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08/06/2023 | CJUE | N°C-457/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 8 juin 2023., Commission européenne contre Grand-duché de Luxembourg e.a., 08/06/2023, C-457/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 juin 2023 ( 1 )

Affaire C‑457/21 P

Commission européenne

contre

Grand-Duché de Luxembourg,

Amazon.com, Inc.,

Amazon EU Sàrl

« Pourvoi – Aide d’État – Octroi d’un prix de transfert avantageux – Avantage fiscal sélectif – Détermination du système de référence – Principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques applicables en matière de prix de transfert en tant que s

ystème de référence – Obligation de la Cour de s’en tenir au système de référence choisi par la Commission européenne et le Tribunal de l’Union europ...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 juin 2023 ( 1 )

Affaire C‑457/21 P

Commission européenne

contre

Grand-Duché de Luxembourg,

Amazon.com, Inc.,

Amazon EU Sàrl

« Pourvoi – Aide d’État – Octroi d’un prix de transfert avantageux – Avantage fiscal sélectif – Détermination du système de référence – Principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques applicables en matière de prix de transfert en tant que système de référence – Obligation de la Cour de s’en tenir au système de référence choisi par la Commission européenne et le Tribunal de l’Union européenne – Appréciation du prix de transfert correct – Délimitation entre l’appréciation
des faits et celle des questions de droit – Critère d’examen réduit lors de l’appréciation d’une application éventuellement erronée de dispositions fiscales par des autorités fiscales nationales – Décision fiscale anticipative »

I. Introduction

1. Le présent pourvoi porte de nouveau ( 2 ) sur le contrôle d’une décision fiscale anticipative au regard du droit des aides d’État. Si de telles décisions fiscales anticipatives contribuent, d’une part, à la sécurité juridique, elles n’en soulèvent pas moins parfois, d’autre part, le soupçon latent qu’elles reposent, dans certains États membres, sur des accords que les contribuables ont passés avec les autorités fiscales et qui sont préjudiciables à la concurrence.

2. Il s’agit là encore ( 3 ) de prix de transfert dont il est possible qu’ils s’écartent du principe de pleine concurrence. Au cours de l’année 2003, l’administration fiscale luxembourgeoise s’était prononcée, auprès d’Amazon.com, Inc., au sujet du montant approprié d’une redevance de licence entre deux filiales. Ce montant a une incidence sur l’impôt sur les sociétés dû par Amazon EU Sàrl, établie au Luxembourg. Plus la redevance est élevée, plus l’impôt sur les sociétés dû au Grand-Duché de
Luxembourg est faible. Pour déterminer la redevance appropriée, le Grand-Duché de Luxembourg et Amazon.com se sont accordés sur une méthode spécifique. La Commission européenne a considéré que cet accord sur les prix de transfert constituait une aide, car elle l’a jugé non conforme aux principes de pleine concurrence de l’OCDE. Elle a effectué son propre calcul du montant approprié de la redevance selon une méthode différente et est parvenue à une redevance inférieure. Comme cette méthode aurait
entraîné une charge fiscale plus lourde au titre de l’impôt sur les sociétés, elle a estimé que la décision anticipative conférait un avantage sélectif à la filiale qui payait la redevance.

3. Lors de la procédure engagée devant le Tribunal de l’Union européenne contre cette décision de la Commission relative à l’existence d’une aide d’État, les parties se sont surtout opposées au sujet des détails de la méthode appliquée ou à appliquer. Le débat n’a pas porté sur la question de savoir si les principes de pleine concurrence de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pouvaient constituer, en l’espèce, le système de référence correct d’un contrôle des aides
d’État. Le Tribunal n’a pu constater aucune détermination erronée des prix de transfert et a annulé cette décision en raison de l’absence de preuve d’un avantage sélectif.

4. Postérieurement à cet arrêt du Tribunal, la Cour a, dans l’affaire Fiat Chrysler Finance Europe/Commission ( 4 ), précisé que les principes de l’OCDE ne peuvent être utilisés comme système de référence pour déterminer l’existence d’un avantage sélectif que s’ils ont été repris dans le droit national. Tel n’est pas le cas en droit luxembourgeois. La Commission estime néanmoins que l’annulation de sa décision par le Tribunal est entachée d’une erreur de droit. Comme toutes les parties s’accordent
sur le système de référence, l’arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859), n’a, selon elle, aucune incidence sur le présent pourvoi. La Commission invoque, à cet égard, le principe ultra petita.

5. Si tel était le cas, se poserait alors la question de savoir dans quelle mesure la Cour est compétente pour contrôler le calcul « correct » d’un prix de transfert dans le cadre du pourvoi. La Commission fait notamment grief au Tribunal d’avoir fait une appréciation différente de la sienne en ce qui concerne certains points (propriété juridique des actifs incorporels, attribution contractuelle de droits et obligations, analyse fonctionnelle des filiales impliquées, etc.). L’appréciation des faits
relève toutefois, en principe, de la compétence du Tribunal et ce n’est tout au plus que leur dénaturation qu’il est permis de contester lors d’un pourvoi devant la Cour. Les questions de droit relèvent en revanche, dans le cadre d’un pourvoi, de la compétence originaire de la Cour ( 5 ). La présente affaire montre toutefois que cette délimitation est source de difficultés lors de l’appréciation d’un avantage sélectif. Une limitation de l’intensité du contrôle juridictionnel (autrement dit,
l’adoption d’un critère de contrôle modifié) pourrait devoir s’imposer lorsque la Cour interprète le droit fiscal national au regard de l’existence d’un avantage sélectif.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6. Les articles 107 et suivants TFUE constituent le cadre juridique.

B. Le droit luxembourgeois

7. Article 164, paragraphe 3, de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (ci-après la « LIR ») dispose :

« Les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable. Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité. »

C. Le modèle de convention et les lignes directrices de l’OCDE

8. L’OCDE a publié plusieurs lignes directrices non contraignantes sur la pratique fiscale internationale. En particulier, le modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune constitue le fondement de nombreuses conventions fiscales bilatérales conclues entre des États membres de l’OCDE et un nombre croissant d’États non membres. Il contient également des règles relatives à un partage raisonnable des bénéfices entre les sociétés au sein d’un groupe multinational. À cet
égard, l’article 9, paragraphe 1, du modèle de convention fiscale de l’OCDE, dans sa version en vigueur de 2003 à 2014, est libellé comme suit :

« [Lorsque] les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises, mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence. »

9. L’OCDE donne également des indications sur l’application du principe de pleine concurrence aux autorités fiscales et aux groupes multinationaux dans ses principes applicables en matière de prix de transfert ; ces principes sont en constante évolution. Pour les années concernées en l’espèce, les principes applicables en matière de prix de transfert sont avant tout ceux adoptés le 13 juillet 1995 (ci-après les « principes de l’OCDE de 1995 en matière de prix de transfert »).

10. Le point 1.13 des principes de l’OCDE de 1995 en matière de prix de transfert énonce :

« [L]e principe [de pleine concurrence] est théoriquement valide puisqu’il assure la meilleure approximation possible du fonctionnement du marché libre en cas de transfert de biens et de services entre entreprises associées. Bien qu’il ne soit pas toujours facile à mettre en pratique, il induit généralement parmi les membres de multinationales des niveaux de revenu corrects aux yeux de l’administration fiscale. Il reflète la réalité économique de la situation spécifique du contribuable qui
procède à des transactions dans le cadre d’entreprises associées en prenant pour référence le fonctionnement normal du marché. »

11. À cet égard, les principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert décrivent cinq méthodes de détermination d’un prix de pleine concurrence pour les transactions intragroupe : (i) la méthode du prix comparable sur le marché libre (CUP – comparable uncontrolled price, ci-après la « méthode CUP »), (ii) la méthode du coût majoré (cost-plus method), (iii) la méthode du prix de revente, (iv) la méthode transactionnelle de la marge nette [transactional net margin method (TNMM), ci-après
la « méthode TNM »] et (v) la méthode transactionnelle du partage des bénéfices. De façon générale, il convient d’appliquer la méthode de prix de transfert la plus appropriée en fonction des circonstances de l’espèce. Dans les cas difficiles où aucune de ces méthodes n’est concluante, une approche souple permettra d’utiliser conjointement les données obtenues au moyen de méthodes différentes. Les groupes multinationaux sont libres de recourir à des méthodes de fixation des prix de transfert
autres que celles qui sont exposées dans ces principes, dès lors que les prix fixés satisfont au principe de pleine concurrence.

III. Les antécédents du litige

12. Le litige trouve son origine dans des décisions fiscales anticipatives que le Grand-Duché de Luxembourg a adoptées en 2003, à la demande d’Amazon.com, au sujet du traitement fiscal, aux fins de l’impôt luxembourgeois sur les sociétés, pour les années 2006 à 2014, de deux sociétés nouvellement créées au Luxembourg.

A. Présentation de la décision anticipative

13. Le contexte était un projet de restructuration des activités d’Amazon.com, établie aux États-Unis, et des entreprises qu’elle contrôle (ci-après, prises ensemble, le « groupe Amazon »). Les entreprises du groupe Amazon en Europe exercent des activités en ligne, notamment le commerce de détail en ligne et la fourniture de divers services en ligne. À cette fin, le groupe Amazon gère plusieurs sites Internet en différentes langues de l’Union, parmi lesquels amazon.de, amazon.fr, amazon.it et
amazon.es.

14. Avant mai 2006, les activités au sein de l’Union du groupe Amazon étaient gérées à partir des États-Unis. En particulier, les activités de vente au détail et de services sur les sites Internet au sein de l’Union étaient exercées par deux sociétés établies aux États-Unis, à savoir Amazon.com International Sales Inc. (AIS) et Amazon International Marketplace (AIM) ainsi que d’autres entreprises établies en France, en Allemagne et au Royaume-Uni.

15. La restructuration, qui a eu lieu en 2006, a porté sur la création de deux sociétés ayant leur siège au Luxembourg. Il s’agissait concrètement, d’une part, d’Amazon Europe Holding Technologies SCS (ci-après « LuxSCS »), une société en commandite simple fermée de droit luxembourgeois, dont les associés étaient des entreprises américaines, et, d’autre part, d’Amazon EU Sàrl (ci-après « LuxOpCo »).

