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20/04/2023 | CJUE | N°C-772/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, « Brink’s Lithuania » UAB contre Lietuvos bankas., 20/04/2023, C-772/21


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

20 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection de l’euro contre les activités de faux monnayage – Règlement (CE) no 1338/2001 – Article 6, paragraphe 1 – Prestataires de services de paiement ayant pour activité le traitement et la délivrance au public de billets de banque – Décision BCE/2010/14 – Article 6, paragraphe 2 – Détection des billets en euros impropres à la circulation – Contrôle automatique de la qualité des billets – Normes minimales publiées sur le site Internet de

la Banque centrale européenne
(BCE) et modifiées périodiquement – Champ d’application personnel – Étendue d...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

20 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection de l’euro contre les activités de faux monnayage – Règlement (CE) no 1338/2001 – Article 6, paragraphe 1 – Prestataires de services de paiement ayant pour activité le traitement et la délivrance au public de billets de banque – Décision BCE/2010/14 – Article 6, paragraphe 2 – Détection des billets en euros impropres à la circulation – Contrôle automatique de la qualité des billets – Normes minimales publiées sur le site Internet de la Banque centrale européenne
(BCE) et modifiées périodiquement – Champ d’application personnel – Étendue des obligations des professionnels appelés à manipuler des espèces – Force contraignante – Principe de sécurité juridique »

Dans l’affaire C‑772/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 8 décembre 2021, parvenue à la Cour le 14 décembre 2021, dans la procédure

« Brink’s Lithuania » UAB

contre

Lietuvos bankas,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan (rapporteur), président de chambre, MM. D. Gratsias, M. Ilešič, I. Jarukaitis et Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme A. Lamote, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 octobre 2022,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement lituanien, par Mme V. Kazlauskaitė-Švenčionienė, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par M. J. Baquero Cruz, Mmes S. Delaude et A. Steiblytė, en qualité d’agents,

– pour la Banque centrale européenne, par Mmes A. Dambrauskaitė, M. Estrada-Cañamares et F. Feyerbacher, en qualité d’agents, assistées de Me D. Sarmiento Ramírez-Escudero, abogado,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 15 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 de la Banque centrale européenne, du 16 septembre 2010, relative à la vérification de l’authenticité et de la qualité ainsi qu’à la remise en circulation des billets en euros (JO 2010, L 267, p. 1), telle que modifiée par la décision BCE/2012/19 de la Banque centrale européenne, du 7 septembre 2012 (JO 2012, L 253, p. 19) (ci-après la « décision BCE/2010/14 »), ainsi que sur la
validité de l’acte intitulé « Normes minimales pour un contrôle automatique de la qualité des billets en euros par les automates de traitement des billets » (ci-après les « normes minimales pour un contrôle automatique »), publié sur le site Internet de la Banque centrale européenne (BCE).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Brink’s Lithuania » UAB à Lietuvos bankas (Banque de Lituanie) au sujet d’une décision par laquelle cette banque centrale nationale a enjoint à Brink’s Lithuania d’adopter les mesures nécessaires afin de ramener le niveau de tolérance de ses machines de traitement de billets, utilisées pour le contrôle automatique de la qualité des billets en euros destinés à être remis en circulation, à un maximum de 5 %.

Le cadre juridique

Le règlement no 1338/2001

3 Le règlement (CE) no 1338/2001 du Conseil, du 28 juin 2001, définissant des mesures nécessaires à la protection de l’euro contre le faux monnayage (JO 2001, L 181, p. 6), tel que modifié par le règlement (CE) no 44/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008 (JO 2009, L 17, p. 1) (ci-après le « règlement no 1338/2001 »), a pour objet, selon son article 1er, paragraphe 1, d’établir des mesures nécessaires en vue de la circulation des billets et des pièces en euros dans des conditions garantissant leur
protection contre les activités de faux monnayage.

4 Le considérant 4 de ce règlement énonce :

« Les mesures à prendre pour la protection de l’euro contre le faux monnayage concernent la Communauté au titre de ses responsabilités à l’égard de la monnaie unique. La protection juridique de l’euro ne peut pas être obtenue de manière satisfaisante par les États membres individuellement en raison du fait que les billets et les pièces en euros seront mis en circulation au-delà des territoires des États membres participants. Il y a lieu, en conséquence, d’adopter une législation communautaire
définissant des mesures nécessaires à la circulation des billets et des pièces en euros dans des conditions propres à assurer sa protection globale, effective et homogène contre des activités susceptibles de porter atteinte à sa crédibilité et de prendre ainsi les mesures appropriées pour que tout soit prêt en temps utile avant le 1er janvier 2002. »

5 L’article 6 dudit règlement, intitulé « Obligations relatives aux établissements participant au traitement et à la délivrance au public des billets et des pièces », dispose :

« 1.   Les établissements de crédit et, dans la limite de leur activité de paiement, les autres prestataires de services de paiement, ainsi que tout autre agent économique participant au traitement et à la délivrance au public des billets et des pièces, y compris :

[...]

– les transporteurs de fonds,

[...]

ont l’obligation de s’assurer de l’authenticité des billets et pièces en euros qu’ils reçoivent et entendent remettre en circulation et de veiller à la détection des contrefaçons.

Pour les billets en euros, ce contrôle s’effectue conformément aux procédures définies par la BCE.

Les établissements et agents économiques visés au premier alinéa ont l’obligation de retirer de la circulation tous les billets et pièces en euros qu’ils ont reçus et dont ils savent ou au sujet desquels ils ont des raisons suffisantes de penser qu’ils sont faux. Ils les remettent sans délai aux autorités nationales compétentes.

