères minimaux de qualité et de calibre ;

c) conditionnement, présentation, emballage et marquage au premier stade de la mise sur le marché ;

d) indication relative à l’origine du produit. »

Le règlement no 1308/2013

7 Conformément à son article 230, paragraphe 1, le règlement no 1308/2013 a abrogé, avec effet au 1er janvier 2014, le règlement no 1234/2007.

8 Les considérants 132 et 134 du règlement no 1308/2013 sont ainsi libellés :

« (132) Les organisations interprofessionnelles peuvent jouer un rôle important en permettant le dialogue entre acteurs de la chaîne d’approvisionnement et en agissant en faveur de la promotion des bonnes pratiques et de la transparence du marché.

[...]

(134) Les dispositions existant dans différents secteurs, qui stimulent l’action des organisations de producteurs, de leurs associations et des organisations interprofessionnelles en permettant aux États membres, dans certaines conditions, d’étendre certaines règles de ces organisations aux opérateurs non-membres se sont révélées efficaces et devraient être harmonisées, rationalisées et étendues à tous les secteurs. »

9 La partie II de ce règlement, intitulée « Marché intérieur », contient un titre II, lui-même intitulé « Règles relatives à la commercialisation et aux organisations de producteurs ». Le chapitre I de ce titre, intitulé « Règles relatives à la commercialisation », comprend une section 1, elle-même intitulée « Normes de commercialisation », qui contient une sous-section 2, intitulée « Normes de commercialisation par secteur ou par produit », laquelle comprend notamment les articles 74 à 76 dudit
règlement.

10 L’article 74 du même règlement, intitulé « Principe général », dispose :

« Les produits pour lesquels des normes de commercialisation ont été fixées par secteur ou par produit conformément à la présente section ne peuvent être commercialisés dans l’Union [européenne] que s’ils sont conformes auxdites normes. »

11 L’article 75 du règlement no 1308/2013, intitulé « Établissement et contenu », prévoit :

« 1.   Des normes de commercialisation peuvent s’appliquer à l’un ou plusieurs des produits et secteurs suivants :

[...]

b) fruits et légumes ;

c) produits de fruits et légumes transformés ;

[...]

3.   [...] les normes de commercialisation visées au paragraphe 1 peuvent porter sur un ou plusieurs des éléments énumérés ci-après [...] :

[...]

b) les critères de classification comme le classement en catégories, le poids, la taille, l’âge et la catégorie ;

[...] »

12 L’article 76 de ce règlement, intitulé « Exigences supplémentaires pour la commercialisation de produits dans le secteur des fruits et légumes », dispose :

« 1.   En plus des normes de commercialisation visées à l’article 75 qui sont applicables, le cas échéant, aux produits du secteur des fruits et légumes destinés à être vendus frais au consommateur, ceux-ci ne peuvent être commercialisés que s’ils sont de qualité saine, loyale et marchande et si le pays d’origine est indiqué.

2.   Les normes de commercialisation visées au paragraphe 1 et toute norme de commercialisation applicable au secteur des fruits et légumes prévue conformément à la présente sous-section s’appliquent à tous les stades de commercialisation, y compris à l’importation et à l’exportation, et comprennent la qualité, le classement en catégories, le poids, la taille, le conditionnement, l’emballage, le stockage, le transport, la présentation et la commercialisation.

3.   Le détenteur de produits du secteur des fruits et légumes couverts par les normes de commercialisation ne peut exposer ces produits, les mettre en vente, les livrer ou les commercialiser à l’intérieur de l’Union d’une manière qui ne soit pas conforme à ces normes et il est responsable du respect de cette conformité.

4.   Afin de veiller à ce que les exigences énoncées au paragraphe 1 du présent article soient correctement respectées et pour tenir compte de certaines situations particulières, la Commission [européenne] est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 227 en ce qui concerne les dérogations spécifiques au présent article qui sont nécessaires à son application correcte. »

13 Le titre II de la partie II du règlement no 1308/2013 comprend un chapitre III, intitulé « Organisations de producteurs et leurs associations et organisations interprofessionnelles ». Ce chapitre III contient une section 3, intitulée « Extension des règles et contributions obligatoires », dont fait partie l’article 164 de ce règlement, intitulé « Extension des règles », lequel est ainsi libellé :

« 1.   Dans le cas où une organisation de producteurs reconnue, une association d’organisations de producteurs reconnue ou une organisation interprofessionnelle reconnue opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées d’un État membre est considérée comme représentative de la production ou du commerce ou de la transformation d’un produit donné, l’État membre concerné peut, à la demande de cette organisation, rendre obligatoires, pour une durée limitée, certains accords,
certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtés dans le cadre de cette organisation pour d’autres opérateurs, individuels ou non, opérant dans la ou les circonscriptions économiques en question et non membres de cette organisation ou association.

[...]

