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25/05/2023 | CJUE | N°C-256/22

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 25 mai 2023., Pilatus Bank plc contre Banque centrale européenne., 25/05/2023, C-256/22


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 25 mai 2023 ( 1 )

Affaires C‑750/21 P et C‑256/22 P

Pilatus Bank plc

contre

Banque centrale européenne (BCE)

« Politique économique et monétaire – Mécanisme de surveillance unique – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit – Inculpation de l’actionnaire principal dan

s un pays tiers – Critère d’honorabilité – Perception de l’honorabilité par le marché – Règlement (CE) no 2271/96 (loi de blocage) – Exercice effecti...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 25 mai 2023 ( 1 )

Affaires C‑750/21 P et C‑256/22 P

Pilatus Bank plc

contre

Banque centrale européenne (BCE)

« Politique économique et monétaire – Mécanisme de surveillance unique – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit – Inculpation de l’actionnaire principal dans un pays tiers – Critère d’honorabilité – Perception de l’honorabilité par le marché – Règlement (CE) no 2271/96 (loi de blocage) – Exercice effectif des droits de la défense par un conseil – Responsabilité de
la BCE en ce qui concerne les actes préparatoires des autorités nationales – Protection juridictionnelle effective – Articles 41 et 47 de la Charte »

Table des matières

  I. Introduction
  II. Le cadre juridique
  A. Le règlement no 1024/2013
  B. Le règlement (UE) no 575/2013
  C. Le règlement (UE) no 468/2014
  D. La directive 2013/36/UE
  E. Les orientations communes des autorités européennes de surveillance des banques, des assureurs et des marchés de valeurs mobilières relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier
  III. Les antécédents du litige
  A. Les faits
  B. L’ordonnance attaquée (affaire C‑750/21 P)
  C. L’arrêt attaqué (affaire C‑256/22 P)
  IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
  V. Appréciation
  A. L’exercice effectif des droits de la défense dans le cadre de la procédure administrative (complexe) de retrait de l’agrément
  1. Remarques préliminaires
  2. La question de la responsabilité en cas de violation des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective dans le cadre d’une procédure administrative complexe
  a) La compétence exclusive de la Cour
  b) La responsabilité de la BCE en ce qui concerne les actes préparatoires nationaux
  c) Les erreurs de droit entachant l’arrêt attaqué et la question de savoir si le conseil de la requérante au pourvoi a pu effectivement assurer sa défense
  3. Conclusion intermédiaire
  a) Affaire C‑256/22 P
  b) Affaire C‑750/21 P
  B. La portée des pouvoirs de surveillance de la BCE
  1. Le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013
  2. Le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, tiré de la méconnaissance de la notion d’« honorabilité » visée à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36
  a) Les arguments avancés par la requérante au pourvoi
  b) Le rejet du deuxième moyen par le Tribunal
  c) La notion d’« honorabilité » visée à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36
  d) Les exigences procédurales applicables et le niveau de preuve requis pour établir le défaut d’honorabilité et le risque qui en découle
  e) La pertinence du règlement no 2271/96
  3. Le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, tiré de plusieurs erreurs de droit commises par le Tribunal et notamment du caractère disproportionné du retrait de l’agrément
  4. Le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P, tiré d’autres griefs
  5. Conclusion intermédiaire et règlement des dépens
  a) Affaire C‑750/21 P
  b) Affaire C‑256/22 P
  VI. Conclusion
  A. Affaire C‑750/21 P
  B. Affaire C‑256/22 P

I. Introduction

1. Si les deux présentes affaires ne sont pas formellement jointes, elles n’en concernent pas moins les mêmes parties et la même procédure administrative, à l’issue de laquelle la requérante au pourvoi, Pilatus Bank plc, s’est vu retirer par la Banque centrale européenne (BCE) l’agrément pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit (ci‑après l’« agrément »).

2. En outre, ces deux affaires soulèvent les mêmes questions de principe. D’une part, il convient de déterminer si, en vertu de ses pouvoirs supérieurs de surveillance et de décision, la BCE doit répondre du respect des droits de la défense de l’établissement de crédit concerné, en ce qu’elle doit être tenue responsable d’éventuels vices de procédure graves entachant la procédure administrative (complexe) au niveau national et, partant, doit répondre du respect des droits de la défense de
l’établissement de crédit concerné. D’autre part, il y a lieu d’examiner, dans ce contexte, si un établissement de crédit soumis à une mesure spécifique de surveillance ou de gestion peut pleinement exercer ses droits de la défense, ainsi que les voies de droit ouvertes contre le retrait (imminent) de l’agrément, par l’intermédiaire d’un conseil mandaté par son conseil de direction.

3. Par ailleurs, les deux présentes affaires soulèvent la question générale de la portée des pouvoirs de surveillance de la BCE découlant de la réglementation relative au mécanisme de surveillance unique (MSU) ( 2 ). À cet égard, il convient de vérifier si et dans quelle mesure, premièrement, la BCE peut être tenue responsable des actes préparatoires des autorités nationales compétentes, deuxièmement, elle doit contrôler leur légalité et, troisièmement, les juridictions de l’Union peuvent en
contrôler la légalité dans le cadre d’un recours introduit contre la décision de la BCE mettant fin à la procédure administrative.

4. Enfin, l’affaire C‑256/22 P soulève une question de principe supplémentaire, à savoir celle des conditions dans lesquelles un établissement de crédit peut se voir retirer l’agrément du fait que son actionnaire principal ne fait pas (plus) preuve de l’« honorabilité » requise. Il s’agit de la première fois que la Cour est amenée à se prononcer sur l’interprétation de ce critère d’évaluation indéterminé.

II. Le cadre juridique

A.   Le règlement no 1024/2013

5. Les considérants 16, 20 et 21 du règlement no 1024/2013 sont libellés de la manière suivante :

« (16) La sécurité et la solidité des grands établissements de crédit sont essentielles à la stabilité du système financier. Un certain nombre d’événements récents montrent cependant que celle-ci peut aussi se trouver menacée du fait de plus petits établissements financiers. Il conviendrait dès lors que la BCE puisse exercer ses missions de surveillance à l’égard de tous les établissements de crédits agréés dans les États membres participants et de toutes les succursales qui y sont établies.

[...]

(20) L’agrément préalable pour l’accès à l’activité d’établissement de crédit est un dispositif prudentiel clé, visant à garantir que cette activité ne peut être exercée que par les opérateurs dotés d’une solide base économique, d’une organisation leur permettant d’assumer les risques spécifiques inhérents à la prise de dépôts et à l’octroi de crédits, ainsi que d’un personnel de direction qualifié. La BCE devrait, par conséquent, être chargée d’agréer les établissements de crédit souhaitant
s’établir dans un État membre participants et avoir également la responsabilité des retraits d’agrément, selon des modalités spécifiques tenant compte du rôle des autorités nationales.

(21) Outre les conditions d’agrément des établissements de crédit et les cas de retrait de l’agrément prévus par le droit de l’Union, les États membres peuvent actuellement prévoir d’autres conditions d’agrément et cas de retrait de l’agrément. La BCE devrait donc exercer sa mission concernant l’agrément des établissements de crédit et le retrait de l’agrément en cas de non‑respect du droit national sur proposition des autorités compétentes nationales qui évaluent si les conditions pertinentes
prévues en droit national sont respectées. »

6. L’article 1er du règlement no 1024/2013, intitulé « Objet et champ d’application », dispose :

« Le présent règlement confie à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, en tenant pleinement compte de l’unité et de l’intégrité du marché intérieur et en remplissant à cet égard un devoir de diligence, un traitement égal étant réservé aux
établissements de crédit pour éviter les arbitrages réglementaires.

Les établissements visés à l’article 2, point 5, de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement [ ( 3 )] sont exclus des missions de surveillance confiées à la BCE en vertu de l’article 4 du présent règlement. Le champ d’application des missions de surveillance de la BCE est limité à la surveillance
prudentielle des établissements de crédit en application du présent règlement. Le présent règlement ne confie à la BCE aucune autre mission de surveillance, par exemple des tâches liées à la surveillance prudentielle des contreparties centrales.

Dans l’accomplissement de ses missions conformément au présent règlement, et sans préjudice de l’objectif consistant à assurer la sécurité et la solidité des établissements de crédit, la BCE tient pleinement compte de la diversité des établissements de crédit, de leur taille et de leur modèle d’entreprise.

Aucune mesure, proposition ou politique de la BCE n’établit, directement ou indirectement, de discrimination à l’égard d’un État membre ou d’un groupe d’États membres en tant que lieu de prestation de services bancaires ou financiers dans quelque devise que ce soit.

Le présent règlement est sans préjudice des responsabilités et pouvoirs correspondants dont sont investies les autorités compétentes des États membres participants pour l’exercice des missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE par le présent règlement.

Le présent règlement est également sans préjudice des responsabilités et pouvoirs correspondants dont sont investies les autorités compétentes ou désignées des États membres participants pour la mise en œuvre d’instruments macroprudentiels non prévus dans les actes pertinents du droit de l’Union. »

7. L’article 2, points 2, 3 et 9, du règlement no 1024/2013 contient les définitions suivantes :

« 2.   “autorité compétente nationale”, une autorité compétente nationale désignée par un État membre participant conformément au règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement [ ( 4 )] et à la directive 2013/36/UE ;

3.   “établissement de crédit”, un établissement de crédit au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1), du règlement (UE) no 575/2013 ;

[...]

9.   “mécanisme de surveillance unique” (MSU), le système de surveillance financière composé de la BCE et des autorités compétentes nationales des États membres participants, tel qu’il est décrit à l’article 6 du présent règlement. »

8. L’article 4 du règlement no 1024/2013 définit les missions confiées à la BCE notamment dans les termes suivants :

« 1.   Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :

a) agréer les établissements de crédit et retirer les agréments des établissements de crédit, sous réserve de l’article 14 ;

[...]

3.   Aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le présent règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et que ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre d’options, la BCE applique
également la législation nationale faisant usage de ces options.

[...] »

9. L’article 6 du règlement no 1024/2013 dispose notamment :

« 1.   La BCE s’acquitte de ses missions dans le cadre d’un mécanisme de surveillance unique composé d’elle-même et des autorités compétentes nationales. La BCE est chargée de veiller au fonctionnement efficace et cohérent du MSU.

[...]

4.   En ce qui concerne les missions définies à l’article 4, à l’exception du paragraphe 1, points a) et c), la BCE et les autorités compétentes nationales sont dotées des compétences fixées respectivement aux paragraphes 5 et 6 du présent article, dans le cadre et sous réserve des procédures visées au paragraphe 7 du présent article, pour la surveillance des établissements de crédit, des compagnies financières holdings, des compagnies financières holdings mixtes ou des succursales, établies dans
les États membres participants, d’établissements de crédit établis dans des États membres non participants :

– qui sont moins importants sur base consolidée, au plus haut niveau de consolidation sur le territoire des États membres participants, ou à titre individuel dans le cas spécifique des succursales, établies dans les États membres participants, d’établissements de crédit établis dans des États membres non participants. Cette importance est appréciée sur la base des critères suivants :

i) la taille ;

ii) l’importance pour l’économie de l’Union ou d’un État membre participant ;

iii) l’importance des activités transfrontalières de l’établissement.

En ce qui concerne le premier alinéa ci-dessus, un établissement de crédit, une compagnie financière holding ou une compagnie financière holding mixte n’est pas considéré comme moins important, sauf si des circonstances particulières, à préciser dans la méthodologie, justifient de le considérer comme tel, si l’une quelconque des conditions suivantes est remplie :

i) la valeur totale de ses actifs est supérieure à 30 milliards d’euros ;

ii) le ratio entre ses actifs totaux et le PIB de l’État membre participant d’établissement est supérieur à 20 %, à moins que la valeur totale de ses actifs soit inférieure à 5 milliards d’euros ;

iii) à la suite d’une notification de son autorité compétente nationale estimant que l’établissement présente un intérêt important pour l’économie nationale, la BCE arrête une décision confirmant cette importance après avoir procédé à une évaluation exhaustive comprenant une étude du bilan de l’établissement de crédit concerné.

La BCE peut également, de sa propre initiative, considérer qu’un établissement présente un intérêt important s’il a établi des filiales bancaires dans plus d’un État membre participant et si ses actifs ou passifs transfrontaliers représentent une partie importante de ses actifs ou passifs totaux, sous réserve des conditions fixées dans la méthodologie.

Les établissements pour lesquels une aide financière publique a été directement demandée ou reçue du [fonds européen de stabilité financière (FESF)] ou du [mécanisme européen de stabilité (MES)] ne sont pas considérés comme moins importants.

Nonobstant les alinéas précédents, la BCE s’acquitte des missions que lui confie le présent règlement en ce qui concerne les trois établissements de crédit les plus importants dans chacun des États membres participants, sauf si des circonstances particulières justifient qu’il en soit autrement.

5.   En ce qui concerne les établissements de crédit visés au paragraphe 4, et dans le cadre visé au paragraphe 7 :

a) la BCE communique aux autorités compétentes nationales des règlements, des orientations ou des instructions générales précisant les modalités selon lesquelles lesdites autorités compétentes nationales doivent accomplir les missions définies à l’article 4, à l’exclusion du paragraphe 1, points a) et c), et arrêter des décisions en matière de surveillance ;

[c]es instructions peuvent se référer aux pouvoirs spécifiques visés à l’article 16, paragraphe 2, pour des groupes ou des catégories d’établissements de crédit aux fins d’assurer la cohérence des résultats de la surveillance au sein du MSU ;

b) si cela s’avère nécessaire pour assurer une application cohérente de normes élevées de surveillance, la BCE peut, à tout moment, de sa propre initiative après consultation des autorités compétentes nationales, ou à la demande d’une autorité compétente nationale, décider d’exercer elle-même directement toutes les compétences pertinentes à l’égard d’un ou de plusieurs établissements de crédit visés au paragraphe 4, y compris dans le cas où une aide financière publique a été demandée ou reçue
indirectement du FESF ou du MES ;

[...] »

10. L’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1024/2013 dispose :

« 1.   Aux seules fins de l’accomplissement des missions que lui confient l’article 4, paragraphes 1 et 2, et l’article 5, paragraphe 2, la BCE est considérée, selon le cas, comme l’autorité compétente ou l’autorité désignée des États membres participants, conformément aux dispositions pertinentes du droit de l’Union.

À ces seules et mêmes fins, la BCE est investie de l’ensemble des pouvoirs et soumise à l’ensemble des obligations prévus dans le présent règlement. Elle est également investie de l’ensemble des pouvoirs et soumise à l’ensemble des obligations qui incombent aux autorités compétentes et désignées en vertu des dispositions pertinentes du droit de l’Union, sauf disposition contraire du présent règlement. La BCE est notamment investie des pouvoirs énumérés dans les sections 1 et 2 du présent
chapitre.

Dans la mesure nécessaire pour accomplir les tâches qui lui incombent en vertu du présent règlement, la BCE peut demander, par voie d’instructions, que les autorités nationales précitées fassent usage de leurs pouvoirs, conformément aux dispositions nationales en vigueur, lorsque le présent règlement ne confère pas de tels pouvoirs à la BCE. Lesdites autorités nationales informent dûment la BCE de l’exercice de ces pouvoirs.

2.   La BCE exerce les pouvoirs visés au paragraphe 1 du présent article conformément aux actes visés à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa. Dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs respectifs de surveillance et d’enquête, la BCE et les autorités compétentes nationales coopèrent étroitement. »

11. L’article 14 du règlement no 1024/2013, intitulé « Agrément », dispose :

« 1.   Toute demande d’agrément pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit devant être établi dans un État membre participant est soumise aux autorités compétentes nationales de l’État membre où l’établissement de crédit doit être établi conformément aux exigences du droit national applicable.

