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20/04/2023 | CJUE | N°C-329/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, DIGI Communications NV contre Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Hivatala., 20/04/2023, C-329/21


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

20 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Télécommunications – Réseaux et services de communications électroniques – Directive 2002/21/CE (directive “cadre”) – Article 4, paragraphe 1 – Directive 2002/20/CE (directive “autorisation”) – Article 7 – Attribution de droits d’utilisation de fréquences – Procédure d’enchères – Société holding non enregistrée en tant que fournisseur de services de communications électroniques dans l’État membre concerné – Exclusion de la p

rocédure d’attribution – Droit de recours contre la
décision d’attribution »

Dans l’affaire C‑329/21,

ayant pour objet...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

20 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Télécommunications – Réseaux et services de communications électroniques – Directive 2002/21/CE (directive “cadre”) – Article 4, paragraphe 1 – Directive 2002/20/CE (directive “autorisation”) – Article 7 – Attribution de droits d’utilisation de fréquences – Procédure d’enchères – Société holding non enregistrée en tant que fournisseur de services de communications électroniques dans l’État membre concerné – Exclusion de la procédure d’attribution – Droit de recours contre la
décision d’attribution »

Dans l’affaire C‑329/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie), par décision du 18 mai 2021, parvenue à la Cour le 26 mai 2021, dans la procédure

DIGI Communications NV

contre

Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Hivatala,

en présence de :

Magyar Telekom Nyrt.,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Gratsias (rapporteur), M. Ilešič, I. Jarukaitis et Mme O. Spineanu–Matei, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme S. Beer, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juin 2022,

considérant les observations présentées :

– pour DIGI Communications NV, par Mme A. Keller et M. Gy. Wellmann, ügyvédek,

– pour Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Hivatala, par Mme K. Géczi, MM. A. Kovács et A. Lapsánszky, en qualité d’agents, ainsi que par Me G. Trinn, ügyvéd,

– pour le gouvernement hongrois, par M. G. Koós, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par M. L. Malferrari et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 octobre 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 37) (ci-après la « directive “cadre” »), de
l’article 7 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et services de communications électroniques (directive « autorisation ») (JO 2002, L 108, p. 21), telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci-après la « directive “autorisation” »), et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DIGI Communications NV à la Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Hivatala (autorité nationale des communications et des médias, Hongrie) (ci-après la « NMHH ») au sujet d’une décision prise par cette dernière, au terme d’une procédure d’enchères, attribuant des droits d’utilisation de fréquences liés au soutien au déploiement de la 5G et à d’autres services de communication sans fil et à haut débit (ci-après la « décision
d’attribution litigieuse »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive « cadre »

3 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », intitulé « Droit de recours » :

« Les États membres veillent à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté par une décision prise par une autorité réglementaire nationale [ci-après une “ARN”], d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressés. Cet organisme, qui peut être un tribunal, dispose des compétences appropriées pour être à même
d’exercer ses fonctions efficacement. Les États membres veillent à ce que le fond de l’affaire soit dûment pris en considération et à ce qu’il existe un mécanisme de recours efficace.

[...]»

4 L’article 8 de cette directive, intitulé « Objectifs généraux et principes réglementaires », dispose, à ses paragraphes 2 et 5 :

« 2.   Les [ARN] promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment :

a) en veillant à ce que les utilisateurs, y compris les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes ayant des besoins sociaux spécifiques, retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité ;

b) en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques, y compris pour la transmission de contenu ;

d) en encourageant l’utilisation et la gestion efficaces des radiofréquences et des ressources de numérotation.

[...]

5.   Afin de poursuivre les objectifs visés aux paragraphes 2, 3 et 4, les [ARN] appliquent des principes réglementaires objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés, dont les suivants :

[...]

c) préserver la concurrence au profit des consommateurs et promouvoir, s’il y a lieu, une concurrence fondée sur les infrastructures ;

[...] »

La directive « autorisation »

5 L’article 2 de la directive « autorisation », intitulé « Définitions », prévoit :

« 1.   Aux fins de la présente directive, les définitions visées à l’article 2 de la directive [“cadre”] s’appliquent.