4.   Les règles dont l’extension à d’autres opérateurs peut être demandée comme prévu au paragraphe 1 portent sur l’un des objets suivants :

a) connaissance de la production et du marché ;

b) règles de production plus strictes que les dispositions édictées par les réglementations de l’Union ou les réglementations nationales ;

c) élaboration de contrats types compatibles avec la réglementation de l’Union ;

d) commercialisation ;

e) protection de l’environnement ;

f) actions de promotion et de mise en valeur de la production ;

g) mesures de protection de l’agriculture biologique et des appellations d’origine, labels de qualité et indications géographiques ;

h) recherche visant à valoriser les produits, notamment par de nouvelles utilisations ne mettant pas en danger la santé publique ;

i) études visant à améliorer la qualité des produits ;

j) recherche, en particulier, de méthodes culturales permettant la limitation de l’usage des produits phytosanitaires ou vétérinaires et assurant la préservation des sols et la préservation ou l’amélioration de l’environnement ;

k) définition de qualités minimales et définition de normes minimales en matière de conditionnement et d’emballage ;

l) utilisation de semences certifiées et contrôle de qualité des produits ;

m) santé animale, santé végétale ou sécurité sanitaire des aliments ;

n) gestion des sous-produits.

Ces règles ne portent pas préjudice aux autres opérateurs de l’État membre concerné ou de l’Union et n’ont pas les effets énumérés à l’article 210, paragraphe 4, ou ne sont pas contraires à la législation de l’Union ou à la réglementation nationale en vigueur.

[...] »

14 L’article 210 du même règlement, intitulé « Accords et pratiques concertées des organisations interprofessionnelles reconnues », prévoit, à son paragraphe 4 :

« Les accords, décisions et pratiques concertées sont déclarés, en tout état de cause, incompatibles avec la réglementation de l’Union s’ils :

a) peuvent entraîner toute forme de cloisonnement des marchés à l’intérieur de l’Union ;

b) peuvent nuire au bon fonctionnement de l’organisation des marchés ;

c) peuvent créer des distorsions de concurrence qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs de la politique agricole commune poursuivis par l’activité de l’organisation interprofessionnelle ;

d) comportent la fixation de prix ou de quotas ;

e) peuvent créer des discriminations ou éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits concernés. »

15 Aux termes de l’article 230, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013, les références au règlement no 1234/2007 s’entendent comme faites, notamment, au règlement no 1308/2013 et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe XIV de ce dernier règlement. Il ressort de ce tableau de correspondance que l’article 113, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 correspond à l’article 75, paragraphe 1, sous a) à e), et paragraphe 2, du règlement no 1308/2013 et que l’article 113 bis,
paragraphes 1 à 3, du règlement no 1234/2007 correspond à l’article 76 du règlement no 1308/2013. Selon ledit tableau de correspondance, les articles 125 septies et 125 terdecies du règlement no 1234/2007 correspondent à l’article 164 du règlement no 1308/2013.

Le règlement d’exécution no 543/2011

16 Le règlement d’exécution (UE) no 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2019/428 de la Commission, du 12 juillet 2018 (JO 2019, L 75, p. 1) (ci‑après le « règlement d’exécution no 543/2011 »), prévoit, à son article 3, paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les exigences énoncées à l’article 113 bis, paragraphe 1, du [règlement no 1234/2007] sont désignées comme norme générale de commercialisation. Le détail de la norme générale de commercialisation est présenté à l’annexe I, partie A, du présent règlement.

Les fruits et légumes qui ne relèvent pas d’une norme de commercialisation spécifique doivent être conformes à la norme générale de commercialisation. Toutefois, si le détenteur est en mesure de démontrer que les produits sont conformes à l’une des normes applicables adoptées par la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE‑ONU), ils sont considérés comme conformes à la norme générale de commercialisation.

2.   Les normes de commercialisation spécifiques visées à l’article 113, paragraphe 1, point b) du [règlement no 1234/2007] figurent à l’annexe I, partie B, du présent règlement pour les produits suivants :

a) pommes ;

[...]

c) kiwis ;

[...]

e) pêches et nectarines ;

[...] »

17 La partie A de l’annexe I de ce règlement d’exécution est intitulée « Norme générale de commercialisation » et contient des sections consacrées aux « [e]xigences minimales », aux « [e]xigences minimales en matière de maturité », à la « [t]olérance » et au « [m]arquage ».

18 La partie B de cette annexe, intitulée « Normes de commercialisation spécifiques », comporte une partie 1, elle-même intitulée « Norme de commercialisation applicable aux pommes », dont le point III, lui-même intitulé « Dispositions concernant le calibrage », énonce :

« Le calibre est déterminé par le diamètre maximal de la section équatoriale ou par le poids.

[...]

Afin de garantir un calibrage homogène, la différence de calibre entre les produits d’un même colis est limitée à :

a) pour les fruits calibrés selon le diamètre :

– 5 mm pour les fruits de la catégorie “Extra” et les fruits des catégories I et II présentés en couches rangées. Toutefois, pour les pommes des variétés Bramley’s Seedling (Bramley, Triomphe de Kiel) et Horneburger, la différence de diamètre peut atteindre 10 mm, et

– 10 mm pour les fruits de la catégorie I emballés dans l’emballage de vente ou présentés en vrac dans l’emballage. Toutefois, pour les pommes des variétés Bramley’s Seedling (Bramley, Triomphe de Kiel) et Horneburger, la différence de diamètre peut atteindre 20 mm.

b) pour les fruits calibrés selon le poids :

– pour les fruits de la catégorie “Extra” et les fruits des catégories I et II présentés en couches rangées :

Fourchette (g) Différence de poids (g)
70-90 15 g
91-135 20 g
136-200 30 g
201-300 40 g
300 50 g

– Pour les fruits de la catégorie I emballés dans l’emballage de vente ou présentés en vrac dans l’emballage.

