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22/06/2023 | CJUE | N°C-588/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Public.Resource.Org, Inc. et Right to Know CLG contre Commission européenne., 22/06/2023, C-588/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 22 juin 2023 ( 1 )

Affaire C‑588/21 P

Public.Resource.Org, Inc.,

Right to Know CLG

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Accès aux documents des institutions – Règlement (CE) no 1049/2001 – Normes harmonisées – Quatre normes harmonisées adoptées par le Comité européen de normalisation – Refus d’accès – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Protection découlant

du droit d’auteur – Principe de l’État de droit »

1. Par leur pourvoi, Public.Resource.Org, Inc. et Right to Know CLG (ci‑après, conjointement, ...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 22 juin 2023 ( 1 )

Affaire C‑588/21 P

Public.Resource.Org, Inc.,

Right to Know CLG

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Accès aux documents des institutions – Règlement (CE) no 1049/2001 – Normes harmonisées – Quatre normes harmonisées adoptées par le Comité européen de normalisation – Refus d’accès – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Protection découlant du droit d’auteur – Principe de l’État de droit »

1. Par leur pourvoi, Public.Resource.Org, Inc. et Right to Know CLG (ci‑après, conjointement, les « requérantes »), des organisations sans but lucratif dont la mission prioritaire consiste à rendre le droit librement accessible à tous les citoyens, demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, Public.Resource.Org et Right to Know/Commission (T‑185/19, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:445). Cet arrêt a rejeté comme étant non fondé leur recours tendant
à l’annulation de la décision C(2019) 639 final de la Commission du 22 janvier 2019 refusant de leur accorder l’accès à quatre normes techniques harmonisées (ci-après les « NTH »), adoptées par le Comité européen de normalisation (CEN) (ci-après la « décision litigieuse »). La présente affaire offre à la grande chambre de la Cour l’occasion de se prononcer, pour la première fois, sur la question de savoir si les NTH – dont la Cour a déjà admis qu’elles font partie du droit de l’Union et qu’elles
produisent des effets juridiques – sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur et si, par ailleurs, le principe de l’État de droit et le principe de transparence ainsi que le droit d’accès aux documents, tel que consacré à l’article 15 TFUE, exigent que l’accès aux NTH soit libre et gratuit.

I. Les antécédents du litige

2. Les requérantes ont présenté à la Commission européenne une demande d’accès à des documents détenus par elle (ci-après la « demande d’accès ») au titre du règlement (CE) no 1049/2001 ( 2 ) et du règlement (CE) no 1367/2006 ( 3 ). Cette demande concernait quatre NTH adoptées par le CEN conformément au règlement (UE) no 1025/2012 ( 4 ), à savoir i) la norme « Sécurité des jouets – Partie 5 : Jeux chimiques (coffrets) autres que les coffrets d’expériences chimiques », ii) la norme « Sécurité des
jouets – Partie 4 : Coffrets d’expériences chimiques et d’activités connexes », iii) la norme « Sécurité des jouets – Partie 12 : N‑nitrosamines et substances N‑nitrosables », et iv) la norme « Méthode de simulation de l’usure et de la corrosion pour la détermination du nickel libéré par les objets revêtus » (ci-après les « NTH demandées »). Les NTH demandées visées sous i) à iii) se réfèrent à la directive 2009/48/CE ( 5 ) (ci-après la « directive relative à la sécurité des jouets ») et la NTH
demandée visée sous iv) se réfère au règlement (CE) no 1907/2006 ( 6 ).

3. Par lettre du 15 novembre 2018, au titre de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, la Commission a refusé d’accorder l’accès demandé. Elle a confirmé ce refus par la décision litigieuse.

4. Le règlement no 1025/2012 s’inscrit dans la « nouvelle approche » en matière d’harmonisation technique et de normalisation, qui a été développée au cours de l’année 1985 et qui restreint le contenu de la législation aux « exigences essentielles », laissant aux NTH le soin de préciser les caractéristiques techniques détaillées. Ce règlement ne désigne formellement pour adopter les NTH que trois organisations européennes de normalisation (ci-après les « OEN ») : le CEN, qui est chargé de la
normalisation dans la plupart des secteurs ; le Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec), qui est chargé de la normalisation dans le domaine du génie électrique, et l’Institut européen des normes de télécommunications (ETSI), qui est chargé de la normalisation dans les technologies de l’information et de la communication.

II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

5. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mars 2019, les requérantes ont formé un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. En substance, dans leur premier moyen, elles ont fait valoir que la Commission avait mal interprété et/ou appliqué l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 et, dans leur second moyen, que la Commission avait enfreint l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, de ce règlement. Le Tribunal a écarté chacun des deux
moyens et rejeté le recours.

III. Appréciation

A. Sur le premier moyen du pourvoi, tiré de l’erreur d’appréciation dans l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001

1.   Sur la première branche du premier moyen, selon laquelle le Tribunal a commis une erreur de droit en n’appréciant pas correctement la protection par le droit d’auteur en ce qui concerne les NTH demandées

a)   Premier grief, selon lequel les NTH ne sauraient être protégées par le droit d’auteur dès lors qu’elles font partie du droit de l’Union

6. En substance, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’ayant pas admis que les NTH demandées ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur, étant donné qu’elles font partie du droit de l’Union et que le principe de l’État de droit exige un libre accès à la loi. La Commission et les parties intervenantes (le CEN et les quatorze autres parties intervenantes en première instance) soutiennent que le pourvoi devrait être rejeté comme étant non fondé, en
faisant valoir, en substance, que le système de normalisation du droit de l’Union repose sur la reconnaissance du droit d’auteur des OEN sur les NTH.

1) Introduction

7. Il convient d’entamer les présentes conclusions par un aperçu de la jurisprudence de la Cour dans les arrêts Fra.bo, James Elliott et Stichting ( 7 ), car ils constituent la toile de fond dans laquelle s’inscrit la présente affaire.

8. Tout d’abord, dans l’arrêt Fra.bo (points 27 à 32), la Cour a admis en substance que, quoiqu’elles soient des entités de droit privé, les organisations nationales de normalisation et de certification peuvent exercer des prérogatives de puissance publique et que, même si les normes techniques nationales sont de jure volontaires, elles peuvent avoir de facto des effets obligatoires. Cela s’explique par le fait que d’autres moyens de se conformer au droit dérivé de l’Union seraient plus coûteux pour
les producteurs, qui devraient investir dans la recherche de méthodes à même de garantir au moins un niveau de protection équivalent à celui des normes, et que toute autre méthode visant à démontrer la conformité ne bénéficierait pas de la présomption de la conformité aux exigences du droit dérivé de l’Union. La Cour a admis le caractère potentiellement obligatoire de facto d’une norme technique (point 30) et a dit pour droit que « [l’article 34 TFUE] doit être interprété en ce sens qu’il
s’applique aux activités de normalisation et de certification d’un organisme privé, lorsque la législation nationale considère les produits certifiés par cet organisme comme conformes au droit national et que cela a pour effet d’entraver la commercialisation de produits qui ne sont pas certifiés par ledit organisme » (point 32).

9. Ensuite, dans l’arrêt James Elliott (point 40), arrêt de principe, la Cour a jugé que, en raison de leurs effets juridiques, les NTH font partie du droit de l’Union. Elle a jugé qu’« [une NTH] telle que celle en cause au principal, adoptée sur le fondement [d’une directive] et dont les références ont fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, fait partie du droit de l’Union, dès lors que c’est par référence aux dispositions d’une telle norme qu’il est déterminé si
la présomption [de conformité] établie [dans cette directive] s’applique, ou non, à un produit déterminé ». En outre, selon le point 42 du même arrêt, « [s]’il est vrai que la conformité d’un produit de construction aux exigences essentielles contenues dans [ladite directive] peut être attestée, le cas échéant, par des moyens autres que la preuve de la conformité à des [NTH], cela ne saurait remettre en cause l’existence des effets de droit attachés à une [NTH] » (mise en italique par mes soins).
Qui plus est, selon le point 43 dudit arrêt, « [i]l convient, au demeurant, de relever que, si l’élaboration d’une telle [NTH] est certes confiée à un organisme de droit privé, elle constitue néanmoins une mesure de mise en œuvre nécessaire et strictement encadrée des exigences essentielles définies par cette directive, réalisée à l’initiative et sous la direction ainsi que le contrôle de la Commission, et ses effets de droit sont soumis à la publication préalable par cette dernière de ses
références au [Journal officiel], série C » (mise en italique par mes soins). Il y a lieu d’observer, toutefois, que, depuis l’année 2018, la publication se fait dans les séries « L » (législation) au lieu des séries « C » (informations et avis), ce qui confirme que les NTH sont reconnues comme faisant partie du droit de l’Union.

10. Enfin, dans l’arrêt Stichting (points 33 à 49), la grande chambre de la Cour a jugé que les normes [en l’occurrence, celles de l’Organisation internationale de normalisation (ISO)] peuvent être rendues obligatoires. La Cour a considéré, en substance, qu’il n’était pas nécessaire que des précisions de nature technique soient contenues dans l’acte législatif et que, par conséquent, le fait qu’une directive comporte uniquement une référence à une norme ISO (sans toutefois mentionner son texte
intégral) n’affecte en rien la validité de cette directive. Cela étant, au point 48, la Cour a jugé que, « conformément au principe de sécurité juridique [...], des normes techniques établies par un organisme de normalisation, tel que l’ISO, et rendues obligatoires par un acte législatif de l’Union ne sont opposables aux particuliers en général que si elles ont elles-mêmes fait l’objet d’une publication au [Journal officiel] ».