2.   Si le demandeur satisfait à toutes les conditions d’agrément prévues par le droit national de cet État membre, l’autorité compétente nationale arrête, dans le délai prévu par le droit national, un projet de décision proposant à la BCE d’octroyer l’agrément. Ce projet de décision est notifié à la BCE et au demandeur. Dans les autres cas, l’autorité compétente nationale rejette la demande d’agrément.

3.   Le projet de décision est réputé adopté par la BCE si celle-ci ne s’y oppose pas dans un délai maximal de dix jours ouvrables, qui peut, dans des cas dûment justifiés, être prorogé une fois de la même durée. La BCE ne s’oppose au projet de décision que lorsque les conditions d’agrément prévues par les dispositions pertinentes du droit de l’Union ne sont pas remplies. Elle communique par écrit les motifs de son rejet.

4.   La décision prise en application des paragraphes 2 et 3 est notifiée par l’autorité compétente nationale au demandeur.

5.   Sous réserve du paragraphe 6, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale. Ces consultations visent, en particulier, à garantir qu’avant de décider de retirer un agrément, la BCE donne suffisamment de temps aux autorités nationales pour leur
permettre d’arrêter les mesures correctrices nécessaires, y compris d’éventuelles mesures de résolution, et qu’elle tient compte de celles-ci.

Lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale.

6.   Tant que les autorités nationales demeurent compétentes pour soumettre des établissements de crédit à une procédure de résolution, lorsqu’elles considèrent que le retrait de l’agrément nuirait à la mise en œuvre adéquate ou à des mesures nécessaires à la résolution ou au maintien de la stabilité financière, elles font dûment part de leur objection à la BCE en expliquant en détail le préjudice qu’un retrait entraînerait. Dans ces cas, la BCE s’abstient de procéder à un retrait pendant une
période fixée d’un commun accord avec les autorités nationales. La BCE peut prolonger cette période si elle estime que des progrès suffisants ont été accomplis. Si, toutefois, la BCE établit, dans une décision motivée, que les mesures nécessaires pour maintenir la stabilité financière n’ont pas été mises en œuvre par les autorités nationales, le retrait de l’agrément est applicable avec effet immédiat. »

B.   Le règlement (UE) no 575/2013

12. Le considérant 5 du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 ( 5 ), est libellé comme suit :

« Le présent règlement et la directive 2013/36/UE combinés devraient former le cadre juridique régissant l’accès à l’activité, le cadre de surveillance et les règles prudentielles applicables aux établissements de crédit et entreprises d’investissement (ci-après dénommés ensemble “établissements”). Par conséquent, le présent règlement devrait être lu conjointement avec ladite directive. »

13. L’article 4, paragraphe 1, points 1 et 42, du règlement no 575/2013 contient les définitions suivantes :

« Au sens du présent règlement, on entend par :

1) “établissement de crédit” : une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte ;

[...]

42) “agrément” : un acte émanant des autorités, quelle qu’en soit la forme, qui confère le droit d’exercer l’activité[.] »

C.   Le règlement (UE) no 468/2014

14. L’article 27, paragraphe 1, du règlement (UE) no 468/2014 de la Banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») ( 6 ), intitulé « Représentation d’une partie », dispose :

« Une partie peut être représentée par ses représentants légaux ou statutaires ou par tout autre représentant mandaté par écrit pour entreprendre toute action en lien avec la procédure de surveillance prudentielle de la BCE. »

D.   La directive 2013/36/UE

15. L’article 1er de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE ( 7 ), dispose :

« La présente directive établit des règles concernant :

a) l’accès à l’activité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (ci-après dénommés ensemble “établissements”) ;

b) les pouvoirs et outils de surveillance dont sont dotées les autorités compétentes aux fins de la surveillance prudentielle des établissements ;

c) la surveillance prudentielle des établissements par les autorités compétentes d’une manière compatible avec les règles énoncées dans le règlement (UE) no 575/2013 ;

d) les exigences de publication applicables par les autorités compétentes dans le domaine de la régulation et la surveillance prudentielles des établissements. »

16. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2013/36, intitulé « Agrément », dispose :

« Les États membres exigent des établissements de crédit qu’ils obtiennent un agrément avant de démarrer leurs activités. Sans préjudice des articles 10 à 14, ils fixent les exigences de cet agrément et les notifient à l’[Autorité bancaire européenne (ABE)]. »

17. L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2013/36, intitulé « Interdiction aux personnes ou entreprises autres que des établissements de crédit d’exercer l’activité de réception de dépôts ou d’autres fonds remboursables du public », dispose :

« Les États membres interdisent aux personnes ou aux entreprises qui ne sont pas des établissements de crédit d’exercer l’activité de réception de dépôts ou d’autres fonds remboursables du public. »

18. L’article 14, paragraphe 2, de la directive 2013/36, intitulé « Actionnaires et associés », dispose :

« Les autorités compétentes refusent l’agrément pour démarrer l’activité d’établissement de crédit si, compte tenu de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit, elles ne sont pas satisfaites de la qualité des actionnaires ou associés, notamment lorsque les critères énoncés à l’article 23, paragraphe 1[,] ne sont pas rempli[s]. L’article 23, paragraphes 2 et 3, et l’article 24 sont applicables. »

19. L’article 18 de la directive 2013/36, intitulé « Retrait de l’agrément », dispose :

« Les autorités compétentes ne peuvent retirer l’agrément accordé que lorsqu’un établissement de crédit :

a) ne fait pas usage de l’agrément dans un délai de douze mois, y renonce expressément ou a cessé d’exercer son activité pendant une période supérieure à six mois, à moins que l’État membre concerné ne prévoie, dans ces cas, que l’agrément devient caduc ;

b) a obtenu l’agrément au moyen de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier ;

c) ne remplit plus les conditions d’octroi de l’agrément ;

d) ne remplit plus les exigences prudentielles énoncées à la troisième, quatrième ou sixième partie du règlement (UE) no 575/2013 ou imposées en vertu de l’article 104, paragraphe 1, point a), ou de l’article 105, de la présente directive ou n’offre plus la garantie de pouvoir remplir ses obligations vis-à-vis de ses créanciers et, en particulier, n’assure plus la sécurité des fonds qui lui ont été confiés par ses déposants ;

e) se trouve dans un des autres cas de retrait de l’agrément prévus par le droit national ; ou

f) commet l’une des infractions visées à l’article 67, paragraphe 1. »

20. L’article 23, paragraphes 1 et 2, de la directive 2013/36 dispose :

« 1.   En procédant à l’évaluation de la notification prévue à l’article 22, paragraphe 1, et des informations visées à l’article 22, paragraphe 3, les autorités compétentes évaluent, afin de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée et compte tenu de l’influence probable du candidat acquéreur sur cet établissement de crédit, le caractère approprié du candidat acquéreur et la solidité financière de l’acquisition envisagée conformément
aux critères suivants :

a) l’honorabilité du candidat acquéreur ;

b) l’honorabilité, les connaissances, les compétences et l’expérience, énoncées à l’article 91, paragraphe 1, de tout membre de l’organe de direction et de tout membre de la direction générale qui assureront la direction des activités de l’établissement de crédit à la suite de l’acquisition envisagée ;

c) la solidité financière du candidat acquéreur, compte tenu notamment du type d’activités exercées et envisagées au sein de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée ;

d) la capacité de l’établissement de crédit de respecter et de continuer à respecter les exigences prudentielles découlant de la présente directive, du règlement (UE) no 575/2013 et, le cas échéant, d’autres dispositions du droit de l’Union, notamment les directives 2002/87/CE et 2009/110/CE, y compris le point de savoir si le groupe auquel il appartiendra possède une structure qui permet d’exercer une surveillance effective, d’échanger réellement des informations entre les autorités compétentes
et de déterminer le partage des responsabilités entre les autorités compétentes ;

e) l’existence de motifs raisonnables de soupçonner qu’une opération ou une tentative de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme au sens de l’article 1er de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme [ ( 8 )] est en cours ou a eu lieu en rapport avec l’acquisition envisagée, ou que l’acquisition envisagée pourrait
en augmenter le risque.

2.   Les autorités compétentes ne peuvent s’opposer à l’acquisition envisagée que s’il existe des motifs raisonnables de le faire sur la base des critères énoncés au paragraphe 1 ou si les informations fournies par le candidat acquéreur sont incomplètes. »

E.   Les orientations communes des autorités européennes de surveillance des banques, des assureurs et des marchés de valeurs mobilières relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier

21. La section 10 des orientations communes des autorités européennes de surveillance des banques, des assureurs et des marchés de valeurs mobilières [à savoir l’ABE, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF)] relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier (JC/GL/2016/01, ci‑après les « orientations communes »),
intitulée « Réputation du candidat acquéreur – premier critère d’évaluation », dispose notamment :

« 10.1 L’évaluation de la réputation du candidat acquéreur devrait couvrir deux éléments :

(a) son intégrité ; et

(b) sa compétence professionnelle.

[...]

10.9 Un candidat acquéreur devrait être considéré comme honorable s’il n’existe aucune preuve fiable du contraire et si l’autorité de surveillance cible n’a pas de motif raisonnable de douter de son honorabilité. Toutes les informations pertinentes disponibles aux fins de l’évaluation devraient être prises en compte, sans préjudice de toute éventuelle limitation imposée par le droit national et indépendamment du pays dans lequel tout événement pertinent s’est produit.

[...]

10.13 Les facteurs suivants, qui pourraient remettre en cause l’intégrité d’un candidat acquéreur, devraient être particulièrement pris en compte :

(a) toute condamnation ou poursuite pour infraction pénale, et notamment :

i. toute infraction prévue par les lois régissant les activités bancaires, financières, liées aux valeurs mobilières et d’assurance, ou concernant les marchés de valeurs mobilières, les valeurs mobilières ou instruments de paiement ;

ii. tout délit de malhonnêteté, de fraude ou financier, y compris le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la manipulation de marché, le délit d’initié, l’usure et la corruption ;

iii. toute infraction fiscale ;

iv. toute autre infraction prévue par la législation relative aux sociétés, à la faillite, à l’insolvabilité ou à la protection des consommateurs ;

(b) toute conclusion pertinente issue de contrôles sur site et hors site, d’enquêtes ou de mesures d’exécution forcée, dans la mesure où elle concerne le candidat acquéreur, soit directement, soit indirectement, du fait de la propriété qu’il détient ou du contrôle qu’il exerce, et l’application de toute sanction pour non‑respect des dispositions régissant les activités bancaires, financières, liées aux valeurs mobilières et d’assurance ou celles concernant les marchés de valeurs mobilières, les
valeurs mobilières ou instruments de paiement, ou toute législation et réglementation relative aux services financiers ou autre question prévue au point a) ci-dessus ;

(c) toute mesure d’exécution forcée prise par d’autres organismes de réglementation ou professionnels pour non‑respect de toute disposition pertinente ; et

(d) toute autre information issue de sources crédibles et fiables qui est pertinente dans ce contexte. Lorsqu’elles examinent si les informations issues d’autres sources sont crédibles et fiables, les autorités compétentes devraient tenir compte de la mesure dans laquelle la source est publique et digne de confiance, de la mesure dans laquelle les informations sont communiquées par plusieurs sources indépendantes et de bonne réputation et sont cohérentes dans le temps et de l’existence ou de la
non‑existence de motifs raisonnables de soupçonner qu’elles sont fausses.

[…]

10.16 Les autorités de surveillance cibles devraient évaluer la pertinence de telles situations au cas par cas, en reconnaissant que les caractéristiques de chaque situation peuvent être plus ou moins graves et que certaines situations peuvent être sérieuses lorsqu’elles sont considérées ensemble, même si, séparément, chacune d’elles pourrait ne pas être sérieuse.

[...] »

III. Les antécédents du litige

A.   Les faits

22. La requérante en première instance et au pourvoi dans les deux présentes affaires est Pilatus Bank, un établissement de crédit moins important établi à Malte et soumis à la surveillance prudentielle directe de la Malta Financial Services Authority (MFSA) (Autorité maltaise des services financiers). La seconde requérante en première instance dans l’affaire T‑27/19, Pilatus Holding Ltd, n’est pas partie aux procédures de pourvoi.

23. Selon un communiqué de presse publié par le United States Department of Justice (ministère de la Justice des États-Unis d’Amérique), le 19 mars 2018, M. Ali Sadr, l’actionnaire de la requérante au pourvoi détenant indirectement 100 % de son capital et des droits de vote (ci-après l’« actionnaire principal »), a été arrêté aux États-Unis sous six chefs d’inculpation liés à sa supposée participation à un système par lequel environ 115 millions de dollars des États-Unis (USD) versés pour financer
un projet au Venezuela auraient été détournés au profit de personnes et d’entreprises iraniennes.

24. Selon l’acte d’inculpation adopté par le United States Attorney for the Southern District of New York (procureur des États-Unis d’Amérique pour le district sud de New York), certains fonds utilisés pour établir et financer la requérante au pourvoi en 2013 avaient une origine illégale liée au projet au Venezuela.

25. À la suite de l’inculpation de l’actionnaire principal aux États‑Unis, la requérante au pourvoi a notamment reçu des demandes de retrait de dépôts pour un montant total de 51,4 millions d’euros, c’est‑à‑dire environ 40 % des dépôts figurant à son bilan.

26. Le 21 mars 2018, la MFSA a adopté une directive relative au retrait ou à la suspension des droits de vote, par laquelle elle a notamment ordonné, premièrement, que l’actionnaire principal soit démis de son poste de dirigeant de la requérante au pourvoi avec effet immédiat ainsi que de toutes ses autres fonctions décisionnelles au sein de celle-ci, deuxièmement, qu’il suspende l’exercice de ses droits de vote et, troisièmement, qu’il s’abstienne de toute représentation juridique ou en justice de
la requérante au pourvoi.

27. Le même jour, la MFSA a adopté une directive relative à un moratoire, par laquelle elle a enjoint à la requérante au pourvoi de n’autoriser aucune transaction bancaire, en particulier les retraits et les dépôts par les actionnaires et les membres du conseil de direction de la requérante au pourvoi.

28. Le 22 mars 2018, la MFSA a adopté une directive relative à la nomination d’une personne compétente, afin de confier à cette personne l’exercice de l’essentiel des pouvoirs normalement dévolus aux organes de direction de la requérante au pourvoi en ce qui concerne les activités spécifiques et les actifs de cette dernière.

29. Le 29 juin 2018, la BCE a reçu une proposition de la MFSA de retirer l’agrément de la requérante au pourvoi, en application de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013.

30. Le 2 août 2018, la MFSA a soumis à la BCE une proposition révisée de retrait de l’agrément.

31. Par courrier du 31 août 2018, la BCE a invité la requérante au pourvoi à présenter ses observations concernant le projet de décision de retrait de l’agrément dans les cinq jours ouvrés suivant la date de réception de ce courrier.

32. Le 6 septembre 2018, la requérante au pourvoi, représentée par son conseil, a demandé une prolongation de 14 jours du délai pour présenter ses observations, ainsi que l’accès au dossier de la procédure.

33. Sur ce, la BCE, par courrier électronique du 10 septembre 2018, a enjoint à la requérante au pourvoi de lui transmettre, par l’intermédiaire de la personne compétente ou sous réserve de son approbation, toute correspondance échangée dans le cadre de la procédure administrative de retrait de l’agrément. Le 20 novembre 2018, la requérante au pourvoi a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de ce courrier, lequel a été rejeté comme étant irrecevable par ordonnance du 10 juillet 2019, Pilatus
Bank/BCE ( 9 ). Le pourvoi formé contre la décision d’irrecevabilité du Tribunal a été, lui aussi, rejeté, par ordonnance du 4 février 2021, Pilatus Bank/BCE ( 10 ), comme étant manifestement non fondé, quoique avec substitution des motifs.