[...]

2.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les établissements mentionnés au paragraphe 1 qui manquent aux obligations prévues audit paragraphe soient passibles de sanctions revêtant un caractère effectif, proportionné et dissuasif.

3.   Sans préjudice des dates fixées par la BCE pour l’application des procédures qu’elle définit, les États membres adoptent, au plus tard le 31 décembre 2011, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à l’application du paragraphe 1, premier alinéa, du présent article. Ils en informent immédiatement la Commission [européenne] et la BCE. »

La décision BCE/2010/14

6 Aux termes du considérant 2 de la décision BCE/2010/14 :

« Afin de protéger l’intégrité des billets en euros et de permettre une détection efficace des contrefaçons, les billets en euros en circulation doivent être maintenus en bon état afin de garantir une vérification facile et fiable de leur authenticité ; en conséquence, la qualité des billets en euros doit être vérifiée. En outre, les billets en euros suspectés faux doivent être rapidement détectés et remis aux autorités nationales compétentes. »

7 L’article 1er de cette décision, intitulé « Champ d’application », prévoit :

« La présente décision fixe les règles et procédures communes relatives à la vérification de l’authenticité et de la qualité ainsi qu’à la remise en circulation des billets en euros en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement [no 1338/2001]. »

8 Aux termes de l’article 2 de ladite décision, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente décision, on entend par :

1) “BCN”, la banque centrale nationale d’un État membre dont la monnaie est l’euro ;

2) “professionnels appelés à manipuler des espèces”, les établissements et les agents économiques visés à l’article 6, paragraphe 1, du règlement [no 1338/2001] ;

3) “remise en circulation”, l’acte consistant, pour les professionnels appelés à manipuler des espèces, à remettre en circulation, directement ou indirectement, des billets en euros, qu’ils ont reçus soit du public, en paiement ou à titre de dépôt sur un compte bancaire, soit d’un autre professionnel appelé à manipuler des espèces ;

4) “équipement de traitement des billets”, une machine à l’usage du public ou utilisée par les professionnels, telle que définie à l’annexe I ;

5) “type d’équipement de traitement des billets”, un équipement de traitement des billets qu’il est possible de distinguer d’autres équipements de traitement des billets, tel que décrit à l’annexe I ;

6) “procédures de test communes”, les procédures de test, telles que définies par la BCE, que doivent utiliser les BCN afin de tester les types d’équipements de traitement des billets ;

[...]

11) “billets en euros impropres à la remise en circulation”, billets en euros qui sont considérés comme impropres à la remise en circulation après la vérification de leur qualité visée à l’article 6 ;

[...] »

9 L’article 3 de la décision BCE/2010/14, intitulé « Principes généraux », énonce, à ses paragraphes 1 et 3 à 5 :

« 1.   Les professionnels appelés à manipuler des espèces sont tenus de vérifier l’authenticité et la qualité des billets en euros conformément aux procédures prévues dans la présente décision.

[...]

3.   La vérification de l’authenticité et de la qualité est effectuée soit avec un type d’équipement de traitement des billets testé positivement par une BCN, soit manuellement par du personnel formé.

4.   Les billets en euros ne peuvent être remis en circulation par l’intermédiaire de machines à l’usage du public ou d’automates de délivrance de billets qu’après vérification de leur authenticité et de leur qualité par un équipement de traitement des billets testé positivement par une BCN, et qu’après avoir été classifiés comme authentiques et en bon état. Toutefois, cette exigence ne s’applique pas aux billets en euros livrés directement à un professionnel appelé à manipuler des espèces par une
BCN ou par un autre professionnel appelé à manipuler des espèces qui a déjà vérifié de cette manière l’authenticité et la qualité des billets en euros.

5.   Les machines utilisées par les professionnels pour vérifier l’authenticité et la qualité des billets [...] ne peuvent être exploitées par les professionnels appelés à manipuler des espèces que si elles ont été testées positivement par une BCN et qu’elles figurent sur le site Internet de la BCE, ainsi qu’il est précisé à l’article 9, paragraphe 2. Les machines sont utilisées uniquement pour les valeurs faciales et les séries de billets en euros énumérées sur le site Internet de la BCE pour les
machines correspondantes dans leur configuration usine standard, incluant les dernières mises à jour, testées positivement, à moins que la BCN et le professionnel appelé à manipuler des espèces ne se soient mis d’accord sur une configuration plus exigeante. »

10 L’article 6 de cette décision, intitulé « Détection des billets en euros impropres à la circulation », dispose, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.   Le contrôle automatique est effectué avec un équipement de traitement des billets testé positivement conformément aux normes minimales qui sont publiées sur le site Internet de la BCE et modifiées périodiquement.

3.   Une BCN peut, après en avoir informé la BCE, fixer des normes plus strictes pour une ou plusieurs valeurs faciales ou séries de billets en euros si cela se justifie, par exemple en raison de la détérioration de la qualité des billets en euros en circulation dans son État membre. Ces normes plus strictes sont publiées sur le site Internet de cette BCN. »

11 Aux termes de l’article 9 de ladite décision, intitulé « Les procédures de test communes de l’Eurosystème pour les équipements de traitement des billets » :

« 1.   Les types d’équipements de traitement des billets sont testés par les BCN conformément aux procédures de test communes.

2.   Tous les types d’équipements de traitement des billets testés positivement sont énumérés sur le site Internet de la BCE pendant la période de validité des résultats des tests, ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 3. Un type d’équipement de traitement des billets qui, au cours de cette période, n’est plus en mesure de détecter tous les faux billets en euros dont l’Eurosystème a connaissance est supprimé de la liste conformément à une procédure précisée par la BCE.