16. LuxSCS a, dans un premier temps, conclu plusieurs accords avec certaines entreprises du groupe Amazon établies aux États-Unis, à savoir :

– l’accord de licence et l’accord de cession de droits de propriété intellectuelle préexistants (license and assignment agreements for preexisting intellectual property, ci-après, dénommés ensemble, l’« accord d’entrée ») avec Amazon Technologies, Inc. (ATI), une société du groupe Amazon établie aux États‑Unis ;

– un accord de répartition des coûts conclu en 2005 avec ATI et A 9.com Inc., une entité du groupe Amazon établie aux États-Unis (ci-après l’« accord de répartition des coûts »). En vertu de l’accord d’entrée et de l’accord de répartition des coûts, LuxSCS a obtenu le droit d’exploiter certains droits de propriété intellectuelle et les « travaux dérivés » de ceux-ci, qui étaient détenus et mis au point par A 9.com et ATI. Les actifs incorporels visés par l’accord de répartition des coûts
comportaient essentiellement trois catégories de propriété intellectuelle, à savoir la technologie, les données clients et les marques. En vertu de l’accord de répartition des coûts et de l’accord d’entrée, LuxSCS pouvait également concéder les actifs incorporels en sous-licence, notamment dans le but d’exploiter les sites Internet au sein de l’Union. En contrepartie de ces droits, LuxSCS devait verser des paiements d’entrée et sa quote-part annuelle aux coûts liés au programme de
développement de l’accord de répartition des coûts.

17. Dans un second temps, LuxSCS a conclu avec LuxOpCo un accord de licence, qui a pris effet le 30 avril 2006, portant sur les actifs incorporels susmentionnés (ci-après l’« accord de licence »). En vertu de cet accord, LuxOpCo a acquis, en tant que licenciée, le droit d’utiliser les actifs incorporels en contrepartie du paiement d’une redevance de licence à LuxSCS (ci-après la « redevance »).

18. Enfin, LuxSCS a conclu un accord de licence et de cession de droits de propriété intellectuelle avec Amazon.co.uk Ltd, Amazon.fr SARL et Amazon.de GmbH, en vertu duquel LuxSCS a reçu certaines marques et les droits de propriété intellectuelle sur les sites Internet au sein de l’Union.

19. Au cours de l’année 2003, Amazon.com a demandé une décision fiscale anticipative correspondante. Elle portait sur le calcul du taux de la redevance que LuxOpCo devait payer à LuxSCS à partir du 30 avril 2006 et s’appuyait sur un rapport sur les prix de transfert. Les auteurs de ce rapport proposaient, en substance, une méthode de fixation des prix de transfert qui, selon eux, permettait de déterminer la dette de l’impôt sur le revenu des sociétés dont LuxOpCo devait s’acquitter au Luxembourg. En
particulier, Amazon.com avait demandé confirmation que la méthode de fixation des prix de transfert procurait à LuxOpCo un « bénéfice approprié et acceptable » au regard de la politique en matière de prix de transfert, ainsi que de l’article 56 et de l’article 164, paragraphe 3, de la LIR. La méthode de calcul de la redevance due par LuxOpCo à LuxSCS retenue dans la demande était décrite comme suit :

« 1.   calculer et attribuer à LuxOpCo le “rendement de LuxOpCo” d’un montant égal au montant le plus faible entre a) [confidentiel] % du total des charges d’exploitation supportées par LuxOpCo pour [l’Union] au cours de l’année considérée et b) le résultat d’exploitation réalisé dans [l’Union], attribuable aux sites [Internet] [au sein de l’Union], au cours de cette même année ;

2.   la redevance de licence est égale au résultat d’exploitation réalisé dans [l’Union], moins le rendement de LuxOpCo, sans pouvoir être inférieure à zéro ;

3.   le taux de redevance pour l’année est égal à la redevance de licence divisée par le chiffre d’affaires total réalisé dans [l’Union] pour l’année ;

4.   nonobstant ce qui précède, le montant du rendement de LuxOpCo n’est, quelle que soit l’année, pas inférieur à 0,45 %, ni supérieur à 0,55 % du chiffre d’affaires réalisé dans [l’Union] ;

5.   

a) si le rendement de LuxOpCo déterminé à l’étape 1 est inférieur à 0,45 % du chiffre d’affaires réalisé dans [l’Union], le rendement de LuxOpCo est ajusté afin qu’il soit égal au montant le plus faible entre i) 0,45 % du chiffre d’affaires ou du résultat d’exploitation réalisé dans [l’Union] et ii) le résultat d’exploitation réalisé dans [l’Union] ;

b) si le rendement de LuxOpCo déterminé à l’étape 1 est supérieur à 0,55 % du chiffre d’affaires réalisé dans [l’Union], le rendement de LuxOpCo est ajusté afin qu’il soit égal au montant le plus faible entre i) 0,55 % du chiffre d’affaires réalisé dans [l’Union] et ii) le résultat d’exploitation réalisé dans [l’Union. »

20. Amazon a également demandé aux autorités fiscales luxembourgeoises de confirmer le traitement fiscal réservé à LuxSCS, à ses associés établis aux États‑Unis et aux dividendes distribués au sein de cette structure. Il était expliqué dans la lettre que LuxSCS, en tant que société en commandite simple, n’avait pas une personnalité fiscale distincte de celle de ses associés et que, en conséquence, elle n’était assujettie ni à l’impôt sur le revenu des sociétés ni à l’impôt sur la fortune au
Luxembourg.

21. L’administration fiscale luxembourgeoise a approuvé cette appréciation et ce calcul par une décision anticipative en novembre 2003.

B. La procédure et la décision de la Commission

22. Le 24 juin 2014, la Commission a demandé au Grand-Duché de Luxembourg de lui fournir des informations sur les décisions fiscales anticipatives accordées au groupe Amazon. Le 7 octobre 2014, elle a publié la décision d’ouverture d’une procédure formelle d’examen, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

23. Dans le cadre de l’enquête ainsi entamée, la Commission a demandé divers renseignements au Grand-Duché de Luxembourg et à Amazon.com. Parmi les réponses aux demandes de renseignements, Amazon.com a présenté une copie d’un avis de la United States Tax Court (Cour fiscale fédérale des États-Unis) du 23 mars 2017 qui avait été rendu dans le cadre d’un recours formé par l’Internal Revenue Service (Agence de collecte fiscale du gouvernement fédéral, États-Unis) au sujet du montant des paiements liés
aux accords mentionnés au point 16 des présentes conclusions.

24. De plus, Amazon.com a présenté à la Commission un nouveau rapport datant de 2017 sur les prix de transfert, dont l’objectif était de vérifier a posteriori si la redevance versée par LuxOpCo à LuxSCS, conformément à la décision fiscale anticipative en cause, était conforme au principe de pleine concurrence.

25. Le 4 octobre 2017, la Commission a adopté la décision (UE) 2018/859 concernant l’aide d’État SA.38944 (2014/C) (ex 2014/NN) mise à exécution par le [Grand-Duché de] Luxembourg en faveur d’Amazon (ci-après la « décision litigieuse ») ( 6 ).

26. L’article 1er de cette décision se lit comme suit dans sa partie pertinente :

« La [décision fiscale anticipative en cause], par laquelle le Grand-Duché de Luxembourg a avalisé une méthode de fixation des prix de transfert [...] permettant à [LuxOpCo] de déterminer sa dette d’impôt sur le revenu des sociétés au Luxembourg de 2006 à 2014, d’une part, et l’acceptation ultérieure de la déclaration annuelle à l’impôt sur le revenu des sociétés fondée sur ladite décision, d’autre part, constituent une aide d’État [...] »

27. À cet égard, la Commission a indiqué que, si une décision fiscale anticipative approuve un résultat qui ne reflète pas de manière fiable une application normale du système fiscal général, elle confère un avantage sélectif au bénéficiaire. Ce traitement sélectif entraîne une réduction de la charge fiscale du contribuable et un avantage par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable. La décision fiscale anticipative en cause aurait également
conféré un avantage sélectif à LuxOpCo en réduisant l’impôt sur le revenu des sociétés qu’elle devait payer au Luxembourg. Cette conclusion repose sur un constat principal et trois constats subsidiaires.

28. Dans la section 9.2.1 de la décision litigieuse, la Commission a considéré que la décision anticipative avait produit un résultat qui s’écartait d’une approximation fiable d’un résultat de marché. L’approbation d’une méthode de fixation des prix de transfert qui attribuait une rémunération à LuxOpCo uniquement pour des fonctions dites « courantes » et qui attribuait la totalité du bénéfice généré par LuxOpCo au-delà de cette rémunération à LuxSCS sous la forme d’une redevance ne correspondait
pas, selon elle, au principe de pleine concurrence.

29. En effet, selon la Commission, au lieu de la méthode CUP, la méthode TNM aurait été la plus appropriée pour déterminer la rémunération due par LuxOpCo au titre de l’accord de licence. Elle a considéré que la partie exerçant des fonctions uniques et de valeur était LuxOpCo et non LuxSCS. En conséquence, la partie à tester aux fins de l’application de la méthode TNM aurait dû être LuxSCS et non pas LuxOpCo. Il en aurait résulté une redevance inférieure et, partant, une charge fiscale plus lourde
pour LuxOpCo au titre de l’impôt sur les sociétés.

30. Dans la section 9.2.2 de la décision litigieuse, intitulée « Constatation subsidiaire de l’existence d’un avantage économique », la Commission a exposé sa constatation subsidiaire de l’avantage, selon laquelle, à supposer même que l’analyse des fonctions de LuxSCS effectuée dans le rapport sur les prix de transfert de l’année 2003 ait été correcte, la méthode de fixation des prix de transfert avalisée par la décision fiscale anticipative en cause aurait été, en tout état de cause, fondée sur des
choix méthodologiques inappropriés qui auraient produit un résultat s’écartant d’une approximation fiable d’un résultat fondé sur le marché. À cet égard, la Commission a opéré trois constats subsidiaires distincts.