Fourchette (g) Homogénéité (g)
70-135 35
136-300 70
300 100

Il n’y a pas de règle d’homogénéité de calibre pour les fruits de la catégorie II emballés dans l’emballage de vente ou présentés en vrac dans l’emballage.

Les variétés de pommes miniatures, marquées d’un “M” dans l’appendice, sont exemptées des dispositions relatives au calibrage. Ces variétés miniatures doivent avoir une valeur Brix minimale [calculée selon les orientations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour la réalisation des tests objectifs] de 12°. »

19 La partie B de ladite annexe comporte aussi une partie 3, intitulée « Norme de commercialisation applicable aux kiwis », dont le point II, B, lui-même intitulé « Exigences minimales en matière de maturité », prévoit :

« Les kiwis doivent être suffisamment développés et présenter une maturité suffisante.

Pour respecter cette exigence, au stade du conditionnement, les fruits doivent avoir atteint un degré de maturité d’au moins 6,2° Brix [calculée selon les orientations de l’OCDE pour la réalisation des tests objectifs] ou une teneur moyenne en matière sèche de 15 %, qui devrait atteindre 9,5° Brix [calculée selon les orientations de l’OCDE pour la réalisation des tests objectifs] au moment de l’entrée dans le circuit de distribution. »

20 Cette partie B comporte également une partie 5, intitulée « Norme de commercialisation applicable aux pêches et aux nectarines », dont le point III, intitulé « Dispositions concernant le calibrage », dispose :

« [...]

Le calibre minimal est de :

– 56 mm ou 85 g pour la catégorie “Extra”,

– 51 mm ou 65 g pour les catégories I et II.

Toutefois, les fruits de moins de 56 mm ou 85 g ne sont pas commercialisés pendant la période allant du 1er juillet au 31 octobre (hémisphère Nord) et du 1er janvier au 30 avril (hémisphère Sud).

[...] »

Le droit international

21 La CEE-ONU a été mise en place en 1947 par la résolution 36 (IV), du 28 mars 1947, du Conseil économique et social (ONU) (Ecosoc). Elle rassemble actuellement 56 pays d’Europe (y compris tous les États membres de l’Union), de la Communauté des États indépendants et d’Amérique du Nord. L’Union n’étant pas membre des Nations unies, elle n’est pas non plus membre de la CEE‑ONU. En revanche, elle participe à la CEE‑ONU en tant qu’observateur.

22 La CEE-ONU comporte, en son sein, le groupe de travail des normes de qualité des produits agricoles, lequel a adopté la norme CEE-ONU FFV-15 concernant la commercialisation et le contrôle de la qualité commerciale des concombres. Cette norme, dans la version issue de son édition de l’année 2017 applicable aux litiges en cause au principal, prévoit, à son point III, intitulé “Dispositions concernant le calibrage” :

« Le calibre est déterminé par le poids ou par l’association du diamètre et de la longueur.

Un calibre homogène est obligatoire pour les catégories “Extra” et I.

Afin de garantir un calibre homogène pour les produits d’un même emballage, l’une des deux options suivantes doit être appliquée :

(a) Calibrage par le poids

La fourchette de poids ne doit pas dépasser :

150 g lorsque la plus petite pièce pèse au moins 400 g ;

100 g lorsque la plus petite pièce pèse entre 180 et 400 g ;

Les concombres pesant moins de 180 g doivent être d’un poids raisonnablement homogène.

(b) Calibrage par la longueur et le diamètre

La fourchette de longueur ne doit pas dépasser 5 cm, et les concombres doivent avoir un diamètre raisonnablement homogène. »

Le droit français

23 L’article L. 632-2-1, deuxième alinéa, du code rural et de la pêche maritime dispose :

« [Les organisations interprofessionnelles] peuvent définir, dans le cadre d’accords interprofessionnels, des contrats types, dont elles peuvent demander l’extension à l’autorité administrative, intégrant des modèles de rédaction [...], ainsi que des clauses relatives à des mesures de régulation des volumes dans le but d’adapter l’offre à la demande. [...] »

24 L’article L. 632-3 de ce code énonce :

« Les accords conclus dans le cadre d’une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l’autorité administrative compétente dès lors qu’ils prévoient des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l’intérêt général et compatibles avec la législation de l’Union européenne. »

25 Aux termes de l’article L. 632-4 dudit code :

« [...]

L’extension des accords [conclus dans le cadre d’une organisation interprofessionnelle reconnue] est également subordonnée au respect des conditions prévues par le droit de l’Union européenne applicable à ces accords.

[...]

Lorsque l’extension est décidée, les mesures ainsi prévues sont obligatoires pour tous les membres des professions constituant cette organisation interprofessionnelle.

[...] »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C-501/22

26 Interfel est une organisation interprofessionnelle agricole reconnue sur le fondement de l’article L. 632‑1 du code rural et de la pêche maritime. Le 10 juin 2020, elle a conclu un accord interprofessionnel intitulé « Pêche‑nectarine‑calibrage », relatif aux campagnes 2021‑2023 (ci‑après l’« accord pêches-nectarines »), lequel prévoit, notamment, l’interdiction de commercialisation de pêches ou de nectarines de petit calibre (calibre D), pendant toute la période de commercialisation concernée.
Elle a demandé au Ministre l’extension de cet accord interprofessionnel à d’autres opérateurs, justifiant une telle demande par le souci de garantir la qualité des fruits vendus aux consommateurs.