3.   Lorsqu’un type d’équipement de traitement des billets a été testé positivement, les résultats des tests sont valables dans toute la zone euro pendant un an à compter de la fin du mois au cours duquel le test a été effectué, sous réserve que ce type d’équipement de traitement des billets demeure en mesure de détecter toutes les contrefaçons de billets en euros dont l’Eurosystème a connaissance au cours de cette période.

4.   L’Eurosystème ne peut être tenu pour responsable de l’incapacité d’un équipement de traitement des billets, testé positivement, à classifier et à traiter les billets en euros conformément à l’annexe IIa ou IIb. »

12 L’article 10 de cette même décision, intitulé « Activités de suivi et mesures correctives de l’Eurosystème », énonce :

« 1.   Sous réserve des exigences du droit national, les BCN sont autorisées à : i) effectuer des inspections sur place, même inopinées, dans les locaux des professionnels appelés à manipuler des espèces, afin de contrôler leurs équipements de traitement des billets, et notamment la capacité des équipements à vérifier l’authenticité et la qualité des billets en euros, et à assurer la traçabilité des billets en euros suspectés faux et des billets en euros qui ne sont pas clairement authentifiés
pour remonter au titulaire du compte ; et ii) examiner les procédures relatives à l’utilisation et au contrôle des équipements de traitement des billets, la manipulation des billets en euros vérifiés, ainsi que la vérification manuelle de l’authenticité et de la qualité.

[...]

3.   Si une BCN détecte une violation des dispositions de la présente décision par un professionnel appelé à manipuler des espèces, elle lui demande de prendre des mesures correctives dans un délai déterminé. Tant que la violation des dispositions perdure, cette BCN peut, au nom de la BCE, interdire au professionnel appelé à manipuler des espèces de remettre en circulation la valeur faciale ou les valeurs faciales en euros des séries concernées. Si cette violation est imputable à un type
d’équipement de traitement des billets, celui-ci peut être supprimé de la liste visée à l’article 9, paragraphe 2.

4.   Le fait pour un professionnel appelé à manipuler des espèces de ne pas coopérer avec une BCN concernant une inspection est considéré constituer une violation de ses obligations. »

La décision BCE/2012/19

13 Le considérant 3 de la décision BCE/2012/19 est libellé comme suit :

« Les normes minimales pour un contrôle automatique de la qualité des billets en euros, figurant à l’annexe IIIa de la décision BCE/2010/14, constituent des exigences applicables aux fonctionnalités des équipements de traitement des billets. Elles ne concernent donc que les fabricants d’équipements de traitement des billets et n’ont pas d’incidence sur les procédures de vérification de l’authenticité et de la qualité prévues par la décision BCE/2010/14, à laquelle les professionnels appelés à
manipuler des espèces doivent se conformer. Les normes minimales pour un contrôle automatique de la qualité des billets en euros étant hors du champ d’application de la décision BCE/2010/14, il convient de les intégrer dans les règles et procédures pour les tests effectués sur les équipements de traitement des billets, la collecte des données et le suivi. »

Les normes minimales pour un contrôle automatique

14 L’article 6 de la décision BCE/2010/14, dans sa version initiale, renvoyait à l’annexe IIIa de celle-ci, intitulée « Normes minimales pour un contrôle automatique de la qualité des billets en euros ». Cette annexe a été abrogée par la décision BCE/2012/19. Depuis l’entrée en vigueur de cette décision, ces normes minimales pour un contrôle automatique sont publiées sur le site Internet de la BCE, conformément à l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14. Dans leur version applicable au
litige au principal, les normes minimales pour un contrôle automatique prévoyaient, notamment :

« Le niveau de tolérance acceptable pour les contrôles de la qualité par les automates de traitement des billets est de 5 %. Cela signifie qu’au maximum 5 % des billets en euros qui ne satisfont pas aux critères de qualité peuvent être classés de manière erronée parmi les billets en bon état. »

L’orientation BCE/2010/NP16

15 L’orientation BCE/2010/NP16 de la Banque centrale européenne du 16 septembre 2010, relative aux règles et procédures pour les tests effectués sur les équipements de traitement des billets, la collecte des données et le suivi, telle que modifiée par l’orientation BCE/2012/NP20, du 7 septembre 2012 (ci-après l’« orientation BCE/2010/NP16 »), est un document confidentiel auquel seules la BCE et les BCN ont accès. À la demande de la Cour lors de l’audience, une version non confidentielle de
l’orientation BCE/2010/NP16 a été versée au dossier par la BCE.

16 L’article 2 de l’orientation BCE/2010/NP16, intitulé « Tests pour automates de traitement des billets », dispose, à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1.   À la demande des fabricants, les BCN effectuent des tests de vérification des types d’équipement de traitement des billets avant et pendant leur installation par des professionnels appelés à manipuler des espèces [...]

[...]

4.   Les BCN effectuent les tests de vérification, les tests annuels, les nouveaux tests [...] conformément à la procédure de test commune définie à l’annexe I. »

17 L’article 2a de cette orientation, intitulé « Normes minimales pour un contrôle automatique de la qualité », prévoit :

« Les normes minimales pour un contrôle automatique de la qualité par des automates de traitement des billets, visées à l’article 6 de la décision BCE/2010/14, sont définies par l’Eurosystème, figurent à l’annexe IV de la présente orientation et sont publiées sur le site Internet de la BCE. »

18 Le point 3.1.1 de l’annexe I de ladite orientation énonce :

« Le contrôle de la qualité est effectué en utilisant le dispositif de test le plus récent. [...] Le dispositif de test de la qualité est constitué de billets en euros présentant des défauts du type de ceux définis à l'annexe IV. [...] »

19 L’annexe IV de l’orientation BCE/2010/NP16 dispose, notamment :

« La présente annexe fixe les normes minimales pour un contrôle automatique de la qualité des billets en euros par les automates de traitement des billets.