31. Dans le cadre de son premier constat subsidiaire, la Commission a affirmé que LuxOpCo avait été à tort considérée comme exerçant uniquement des fonctions de gestion « courantes » et que la méthode du partage des bénéfices, avec l’analyse des contributions, aurait dû être appliquée. Dans le cadre de son deuxième constat subsidiaire, la Commission a retenu que le choix des coûts d’exploitation, en tant qu’indicateur des bénéfices, était erroné. Dans le cadre de son troisième constat subsidiaire
concernant l’avantage, la Commission a considéré que l’inclusion d’un plafond de 0,55 % du chiffre d’affaires réalisé dans l’Union n’était pas appropriée.

C. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

32. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2017, le Grand‑Duché de Luxembourg a introduit le recours dans l’affaire T‑816/17.

33. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mai 2018, Amazon EU et Amazon.com (ci-après, prises ensemble, « Amazon ») a introduit le recours dans l’affaire T‑318/18.

34. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2018, l’Irlande a demandé à intervenir dans l’affaire T‑816/17 au soutien des conclusions du Grand-Duché de Luxembourg. Par ordonnance du 29 mai 2018, le président de la septième chambre élargie du Tribunal a fait droit à la demande en intervention de l’Irlande.

35. Les affaires T‑816/17 et T‑318/18 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et, par la suite, aux fins de l’arrêt.

36. À l’appui de leurs recours, le Grand-Duché de Luxembourg et Amazon ont soulevé plusieurs moyens qui se recoupent en grande partie. En substance, le Grand-Duché de Luxembourg et Amazon ont contesté la conclusion de la Commission relative à l’existence d’un avantage en faveur de LuxOpCo au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ils se sont à cet égard également opposés aux constats subsidiaires de la Commission relatifs à l’existence d’un avantage fiscal en faveur de LuxOpCo au sens de
l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ils ont notamment contesté les constats et les constats subsidiaires de la Commission en ce qui concerne la sélectivité de la décision anticipative en cause. Sur ce point, le Grand-Duché de Luxembourg a également fait valoir que la Commission avait violé la compétence exclusive des États membres en matière de fiscalité directe. Ils contestent plus particulièrement la pertinence, en l’espèce, des principes de l’OCDE dans leur version de 2017, tels que les a
utilisés la Commission pour adopter la décision litigieuse.

37. Dans son mémoire en intervention, l’Irlande invoque notamment une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage en faveur de LuxOpCo et la sélectivité de la mesure, ainsi qu’une violation des articles 4 et 5 TUE, en ce que la Commission a procédé à une harmonisation fiscale déguisée.

38. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le recours et annulé la décision litigieuse de la Commission. Aux points 133 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a toutefois rejeté comme étant irrecevable l’argument que l’Irlande avait tiré du fait que la Commission avait appliqué un principe de pleine concurrence conformément aux principes de l’OCDE, lequel principe n’était pas consacré par le droit luxembourgeois, au motif que cet argument de l’Irlande n’avait aucun rapport avec les
considérations avancées par le Grand-Duché de Luxembourg dans ses moyens.

39. Par son argumentation, relève le Tribunal, l’Irlande se réfère, en substance, à la base juridique invoquée par la Commission en ce qui concerne l’obligation imposée au Grand-Duché de Luxembourg d’appliquer le principe de pleine concurrence. Il en déduit que l’Irlande remet en cause les sources de droit de ce principe, tel qu’appliqué par la Commission dans la décision litigieuse. De surcroît, les arguments de l’Irlande ont trait à l’interprétation du contenu de ce principe et non à son
application par l’intermédiaire d’une méthode de détermination de prix de transfert. Or, selon le Tribunal, le premier moyen du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas trait à la question de savoir quelle est la source de droit dudit principe, ni à des questions d’interprétation de ce principe.

IV. La procédure devant la Cour

40. Le 27 juillet 2021, la Commission a introduit le présent pourvoi contre l’arrêt du Tribunal. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– annuler l’arrêt rendu par le Tribunal (septième chambre élargie) le 12 mai 2021 dans les affaires jointes T‑816/17 et T‑318/18, Luxembourg e.a./Commission (EU:T:2021:252) ;

– rejeter le premier moyen dans l’affaire T‑816/17 et les deuxième, quatrième, cinquième et huitième moyens dans l’affaire T‑318/18 ;

– renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se prononce sur les moyens qui n’ont pas encore été examinés ;

– à titre subsidiaire, statuer définitivement sur le litige, conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ;

– réserver les dépens de la présente procédure, si elle renvoie l’affaire devant le Tribunal, ou condamner le Grand-Duché de Luxembourg, Amazon EU et Amazon.com aux dépens, si elle statue définitivement sur le litige.

41. Le Grand-Duché de Luxembourg, Amazon EU et Amacon.com concluent qu’il plaise à Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens. À titre subsidiaire, le Grand-Duché de Luxembourg demande à la Cour de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

42. Devant la Cour, toutes les parties intéressées, à l’exception de l’Irlande, ont présenté des observations écrites sur les questions posées par la Cour et ont présenté des observations orales sur le pourvoi le 16 mars 2023, avec la participation de l’Irlande.

V. En droit

43. La Commission invoque deux moyens à l’appui de son pourvoi. Par son premier moyen, elle réfute la contestation, exposée aux points 162 à 297 de l’arrêt attaqué, de l’avantage constaté dans la décision litigieuse. Elle estime, d’une part, que le Tribunal a fait une application erronée du principe de pleine concurrence en jugeant que l’analyse fonctionnelle de la Commission était erronée. Elle considère, d’autre part, que c’est à tort que le Tribunal a censuré, dans la décision litigieuse, le
calcul de la redevance appropriée.

44. Par le second moyen, la Commission conteste le rejet, aux points 314 à 538 de l’arrêt attaqué, de l’avantage retenu à titre subsidiaire dans la décision. Elle estime à cet égard, d’une part, que le Tribunal a commis une erreur quant aux conditions de preuve d’un avantage. Elle fait valoir, d’autre part, que le Tribunal a fait une application erronée du principe de pleine concurrence et qu’il a, en outre, pour nier l’existence d’un avantage sélectif, retenu des arguments qui lui étaient propres
et que n’avaient pas avancés les requérants.

45. C’est à la lumière de ces moyens que se pose tout d’abord la question de savoir si la Cour doit examiner les détails du calcul du prix de transfert « approprié » pour la redevance conformément aux principes de pleine concurrence de l’OCDE. Cela supposerait que ces principes constituent le système de référence pertinent, ce qui est sujet à caution depuis l’arrêt de la Cour dans l’affaire Fiat Chrysler Finance Europe/Commission ( 7 ) (voir sous-section A.1.b.3 des présentes conclusions). Il lui
faudrait toutefois se pencher sur les détails du calcul du prix de transfert « approprié » si la question du système de référence pertinent ne se pose plus en l’espèce au motif qu’aucun moyen correspondant n’a été soulevé à cet égard au cours de la procédure devant le Tribunal (voir sous‑section A.1.b.2 des présentes conclusions).

46. Dans l’hypothèse où il y aurait lieu de tenir compte des principes de l’OCDE de 1995 en matière de pleine concurrence, il convient de préciser dans quelle mesure la Cour peut contrôler, dans le cadre du pourvoi, le calcul « correct » d’un prix de transfert effectué par le Tribunal. À cet égard, il convient également d’opérer une distinction entre l’appréciation des faits et l’analyse de questions de droit (voir sous-section A.2.b.1 des présentes conclusions). De plus, le critère d’examen
pertinent est important pour l’appréciation de l’application du droit fiscal national (voir sous-section A.2.b.2 des présentes conclusions ). Ces questions concernent également le second moyen du pourvoi (voir sous‑section B).

A. Sur le premier moyen : contestation erronée de l’avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, constaté dans la décision litigieuse

1.   Sur l’existence d’une aide (avantage sélectif)

47. Par son premier moyen, la Commission fait valoir que, aux points 162 à 297 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a contesté à tort l’approche qu’elle avait retenue, selon laquelle, LuxOpCo exerçant des fonctions uniques et de valeur, les redevances versées à LuxSCS avaient été excessives. Dans cette mesure, le Tribunal aurait fait une application erronée du principe de pleine concurrence et, partant, annulé à tort la décision litigieuse.

48. La Commission fait en conséquence grief au Tribunal d’avoir, en conformité avec la thèse du Grand-Duché de Luxembourg et d’Amazon, jugé que les décisions fiscales anticipatives ne constituaient pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

a)   Constatations du Tribunal

49. Le Tribunal a justifié l’absence d’aide, au point 296 de l’arrêt attaqué, par le fait que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage sélectif. Les éléments invoqués à l’appui du constat principal de l’avantage ne permettent pas d’établir, selon lui, que la charge fiscale de LuxOpCo aurait été artificiellement diminuée du fait d’une surévaluation de la redevance. Le calcul par le Grand‑Duché de Luxembourg de la redevance appropriée versée par LuxOpCo à LuxSCS n’est pas erroné en
droit. Le Grand-Duché de Luxembourg a selon lui correctement appliqué les principes pertinents de l’OCDE.

50. Au point 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté à cet égard que le principe de pleine concurrence, tel qu’applicable en l’espèce, peut être tiré de l’article 164, paragraphe 3, de la LIR. Cet élément ressort selon lui du considérant 241 de la décision litigieuse, sans que cette conclusion ait été remise en cause par les parties.

51. Au point 154 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission pouvait se fonder sur les principes de l’OCDE de 1995 pour déterminer l’existence d’un avantage sélectif. En revanche, et contrairement à ce qu’elle a fait dans sa décision, la Commission ne pouvait pas recourir aux principes de l’OCDE de 2017, qui n’étaient pas encore en vigueur à l’époque. Aux points 162 et suivants, il a en outre jugé erronées la méthode TNM choisie par la Commission dans la décision litigieuse, ainsi
que son application à LuxSCS.