27 Par une décision du 7 septembre 2020, le Ministre a refusé de faire droit à cette demande. Interfel a introduit un recours devant le Conseil d’État (France), tendant à l’annulation de cette décision.

28 Le Conseil d’État indique que l’accord pêches-nectarines prévoit que les pêches et les nectarines produites en France, destinées à être commercialisées sur le marché français et à l’exportation, sont soumises à un calibrage minimal de 56 mm ou de 85 g à toutes les étapes de la commercialisation et durant toute la campagne de commercialisation concernée. Or, de telles stipulations seraient plus strictes que les dispositions de l’annexe I, partie B, partie 5, point III, du règlement d’exécution
no 543/2011.

29 Le Conseil d’État ajoute qu’Interfel a, notamment, soulevé un moyen tiré de ce que le Ministre ne pouvait légalement refuser d’étendre l’accord pêches‑nectarines à d’autres opérateurs. Selon le Conseil d’État, l’examen de ce moyen requiert de répondre à la question de savoir si l’article 164, paragraphe 4, du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension à d’autres opérateurs d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que celles édictées
par la réglementation de l’Union non seulement, s’agissant de « règles de production », au sens du point b) de ce paragraphe 4, mais aussi, s’agissant de l’ensemble des règles qui portent sur un ou plusieurs objets visés aux points a) et c) à n) dudit paragraphe 4, et, en particulier, à la question de savoir si cette disposition autorise l’adoption, sous la forme d’un accord interprofessionnel, de règles de commercialisation de fruits ou de légumes relevant d’une catégorie déterminée plus
strictes que celles prévues par la réglementation de l’Union et l’extension de ces règles à l’ensemble des opérateurs.

30 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 164 du règlement [no 1308/2013] doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que celles édictées par la réglementation de l’Union non seulement dans le domaine des “règles de production”, mentionnées au [point] b) [du paragraphe 4] de cet article, mais aussi dans l’ensemble des domaines, mentionnés [aux points] a) et c) à n) [de ce paragraphe 4], pour lesquels il prévoit que l’extension d’un accord
interprofessionnel peut être demandée, et notamment [...] cet article autorise[-t-il], alors que la réglementation de l’Union prévoit des règles de commercialisation pour une catégorie donnée de fruits ou de légumes, l’adoption de règles plus contraignantes, sous forme d’accord interprofessionnel, et leur extension à l’ensemble des opérateurs ? »

L’affaire C-502/22

31 Le 10 juin 2020, Interfel a conclu un accord interprofessionnel intitulé « Concombre de type long ou hollandais », relatif aux campagnes 2021‑2023 (ci‑après l’« accord concombres »). Elle a demandé au Ministre l’extension de cet accord interprofessionnel à d’autres opérateurs, justifiant une telle demande par le souci de garantir la qualité des concombres vendus aux consommateurs.

32 Par une décision du 7 septembre 2020, le Ministre a refusé de faire droit à cette demande. Interfel a introduit un recours devant le Conseil d’État, tendant à l’annulation de cette décision.

33 Le Conseil d’État indique que l’accord concombres prévoit que le calibre des concombres produits en France métropolitaine et vendus en catégorie « Extra » ou I est déterminé exclusivement par le poids, à l’exclusion de toute échelle de calibre associant le diamètre et la longueur, que leur poids minimal est de 250 g et qu’un calibrage homogène est obligatoire pour les concombres en catégorie « Extra » ou I , un même emballage ne devant contenir que des produits correspondant à une même catégorie
de l’échelle de calibrage définie. Selon le Conseil d’État, de telles stipulations sont plus strictes que celles résultant, d’une part, de la norme générale de commercialisation, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 543/2011, laquelle ne mentionne aucune règle de calibrage de produits, et, d’autre part, de la norme CEE‑ONU FFV‑15, relative à la certification, à la commercialisation et au contrôle de la qualité commerciale des concombres.

34 Le Conseil d’État ajoute qu’Interfel a, notamment, soulevé un moyen tiré de ce que le Ministre ne pouvait légalement refuser d’étendre l’accord concombres à d’autres opérateurs. Selon le Conseil d’État, l’examen de ce moyen requiert de répondre à la question de savoir si l’article 164, paragraphe 4, du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il autorise l’extension à d’autres opérateurs d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que celles
édictées par la réglementation de l’Union, non seulement, s’agissant de « règles de production », au sens du point b) de ce paragraphe 4, mais aussi, s’agissant de l’ensemble des règles qui portent sur un ou plusieurs objets visés aux points a) et c) à n) dudit paragraphe 4, et, d’autre part, que, en l’absence de règles spécifiques à une catégorie de fruits ou de légumes donnée prévues par le droit de l’Union, il autorise l’extension à d’autres opérateurs de tels accords prévoyant des règles plus
strictes que celles prévues par les normes applicables, adoptées par la CEE‑ONU.