Lors des contrôles de la qualité, les billets en euros présentant un défaut contrevenant aux normes obligatoires précisées ci-dessous sont considérés comme impropres à la remise en circulation.

Le niveau de tolérance acceptable pour les contrôles de la qualité par les automates de traitement des billets est de 5 %. Cela signifie qu’au maximum 5 % des billets en euros qui ne satisfont pas aux critères de qualité peuvent être classés de manière erronée parmi les billets en bon état. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20 Le 18 décembre 2018, des fonctionnaires de la Banque de Lituanie ont procédé à une inspection de la succursale de Brink’s Lithuania à Panevėžys (Lituanie). Lors de cette inspection, ces fonctionnaires ont vérifié si les équipements de traitement des billets de cette succursale respectaient les exigences régissant la manipulation des espèces destinées à être remises en circulation. En particulier, ils ont testé la capacité desdits équipements à vérifier l’authenticité et la qualité des billets de
banque en euros. Or, ces tests ont révélé que l’une des machines de traitement avait classé comme étant en bon état 18,26 % des billets en euros impropres à la circulation de la liasse de test utilisée. Pour une seconde machine, ce taux était de 13,91 %. Ces résultats ont été consignés dans un rapport de contrôle, lequel indique que les machines en cause étaient néanmoins d’un modèle qui figurait sur la liste des équipements de traitement de billets testés positivement figurant sur le site
Internet de la BCE.

21 Ayant constaté que Brink’s Lithuania a enfreint les normes minimales pour un contrôle automatique, lesquelles exigent que le niveau de tolérance pour le contrôle de la qualité des billets en euros ne dépasse pas 5 %, le directeur du département des espèces de la Banque de Lituanie a, par une décision du 28 février 2019, enjoint à cette société d’adopter les mesures nécessaires pour mettre fin à cette violation dans un délai de cinq jours ouvrables.

22 Selon les termes de cette décision, la capacité des équipements de traitement des billets à vérifier l’authenticité et la qualité des billets en euros dépend non seulement de leurs fabricants, mais également de leurs utilisateurs, à savoir des professionnels appelés à manipuler des espèces, et, en particulier, de l’entretien des équipements réalisés par ces utilisateurs. Le simple fait d’utiliser les équipements dans leur configuration usine standard, comme l’exige l’article 3, paragraphe 5, de
la décision BCE/2010/14, ne pourrait être considéré comme une preuve que ce professionnel s’est conformé à ses obligations. Seules des inspections effectuées dans les locaux du professionnel appelé à manipuler des espèces permettraient de déterminer s’il y a eu une utilisation et un entretien appropriés des équipements, si les prescriptions applicables au traitement des espèces ont été dûment respectées et si des procédures appropriées sont appliquées pour tester les équipements.

23 Le 29 mars 2019, la requérante a, en substance, demandé à la BCE de lui préciser si le respect des normes minimales pour un contrôle automatique pèse sur les professionnels appelés à manipuler des espèces ou s’il ne s’impose qu’aux fabricants qui souhaitent que leurs machines soient inscrites dans la liste des équipements testés positivement.

24 Le 17 avril 2019, la BCE a répondu à cette demande en indiquant que les normes minimales pour un contrôle automatique sont destinées aux fabricants d’équipements de traitement des billets. En revanche, les professionnels appelés à manipuler des espèces auraient uniquement l’obligation d’utiliser, lorsqu’ils choisissent de procéder à la vérification automatisée des contrefaçons et de la qualité des billets, des équipements de traitement des billets reconnus conformes à ces normes minimales pour un
contrôle automatique, et ce dans leur configuration standard d’usine, sans être tenus de vérifier eux-mêmes la conformité de ces équipements auxdites normes.

25 Après le rejet de son recours tendant à l’annulation de la décision du 28 février 2019 par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), Brink’s Lithuania a interjeté appel devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), qui est la juridiction de renvoi dans la présente affaire.

26 La juridiction de renvoi indique qu’il est constant que Brink’s Lithuania, en tant que transporteur de fonds, doit être considérée comme un professionnel appelé à manipuler des espèces, au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14. Cependant, elle doute de l’interprétation et de la validité de l’article 6, paragraphe 2, de cette décision.

27 Elle estime, premièrement, que certains éléments du libellé de cette disposition suggèrent que le contrôle automatique de la qualité des billets en euros doit être effectué conformément aux normes minimales pour un contrôle automatique, ce qui impliquerait que, en vertu de cette subordination du contrôle automatique au respect des normes minimales, les professionnels doivent s’assurer que ce contrôle est effectué dans le respect desdites normes et, le cas échéant, prendre, de leur propre
initiative, toutes les mesures utiles à cette fin. Cette interprétation serait confortée par l’objectif poursuivi par ladite décision de maintenir les billets en euros en bon état, un tel résultat ne pouvant être garanti par le recours à des équipements particuliers de traitement des billets dans leur configuration usine standard, comme exigé par ladite décision.