52. En examinant les moyens du Grand-Duché de Luxembourg et d’Amazon visant à contester l’existence d’un avantage sélectif, le Tribunal a en définitive considéré que l’article 164, paragraphe 3, de la LIR, lu en combinaison avec les principes de l’OCDE de 1995, constituait le système de référence pertinent sur lequel la Commission s’était fondée. En faisant application de ce système de référence, il est parvenu à la conclusion que, en choisissant la méthode TNM, appliquée à LuxSCS, la Commission
avait, dans sa décision, retenu à tort un avantage sélectif.

b)   Analyse

1) Sur l’existence d’un avantage sélectif

53. Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour qu’une mesure soit qualifiée d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il doit s’agir, premièrement, d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif au bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence ( 8 ).

54. Seule l’existence d’un avantage sélectif est problématique en l’espèce. S’agissant de mesures fiscales, la sélectivité doit être déterminée en plusieurs étapes, conformément à la jurisprudence constante de la Cour. Pour ce faire, il convient, dans une première étape, d’identifier le régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné (dit « système de référence ») ( 9 ). C’est à partir de ce régime fiscal commun ou « normal » qu’il convient, dans une deuxième étape,
d’apprécier si la mesure fiscale en cause déroge audit système commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime commun, dans une situation factuelle et juridique comparable ( 10 ). Si une dérogation à l’« imposition normale » a été constatée, il convient, dans une dernière étape, de déterminer si la dérogation est justifiée.

55. Le point de départ lors de la détermination du système de référence ne peut, à cet égard, toujours être que le choix du législateur national quant à ce qu’il considère comme l’imposition « normale ». Les décisions fondamentales d’imposition, notamment les décisions relatives à la technique d’imposition, mais aussi les objectifs et les principes de l’imposition relèvent donc de l’État membre ( 11 ). Par conséquent, ni la Commission ni la Cour ne peuvent évaluer le droit fiscal national au regard
d’un système fiscal idéal ou fictif ( 12 ). En effet, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union a fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’État membre concerné qui, par l’exercice de ses compétences propres et dans le respect de son autonomie fiscale, détermine les caractéristiques constitutives de l’impôt, lesquelles définissent le système de référence ou le régime fiscal « normal » à partir duquel il convient d’analyser la condition relative à la sélectivité ( 13 ).

56. La détermination de ce système de référence constitue le point de départ de l’examen comparatif qui doit être mené dans le contexte de l’appréciation de la sélectivité. Dès lors, une erreur commise dans cette détermination vicie nécessairement l’ensemble de l’analyse de la condition relative à la sélectivité et, partant, d’une aide au sens de l’article 107 TFUE ( 14 ). Par conséquent, le pourvoi de la Commission ne peut être accueilli que si le Tribunal a conclu à tort à l’absence d’aide alors
que le système de référence retenu par la Commission était le bon (voir, à cet égard, sous-section A.1.b.3 des présentes conclusions). Il pourrait en aller de même si la Cour était liée par le système de référence retenu et jugé pertinent par le Tribunal (voir sous-section A.1.b.2 des présentes conclusions).

2) Sur le contrôle du système de référence dans le cadre du pourvoi

57. Il convient, tout d’abord, de déterminer si une éventuelle erreur dans la détermination du système de référence dans la décision litigieuse pourrait avoir une incidence sur l’arrêt du Tribunal. La Commission répond par la négative, car ni le Grand-Duché de Luxembourg ni Amazon n’ont remis en cause la détermination du système de référence dans leurs recours. Le Tribunal, soutient‑elle, a également retenu le système de référence sur lequel elle s’est fondée. Dès lors, la Cour ne pourrait plus
censurer ce choix du système de référence. Cette thèse ne saurait toutefois être suivie.

58. Tant le Grand-Duché de Luxembourg, soutenu par l’Irlande, qu’Amazon ont contesté l’existence d’un avantage sélectif et ont ainsi remis en cause la légalité de la décision litigieuse à la lumière de la notion objective d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le Tribunal a alors annulé la décision pour absence de preuve d’un avantage sélectif. La Commission attaque donc cette annulation du fait de la méconnaissance de cette notion d’« aide ».

59. Cette annulation ne serait toutefois erronée que si c’est à bon droit que la Commission a constaté l’existence d’un avantage sélectif dans la décision litigieuse. Il conviendrait alors d’annuler l’arrêt du Tribunal où une solution inverse est retenue. Comme nous l’avons cependant indiqué au point 56 des présentes conclusions, la légalité de cette constatation et de celle de l’existence d’une aide interdite au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE est nécessairement subordonnée à la
détermination correcte du système de référence. Sans cette détermination, il n’est pas possible de mener l’examen comparatif qui conditionne l’appréciation de la sélectivité de l’avantage. La question de savoir si le système de référence a été correctement déterminé dans la décision litigieuse est indissociable de celle de l’existence d’un avantage sélectif. S’agissant d’une conditio sine qua non, elle constitue donc une question de droit soumise au contrôle du pourvoi.

60. Le Grand-Duché de Luxembourg et Amazon ont contesté la légalité de la décision litigieuse en raison de l’absence d’avantage sélectif. La constatation du système de référence qui y est faite ne saurait être considérée isolément. Elle ne saurait davantage être devenue définitive de manière isolée, en échappant ainsi à un contrôle ultérieur des juridictions de l’Union. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que ni le Grand-Duché de Luxembourg ni Amazon n’ont explicitement contesté
le système de référence utilisé par la Commission. Au contraire, par leurs moyens dirigés contre l’existence d’un avantage sélectif, ils ont également contesté toutes les conditions permettant de retenir l’existence d’un avantage sélectif. Parmi ces conditions figure également le système de référence correctement déterminé, à défaut de quoi l’examen d’un avantage sélectif se trouverait en soi vicié, comme la Cour l’a déjà itérativement jugé ( 15 ).

61. Pour cette raison, il est également sans incidence que, aux points 136 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal ait rejeté l’argument de l’Irlande, partie intervenante, comme étant irrecevable pour des motifs purement formels. L’Irlande s’était focalisée sur le système de référence. Elle n’a certes pas contesté ce rejet. S’agissant toutefois d’une conditio sine qua non, la question du système de référence approprié relevait de la question de l’existence d’un avantage sélectif qu’avait
soulevée les autres parties (Grand-Duché de Luxembourg et Amazon).

62. Contrairement à ce que soutient la Commission dans sa réponse aux questions écrites de la Cour ( 16 ), cela n’est pas non plus contraire au principe ultra petita. Une annulation de la décision litigieuse en raison du choix erroné du système de référence ne va pas au-delà des conclusions du recours. Ceux-ci tendaient précisément à cette annulation en raison de l’absence d’avantage sélectif. Il en va de même du pourvoi, car la Commission considère que c’est à tort que le Tribunal a nié l’existence
d’un avantage sélectif.

63. À cet égard, la Cour peut (et doit) examiner ici tout d’abord si le système de référence retenu par le Tribunal et la Commission a été correctement déterminé et si, comme le Tribunal l’a estimé, il n’en résultait pas d’avantage sélectif. Si tel n’est pas le cas, la Cour ne saurait, en définitive, reprocher au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit.

64. Il se peut que le raisonnement du Tribunal ait été erroné, mais que le résultat reste néanmoins correct, de sorte que l’erreur n’aurait pas eu d’incidence sur le dispositif de l’arrêt du Tribunal ( 17 ). Si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt. Il y a lieu, au contraire, de procéder à une substitution de
motifs ( 18 ).

3) Sur le choix du système de référence approprié

65. Il convient donc de déterminer si le système de référence retenu par la Commission dans la décision litigieuse a été correctement choisi.

66. Au point 241 de la décision litigieuse, la Commission a identifié l’article 164, paragraphe 3, de la LIR comme étant le cadre juridique national pertinent, disposition considérée, jusqu’à la fin de l’année 2016, comme consacrant le principe de pleine concurrence. Étant entendu que celle-ci ne fait pas de distinction entre transactions internationales et nationales, il y a lieu, selon la Commission, de constater que les règles luxembourgeoises relatives aux prix de transfert sont conformes aux
principes de l’OCDE en la matière, même si l’article 164, paragraphe 3, de la LIR n’y fait pas expressément référence. Dans la note en bas de page qui figure dans ce point, la Commission renvoie toutefois au considérant 294 de la décision litigieuse, qui expose la thèse du Grand-Duché de Luxembourg selon laquelle la législation luxembourgeoise n’a pas fait référence aux principes de l’OCDE de 1995 en matière de prix de transfert. Ce sont les règles nationales en matière de prix de transfert qui
auraient au contraire été appliquées à l’époque.

67. Dans cette mesure, on n’a toujours pas une vision claire du système de référence pertinent sur la base duquel la Commission a examiné et retenu l’existence d’un avantage sélectif. Dans les développements qu’elle a consacrés à l’appréciation de la mesure au regard du droit des aides d’État, aux considérants 392 et suivants de la décision litigieuse, la Commission évoque des prix négociés de façon non conforme au principe de pleine concurrence (considérant 402 de la décision litigieuse), ou un
écart par rapport à une approximation fiable d’un résultat fondé sur le marché (considérant 406 de la décision litigieuse ; voir, également, considérant 584 de la décision litigieuse), sans cependant rattacher son analyse à des règles précises du droit luxembourgeois.

68. Il ressort toutefois des notes en bas de page que la Commission se réfère exclusivement aux principes de l’OCDE en matière de prix de transfert de différentes périodes. Ainsi, aux fins de l’examen d’une décision fiscale anticipative de 2003, se réfère-t-elle aux principes de l’OCDE de 2010 en matière de prix de transfert (voir, par exemple, notes en bas de page 409, 419, 429, 646, 677 de la décision litigieuse), ou même aux principes de l’OCDE de 2017 en matière de prix de transfert (voir notes
en bas de page 410, 417, 447, 679 de la décision litigieuse) ou encore aux principes de l’OCDE de 1995 en matière de prix de transfert (voir notes en bas de page 411, 418, 430, 647 de la décision litigieuse), voire aux trois à la fois (voir, par exemple, notes en bas de page 426, 427 et 428, 635, 649 de la décision litigieuse).