11. Comme je l’expliquerai dans les présentes conclusions, eu égard au fait que les NTH imposent certaines obligations et que leurs effets juridiques peuvent être invoqués par le grand public, les arrêts susmentionnés, lus conjointement, forment une base solide pour que la Cour statue sur les conditions appropriées d’accès aux NTH. Cependant, il y a lieu de souligner que cette analyse ne s’applique pas nécessairement à d’autres types de normes établies par les OEN.

12. Par ailleurs, il convient d’observer que, en réalité, l’une des quatre NTH demandées, à savoir celle visée au point 2, sous iv), des présentes conclusions, est manifestement obligatoire, comme la Commission l’a reconnu lors de l’audience. Il en est ainsi parce que, à la rubrique 27 « Nickel » de son annexe XVII, le règlement no 1907/2006 prévoit que « [l]es normes adoptées par le [CEN] servent de procédures de test pour démontrer la conformité des articles aux paragraphes 1 et 2 » (mise en
italique par mes soins). Cette norme demandée est donc comparable à la norme en cause dans l’arrêt Stichting (point 30), qui était elle aussi obligatoire dès lors que la législation de l’Union employait là également le verbe à l’indicatif présent.

13. En ce qui concerne les trois autres NTH demandées en cause dans la présente affaire, la directive relative à la sécurité des jouets précise à son considérant 2 que « [la] directive 88/378/CEE[ ( 8 )] [...] se borne [...] à énoncer les exigences essentielles de sécurité applicables aux jouets [...]. L’adoption des caractéristiques techniques détaillées est confiée au [...] CEN [...] ainsi qu’au [...] Cenelec [...] conformément à la directive 98/34/CE[ ( 9 )] [...]. La conformité aux [NTH] ainsi
définies, dont les références sont publiées au [Journal officiel], établit la présomption de conformité aux exigences de la directive 88/378/CEE. L’expérience a montré que ces principes fondamentaux fonctionnent bien dans le secteur des jouets et devraient être conservés ».

14. Les NTH sont difficilement classables dans une quelconque catégorie préexistante du droit de l’Union et, de ce fait, une analyse plus approfondie est nécessaire pour établir si elles doivent être d’un accès libre et gratuit et/ou si elles sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur. La Cour a certes déjà admis qu’elles produisent des effets juridiques, qu’elles font partie du droit de l’Union et qu’elles peuvent être contraignantes, mais elle n’a pas encore abordé leur nature
exacte. Selon le moyen principal des requérantes, les NTH ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur étant donné qu’elles font partie du droit de l’Union et que le principe de l’État de droit exige un libre accès à la loi. Pour apprécier si ce moyen peut être accueilli, il faut donc procéder à l’analyse des éléments constitutifs des NTH, parmi lesquels les points de savoir quelle institution ou entité les adopte en tant qu’actes faisant partie du droit de l’Union, au titre de quel
fondement juridique et selon quelle procédure elles sont adoptées, quels sont précisément leurs effets juridiques et quelle est la nature de ces actes.

15. En effet, il y a lieu d’examiner si, au fil du temps, les NTH ont évolué de manière telle qu’elles constituent des actes juridiques sui generis de l’Union (actes de normalisation de l’Union), en ce qu’elles sont des mesures de mise en œuvre du droit dérivé de l’Union strictement réglementées. Ainsi, dans l’arrêt Royaume‑Uni/Parlement et Conseil ( 10 ), la Cour a admis que les articles 290 et 291 TFUE n’établissaient pas un système fermé de mise en œuvre et qu’il était possible d’adopter d’autres
instruments de régulation pour concrétiser les détails d’un acte législatif. C’est la raison pour laquelle j’invite la Cour à saisir l’occasion que la présente affaire lui offre d’apporter des précisions grandement nécessaires sur les nature et place juridiques correctes des NTH dans l’ordre juridique de l’Union.

2) La nature des NTH en tant qu’actes juridiques de l’Union

i) L’institution ou l’entité qui adopte les NTH

16. Dans les présentes conclusions, l’argument principal que je fais valoir est que les NTH doivent être considérées comme constituant des actes des institutions, organes ou organismes de l’Union. En effet, la Commission joue un rôle central dans le système de normalisation de l’Union, tel qu’il a été instauré par le législateur de l’Union. J’estime (tout comme l’avocat général Campos Sánchez-Bordona l’a considéré antérieurement dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt James Elliott ( 11 )) que
« [les NTH] doivent être réputées être des “actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union” aux fins de l’article 267 TFUE » ainsi que – comme je l’expliquerai ci-après – aux fins du droit de l’Union en général et de l’accès à ce dernier, en particulier.

17. En effet, comme il est exposé dans ces conclusions dans l’affaire James Elliott, plusieurs arguments viennent à l’appui de cette conclusion : a) les directives ou les règlements « nouvelle approche » ne sauraient être employés au détriment de la compétence de la Cour ; b) la Commission exerce un contrôle significatif sur la procédure d’élaboration des NTH par les OEN, et c) le fonctionnement des trois OEN, en tant que seuls organismes de normalisation de l’Union, dépend de l’action de cette
dernière. Je démontrerai donc que la Commission devrait être considérée comme l’institution qui adopte les NTH (dès lors que, en fait, les OEN constituent seulement des organes préparatoires dont la marge d’appréciation est limitée) ou, en tout état de cause, comme l’institution qui est chargée de leur adoption conjointement avec les OEN.

18. Il est exact que, à la suite desdites conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona, la troisième chambre de la Cour a rappelé dans l’arrêt James Elliott que, « selon la jurisprudence, la Cour est compétente pour interpréter des actes qui, certes ont été adoptés par des organes ne pouvant être qualifiés “d’institutions, d’organes ou d’organismes de l’Union”, mais qui présentaient néanmoins la nature de mesures de mise en œuvre ou d’application d’un acte de droit de l’Union » (point 34).

19. Toutefois, comme la doctrine l’a souligné à juste titre, l’arrêt rendu dans cette affaire par la Cour n’exclut pas l’interprétation contenue dans les conclusions susmentionnées, dans la mesure où celle‑ci « a laissé sans réponse la question [...] de savoir si [les NTH] devaient être considérées comme émanant de la Commission, [dès lors que] l’OEN n’agit qu’en tant qu’organe préparatoire » (traduction libre). Il importe d’observer que, dans ladite affaire, la Cour n’était pas tenue de se
prononcer sur la question de savoir si le contrôle exercé par la Commission est suffisant pour que soit transférée, des OEN à la Commission, la responsabilité finale des NTH et si, dans le cadre des NTH, il y avait eu effectivement une délégation, par la Commission, de certains pouvoirs aux OEN ( 12 ).

20. Mes observations préliminaires m’amènent à estimer que les NTH ne constituent pas de simples mesures de mise en œuvre émanant d’un organisme de droit privé (les OEN), mais que, dans le cadre du système de normalisation de l’Union instauré par le législateur de l’Union, il faut considérer qu’elles ont été adoptées par la Commission ou, à tout le moins, que cette institution est responsable de leur adoption conjointement avec les OEN.

21. Une communication récente de la Commission montre que celle‑ci reconnaît le caractère public du travail effectué par les OEN en ce que la stratégie de l’Union en matière de normalisation doit « aussi intégrer les valeurs démocratiques fondamentales et les intérêts primordiaux de [l’Union], ainsi que ses principes écologiques et sociaux », les normes techniques présentant un intérêt stratégique marqué pour l’Union. Lorsqu’elle indique que, pour assurer la prise en compte de l’intérêt public, elle
devrait être habilitée à établir directement – au moyen d’actes d’exécution – des spécifications communes (documents techniques en remplacement des NTH rédigées par les OEN), la Commission admet aussi qu’il existe une nécessité que soit transféré, des OEN à elle-même, plus de contrôle encore sur les NTH ( 13 ).

22. En outre, les considérations qui précèdent se voient confirmées également par l’analyse de la procédure prévue pour l’adoption des NTH.

ii) La procédure d’adoption des NTH

23. Premièrement, une NTH trouve sa source dans une demande de normalisation (le « mandat » de la Commission à l’OEN). Seule la Commission, et non une OEN ou toute autre entité, est habilitée à demander qu’une NTH soit développée en vue de mettre en œuvre une directive déterminée ou un règlement déterminé. Ainsi, la Commission s’adresse à l’OEN pertinente, laquelle agit alors en tant qu’organisme préparatoire chargé d’un mandat. La Commission sélectionne l’OEN à charger de la préparation du projet
de NTH suivant des critères stricts quant au contenu choisi par elle et dans les délais qu’elle aura fixés. Le mandat est détaillé et comporte un calendrier spécifique pour l’élaboration de la NTH au soutien de la mise en œuvre du droit dérivé spécifique de l’Union. J’observe que le mandat comprend les critères régissant l’établissement d’une NTH et que ces critères sont, en règle générale, très circonstanciés ( 14 ). L’OEN a l’obligation de tenir la Commission informée de l’évolution du
processus d’élaboration.

24. À cet égard, j’attire l’attention sur le fait que les effets de ce mandat sont très importants, non seulement parce que ce mandat fournit aux OEN les orientations nécessaires dans le processus de développement des NTH, mais aussi parce que, conformément à l’arrêt de la Cour dans l’affaire Anstar, les NTH doivent être interprétées à la lumière du mandat qui en est à l’origine ( 15 ). En ce qui concerne le contenu d’un mandat, la Commission ne peut déléguer que les missions techniques et doit
s’abstenir de déléguer aux OEN le moindre pouvoir d’appréciation politique ( 16 ).