28 Cela étant, la juridiction de renvoi considère qu’interpréter l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 comme imposant aux professionnels appelés à manipuler des espèces de veiller à ce que le contrôle automatique s’effectue dans le respect des normes minimales pour un contrôle automatique pourrait se heurter à l’article 3, paragraphe 5, de cette même décision, qui énonce que les professionnels appelés à manipuler des espèces doivent utiliser leur machine en configuration d’usine
standard. Si lesdits professionnels devaient veiller à ce que le contrôle automatique s’effectue dans le respect desdites normes, cela impliquerait que, en cas de défaillance d’une machine, ceux-ci pourraient avoir recours à d’autres configurations que celle d’usine standard. En outre, une telle interprétation serait source d’insécurité juridique car il serait difficile pour lesdits professionnels de déterminer de quelle manière ils pourraient satisfaire à cette obligation. Enfin, cette
interprétation se heurterait au considérant 3 de la décision BCE/2012/19 qui indique que les normes minimales pour un contrôle automatique ne concernent que les fabricants d’équipements de traitement des billets et n’ont pas d’incidence sur les procédures automatisées de vérification de la qualité que les professionnels appelés à manipuler des espèces doivent appliquer.

29 Deuxièmement, quand bien même l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 devrait être interprété en ce sens qu’il n’impose pas aux professionnels appelés à manipuler des espèces l’obligation de tester leurs équipements de traitement des billets selon les normes minimales pour un contrôle automatique, la juridiction de renvoi est d’avis que cela n’exclurait pas nécessairement que les États membres puissent, en dehors du cadre normatif défini par l’Union européenne, prévoir une telle
obligation.

30 Troisièmement, pour le cas où les professionnels appelés à manipuler des espèces seraient tenus de respecter les normes minimales pour un contrôle automatique, la juridiction de renvoi relève que, selon l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14, ces normes sont simplement publiées sur le site Internet de la BCE et qu’elles peuvent être modifiées périodiquement. La question se poserait de savoir si, en l’absence de publication desdites normes au Journal officiel de l’Union européenne,
ces dernières peuvent être considérées comme contraignantes et de nature à fonder l’adoption d’une injonction adressée à un professionnel appelé à manipuler des espèces, voire si, pour ces raisons, l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 est compatible avec le principe de sécurité juridique et l’article 297, paragraphe 2, TFUE, et, partant, valide.

31 Dans ces circonstances, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 doit-il être interprété en ce sens qu’un professionnel appelé à manipuler des espèces qui effectue un contrôle automatisé de la qualité de billets en euros est tenu de respecter les [normes minimales pour un contrôle automatique] prévues à cette disposition ?

2) Si, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14, les [normes minimales pour un contrôle automatique] qui sont visées à cette disposition s’appliquent uniquement aux fabricants de machines de traitement des billets (et non aux professionnels appelés à manipuler des espèces), ledit article 6, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 5, de la même décision, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition de droit national qui impose
l’obligation de respecter ces normes minimales à un professionnel appelé à manipuler des espèces ?

3) Dans la mesure où elles sont publiées sur le site Internet de la [BCE], les [normes minimales pour un contrôle automatique] de la qualité des billets en euros par les automates de traitement des billets sont-elles conformes au principe de sécurité juridique ainsi qu’à l’article 297, paragraphe 2, du TFUE et sont-elles contraignantes et opposables aux professionnels appelés à manipuler des espèces ?

4) Dans la mesure où l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 prévoit que les [normes minimales pour un contrôle automatique] de la qualité des billets en euros sont publiées sur le site Internet de la BCE et sont modifiées périodiquement, cette disposition est-elle contraire au principe de sécurité juridique ainsi qu’à l’article 297, paragraphe 2, TFUE et, partant, invalide ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

32 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 doit être interprété en ce sens qu’un professionnel appelé à manipuler des espèces qui effectue un contrôle automatisé de la qualité de billets en euros est tenu de respecter les normes minimales pour un contrôle automatique.

33 À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de son article 1er, la décision BCE/2010/14 met en œuvre l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1338/2001 qui pose le principe de contrôle de l’authenticité des billets et des pièces en euros aux fins de lutter contre le faux monnayage et impose à cette fin aux établissements qui participent à la manipulation et à la délivrance au public de billets de banque à titre professionnel, y compris aux professionnels appelés à
manipuler des espèces, l’obligation de veiller à la détection des contrefaçons selon les procédures définies par la BCE et de retirer de la circulation tous les billets en euros qu’ils ont reçus et dont ils savent ou au sujet desquels ils ont des raisons suffisantes de penser qu’ils sont faux, et de les remettre sans délai aux autorités nationales compétentes.

34 Sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1338/2001, la BCE a adopté la décision BCE/2010/14, laquelle vise, selon son considérant 2, à la protection de l’intégrité des billets en euros et à permettre une détection efficace des contrefaçons ce qui suppose de veiller à ce que les billets en euros en circulation soient maintenus en bon état afin de garantir une vérification facile et fiable de leur authenticité.

35 Ainsi que Mme l’avocate générale l’a souligné au point 62 de ses conclusions, le cadre normatif défini, notamment, par la décision BCE/2010/14, aux fins de garantir que seuls les billets de banque en euros en bon état sont remis en circulation dans le public, repose, en substance, sur trois piliers principaux, à savoir respectivement, tout d’abord, la production et la configuration d’équipements de traitement de billets conformes aux normes minimales pour un contrôle automatique, qui, après avoir
été testés positivement par une BCN à la demande d’un fabricant, sont classés par type dans une liste sur le site Internet de la BCE, ensuite, l’imposition d’un ensemble d’obligations pour les professionnels appelés à manipuler des espèces, en particulier en ce qui concerne les contrôles automatiques de la qualité des billets en euros, et, enfin, la reconnaissance aux BCN de pouvoirs de contrôle et de surveillance afin de faire en sorte que les entités concernées se conforment à leurs obligations
respectives.