34. À la demande de la requérante au pourvoi, le délai imparti à celle-ci pour présenter ses observations a été prorogé une première fois jusqu’au 17 septembre 2018, puis une seconde fois jusqu’au 21 septembre 2018.

35. Par courrier du 13 septembre 2018, la BCE a accordé à la requérante au pourvoi un accès au dossier de la procédure administrative.

36. Le 21 septembre 2018, la requérante au pourvoi a transmis ses observations concernant le projet de décision de retrait de l’agrément, exprimant l’opposition de sa direction et de ses actionnaires à celui-ci.

37. Le 2 novembre 2018, la BCE a adopté, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, la décision par laquelle la requérante au pourvoi s’est vu retirer l’agrément (ci-après la « décision litigieuse ») ( 11 ).

38. La personne compétente refusant de payer les honoraires d’avocat du conseil de la requérante au pourvoi sur les fonds de cette dernière, celle-ci a adressé deux courriers électroniques à la BCE, les 13 novembre et 20 décembre 2018, par lesquels elle lui a demandé d’assurer sa surveillance prudentielle directe au titre du règlement no 1024/2013 et d’ordonner à la personne compétente d’autoriser le paiement des honoraires d’avocat de son conseil.

39. Dans un courrier électronique du 21 décembre 2018 (ci-après le « courrier électronique litigieux ») ( 12 ), la BCE a répondu, en substance, que ses missions de surveillance en vertu du règlement no 1024/2013 sont limitées aux établissements de crédit (article 1er, premier alinéa, de ce règlement). La BCE a motivé sa réponse en indiquant que, l’agrément de la requérante au pourvoi lui ayant été retiré avec effet au 5 novembre 2018, la BCE n’est plus compétente pour prendre des mesures à son
égard.

B.   L’ordonnance attaquée (affaire C‑750/21 P)

40. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 2019, la requérante au pourvoi a introduit un recours en annulation du courrier électronique litigieux.

41. Par ordonnance du 24 septembre 2021, Pilatus Bank/BCE (T‑139/19, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:623), le Tribunal a rejeté le recours, au titre de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

42. Le Tribunal a tout d’abord examiné le premier moyen, tiré d’une erreur de droit de la BCE en ce qu’elle s’est déclarée incompétente pour assurer la surveillance prudentielle directe de la requérante au pourvoi et ordonner à la personne compétente d’autoriser le paiement des honoraires d’avocat du conseil mandaté par le conseil de direction de la requérante au pourvoi. Le Tribunal a conclu à l’incompétence manifeste de la BCE à cet égard et a rejeté le premier moyen comme étant manifestement
dénué de tout fondement en droit. Citant l’ordonnance du 12 mars 2021, PNB Banka/BCE (T‑50/20, EU:T:2021:141), le Tribunal a également rejeté les autres moyens comme étant, en substance, manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

C.   L’arrêt attaqué (affaire C‑256/22 P)

43. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 janvier 2019, la requérante au pourvoi, conjointement avec Pilatus Holding, a introduit un recours en annulation de la décision litigieuse.

44. Par arrêt du 2 février 2022, Pilatus Bank et Pilatus Holding/BCE (T‑27/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:46), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable en tant qu’il a été introduit par Pilatus Holding, au motif que les actionnaires n’étaient pas directement concernés par la décision litigieuse, et comme étant non fondé pour le surplus.

45. Le premier moyen porte sur la question de la recevabilité dans le cadre de la procédure de retrait de l’agrément prévue à l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013. Le Tribunal a conclu à l’absence de violation de cette disposition ainsi que du droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ( 13 ). À l’appui de sa décision, le Tribunal soutient notamment que le fait que la MFSA pourrait
avoir excédé ses compétences en adoptant les directives des 21 et 22 mars 2018 préalablement à sa proposition de retirer l’agrément à la requérante au pourvoi n’est pas de nature à entacher la décision litigieuse d’illégalité. En effet, selon lui, l’adoption de ces directives, dans de telles circonstances, ne constitue ni un acte d’ouverture, ni un acte préparatoire, ni un acte de « proposition non contraignante » par rapport à la décision litigieuse au sens de l’arrêt du 19 décembre 2018,
Berlusconi et Fininvest ( 14 ) (ci-après l’« arrêt Berlusconi »).

46. Le Tribunal a également rejeté le deuxième moyen ( 15 ), tiré d’une erreur d’appréciation quant au motif de retrait de l’agrément, à savoir l’atteinte portée à l’honorabilité de l’actionnaire principal et de la requérante au pourvoi et le risque en résultant pour l’établissement de crédit concerné ainsi que pour le système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

47. En outre, le Tribunal a rejeté les troisième et quatrième moyens, tirés, d’une part, d’un défaut d’exercice par la BCE de son pouvoir d’appréciation ou d’un exercice inapproprié de ce pouvoir et, d’autre part, de l’absence d’examen et d’appréciation impartiale et objective des faits pertinents ( 16 ).

48. Enfin, le Tribunal a rejeté les cinquième au onzième moyens (violation du principe de proportionnalité ainsi que du principe nemo auditur et violation du droit à la présomption d’innocence ainsi que du principe d’égalité de traitement ; violation de l’article 19 et du considérant 75 du règlement no 1024/2013 ainsi que détournement de pouvoir ; violation des droits de la défense, notamment du droit d’être entendu, ainsi que de l’obligation de motivation) ( 17 ).

49. En substance, le Tribunal a motivé le rejet du dixième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu, de la manière suivante ( 18 ). La requérante au pourvoi a reçu le courrier de la BCE du 31 août 2018, dans lequel cette dernière l’a invitée à présenter ses observations sur le projet de décision de retrait de l’agrément, ainsi que son courrier du 13 septembre 2018, par lequel elle lui a accordé un accès au dossier de la procédure
administrative. La requérante au pourvoi s’est limitée à répondre qu’elle confirmait son opposition à la décision envisagée. Or, elle a disposé d’un délai total de trois semaines pour formuler ses observations sur le projet de décision de retrait de l’agrément. Par conséquent, elle a été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge.

50. En ce qui concerne l’impossibilité alléguée, pour la requérante au pourvoi, de rémunérer son conseil et d’accéder à ses ressources et à ses informations, le Tribunal a constaté, notamment, que ces circonstances résultent exclusivement de la désignation de la personne compétente, considérée au cours de la procédure administrative comme l’unique représentant de la requérante au pourvoi, laquelle relève de la seule compétence de la MFSA en application du droit maltais. Selon lui, la décision de
désignation d’une personne compétente ne constitue, elle non plus, ni un acte d’ouverture, ni un acte préparatoire, ni un acte de « proposition non contraignante » par rapport à la décision litigieuse (voir point 45 ci-dessus) et n’est donc pas de nature à entacher celle-ci d’illégalité. Dès lors qu’il s’agit d’une décision prévue par le droit maltais, relevant de la compétence de la MFSA et susceptible de recours uniquement devant les juridictions maltaises, la BCE ne saurait être tenue pour
responsable des conséquences qu’elle a entraînées. Il ne saurait être valablement reproché non plus à la BCE de ne pas avoir, au titre de son pouvoir général de donner des instructions dans le cadre du MSU, empêché la MFSA d’adopter la décision de nomination d’une personne compétente. En effet, au-delà de l’obligation de recueillir les observations des destinataires de ses décisions, la BCE n’est tenue à aucune obligation à cet égard. Partant, le Tribunal estime qu’il appartient à des parties
requérantes de contester au niveau national la légalité de la désignation de la personne compétente et, le cas échéant, des décisions de cette personne ayant refusé de faire droit à leurs demandes de fonds destinés à rémunérer leur conseil ou à leurs demandes d’accès à des ressources ou à des informations. Au besoin, elles doivent demander à ce que la Cour soit saisie à titre préjudiciel afin de déterminer si le droit de l’Union, notamment le droit à une protection juridictionnelle effective,
s’oppose à de telles décisions ou à la nomination d’une personne compétente ( 19 ).

IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

51. Par mémoire déposé au greffe de la Cour le 6 décembre 2021, la requérante au pourvoi a formé un pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P.

52. La requérante au pourvoi conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– annuler l’ordonnance attaquée ;

– annuler le courrier électronique litigieux ;

– pour autant que le litige ne soit pas en état d’être jugé par la Cour, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le recours en annulation, et

– condamner la BCE aux entiers dépens.

53. La BCE conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– rejeter le pourvoi comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

– à titre subsidiaire, rejeter le pourvoi comme étant dénué de tout fondement, et

– en tout état de cause, condamner la requérante aux entiers dépens.

54. Par mémoire déposé au greffe de la Cour le 12 avril 2022, la requérante au pourvoi a formé un pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P.

55. La requérante au pourvoi conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– annuler l’arrêt attaqué ;

– annuler la décision litigieuse ;

– pour autant que le litige ne soit pas en état d’être jugé par la Cour, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le recours en annulation, et

– condamner la BCE aux entiers dépens.

56. La BCE conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– rejeter le pourvoi comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

– à titre subsidiaire, rejeter le pourvoi comme étant dénué de tout fondement, et

– en tout état de cause, condamner la requérante aux entiers dépens.

57. Le 13 décembre 2022, la Cour a invité les parties à répondre à certaines questions par écrit ; celles-ci ont soumis leurs réponses dans les délais impartis. La Cour a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries.

V. Appréciation

58. Tout d’abord, nous examinerons ensemble les griefs soulevés dans les affaires C‑750/21 P et C‑256/22 P en ce qui concerne la question de savoir si la représentation juridique de la requérante au pourvoi et l’exercice de ses droits de la défense ont pu être effectivement assurés (sous A). Ensuite, nous nous pencherons sur les griefs relatifs à la portée des pouvoirs de surveillance de la BCE ainsi que sur les autres griefs soulevés par la requérante au pourvoi (sous B).

A.   L’exercice effectif des droits de la défense dans le cadre de la procédure administrative (complexe) de retrait de l’agrément

1. Remarques préliminaires

59. Les deux pourvois portent sur deux questions de droit fondamentales étroitement liées entre elles.

60. D’une part, il s’agit d’examiner si, dans le cadre de la procédure administrative complexe à l’issue de laquelle elle s’est vu retirer l’agrément, la requérante au pourvoi a pu effectivement assurer sa défense et si ce sont les juridictions nationales ou celles de l’Union qui sont compétentes pour contrôler le respect des droits de la défense et qui doivent assurer une protection juridictionnelle effective à cet égard. En effet, le Tribunal a déduit de l’arrêt Berlusconi que le respect de ces
droits relève de la seule compétence de la MFSA et des juridictions maltaises, ce que la requérante au pourvoi conteste en tant qu’erreur de droit.

61. D’autre part, il convient d’identifier les conditions dans lesquelles une telle défense doit être garantie et notamment de déterminer si celle-ci doit pouvoir être exclusivement assurée par le conseil mandaté par la requérante au pourvoi. En effet, en vertu du droit maltais, cette dernière a été également représentée, tout au long de la procédure administrative, par la personne compétente désignée par la MFSA. Dans un premier temps, d’ailleurs, seule celle-ci a été admise par la BCE en tant
qu’interlocuteur et représentant de la requérante au pourvoi au sens de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 468/2014. Ce n’est que dans un deuxième temps que la BCE est également entrée en communication avec le conseil de la requérante au pourvoi, lui a transmis le projet de décision de retrait de l’agrément et lui a donné accès au dossier. Les problèmes liés à cette « double représentation » se sont manifestés sous la forme du refus de la personne compétente, d’une part, d’accorder au
conseil de la requérante au pourvoi l’accès aux locaux de celle-ci ainsi qu’aux informations et aux pièces qui s’y trouvaient et, d’autre part, d’autoriser l’utilisation des fonds de la requérante au pourvoi pour le paiement des honoraires d’avocat de son conseil.

62. Les procédures dans les affaires T‑687/18 ( 20 ) et C‑701/19 P ( 21 ), qui ont été définitivement clôturées depuis, portaient également, quoique indirectement, sur ces mêmes questions (voir point 33 ci-dessus). Dans le cadre de ces affaires, la requérante au pourvoi a attaqué le courrier électronique de la BCE du 10 septembre 2018 par lequel celle-ci avait enjoint à la requérante au pourvoi de lui transmettre, par l’intermédiaire de la personne compétente ou sous réserve de son approbation,
toute correspondance échangée dans le cadre de la procédure administrative de retrait de l’agrément. Cependant, tant le recours que le pourvoi de la requérante au pourvoi ont été rejetés. La question de la violation des droits de la défense a également été soulevée dans d’autres affaires portant sur des cas de figure similaires, mais n’a pas été résolue au fond ( 22 ), de sorte qu’il apparaît nécessaire d’y répondre dans son principe.

63. Dans l’affaire C‑750/21 P, la requérante au pourvoi soulève notamment un grief tiré de ce qu’elle a en vain demandé, d’abord à la MFSA, puis à la BCE, d’ordonner à la personne compétente de payer les honoraires d’avocat de son conseil sur ses fonds. En outre, par le premier moyen du pourvoi, pris en sa sixième branche, elle reproche au Tribunal, en substance, de n’avoir pas tenu compte du fait que, dans un premier temps, la BCE n’a pas admis sa représentation juridique par son conseil. En effet,
la BCE a insisté sur le fait que la requérante au pourvoi ne pouvait être représentée que par la personne compétente et a méconnu par la suite que le conseil de la requérante au pourvoi, n’ayant pas accès à ses locaux, ne pouvait pas effectivement assurer sa défense. Par le deuxième moyen du pourvoi, la requérante au pourvoi fait notamment grief au Tribunal de l’avoir privée de tout accès direct aux juridictions de l’Union, méconnaissant de ce fait son droit à une protection juridictionnelle
effective tel qu’il a été reconnu par la Cour dans son arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. ( 23 ) (ci-après l’« arrêt Trasta Komercbanka »).

64. Dans l’affaire C‑256/22 P, la requérante au pourvoi, dans le cadre des premier et quatrième moyens du pourvoi, fait grief au Tribunal, en substance, de n’avoir tenu compte ni des exigences de l’arrêt Trasta Komercbanka ni du fait que la requérante au pourvoi a été privée d’une représentation juridique effective et n’a pas été mise en mesure d’assurer effectivement sa défense tant dans le cadre de la procédure administrative de retrait de l’agrément qu’à l’issue de celle‑ci. En particulier, le
conseil de la requérante au pourvoi n’a pas eu accès aux documents, aux informations et aux éléments de preuve pertinents qui se trouvaient, notamment, dans son système informatique ainsi que dans ses locaux ( 24 ). En outre, la décision litigieuse a été régulièrement notifiée à la seule personne compétente et non à la requérante au pourvoi.

65. Dans ce contexte, il convient de déterminer si le Tribunal a commis des erreurs de droit, notamment aux points 242 à 252 de l’arrêt attaqué.

66. D’une part, se pose la question de savoir si le Tribunal était en droit de considérer que la BCE ne peut être tenue responsable d’une éventuelle violation des droits de la défense de la requérante au pourvoi dans le cadre de la procédure administrative complexe, à l’issue de laquelle la décision litigieuse a été adoptée, et que le droit de la requérante au pourvoi à une protection juridictionnelle effective n’a pas été violé, au motif que les actes litigieux relevaient de la compétence non pas
de la BCE, mais de la MFSA et des juridictions maltaises (voir points 69 à 76 ci-dessous).