25. Deuxièmement, une fois le projet de NTH achevé, l’OEN doit le soumettre à la Commission et, à nouveau, c’est uniquement cette dernière qui est habilitée à procéder à une évaluation de la conformité en vue de vérifier si ce projet de NTH concorde avec le mandat initial. Le Vademecum indique les trois formes que cette évaluation peut prendre. Il importe de souligner que seule la Commission a le pouvoir de juger si l’évaluation du projet de NTH est ou non satisfaisante. Le Vademecum (p. 10) précise
que « [l]es spécifications fournies par les OEN à l’appui de la législation de l’Union ne peuvent donc jamais être considérées automatiquement comme conformes à la demande initiale, car ceci est du ressort de la responsabilité politique. En tant qu’autorité requérante, la Commission est tenue d’évaluer la conformité avec sa demande initiale, en concertation avec les OEN [...], avant de décider la publication au Journal officiel des références d’une norme fournie ».

26. Troisièmement, la norme élaborée par l’OEN sous la supervision étroite de la Commission ne devient une NTH que si et dans la mesure où cette institution publie une référence à cette norme dans le Journal officiel. Si elle considère que le projet de NTH ne concorde pas suffisamment avec le mandat, la Commission demande à l’OEN concernée de le modifier ou elle retire la publication de la référence au projet de NTH, ou à une partie de celui-ci, du Journal officiel. En outre, la marge
discrétionnaire des OEN est encore davantage restreinte par le pouvoir dont disposent le Parlement européen et les États membres de soulever des objections à l’encontre du projet de NTH.

27. Enfin, non seulement la Commission supervise étroitement la rédaction des NTH, mais elle fournit également un financement important (jusqu’à 35 % du budget du CEN). La coopération avec la Commission est régie par un accord prenant la forme d’orientations générales, qui sont périodiquement renouvelées et qui soulignent l’importance de la normalisation pour la politique européenne et la libre circulation des biens et des services ( 17 ).

28. De sa création à son adoption, la genèse d’une NTH commence et aboutit au sein de la Commission. Élaboré par l’OEN, le projet de norme ne fait néanmoins pas partie du droit de l’Union avant que la Commission ne publie sa référence au Journal officiel. Partant, c’est la Commission qui transforme ce document préparatoire en un acte qui fait partie du droit de l’Union.

29. En effet, comme il a été largement reconnu dans la doctrine ( 18 ), « la “nouvelle approche” en droit de l’Union implique une technique plus complexe. Selon de nombreux commentateurs, dans sa version actuelle, consacrée par le règlement no 1025/2012, elle présente une “juridicisation” plus forte, de sorte que les institutions de l’Union ne peuvent nier leur contrôle sur le contenu des [NTH] » (traduction libre) ( 19 ).

30. Ainsi que l’avocat général Campos Sánchez-Bordona l’avait déjà souligné, « [t]ant la possibilité pour les États membres et le Parlement de soulever une objection formelle que l’intervention de la Commission avant la publication des [références aux NTH] montrent bien qu’il s’agit d’un cas de délégation normative, “contrôlée”, à un organisme de normalisation privé » [point 55 de ses conclusions dans l’affaire James Elliott Construction (C‑613/14, EU:C:2016:63)]. En outre, « [l]e caractère privé
apparaît clairement lorsque le CEN élabore des normes techniques européennes non harmonisées, mais ce dernier procède d’une autre manière lorsque son activité vise à exécuter les mandats que la Commission lui confère pour élaborer des [NTH] » (point 56 de ces conclusions) ( 20 ).

31. Qui plus est, de manière très analogue aux actes délégués et aux actes d’exécution, les mandats de normalisation de la Commission sont eux aussi régis par le règlement « comitologie » (UE) no 182/2011 ( 21 ), afin d’assurer un contrôle par les États membres et le Parlement européen d’un niveau similaire.

32. Venons-en, à présent, à l’examen nécessaire des effets juridiques des NTH.

iii) Les effets des NTH

33. D’emblée, il importe d’établir une distinction entre les NTH et les normes ordinaires ou non harmonisées, lesquelles sont volontaires et ne produisent pas d’effets juridiques par elles-mêmes. Les NTH constituent une forme spécifique de normes techniques en ce qu’elles : a) font partie du droit de l’Union, b) sont mentionnées dans des législations contraignantes de l’Union ou, en tout état de cause, constituent des mesures nécessaires de mise en œuvre de telles législations, comme exposé
précédemment, et c) se voient attacher des effets juridiques importants par le droit de l’Union, comme nous allons le voir, plus loin, dans les présentes conclusions. Selon le Vademecum (p. 9), les NTH « sout[iennent] la mise en œuvre de la législation de l’Union », mais, en réalité, elles constituent bien davantage qu’une simple « contribution ». Elles sont, en fait, indispensables à la mise en œuvre correcte du droit dérivé concerné de l’Union.

34. Ces effets sont les suivants. Les NTH sont adoptées sur la base de la procédure fixée par le législateur de l’Union dans le règlement no 1025/2012 et il leur est conféré la présomption cruciale de conformité, c’est-à-dire que la conformité avec une NTH déterminée implique le respect des exigences essentielles du droit dérivé de l’Union correspondant et elle garantit ainsi la libre circulation au sein de l’Union des biens ou des services concernés.

35. Eu égard à ce qui précède et compte tenu de la référence figurant dans chaque NTH au droit dérivé correspondant, ce qui a été souligné dans la doctrine ( 22 ), il peut être conclu que, si elles ont été conçues initialement en tant que mécanisme volontaire de conformité aux exigences essentielles du droit dérivé de l’Union, les NTH ont été en fait reconnues par la Cour comme ayant potentiellement des effets juridiques obligatoires ( 23 ).

36. Stricto sensu, le règlement no 1025/2012 prévoit que les NTH sont volontaires dans la mesure où les opérateurs économiques disposent (du moins en théorie) d’autres moyens pour démontrer la conformité aux exigences essentielles définies par le droit dérivé pertinent. Toutefois, comme je viens de l’expliquer, l’effet juridique de la présomption de conformité constitue l’une des caractéristiques les plus importantes des NTH. Cette présomption fait des NTH un outil essentiel, en particulier pour les
opérateurs économiques, aux fins de l’exercice du droit à la libre circulation, car, dès lors qu’ils satisfont aux exigences d’une NTH, ils bénéficient de cet effet juridique et les biens et services concernés peuvent circuler librement sur le marché de l’Union.

37. En d’autres termes, le respect des NTH offre au fabricant ou prestataire de services le bénéfice de la présomption de conformité et, sur le plan de la responsabilité – en cas de problème y afférent, accident ou litige –, il peut invoquer cette présomption : en effet, dans un tel cas de figure, la preuve qu’il lui incombe d’apporter se limite à simplement démontrer qu’il a respecté la NTH pertinente et c’est à la partie adverse (un consommateur ou un concurrent) qu’il appartient de réfuter ladite
présomption.

38. De tels effets juridiques importants conduisent à des problèmes pratiques et à un déséquilibre entre les parties. Si le respect des NTH confère la présomption cruciale de conformité, il n’existe toutefois aucun libre accès à ces NTH, ce qui permet difficilement au grand public de les consulter et aux opérateurs économiques ainsi qu’au grand public d’évaluer et de faire effectivement usage d’éventuelles solutions de remplacement des NTH aux fins de répondre aux exigences essentielles du droit
dérivé.

39. La présente affaire est semblable à celle qui a donné lieu à l’arrêt Stichting. Dans cette dernière affaire, la juridiction de renvoi avait demandé à la Cour de se prononcer sur la validité d’une directive, au regard du principe de transparence, dès lors qu’elle intégrait – par une référence – une norme ISO qui n’était pas librement accessible. Dans cet arrêt, la Cour a considéré que le principe de sécurité juridique exigeait la publication du droit de l’Union avant que ce droit puisse être
opposable aux personnes physiques et morales. Or, dans cette décision, la Cour s’est fondée sur la prémisse selon laquelle la directive en question ne prévoyait aucune restriction en ce qui concerne l’accès aux documents dans le cadre du règlement no 1049/2001. Elle a observé que cette intégration de normes ISO dans cette directive imposait des obligations aux personnes morales, car elles pouvaient y avoir accès par l’intermédiaire d’organisations nationales de normalisation. En revanche,
concernant les personnes physiques, elle a jugé, au point 48 dudit arrêt, que le principe de sécurité juridique exige que les normes techniques établies par un organisme de normalisation, tel que l’ISO, et rendues obligatoires par un acte législatif de l’Union ne soient opposables aux particuliers en général que si elles ont elles-mêmes fait l’objet d’une publication au Journal officiel (par opposition à une simple référence). En effet, dans un tel cas, à moins d’avoir accès à ces normes, le
grand public n’est pas à même de connaître les méthodes nécessaires pour mesurer les émissions des produits du tabac.

40. Ainsi, dans la présente affaire, les exigences essentielles de sécurité des jouets figurant dans l’annexe II (« Exigences de sécurité particulières »), partie II (« Inflammabilité »), point 3, de la directive relative à la sécurité des jouets se bornent à indiquer que « [l]es jouets autres que les amorces à percussion pour jouets ne doivent pas être explosifs ni contenir d’éléments ou de substances susceptibles d’exploser, en cas d’utilisation ou d’usage prévu à l’article 10, paragraphe 2,
premier alinéa ». Or, comme le soulignent les requérantes, la liste des substances des coffrets d’expériences chimiques et leur quantité maximale autorisée, qui donnent lieu à la présomption de conformité aux exigences essentielles, ne peuvent être connues qu’en consultant les NTH pertinentes.

41. Autrement dit, cette directive et les exigences essentielles ne fixent que le résultat à atteindre sans toutefois faire connaître les moyens pour y parvenir. Cela montre que, en pratique, sans avoir accès aux NTH pertinentes, une personne physique ou morale est dans l’impossibilité de vérifier la conformité d’un produit aux exigences essentielles.