36 Parmi les obligations pesant sur les professionnels appelés à manipuler des espèces, l’article 3, paragraphe 1, de cette décision dispose que ceux-ci sont tenus de vérifier l’authenticité et la qualité des billets en euros conformément aux procédures prévues dans cette décision.

37 À cet effet, l’article 3, paragraphe 3, de ladite décision prévoit que les professionnels appelés à manipuler des espèces peuvent se conformer à ladite obligation de vérifier l’authenticité et la qualité des billets en euros en mettant en place soit une procédure de contrôle manuel par du personnel formé, soit une procédure de contrôle automatisé au moyen d’un équipement de traitement des billets testé positivement par une BCN. En vertu de l’article 3, paragraphe 4, de cette même décision,
s’agissant des billets en euros, le recours à une procédure de contrôle automatisé est toutefois obligatoire pour les billets en euros destinés à être remis en circulation par l’intermédiaire de machines à usage du public ou d’automates de délivrance de billets, sauf si ces billets ont été livrés directement à un professionnel appelé à manipuler des espèces par une BCN ou par un autre professionnel appelé à manipuler des espèces qui a déjà vérifié de cette manière l’authenticité et la qualité des
billets en euros.

38 En ce qui concerne plus particulièrement les modalités de réalisation de ce contrôle automatique, l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 prévoit qu’un tel contrôle doit être « effectué avec un équipement de traitement des billets testé positivement conformément aux normes minimales qui sont publiées sur le site Internet de la BCE et modifiées périodiquement ». Or, cette disposition ne précise pas si les normes minimales auxquelles elle se réfère doivent être respectées par les
établissements qui participent à la manipulation et à la délivrance au public de billets de banque ou si celles-ci s’imposent uniquement aux fabricants qui souhaitent que leurs machines soient inscrites dans la liste des équipements testés positivement.

39 Cela étant, selon une jurisprudence constante, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement du libellé de celle-ci, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs qu’elle poursuit (voir en ce sens, notamment, arrêt du 22 décembre 2022, Les Entreprises du Médicament, C‑20/22, EU:C:2022:1028, point 18 et jurisprudence citée).

40 En l’occurrence, s’agissant du libellé de l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14, certes, dans certaines de ses versions linguistiques, la structure grammaticale de ce libellé pourrait suggérer que les termes « conformément aux normes minimales » se rapportent au verbe « effectué » et donc qu’ils visent à préciser la nature du contrôle devant être opéré.

41 Toutefois, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 45 et dans la note en bas de page 15 de ses conclusions, dans d’autres versions linguistiques, telles que celles en langues espagnole, anglaise, française, italienne et portugaise, la structure de ce libellé tend plutôt à soutenir l’interprétation inverse selon laquelle ce membre de phrase se rapporte aux tests que les équipements de traitement des billets doivent satisfaire avant que les professionnels appelés à manipuler des
espèces puissent y recourir pour se conformer à leurs obligations découlant de la décision BCE/2010/14 lorsque ceux-ci doivent ou ont choisi de mettre en place un contrôle automatique de l’authenticité et la qualité des billets en euros.

42 Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les termes ou la structure grammaticale utilisés dans certaines versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne sauraient servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2021, Hessischer Rundfunk, C‑422/19 et C‑423/19, EU:C:2021:63, point 65).

43 En revanche, quelle que soit la version linguistique considérée, il y a lieu de relever qu’interpréter l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 en ce sens que les termes « conformément aux normes minimales » se rapporteraient au contrôle automatique effectué priverait en grande partie d’effet utile les termes « testé positivement » également employés à cette disposition, car cette dernière ne préciserait alors plus au regard de quels standards l’équipement de traitement des billets
doit être testé positivement.

44 Par conséquent, il doit être considéré que le libellé de l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 tend plutôt à démontrer que les normes minimales visées à cette disposition s’appliquent non pas au contrôle automatique de qualité effectué par les professionnels appelés à manipuler des espèces dans le cadre de leur activité mais aux tests que les équipements de traitement des billets doivent satisfaire avant de pouvoir être utilisés par les professionnels appelés à manipuler des
espèces.

45 Une telle interprétation est, au demeurant, confortée tant par le contexte dans lequel s’inscrit l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 que par les objectifs poursuivis par cette disposition.

46 D’une part, en ce qui concerne le contexte de cette disposition, il ressort de l’article 3, paragraphes 3 à 5, de cette décision que, en cas de contrôle automatique, les professionnels appelés à manipuler des espèces doivent recourir à des équipements de traitement de billets testés positivement par une BCN conformément aux normes minimales de la BCE visées à l’article 6, paragraphe 2, de ladite décision et que ces équipements doivent être utilisés uniquement pour les valeurs faciales et les
séries de billets en euros énumérées sur le site Internet de la BCE dans leur configuration usine standard, incluant les dernières mises à jour. Or, si la BCE avait entendu obliger les professionnels appelés à manipuler des espèces à veiller à ce que le contrôle automatique effectué s’opère conformément auxdites normes minimales, il n’aurait été nécessaire ni de prévoir que ceux-ci ne peuvent recourir à cette fin qu’aux seuls équipements de traitement des billets ayant satisfait à certains tests
ni de préciser les conditions dans lesquelles ces équipements doivent être utilisés aux fins de réaliser un tel contrôle. En revanche, de telles exigences impliquent que le recours à ces équipements est considéré, dans la décision BCE/2010/14, comme étant le moyen par lequel, en cas de contrôle automatique, les professionnels appelés à manipuler des espèces satisfont à leur obligation de garantir la qualité des billets.