2.   La définition suivante est également d’application :

“autorisation générale” : un cadre juridique mis en place par l’État membre, qui garantit le droit de fournir des réseaux ou des services de communications électroniques et qui fixe les obligations propres au secteur pouvant s’appliquer à tous types de réseaux et de services de communications électroniques, ou à certains d’entre eux, conformément à la présente directive. »

6 L’article 3 de la directive « autorisation », intitulé « Autorisation générale applicable aux réseaux et aux services de communications électroniques », énonce :

« 1.   Les États membres garantissent la liberté de fournir des réseaux et des services de communications électroniques, sous réserve des conditions fixées dans la présente directive. À cette fin, les États membres n’empêchent pas une entreprise de fournir des réseaux ou des services de communications électroniques, sauf pour les raisons visées à l’article 46, paragraphe 1, du traité.

2.   La fourniture de réseaux de communications électroniques ou la fourniture de services de communications électroniques ne peut faire l’objet, sans préjudice des obligations spécifiques visées à l’article 6, paragraphe 2, ou des droits d’utilisation visés à l’article 5, que d’une autorisation générale. L’entreprise concernée peut être invitée à soumettre une notification, mais ne peut être tenue d’obtenir une décision expresse ou tout autre acte administratif de l’[ARN] avant d’exercer les
droits découlant de l’autorisation. Après notification, s’il y a lieu, une entreprise peut commencer son activité, sous réserve, le cas échéant, des dispositions applicables aux droits d’utilisation visées aux articles 5, 6 et 7.

[...]

3.   La notification visée au paragraphe 2 se limite à une déclaration établie par une personne physique ou morale à l’attention de l’[ARN], l’informant de son intention de commencer à fournir des réseaux ou des services de communications électroniques, ainsi qu’à la communication des informations minimales nécessaires pour permettre à l’[ARN] de tenir un registre ou une liste des fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques. Ces informations doivent se limiter au strict
nécessaire pour identifier le fournisseur, comme le numéro d’enregistrement de la société et ses points de contact, son adresse, une brève description du réseau ou du service ainsi que la date prévue du lancement de l’activité. »

7 L’article 6 de la directive « autorisation », intitulé « Conditions dont peuvent être assorties l’autorisation générale et les droits d’utilisation des radiofréquences et des numéros, et obligations spécifiques », dispose, à son paragraphe 1 :

« L’autorisation générale s’appliquant à la fourniture de réseaux ou de services de communications électroniques, les droits d’utilisation des radiofréquences et des numéros peuvent être soumis uniquement aux conditions énumérées à l’annexe. Ces conditions sont non discriminatoires, proportionnées et transparentes et, dans le cas des droits d’utilisation de radiofréquences, conformes à l’article 9 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”). »

8 Aux termes de l’article 7 de la directive « autorisation », intitulé « Procédure visant à limiter le nombre des droits d’utilisation des radiofréquences à octroyer » :

« 1.   Lorsqu’un État membre examine s’il convient de limiter le nombre de droits d’utilisation des radiofréquences à octroyer, ou de proroger des droits existants selon des modalités autres que celles prévues par lesdits droits, il doit notamment :

a) prendre dûment en considération la nécessité d’apporter un maximum d’avantages aux utilisateurs et de stimuler la concurrence ;

[...]

3.   Lorsque l’octroi des droits d’utilisation de radiofréquences doit être limité, les États membres accordent ces droits sur la base de critères de sélection objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés. Ces critères de sélection doivent dûment prendre en considération la réalisation des objectifs de l’article 8 de la [directive “cadre”] ainsi que les exigences de l’article 9 de cette directive.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Le 18 juillet 2019, la NMHH a ouvert une procédure d’enchères ayant pour objet l’attribution de droits d’utilisation de fréquences liés au soutien au déploiement de la 5G et à d’autres services de communication sans fil et à haut débit (ci-après la « procédure d’enchères litigieuse »), selon les modalités détaillées dans un « dossier de consultation » publié le même jour.

10 DIGI Communications, société constituée aux Pays-Bas qui n’est pas enregistrée en Hongrie en tant que fournisseur de services de communications électroniques, s’est portée candidate à la procédure d’enchères litigieuse. La NMHH a considéré que cette candidature était dépourvue de validité formelle car, selon cette autorité, DIGI Communications avait exercé, de manière abusive, son droit de participer à cette procédure et fait preuve d’un comportement visant à contourner ladite procédure en
essayant d’induire ladite autorité en erreur.

11 En effet, selon la NMHH, DIGI Communications s’était portée candidate à la place de sa filiale hongroise DIGI Távközlési és Szolgáltató Korlátolt Felelősségű Társaság, une société enregistrée en Hongrie et y fournissant des services de communications électroniques. Une candidature éventuelle de cette filiale aurait été exclue de la procédure d’enchères litigieuse en vertu d’un chef d’exclusion prévu au dossier de consultation.