42. Lorsqu’un fabricant (ou un prestataire de services) prend le risque de mettre sur le marché un produit (ou un service) qui ne répond pas aux NTH, la conséquence en est que le produit et le fabricant (ou le service et le prestataire) ne bénéficient pas de la présomption de la conformité aux exigences essentielles du droit dérivé de l’Union. De ce fait, en cas de litige, la charge de prouver que le produit est effectivement conforme au droit dérivé applicable de l’Union incombe au fabricant ou
prestataire de services. À mon sens, de toute évidence, cela se traduit par une situation où, de facto, les fabricants ou prestataires de services chercheront tous à être systématiquement en conformité avec les NTH, car aucun fabricant ou prestataire de services rationnel ne tient à s’exposer à un risque commercial aussi considérable et à supporter une telle charge.

43. En d’autres mots, respecter les NTH donne lieu à la présomption de la conformité aux exigences essentielles du droit dérivé de l’Union, ce qui, à son tour, signifie que, à l’égard de toute personne physique ou morale souhaitant contester cette présomption pour un produit ou service donné, une NTH produit le même effet qu’une règle contraignante. Partant, le recours aux NTH affecte directement la charge de la preuve.

44. En conséquence, tant pour les fabricants et prestataires de services que pour une personne contestant ladite présomption, des effets juridiques se voient attachés au respect des NTH, même lorsque celles‑ci (en ce qui concerne les trois en cause en l’espèce pour ce qui est de la directive relative à la sécurité des jouets) sont formellement et en théorie non obligatoires.

45. Le fait que les NTH soient de facto obligatoires dès lors qu’elles constituent en général la seule méthode acceptée sur le marché pour garantir la conformité au droit dérivé concerné de l’Union est confirmé par une étude réalisée à la demande de la Commission : « concrètement, [les NTH] sont pratiquement obligatoires pour la plupart des acteurs économiques » (traduction libre). Par ailleurs, la même étude souligne que le prix des NTH est l’une des principales entraves à leur utilisation
effective ( 24 ).

46. En effet, les exigences essentielles du droit dérivé de l’Union confèrent aux particuliers des droits qui peuvent être appliqués et opposés en droit de l’Union ( 25 ). Toutefois, les exigences essentielles du droit dérivé de l’Union ne sauraient être conçues isolément, étant donné que, en pratique, il est impossible de confirmer la conformité d’un produit ou service sans référence à la NTH correspondante. Ainsi, s’il ne peut pas se fonder sur la NTH concernée, le public ne peut pas exercer ses
droits à l’encontre du fabricant ou prestataire de services au titre de ce droit dérivé.

47. Il s’ensuit que les NTH sont indispensables aux fins de l’opposabilité du droit dérivé correspondant de l’Union. Le fait qu’elles sont obligatoires de facto a aussi été admis par le Tribunal dans l’arrêt du 26 janvier 2017, GGP Italy/Commission (T‑474/15, EU:T:2017:36, point 67), et par la Cour dans l’arrêt Fra.bo. Dans ce dernier arrêt, la Cour a jugé que, « en pratique, la quasi-totalité des consommateurs allemands n’achètent que des raccords en cuivre certifiés par [l’organisme de
certification allemand] » (point 30). Comme elle l’explique aussi dans cet arrêt, pour les opérateurs économiques, choisir une autre voie que celle de la norme technique est généralement difficile, voire tout à fait impossible, compte tenu du temps et des coûts qui sont nécessaires à cet égard. Le fait que les entreprises paient pour les NTH étaye également ce raisonnement. Je vois mal pourquoi des entreprises actives dans un paysage concurrentiel paieraient pour recevoir des NTH si celles-ci
n’étaient pas de facto contraignantes. En effet, dans l’ensemble de sa construction, le système de normalisation de l’Union présuppose que, en principe, tous les acteurs utilisent les NTH.

48. À mon sens, le caractère obligatoire de facto des NTH est dû non pas seulement à l’existence des NTH elles-mêmes, mais aussi à l’absence de solutions de remplacement réalistes. Il existe un puissant soutien et une forte incitation pour un développement continu des NTH. Ce processus a limité les organismes de normalisation nationaux dans leur capacité de fournir des solutions de remplacement des NTH (étant donné que ces organismes sont avant tout tenus de transposer les NTH sans la moindre
modification), et il ne semble pas exister d’incitation financière pour que d’autres acteurs privés leur livrent une concurrence sur ce marché. La jurisprudence et la doctrine nationales considèrent également qu’il n’est pas réaliste de prétendre que l’utilisation des NTH est volontaire ( 26 ).

49. Il ressort des considérations qui précèdent que les NTH sont obligatoires de facto dans la mesure où elles sont, à tout le moins, incontournables en raison de la valeur probante qui leur est attachée.

50. Cela étant précisé, même si la Cour devait parvenir à la conclusion que les NTH ne seraient pas obligatoires de facto (quod non), j’estime que mon analyse n’en serait pas pour autant différente, dans la mesure où il serait sans doute suffisant de considérer que – obligatoires stricto sensu ou non – les NTH ont des effets juridiques évidents tels que les leur confère le droit de l’Union.

51. Enfin, une fois les NTH finalisées et leur référence publiée au Journal officiel, tous les États membres doivent adopter chacune d’entre elles – inchangées – en tant que normes nationales et retirer toute norme contradictoire dans un délai de six mois. Conformément à l’article 17 TUE, en sa qualité de gardienne des traités de l’Union, la Commission « veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci [et] surveille l’application du droit de
l’Union ». Partant, elle veille à la pleine efficacité des NTH et, le cas échéant, elle intente un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE. En effet, la Cour a précisé qu’imposer des exigences supplémentaires aux produits couverts par des NTH violait l’obligation de l’État membre concerné de mettre correctement en œuvre le droit de l’Union ( 27 ). Elle s’est prononcée en ce sens par rapport aux NTH elles-mêmes et non par rapport aux exigences essentielles contenues dans le droit
dérivé. Il s’ensuit que la Commission est tenue d’assurer l’effet utile des NTH, ce qui implique que celles‑ci soient opposables ( 28 ).

3) L’incidence sur les NTH des exigences du principe de l’État de droit

i) Observations générales

52. Premièrement, il résulte de l’article 2 TUE que le principe de l’État de droit exige un accès libre au droit de l’Union pour toutes les personnes physiques ou morales de l’Union. Il repose sur le principe fondamental selon lequel chacun doit avoir la possibilité de connaître la loi et chacun est tenu de la respecter ( 29 ). D’ailleurs, c’est pourquoi l’article 297 TFUE prévoit que le droit de l’Union doit être publié au Journal officiel.

53. Deuxièmement, à cet égard, la Cour se réfère au principe de légalité ( 30 ) et au principe de sécurité juridique ( 31 ), ce dernier principe exigeant également que les personnes physiques et morales aient connaissance de la loi. Sur ce point, la Cour a déjà jugé que les règles ne produisaient aucun effet juridique à l’égard de ces personnes lorsqu’elles n’avaient pas été portées à la connaissance des tiers par une publication ( 32 ).

54. Troisièmement, la notion de « libre accès à la loi » est également reconnue au travers du principe de transparence ( 33 ). Il est axiomatique que le droit de l’Union ne peut être effectif que s’il est opposable. Ainsi qu’il a été observé précédemment, c’est la publication de la loi qui assure son caractère opposable. Il s’ensuit que, si elles ne sont pas publiées, les NTH ne sauraient être pleinement opposables. Ainsi qu’il a été exposé aux points 33 à 51 des présentes conclusions, les NTH font
partie du droit de l’Union et ont des effets juridiques clairement définis. Dès lors, l’accommodement actuel de publier seulement une référence aux NTH mais non pas leur texte prive le grand public d’un élément essentiel d’une législation de l’Union effective et opposable.

55. Par conséquent, l’affirmation contenue au point 107 de l’arrêt attaqué selon laquelle les requérantes n’ont pas établi la « source exacte d’un “principe d’ordre constitutionnel” qui requerrait un accès libre et gratuit aux [NTH] » ne saurait être maintenue.

56. En outre, la Cour a jugé que le droit de l’Union devait être accessible aux citoyens de l’Union : « l’impératif de sécurité juridique exige qu’une réglementation [de l’Union] permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose, ce qui ne saurait être garanti que par la publication régulière de ladite réglementation dans la langue officielle du destinataire ». Sur cette base, la Cour a conclu dans cette affaire que des règlements ou des directives de
l’Union ne produisent pas d’effets juridiques à l’égard des particuliers s’ils n’ont pas été publiés au Journal officiel dans la langue d’un État membre, « alors même que ces personnes auraient pu prendre connaissance de cette réglementation par d’autres moyens » ( 34 ). Par conséquent, comme je l’expliquerai ci-après, l’accès payant aux NTH ou l’accès par certaines bibliothèques sélectionnées ou par quelques « points d’information » ( 35 ) sont – contrairement à ce que pense le Tribunal
(points 103 et 107 de l’arrêt attaqué) – manifestement inappropriés et insuffisants pour garantir le respect du principe de l’État de droit.

57. En effet, comme l’a souligné, par exemple, le Conseil de l’Europe, « [l]a confiance dans le système judiciaire et la prééminence du droit repose[nt] en grande partie sur le respect du principe de sécurité juridique [...]. Ce dernier est tout aussi déterminant pour les contrats commerciaux appelés à produire des effets et dont dépendent le développement et le progrès économiques [...]. Pour asseoir cette confiance, l’État doit faire en sorte qu’un texte de loi soit facile d’accès » ( 36 ).

58. Par conséquent, il convient d’apprécier si le principe de sécurité juridique exige que les NTH soient d’un accès libre et gratuit ou si certaines conditions peuvent être imposées à cet accès.

ii) L’étendue de l’accès aux NTH qui est appropriée dans la présente affaire

59. D’emblée, il me faut souligner que, si, dans la présente affaire, elle s’efforce de préserver le statu quo, la Commission a par ailleurs tout récemment préconisé clairement, dans la stratégie de l’Union en matière de normalisation, adoptée par elle dans le courant de l’année 2022, que « [l]es OEN devraient [...] envisager de permettre le libre accès aux normes et [à d’autres documents]. La Commission est prête à échanger avec les OEN dans le cadre d’un dialogue constructif en utilisant les
enceintes existantes pour les aider à atteindre cet objectif » (voir point 21 des présentes conclusions).