47 D’autre part, pour ce qui est des objectifs poursuivis par l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14, comme l’a souligné Mme l’avocate générale aux points 48 à 50 de ses conclusions, il convient de relever que, avant d’avoir été modifié par la décision BCE/2012/19, l’article 6 de la décision BCE/2010/14 prévoyait que la vérification de la qualité des billets en euros devait s’effectuer conformément aux normes minimales visées aux annexes IIIa et IIIb de ladite décision. En
particulier, l’annexe IIIa de celle-ci fixait les « normes minimales du contrôle automatique de la qualité des billets en euros effectué par des équipements de traitement des billets », alors que l’annexe IIIb établissait les « les normes minimales du contrôle manuel de la qualité des billets en euros effectué par du personnel formé ». Or, ainsi qu’il ressort de son considérant 3, la décision BCE/2012/19 a abrogé l’annexe IIIa de la décision BCE/2010/14 dans le but explicite d’intégrer les normes
minimales pour un contrôle automatique de la qualité des billets en euros, qui étaient jusqu’alors en dehors du champ d’application de la décision BCE/2010/14, parmi les règles et les procédures pour les tests effectués sur les équipements de traitement des billets, la collecte des données et le suivi. Parallèlement, une référence à ces normes a été intégrée dans l’orientation BCE/2010/NP16 qui fixe les règles et les procédures pour les tests effectués sur les types d’équipements de traitement
des billets. Depuis lors, il résulte de l’article 2, paragraphes 1 et 4, de cette orientation, lu en combinaison avec l’article 2a, le point 3.1.1 de l’annexe I et l’annexe IV de ladite orientation, que lesdites normes s’appliquent aux tests effectués sur ces types d’équipements.

48 En outre, le considérant 3 de la décision BCE/2012/19 indique sans équivoque que les normes minimales pour un contrôle automatique de la qualité des billets en euros « ne concernent [...] que les fabricants d’équipements de traitement des billets et n’ont pas d’incidence sur les procédures de vérification de l’authenticité et de la qualité prévues par la décision BCE/2010/14, à laquelle les professionnels appelés à manipuler des espèces doivent se conformer ».

49 Par conséquent, il ressort de la décision BCE/2012/19 que l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 a été modifié dans le but de préciser que les normes minimales visées à cette disposition s’appliquent exclusivement aux tests effectués par les fabricants sur leurs types d’équipements de traitement des billets.

50 Il s’ensuit que l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 n’impose pas à un professionnel appelé à manipuler des espèces qui effectue un contrôle automatisé de la qualité de billets en euros de veiller, par lui-même, à ce que le contrôle automatique effectué s’opère dans le respect des normes minimales visées à cette disposition. De telles normes doivent, en revanche, être respectées par les fabricants si ces derniers souhaitent qu’un modèle d’équipement qu’ils produisent soit inscrit
sur le site Internet de la BCE comme étant apte à vérifier la qualité et l’authenticité des billets ayant une certaine valeur faciale et relevant de certaines séries.

51 Pour autant, ainsi que Mme l’avocate générale l’a souligné en substance aux points 66 à 68 de ses conclusions, il doit être constaté que lesdits professionnels n’en demeurent pas moins tenus de respecter les obligations mises à leur charge par la décision BCE/2010/14, dont notamment celles résultant de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 10, paragraphe 1, de cette décision de procéder à des contrôles automatiques de qualité et de mettre en place des procédures de contrôle des équipements
de traitement des billets qu’ils utilisent.

52 Or, ces obligations impliquent nécessairement que ces professionnels soient tenus d’utiliser des équipements de traitement des billets qui soient capables d’effectuer ces contrôles et, en particulier, de détecter des billets impropres à la remise en circulation ou détériorés, ce qui suppose de s’assurer que les équipements utilisés soient dans un état de fonctionnement, d’entretien et de réglage adapté à la vérification de la qualité des billets en euros. Dans le cas contraire, lesdits
professionnels manqueraient à l’obligation plus générale qui leur est imposée par l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1338/2001 de participer à la lutte contre le faux monnayage.

53 En conséquence, un professionnel appelé à manipuler des espèces dont les équipements de traitement des billets ne respecteraient pas le niveau de tolérance de 5 % prévu par les normes minimales pour un contrôle automatique ne saurait refuser de se conformer à une injonction qui lui aurait été adressée sur le fondement de l’article 10, paragraphe 3, de la décision BCE/2010/14 par une BCN après une inspection dans ses locaux lui ordonnant de remédier à cette situation.

54 Compte tenu des considérations qui précèdent, l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 doit être interprété en ce sens que les normes minimales visées à cette disposition ne s’appliquent pas aux professionnels appelés à manipuler des espèces lorsqu’ils procèdent à un contrôle automatique de la qualité des billets en euros. Toutefois, l’article 3, paragraphe 1, et l’article 10, paragraphe 1, de cette décision, lus en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, du
règlement no 1338/2001, doivent être interprétés en ce sens que lesdits professionnels doivent adopter les mesures nécessaires pour remédier à une situation dans laquelle une inspection d’une BCN a révélé que leurs équipements de traitement de billets ne sont pas capables de détecter en dessous d’un niveau de tolérance de 5 % le caractère impropre à la remise en circulation de billets de banque en euros.

Sur la deuxième question

55 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans l’hypothèse où il résulterait de la réponse à la première question que les normes minimales visées à l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 ne s’appliquent qu’aux fabricants de machines de traitement des billets, cet article 6, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 5, de cette décision, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre impose aux
professionnels appelés à manipuler des espèces, lorsqu’ils procèdent à un contrôle automatique de la qualité des billets en euros, de respecter ces normes minimales.