35 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 164 du règlement [no 1308/2013] doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que celles édictées par la réglementation de l’Union non seulement dans le domaine des “règles de production”, mentionnées au [point] b) [du paragraphe 4] de cet article, mais aussi dans l’ensemble des domaines, mentionnés [aux points] a) et c) à n) [de ce paragraphe 4], pour lesquels il prévoit que l’extension d’un accord
interprofessionnel peut être demandée ?

2) En l’absence de règles de l’Union spécifiques à une catégorie de fruits ou de légumes donnée, l’article 164 du règlement no 1308/2013 doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que les normes applicables adoptées par la [CEE‑ONU] auxquelles renvoie le droit [de l’Union ?] »

L’affaire C-503/22

36 Le 10 juin 2020, Interfel a conclu un accord interprofessionnel intitulé « Pomme – calibre au poids », relatif aux campagnes 2021-2023 (ci‑après l’« accord pommes »). Elle a demandé au Ministre l’extension de cet accord interprofessionnel à d’autres opérateurs, justifiant une telle demande par le souci de garantir la qualité des fruits vendus aux consommateurs.

37 Par une décision du 20 novembre 2020, le Ministre a refusé de faire droit à cette demande. Le Conseil d’État relève que cette décision du 20 novembre 2020 doit être regardée comme étant une décision portant retrait de la décision d’acceptation de la demande d’extension d’Interfel, réputée intervenue, en vertu de l’article L. 632‑4 du code rural et de la pêche maritime, à défaut d’une décision explicite prise sur ladite demande d’extension au terme du délai d’instruction prévu, lequel avait été
prorogé jusqu’au 7 novembre 2020. Interfel a introduit un recours devant le Conseil d’État, tendant à l’annulation de ladite décision du 20 novembre 2020.

38 Le Conseil d’État indique que l’accord pommes, d’une part, prévoit un calibrage exclusif au poids, excluant ainsi le calibrage au diamètre prévu à l’annexe I, partie B, partie 1, point III, du règlement d’exécution no 543/2011, et, d’autre part, stipule que les pommes classées en catégories I et II, présentées en couches rangées ou litées dans un même colis, doivent respecter l’une des quatorze fourchettes de calibrage prévues dans cet accord et que les pommes de catégorie I présentées en vrac
dans un même emballage doivent respecter huit fourchettes de calibrage mentionnées dans ledit accord, ces fourchettes étant plus détaillées que celles prévues à l’annexe I, partie B, partie 1, point III, du règlement d’exécution no 543/2011.

39 Le Conseil d’État ajoute qu’Interfel a, notamment, soulevé un moyen tiré de ce que le Ministre ne pouvait légalement retirer sa décision d’acceptation de la demande d’extension de l’accord pommes à d’autres opérateurs. Selon le Conseil d’État, l’examen de ce moyen requiert de répondre à la question de savoir si l’article 164, paragraphe 4, du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension à d’autres opérateurs d’accords interprofessionnels prévoyant des règles
plus strictes que celles édictées par la réglementation de l’Union non seulement, s’agissant de « règles de production », au sens du point b) de ce paragraphe 4, mais aussi s’agissant de l’ensemble des règles qui portent sur un ou plusieurs objets visés aux points a) et c) à n) dudit paragraphe 4. Dans l’hypothèse où la réponse à cette question serait différente selon que sont en cause des « règles de commercialisation », au sens du point d) du même paragraphe 4, ou des « normes minimales en
matière de condition et d’emballage », au sens du point k) de celui-ci, le Conseil d’État souhaite savoir si la fixation de fourchettes de calibrage destinées à assurer l’homogénéité des produits d’un même colis relève de ces règles ou de ces normes.

40 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 164 du règlement [no 1308/2013] doit‑il être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que celles édictées [par] la réglementation de l’Union non seulement dans le domaine des “règles de production”, mentionnées au [point] b) [du paragraphe 4] de cet article, mais aussi dans l’ensemble des domaines, mentionnés [aux points] a) et c) à n) [de ce paragraphe 4], pour lesquels il prévoit que l’extension d’un accord
interprofessionnel peut être demandée, et notamment autorise-t-il, alors que la réglementation de l’Union prévoit des règles de commercialisation et de conditionnement pour une catégorie donnée de fruits ou de légumes, l’adoption de règles plus contraignantes par accord interprofessionnel, et leur extension à l’ensemble des opérateurs ?

2) Dans l’hypothèse où la réponse à la question précédente serait différente selon que sont en cause les “règles de commercialisation” mentionnées au [point] c) [du paragraphe 4] de cet article ou les “normes minimales en matière de conditionnement et d’emballage” mentionnées au [point] k) [de ce paragraphe 4], la fixation de fourchettes de calibrage destinées à assurer l’homogénéité des produits d’un même colis relève‑t‑elle des règles de commercialisation ou des normes en matière de
conditionnement ? »

L’affaire C-504/22

41 Le 10 juin 2020, Interfel a conclu un accord interprofessionnel intitulé « Kiwi Hayward – date de récolte et de commercialisation – Maturité », relatif aux campagnes 2021-2023 (ci‑après l’« accord kiwis »). Elle a demandé au Ministre l’extension de cet accord interprofessionnel à d’autres opérateurs, justifiant une telle demande par le souci de garantir la qualité des fruits vendus aux consommateurs.