60. Il résulte des traditions juridiques des États membres que, « [d]e manière générale, le principe de l’État de droit requiert la publication des normes légales formellement établies. L’objectif est de les mettre à la disposition du public de sorte à donner aux personnes concernées la possibilité de prendre connaissance de leur contenu de manière fiable. Rien ne doit entraver cette possibilité de manière déraisonnable » ( 37 ) (traduction libre).

61. Je souscris à l’argument des requérantes selon lequel les citoyens devraient pouvoir bénéficier d’un acte qui produit des effets juridiques, qui fait partie du droit de l’Union – tel qu’une NTH – et qui devrait donc pouvoir être invoqué. En effet, il suffit de se référer aux faits qui sous-tendaient l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt James Elliott, où se posait la question de l’interprétation des NTH dans le cadre d’une action de droit civil portant sur des produits de construction défectueux.
Étant donné que les NTH produisent des effets juridiques effectifs à l’égard des personnes physiques et morales, le principe de l’État de droit exige que ces personnes y aient accès. En effet, dès lors que les NTH sont d’intérêt public et jouent un rôle fonctionnellement équivalent à celui de règles de droit, leur justiciabilité (et, partant, leur accessibilité) doit être adaptée en conséquence ( 38 ).

62. Il s’avère que la plupart des États membres (à l’exception de l’Irlande et de l’ancien État membre que constitue le Royaume-Uni) ont tendance à exclure les textes officiels de la protection du droit d’auteur. La situation est tout autre pour ce qui est de la protection par le droit d’auteur des normes nationales. Or, comme je l’ai expliqué au point 33 des présentes conclusions, compte tenu de leur rôle particulier en droit de l’Union, les NTH sont tout à fait différentes des normes nationales.

63. L’arrêt James Elliott et l’arrêt Stichting donnent fortement à penser qu’il existe une nécessité de publier officiellement les NTH (c’est aussi ce que la doctrine a souligné), sans quoi l’effet utile des références législatives à de telles normes serait gravement limité, puisqu’elles ne sont opposables ni aux particuliers en général ni aux entreprises qui n’ont pas eu un accès effectif aux NTH. En effet, rendre celles-ci accessibles contre paiement ne se substituera jamais à l’obligation de les
publier officiellement au Journal officiel. Cette observation est valable même pour les grandes entreprises, parce que, en définitive, ces normes concernent leurs clients, qui en sont en fait les véritables destinataires : comment le citoyen pourrait-il savoir de manière certaine si une entreprise a fabriqué son produit ou fourni un service conformément aux NTH, s’il n’est pas en mesure de connaître leur contenu ? Le citoyen ne peut pas être privé de la possibilité de connaître
« officiellement » le contenu d’une réglementation qui, directement ou indirectement, est susceptible de l’affecter ( 39 ).

64. Le lien qui existe entre les NTH et le droit dérivé de l’Union place ces normes nécessairement dans le domaine des missions publiques, dans la mesure où elles constituent un complément indispensable (ou « nécessaire ») à la mise en œuvre effective de ce droit dérivé (et où elles contribuent donc à la création effective du marché intérieur de l’Union). Étant donné que les OEN remplissent des missions publiques (c’est-à-dire développent des NTH complétant la législation de l’Union), ces
organisations de normalisation pourraient, le cas échéant, être rémunérées par des fonds publics pour l’exécution de ces missions publiques (comme c’est déjà le cas en partie, compte tenu du financement de chacune de ces trois OEN par la Commission) ( 40 ).

65. Il résulte de ce qui précède que le principe de l’État de droit exige que l’accès aux NTH soit libre et gratuit. En tant qu’actes de normalisation qui font partie du droit de l’Union, mettent en œuvre le droit dérivé de l’Union et produisent des effets juridiques, les NTH devraient être publiées au Journal officiel afin d’assurer leur opposabilité et leur accessibilité.

4) En ce qu’elles font partie du droit de l’Union, les NTH ne sont pas susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur

66. Compte tenu de la conclusion tirée au point 65, la question demeure de savoir comment concilier cette conclusion avec le fait que, aux termes des modalités contractuelles existant entre la Commission et les OEN, les NTH sont protégées par le droit d’auteur.

67. En effet, l’argument défendu par le CEN et la Commission selon lequel l’accès aux NTH demandées est impossible en raison de cette protection dépend du point de savoir si l’on admet que, en droit de l’Union, les NTH sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur.

68. Mes observations exposées au point 20 concernant l’argument principal (selon lequel les NTH doivent en réalité être considérées comme étant adoptées par la Commission) sont applicables mutatis mutandis, même si la Cour devait parvenir à la conclusion que les NTH ne devraient pas être considérées comme des « actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union ». Il en va ainsi, parce que, aux fins du droit de l’Union en général et de l’accès à ce droit en particulier, le fait
demeure que les NTH font partie dudit droit de l’Union et que, au vu du rôle indispensable de mise en œuvre qu’elles remplissent à l’égard du droit dérivé contraignant de l’Union et au vu de leurs effets juridiques, elles ne devraient pas, en principe, bénéficier de la protection par le droit d’auteur.

69. Par conséquent, en n’examinant pas cette question et en n’appréciant pas si le droit et les NTH en tant qu’actes faisant partie du droit de l’Union peuvent du tout bénéficier de la protection du droit d’auteur, le Tribunal a commis une erreur de droit. Il s’est simplement référé à l’arrêt James Elliott et a affirmé que la Cour n’avait pas invalidé le système actuel de publication des NTH (bien que cette question ne fût pas en cause dans l’affaire qui avait donné lieu à cet arrêt). Cela ne
constituait en rien une réponse à la question déterminante de savoir si un acte qui fait partie du droit de l’Union peut être protégé par le droit d’auteur.

70. Il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent la Commission et les parties intervenantes, le règlement no 1025/2012 ne saurait être considéré comme le fondement d’une protection par le droit d’auteur des NTH. Ce règlement ne contient aucune disposition prévoyant qu’elles sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur. S’il les avait considérées comme telles, le législateur de l’Union aurait inclus une disposition en ce sens dans ledit règlement ou, à tout le moins, il
l’aurait mentionné dans le préambule.

71. Il s’ensuit que l’exception figurant à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 – sur laquelle le Tribunal a fondé son arrêt et au titre de laquelle il a refusé d’accorder l’accès aux NTH demandées – n’est pas applicable en l’espèce. En conséquence, l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit et doit être annulé.

b)   Second grief de la première branche du premier moyen, selon lequel, même si les NTH pouvaient être protégées par le droit d’auteur, le principe du libre accès à la loi prévaut sur cette protection

72. À titre subsidiaire, les requérantes font valoir, en substance, que même si les NTH demandées peuvent être protégées par le droit d’auteur, le principe du libre accès à la loi doit prévaloir sur la protection qu’offre le droit d’auteur.

73. De prime abord, j’observerai que le règlement no 1049/2001 lui‑même admet le principe du libre accès à la loi et précise au considérant 6 que, « dans les cas où les institutions agissent en qualité de législateur, y compris sur pouvoirs délégués, [...] [d]ans toute la mesure du possible, [les] documents devraient être directement accessibles » (mise en italique par mes soins).

74. En outre, l’arrêt attaqué est contraire au principe de transparence et à la jurisprudence constante de la Cour. Siégeant en assemblée plénière, la Cour a confirmé l’importance de ce principe, par exemple, dans le cadre du processus législatif selon lequel les documents qui font partie de ce processus doivent, en principe, être rendus publics. Elle a rappelé que la divulgation de documents utilisés dans ledit processus législatif est de nature à accroître la transparence et l’ouverture de
celui‑ci et à renforcer le droit des citoyens européens de contrôler les informations qui ont constitué le fondement d’un acte législatif. En effet, même les avis du service juridique des institutions de l’Union relatifs à un processus législatif ne relèvent pas du domaine du besoin général de confidentialité et la Cour a observé que le règlement no 1049/2001 impose, en principe, une obligation de les divulguer ( 41 ). L’importance du principe de transparence devrait également guider la Cour en
ce qui concerne les NTH.

75. De surcroît, dans l’arrêt Stichting (points 40 à 42 et 73), la Cour a admis que la loi doit être publiée et elle a observé que les normes ne sont pas opposables aux particuliers si elles ne sont pas publiées au Journal officiel.

1) Aucune protection par le droit d’auteur pour les quatre NTH demandées (en raison d’un manque d’« originalité »)

76. Même si elle n’est pas signataire de la convention de Berne ( 42 ), l’Union a consenti à être liée par les articles 1er à 21 de cette convention ( 43 ). Il résulte de l’article 2, paragraphe 4, de ladite convention que les « textes officiels d’ordre législatif, administratif ou judiciaire » ne bénéficient pas automatiquement de la protection du droit d’auteur. Au contraire, « [i]l est réservé aux législations des pays de l’Union [de Berne] de déterminer la protection à accorder [à de tels]
textes officiels [...] ainsi qu’aux traductions officielles de ces textes ».

77. Le droit de l’Union ne prévoit pas explicitement si les textes juridiques ou quasi juridiques émanant d’institutions de l’Union sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur. Toutefois, on peut soutenir qu’il découle de l’article 297 TFUE que, en principe, le droit de l’Union ne saurait se voir accorder cette protection en tant qu’œuvre conférant à son titulaire un droit exclusif de reproduction, de publication, de vente ou de distribution de cette œuvre.