12 La NMHH a poursuivi la procédure d’enchères litigieuse à la suite de sa décision d’en exclure DIGI Communications.

13 Celle-ci a contesté en justice cette décision d’exclusion. Son recours a été rejeté en première instance et, en seconde instance, par la Kúria (Cour suprême, Hongrie).

14 Entretemps, la NMHH a adopté la décision d’attribution litigieuse, par laquelle elle a octroyé les droits d’utilisation de fréquences faisant l’objet de la procédure d’enchères litigieuse à trois fournisseurs de services de communications électroniques présents sur le marché hongrois.

15 Par un recours introduit devant la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie), qui est la juridiction de renvoi, DIGI Communications a demandé l’annulation de la décision d’attribution litigieuse, en fondant sa qualité pour agir sur sa qualité d’« entreprise affectée », au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre ».

16 La juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation de ladite disposition, en constatant l’absence de définition de cette notion d’« entreprise affectée » dans la directive « cadre » et en invoquant, notamment, les arrêts du 21 février 2008, Tele2 Telecommunication (C‑426/05, EU:C:2008:103), et du 22 janvier 2015, T-Mobile Austria (C‑282/13, EU:C:2015:24). Elle se réfère, plus spécifiquement, aux trois conditions examinées par la Cour, dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, afin
d’établir qu’une entreprise est affectée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre ».

17 Selon cette juridiction, ces conditions consistent à établir, premièrement, que l’entreprise en cause fournit des réseaux ou des services de communications électroniques et constitue un concurrent de ou des destinataires de la décision de l’ARN concernée, deuxièmement, que cette décision est prise dans le cadre d’une procédure qui vise à sauvegarder la concurrence et, troisièmement, que ladite décision est susceptible d’avoir une incidence sur la position de cette entreprise sur le marché.

18 Dans ces conditions, la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) a) Peut-on considérer qu’est un concurrent des entreprises destinataires d’une décision de l’[ARN], au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive [“cadre”], une entreprise enregistrée et opérant dans un autre État membre qui ne fournit pas elle-même un service de communications électroniques sur le marché concerné par la décision, lorsqu’une entreprise qu’elle contrôle directement est présente sur ce marché en tant que fournisseur de services et est un concurrent des entreprises
destinataires de la décision en question ?

b) Est-il nécessaire, pour répondre à la première question sous a), d’examiner si la société mère qui souhaite introduire un recours forme une unité économique avec l’entreprise qu’elle contrôle et qui est présente sur le marché concerné en tant que concurrent ?

2) a) La procédure d’enchères – ayant pour objet des droits d’utilisation de fréquences liés au soutien au déploiement de la 5G et à d’autres services de communication sans fil et à haut débit – menée par l’[ARN] au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive “cadre” et de l’article 7 de la directive “autorisation” est-elle une procédure qui vise à sauvegarder la concurrence ? La décision de l’[ARN] qui constate le résultat de cette procédure d’enchères peut-elle en outre être considérée
comme visant, en ce sens, à sauvegarder la concurrence ?

b) Si la Cour répond par l’affirmative à la deuxième question sous a), l’objectif de sauvegarde de la concurrence de la décision est-il remis en cause par le fait que l’[ARN], par une décision ferme contenue dans une décision distincte, a refusé d’enregistrer la candidature d’une entreprise qui introduit un recours, de sorte que cette entreprise n’a pas pu participer à la procédure d’enchères et n’est donc pas destinataire de la décision qui constate le résultat de cette procédure ?

3) a) Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 1, de la directive “cadre” – lu en combinaison avec l’article 47 de la [Charte] – en ce sens que celui-ci octroie un droit de recours contre la décision d’une [ARN] uniquement à une entreprise :

– dont la position sur le marché est directement et effectivement affectée par la décision ; ou

– qui a sur le marché une position sur laquelle la décision peut, de manière avérée ou très probable, avoir une incidence, ou

– dont la position sur le marché peut être affectée soit directement, soit indirectement par la décision ?

b) Le fait que l’entreprise a présenté une candidature dans le cadre de la procédure d’enchères – autrement dit, le fait qu’elle a eu la volonté d’y participer mais a échoué faute de satisfaire aux conditions – permet–il en soi de considérer que celle-ci est affectée de la manière définie à la troisième question sous a), ou bien la juridiction peut-elle en outre légitimement l’inviter à fournir des preuves attestant la réalité de cette condition ?