69. Le droit luxembourgeois semble en revanche n’avoir joué aucun rôle dans cet examen. C’est ce qui ressort des considérants 410 et 411 de la décision litigieuse. La Commission voit l’avantage sélectif dans une analyse fonctionnelle erronée, telle qu’elle résulterait des principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert de 1995, 2010 et 2017.

70. Or, ainsi que la Cour l’a récemment rappelé ( 19 ), en l’absence d’harmonisation à ce sujet, la fixation éventuelle des méthodes et des critères qui permettent de déterminer un résultat de « pleine concurrence » relève du pouvoir d’appréciation des États membres. Bien que les États membres de l’OCDE reconnaissent le mérite du recours au principe de pleine concurrence pour établir l’attribution correcte des bénéfices des sociétés entre différents pays, il existe des différences significatives
entre ces États dans l’application détaillée des méthodes de détermination des prix de transfert. Ainsi que la Commission l’a elle-même mentionné aux considérants 255 et suivants de la décision litigieuse, les lignes directrices de l’OCDE énumèrent plusieurs méthodes pour établir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions et la répartition des bénéfices entre les sociétés d’un même groupe.

71. Ne sauraient donc être pris en compte, dans l’examen de l’existence d’un avantage fiscal sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et aux fins d’établir la charge fiscale devant normalement peser sur une entreprise, des paramètres et des règles externes au système fiscal national en cause, à moins que ce dernier ne s’y réfère explicitement ( 20 ). Comme l’indique en outre la Cour ( 21 ), ce constat constitue une expression du principe de légalité de l’impôt, qui fait partie de
l’ordre juridique de l’Union en tant que principe général du droit, qui exige que toute obligation de paiement d’un impôt ainsi que tous les éléments essentiels qui définissent les caractéristiques fondamentales de celui-ci soient prévus par la loi, l’assujetti devant être en mesure de prévoir et de calculer le montant de l’impôt dû et de déterminer à quel moment il lui sera exigible ( 22 ).

72. Si l’on prend au sérieux le principe de légalité de l’impôt, une application des principes de l’OCDE en matière de prix de transfert comme droit applicable et comme système de référence n’est possible que si ce droit renvoie expressément à ces principes. Selon nous, une pratique administrative constante pourrait encore suffire à concrétiser une condition matérielle légale (en l’espèce, celle de la distribution occulte des bénéfices) pour élargir, en tout ou en partie, le système de référence aux
principes de l’OCDE en matière de prix de transfert. Or, la prise en compte d’une pratique administrative constante ( 23 ) en tant que système de référence suppose que la Commission ait établi cette pratique administrative dans l’État membre concerné et qu’elle ait fourni des précisions à ce sujet dans sa décision. La Commission ne l’a pas fait en l’espèce. Il apparaît en outre objectivement exclu que la pratique administrative au Luxembourg en 2003 ait déjà pu tenir compte des principes en
matière de prix de transfert de 2010 et 2017, qui n’avaient pas encore été adoptés.

73. En se fondant exclusivement sur les principes de l’OCDE en matière de prix de transfert de 1995, 2010 et même de 2017 pour examiner le niveau approprié de la redevance, la Commission a en définitive, comme elle l’avait d’ailleurs déjà fait dans l’affaire Fiat Chrysler Finance Europe/Commission ( 24 ), appliqué un principe de pleine concurrence différent de celui établi par le droit luxembourgeois. Ainsi, en effet, que cela ressort des considérants 241 et 294 de la décision litigieuse, le droit
luxembourgeois ne renvoie pas aux principes de l’OCDE en matière de prix de transfert.

74. Contrairement à ce qu’a soutenu oralement la Commission, cette conclusion n’est nullement modifiée par le fait que la pratique administrative luxembourgeoise a tenu compte, en 2003, des principes de l’OCDE de 1995 en matière de prix de transfert aux fins de la détermination de prix de transfert. Le Grand-Duché de Luxembourg et Amazon ont certes confirmé ce point. Toutefois, tous deux ont également souligné que la prise en compte de ces principes de l’OCDE en matière de prix de transfert doit
être distinguée d’une application telle que celle d’une loi contraignante. Il ne s’est agi, indiquent-ils, que de lignes directrices non contraignantes qui ont été prises en considération lors de l’application de l’article 164, paragraphe 3, de la LIR. En réponse à une question écrite de la Cour, le Grand-Duché de Luxembourg a expliqué lors de l’audience que les principes de l’OCDE en matière de prix de transfert auraient revêtu de l’importance en tant que principes d’interprétation. Ils
n’auraient toutefois pas eu à l’époque de valeur juridique contraignante et auraient été considérés comme non exhaustifs. D’autres méthodes de prix de transfert auraient donc également pu être appliquées.

75. La décision litigieuse ne fait pas ressortir dans quelle mesure concrète les principes de l’OCDE de 1995 en matière de prix de transfert ont été pris en compte au Luxembourg. Le fait que la décision litigieuse s’appuie à plusieurs reprises sur les principes de l’OCDE en matière de prix de transfert de 2010 et de 2017, qui n’étaient pas encore en vigueur à l’époque, montre au contraire que la Commission ne s’est pas fondée sur la situation juridique et administrative luxembourgeoise qui avait
cours lors de l’adoption de la décision fiscale anticipative en 2003.

76. Cette constatation n’est pas davantage remise en cause par l’argument qu’a avancé la Commission lors de l’audience, voulant que, selon elle, l’OCDE a simplement entendu, dans ses principes de 2010 et 2017, décrire de nouveau (de manière déclaratoire) les principes préexistants de 1995 en matière de prix de transfert, sans apporter aucune modification de fond. Or, avec ses principes de 2010 et de 2017 en matière de prix de transfert, l’OCDE s’est bel et bien efforcée de faire évoluer le contenu
de la détermination des prix de transfert. C’est ainsi qu’ont été développées au niveau de l’OCDE, dans le cadre des actions 8 à 10 du plan « BEPS » (base erosion and profit shifting), les fonctions DEMPE [on entend par là les domaines de création de valeur du développement (development), de l’amélioration (enhancement), de la maintenance (maintenance), de la protection (protection) et de l’exploitation (exploitation)] ( 25 ).

77. L’objectif de cette évolution était d’aligner les règles en matière de prix de transfert sur la création de valeur ajoutée entre sociétés apparentées afin de garantir que les prix de transfert reflètent les circonstances économiques d’une transaction. En 2017, l’approche dite « DEMPE » a été intégrée dans la version actuelle des principes de l’OCDE en matière de prix de transfert. En revanche, cette notion ne figure pas dans les principes de 1995 en matière de prix de transfert. Cette approche
était donc encore inconnue en 2003, ainsi que l’a également exposé le Grand-Duché de Luxembourg lors de l’audience. Or c’est précisément sur cette approche que se fonde la Commission dans la décision litigieuse (voir notamment considérants 262 et suivants).

78. La Commission s’est ainsi limitée à identifier, dans l’objectif poursuivi par le système général de l’impôt sur les sociétés au Luxembourg, l’expression abstraite du principe de pleine concurrence et à examiner la décision fiscale anticipative en cause sans prendre en compte la façon dont ledit principe est concrètement incorporé ou appliqué dans ce droit luxembourgeois, notamment en ce qui concerne les sociétés intégrées.

79. Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas retenu le droit national luxembourgeois en vigueur lors de l’adoption de la décision anticipative comme système de référence pertinent aux fins de son analyse de l’existence d’un avantage sélectif. Aussi, toutes les considérations qui suivent dans la décision litigieuse sont-elles également erronées en droit. La Commission a donc commis une erreur de droit dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. C’est donc à juste titre que,
quoique que pour d’autres motifs, le Tribunal a annulé la décision litigieuse du fait de l’absence d’un avantage sélectif exposé. La Cour n’est pas tenue de se prononcer sur le bien-fondé de ces autres motifs – qui sont explicitement contestés par la Commission dans son pourvoi.

4) Conclusion

80. Dans la mesure où la Commission n’a pas fondé son examen de l’existence d’un avantage sélectif sur le droit luxembourgeois (le cas échéant en combinaison avec la pratique administrative luxembourgeoise de l’époque) en tant que système de référence pertinent, les constatations figurant dans la décision litigieuse sont entachées d’une erreur. C’est à bon droit – quoique pour des motifs autres que ceux sur lesquels il s’est fondé – que le Tribunal a annulé la décision litigieuse de la Commission.
Le premier moyen de la Commission n’est donc pas fondé.

2.   À titre subsidiaire : analyse erronée des fonctions par le Tribunal – question de fait ou de droit ?

81. En revanche, si la Cour devait suivre l’argumentation de la Commission selon laquelle il n’y a plus lieu d’examiner le choix du système de référence pertinent au motif que les parties n’ont pas expressément contesté ce choix par leurs moyens, il conviendrait alors d’examiner plus en détail le premier moyen de la Commission.

82. Par celui-ci, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application du principe de pleine concurrence lorsqu’il a jugé que l’analyse fonctionnelle de la Commission était erronée. D’autre part, le Tribunal aurait censuré à tort, dans la décision litigieuse, le calcul de la redevance appropriée.

a)   Constatations du Tribunal

83. Aux points 156 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a motivé l’inexistence d’une aide par l’absence d’avantage sélectif. Le calcul par le Grand‑Duché de Luxembourg de la redevance appropriée versée par LuxOpCo à LuxSCS ne serait pas erroné en droit. Les principes de l’OCDE auraient été correctement appliqués, comme on l’a indiqué aux points 49 et suivants des présentes conclusions.

b)   Analyse

1) L’application correcte du principe de pleine concurrence est-elle une question de fait ou de droit ?

84. La Commission fait en définitive valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’application du principe de pleine concurrence. À cet égard, c’est à tort, relève-t-elle, qu’il aurait censuré l’analyse fonctionnelle qu’elle a effectuée dans la décision litigieuse. Elle estime que c’est son appréciation qui était correcte, à savoir que LuxSCS était la partie la moins complexe à laquelle la méthode de pleine concurrence qu’elle avait choisie (en l’espèce, la méthode TNM) devait être
appliquée. L’appréciation du Tribunal selon laquelle LuxSCS exerçait des fonctions actives (si bien que LuxOpCo était la société à tester) était en revanche erronée.