78. Comme exposé plus haut, je considère que les NTH ne sont pas susceptibles de bénéficier de la protection du droit d’auteur ; toutefois, même si la Cour devait conclure le contraire (quod non), j’expliquerai que l’arrêt attaqué ne montre pas que les quatre NTH demandées devraient, en tout état de cause, bénéficier de cette protection.

i) La compétence pour apprécier le droit d’auteur

79. Les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur en considérant que la Commission n’était pas autorisée à examiner si les quatre NTH demandées étaient susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur. Il convient d’observer, en effet, que, selon lui, un tel examen excéderait la portée du contrôle que la Commission est habilitée à exercer dans le cadre d’une procédure d’accès aux documents (point 57 de l’arrêt attaqué).

80. Cette constatation est erronée. Tout d’abord, comme le font valoir les requérantes à juste titre, elle est en contradiction directe avec les points 48 et 49 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a jugé que la Commission avait, à bon droit, pu retenir que le seuil d’originalité était atteint et décider que les NTH demandées pouvaient être protégées par le droit d’auteur. On voit mal comment la Commission peut déterminer l’existence d’un droit d’auteur si elle n’est pas habilitée à apprécier cette
question. Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en décidant que la Commission n’était pas habilitée à examiner si les NTH demandées pouvaient être protégées par le droit d’auteur.

81. Ensuite, comme les requérantes l’observent très justement, l’affaire en cause concerne une demande d’accès à des documents qui font partie du droit de l’Union (à savoir les quatre NTH demandées) et cette demande se fonde sur un règlement de l’Union (à savoir le règlement no 1049/2001). À cet égard, la Cour a considéré que l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne comporte aucune référence aux dispositions du droit national d’un État membre ( 44 ). L’accès aux documents dans le cadre de ce
règlement – et, en particulier, l’accès à des actes qui font partie du droit de l’Union – doit dès lors être apprécié par les institutions de l’Union et pouvoir faire l’objet, devant les juges de l’Union, d’un contrôle juridictionnel au regard du droit de l’Union. Le Tribunal l’a manifestement perdu de vue. En outre, si elle était exacte, la position retenue par le Tribunal porterait atteinte au droit fondamental des requérantes à un recours effectif, y compris leur droit d’être entendues. Cette
contrariété a également été relevée par plusieurs auteurs dans la doctrine ( 45 ). Partant, il appartient aux institutions de l’Union de décider, au titre de la propre législation de l’Union, du degré de protection par le droit d’auteur à conférer à des actes qui constituent des mesures de mise en œuvre du droit dérivé de l’Union et, ainsi, de décider si les NTH sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur.

82. Enfin, le Tribunal a fondé sa constatation, quant à l’incompétence de la Commission pour apprécier le droit d’auteur, sur la jurisprudence relative aux brevets. Or, cette jurisprudence ne s’applique pas en l’occurrence. Dans son avis 1/09 ( 46 ) rendu en assemblée plénière, la Cour a observé qu’elle « n’est pas investie d’une compétence pour se prononcer sur des recours directs entre particuliers en matière de brevets, cette compétence relevant des juridictions des États membres ».

83. Dans la mesure où le Tribunal cherche à se fonder (point 40 de l’arrêt attaqué) sur les conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Donner (C‑5/11, EU:C:2012:195), selon lesquelles le droit d’auteur, malgré une harmonisation de plus en plus étendue, reste largement régi par le droit national, l’arrêt attaqué est, à cet égard, excessivement théorique. Cet aspect a déjà été soulevé dans la doctrine. En effet, depuis l’année 2012, la Cour a montré jusqu’où l’harmonisation dans le
domaine du droit d’auteur avait avancé. En tout état de cause, la référence est tirée hors de son contexte, car l’affaire Donner était axée sur les voies de recours en cas d’atteinte au droit d’auteur. Elle ne se rapportait pas au fondement pour l’existence d’une protection par le droit d’auteur comme en l’espèce ( 47 ).

84. Je ferai observer, toutefois, que le présent pourvoi ne concerne pas un recours direct entre particuliers dans une affaire de contrefaçon de brevet (ou d’atteinte au droit d’auteur) et qu’il n’échappe pas non plus à la compétence que les traités de l’Union confèrent aux juridictions de l’Union. Plus exactement, en première instance, le recours tendait à l’annulation d’une décision de la Commission, adressée aux requérantes, refusant de leur accorder l’accès à des documents de l’Union. Il s’agit
là d’un type de recours qui relève de la compétence des juges de l’Union. En particulier, l’article 263 TFUE ne restreint pas les griefs pouvant être soulevés dans une demande en annulation, contrairement à ce que le Tribunal a considéré au point 57 de l’arrêt attaqué. Par conséquent, il a commis une erreur lorsqu’il a tenté d’établir une analogie entre des litiges privés se rapportant à une contrefaçon de brevet, d’une part, et un refus d’accorder un accès à des documents de l’Union sur la base
de l’application contestée de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, d’autre part.

85. Partant, en jugeant que la Commission n’était pas autorisée à examiner l’exigence de l’originalité, ayant considéré qu’un tel examen excéderait la portée du contrôle qu’elle est habilitée à exercer dans le cadre d’une procédure d’accès aux documents, le Tribunal a commis une erreur. En effet, il appartient à la Commission et aux juges de l’Union de déterminer si les NTH demandées sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur et si ces NTH satisfont à l’exigence de l’originalité.

86. Par conséquent, l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit.

ii) Les NTH demandées ne laissent pas apparaître l’existence d’un droit d’auteur

87. Le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission n’avait pas commis d’erreur lorsqu’elle a affirmé que les NTH sont rédigées par leurs auteurs de façon suffisamment créative pour bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur et que la longueur des textes implique que les auteurs avaient fait un certain nombre de choix (y compris dans la structuration du document), ce qui entraîne une protection au titre du droit d’auteur (points 47 à 49 de l’arrêt attaqué).

88. L’approche du Tribunal est erronée en droit.

89. Il est de jurisprudence constante que, même si le droit d’auteur n’est pas pleinement harmonisé dans l’Union, « [l]a notion d’“œuvre” [...] constitue [...] une notion autonome du droit de l’Union qui doit être interprétée et appliquée de façon uniforme, et qui suppose la réunion de deux éléments cumulatifs. D’une part, cette notion implique qu’il existe un objet original, en ce sens que celui-ci est une création intellectuelle propre à son auteur. D’autre part, la qualification d’œuvre est
réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création » ( 48 ). Pour que la protection par le droit d’auteur existe, l’auteur doit pouvoir exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs ( 49 ).

90. La jurisprudence de la Cour confirme ce constat. Ainsi, elle a jugé que le fait que la constitution d’une base de données ait requis un travail et un savoir‑faire significatifs de la part de son auteur ne saurait, comme tel, justifier sa protection par le droit d’auteur si ce travail et ce savoir-faire n’expriment aucune originalité ( 50 ). Ce critère est d’une importance fondamentale dans ce cadre.

91. Il doit, à mon sens, en être de même dans le cadre des NTH. La Cour ayant admis – en particulier, dans l’arrêt James Elliott – qu’elle était compétente pour interpréter les NTH, force est de constater que c’est aux juges de l’Union qu’il incombe d’apprécier si les NTH sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur et si les OEN doivent bénéficier de cette protection. En effet, l’on ne saurait permettre que se crée une situation où les États membres décideraient si le droit d’auteur est
applicable à un texte juridique qui fait partie du droit de l’Union et qui, en vertu de celui-ci, a des effets juridiques cruciaux. Une telle conclusion ne contredit en rien la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, puisqu’il appartient aux parties à cette convention de décider si les textes juridiques sont ou non susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur dans leur système juridique.

92. Tout comme les requérantes, je pense que ni la Commission, dans la décision litigieuse, ni le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, n’examinent dûment l’originalité des NTH demandées ainsi que la question de savoir si elles peuvent effectivement « refléter la personnalité de l’auteur ». Cela vaut également pour la présence de choix libres et créatifs. Compte tenu du concept et de la finalité des NTH, qui sont le plus souvent le résultat d’essais scientifiques suivis d’un accord au sein d’un comité, je
conclus que l’on ne peut pas, comme l’a fait en l’espèce le Tribunal, prendre pour argent comptant ( 51 ) que le critère de l’originalité soit rempli. La nature spécifique des NTH (points 16 et suivants des présentes conclusions) et la procédure de leur adoption (points 23 et suivants des présentes conclusions) ne font que renforcer cette conclusion.

93. Alors qu’il leur incombait de prouver que l’exception figurant à l’article 4 du règlement no 1049/2001 était applicable, la Commission et le Tribunal se sont fondés uniquement sur des affirmations et postulats très généraux, faisant valoir que les NTH demandées étaient protégées par le droit d’auteur parce qu’il pouvait être déduit de la longueur des textes que les auteurs avaient dû faire un certain nombre de choix. Or, ces facteurs ne déterminent pas si un document donné est ou non original et
donc protégé ou non par le droit d’auteur. L’arrêt attaqué est dès lors erroné.

94. Contrairement à ce que le Tribunal a affirmé au point 59 de l’arrêt attaqué, les requérantes ont démontré – dans la mesure où il était possible de le faire sans avoir effectivement accès aux NTH demandées – que les choix dont disposait le CEN étaient limités de plusieurs manières. Ainsi, le contenu et la présentation des NTH sont circonscrits par les dispositions pertinentes du droit dérivé dont elles sont issues et par le mandat de la Commission. Par principe, ces deux encadrements restreignent
considérablement toute marge de créativité et d’originalité. Par conséquent, une vague référence à la longueur d’un document n’est pas suffisante pour prouver que les NTH constituent le résultat de choix créatifs opérés par le CEN ( 52 ).