67. D’autre part, il convient d’examiner la question, étroitement liée, de savoir si le Tribunal a méconnu que, tant dans le cadre de la procédure administrative que devant le Tribunal, la défense de la requérante au pourvoi ne pouvait être effectivement assurée que par le conseil mandaté par elle. Tel est le cas si l’exercice parallèle du pouvoir de représentation par la personne compétente était de nature à compromettre la défense de la requérante au pourvoi en raison d’un conflit d’intérêts (voir
points 77 à 85 ci-dessous).

2. La question de la responsabilité en cas de violation des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective dans le cadre d’une procédure administrative complexe

68. Selon nous, les considérations du Tribunal, notamment aux points 242 à 252 de l’arrêt attaqué, sont incompatibles avec la répartition des compétences juridictionnelles reconnue par la jurisprudence pour le contrôle des actes des autorités nationales et de la BCE dans le cadre du MSU. Il ressort de l’arrêt Berlusconi ( 25 ) que cette répartition découle de l’article 263 TFUE, qui confère aux juridictions de l’Union la compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes pris par les
institutions de l’Union, dont fait partie la BCE (sous a). Ladite répartition implique que la BCE soit tenue responsable de toute violation des droits de la défense par les autorités nationales et qu’une telle violation ne puisse être soumise au contrôle du juge de l’Union que dans le cadre d’un recours introduit contre la décision litigieuse (sous b). Enfin, nous examinerons la question de la légalité des différentes conclusions du Tribunal dans l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑256/22 P ainsi
que dans l’ordonnance attaquée dans l’affaire C‑750/21 P (sous c).

a) La compétence exclusive de la Cour

69. Seules les juridictions de l’Union peuvent assurer une protection juridictionnelle effective contre les actes impliquant les autorités nationales et la BCE pris dans le cadre du MSU ( 26 ). Cette compétence exclusive du juge de l’Union englobe le contrôle (à titre incident) de la légalité de certains actes préparatoires ou propositions des autorités nationales concernées susceptibles d’avoir une incidence sur le contenu de la décision de la BCE mettant fin à la procédure administrative ( 27 ).
Il s’ensuit nécessairement que le contrôle portant sur une éventuelle violation des droits de la défense commise par ces autorités ou par la BCE dans le cadre de telles procédures administratives relève elle aussi de la compétence exclusive des juridictions de l’Union. Cela est d’autant plus vrai que l’article 51, paragraphe 1, de la Charte impose également aux autorités nationales le respect des droits procéduraux fondamentaux dans le cadre de la mise en œuvre du règlement no 1024/2013 ( 28 ).

70. Par conséquent, la légalité de la procédure administrative complexe impliquant les autorités nationales et la BCE nécessite un contrôle juridictionnel unique qui ne soit exercé, par les juridictions de l’Union, qu’une fois prise la décision de la BCE mettant fin à la procédure administrative. Cette décision produit seule des effets de droit obligatoires en modifiant de façon caractérisée la situation juridique du requérant ( 29 ).

b) La responsabilité de la BCE en ce qui concerne les actes préparatoires nationaux

71. La BCE clôturant la procédure administrative en adoptant une mesure faisant grief à l’établissement de crédit que celui-ci pourra uniquement attaquer devant les juridictions de l’Union, elle porte une responsabilité particulière quant à son bon déroulement. D’une part, elle doit elle-même respecter les garanties procédurales. D’autre part, elle doit veiller à ce que les autorités nationales qui accomplissent des actes préparatoires de la mesure définitive respectent elles aussi ces garanties.

72. Ainsi, la décision litigieuse est « contaminée » par l’éventuelle illégalité des actes (préparatoires) émanant d’autorités nationales, du fait, par exemple, d’une violation des droits de la défense, et la BCE doit en être tenue responsable ( 30 ). Cette contamination découle du principe selon lequel la légalité des actes d’exécution ou des actes préparatoires qui ne sont pas directement attaquables peut à tout le moins être contrôlée dans le cadre du contrôle de la légalité de la décision de la
BCE mettant fin à la procédure administrative et selon lequel de tels actes sont susceptibles d’entraîner la nullité de cette décision ( 31 ). Dans le cadre de la procédure administrative complexe de retrait de l’agrément, ce principe tient également compte du fait que la BCE est seule responsable de l’exercice effectif du droit d’être entendu en ce qui concerne la décision mettant fin à la procédure administrative.

73. Le Tribunal, qui a pourtant appliqué ce principe par le passé ( 32 ), s’en écarte dans l’arrêt attaqué.

c) Les erreurs de droit entachant l’arrêt attaqué et la question de savoir si le conseil de la requérante au pourvoi a pu effectivement assurer sa défense

74. Selon les prémisses posées aux points 69 à 73 ci-dessus, les considérations du Tribunal aux points 242 à 252 de l’arrêt attaqué sont entachées de plusieurs erreurs de droit.

75. Premièrement, c’est à tort que le Tribunal, aux points 242 à 244 et 249 de l’arrêt attaqué, conclut que des circonstances ou des actes, tels que ceux qui résultent de la directive relative à la nomination d’une personne compétente adoptée conformément au droit maltais, ne constituent pas des actes préparatoires par rapport à la décision litigieuse, au sens de l’arrêt Berlusconi ( 33 ), susceptibles d’entacher celle‑ci d’illégalité. Comme démontré aux points 69 à 73 ci-dessus ainsi que dans
l’arrêt Berlusconi et dans l’arrêt Trasta Komercbanka ( 34 ), de telles circonstances ou de tels actes peuvent en effet porter atteinte aux droits de la défense de la personne concernée ainsi qu’à son droit à une protection juridictionnelle effective ( 35 ). Ainsi que nous l’expliquons aux points 102 et suivants ci-dessous, ces actes ne sont pas juridiquement contraignants pour la BCE et ne sont pas non plus attaquables devant les juridictions des États membres, conformément aux principes
dégagés dans l’arrêt du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission ( 36 ). Partant, la BCE doit en être tenue responsable. À défaut, ni le respect des droits procéduraux fondamentaux de l’Union ni la protection juridictionnelle uniforme et effective devant les juridictions de l’Union ne pourraient être garantis comme il se doit.

76. Deuxièmement, contrairement à ce qu’affirme le Tribunal aux points 245 à 248 de l’arrêt attaqué, la BCE devait veiller à ce que la requérante au pourvoi soit effectivement en mesure d’exercer son droit d’être entendue (voir points 69 à 73 ci-dessus). Les articles 31 et 32 du règlement no 468/2014 consacrent ce droit ainsi que le droit d’accès aux dossiers dans le cadre des procédures de la BCE. Ainsi qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 1, deuxième
et troisième alinéas, du règlement no 1024/2013, la BCE avait bien la possibilité d’intervenir en ce sens auprès de la MFSA au titre de son pouvoir général de surveillance ainsi que de son pouvoir général de donner des instructions aux autorités nationales. Par conséquent, elle aurait pu faire en sorte que la MFSA autorise la requérante au pourvoi à disposer de ses fonds et lui permette d’accéder aux informations et aux documents pertinents afin de pouvoir effectivement assurer sa défense.
Toutefois, cela ne se traduit pas par une obligation correspondante de la BCE dont l’exécution en justice pourrait être demandée de manière autonome. Nous reviendrons sur cette question aux points 88 à 93 ci‑dessous.

77. Troisièmement, est également entachée d’une erreur de droit l’affirmation du Tribunal, au point 250 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il appartient à la requérante au pourvoi de contester la légalité des actes de procédures nationaux devant les juridictions des États membres et de demander à ce que la Cour soit saisie à titre préjudiciel afin de déterminer si le droit à une protection juridictionnelle effective garanti par le droit de l’Union s’oppose à de tels actes. En effet, une telle
affirmation va à l’encontre de la répartition des compétences juridictionnelles, telle qu’énoncée aux points 69 à 73 ci-dessus.

78. Enfin, lors de l’appréciation du dixième moyen aux points 242 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en s’abstenant de critiquer la position de la BCE relative à la « double représentation » de la requérante au pourvoi. Selon la BCE, en vertu du droit maltais et de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 468/2014, la banque visée par une procédure de retrait de l’agrément peut être représentée tant par la personne compétente que par le conseil mandaté par
les organes de cette banque, la représentation juridique assurée par la première primant d’ailleurs sur la représentation juridique assurée par le second. De ce fait, le conseil de la requérante au pourvoi n’a parfois pu assurer l’exercice des droits de la défense de celle-ci que de manière limitée ou tardive (voir point 61 ci-dessus).

79. Or, un tel cas de figure est source de conflits d’intérêts susceptibles d’affecter le droit de la banque concernée d’assurer effectivement sa défense ainsi que son droit à une protection juridictionnelle effective ( 37 ). En effet, la personne compétente ne représente pas tant les intérêts de la banque que l’intérêt public à la gestion de cette dernière jusqu’à ce que l’agrément lui soit retiré, le cas échéant. En outre, la personne compétente est proche des autorités de surveillance nationales
compétentes qui ont adopté la directive relative à sa nomination et préparé la procédure de retrait de l’agrément. La restriction des droits de la défense de la requérante au pourvoi, dont celle-ci tire grief dans le cadre du quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, résulte d’un tel conflit d’intérêts. En effet, en vertu du droit maltais et du fait du refus de la personne compétente, le conseil de la requérante au pourvoi n’a pu avoir accès ni aux locaux de cette dernière, ni aux
supports de données sur lesquels se trouvaient les informations et les éléments de preuve pertinents, ni aux fonds requis pour assurer l’exercice effectif des droits de la défense de la requérante au pourvoi.

80. Par conséquent, il convient d’interpréter le droit maltais et l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 468/2014 à la lumière des articles 41, 47 et 48 de la Charte ( 38 ), en ce sens que le conseil mandaté par la banque doit être en mesure d’assurer effectivement la défense des droits et des intérêts de celle-ci dans le cadre de la procédure de retrait de l’agrément ainsi que devant les juridictions de l’Union. Cela correspond d’ailleurs à la position, désormais unanime, des parties, dont
celles-ci font état dans leurs réponses aux questions écrites de la Cour en se référant également à l’état du droit maltais ainsi qu’à la jurisprudence.

81. Dès lors, la BCE doit reconnaître le conseil de la banque concernée en tant que représentant juridique à part entière au sens de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 468/2014, notamment au cours de la phase décisive de la procédure qu’elle a engagée. En l’espèce, si la BCE a bel et bien admis le conseil de la requérante au pourvoi peu de temps avant l’adoption de la décision litigieuse ( 39 ), elle s’y est pourtant refusée au début.

82. Cette conclusion est conforme à l’arrêt de la Court of Appeal (Cour d’appel, Malte) du 5 novembre 2018 dans l’affaire no 6/2017 (Heikki Niemelä e.a./[MFSA]) ( 40 ). Aux termes de cet arrêt, seuls sont réservés à la personne compétente la gestion des affaires de la banque ainsi que le pouvoir de représentation en matière contractuelle ou judiciaire qui lui revient à ce titre, par exemple, en matière de contentieux contractuel. En revanche, la personne compétente n’est pas compétente pour
représenter la banque dans le cadre de la procédure à l’issue de laquelle la BCE est susceptible de lui retirer l’agrément ni pour intenter un recours contre certaines mesures provisoires prises par la MFSA.

83. Cette interprétation est compatible avec les prescriptions de l’article 47 de la Charte et l’exigence de protection effective des droits de la défense. À ce titre, la défense de la banque est réservée au seul conseil mandaté par celle-ci. Cette prérogative inclut la saisine des juridictions de l’Union d’un recours contre le retrait de l’agrément.

84. En effet, seule une telle répartition, complémentaire et clairement délimitée, des pouvoirs de représentation de la personne compétente, d’une part, et du conseil mandaté par la banque concernée, d’autre part, est de nature à prévenir tout conflit d’intérêts et, partant, toute violation des droits de la défense de la banque ainsi que de son droit à une protection juridictionnelle effective au titre de l’article 47, premier alinéa, de la Charte. À défaut, il est même à craindre que des actes de
procédure contradictoires ne soient accomplis au nom de la banque.

85. Par conséquent, seul est habilité à représenter les intérêts et les droits de la banque devant la BCE, dans le cadre de la procédure de retrait de l’agrément, le conseil mandaté par les organes compétents de la banque en conformité avec l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 468/2014. Dès lors, celui-ci doit être mis en mesure d’exercer effectivement les droits de la défense.

3. Conclusion intermédiaire

a) Affaire C‑256/22 P

86. Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir le quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P. L’arrêt attaqué doit être annulé en tant que l’appréciation et le rejet, par le Tribunal, du dixième moyen, pris en sa deuxième branche, sont fondés sur une erreur de droit. Le dixième moyen, pris en sa deuxième branche, était tiré de la violation des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu, au motif que, dans le cadre de la procédure
administrative, la requérante au pourvoi n’avait accès ni aux documents et aux informations contenus dans son système informatique, ni à ses ressources financières, pour le paiement des honoraires d’avocat de son conseil.

87. En revanche, nous considérons que la requérante au pourvoi n’est pas fondée à invoquer aussi dans le cadre du premier moyen du pourvoi le grief tiré de la violation de ses droits procéduraux fondamentaux au motif que la décision litigieuse ne lui a pas été régulièrement notifiée. Nous préciserons ce point de vue aux points 100 et 101 ci-dessous.

b) Affaire C‑750/21 P

88. Dans l’affaire C‑750/21 P, en revanche, nous considérons que ni le premier moyen du pourvoi, pris en sa sixième branche (atteinte à l’exercice effectif, par le conseil de la requérante au pourvoi, des droits de la défense de celle-ci), ni le deuxième moyen du pourvoi (méconnaissance du droit à une protection juridictionnelle effective) ne sont fondés (voir point 63 ci-dessus).

89. En effet, dans cette affaire, la requérante au pourvoi n’a pas été en mesure de démontrer que, en admettant tout d’abord uniquement la personne compétente en tant que représentant juridique de la requérante au pourvoi et en omettant subséquemment ( 41 ) d’ordonner à la première de payer les honoraires d’avocat du conseil de la seconde, la BCE avait violé les droits de la défense de cette dernière.

90. D’une part, il est désormais constant entre les parties (voir points 78 et 80 ci-dessus) que la BCE a admis le conseil de la requérante au pourvoi en tant que représentant chargé d’assurer la défense de ses droits dans le cadre de la procédure de retrait de l’agrément. Comme le constate à bon droit le Tribunal aux points 239 à 241 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C-256/22 P, la BCE a accordé un accès au dossier de la procédure administrative à la requérante au pourvoi et a suffisamment mis
celle-ci en mesure de présenter ses observations sur le projet de décision de retrait de l’agrément, ce que ne conteste d’ailleurs plus la requérante au pourvoi elle-même.

91. D’autre part, il n’existe aucune base juridique conférant à la BCE la faculté ou l’obligation d’ordonner à la personne compétente, après clôture de la procédure de retrait de l’agrément, de payer les honoraires d’avocat du conseil de la requérante au pourvoi. La BCE n’est soumise à aucune obligation générale de surveillance et de contrôle au titre du règlement no 1024/2013 en ce qui concerne le respect des droits procéduraux fondamentaux prévus par le droit de l’Union, contrairement à celle qui,
selon la Cour, découle de l’article 17, paragraphe 1, TUE pour la Commission européenne en matière de politique économique et monétaire ( 42 ). Par conséquent, le règlement no 1024/2013 n’impose à la BCE aucune obligation juridique, dont l’exécution en justice pourrait être demandée de manière autonome, de donner de telles instructions aux autorités nationales ( 43 ).