4) Sur le fondement des réponses apportées aux première à troisième questions, convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 1, de la directive “cadre”, lu en combinaison avec l’article 47 de la [Charte], en ce sens qu’est une entreprise offrant des services de communications électroniques concernée par la décision de l’[ARN] constatant le résultat de la procédure d’enchères – ayant pour objet des droits d’utilisation de fréquences liés au soutien au déploiement de la 5G et à d’autres
services de communication sans fil et à haut débit – et qui, de ce fait, dispose d’un droit de recours, l’entreprise

a) qui n’exerce pas d’activité économique en tant que prestataire de services sur le marché concerné, mais contrôle directement une entreprise qui offre des services de communications électroniques sur le marché concerné ; et

b) dont l’enregistrement de la candidature dans le cadre d’une procédure d’enchères a été refusé par une décision ferme et définitive de l’[ARN], intervenue avant l’adoption par cette même autorité de la décision constatant le résultat de la procédure d’enchères litigieuse, l’évinçant ainsi de la suite de la procédure d’enchères ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

19 Dans ses observations, la NMHH fait valoir que les questions préjudicielles ne sont pas pertinentes pour la solution du litige au principal. Elle considère, en substance, que la question de l’application de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre » ne se pose pas en l’occurrence, eu égard au fait que l’ordre juridique hongrois prévoit des voies de recours à la disposition des entreprises qui, comme DIGI Communications, sont exclues d’une procédure d’enchères telle que celle en cause au
principal et qui, ayant exercé ces voies de recours, ne sont plus susceptibles d’être considérées comme étant affectées par une décision clôturant une telle procédure.

20 Conformément à une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est,
en principe, tenue de statuer. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées
(arrêt du 2 octobre 2018, Ministerio Fiscal, C‑207/16, EU:C:2018:788, point 45 et jurisprudence citée).

21 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les questions posées portent, en particulier, sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre » et de l’article 7 de la directive « autorisation ». De plus, l’interprétation demandée apparaît nécessaire à la solution du litige au principal, dont la réalité n’est, en outre, pas contestée, et la juridiction de renvoi a, dans cette décision, fourni des éléments de fait et de droit suffisants pour permettre à la
Cour de répondre de manière utile à ces questions. Par ailleurs, les arguments mis en avant par la NMHH ont trait, en substance, au champ d’application ainsi qu’à la portée, et, partant, à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union sur lesquelles portent les questions préjudicielles. De tels arguments, concernant le fond des questions posées, ne sauraient conduire à une irrecevabilité de celles-ci [voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, Proximus (Annuaires électroniques publics),
C‑129/21, EU:C:2022:833, point 59 et jurisprudence citée].

22 Dans ces conditions, il convient de constater que ces questions sont recevables.

Sur le fond

23 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du
droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 14 mai 2020, T-Systems Magyarország, C‑263/19, EU:C:2020:373, point 45 et jurisprudence citée).

Sur la deuxième question

24 Par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7 de la directive « autorisation » doit être interprété en ce sens qu’une procédure de sélection aux fins de l’attribution de droits d’utilisation de fréquences et la décision d’attribution à laquelle cette procédure aboutit visent à sauvegarder la concurrence et, en cas de réponse affirmative à cette question, si le fait qu’une telle procédure comprend une étape
d’examen de la conformité des éventuelles candidatures au cahier des charges y afférent pouvant aboutir à l’exclusion définitive d’un candidat de cette procédure, peut être considéré comme étant contraire à cet objectif.

25 Il convient, en premier lieu, de relever, d’une part, que l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive « autorisation » exige des États membres, lorsqu’ils examinent l’opportunité de limiter le nombre de droits d’utilisation des radiofréquences à octroyer, ou de proroger des droits existants selon des modalités autres que celles prévues par lesdits droits, de prendre dûment en considération la nécessité de stimuler la concurrence. D’autre part, le paragraphe 3 de cet article précise que,
lorsque l’octroi de tels droits d’utilisation doit être limité, les États membres les accordent sur la base de critères de sélection objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés, qui doivent dûment prendre en considération la réalisation des objectifs prévus à l’article 8 de la directive « cadre ».

26 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, l’article 8 de la directive « cadre » impose aux États membres l’obligation de s’assurer que les ARN prennent toutes les mesures raisonnables visant à promouvoir la concurrence dans la fourniture des services de communications électroniques, en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques et en supprimant les derniers obstacles à la fourniture desdits services au niveau de l’Union (arrêt du
26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 37 et jurisprudence citée).

27 En outre, le cadre réglementaire applicable en l’occurrence est, notamment, fondé sur un objectif de concurrence effective et non faussée et vise au développement de celle-ci, dans le respect en particulier des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité (arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 42).