95. Le Tribunal a donc commis une erreur en considérant que la Commission avait pu conclure à juste titre que les NTH demandées étaient protégées par le droit d’auteur et, en conséquence, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué.

2.   Sur la seconde branche du premier moyen, selon laquelle le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation de l’incidence sur les intérêts commerciaux du CEN

96. Les requérantes soutiennent en substance que, dans son appréciation de l’incidence sur les intérêts commerciaux du CEN, le Tribunal a commis une erreur de droit en appliquant à tort une présomption selon laquelle la divulgation des NTH demandées porterait atteinte à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 et en ne procédant pas à une appréciation de l’incidence spécifique sur ces intérêts commerciaux.

a)   Illégalité de l’invocation d’une présomption générale

97. Contrairement à ce que le Tribunal a déclaré au point 97 de l’arrêt attaqué, la Commission ne semble pas s’être fondée sur une présomption générale de confidentialité selon laquelle accorder l’accès aux NTH porterait automatiquement atteinte à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

98. Une telle présomption générale n’est prévue ni par le règlement no 1049/2001, ni par le règlement no 1025/2012, ni même d’ailleurs par la jurisprudence de la Cour. En effet, pour qu’une telle présomption puisse être admise, il devrait avoir été clairement démontré que la divulgation des documents en cause porterait gravement atteinte, de manière concrète, effective et non hypothétique ( 53 ), au système de normalisation de l’Union.

99. Tout d’abord, les NTH ne constituent qu’une petite partie de l’ensemble des normes élaborées par les OEN et la Commission fournit à ces dernières un financement important. D’après l’affirmation du CEN lors de l’audience, 4,6 % du budget de la normalisation provient de la vente des NTH, ce qui équivaut approximativement à quelque 2 millions d’euros par an, alors que, aux dires mêmes du CEN, le financement fourni par la Commission s’élève à « environ 20 % du budget total du CEN » ( 54 ) (mise en
italique par mes soins). Ensuite, lors de l’audience, il est apparu que, en réalité, le système de normalisation de l’Union ne nécessite pas un accès payant aux NTH pour son fonctionnement (contrairement aux constatations figurant aux points 102 et 103 de l’arrêt attaqué) ; en fait, l’exigence du paiement découle de la relation contractuelle qui existe entre les OEN et la Commission et des modalités de financement qui ont été convenues. Par exemple, l’ETSI (qui reçoit également un financement de
la Commission pour les NTH) permet déjà que ses NTH soient consultées, imprimées et téléchargées gratuitement à partir de son site Internet ( 55 ). En outre, la doctrine laisse apparaître qu’il existe des écarts de prix importants dans les différents États membres pour, foncièrement, les mêmes NTH, ce qui est symptomatique des problèmes que posent les modalités actuelles d’accès aux NTH ( 56 ).

100. Par ailleurs, constituant une exception à l’obligation d’examen concret et individuel, par l’institution de l’Union concernée, de chaque document, une présomption générale de confidentialité doit faire l’objet d’une interprétation et d’une application strictes. La Cour a reconnu l’existence de présomptions générales de confidentialité au bénéfice de cinq catégories de documents, à savoir i) les documents d’un dossier administratif en matière d’aides d’État ; ii) les mémoires déposés devant les
juridictions de l’Union ; iii) les documents échangés dans le cadre du contrôle des concentrations ; iv) les documents se rapportant à une procédure en manquement, et v) les documents afférents à une procédure d’application de l’article 101 TFUE ( 57 ).

101. À l’évidence, les NTH ne relèvent d’aucune de ces catégories. En effet, toutes les catégories susmentionnées sont liées à la nature procédurale spécifique de ces documents. Cela ne s’applique pas aux NTH demandées, qui, en outre, sont déjà accessibles dans des bibliothèques ou des points d’information pour en permettre l’inspection ou la vente. Partant, les NTH demandées ne sont pas confidentielles et, à la différence des catégories susmentionnées, elles ne concernent aucune procédure
administrative ou juridictionnelle en cours.

102. Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur en admettant que la Commission pouvait se fonder sur une telle présomption générale pour refuser l’accès aux NTH demandées.

b)   Absence d’appréciation de l’incidence concrète sur les intérêts commerciaux

103. Le Tribunal s’est contenté (point 64 de l’arrêt attaqué) d’adopter comme étant apodictiques les allégations de la Commission sur la protection par le droit d’auteur et il a conclu à une incidence, sur les intérêts commerciaux, qui découlerait d’une « diminution très importante des redevances perçues par le CEN ». Cette conclusion est inexacte.

104. Premièrement, les considérations du Tribunal impliquent que la protection par le droit d’auteur alléguée pour les NTH l’emporterait toujours sur la présomption d’un droit d’accès au titre du règlement no 1049/2001, ce qui est contraire à l’esprit et à la lettre de ce règlement dans le cadre duquel toute exception doit faire l’objet d’une interprétation stricte afin de conférer un droit d’accès qui soit le plus large possible ( 58 ).

105. Deuxièmement, le Tribunal n’a pas pris en considération les faits spécifiques de la présente affaire. L’incidence alléguée sur les intérêts commerciaux s’avère non fondée (voir point 99 des présentes conclusions).

106. Par conséquent, le Tribunal a commis une erreur de droit, parce qu’il ne pouvait pas justifier le refus d’accès aux NTH demandées en invoquant simplement une prétendue incidence négative sur de tels intérêts commerciaux dans le cadre de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

B. Sur le second moyen du pourvoi, tiré de l’erreur de droit commise en n’admettant pas un intérêt public supérieur

107. Premièrement, les requérantes soutiennent, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 98 à 101 de l’arrêt attaqué. Ainsi qu’il résulte de mon analyse du premier moyen, je pense comme les requérantes que leur demande d’accès aux NTH demandées se justifiait au titre du principe de l’État de droit. En décidant que les requérantes n’avaient pas démontré des raisons concrètes pour justifier leur demande, le Tribunal n’a pas reconnu la valeur de leur argument et a fondé
l’arrêt attaqué sur des considérations erronées.

108. En première instance, les requérantes ont indiqué qu’il existait un intérêt public supérieur, du fait que les NTH demandées faisaient partie du droit de l’Union, lequel doit être librement accessible. En outre, elles ont fait valoir que les NTH demandées avaient trait à des domaines du droit où un niveau élevé de protection des consommateurs, tel qu’il est assuré à l’article 169 TFUE, est essentiel, à savoir la sécurité des jouets et la teneur maximale en nickel, lequel constitue l’un des
principaux allergènes de contact ainsi qu’un agent cancérogène suspecté. Il est raisonnable de soutenir que tout consommateur devrait connaître le contenu de ces NTH afin d’assurer une sécurité maximale des jouets et de prévenir davantage le cancer. À cette fin, la conformité aux NTH joue un rôle important dans la protection, au sein de l’Union, des membres du public (particulièrement les enfants en ce qui concerne les NTH demandées) contre des produits potentiellement dangereux et nocifs.
Selon moi, les requérantes ont également démontré à suffisance que les NTH demandées revêtent également une importance significative pour les fabricants, les prestataires de services et les autres participants à la chaîne d’approvisionnement.

109. Par conséquent, les considérations qui précèdent étaient suffisantes pour que les conditions requises d’un intérêt public supérieur soient remplies dans le présent cas d’espèce. À cet égard, le Tribunal a commis une erreur de droit.

110. Deuxièmement, les requérantes critiquent, en substance, la constatation contenue aux points 102 à 104 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’intérêt public supérieur d’assurer la fonctionnalité du système de normalisation de l’Union l’emporte sur l’accès libre aux NTH.

111. Le fonctionnement du système de normalisation de l’Union est un facteur qui n’a rien à voir avec l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, laquelle concerne la protection des intérêts commerciaux de personnes physiques ou morales, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle. Dès lors, à l’article 4 de ce règlement, le Tribunal a créé de facto une nouvelle exception, ce qui ne saurait être admis ( 59 ). Au contraire, il ressort des
considérations qui précèdent que l’octroi d’un accès libre et inconditionnel aux NTH ne constitue pas une menace pour le fonctionnement du système de normalisation de l’Union.

112. En outre, l’article 12 du règlement no 1049/2001 exige que les institutions de l’Union mettent, autant que possible, les documents à la disposition directe du public. En particulier, les documents législatifs – les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci – doivent être rendus directement accessibles, sous réserve des articles 4 et 9 de ce règlement. Comme expliqué dans le cadre du
premier moyen, dans ce contexte, les NTH sont des documents faisant partie du droit de l’Union qui doivent pouvoir être opposés par toute personne concernée et, par conséquent, l’exigence en matière d’accessibilité doit également s’appliquer aux NTH.

113. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, d’annuler la décision litigieuse et d’ordonner à la Commission d’accorder aux requérantes l’accès aux quatre NTH demandées.

IV. Conclusion

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour : i) d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, Public.Resource.Org et Right to Know/Commission (T‑185/19, EU:T:2021:445) ; ii) d’annuler la décision C(2019) 639 final de la Commission européenne du 22 janvier 2019 refusant d’accorder l’accès aux normes techniques harmonisées demandées ; iii) d’ordonner à la Commission de donner aux requérantes accès à ces normes ; iv) de condamner la Commission aux dépens de
la procédure en première instance et de la procédure de pourvoi, et v) de condamner les parties intervenantes à supporter leurs propres dépens.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13).

( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne, modifiant les directives 89/686/CEE et 93/15/CEE du Conseil ainsi que les directives 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 98/34/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/23/CE et 2009/105/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la décision 87/95/CEE du Conseil et la décision no 1673/2006/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2012, L 316, p. 12).

( 5 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relative à la sécurité des jouets (JO 2009, L 170, p. 1).

( 6 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE,
93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1).