92. Cette conclusion n’est pas incompatible avec le fait que la BCE peut être tenue responsable d’une restriction des droits de la défense de la banque concernée par les autorités nationales compétentes dans le cadre de la procédure de retrait de l’agrément et qu’une telle restriction est susceptible de contaminer la décision de la BCE mettant fin à la procédure administrative et d’entraîner l’illégalité de cette décision (voir points 69 à 73 ci-dessus). En effet, les actes de procédure
préparatoires, y compris ceux qui sont destinés à garantir l’exercice effectif des droits de la défense, ne peuvent pas, en principe, être directement attaqués devant les juridictions de l’Union ( 44 ). Leur légalité ne peut être contestée que dans le cadre d’un recours tiré de l’illégalité de la décision de la BCE mettant fin à la procédure administrative ( 45 ). En outre, une fois adoptée la décision de la BCE contestée, le refus de celle-ci d’intervenir, dont il lui est fait grief, ne peut
plus être considéré comme un acte préparatoire.

93. Par conséquent, le premier moyen du pourvoi, pris en sa sixième branche, et le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P doivent être rejetés comme étant non fondés.

B.   La portée des pouvoirs de surveillance de la BCE

94. Dans la suite des présentes conclusions, nous passerons en revue les différents moyens et griefs invoqués dans les deux pourvois et ayant trait à la portée des pouvoirs de surveillance de la BCE. Tout d’abord, nous examinerons le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P et notamment la question de savoir si le Tribunal aurait dû conclure que la BCE a violé l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 (sous 1). Ensuite, nous nous pencherons sur le deuxième moyen du pourvoi,
tiré de ce que le Tribunal a méconnu la notion d’« honorabilité » visée à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36 (sous 2). Après un bref examen du troisième moyen du pourvoi (sous 3), nous étudierons le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P, lequel a trait à la portée de la compétence de la BCE dans le cadre du MSU (sous 4).

1. Le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013

95. Par le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, la requérante au pourvoi conteste le rejet du premier moyen. Elle fait grief au Tribunal d’avoir enfreint, dans le cadre du retrait de l’agrément, la répartition des compétences prévue à l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 et violé le droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte. Ce premier moyen était tiré, d’une part, de ce que la BCE n’a pas empêché la MFSA de procéder d’ores et déjà au
retrait de facto de l’agrément de la requérante au pourvoi en l’absence de toute procédure régulière, de par la simple adoption des directives des 21 et 22 mars 2018, en méconnaissance de son obligation de surveillance globale au titre de l’article 6, paragraphe 5, sous c), de ce règlement. Ces directives ont entraîné, premièrement, le retrait ou la suspension des droits de vote, deuxièmement, le moratoire sur l’autorisation des transactions bancaires et, troisièmement, la nomination de la
personne compétente. La requérante au pourvoi soutient, d’autre part, que la BCE s’est contentée d’entériner ce qui précède dans la décision litigieuse.

96. À l’appui du premier moyen du pourvoi, la requérante au pourvoi fait valoir, en substance, que le Tribunal a méconnu la nature et les effets juridiques du MSU en refusant d’attribuer à la BCE la responsabilité première de son fonctionnement, en ce compris les actes des autorités nationales compétentes. Il en est de même s’agissant de la surveillance d’établissements de crédit moins importants. À cet égard, la requérante au pourvoi soulève plusieurs griefs distincts, tirés, notamment, de ce que
le Tribunal fait une interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 5, ainsi que de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement no 1024/2013 et de ce qu’il a méconnu la notion d’« acte préparatoire » ainsi que la pertinence de l’arrêt Berlusconi.

97. Toujours dans ce contexte, la requérante au pourvoi invoque également un grief tiré de ce qu’elle n’a pas été mise en mesure d’assurer effectivement sa défense dans le cadre de la procédure administrative, du fait que la BCE a tout d’abord uniquement admis la personne compétente en tant que représentant juridique de la requérante au pourvoi. En particulier, cette dernière fait valoir que la décision litigieuse ne lui a pas été régulièrement notifiée. La BCE a, dans un premier temps, notifié la
décision litigieuse uniquement à la personne compétente, car elle a présumé que seule celle-ci était habilitée à représenter la requérante au pourvoi. Cette dernière n’a obtenu la décision litigieuse qu’après que la personne compétente y a expressément consenti. La requérante au pourvoi estime que, du fait de ce seul vice de forme, la décision litigieuse est illégale, voire inexistante.

98. Aux points 41 à 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, considérant que ni l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 ni le droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte n’avaient été violés, a rejeté le premier moyen ( 46 ).

99. Il convient d’examiner tout d’abord le grief tiré de la violation du droit à une bonne administration.

100. Contrairement à ce qu’elle veut laisser croire, la requérante au pourvoi n’a pas fait valoir, dans le cadre du premier moyen invoqué devant le Tribunal, le grief tiré de ce que son conseil n’a pas été mis en mesure d’assurer effectivement sa défense. Ce grief a été uniquement soulevé dans le cadre du dixième moyen. Au contraire, dans le premier moyen, la requérante au pourvoi s’est contentée d’invoquer, de manière très générale, une violation de l’article 41 de la Charte. Comme le fait à juste
titre remarquer la BCE, la requérante au pourvoi ne fait pas davantage valoir à ce titre le grief tiré de ce que la décision litigieuse ne lui a pas été régulièrement notifiée ( 47 ).

101. Par conséquent, ces griefs, soulevés pour la première fois dans le cadre du pourvoi, modifient a posteriori l’objet du litige et, partant, sont irrecevables ( 48 ) ; en tout état de cause, ils ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de l’appréciation du premier moyen dans l’arrêt attaqué. Il n’y a pas lieu de critiquer la décision du Tribunal d’écarter, en l’absence d’arguments spécifiques, le grief tiré de la violation du droit consacré à l’article 41 de la Charte, au motif qu’il
est incompatible avec l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, et, partant, irrecevable, car la requérante au pourvoi se contente effectivement de mentionner ce droit dans la requête.

102. En revanche, nous estimons que le Tribunal commet une erreur de droit lorsqu’il conclut que l’illégalité éventuelle des directives des 21 et 22 mars 2018, dans le cas où, en les adoptant, la MFSA aurait d’ores et déjà procédé au retrait de facto de l’agrément de la requérante au pourvoi et outrepassé de ce fait sa compétence, n’est pas de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité.

103. Selon nous, c’est à tort que le Tribunal considère, aux points 42 et suivants de l’arrêt attaqué, que les directives des 21 et 22 mars 2018 ne constituent pas des actes préparatoires par rapport à la proposition de la MFSA portant sur le retrait de l’agrément par la BCE. Pour sa part, cette proposition constituait bien un acte préparatoire par rapport à la décision litigieuse. En d’autres termes, ces directives et la proposition de la MFSA constituent des actes préparatoires successifs dans le
cadre de la procédure administrative complexe tendant, en définitive, au retrait de l’agrément de la requérante au pourvoi. Pour autant qu’ils ne soient pas juridiquement contraignants pour l’institution de l’Union qui prend la décision, de tels actes font partie intégrante d’une procédure instituée par le droit de l’Union, de sorte que l’institution en cause doit être tenue responsable de tous vices survenant au cours de cette procédure, lesquels peuvent uniquement être soulevés devant les
juridictions de l’Union ( 49 ) (voir points 69 à 73 ci-dessus).

104. Le Tribunal, dont le raisonnement est difficilement compréhensible à cet égard, commet une erreur de droit lorsqu’il estime, aux points 45 et 46 de l’arrêt attaqué, qu’une telle directive de la MFSA « ne constituerait pas [...] un acte [...] de proposition non contraignante » au sens de l’arrêt Berlusconi. Par cette double négation, le Tribunal peut uniquement avoir voulu dire que de telles directives (préparatoires) de la MFSA sont juridiquement contraignantes pour la BCE, ce dont il conclut
que la condition relative à l’absence de caractère juridiquement contraignant, dégagée dans l’arrêt Berlusconi, pour que le contrôle de ces directives relève de la compétence exclusive des juridictions de l’Union, n’est pas remplie en l’espèce (voir point 70 ci-dessus) ( 50 ).

105. Or, les directives des 21 et 22 mars 2018 ne sont pas juridiquement contraignantes pour la BCE et sont d’ailleurs soumises au contrôle de la légalité que cette dernière exerce dans le cadre de ses pouvoirs supérieurs de surveillance et de décision. De ce fait, leur contrôle relève également de la compétence des juridictions de l’Union (voir points 69 et 70 ci-dessus).

106. D’emblée, la large marge d’appréciation généralement conférée à la BCE par l’article 14, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement no 1024/2013 pour retirer l’agrément d’office (« peut retirer »), laquelle est complètement indépendante de toute mesure ou proposition des autorités nationales de surveillance, va à l’encontre du caractère juridiquement contraignant des directives de la MFSA. Il ne ressort pas davantage de l’article 14, paragraphe 5, second alinéa, de ce règlement que la BCE
serait liée par la proposition ou par la position de l’autorité nationale formulée dans les directives que celle-ci a précédemment adoptées. La BCE a seulement l’obligation de mener la procédure de retrait de l’agrément et de vérifier, en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité nationale, si celui-ci est légal et, notamment, proportionné. La BCE a bien procédé ainsi en ce qui concerne la décision litigieuse ( 51 ). Cette obligation implique que, en cas
de motivation insuffisante ou de base juridique manquante, la BCE a non seulement la possibilité, mais surtout l’obligation, de rejeter la proposition de retrait de l’agrément. En outre, il appartient à la BCE de contrôler que l’autorité nationale compétente n’a pas adopté au préalable et de veiller à ce qu’elle n’adopte pas par la suite de mesure qui préjuge soit de l’exercice de sa propre compétence, exclusive en matière de retrait de l’agrément, ou du pouvoir discrétionnaire afférent, soit
des effets juridiques de l’exercice de cette compétence ou de ce pouvoir, ou qui compromette ces effets de toute autre manière.

107. Cela est conforme au pouvoir d’initiative et au pouvoir discrétionnaire de la BCE, qui sont de portée générale ( 52 ), ainsi qu’à son pouvoir d’établir, dans une décision motivée, que les mesures appropriées et nécessaires pour maintenir la stabilité financière n’ont pas été mises en œuvre par les autorités nationales ( 53 ).

108. Du fait de son pouvoir général de surveillance ( 54 ), il incombe à la BCE de veiller à ce que les autorités nationales se conforment aux dispositions relatives au MSU contenues dans le règlement no 468/2014 ainsi que dans la législation nationale correspondante. À ces fins, la BCE doit procéder à un contrôle de la légalité complet des propositions de retrait de l’agrément soumises par les autorités nationales ainsi que des mesures préparatoires afférentes au regard, notamment, du principe de
proportionnalité et des garanties procédurales fondamentales du droit de l’Union (voir points 69 à 77 ci-dessus) ( 55 ).

109. En outre, le Tribunal n’a pas vérifié si la BCE a statué « en tenant pleinement compte » des motifs avancés par la MFSA, au sens de l’article 14, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 1024/2013. En particulier, il a omis d’examiner si la BCE a bien agi conformément à son pouvoir et à son obligation de contrôle en ce qui concerne les violations alléguées par la requérante au pourvoi, tirées de ce que l’agrément lui a été retiré de facto avant même que la BCE n’adopte la décision
litigieuse. En effet, si les directives des 21 et 22 mars 2018 ayant précédé la proposition de la MFSA sont brièvement évoquées dans la décision litigieuse, la BCE n’examine pas ni n’écarte les griefs soulevés à cet égard par la requérante au pourvoi, le cas échéant ( 56 ).

110. Il ne saurait être souscrit au point de vue du Tribunal que dans la mesure où il constate que ces pouvoirs et obligations de la BCE ne résultent pas de l’article 6, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1024/2013, aux termes duquel, pour assurer une application cohérente de normes élevées de surveillance, la BCE peut décider d’exercer elle-même la surveillance prudentielle des établissements de crédit moins importants ( 57 ). En effet, ces pouvoirs et ces obligations résultent de son
obligation générale de surveillance au titre de l’article 4, paragraphe 3, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, de ce règlement, ainsi que du pouvoir spécial que lui confère l’article 14, paragraphe 5, second alinéa, dudit règlement en matière de retrait de l’agrément (voir points 106 à 108 ci‑dessus).

111. Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen du pourvoi, pris dans sa première branche.

2. Le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, tiré de la méconnaissance de la notion d’« honorabilité » visée à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36

a) Les arguments avancés par la requérante au pourvoi

112. Par le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, la requérante au pourvoi fait grief au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit lors de l’appréciation et du rejet du deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation quant à l’existence d’un motif de retrait de l’agrément et, notamment, d’une méconnaissance de la notion d’« honorabilité » ( 58 ).

113. À l’appui du deuxième moyen du pourvoi, la requérante au pourvoi fait valoir, en substance, que le Tribunal commet une erreur de droit lorsqu’il conclut que la notion d’« honorabilité » ne doit pas nécessairement être interprétée à la lumière du droit de l’Union et qu’une inculpation dans un État tiers, en l’occurrence, aux États-Unis, du chef d’un comportement prétendument répréhensible suffit pour justifier le retrait de l’agrément, et ce, d’autant plus que l’infraction commise du fait de ce
comportement concerne une violation des règles en matière de sanctions qui n’est pas répréhensible en droit de l’Union et dont la poursuite est bloquée au sein de l’Union. Selon la requérante, tel est l’effet du règlement (CE) no 2271/96 du Conseil, du 22 novembre 1996, portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant ( 59 ) (loi de blocage), tel qu’interprété par la Cour
dans son arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran ( 60 ).

114. Dans ce contexte, la requérante au pourvoi reproche également au Tribunal plusieurs erreurs de droit lors de l’interprétation et de l’appréciation de la notion d’« honorabilité », qui exige d’effectuer des jugements de valeur. Elle fait grief au Tribunal d’avoir outrepassé ses pouvoirs, d’avoir substitué sa motivation (spéculative) à celle de la BCE et d’avoir dénaturé les preuves. En outre, elle estime que, lors de son appréciation, le Tribunal a violé son obligation de motivation ainsi que
les garanties procédurales dont bénéficie la requérante au pourvoi au titre de la Charte. Enfin, toujours selon elle, le Tribunal a méconnu que l’honorabilité de l’actionnaire n’est pas pertinente en soi, qu’elle ne peut en tout état de cause pas avoir d’incidence négative sur la réputation de l’établissement de crédit, qu’elle ne peut faire l’objet que d’un contrôle limité et qu’elle ne peut tout au plus entraîner que la suspension des droits de vote en matière de gestion.

115. Néanmoins, la requérante au pourvoi ne conteste pas que, aux termes de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2013/36, les autorités compétentes sont habilitées à refuser l’agrément pour démarrer l’activité d’établissement de crédit si, compte tenu de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit, elles ne sont pas satisfaites de la qualité, notamment, des actionnaires. Tel est le cas, en particulier, lorsque les critères d’évaluation énoncés à
l’article 23, paragraphe 1, de cette directive, en ce compris le critère relatif à l’honorabilité, ne sont pas remplis. Étant donné que, aux termes de l’article 18, sous c), de ladite directive, les autorités compétentes sont, à l’inverse, habilitées à retirer l’agrément lorsque les conditions susvisées ne sont plus remplies, il ne fait aucun doute que la BCE avait le pouvoir, au titre de l’article 14, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 1024/2013, de retirer l’agrément de la
requérante au pourvoi sur proposition de la MFSA au motif que la BCE et la MFSA n’étaient pas (plus) satisfaites de ce que l’actionnaire principal faisait preuve de l’honorabilité requise par l’article 23, paragraphe 1, sous a) et b), de la même directive, comme le constate à bon droit le Tribunal aux points 67 à 72 de l’arrêt attaqué.