28 Il découle de ce qui précède qu’une procédure telle que la procédure d’enchères litigieuse et, par conséquent, la décision d’attribution à laquelle cette procédure aboutit visent à promouvoir et à développer une concurrence effective et non faussée, dans le respect des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

29 Il convient, en second lieu, de relever que la juridiction de renvoi cherche à savoir si cet objectif de promouvoir et de développer une concurrence effective et non faussée est remis en cause par le fait que, par une décision distincte, l’ARN concernée a refusé d’enregistrer la candidature de l’entreprise qui, de ce fait, n’est plus destinataire de la décision clôturant la procédure d’enchères en cause.

30 En ce qui concerne les procédures d’attribution des radiofréquences, le cadre réglementaire applicable en l’occurrence permet, en principe, de limiter, en raison d’une pénurie de celles-ci et pour en assurer une gestion efficace, le nombre de droits d’utilisation des radiofréquences à octroyer (arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 73). Les États membres jouissent, à cet égard, dans le respect des objectifs et des obligations fixés par le cadre
réglementaire applicable, d’une liberté de choix entre l’instauration de procédures concurrentielles ou comparatives, gratuites ou onéreuses, le juge national devant vérifier si une telle procédure de sélection est conforme à ces objectifs et à ces obligations (arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, points 65 et 66).

31 Il s’ensuit que les États membres bénéficient d’une marge d’appréciation, s’agissant de la nature et des modalités des procédures d’attribution de fréquences qu’ils organisent, et que rien ne permet de considérer, en principe, qu’une telle procédure ne peut pas comprendre une étape d’examen de la conformité des éventuelles candidatures au cahier des charges défini par l’ARN impliquant, le cas échéant, l’exclusion de cette procédure de certaines des entités ayant candidaté, à condition que ladite
procédure, prise dans son ensemble, puisse être considérée comme étant conforme aux exigences et aux conditions posées à l’article 7 de la directive « autorisation ».

32 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 7 de la directive « autorisation » doit être interprété en ce sens qu’une procédure de sélection aux fins de l’attribution de droits d’utilisation de fréquences et la décision d’attribution à laquelle cette procédure aboutit visent à promouvoir et à développer une concurrence effective et non faussée, dans le respect des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. Le fait qu’une
telle procédure comprend une étape d’examen de la conformité des éventuelles candidatures au cahier des charges y afférent n’est pas contraire à cet objectif, à condition que ladite procédure soit, dans son ensemble, conforme aux exigences et aux conditions prévues à cet article 7.

Sur les première, troisième et quatrième questions

33 Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, l’article 4 de la directive « cadre » constitue une émanation du principe de protection juridictionnelle effective, garanti par les dispositions de l’article 47 de la Charte, en vertu duquel il incombe aux juridictions des États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (arrêt du 13 octobre 2016, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Petrotel, C‑231/15,
EU:C:2016:769, point 20 ainsi que jurisprudence citée).

34 Dans l’hypothèse visée à l’article 4 de la directive « cadre », l’impératif de conférer une protection juridictionnelle effective, dont procède cet article, doit s’appliquer également aux utilisateurs et aux entreprises qui peuvent tirer des droits de l’ordre juridique de l’Union, notamment des directives sur les communications électroniques, et qui sont atteints dans ces droits par une décision d’une ARN (arrêt du 22 janvier 2015, T-Mobile Austria, C‑282/13, EU:C:2015:24, point 34 et
jurisprudence citée).

35 Par ailleurs, les ARN ayant, ainsi qu’il a été rappelé au point 26 du présent arrêt, l’obligation, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive « cadre », de promouvoir la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques ainsi que des ressources et des services associés, notamment en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques, une
interprétation stricte de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », selon laquelle cette disposition ne conférerait pas un droit de recours à des personnes autres que les destinataires des décisions des ARN, serait difficilement compatible avec les objectifs généraux et les principes réglementaires découlant, pour les ARN, de l’article 8 de la directive « cadre » et, en particulier, avec l’objectif de promotion de la concurrence (arrêt du 22 janvier 2015, T-Mobile Austria, C‑282/13,
EU:C:2015:24, point 36 et jurisprudence citée).

36 Ainsi, selon une jurisprudence constante, l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre » vise tant les destinataires de la décision en cause que les autres entreprises qui fournissent des réseaux ou des services de communications électroniques et qui peuvent être des concurrents de ces destinataires, pour autant que cette décision est susceptible d’avoir une incidence sur leur position sur le marché (arrêt du 22 janvier 2015, T-Mobile Austria, C‑282/13, EU:C:2015:24, point 37).