85. La question est de savoir si ces prétendues erreurs peuvent faire l’objet d’un contrôle dans le cadre du pourvoi. L’appréciation des faits – dont relève en principe également l’appréciation du droit national à laquelle se livre le Tribunal ( 26 ) – et des éléments de preuve ne constitue en effet pas une question de droit pouvant faire l’objet d’un contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi ( 27 ). La Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit ( 28 ). La
Commission n’a toutefois pas invoqué de dénaturation des faits dans son pourvoi, laquelle semble d’ailleurs exclue en l’espèce. Le Tribunal a « simplement » apprécié différemment les fonctions des sociétés concernées (LuxOpCo et LucxSCS), en considérant comme correcte une autre méthode de pleine concurrence et en procédant, sur la base de celle-ci, à un examen de la décision fiscale anticipative en cause. Lors de cet examen, et à la différence de la Commission, il n’a pas pu déceler d’avantage
sélectif dans le montant des redevances versées par LuxOpCo à LucxSCS, qui avait été avalisée dans cette décision fiscale anticipative.

86. La Cour a depuis clarifié dans sa jurisprudence que la détermination appropriée, par la Commission ou le Tribunal, du système de référence pertinent est une question de droit susceptible de faire l’objet d’un contrôle au stade du pourvoi ( 29 ). En effet, la Cour peut contrôler, en tant que question de droit, la qualification juridique du droit national qu’a opérée le Tribunal à l’aune du droit de l’Union ( 30 ). Il s’agit d’un élément décisif dans le champ d’application de l’article 107,
paragraphe 1, TFUE, car l’avantage sélectif nécessaire pour admettre l’existence d’une aide ne résulte que d’une dérogation au système fiscal national « normal », le système de référence. Un argument mettant en cause le choix du système de référence correct lors de la première étape de l’examen de l’existence d’un avantage sélectif est donc également recevable dans le cadre d’un pourvoi.

87. La Cour n’a en revanche pas encore expressément tranché la question de savoir si la subsomption concrète sous ce système de référence (et, partant, l’application du droit national au cas en cause) doit être considérée comme une question de droit susceptible de faire l’objet d’un contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, ou s’il convient, au contraire, de traiter cette application du droit national comme une appréciation des faits.

88. Nous partageons la thèse de la Commission qui, en définitive, entend voir traitées de manière identique la juste détermination (interprétation) du système de référence et la juste subsomption (application) sous ce système de référence. En effet, il est difficile de dissocier les deux, comme le montre cette procédure.

89. La méthode de fixation des prix de transfert (méthode CUP ou méthode TNM) résultant de l’application correcte des principes de pleine concurrence de l’OCDE fait-elle encore partie du système de référence et constitue-t-elle donc une question de droit ? Ou bien le choix de la méthode de fixation des prix de transfert constitue-t-il une subsomption sous le système de référence (les principes de l’OCDE en matière de prix de transfert) et donc une question de fait ? La différence serait tout au plus
de nature graduelle. Comme la fixation de la méthode de prix de transfert appropriée définit, à l’instar d’un fait générateur, le cadre de calcul du prix de transfert, cette détermination de la méthode appropriée de prix de transfert relève également, selon nous, du système juridique de référence.

90. Cela nous amène toutefois à la difficulté que, dans le pourvoi, la Cour est appelée à contrôler en détail la question complexe, tant sur le plan factuel que juridique, de l’existence d’un avantage sélectif. Dès lors que, s’agissant d’aides fiscales, cet avantage suppose une dérogation au système national de référence, la Cour doit interpréter et appliquer le droit national à cet égard (il s’agirait en l’espèce des principes de pleine concurrence luxembourgeois ou, selon la Commission, des
principes de pleine concurrence de l’OCDE). Comme nous l’avons déjà exposé récemment en détail ailleurs ( 31 ), ce n’est en réalité pas là une mission qui lui incombe. Les problèmes qui y sont liés peuvent être pris en compte par la voie d’une modification du critère d’examen (voir ci-après points 91 et suivants).

2) Meilleure alternative : modification du critère d’examen

91. Ce n’est donc pas toute dérogation au système national de référence (en l’espèce, la loi fiscale) favorable au contribuable, et, partant, non pas toute décision fiscale anticipative entachée d’une erreur favorisant le contribuable, qui est susceptible de constituer une aide au sens des traités.

92. Quand bien même une telle interprétation serait couverte par le libellé de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, cette solution irait à l’encontre du critère de contrôle que la Cour a dégagé pour les régimes d’aides revêtant la forme de lois fiscales générales. Elle souligne ainsi que, en l’état actuel de l’harmonisation du droit fiscal de l’Union, les États membres sont libres d’établir le système de taxation qu’ils jugent le plus approprié ( 32 ). Cette affirmation est également explicitement
valable en matière d’aides d’État ( 33 ). Cette marge de manœuvre des États membres couvre la détermination des caractéristiques fondamentales de chaque impôt et s’applique notamment à la mise en œuvre et à la conception du principe de pleine concurrence pour les transactions entre sociétés liées ( 34 ).

93. Les limites de cette marge d’appréciation des États membres ne sont dépassées que lorsque les États membres font un usage abusif de leur droit fiscal pour accorder des avantages à certaines entreprises « en contournant le droit des aides d’État » ( 35 ). Un tel abus de l’autonomie fiscale peut être présumé lorsque le régime prévu par la loi fiscale est manifestement incohérent ( 36 ). Ainsi, dans sa jurisprudence récente, la Cour ne procède à un contrôle des décisions fiscales générales en
matière d’aides d’État que si celles-ci ont été conçues de manière manifestement discriminatoire afin de contourner les exigences découlant du droit de l’Union en matière d’aides d’État ( 37 ).

94. L’on ne voit aucune raison de ne pas transposer cette jurisprudence à l’application erronée du droit au profit du contribuable. Ce sont donc non pas toutes les décisions fiscales anticipatives erronées, mais seulement les décisions fiscales anticipatives manifestement erronées en faveur du contribuable qui constituent un avantage sélectif. L’on qualifiera de « manifestes » les dérogations au cadre de référence national applicable qui ne sauraient être expliquées de manière plausible à un tiers
tel que la Commission ou les juridictions de l’Union, et qui sont donc également évidentes pour le contribuable concerné. De tels cas de figure constituent un contournement du droit en matière d’aides d’État par une application de la loi de manière manifestement discriminatoire.

95. En ce sens, l’avocat général Pikamäe a indiqué que la détermination de l’imposition « normale » procède de règles du droit positif ( 38 ). Il convient de reconnaître une certaine marge d’appréciation lors de l’application de ce cadre normatif, par exemple en ce qui concerne la détermination des prix de transfert pertinents ( 39 ). La Cour souligne également que la fixation éventuelle des méthodes et des critères permettant d’établir un résultat « de pleine concurrence » relève du pouvoir
d’appréciation des États membres ( 40 ).

96. Aussi convient-il de n’appliquer qu’un critère d’examen limité lors du contrôle des décisions fiscales individuelles (qu’il s’agisse de décisions normales ou de décisions fiscales anticipatives), en particulier lorsqu’elles contiennent des constatations relatives à un prix de transfert approprié. Si ce critère est limité à un contrôle de plausibilité, ce n’est pas toute application erronée du droit fiscal national qui est constitutive d’un avantage sélectif. Ce n’est que si la décision fiscale
anticipative (ou la décision fiscale) déroge manifestement au système de référence en faveur du contribuable qu’il peut y avoir avantage sélectif. En l’absence d’une telle dérogation manifeste, la décision peut éventuellement être illégale, mais ne constitue pas pour autant, du fait de cette éventuelle dérogation au cadre de référence, une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

97. Il s’ensuit que la Cour n’est pas tenue de vérifier si la méthode CUP devait effectivement être appliquée ou s’il aurait été plus juste de recourir à la méthode TNM. Il lui incombe uniquement – à supposer que les principes de l’OCDE aient été le système de référence pertinent – de se prononcer sur le point de savoir si la méthode appliquée par les autorités fiscales luxembourgeoises (en l’espèce, la méthode CUP) était manifestement erronée.

98. On ne saurait l’affirmer en l’espèce. Les deux méthodes sont mentionnées dans les principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert. Il n’existe pas à cet égard de rapport obligatoire de priorité ou de primauté entre les méthodes. C’est au contraire généralement la méthode la plus appropriée qui doit être choisie ( 41 ). Dans les cas difficiles où aucune des méthodes ne serait pertinente, il est également possible d’utiliser plusieurs méthodes conjointement, dans le cadre d’une
approche souple. Les groupes multinationaux sont même libres d’appliquer des méthodes de fixation de prix de transfert qui ne sont pas décrites dans ces principes, à condition que les prix obtenus respectent le principe de pleine concurrence.

99. Au considérant 252 de la décision litigieuse, la Commission reconnaît elle‑même que la méthode CUP choisie par le Grand-Duché de Luxembourg est pertinente en l’espèce. Aux considérants 253 et 254 de la décision litigieuse, la Commission qualifie la méthode CUP de « méthode directe de fixation des prix de transfert », et la TNMM de « méthode indirecte ». La Commission a alors besoin des longs développements figurant aux considérants 392 à 561 de la décision litigieuse et des principes de l’OCDE
de 2010 et de 2017 en matière de prix de transfert, qui n’étaient pas encore en vigueur à l’époque, pour démontrer que, au lieu de la méthode CUP, c’est la méthode TNM qui était pertinente et que, au lieu de LuxOpCo, c’est LuxSCS qui constituait la société à prendre en considération à cette fin. À supposer même qu’il en aille ainsi (depuis 2017), cela n’en fait pas moins également ressortir que le choix de la méthode CUP et la référence à LuxOpCo ne devaient pas (à l’époque) être considérés, à
première vue, comme erronés.