116. Par conséquent, les arguments avancés par la requérante au pourvoi pour contester la pertinence de l’honorabilité de l’actionnaire principal au regard du retrait de l’agrément sont inopérants et doivent être écartés.

b) Le rejet du deuxième moyen par le Tribunal

117. Pour le surplus, le Tribunal justifie de la manière suivante le rejet du deuxième moyen (qui n’est d’ailleurs motivé que de manière succincte dans la requête).

118. Premièrement, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36, le retrait de l’agrément peut être fondé sur le fait que les actionnaires ou associés ne possèdent pas (ou plus) la qualité requise, par exemple, parce que l’honorabilité leur fait défaut.

119. Deuxièmement, la notion d’« honorabilité » est une notion juridique indéterminée qui se réfère à la qualité d’une personne qui se conforme aux normes et aux règles d’usage, ainsi qu’à la réputation dont elle jouit auprès du public quant à cette aptitude et à son comportement, de sorte qu’est également déterminante la perception par autrui. Étant donné que la réalisation des objectifs poursuivis dépend étroitement de la confiance du public et des acteurs du marché bancaire à l’égard des
établissements de crédit, la perte d’une telle confiance peut entraîner une perte de financement pour ces établissements et générer ainsi un risque non seulement pour l’établissement de crédit concerné, mais aussi pour le système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre ( 61 ).

120. Troisièmement, le doute invoqué dans la décision litigieuse en ce qui concerne l’honorabilité et la qualité de l’actionnaire principal, du fait de l’inculpation de ce dernier, est également susceptible de faire naître un doute quant au caractère sain et prudent de la gestion de la requérante au pourvoi. La perception négative de l’honorabilité de l’actionnaire principal par le public ainsi que par les clients et par les partenaires commerciaux de la requérante au pourvoi à la suite d’une telle
inculpation, à condition d’être démontrée sur la base d’éléments concrets, peut justifier le retrait de l’agrément de l’établissement de crédit concerné pour autant qu’elle soit de nature à créer les risques susvisés ( 62 ).

121. Quatrièmement, le Tribunal considère qu’il est établi et/ou constant que cette inculpation a eu, notamment, une incidence négative sur l’évaluation du ratio de risque établi par une agence de notation pour le secteur bancaire maltais dans son ensemble. En outre, elle a entraîné des retraits de dépôts et la cessation des relations bancaires correspondantes ainsi que la résiliation des contrats des principaux emprunteurs de la requérante au pourvoi et, partant, une forte détérioration de sa
situation. La BCE s’est fondée sur un faisceau d’éléments et d’effets négatifs qui se sont enchaînés après l’acte d’inculpation en cause et qui révèlent, sur une base objective, la perception négative par les clients de l’honorabilité de l’actionnaire principal et de la requérante au pourvoi et leur manque de confiance à l’égard de ces derniers, ce dont il résultait un risque pour la requérante au pourvoi ainsi que pour le système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre ( 63 ).

122. Cinquièmement, au regard des effets négatifs concrets pour la requérante au pourvoi et le secteur bancaire maltais qui s’étaient déjà manifestés, il importe peu que la BCE n’ait pas tenu compte du fait que l’acte d’inculpation en cause concernait des violations des règles relatives aux sanctions des États-Unis d’Amérique contre la République islamique d’Iran, alors que le comportement incriminé pourrait ne pas être illégal sous l’angle du droit de l’Union ou pourrait être « exclusivement
technique ». L’élément que la BCE devait prendre en compte était non pas le bien-fondé des poursuites visées dans l’acte d’inculpation en cause, mais uniquement les conséquences de ces poursuites sur la réputation de l’actionnaire principal, sur la situation de requérante au pourvoi et sur le marché bancaire dans son ensemble ( 64 ).

123. Tout d’abord, nous procéderons à l’interprétation de l’article 23, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2013/36 ainsi que de la notion juridique indéterminée de l’« honorabilité », sur laquelle la Cour est amenée à se prononcer pour la première fois (sous c). Ensuite, nous examinerons si c’est à bon droit que le Tribunal a conclu que les conditions de cette notion juridique étaient remplies, comme l’indique la BCE dans la motivation de la décision litigieuse (sous d). Enfin, nous nous
pencherons sur le grief soulevé à titre principal par la requérante au pourvoi, à savoir que le règlement no 2271/96 ne permet ni à la BCE ni au Tribunal d’invoquer l’inculpation de l’actionnaire principal aux États-Unis pour justifier le défaut d’honorabilité et le retrait de l’agrément (sous e).

c) La notion d’« honorabilité » visée à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36

124. Comme le constate le Tribunal au point 73 de l’arrêt attaqué, la notion d’« honorabilité » visée à l’article 23, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2013/36 est une notion juridique indéterminée que cette directive ne précise pas.

125. Conformément au principe rappelé au point 74 de l’arrêt attaqué, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie ( 65 ).

126. L’examen des différentes versions linguistiques montre ( 66 ) que la notion d’« honorabilité » se réfère à l’honorabilité en tant que telle uniquement dans les versions en langue française et italienne ( 67 ) et à la qualité de la personne concernée uniquement dans la version en langue portugaise ( 68 ), à savoir une qualité réelle qui peut également se manifester au travers du comportement (conforme ou contraire aux normes d’usage) de cette personne. En revanche, dans toutes les autres
versions linguistiques, cette notion correspond, comme le constate le Tribunal à juste titre aux points 76 et 77 de l’arrêt attaqué, à la réputation ou à la considération ( 69 ) dont jouit cette personne, c’est-à-dire la perception de ses qualités ou de son comportement par le public ou par autrui.

127. De même, à la lumière de la finalité et de l’économie de la réglementation relative au MSU ainsi que du fonctionnement des marchés financiers et bancaires concernés, ce ne sont pas tant les qualités réelles (objectives) de la personne concernée qui sont déterminantes, mais la perception (subjective) de ces qualités et du comportement de cette personne par le public, notamment par les opérateurs, qui prime. La confiance générale dans les qualifications, les connaissances, les compétences,
l’expérience, l’intégrité, la fiabilité et la solidité financière ( 70 ) des établissements de crédit, dont la qualité de crédit est contrôlée en permanence par des organismes d’évaluation du crédit, et des personnes qui déterminent leurs actions, est une condition essentielle du bon fonctionnement, de la protection et de la stabilité des marchés financiers et des marchés de capitaux. En effet, ces marchés sont hautement volatils, comme le montrent clairement les marchés d’actions et
d’obligations. La publication de communiqués officiels, voire de simples rumeurs, suffisent à les faire réagir.

128. Par conséquent, la notion d’« honorabilité » se réfère à la (bonne) réputation dont jouissent l’établissement de crédit et ses actionnaires et associés aux yeux de tiers, tels les autres opérateurs et notamment les créanciers et les clients de cet établissement. Si les opérateurs perdent confiance dans l’établissement de crédit et/ou dans les personnes qui agissent pour son compte, ou si cette confiance est sévèrement compromise, ils réagissent immédiatement. De telles réactions affectent
négativement les transactions financières avec l’établissement de crédit concerné, entraînent des pertes financières et peuvent compromettre le fonctionnement et la stabilité du marché financier dans son ensemble ( 71 ).

129. Ainsi que le constate à juste titre le Tribunal, à plusieurs reprises, aux points 67 et suivants de l’arrêt attaqué, la réglementation relative au MSU, notamment l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2013/36, vise précisément à protéger les marchés financiers contre ces risques en imposant que, « compte tenu de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit, [les autorités compétentes soient] satisfaites de la qualité des actionnaires ou associés » et
que ceux-ci remplissent les critères d’évaluation énoncés à l’article 23, paragraphe 1, de cette directive.

130. Ainsi, la notion d’« honorabilité » ne présuppose pas que la perception des opérateurs corresponde aux qualités réelles de la personne concernée et encore moins que certains comportements de cette personne soient avérés. En particulier, contrairement à ce que soutient la requérante au pourvoi, ni la BCE ni le Tribunal n’étaient tenus de démontrer que la personne concernée avait commis des actes répréhensibles et qu’elle était susceptible de poursuites au sein de l’Union (voir nos développements
aux points 135 et suivants ainsi que 142 et suivants ci‑dessous). Comme le prévoit également l’article 23, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36, il suffit que soit constatée l’existence de motifs raisonnables de soupçonner qu’une opération ou une tentative de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme au sens de l’article 1er de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier
aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ( 72 ), est en cours ou a eu lieu ou qu’il existe un risque élevé qu’une telle infraction soit commise.

131. Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a conclu ( 73 ) que l’inculpation de l’actionnaire principal remettait directement en cause la réputation de celui-ci auprès du public, malgré l’absence de condamnation définitive.

132. Comme précisé aux points 135 et suivants ci-dessous, la BCE et le Tribunal sont toutefois tenus de s’assurer que les poursuites en cause ne présentent pas un caractère abusif ou manifestement dénué de fondement.

133. Partant, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé, aux points 71 à 119 de l’arrêt attaqué, que les arguments avancés à cet égard par la BCE dans la décision litigieuse étaient dépourvus d’erreurs de droit ( 74 ). Par conséquent, c’est à bon droit qu’il en a conclu que le risque que l’atteinte portée à l’honorabilité de l’actionnaire principal faisait courir à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans les États membres suffisait pour justifier le retrait de l’agrément de la
requérante au pourvoi.

134. Reste à identifier les exigences procédurales applicables et à déterminer le niveau de preuve requis pour établir le défaut d’honorabilité et le risque qui en découle, et si ces exigences ont été respectées et ce niveau de preuve a été atteint en l’espèce. Ainsi que nous le démontrons dans la suite des présentes conclusions, tel est le cas ; qui plus est, la BCE a même établi (et le Tribunal a confirmé à juste titre) que le risque en cause s’est effectivement réalisé.

d) Les exigences procédurales applicables et le niveau de preuve requis pour établir le défaut d’honorabilité et le risque qui en découle

135. En vertu du devoir général d’enquête et de diligence qui sous‑tend également le droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte ( 75 ), la BCE est tenue, lors de l’application de notions juridiques indéterminées qui lui confèrent une large marge d’appréciation aux fins de l’adoption d’une décision faisant grief à la personne concernée, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments de la situation en cause qui sont pertinents pour cette décision ( 76 ).

136. C’est à bon droit que, au point 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal considère que, lorsqu’elles examinent si la notion indéterminée d’« honorabilité » visée à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36 est respectée, les autorités compétentes et la BCE doivent tenir compte de tous les faits pertinents, des raisons qui sous‑tendent cette notion et des objectifs que cette dernière vise à assurer. C’est ce que prescrivent également les orientations communes, par lesquelles la BCE est tout
au plus indirectement liée ( 77 ). Celles-ci exigent, aux points 10.9, 10.13 et 10.16, que toutes les informations pertinentes disponibles issues de sources crédibles et fiables soient prises en compte dans le cadre d’une évaluation au cas par cas ( 78 ). En outre, c’est à bon droit que, au point 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal estime qu’il appartient à la BCE de tenir compte de tout élément présenté qui est susceptible de démontrer l’absence d’incidence d’éventuelles poursuites sur la
réputation ou sur la gestion de l’établissement de crédit concerné et qui pourrait découler, éventuellement, du caractère abusif ou manifestement dénué de fondement de telles poursuites.

137. À cet égard, le Tribunal, aux points 81 à 85 de l’arrêt attaqué, tient compte du fait que, dans la décision litigieuse, la BCE s’est appuyée sur un communiqué de presse publié le 19 mars 2018 par le ministère de la Justice des États-Unis d’Amérique, selon lequel l’actionnaire principal avait été arrêté du chef de sa supposée participation à un système par lequel environ 115 millions d’USD versés pour financer un complexe de logements au Venezuela auraient été détournés au profit de personnes et
d’entreprises iraniennes. La BCE a indiqué que l’acte d’inculpation émis par le United States Attorney for the Southern District of New York (procureur des États-Unis d’Amérique pour le district sud de New York) avait suscité une attention forte des médias internationaux ainsi que des articles de presse négatifs sur la requérante au pourvoi, ce qui aurait eu pour effet de soulever de sérieux doutes quant à l’intégrité de l’actionnaire principal et de ternir sérieusement la réputation de la
requérante au pourvoi ( 79 ). Il n’existe aucun élément permettant de penser que ces poursuites présentaient un caractère abusif ou manifestement dénué de fondement.

138. En outre, aux points 91 à 94 et 100 à 115 de l’arrêt attaqué, le Tribunal procède à l’appréciation des faits et des éléments de preuve avancés par la BCE et non contestés par la requérante au pourvoi, censés démontrer que ces poursuites ont eu un impact sur la réputation de la requérante au pourvoi elle-même, lequel a conduit à un sentiment de marché préjudiciable. En attestent, premièrement, le nombre significatif de demandes de retrait des dépôts intervenus à la suite de l’engagement des
poursuites, représentant plus de 40 % du montant total des dépôts figurant au bilan de la requérante au pourvoi, deuxièmement, la cessation des relations bancaires correspondantes, troisièmement, la dégradation du ratio de risque, établi par une agence de notation, du secteur bancaire maltais dans son ensemble, ce qui ressortirait notamment des références à ces poursuites dans le rapport d’évaluation de cette agence, quatrièmement, une lettre du principal emprunteur de la requérante au pourvoi
sollicitant la fin anticipée de son prêt, lequel représentait 90 % des contrats de prêts de la requérante au pourvoi, ce qui en faisait, partant, la source principale de revenu de cette dernière, ainsi que, cinquièmement, le fait que, parmi les 10 % de contrats de prêts restants, représentant cinq prêts, trois emprunteurs n’honoraient plus les paiements du principal et des intérêts, alors que les deux autres avaient sollicité la fin anticipée de leur prêt ( 80 ).

139. Du fait de ces circonstances, c’est à bon droit que le Tribunal a conclu que l’inculpation en cause a affecté la réputation de l’actionnaire principal et celle de la requérante au pourvoi et a entraîné une série d’effets négatifs non seulement pour cette dernière, notamment sous forme de difficultés de capitalisation et de liquidités, mais aussi pour le secteur bancaire maltais et pour la solidité du système financier au sein de l’Union dans son ensemble. Ainsi, le risque décrit aux points 128
à 134 ci-dessus s’était effectivement réalisé.

140. Partant, c’est à juste titre que le Tribunal, au point 112 de l’arrêt attaqué, constate que la BCE s’est fondée sur un faisceau d’éléments et d’effets négatifs qui se sont enchaînés après l’acte d’inculpation en cause et qui révèlent, sur une base objective, que les clients avaient une perception négative de l’honorabilité de l’actionnaire principal et de la requérante au pourvoi et qu’ils avaient perdu confiance en ces derniers, cette perception négative et cette perte de confiance ayant
généré un risque pour la requérante au pourvoi et pour le système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

141. Par conséquent, il y a lieu d’écarter comme étant non fondés les griefs de la requérante au pourvoi tirés de ce que le Tribunal a méconnu ou mal appliqué la notion d’« honorabilité », a outrepassé ses pouvoirs, s’est illégalement substitué à la BCE, a dénaturé les preuves ou n’a pas suffisamment motivé son arrêt.

e) La pertinence du règlement no 2271/96

142. La requérante au pourvoi soutient, en substance, que le Tribunal n’aurait pas dû conclure qu’il avait été porté atteinte à l’honorabilité de l’actionnaire principal et qu’il en découlait un risque. Elle maintient que l’inculpation de ce dernier est fondée sur des infractions qui ne sont pas répréhensibles au sein de l’Union. En outre, elle estime que, du fait du règlement no 2271/96, notamment de l’article 4 de ce règlement ( 81 ), la personne concernée ne peut être poursuivie au sein de
l’Union.