42 Par une décision du 22 octobre 2020, le Ministre a refusé de faire droit à cette demande. Interfel a introduit un recours devant le Conseil d’État, tendant à l’annulation de cette décision.

43 Le Conseil d’État indique que l’accord kiwis prévoit que les kiwis issus des cultivars Actinidia Deliciosa de variété Hayward, produits en France, ne peuvent être récoltés avant le 10 octobre et commercialisés avant le 6 novembre en France. De telles stipulations seraient plus strictes que les dispositions prévues à l’annexe I, partie B, partie 3, point II, B, du règlement d’exécution no 543/2011, lesquelles, outre des exigences minimales en matière de maturité, ne prévoiraient aucune condition
relative aux dates de récolte et de commercialisation.

44 Le Conseil d’État ajoute qu’Interfel a, notamment, soulevé un moyen tiré de ce que le Ministre ne pouvait légalement refuser d’étendre l’accord kiwis à d’autres opérateurs. Selon le Conseil d’État, l’examen de ce moyen requiert de répondre à la question de savoir, premièrement, si l’article 164, paragraphe 4, du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension à d’autres opérateurs d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que celles
édictées par la réglementation de l’Union non seulement, s’agissant de « règles de production », au sens du point b) de ce paragraphe 4, mais aussi s’agissant de l’ensemble des règles qui portent sur un ou plusieurs objets visés aux points a) et c) à n) dudit paragraphe 4, et, deuxièmement, si la fixation, d’une part, de dates de récolte et, d’autre part, de dates de commercialisation, relève de l’application des règles susceptibles d’être fixées par voie d’accord interprofessionnel et étendues
conformément à l’article 164 du règlement no 1308/2013, et, dans l’affirmative, si la fixation de telles dates relève de l’application des « règles de production », au sens du point b) du même paragraphe 4 ou, comme le prévoyait antérieurement l’annexe XVI bis du règlement no 1234/2007, de l’application des « règles de commercialisation ».

45 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 164 du règlement [no 1308/2013] doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que celles édictées par la réglementation de l’Union non seulement dans le domaine des “règles de production”, mentionnées au [point] b) [du paragraphe 4] de cet article, mais aussi dans l’ensemble des domaines, mentionnés [aux points] a) et c) à n) [de ce paragraphe 4], pour lesquels il prévoit que l’extension d’un accord
interprofessionnel peut être demandée ?

2) La fixation de dates de récolte, d’une part, et de dates de commercialisation, d’autre part, relève-t-elle des règles susceptibles d’être fixées par voie d’accord interprofessionnel et étendues sur le fondement de l’article 164 du règlement no 1308/2013 et, si tel est le cas, la fixation de telles dates de récolte et de commercialisation relève-t-elle des “règles de production” visées au [point] b) [du paragraphe 4] de cet article ou, comme le prévoyait antérieurement l’annexe XVI bis du
règlement [no 1234/2007] des “règles de commercialisation” désormais visées au [point] d) [de ce paragraphe 4] ? »

46 Par décision du président de la Cour du 9 septembre 2022, les affaires C‑501/22 à C‑504/22 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

Sur la seconde question dans l’affaire C‑504/22

47 Par sa seconde question dans l’affaire C‑504/22, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 164 du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que relève de l’application de cet article la fixation, par voie d’accord, de décision ou de pratique concertée arrêtés dans le cadre d’une organisation de producteurs reconnue, d’une association d’organisations de producteurs reconnue ou d’une organisation interprofessionnelle
reconnue, de dates de récolte ou de dates de commercialisation d’un produit agricole.

48 À cet égard, il y a lieu d’observer que, conformément à l’annexe XVI bis, point 3, sous a), du règlement no 1234/2007, les dates prévues pour le début de la récolte et l’échelonnement de la commercialisation figuraient, au titre des règles de commercialisation, au sein de la liste limitative des règles qui pouvaient être étendues aux producteurs non-membres d’une organisation interprofessionnelle en vertu des articles 125 septies et 125 terdecies de ce règlement. Ces articles correspondent, selon
l’article 230 du règlement no 1308/2013, à l’article 164 de celui-ci.

49 En outre, cet article 230 a abrogé, à son paragraphe 1, l’annexe XVI bis du règlement no 1234/2007. L’article 164 du règlement no 1308/2013 prévoit, à son paragraphe 4, que les règles dont l’extension à d’autres opérateurs peut être demandée portent sur l’un des objets prévus à ce paragraphe, parmi lesquels figure la commercialisation. Toutefois, ce dernier règlement ne comporte pas de disposition analogue au point 3 de ladite annexe énonçant une liste limitative des règles de commercialisation
qui peuvent être étendues aux autres opérateurs. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le règlement no 1308/2013 vise la « commercialisation », au sens large.

50 Il en découle que, en s’abstenant de faire mention, au titre du règlement no 1308/2013, d’une liste limitative des règles de commercialisation qui peuvent être étendues aux opérateurs non‑membres, le législateur de l’Union n’a, en tout état de cause, pas entendu restreindre, à cet égard, l’étendue de l’article 164 de ce règlement par rapport à celle des dispositions correspondantes du règlement no 1234/2007 qu’il a abrogées.