37 Toutefois, contrairement à ce qui semble être la prémisse de la juridiction de renvoi et comme l’a également relevé M. l’avocat général, au point 24 de ses conclusions, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence que le champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre » serait limité, outre à ces destinataires, aux seules entreprises concurrentes de tels destinataires.

38 Il ressort, en effet, du libellé même de cette disposition que les États membres se voient imposer l’obligation de reconnaître un droit de recours à tout utilisateur ou à toute entreprise qui, d’une part, « fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques » et qui, d’autre part « est affecté par » la décision prise par une ARN qu’il entend contester, sans limiter ce droit aux seuls concurrents du ou des destinataires de cette décision.

39 Au vu de ce qui précède, et compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 23 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que, par ses première, troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il confère un droit de recours à une entreprise :

– qui a participé, en se portant candidate, à une procédure d’enchères dans le secteur des communications électroniques menée par l’ARN d’un État membre autre que celui dans lequel cette entreprise est établie et conduit ses opérations,

– qui ne fournit pas elle-même un service de communications électroniques sur le marché de l’État membre concerné par cette procédure, mais qui contrôle directement une entreprise qui est présente sur ce marché, et

– qui a fait l’objet d’une décision de cette ARN refusant d’enregistrer sa candidature dans le cadre de ladite procédure au motif qu’elle ne satisfait pas aux conditions requises, laquelle décision est ensuite devenue définitive,

afin de contester la décision ultérieure par laquelle ladite ARN a attribué le marché concerné par la procédure d’enchères à des tiers.

40 À cet égard, il importe de souligner que l’interprétation par la Cour de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre » qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 33 du présent arrêt, constitue une émanation du principe de protection juridictionnelle effective, garanti par les dispositions de l’article 47 de la Charte, doit tenir compte de l’importance de ce droit fondamental telle qu’elle résulte du système mis en œuvre par cette dernière dans son ensemble. Notamment, il convient de prendre
en considération que, si l’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, cette disposition exige, toutefois, que toute limitation respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, point 51).

41 Par ailleurs, conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 22 janvier 2015, T-Mobile Austria, C‑282/13, EU:C:2015:24, point 32 et jurisprudence citée).

42 En l’occurrence, il convient, en premier lieu, de rappeler que ni la directive « cadre » ni la directive « autorisation » ne contiennent de définition de la notion de « fournisseur de services de communications électroniques » (arrêt du 30 avril 2014, UPC DTH, C‑475/12, EU:C:2014:285, point 55). Il y a lieu, dès lors, pour préciser la portée de cette notion, de se référer au cadre normatif mis en place par la directive « autorisation », ainsi qu’aux objectifs visés par l’ensemble des dispositions
pertinentes.

43 Il convient de rappeler que, selon l’article 3 de la directive « autorisation », les États membres garantissent la liberté de fournir des réseaux et des services de communications électroniques, sous réserve des conditions fixées dans cette directive. La fourniture de réseaux de communications ou la fourniture de services de communications électroniques ne peut, conformément au paragraphe 2 de cet article 3, faire l’objet que d’une autorisation générale, laquelle constitue, selon l’article 2,
paragraphe 2, de ladite directive, un cadre juridique mis en place par l’État membre, qui garantit le droit de fournir des réseaux ou des services de communications électroniques et qui fixe les obligations propres au secteur pouvant s’appliquer à tous les types de réseaux et de services de communications électroniques, ou à certains d’entre eux, conformément à la même directive.

44 En application de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « autorisation », l’autorisation générale de fourniture de réseaux ou de services de communications électroniques ne peut être soumise qu’aux conditions énumérées à l’annexe de cette directive, qui doivent être non discriminatoires, proportionnées et transparentes.

45 En outre, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, seconde phrase, de ladite directive, « [l’]entreprise concernée peut être invitée à soumettre une notification, mais ne peut être tenue d’obtenir une décision expresse ou tout autre acte administratif de l’[ARN] avant d’exercer les droits découlant de l’autorisation ». Le paragraphe 3 de cet article précise, à cet égard, que la notification visée à ce paragraphe 2 se limite à une déclaration établie par une personne physique ou morale à l’attention
de l’ARN, l’informant notamment « de son intention de commencer à fournir des réseaux ou des services de communications électroniques ».