143. Aux points 116 à 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, au regard des effets négatifs concrets pour la requérante au pourvoi et le secteur bancaire maltais qui s’étaient déjà manifestés, ne reproche pas à la BCE de ne pas avoir tenu compte, notamment, de la pertinence du règlement no 2271/96. Selon lui, est dépourvu de pertinence le fait que l’acte d’inculpation en cause concernait des violations des règles relatives aux sanctions des États-Unis d’Amérique contre la République islamique d’Iran,
alors que le comportement incriminé pourrait ne pas être illégal en droit de l’Union, ou qu’il s’agirait de « violations exclusivement techniques » sur lesquelles des doutes pouvaient subsister. En effet, même à supposer que ce comportement n’ait pas été illégal en vertu du droit des États-Unis d’Amérique ou du droit de l’Union, la BCE devait prendre en compte non pas le bien-fondé des poursuites contenues dans l’acte d’inculpation en cause, mais uniquement, en tant qu’élément le plus
important, les conséquences de ces poursuites sur la réputation de l’actionnaire principal, sur la situation de la requérante au pourvoi et sur le marché bancaire dans son ensemble.

144. Nous ne voyons aucune erreur de droit dans cette réponse du Tribunal au grief soulevé en première instance par la requérante au pourvoi.

145. Le fait que la BCE n’a pas tenu compte de ce que le comportement ayant donné lieu aux poursuites pourrait ne pas être répréhensible au sein de l’Union ou n’aurait en tout état de cause pas pu y faire l’objet de poursuites en vertu du règlement no 2271/96 ( 82 ) ne serait pas de nature à remettre en cause nos conclusions aux points 135 à 141 ci-dessus. En effet, nous y avons conclu que le risque découlant de l’atteinte portée à l’honorabilité de la requérante au pourvoi s’est effectivement
réalisé. Ce constat est totalement indépendant de la question de savoir si le comportement reproché à l’actionnaire principal était effectivement répréhensible ou non au sein de l’Union. Comme le relève à bon droit le Tribunal et le fait également observer la Commission, il appartenait uniquement à la BCE d’apprécier si ces poursuites étaient de nature à entraîner les effets négatifs en cause pour la requérante au pourvoi et pour les marchés financiers et non pas si elles étaient avérées ou si
le comportement y ayant donné lieu pouvait faire l’objet de poursuites au sein de l’Union.

146. L’hypothèse inverse permet également de démontrer le bien‑fondé de cette conclusion. La MFSA et la BCE ne pouvaient pas négliger le risque encouru, qui s’était déjà réalisé, et maintenir l’agrément permettant à la requérante au pourvoi de poursuivre l’activité d’un établissement de crédit au simple motif que le comportement reproché à l’actionnaire principal pourrait ne pas être répréhensible au sein de l’Union ou ne pas être susceptible d’y être poursuivi. Cela signifierait qu’elles auraient
dû, en toute connaissance de cause, laisser les marchés financiers subir une perturbation considérable, voire se détériorer, en dépit de leur obligation prudentielle d’intervenir à titre préventif.

147. Enfin, il convient de rappeler que la procédure de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit ne relève pas du champ d’application du règlement no 2271/96 et n’intéresse pas le but poursuivi par celui-ci. Ce règlement vise uniquement à protéger les opérateurs contre d’éventuelles poursuites par les juridictions ou par les autorités de pays tiers ou contre un éventuel droit à réparation lorsqu’ils effectuent des opérations de commerce international et/ou des mouvements de capitaux en
violation de certains régimes de sanction étrangers d’application extraterritoriale ( 83 ), et non pas contre le risque que les comportements en cause et leurs effets soient pris en compte aux fins de l’évaluation de leur qualité, intégrité, fiabilité et réputation pour l’accès à l’activité d’établissement de crédit.

148. Partant, ce grief doit également être écarté comme étant non fondé.

149. Par conséquent, c’est l’ensemble du deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P qui est infondé.

3. Le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, tiré de plusieurs erreurs de droit commises par le Tribunal et notamment du caractère disproportionné du retrait de l’agrément

150. Par le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P, la requérante au pourvoi fait grief au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit, notamment lors de l’appréciation des actes de la BCE au regard du principe de proportionnalité, les griefs soulevés à ce titre par la requérante au pourvoi reprenant ou modifiant en partie certains des griefs soulevés dans le cadre des deux autres moyens. Selon elle, le fait que la BCE n’a pas accepté une première proposition de la MFSA
concernant le retrait de l’agrément montre que les directives par lesquelles cette dernière avait préalablement ordonné la fermeture de la requérante au pourvoi n’étaient pas justifiées. Elle soutient que le retrait de l’agrément était disproportionné, car il est intervenu avant l’issue des poursuites aux États-Unis, alors que la requérante au pourvoi avait déjà cessé ses activités. En outre, dans sa deuxième proposition, la MFSA a abandonné les allégations (inexactes) de difficultés
financières, mais a omis de réviser l’examen de la proportionnalité.

151. L’exposé de la requérante au pourvoi ne permet pas de déterminer le contenu de ces griefs ni d’identifier les motifs de l’arrêt attaqué entachés de cette erreur de droit alléguée avec la clarté et la précision requises. Partant, nous considérons que le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P est irrecevable ( 84 ) et qu’il n’est en tout état de cause pas de nature à établir que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit.

152. Par conséquent, le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P doit être rejeté.

4. Le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P, tiré d’autres griefs

153. Par les autres griefs soulevés dans le cadre du premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P, la requérante au pourvoi conteste les conclusions auxquelles aboutit le Tribunal aux points 33 à 51 de l’ordonnance attaquée, en réponse au premier moyen. Par ce moyen, la requérante au pourvoi faisait valoir qu’est erronée en droit la conclusion de la BCE selon laquelle, du fait du retrait de l’agrément et de la perte de la qualité d’établissement de crédit en résultant pour la requérante au
pourvoi, la BCE était incompétente pour assurer sa surveillance prudentielle directe et pour donner des instructions à la MFSA.

154. À l’appui de ce moyen, la requérante au pourvoi soutient, en substance, que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit lors de l’application du règlement no 1024/2013 et du règlement no 575/2013 ainsi que de la directive 2013/36. Selon elle, c’est à tort qu’il a considéré que la qualité d’« établissement de crédit » présuppose qu’un tel établissement dispose (obligatoirement) de l’agrément.

155. À cet égard, le Tribunal, dans l’ordonnance attaquée, relève, premièrement, que la compétence de la BCE vise uniquement les « établissements de crédit » et leur activité au sens de l’article 2, point 3, du règlement no 1024/2013, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement no 575/2013 ( 85 ). Deuxièmement, il constate que, selon l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1024/2013, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, point 42, du règlement no 575/2013,
l’accès à l’activité d’un établissement de crédit nécessite un agrément et que, aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2013/36, les États membres interdisent aux personnes ou aux entreprises qui ne sont pas des établissements de crédit d’exercer une telle activité ( 86 ). Troisièmement, le Tribunal en conclut que, en cas de retrait de l’agrément conformément à l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, l’ancien titulaire de celui-ci n’exerce plus une telle activité
et ne peut plus être considéré comme un « établissement de crédit », de sorte que les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, qui fondent la compétence de la BCE à l’égard de tels établissements, ne sont plus applicables ( 87 ). C’est pour cette raison que, selon lui, la BCE était manifestement incompétente à l’égard de la requérante au pourvoi les 13 novembre et 20 décembre 2018, cette dernière s’étant vu retirer l’agrément dès le 2 novembre 2018, comme la BCE l’a indiqué à
juste titre dans le courrier électronique litigieux ( 88 ).

156. Nous estimons que la motivation avancée par le Tribunal à cet égard est formaliste et erronée en droit.

157. En effet, il ressort clairement de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013 que la BCE est compétente tant pour « agréer les établissements de crédit » que pour « retirer les agréments des établissements de crédit ». Or, la compétence de la BCE en matière de délivrance de l’agrément implique nécessairement qu’elle examine la demande d’une personne physique ou morale qui n’est pas encore un établissement de crédit, mais qui souhaite le devenir grâce à l’agrément. En outre,
en ce qui concerne la compétence ratione temporis de la BCE en matière de retrait de l’agrément, il convient de relever que, si le retrait s’avère entaché d’une erreur de droit, il doit soit pouvoir être subséquemment abrogé par la BCE, de sa propre initiative, par un actus contrarius, soit être rétroactivement retiré de l’ordre juridique de l’Union, éventuellement par un arrêt d’annulation rendu conformément à l’article 264, premier alinéa, TFUE, à la suite de l’introduction d’un recours en
annulation par la banque concernée au titre de l’article 263 TFUE. La BCE redevient alors (de nouveau rétroactivement) compétente et doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt conformément à l’article 266, premier alinéa, TFUE.

158. Les dispositions invoquées par le Tribunal ne sauraient justifier aucune autre appréciation, car elles contiennent simplement la définition de la notion d’« établissement de crédit » ainsi que de l’activité d’un tel établissement. Par ailleurs, il apparaîtrait arbitraire de considérer que la compétence de la BCE prend fin dès l’adoption de la décision de retrait de l’agrément sans même attendre, à tout le moins, que cette décision devienne définitive à l’expiration du délai de recours prévu à
l’article 263, sixième alinéa, TFUE. Or, ce délai n’avait en tout état de cause pas encore expiré aux 13 novembre et 20 décembre 2018, lorsque la BCE a répondu par courrier électronique à la demande de la requérante au pourvoi.

159. Par conséquent, le 20 décembre 2018, la BCE était toujours compétente à l’égard de la requérante au pourvoi au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013. C’est donc de manière erronée en droit que le Tribunal a conclu que la BCE était manifestement incompétente et que le premier moyen devait dès lors être rejeté comme étant manifestement dénué de tout fondement en droit.

160. Ainsi, il y a lieu d’accueillir le premier moyen du pourvoi, sans qu’il soit nécessaire d’examiner chacun des griefs invoqués par la requérante au pourvoi.

161. Nonobstant ce qui précède, le dispositif de l’ordonnance attaquée, en tant qu’il rejette le recours, est dépourvu d’erreur. En effet, le courrier électronique litigieux n’est pas un acte pouvant être attaqué de manière autonome, et il ne ressort pas davantage du règlement no 1024/2013 ( 89 ) que ce règlement confère à la BCE une compétence ou une obligation spéciale lui permettant ou lui imposant de donner les instructions demandées par la requérante au pourvoi, que ce soit avant ou après le
retrait de l’agrément (voir points 88 à 93 ci-dessus).

162. En conséquence, nous proposons à la Cour de procéder à cet égard comme elle l’a fait dans l’ordonnance du 4 février 2021, Pilatus Bank/BCE ( 90 ), c’est-à-dire par substitution des motifs de l’ordonnance attaquée, et de rejeter le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P.

5. Conclusion intermédiaire et règlement des dépens

a) Affaire C‑750/21 P

163. Il y a lieu de rejeter le pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P.

164. Par conséquent, il convient de statuer sur les dépens conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

165. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, lequel est applicable au pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La BCE ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la requérante au pourvoi aux dépens du pourvoi.

b) Affaire C‑256/22 P

166. Dans l’affaire C‑256/22 P, il y a lieu d’accueillir le premier moyen du pourvoi, pris en sa première branche.

167. Il en est de même du quatrième moyen du pourvoi, dans la mesure où l’appréciation et le rejet, par le Tribunal, du dixième moyen, pris en sa deuxième branche, lequel est tiré de la violation des droits de la défense et du fait que, dans le cadre de la procédure administrative, la requérante au pourvoi n’avait accès ni aux documents et aux informations contenus dans son système informatique, ni à ses ressources financières, pour le paiement des honoraires d’avocat de son conseil, sont fondés sur
une erreur de droit.

168. Le pourvoi est fondé à cet égard et l’arrêt attaqué doit être annulé en tant qu’il rejette le recours dans son intégralité.

169. Toutefois, le litige n’est pas en état d’être jugé, de sorte qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il convient donc de réserver les dépens.

170. S’agissant du quatrième moyen du pourvoi, le litige n’est pas en état d’être jugé parce que le Tribunal n’a pas examiné si les directives des 21 et 22 mars 2018 étaient effectivement de nature à avoir pour effet le retrait de facto de l’agrément, comme le soutient la requérante au pourvoi, et, partant, à supplanter ou compromettre la décision discrétionnaire définitive de la BCE dans la décision litigieuse. Il n’a pas davantage vérifié si, pour sa part, la BCE a examiné ou aurait dû examiner
tout argument en ce sens avancé par la requérante au pourvoi dans le cadre de la procédure administrative, le cas échéant.

171. En outre, s’agissant du premier moyen du pourvoi, le Tribunal n’a pas examiné si le fait que la requérante au pourvoi et son conseil n’avaient pas accès ou n’avaient qu’un accès limité aux documents et aux informations contenus dans le système informatique de la requérante au pourvoi ainsi qu’aux ressources financières de cette dernière, pour le paiement des honoraires d’avocat de son conseil, était effectivement de nature à porter atteinte à ses droits de la défense au motif que, dans le cas
contraire, elle aurait pu assurer sa défense de manière plus efficace et qu’il existait dès lors une possibilité que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ( 91 ).

VI. Conclusion

A.   Affaire C‑750/21 P

172. Dans l’affaire C‑750/21 P, nous proposons à la Cour de statuer comme suit :

1. Le pourvoi est rejeté.

2. Pilatus Bank plc est condamnée aux dépens du pourvoi.

B.   Affaire C‑256/22 P

173. Dans l’affaire C‑256/22 P, nous proposons à la Cour de statuer comme suit :

1. L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 février 2022, Pilatus Bank et Pilatus Holding/BCE (T‑27/19, EU:T:2022:46), est annulé.

2. L’affaire est renvoyée devant le Tribunal.

3. Les dépens sont réservés.

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( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Article 2, point 9, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

( 3 ) JO 2013, L 176, p. 338.

( 4 ) JO 2013, L 176, p. 1.

( 5 ) JO 2013, L 176, p. 1.

( 6 ) JO 2014, L 141, p. 1.

( 7 ) JO 2013, L 176, p. 338.

( 8 ) JO 2005, L 309, p. 15.

( 9 ) T‑687/18, non publiée, EU:T:2019:542.

( 10 ) C‑701/19 P, non publiée, EU:C:2021:99.

( 11 ) La décision litigieuse fait l’objet de la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑256/22 P.

( 12 ) Le courrier électronique litigieux fait l’objet de la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑750/21 P.

( 13 ) Arrêt attaqué (points 41 à 56).

( 14 ) C‑219/17, EU:C:2018:1023 (point 44).

( 15 ) Arrêt attaqué (points 67 à 134).

( 16 ) Arrêt attaqué (points 135 à 148).

( 17 ) Arrêt attaqué (points 149 à 269).

( 18 ) Arrêt attaqué (points 239 à 241).

( 19 ) Arrêt attaqué (points 242 à 252).

( 20 ) Ordonnance du 10 juillet 2019, Pilatus Bank/BCE (T‑687/18, non publiée, EU:T:2019:542).

( 21 ) Ordonnance du 4 février 2021, Pilatus Bank/BCE (C‑701/19 P, non publiée, EU:C:2021:99).

( 22 ) Voir les faits similaires à l’origine de l’arrêt du 15 septembre 2022, PNB Banka/BCE (C‑326/21 P, non publié, EU:C:2022:693), et de l’ordonnance du 8 novembre 2021, Satabank/BCE (T‑494/20, non publiée, EU:T:2021:797), passée en force de chose jugée.