100. Si donc l’interprétation retenue par le Grand-Duché de Luxembourg dans les décisions anticipatives est peut-être erronée, elle ne constitue cependant pas une interprétation manifestement erronée du droit national (ou, en l’espèce, des principes de l’OCDE en matière de prix de transfert sur lesquels la Commission et le Tribunal se sont appuyés). Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur en considérant que la décision anticipative n’octroyait pas d’avantage sélectif.

101. Il s’ensuit que le premier moyen de la Commission n’est pas fondé. Cette constatation reste vraie quand bien même l’on admettrait, à titre subsidiaire, que le système de référence choisi à tort par la Commission et retenu de façon erronée par le Tribunal serait le bon.

3.   Résumé sur le premier moyen

102. Il y a donc lieu de maintenir que le premier moyen de la Commission n’est susceptible de prospérer sous aucun de ses aspects. L’arrêt attaqué du Tribunal apparaît correct quant à son résultat, puisque la Commission a retenu le système de référence erroné dans la décision litigieuse et n’a donc pas pu apporter la preuve de l’existence d’un avantage sélectif.

103. Même si l’on partait du système de référence retenu à tort (les principes de l’OCDE de 1995, 2010, voire, éventuellement, de 2017, applicables en matière de prix de transfert), la méthode CUP retenue dans la décision fiscale anticipative luxembourgeoise n’aurait pas été manifestement erronée et n’aurait pas non plus été appliquée de manière manifestement erronée. C’est pourquoi, dans la décision litigieuse, la Commission n’a pas davantage été en mesure de démontrer, par son premier constat
(considérants 409 à 561 de la décision litigieuse), que la décision fiscale anticipative avait conféré un avantage sélectif en faveur d’Amazon.

B. Sur le second moyen : erreur quant au niveau de preuve requis pour établir l’existence d’un avantage et application erronée du principe de pleine concurrence

104. Par son second moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir rejeté, aux points 314 à 538 de l’arrêt attaqué, l’avantage qu’elle avait retenu à titre subsidiaire et par trois voies différentes dans la décision. En l’occurrence, le Tribunal aurait, d’une part, commis une erreur dans le niveau de preuve requis pour établir l’existence d’un avantage. D’autre part, il aurait fait une application erronée du principe de pleine concurrence et n’aurait pas suffisamment motivé sa décision.

1.   Constatations du Tribunal

105. Au point 308 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’il incombe à la Commission de démontrer qu’une décision fiscale anticipative utilisée pour calculer la rémunération d’une entreprise confère un avantage économique. Pour ce faire, elle doit établir que cette rémunération s’écarte d’un résultat de pleine concurrence, dans des proportions telles qu’elle ne peut être considérée comme une rémunération qui aurait été perçue sur le marché dans des conditions de concurrence.

106. À cet égard (point 310 de l’arrêt attaqué), il appartient certes à la Commission de démontrer de manière concrète que l’erreur méthodologique a abouti à une diminution de la charge fiscale du bénéficiaire de la décision fiscale anticipée. Le Tribunal n’a cependant pas exclu que, dans certains cas, une erreur méthodologique soit telle qu’elle ne permette aucunement d’aboutir à une approximation d’un résultat de pleine concurrence et qu’elle conduise nécessairement à une sous-évaluation de la
rémunération qui aurait dû être perçue dans des conditions de marché.

107. Au point 312 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cependant constaté que la Commission s’était bornée à identifier des erreurs dans l’analyse des prix de transfert. Une telle approche est, en principe, insuffisante pour établir qu’il y a effectivement eu une diminution de la charge fiscale de LuxOpCo. Cela serait dû à l’absence de comparaison dans la décision litigieuse entre, d’une part, le résultat qui aurait été obtenu en application de la méthode de prix de transfert préconisée par la
Commission et, d’autre part, le résultat obtenu en application de la décision fiscale anticipative en cause.

108. S’agissant du premier constat subsidiaire de l’existence d’un avantage économique, le Tribunal constate, au point 520 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage, mais tout au plus la probabilité de l’existence d’un avantage.

109. La Commission – selon ce qu’indique le Tribunal au point 530 de l’arrêt attaqué – n’est pas parvenue à établir que, si la méthode du partage des bénéfices dans la variante de l’analyse des contributions avait été appliquée, la rémunération de LuxOpCo aurait été plus élevée. Le premier constat subsidiaire ne permet donc pas de soutenir la conclusion selon laquelle la décision fiscale anticipative en cause a conféré un avantage économique à LuxOpCo. En effet, outre le fait que la Commission n’a
pas cherché à déterminer quelle aurait été la rémunération de pleine concurrence de LuxOpCo au regard des fonctions identifiées par la Commission dans sa propre analyse fonctionnelle, le premier constat subsidiaire ne contient pas d’éléments concrets permettant d’établir à suffisance de droit que les erreurs dans l’analyse fonctionnelle ainsi que l’erreur méthodologique identifiée par la Commission, relative au choix de la méthode en tant que telle, ont effectivement abouti à une réduction de
la charge fiscale de LuxOpCo.

110. En outre, s’agissant du deuxième constat subsidiaire de l’existence d’un avantage économique, il y aurait lieu de constater (point 547 de l’arrêt attaqué) que la Commission n’a pas cherché à établir quelle aurait été la rémunération de pleine concurrence, ni a fortiori si la rémunération de LuxOpCo, avalisée par la décision fiscale anticipative en cause, était inférieure à la rémunération que LuxOpCo aurait perçue dans des conditions de pleine concurrence.

111. De surcroît, s’agissant du troisième constat subsidiaire de l’existence d’un avantage économique, le Tribunal a constaté, au point 585 de l’arrêt attaqué, que, aussi inapproprié que puisse être le mécanisme de plafond, et bien qu’il ne soit pas prévu dans les lignes directrices de l’OCDE dans leur version de 1995, la Commission n’a pas démontré que ce mécanisme avait eu une incidence sur le caractère de pleine concurrence de la redevance payée par LuxOpCo à LuxSCS.

112. Il en découle que, par ses trois constats subsidiaires, la Commission n’est pas parvenue à établir l’existence d’un avantage (points 537, 548 et 586 de l’arrêt attaqué).

2.   Analyse

113. Le second moyen n’est pas davantage fondé, puisque l’arrêt du Tribunal apparaît également correct sur ce plan – quoique pour d’autres motifs. Ainsi qu’il ressort des explications figurant aux points 53 et suivants des présentes conclusions, le simple fait que le système de référence retenu a déjà été fixé de façon erronée suffit à justifier l’annulation de la décision litigieuse. Au lieu de recourir au droit luxembourgeois (article 164, paragraphe 3, de la LIR), la Commission a exclusivement
fait application des principes de l’OCDE de 1995 en matière de prix de transfert, qui sont antérieurs à l’adoption de la décision fiscale anticipative en 2003, et des principes de l’OCDE de 2010 et 2017 en matière de prix de transfert, dont l’approbation est postérieure à l’adoption de cette décision.

114. Ce n’est que dans l’hypothèse où la Cour considérerait qu’elle est liée par le choix du système de référence erroné, parce que le Grand-Duché de Luxembourg et Amazon n’ont pas expressément contesté ce choix dans leur requête, qu’il conviendrait d’examiner plus avant le second moyen du pourvoi.

115. Mais même dans cette hypothèse, l’argumentation de la Commission n’aurait aucune chance de prospérer. En effet, et comme le Tribunal l’a constaté à juste titre, la Commission n’a pas démontré, dans la décision litigieuse, que la décision fiscale anticipative s’était manifestement écartée du système de référence et qu’elle avait, de ce fait, conféré un avantage sélectif à Amazon.

116. Les deux premiers constats autonomes n’ont pas révélé de violation manifeste du principe de pleine concurrence en vertu des principes de l’OCDE en matière de prix de transfert. En revanche, la Commission a indiqué dans la décision litigieuse (considérants 575 et suivants), dans le cadre du troisième constat subsidiaire, et à juste titre selon nous, que le fait de limiter le rendement imposable du preneur de licence en le plafonnant à 0,55 % du chiffre d’affaires annuel n’était pas compatible
avec la détermination d’une rémunération appropriée au moyen d’un prix de transfert. Comme il est de règle que des tiers n’organisent pas entre eux le régime d’une redevance de licence de telle manière que le preneur de licence ne devrait jamais soumettre à l’impôt plus d’un certain montant (en l’occurrence 0,55 % du chiffre d’affaires annuel), cet élément ne répond pas au principe de pleine concurrence – et ce même de façon manifeste selon nous.

117. C’est toutefois ce qu’a également constaté le Tribunal aux points 575 et suivants de l’arrêt attaqué. Ainsi qu’il l’a relevé à juste titre (point 578), cette erreur méthodologique (même si elle est manifeste) n’a pas pour effet de créer un avantage sélectif, car, même après l’application du mécanisme du plafond, la rémunération est restée dans l’intervalle de pleine concurrence. Le Tribunal en déduit que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage.

118. Ces considérations ne sont entachées d’aucune erreur de droit. Selon une jurisprudence constante de la Cour, il incombe à la Commission d’apporter la preuve de l’existence d’une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et, partant, également la preuve que la condition d’octroi d’un avantage aux bénéficiaires est remplie ( 42 ). Cela suppose que la Commission établisse ici qu’Amazon a bénéficié d’un avantage. Or, l’avantage sélectif ne résulte que d’un traitement plus
favorable par rapport à l’imposition normale, sous l’effet de la décision fiscale anticipative. Il appartient à la Commission d’apporter la preuve de ce traitement plus favorable.

119. Elle doit procéder à une appréciation d’ensemble et tenir compte à cet égard de tout élément pertinent du cas en cause qui lui permet de déterminer si l’entreprise avantagée n’aurait pas déjà obtenu des facilités comparables en application du système fiscal normal (système de référence). Dans le domaine d’application des prix de transfert, elle doit, pour ce faire, être en mesure de calculer le « bon » prix de transfert.