51 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la seconde question dans l’affaire C‑504/22 que l’article 164 du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que relève de l’application de cet article la fixation par voie d’accord, de décision ou de pratique concertée arrêtés dans le cadre d’une organisation de producteurs reconnue, d’une association d’organisations de producteurs reconnue ou d’une organisation interprofessionnelle reconnue, de dates de récolte ou de dates de
commercialisation d’un produit agricole.

Sur les questions dans les affaires C-501/22 et C‑502/22 ainsi que sur les premières questions dans les affaires C‑503/22 et C‑504/22

52 Par sa question dans l’affaire C‑501/22, par ses questions dans l’affaire C‑502/22 ainsi que par les premières questions dans les affaires C‑503/22 et C‑504/22, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 164, paragraphes 1 et 4, du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut, à la demande d’une organisation de producteurs reconnue, d’une association d’organisations de producteurs reconnue ou d’une organisation
interprofessionnelle reconnue, opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées de cet État membre et considérée comme étant représentative de la production, du commerce ou de la transformation d’un produit donné, rendre obligatoires certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtées dans le cadre de cette organisation de producteurs, de cette association d’organisations de producteurs ou de cette organisation interprofessionnelle pour d’autres
opérateurs qui opèrent dans ces circonscriptions économiques et qui ne sont pas membres de ladite organisation de producteurs, de ladite association d’organisations de producteurs ou de ladite organisation interprofessionnelle, lorsque les règles prévues par ces accords, ces décisions ou ces pratiques concertées, portant sur un ou plusieurs des objets énumérés au paragraphe 4, sous a) et c) à n), de cet article, sont plus strictes que celles prévues par les réglementations de l’Union ou par les
normes adoptées par la CEE‑ONU.

53 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également du contexte de celle-ci et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ladite disposition fait partie [arrêt du 28 octobre 2022, Generalstaatsanwaltschaft München (Extradition et ne bis in idem), C‑435/22 PPU, EU:C:2022:852, point 67 et jurisprudence citée].

54 Par ailleurs, il est également de jurisprudence constante que, lorsqu’une disposition du droit de l’Union est susceptible de faire l’objet de plusieurs interprétations, il convient de privilégier celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (arrêt du 7 mars 2018, Cristal Union, C‑31/17, EU:C:2018:168, point 41 et jurisprudence citée).

55 En l’occurrence, il convient de constater que, si, à la différence du libellé de l’article 164, paragraphe 4, sous b), du règlement no 1308/2013, le libellé de l’article 164, paragraphe 4, sous a) et c) à n), de celui-ci ne vise pas des règles « plus strictes que les dispositions édictées par les réglementations de l’Union ou les réglementations nationales », ce dernier libellé n’exclut pas pour autant, de manière expresse, la possibilité d’une extension à d’autres opérateurs de règles plus
strictes que celles édictées par les réglementations de l’Union.

56 S’agissant du contexte dans lequel s’insère l’article 164, paragraphes 1 et 4, du règlement no 1308/2013, il convient de constater que cet article 164, qui fait partie de la section 3 du chapitre III de ce règlement, intitulée « Extension des règles et contributions obligatoires », constitue un fondement permettant l’extension de certaines règles adoptées par une organisation de producteurs reconnue, une association d’organisations de producteurs reconnue ou une organisation interprofessionnelle
reconnue aux opérateurs qui ne sont pas membres de l’organisation concernée. Une telle faculté d’extension doit être comprise à la lumière de l’article 74 de ce règlement, en vertu duquel les produits pour lesquels des normes de commercialisation ont été fixées par secteur ou par produit ne peuvent être commercialisés dans l’Union que s’ils sont conformes à ces normes.

57 Il découle, ainsi, de cet article 74 que tout opérateur, qu’il soit ou non membre d’une organisation de producteurs reconnue, d’une association d’organisations de producteurs reconnue ou d’une organisation interprofessionnelle reconnue, est tenu de respecter les règles prévues par lesdites normes, afin de pouvoir commercialiser ses produits.

58 Par conséquent, les dispositions de l’article 164, paragraphe 4, sous a) et c) à n), du règlement no 1308/2013 seraient privées d’effet utile si un État membre ne pouvait rendre obligatoires des règles édictées par un accord tel que celui envisagé au paragraphe 1 de cet article allant au‑delà des règles qui s’imposent déjà au titre des normes de commercialisation applicables en vertu de la réglementation de l’Union.

59 Une telle interprétation est, au demeurant, conforme aux objectifs énoncés aux considérants 132 et 134 du règlement no 1308/2013. Ainsi que l’indique le premier d’entre eux, les organisations interprofessionnelles peuvent jouer un rôle important en permettant le dialogue entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement et en agissant en faveur de la promotion des bonnes pratiques et de la transparence du marché. Comme il ressort du second de ceux-ci, le législateur de l’Union a considéré que
les dispositions existant dans différents secteurs, qui stimulent l’action des organisations de producteurs, de leurs associations et des organisations interprofessionnelles en permettant aux États membres, dans certaines conditions, d’étendre certaines règles de ces organisations aux opérateurs non-membres se sont révélées efficaces et devaient être harmonisées, rationalisées et étendues à tous les secteurs.

60 Il convient, à ce titre, de souligner que, conformément à l’article 164, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, une telle extension n’est pas obligatoire, mais constitue une simple faculté pour l’État membre concerné, lequel apprécie souverainement le caractère opportun de cette extension.