( 23 ) C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923 (points 54 et suiv.).

( 24 ) Voir aussi les faits similaires à l’origine de l’arrêt du 15 septembre 2022, PNB Banka/BCE (C‑326/21 P, non publié, EU:C:2022:693), et de l’ordonnance du 8 novembre 2021, Satabank/BCE (T‑494/20, non publiée, EU:T:2021:797), passée en force de chose jugée.

( 25 ) Arrêt Berlusconi (points 42 et suiv.).

( 26 ) Arrêt Berlusconi (points 42 et suiv.). La problématique centrale de cette affaire est détaillée dans les conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:502, points 57 et suiv. ainsi que jurisprudence citée).

( 27 ) Arrêt Berlusconi (points 42 à 44, 49 et 50).

( 28 ) Voir arrêts du 10 septembre 2013, G. et R. (C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 35) ; du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, points 66 et suiv.) ; du 26 juillet 2017, Sacko (C‑348/16, EU:C:2017:591, point 33) ; du 9 novembre 2017, Ispas (C‑298/16, EU:C:2017:843, points 26 et suiv.), et du 13 septembre 2018, UBS Europe e.a. (C‑358/16, EU:C:2018:715, points 59 et suiv.). En outre, il résulte de l’arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832,
points 83 et 84), que le respect des droits de la défense, en tant que principe général du droit de l’Union, s’impose aux autorités nationales, auxquelles l’article 41 de la Charte ne s’applique pas.

( 29 ) Arrêt Berlusconi (points 47 et suiv., notamment point 49).

( 30 ) Dans ses conclusions dans l’affaire Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:502, point 112), l’avocat général Campos Sánchez-Bordona exige par conséquent que, pour sauvegarder le droit à une protection juridictionnelle effective, les juridictions de l’Union clarifient si les actes préparatoires de l’autorité nationale, dont le contenu a été ultérieurement repris par la BCE, comportent des vices affectant leur validité et qui sont susceptibles de contaminer irrémédiablement l’ensemble de
la procédure.

( 31 ) Il s’agit d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 12) ; voir ne serait-ce que arrêt du 22 avril 2021, thyssenkrupp Electrical Steel et thyssenkrupp Electrical Steel Ugo/Commission (C‑572/18 P, EU:C:2021:317, point 50).

( 32 ) Voir arrêts du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission (T‑450/93, EU:T:1994:290, points 49 à 51), et du 19 juin 1997, Air Inter/Commission (T‑260/94, EU:T:1997:89, point 65). Voir aussi arrêt du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a. (C‑32/95 P, EU:C:1996:402, points 28 et suiv.). L’arrêt du 9 novembre 1995, France-Aviation/Commission (T‑346/94, EU:T:1995:187, point 30), est particulièrement éclairant en ce qui concerne une procédure complexe relative à l’application du code des
douanes : « [...] le droit de la requérante d’être entendue dans une [telle] procédure [...] doit effectivement être garanti, tout d’abord, dans le cadre des relations entre l’intéressé et l’administration nationale. En effet, le [règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1)] ne prévoit que des contacts entre l’intéressé et
l’administration, d’une part, et entre cette dernière et la Commission, d’autre part. Bien que cette réglementation ne prévoie pas de contacts directs entre les services de la Commission et l’intéressé, elle n’implique pas nécessairement que la Commission puisse se contenter, dans tous les cas où elle a à connaître de demandes de remboursement, des données que l’administration nationale lui a transmises. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 905, paragraphe 2, du règlement no 2454/93
prévoit que la Commission peut demander à l’État membre concerné la communication d’éléments d’information complémentaires. Par conséquent, il y a lieu d’examiner si, au cas d’espèce, une telle demande de communication s’imposait à la Commission afin de garantir le respect du droit de la requérante d’être entendue, et cela par le biais d’explications supplémentaires fournies d’abord par la requérante à l’administration française et transmises ensuite à la Commission. » Voir, à cet égard,
Nehl, H. P., Principles of Administrative Procedure in EC Law, Hart Publishing, Oxford, 1999, p. 88 à 91 ; Eckes, C., Mendes, J., « The Right to be Heard in Composite Administrative Procedure: Lost in Between Protection ? », European Law Review, no 36 (2011), p. 651 et suiv.

( 33 ) Arrêt Berlusconi (point 44).

( 34 ) Arrêt Trasta Komercbanka (points 70 et suiv.).

( 35 ) Voir aussi nos conclusions dans les affaires jointes BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:323, points 48, 52 et 99).

( 36 ) C‑97/91, EU:C:1992:491 (points 9 à 13).

( 37 ) Voir, au sujet d’un conflit d’intérêts comparable en matière d’actes accomplis par un liquidateur ayant révoqué le mandat de l’avocat ainsi que par un mandataire judiciaire, arrêt Trasta Komercbanka (points 54 et suiv.) et arrêt du 15 septembre 2022, PNB Banka/BCE (C‑326/21 P, non publié, EU:C:2022:693, points 39 à 43 et 56 à 58).

( 38 ) Voir jurisprudence citée à la note en bas de page 28 des présentes conclusions.

( 39 ) Ainsi, c’est, selon nous, à juste titre que le Tribunal, aux points 239 à 241 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C-256/22 P, a conclu que la requérante au pourvoi a été suffisamment mise en mesure de présenter ses observations sur le projet de décision de retrait de l’agrément et s’est vu accorder un accès au dossier de la procédure administrative, ce que la requérante au pourvoi ne conteste pas dans l’affaire C‑256/22 P.

( 40 ) Voir aussi ordonnance attaquée (point 3).

( 41 ) À savoir après l’adoption de la décision litigieuse dans l’affaire C‑256/22 P.

( 42 ) Arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 57 à 59), et du 16 décembre 2020, Conseil/K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 96).

( 43 ) Arrêt du 15 septembre 2022, PNB Banka/BCE (C‑326/21 P, non publié, EU:C:2022:693, points 56 à 58), au sujet du caractère irrecevable d’un recours en annulation d’un courrier de la BCE par lequel celle-ci refuse d’adresser une instruction similaire.

( 44 ) Voir aussi, en ce sens, ordonnance du 4 février 2021, Pilatus Bank/BCE (C‑701/19 P, non publiée, EU:C:2021:99, points 33 à 38).

( 45 ) Voir arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 12) ; du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission (C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, points 50 à 53), et du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 39).

( 46 ) Voir point 45 des présentes conclusions.

( 47 ) La notification de la décision litigieuse à la personne compétente, le 5 novembre 2018, n’est mentionnée qu’au point 12 de la requête, dans l’« [i]ntroduction ».

( 48 ) Voir ne serait-ce que arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 35, 51 et 78).

( 49 ) L’arrêt Berlusconi porte sur des mesures comparables adoptées par la Banque d’Italie en préparation d’une décision de la BCE (points 36 et 37). Voir aussi, à cet égard, arrêt du 11 mai 2022, Fininvest et Berlusconi/BCE (T‑913/16, EU:T:2022:279, points 237 et suiv.), dans lequel le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable le moyen tiré de ce que les actes préparatoires adoptés par la Banque d’Italie, notamment la décision d’ouverture de la procédure et la proposition de décision soumise à la
BCE, présentent des vices de nature à entraîner l’illégalité de la décision de la BCE. Dans le cadre des pourvois formés dans les affaires pendantes C‑512/22 P et C‑513/22 P, les requérants au pourvoi soutiennent que le rejet de ce moyen est fondé sur une erreur de droit, en ce qu’il est, notamment, incompatible avec les principes dégagés dans l’arrêt Berlusconi.

( 50 ) Voir aussi arrêt Berlusconi (points 45 et 46). Va également dans ce sens le point 250 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal, en réponse au dixième moyen relatif à la violation des droits de la défense, renvoie la requérante aux voies de droit nationales ainsi qu’à la procédure de renvoi préjudiciel.

( 51 ) Dans la décision litigieuse, la BCE examine, dans la section 3.3, si les conditions prévues par les dispositions pertinentes du règlement no 1024/2013 et de la directive 2013/36, ainsi que celles de la législation maltaise adoptée aux fins de la transposition de cette directive, sont respectées (section 3.3.1), si le retrait de l’agrément est proportionné et notamment adapté, nécessaire et approprié (section 3.3.2), et si le principe de protection de la confiance légitime est respecté
(section 3.3.3).

( 52 ) Article 14, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement no 1024/2013.

( 53 ) Article 14, paragraphe 6, du règlement no 1024/2013.

( 54 ) Voir article 4, paragraphe 3, article 6, paragraphe 1, et article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 1024/2013.

( 55 ) C’est ce qui ressort du considérant 21 du règlement no 1024/2013, aux termes duquel « [l]a BCE devrait [...] exercer sa mission concernant l’agrément des établissements de crédit et le retrait de l’agrément en cas de non‑respect du droit national sur proposition des autorités compétentes nationales qui évaluent si les conditions pertinentes prévues en droit national sont respectées ».

( 56 ) Dans la décision litigieuse, la BCE se contente, dans la section 3.1, de décrire la procédure à compter du 29 juin 2018 et ne mentionne les directives des 21 et 22 mars 2018 qu’en page 6, dans la section 3.3.1. Cependant, il n’est pas à exclure que la requérante au pourvoi ait fait valoir les griefs afférents pour la première fois dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, ce qui ne peut toutefois pas être vérifié dans le cadre de la procédure de pourvoi.

( 57 ) Arrêt attaqué (points 49 à 52).

( 58 ) Article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36.

( 59 ) JO 1996, L 309, p. 1.

( 60 ) C‑124/20, EU:C:2021:1035.

( 61 ) Arrêt attaqué (points 67 à 69 et 73 à 80).

( 62 ) Arrêt attaqué (points 96 à 102).

( 63 ) Arrêt attaqué (points 104 à 106, 111 et 112).

( 64 ) Arrêt attaqué (points 116 à 119).

( 65 ) Arrêts du 15 mars 2022, Autorité des marchés financiers (C‑302/20, EU:C:2022:190, point 63), et du 12 janvier 2023, Österreichische Post (Informations relatives aux destinataires de données personnelles) (C‑154/21, EU:C:2023:3, point 29).

( 66 ) Celles-ci font toutes foi, de sorte qu’aucune d’entre elle ne prime sur les autres ; voir arrêts du 26 janvier 2021, Hessischer Rundfunk (C‑422/19 et C‑423/19, EU:C:2021:63, point 65 et jurisprudence citée), et du 17 janvier 2023, Espagne/Commission (C‑632/20 P, EU:C:2023:28, points 40 à 42).

( 67 ) Dans la version en langue française : « honorabilité », et dans la version en langue italienne : « onorabilità ».

( 68 ) Dans la version en langue portugaise : « idoneidade ».

( 69 ) Dans la version en langue bulgare : « репутацията » ; dans la version en langue tchèque : « pověst » ; dans la version en langue danoise : « omdømme » ; dans la version en langue allemande : « Leumund » ; dans la version en langue finnoise : « maine », dans la version en langue grecque : « τη φήμη », dans la version en langue anglaise : « reputation » ; dans la version en langue espagnole : « reputación » ; dans la version en langue estonienne : « kavandava » ; dans la version en langue
croate : « ugled » ; dans la version en langue hongroise : « jó hírneve » ; dans la version en langue lituanienne : « reputaciją » ; dans la version en langue lettone : « reputācija » ; dans la version en langue maltaise : « ir‑reputazzjoni » ; dans la version en langue néerlandaise : « reputatie » ; dans la version en langue polonaise : « reputacja » ; dans la version en langue roumaine : « reputația » ; dans la version en langue slovaque : « dobrá povesť » ; dans la version en langue slovène :
« ugled », et dans la version en langue suédoise : « anseende ».

( 70 ) Voir aussi article 23, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2013/36.

( 71 ) Cela n’est d’ailleurs pas seulement vrai en cas de perte de la confiance, c’est-à-dire dans un sens négatif, comme dans le cas notoire de la crise de la dette publique grecque (voir ordonnance du 12 mars 2020, EMB Consulting e.a./BCE, C‑571/19 P, non publiée, EU:C:2020:208, et arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756), mais aussi dans un sens positif, comme l’a montré le cas de la crise financière subie par France Télécom/Orange ; ce n’est qu’après les déclarations
officielles du ministre français de l’Économie, des Finances et de l’Industrie destinées à restaurer la confiance dans cette dernière que celle-ci a pu se refinancer par ses propres moyens sur le marché des capitaux (voir, à cet égard, arrêts du 19 mars 2013, Bouygues e.a./Commission e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, et du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912).

( 72 ) JO 2005, L 309, p. 15.

( 73 ) Arrêt attaqué (point 90).

( 74 ) Voir décision litigieuse (p. 4 et suiv., notamment p. 8).

( 75 ) Voir explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17), « Explication ad article 41 – Droit à une bonne administration ».

( 76 ) Voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2018, Weiss e.a. (C‑493/17, EU:C:2018:1000, point 30 et jurisprudence citée).

( 77 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, points 40 et 41). Conformément au statut des orientations communes, tel que présenté en introduction à ce document, sont en premier lieu liées par celles-ci les seules ABE, AEAPP et AEMF. Les orientations communes sont cependant également applicables, par analogie, à la BCE, dans la mesure où celle-ci, en tant qu’autorité de surveillance, les a faites siennes.

( 78 ) Voir aussi arrêt attaqué (points 75 et 86).

( 79 ) Voir décision litigieuse (p. 5 et 6).

( 80 ) Décision litigieuse (p. 8, notamment notes en bas de page 21 et 22).

( 81 ) Aux termes de cette disposition, « [a]ucune décision d’une juridiction ou d’une autorité administrative extérieure à la Communauté qui donne effet, directement ou indirectement, aux lois citées en annexe ou aux actions fondées sur elles ou en découlant n’est reconnue ou rendue exécutoire de quelque manière que ce soit ».

( 82 ) En ce qui concerne les conséquences en droit civil et l’article 5 du règlement no 2271/96, voir arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran (C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 35 et suiv.).

( 83 ) Voir arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran (C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 35 à 37).

( 84 ) Voir ne serait-ce que arrêts du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission (C‑67/09 P, EU:C:2010:607, points 48 et 49), et du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission (C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 115).

( 85 ) Ordonnance attaquée (points 35 à 39).

( 86 ) Ordonnance attaquée (point 40).

( 87 ) Ordonnance attaquée (point 41).

( 88 ) Ordonnance attaquée (points 42 à 44).

( 89 ) Voir arrêt du 15 septembre 2022, PNB Banka/BCE (C‑326/21 P, non publié, EU:C:2022:693, points 56 à 58).

( 90 ) C‑701/19 P, non publiée, EU:C:2021:99 (point 38).

( 91 ) Voir, en ce sens, arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 81), et du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 56).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-256/22
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions de la Banque centrale européenne (BCE) – Règlement (UE) no 1024/2013 – Article 6, paragraphe 5, sous b) – Surveillance d’un établissement de crédit directement par la BCE – Conditions – Recours en annulation – Irrecevabilité – Représentation d’une partie – Mandat délivré à l’avocat – Représentant irrégulièrement mandaté.

Affaire C-750/21 P.

Pilatus Bank plc contre Banque centrale européenne.

Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Retrait d’agrément – Recours en annulation – Irrecevabilité – Représentation d’une partie – Mandat délivré à l’avocat – Représentant irrégulièrement mandaté.

Politique économique et monétaire


Parties
Demandeurs : Pilatus Bank plc
Défendeurs : Banque centrale européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:431

Source

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