56 À cet égard, il convient de rappeler que les mesures nécessaires à l’usage de l’euro, en tant que monnaie unique, visées à l’article 133 TFUE, relèvent du domaine de la politique monétaire pour laquelle l’Union dispose, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous c), TFUE, d’une compétence exclusive. Or, ainsi qu’il résulte du considérant 4 du règlement no 1338/2001, les règles et les procédures communes relatives à la protection de l’euro contre le faux monnayage, dont font partie celles
relatives à la vérification de la qualité des billets et des pièces en euros, constituent des mesures nécessaires à l’usage de cette monnaie.

57 L’Union détenant, par conséquent, une compétence exclusive en matière de vérification de l’authenticité et de la qualité des billets, les États membres ne peuvent pas adopter de disposition dans ce domaine sans y avoir été habilités par le droit de l’Union. Or, la décision BCE/2010/14 ne prévoit aucune habilitation en faveur des États membres pour imposer, de leur propre initiative aux professionnels appelés à manipuler des espèces, lorsqu’ils procèdent à un contrôle automatique de la qualité des
billets en euros, de respecter les normes minimales de la BCE visées à l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14.

58 Certes, l’article 6, paragraphe 3, de ladite décision autorise une BCN à fixer des normes plus strictes pour une ou plusieurs valeurs faciales ou séries de billets en euros. Toutefois, cette faculté est limitée, ainsi qu’il ressort de l’emploi des termes « normes plus strictes », au contenu des exigences que les machines doivent respecter aux fins de traiter une ou plusieurs valeurs faciales ou séries de billets en euros. Elle ne saurait dès lors habiliter une BCN à élargir le champ d’application
personnel des normes minimales de la BCE visées à l’article 6, paragraphe 2, de la même décision, en obligeant les professionnels appelés à manipuler des espèces à veiller à ce que, en cas de contrôle automatique réalisé au moyen d’un type d’équipement de traitement des billets testé positivement au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14, ce contrôle s’effectue dans le respect desdites normes minimales.

59 En conséquence, l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 5, de cette décision, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre impose aux professionnels appelés à manipuler des espèces lorsqu’ils procèdent à un contrôle automatique de la qualité des billets en euros de respecter les normes minimales de la BCE visées à cet article 6, paragraphe 2.

Sur les troisième et quatrième questions

60 Par ses troisième et quatrième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les normes minimales pour un contrôle automatique, ainsi que l’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14, sont conformes au principe de sécurité juridique ainsi qu’à l’article 297, paragraphe 2, TFUE dans la mesure où cet article 6, paragraphe 2, prévoit que lesdites normes sont publiées sur le site Internet de la BCE et modifiées périodiquement.

61 À cet égard, il est constant que le litige au principal oppose une BCN à un professionnel appelé à manipuler des espèces. Or, il ressort de la réponse à la première question que les normes minimales pour un contrôle automatique ne s’appliquent pas aux professionnels appelés à manipuler des espèces lorsqu’ils procèdent à un contrôle automatique de la qualité des billets en euros. Par conséquent, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions.

Sur les dépens

62 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14 de la Banque centrale européenne, du 16 septembre 2010, relative à la vérification de l’authenticité et de la qualité ainsi qu’à la remise en circulation des billets en euros, telle que modifiée par la décision BCE/2012/19 de la Banque centrale européenne, du 7 septembre 2012,

doit être interprété en ce sens que :

les normes minimales visées à cette disposition ne s’appliquent pas aux professionnels appelés à manipuler des espèces lorsqu’ils procèdent à un contrôle automatique de la qualité des billets en euros.

Toutefois, l’article 3, paragraphe 1, et l’article 10, paragraphe 1, de la décision BCE/2010/14, telle que modifiée, lus en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1338/2001 du Conseil, du 28 juin 2001, définissant des mesures nécessaires à la protection de l’euro contre le faux monnayage, tel que modifié par le règlement (CE) no 44/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008,

doivent être interprétés en ce sens que :

lesdits professionnels doivent adopter les mesures nécessaires pour remédier à une situation dans laquelle une inspection d’une banque centrale nationale d’un État membre dont la monnaie est l’euro a révélé que leurs équipements de traitement de billets ne sont pas capables de détecter en dessous d’un niveau de tolérance de 5 % le caractère impropre à la remise en circulation de billets de banque en euros.

  2) L’article 6, paragraphe 2, de la décision BCE/2010/14, telle que modifiée par la décision BCE/2012/19, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 5, de cette décision BCE/2010/14, telle que modifiée,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à ce qu’un État membre impose aux professionnels appelés à manipuler des espèces lorsqu’ils procèdent à un contrôle automatique de la qualité des billets en euros de respecter les normes minimales de la Banque centrale européenne visées à cet article 6, paragraphe 2.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-772/21
Date de la décision : 20/04/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.

Renvoi préjudiciel – Protection de l’euro contre les activités de faux monnayage – Règlement (CE) no 1338/2001 – Article 6, paragraphe 1 – Prestataires de services de paiement ayant pour activité le traitement et la délivrance au public de billets de banque – Décision BCE/2010/14 – Article 6, paragraphe 2 – Détection des billets en euros impropres à la circulation – Contrôle automatique de la qualité des billets – Normes minimales publiées sur le site Internet de la Banque centrale européenne (BCE) et modifiées périodiquement – Champ d’application personnel – Étendue des obligations des professionnels appelés à manipuler des espèces – Force contraignante – Principe de sécurité juridique.

Politique économique et monétaire

Banque centrale européenne (BCE)


Parties
Demandeurs : « Brink’s Lithuania » UAB
Défendeurs : Lietuvos bankas.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Regan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:305

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