61 Or, pour ce qui est de l’exercice de cette faculté et afin de garantir qu’un tel exercice participe à la réalisation des objectifs rappelés au point 59 du présent arrêt, l’article 164, paragraphe 4, du règlement no 1308/2013 prévoit que l’extension de telles règles aux opérateurs qui ne sont pas membres de l’organisation ou de l’association dans le cadre de laquelle elles ont été arrêtées est exclue lorsque celles‑ci portent préjudice à ces opérateurs, lorsqu’elles ont les effets énumérés à
l’article 210, paragraphe 4, de ce règlement ou lorsqu’elles sont contraires à la législation de l’Union ou à la réglementation nationale en vigueur.

62 Par ailleurs, pour ce qui est des normes adoptées par la CEE‑ONU, il convient d’observer que l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 543/2011, lu à la lumière de l’article 76 du règlement no 1308/2013, dispose que les exigences énoncées à cette dernière disposition sont désignées comme norme générale de commercialisation à laquelle les fruits et légumes qui ne relèvent pas d’une norme de commercialisation spécifique doivent être conformes, tout en prévoyant, toutefois, que, si le détenteur est
en mesure de démontrer que les produits sont conformes à l’une des normes de la CEE‑ONU, ils sont considérés comme conformes à la norme générale de commercialisation. Il s’ensuit que les considérations énoncées aux points 55 à 61 du présent arrêt valent mutatis mutandis pour les normes adoptées par la CEE‑ONU.

63 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question dans l’affaire C‑501/22, aux questions dans l’affaire C‑502/22 ainsi qu’aux premières questions dans les affaires C‑503/22 et C‑504/22 que l’article 164, paragraphes 1 et 4, du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut, à la demande d’une organisation de producteurs reconnue, d’une association d’organisations de producteurs reconnue, ou d’une organisation
interprofessionnelle reconnue, opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées de cet État membre et considérée comme étant représentative de la production, du commerce ou de la transformation d’un produit donné, rendre obligatoires certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtées dans le cadre de cette organisation de producteurs, de cette association d’organisations de producteurs ou de cette organisation interprofessionnelle pour d’autres
opérateurs qui opèrent dans ces circonscriptions économiques et qui ne sont pas membres de ladite organisation de producteurs, de ladite association d’organisations de producteurs ou de ladite organisation interprofessionnelle, lorsque les règles prévues par ces accords, ces décisions ou ces pratiques concertées, portant sur un ou plusieurs des objets énumérés au paragraphe 4, sous a) et c) à n), de cet article, sont plus strictes que celles prévues par les réglementations de l’Union ou par les
normes adoptées par la CEE‑ONU.

Sur la seconde question dans l’affaire C‑503/22

64 La seconde question dans l’affaire C‑503/22 n’a été posée que pour le cas où la réponse donnée à la première question dans cette affaire serait différente selon que sont en cause des « règles de commercialisation », au sens de l’article 164, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1308/2013, ou des « normes minimales en matière de conditionnement et d’emballage », au sens de l’article 164, paragraphe 4, sous k), de celui-ci.

65 En l’occurrence, tel n’étant pas le cas, il n’y a pas lieu de répondre à cette seconde question.

Sur les dépens

66 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 164 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil,

doit être interprété en ce sens que :

relève de l’application de cet article la fixation par voie d’accord, de décision ou de pratique concertée arrêtés dans le cadre d’une organisation de producteurs reconnue, d’une association d’organisations de producteurs reconnue ou d’une organisation interprofessionnelle reconnue, de dates de récolte ou de dates de commercialisation d’un produit agricole.

  2) L’article 164, paragraphes 1 et 4, du règlement no 1308/2013

doit être interprété en ce sens que :

un État membre peut, à la demande d’une organisation de producteurs reconnue, d’une association d’organisations de producteurs reconnue ou d’une organisation interprofessionnelle reconnue, opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées de cet État membre et considérée comme étant représentative de la production, du commerce ou de la transformation d’un produit donné, rendre obligatoires certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtées dans
le cadre de cette organisation de producteurs, de cette association d’organisations de producteurs ou de cette organisation interprofessionnelle pour d’autres opérateurs qui opèrent dans ces circonscriptions économiques et qui ne sont pas membres de ladite organisation de producteurs, de ladite association d’organisations de producteurs ou de ladite organisation interprofessionnelle, lorsque les règles prévues par ces accords, ces décisions ou ces pratiques concertées, portant sur un ou
plusieurs des objets énumérés au paragraphe 4, sous a) et c) à n), de cet article, sont plus strictes que celles prévues par les réglementations de l’Union européenne ou par les normes adoptées par la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE‑ONU).

Regan

Gratsias

Ilešič

Jarukaitis

Csehi
 
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 juin 2023.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de chambre

E. Regan

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-501/22
Date de la décision : 29/06/2023

Analyses

Renvoi préjudiciel – Agriculture et pêche – Organisation commune des marchés – Règlement (UE) no 1308/2013 – Article 164, paragraphes 1 et 4 – Normes de commercialisation – Extension d’un accord interprofessionnel – Accord prévoyant des règles plus strictes que la réglementation de l’Union européenne.


Parties
Demandeurs : Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel)
Défendeurs : Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:531

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