46 Il ressort de ce qui précède que, dans un État membre tel que, selon les informations fournies lors de l’audience par la NMHH, la Hongrie, qui impose aux entreprises intéressées le dépôt d’une notification, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive « autorisation », ces entreprises ne doivent présenter cette notification qu’avant d’entamer la fourniture effective de réseaux ou de services de communications électroniques. Ainsi, il ne saurait être exclu qu’une entreprise qui envisage
d’entamer une telle activité puisse participer à une procédure telle que la procédure d’enchères litigieuse avant de déposer une telle notification auprès de l’ARN concernée.

47 Eu égard à cette constatation, reconnaître aux seules entreprises ayant déjà déposé une notification auprès de l’ARN compétente la qualité d’entreprise qui « fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques » pour les besoins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre » reviendrait à exclure, en principe, de la protection juridictionnelle qui y est garantie, tout nouvel acteur souhaitant intégrer le marché, y compris des opérateurs ayant pris
l’initiative de participer, en se portant candidats, à une procédure d’enchères afin d’entrer effectivement sur celui-ci. Or, une telle interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », lu en combinaison avec les dispositions susmentionnées de la directive « autorisation », ne respecterait pas le contenu essentiel du droit fondamental à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte, dès lors qu’elle priverait de tels opérateurs de toute possibilité de contester
une décision susceptible de leur faire grief, et serait contraire tant aux objectifs rappelés au point 26 du présent arrêt qu’à la jurisprudence citée aux points 33 à 36 de celui-ci.

48 Partant, pour se voir reconnaître la qualité d’entreprise qui « fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques », au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », une entreprise ne doit pas nécessairement avoir déposé, auprès des autorités compétentes de l’État membre concerné, une notification formelle, dans les cas où une telle notification serait exigée par le droit de cet État membre en application de l’article 3, paragraphe 2, de la directive
« autorisation », ni, plus généralement, être d’ores et déjà présente sur le marché de cet État membre, pourvu que cette entreprise satisfasse aux conditions objectives auxquelles est soumise, dans ledit État membre, l’autorisation générale visée à cette dernière disposition, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

49 Est ainsi réputée satisfaire aux exigences mentionnées au point précédent une entreprise qui, tout en n’ayant pas encore intégré le marché, a participé, en se portant candidate, à une procédure telle que la procédure d’enchères litigieuse, à condition de satisfaire à ces conditions objectives, et ce indépendamment de la question de savoir si elle détient une filiale qui, elle, est présente sur le marché.

50 S’agissant, en deuxième lieu, de la condition énoncée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », aux termes duquel une entreprise doit être « affectée par » la décision prise par une ARN qu’elle entend contester, cette condition doit être considérée comme étant remplie pour autant que cette décision est susceptible d’avoir une incidence sur la position de cette entreprise sur le marché ou lorsque les droits que celle-ci tire du droit de l’Union sont potentiellement affectés par
ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 2008, Tele2 Telecommunication, C‑426/05, EU:C:2008:103, points 32 et 39, ainsi que du 22 janvier 2015, T-Mobile Austria, C‑282/13, EU:C:2015:24, point 37). Ainsi, cette condition est satisfaite si les droits de l’entreprise en cause sont potentiellement affectés par la décision de l’ARN concernée en raison, d’une part, de son contenu et, d’autre part, de l’activité exercée ou envisagée par cette entreprise (voir, en ce sens, arrêt du
24 avril 2008, Arcor, C‑55/06, EU:C:2008:244, point 176).

51 Partant, une entreprise ayant participé, en se portant candidate, à une procédure telle que la procédure d’enchères litigieuse est affectée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », telle qu’interprétée par la Cour dans la jurisprudence rappelée au point précédent, par une décision prise par l’ARN au terme de cette procédure.

52 En effet, la démarche concrète d’une telle entreprise, consistant à se porter candidate dans le cadre d’une procédure d’enchères en vue d’entrer effectivement sur le marché concerné par cette procédure, suffit, en principe, pour établir que la décision par laquelle l’ARN clôt cette procédure en attribuant à des tiers les droits d’utilisation de radiofréquences que ladite entreprise avait espérer obtenir, a, par son contenu, une incidence sur l’activité envisagée par la même entreprise et, par
suite, affecte potentiellement les droits de celle–ci, au sens de cette disposition.

53 Le simple fait qu’une telle entreprise ait été exclue de la procédure d’enchères ayant abouti à la décision d’attribution mettant fin à cette procédure par une décision devenue définitive, ainsi que ce serait le cas en l’espèce, ce qu’il appartient, toutefois, au juge de renvoi de vérifier, ne saurait ôter à ladite entreprise sa qualité d’entreprise affectée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre » par ladite décision d’attribution.