120. C’est à raison que la Commission objecte la très grande complexité d’un tel calcul. Cette objection confirme cependant de nouveau que toute application erronée du droit fiscal national n’est pas susceptible de constituer un avantage sélectif ( 43 ), mais que seules le peuvent les constatations manifestement erronées de la décision fiscale qui ont une incidence sur le montant de la dette fiscale.

121. Dans l’hypothèse où, en dépit de sa méthodologie contestable, le calcul du paiement de la redevance avalisée dans la décision fiscale anticipative aurait été inférieur au prix de transfert habituel, il n’y aurait pas eu de traitement avantageux d’Amazon par rapport à une imposition normale. En effet, un prix de transfert normal plus élevé aurait entraîné une charge fiscale encore plus faible. C’est à bon droit que le Tribunal a censuré l’absence d’une telle comparaison. Dans cette mesure, le
second moyen du pourvoi est lui aussi dénué de fondement.

C. Conclusion

122. En conclusion, les deux moyens invoqués par la Commission au soutien de son pourvoi sont dénués de fondement. L’arrêt attaqué apparaît exact quant à son résultat, quoique pour d’autres motifs que ceux sur lesquels le Tribunal s’est fondé. La décision devait être annulée ne serait-ce que parce que la Commission s’est fondée sur le système de référence erroné (principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert au lieu du droit luxembourgeois).

123. En outre, la décision fiscale anticipative ne fait pas non plus ressortir de reconnaissance manifestement erronée – trop favorable au contribuable – du montant de la redevance. Même si la fixation d’un plafond du montant imposable du preneur de licence est manifestement incompatible avec la méthode de calcul habituelle d’une redevance pratiquée entre des tiers, la Commission n’a pas démontré dans la décision qu’un avantage se trouvait ainsi également conféré.

VI. Sur les dépens

124. Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

125. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, qui est applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Amazon et le Grand-Duché de Luxembourg ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la Commission aux dépens exposés par Amazon et le Grand-Duché de Luxembourg dans le cadre du présent pourvoi.

126. L’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque, en n’ayant pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance participe à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour, cette dernière peut décider qu’elle supporte ses propres dépens. En l’espèce, l’Irlande, partie intervenante en première instance, a, sans être l’auteur du pourvoi, participé aux phases écrite et orale de la procédure devant la Cour, mais n’a pas
demandé la condamnation de la Commission aux dépens. Dans ces conditions, il y a lieu de décider qu’elle supportera ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi ( 44 ).

VII. Conclusion

127. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer de la manière suivante :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Grand-Duché de Luxembourg, Amazon EU Sàrl et Amazon.com, Inc.

3) L’Irlande supportera ses propres dépens.

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( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Voir, notamment, en dernier lieu, arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859), et conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Irlande/Commission (C‑898/19 P, EU:C:2021:1029), ainsi que nos conclusions dans les affaires Luxembourg/Commission et Engie Global LNG Holding e.a./Commission (C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:383).

( 3 ) Voir, à ce sujet, arrêts du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission (T‑760/15 et T‑636/16, EU:T:2019:669) ; du 15 juillet 2020, Irlande e.a./Commission (T‑778/16 et T‑892/16, EU:T:2020:338 – pourvoi en cours C‑465/20 P), et du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859).

( 4 ) Arrêt du 8 novembre 2022 (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859).

( 5 ) Voir article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

( 6 ) JO 2018, L 153, p. 1.

( 7 ) Arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859).

( 8 ) Arrêts du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 40) ; du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 53) ; du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 82), et du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 27).

( 9 ) Arrêts du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 53 et 55), ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 57).

( 10 ) Arrêts du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 49) ; du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 57), et du 19 décembre 2018, A-Brauerei (C‑374/17, EU:C:2018:1024, point 36).

( 11 ) Conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Irlande/Commission (C‑898/19 P, EU:C:2021:1029, points 60 et suiv.) ; voir également nos conclusions dans l’affaire Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2020:834, point 39), dans l’affaire Commission/Hongrie (C‑596/19 P, EU:C:2020:835, point 43), et dans l’affaire Fossil (Gibraltar) (C‑705/20, EU:C:2022:181, point 57).

Point confirmé dans les arrêts du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, points 38 et 39) ; du 16 mars 2021, Commission/Hongrie (C‑596/19 P, EU:C:2021:202, points 44 et 45) ; du 15 septembre 2022, Fossil (Gibraltar) (C‑705/20, EU:C:2022:680, point 59), et du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 73).

( 12 ) Conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Irlande/Commission (C‑898/19 P, EU:C:2021:1029, point 64).

En ce sens, voir également arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 74 – il s’ensuit que seul le droit national applicable dans l’État membre concerné doit être pris en compte en vue d’identifier le système de référence en matière de fiscalité directe).

( 13 ) Voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, points 38 et 39) ; du 16 mars 2021, Commission/Hongrie (C‑596/19 P, EU:C:2021:202, points 44 et 45), ainsi que du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 73).

( 14 ) Arrêts du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793, point 61 et jurisprudence citée), ainsi que du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 71).

( 15 ) Arrêts du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793, point 61 et jurisprudence citée), ainsi que du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 71).

( 16 ) Voir point 24 du mémoire du 22 février 2023.

( 17 ) Arrêt du 9 juin 2011, Comitato  Venezia vuole vivere  e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 65).

( 18 ) C’est ce qu’a expressément jugé la Cour dans son arrêt du 9 juin 2011, Comitato  Venezia vuole vivere  e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 118) ; voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 187 et jurisprudence citée). Voir également, à cet égard, nos conclusions dans l’affaire Telefónica/Commission (C‑274/12 P, EU:C:2013:204, point 16).

( 19 ) Arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 95).

( 20 ) Arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 96 in fine).

( 21 ) Arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 97).

( 22 ) En ce sens, voir également arrêt du 8 mai 2019, Związek Gmin Zagłębia Miedziowego (C‑566/17, EU:C:2019:390, point 39).

( 23 ) Sur la pertinence d’une pratique administrative constante au regard du droit des aides, voir, notamment, nos conclusions dans l’affaire Commission/Belgique et Magnetrol International (C‑337/19 P, EU:C:2020:990, points 63 et suiv.) ainsi qu’arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International (C‑337/19 P, EU:C:2021:741, points 71 et suiv.).

( 24 ) Arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859).

( 25 ) Principes de l’OCDE de 2017 applicables en matière de prix de transfert, chapitre VI, et Rapport final BEPS, actions 8 à 10, p. 141 à 160. Le rapport a été publié le 5 octobre 2015 et approuvé par le Conseil de l’OCDE le 23 juillet 2016.

( 26 ) Voir arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission (C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 63) ; du 3 avril 2014, France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 79) ; du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 78), et du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 82).

( 27 ) Voir article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

( 28 ) Voir arrêts du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 78 et jurisprudence citée), ainsi que du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 82).

( 29 ) Voir (sur un principe de pleine concurrence existant prétendument en droit national) arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 85) ; voir, par analogie, arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505, points 80 et 81 concernant l’interprétation erronée de l’article 8c du KStG par le Tribunal).

( 30 ) Arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 78) ; en ce sens, voir également arrêts du 3 avril 2014, France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 83), et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 61 à 63).

( 31 ) Voir nos conclusions dans les affaires Luxembourg/Commission et Engie Global LNG Holding e.a./Commission (C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:383, points 86 et suiv.).

( 32 ) Arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 37) ; voir en ce sens aussi, en ce qui concerne les libertés fondamentales, arrêts du 3 mars 2020, Vodafone Magyarország (C‑75/18, EU:C:2020:139, point 49), et du 3 mars 2020, Tesco-Global Áruházak (C‑323/18, EU:C:2020:140), point 69 et jurisprudence citée).

( 33 ) Arrêts du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 37), et du 15 septembre 2022, Fossil (Gibraltar) (C‑705/20, EU:C:2022:680, point 59) ; voir en ce sens, notamment, arrêt du 26 avril 2018, ANGED (C‑233/16, EU:C:2018:280, point 50 et jurisprudence citée).

( 34 ) C’est également en ce sens que va l’arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, points 95 et suiv.).

( 35 ) Arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 72).

( 36 ) Voir, par exemple, dans le cas de Gibraltar, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 101 et suiv.). Dans cette affaire, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord n’était lui-même pas en mesure d’expliquer les paramètres de droit fiscal sur lequel reposait le régime en cause (point 149).

( 37 ) Arrêts du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, points 42 et suiv., notamment point 44) ; du 16 mars 2021, Commission/Hongrie (C‑596/19 P, EU:C:2021:202, points 48 et suiv., notamment point 50), ainsi que du 15 septembre 2022, Fossil (Gibraltar) (C‑705/20, EU:C:2022:680, point 61). Déjà dans son arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 101), la Cour évoque un régime dont « il
apparaît [...] [qu’il] opère, en fait, une discrimination entre des » contribuables (mise en italique par nos soins).

( 38 ) Conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Irlande/Commission (C‑898/19 P, EU:C:2021:1029, point 106).

( 39 ) Conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P, EU:C:2021:1028, point 118).

( 40 ) Arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 95).

( 41 ) C’est également ce qu’indique la Commission au considérant 250 de la décision litigieuse.

( 42 ) En ce sens, expressément, voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona (C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 62). Voir également en ce sens arrêts du 19 septembre 2018, Commission/France et IFP Énergies nouvelles (C‑438/16 P, EU:C:2018:737, point 110 et jurisprudence citée), ainsi que du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne (C‑933/19 P, EU:C:2021:905, point 108).

( 43 ) Voir points 91 et suiv. des présentes conclusions.

( 44 ) Voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505, points 113 et 114), ainsi que du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 60).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-457/21
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Aides d’État – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Décision fiscale anticipative adoptée par un État membre – Aide déclarée incompatible avec le marché intérieur – Notion d’“avantage” – Détermination du cadre de référence – Imposition “normale” selon le droit national – Principe de pleine concurrence – Contrôle par la Cour de l’interprétation et de l’application du droit national par le Tribunal.

Aides accordées par les États

Concurrence


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Grand-duché de Luxembourg e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:466

Source

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