( 7 ) Respectivement, arrêts du 12 juillet 2012, Fra.bo (C‑171/11, ci-après l’ arrêt Fra.bo , EU:C:2012:453), du 27 octobre 2016, James Elliott Construction (C‑613/14, ci-après l’ arrêt James Elliott , EU:C:2016:821), et du 22 février 2022, Stichting Rookpreventie Jeugd e.a. (C‑160/20, ci-après l’ arrêt Stichting , EU:C:2022:101).

( 8 ) Directive du Conseil du 3 mai 1988 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la sécurité des jouets (JO 1988, L 187, p. 1).

( 9 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37).

( 10 ) Arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18, points 83 et 84).

( 11 ) Conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire James Elliott Construction (C‑613/14, EU:C:2016:63, point 40).

( 12 ) Lundqvist, B., « European Harmonised Standards as “Part of EU Law” : The Implications of the James Elliott Case for Copyright Protection and, Possibly, for EU Competition Law », Legal Issues of Economic Integration, vol. 44, no 4, 2017, p. 429 et 431.

( 13 ) Communication de la Commission du 2 février 2022 [COM(2022) 31 final], « Une stratégie de l’UE en matière de normalisation », respectivement p. 4 ainsi que p. 5 et suiv. Voir, également, le « Guide bleu » relatif à la mise en œuvre de la réglementation de l’UE sur les produits 2022 (JO 2022, C 247, p. 1), note en bas de page 192).

( 14 ) Voir, pour un bon exemple, le mandat de normalisation M/445 du 9 juillet 2009 concernant les NTH en matière de sécurité des jouets.

( 15 ) Arrêt du 14 décembre 2017, Anstar (C‑630/16, EU:C:2017:971, points 35 et 36).

( 16 ) Commission, Vademecum de la normalisation européenne à l’appui de la législation et des politiques de l’Union – Partie I [SWD(2015) 205], p. 9 et 10 (ci-après le « Vademecum »).

( 17 ) Voir orientations générales pour la coopération entre le CEN, le Cenelec et l’ETSI et la Commission européenne et l’Association européenne de libre-échange – 28 mars 2003 (JO 2003, C 91, p. 7).

( 18 ) Voir, également, Schepel, H., « The new approach to the new approach : The juridification of harmonised standards in EU law », Maastricht Journal of European and Comparative Law, vol. 20(4), 2013, p. 521.

( 19 ) De Bellis, M., « Op-Ed : “Private standards, EU law and access – The General Court’s ruling in Public.Resource.Org” », EU Law Live, 10 septembre 2021.

( 20 ) À cet égard, il importe de renvoyer également à l’arrêt James Elliott, point 43 (tel que cité au point 9 des présentes conclusions).

( 21 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13).

( 22 ) Soroiu, A., et Correia Magalhaes De Carvalho, M.F., « Lawtify Premium : Public.Resource.Org (T‑185/19), a Judicial Take on Standardisation and Public Access to Law », Review of European Administrative Law, vol. 15(2), 2022, p. 57. Voir, également, Schepel, H., op. cit., p. 521 et 523 ; Volpato, A., « The Harmonized Standards before the ECJ : James Elliott Construction », Common Market Law Review, vol. 54(2), 2017, p. 591 ; van Gestel, R., et van Lochem, P., « Private Standards as a
Replacement for Public Lawmaking ? » dans Cantero Gamito, M., et Micklitz, H.-W. (éd.), The Role of the EU in Transnational Legal Ordering, Edward Elgar Publishing, 2020, p. 31.

( 23 ) Voir arrêt Fra.bo (points 27 à 32), arrêt James Elliott (points 40, 42 et 43) et arrêt du 22 février 2018, SAKSA (C‑185/17, EU:C:2018:108, point 39).

( 24 ) Voir EIM Business & Policy Research, Access to Standardisation – Study for the European Commission, [DG] Entreprises et industries, 2010, respectivement p. 17 et 9.

( 25 ) Voir jurisprudence citée dans l’arrêt du 22 décembre 2022, Ministre de la Transition écologique et Premier ministre (Responsabilité de l’État pour la pollution de l’air) (C‑61/21, EU:C:2022:1015, points 43 à 47).

( 26 ) Voir rechtbank’s-Gravenhage (tribunal de La Haye, Pays-Bas), jugement du 31 décembre 2008, LJN : BG8465. Voir van Gestel, R., et Micklitz, H.-W., « European Integration Through Standardization : How Judicial Review is Breaking Down the Club House of Private Standardization Bodies », CMLR, vol. 50, 2013, p. 176.

( 27 ) Arrêt du 16 octobre 2014, Commission/Allemagne (C‑100/13, non publié, EU:C:2014:2293, point 63).

( 28 ) Voir, également, point 61 des présentes conclusions.

( 29 ) Arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 109).

( 30 ) Arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta (C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 63).

( 31 ) Arrêt du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a. (212/80 à 217/80, EU:C:1981:270, point 10).

( 32 ) Arrêt du 20 mai 2003, Consorzio del Prosciutto di Parma et Salumificio S. Rita (C‑108/01, EU:C:2003:296, points 95 et 96).

( 33 ) Elle est aussi reconnue par les principes constitutionnels inscrits dans diverses dispositions du traité sur l’Union européenne (telles que l’article 1er, deuxième alinéa, l’article 10, paragraphe 3, et l’article 11, paragraphes 2 et 3) ainsi que dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 42).

( 34 ) Arrêt du 11 décembre 2007, Skoma-Lux (C‑161/06, EU:C:2007:773, respectivement points 38 et 51).

( 35 ) Guichets gérés par les organismes de normalisation nationaux, où les NTH peuvent apparemment être consultées sous certaines conditions.

( 36 ) Rapport sur la prééminence du droit, adopté par la Commission de Venise lors de sa 86e session plénière (Venise, 25 et 26 mars 2011), CDL-AD(2011)003rev, point 44.

( 37 ) Voir, entre autres, Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne), 29 juillet 1998 – affaire 1 BvR 1143/90, DE:BVerfG:1998:rk19980729.1bvr114390, point 26.

( 38 ) Voir Van Waeyenberge, A., « La normalisation technique en Europe – L’empire (du droit) contre-attaque », Revue internationale de droit économique : RIDE, no 3, 2018, p. 314. Voir, également, Aubry, H., Brunet, A., et Peraldi-Leneuf, F., « Le contrôle des normes : un garde-fou démocratique à perfectionner », dans Aubry, H., et al. (dir.), La normalisation en France et dans l’Union européenne. Une activité privée au service de l’intérêt général ?, PUAM, Aix‑en‑Provence, 2012, p. 104.

( 39 ) Álvarez García, V., « La problemática de la publicidad oficial de las normas técnicas de origen privado que despliegan efectos jurídico-públicos », Revista de Derecho Comunitario Europeo, no 72, 2022, p. 467.

( 40 ) Voir, également, Álvarez García, V., op. cit., p. 478.

( 41 ) Arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil (C‑156/21, EU:C:2022:97, point 58).

( 42 ) Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979.

( 43 ) En vertu de l’article 1er, paragraphe 4, du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur, adopté à Genève le 20 décembre 1996.

( 44 ) Arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 69).

( 45 ) Voir, pour une critique de l’arrêt attaqué, Kamara, I., « General Court EU : Commercial interests block the right to access European harmonised standards », Journal of Standardisation, vol. 1, no 4, 2022, et Krämer, L., « L’environnement devant la Cour de justice de l’Union européenne », Revue du droit de l’Union européenne, 1/2022, p. 15.

( 46 ) Avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123, point 80).

( 47 ) Voir Blockx, F., « The General Court of the EU wanders into copyright law, and gets disoriented », IPKat guest post, 15 juillet 2021, où figurent d’autres références.

( 48 ) Arrêt du 12 septembre 2019, Cofemel (C‑683/17, EU:C:2019:721, point 29).

( 49 ) Arrêt du 1er décembre 2011, Painer (C‑145/10, EU:C:2011:798, point 89).

( 50 ) Arrêt du 1er mars 2012, Football Dataco e.a. (C‑604/10, EU:C:2012:115, point 42).

( 51 ) Blockx, F., op. cit.

( 52 ) Des annuaires téléphoniques sont effectivement, eux aussi, très longs et bien structurés, mais ils n’en sont pas pour autant le résultat de choix créatifs. Voir, notamment, Feist Publications, Inc., v. Rural Telephone Service Co., 499 U.S. 340 (1991). Voir, à cet égard, Blockx, F., op. cit.

( 53 ) Voir, notamment, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 43 à 66). Voir, également, arrêt du 25 janvier 2023, De Capitani/Conseil (T‑163/21, EU:T:2023:15, points 87 à 96 et jurisprudence citée), qui n’a pas fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour.

( 54 ) Toutefois, le rapport annuel du CEN pour l’année 2017 indique, p. 22, qu’il peut s’élever à 35 % du budget du CEN.

( 55 ) Voir https://www.etsi.org/intellectual-property-rights (bien que leur reproduction ait été autorisée par cette organisation).

( 56 ) Van Gestel, R., et Micklitz, H.-W., op. cit., p. 181.

( 57 ) Arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission (C‑57/16 P, EU:C:2018:660, points 80 et 81).

( 58 ) Arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 66).

( 59 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 65 et suiv.).


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-588/21
Date de la décision : 22/06/2023

Analyses

Pourvoi – Accès aux documents des institutions de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1049/2001 – Article 4, paragraphe 2 – Exceptions – Refus d’accès à un document dont la divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle – Intérêt public supérieur justifiant la divulgation – Normes harmonisées adoptées par le Comité européen de normalisation (CEN) – Protection découlant du droit d’auteur – Principe de l’État de droit – Principe de transparence – Principe d’ouverture – Principe de bonne gouvernance.


Parties
Demandeurs : Public.Resource.Org, Inc. et Right to Know CLG
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:509

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