54 Il importe d’ajouter que la Cour a, certes, déjà jugé, dans le contexte des marchés publics relevant de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), que l’intérêt à agir d’un soumissionnaire évincé d’une procédure de passation de marché contre la
décision d’attribution de ce marché ne peut pas être tiré de ce que ledit soumissionnaire pourrait éventuellement se voir attribuer le marché dans l’hypothèse où, à la suite d’une annulation de cette décision, le pouvoir adjudicateur déciderait de lancer une nouvelle procédure d’attribution (ordonnance du 17 mai 2022, Estaleiros Navais de Peniche, C‑787/21, non publiée, EU:C:2022:414, point 27).

55 Toutefois, cette directive dispose, en substance, à son article 2 bis, paragraphe 2, que les soumissionnaires et candidats doivent disposer d’un droit de recours contre la décision d’attribution s’ils sont « concernés », en ce sens qu’ils « n’ont pas encore été définitivement exclus ». Dans l’arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia (C‑497/20, EU:C:2021:1037, points 72 et 75), la Cour a ainsi conclu à l’absence d’intérêt à agir dans le chef de tels soumissionnaires évincés par référence à cette
disposition.

56 Or, force est de constater que la directive « cadre » ne contient aucune disposition analogue à l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive 89/665. Dès lors, s’agissant d’une disposition qui limite le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, et compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt qui souligne l’importance du principe de proportionnalité dans ce contexte, il n’y a pas lieu d’appliquer la même approche par analogie aux fins de
l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », étant donné que le législateur n’a pas considéré qu’il était nécessaire d’inclure une telle disposition dans cette dernière directive.

57 Ainsi, il y a lieu de considérer que, dans le contexte d’un recours introduit, au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », par une entreprise en vue de contester la décision d’attribution mettant fin à la procédure d’enchères à laquelle cette entreprise a participé, en se portant candidate, mais dont elle a été évincée par une décision antérieure, devenue définitive, l’intérêt à agir de cette entreprise peut être tiré, notamment, de ce que cette dernière pourrait
éventuellement participer à une nouvelle procédure d’enchères relative à l’attribution des mêmes droits d’utilisation de radiofréquences et, le cas échéant, se voir attribuer ceux-ci, dans l’hypothèse où, à la suite d’une annulation de ladite décision, le pouvoir adjudicateur déciderait de lancer une telle procédure.

58 En troisième lieu, il convient, toutefois, de rappeler l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, afin de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces
recours ne puissent plus être remises en cause (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 185 et jurisprudence citée).

59 Partant, dans le cas où une entreprise ayant été exclue d’une procédure d’enchères telle que la procédure d’enchères litigieuse par une décision de l’ARN devenue définitive à la suite d’une décision de justice, introduit un recours, au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », en vue de contester la décision d’attribution mettant fin à cette procédure, ce recours ne doit pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée qui s’attache à cette décision de justice.

60 Il convient de souligner, à cet égard, que, selon la jurisprudence de la Cour, l’autorité de la chose jugée s’attache aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par une décision judiciaire (arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 102 et jurisprudence citée). Ainsi, l’application du principe de l’autorité de la chose jugée en l’espèce dépend, en principe, de la portée du recours introduit par DIGI
Communications en vue de contester la décision d’attribution litigieuse et, donc, de l’éventuel chevauchement entre cette portée et celle de la décision judiciaire par laquelle son recours contestant la décision de l’exclure de la procédure d’enchères litigieuse a été définitivement rejetée. Plus concrètement, comme le relève, en substance, M. l’avocat général, au point 86 de ses conclusions, elle dépend de la question de savoir si DIGI Communications attaque la décision d’attribution litigieuse
afin de remettre en cause son exclusion de cette procédure d’enchères, en contestant l’application à son égard d’un critère d’exclusion illégal, ou si elle remet en cause la légalité de l’attribution de droits d’utilisation de fréquences pour des raisons différentes de celles ayant motivé sa propre exclusion de ladite procédure.

61 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première, troisième et quatrième questions que l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il confère un droit de recours à une entreprise :

– qui a participé, en se portant candidate, à une procédure d’enchères dans le secteur des communications électroniques menée par l’ARN d’un État membre autre que celui dans lequel cette entreprise est établie et conduit ses opérations,

– qui ne fournit pas elle-même un service de communications électroniques sur le marché de l’État membre concerné par cette procédure mais qui remplit les conditions objectives auxquelles est soumise, dans cet État membre, l’autorisation générale visée à l’article 3, paragraphe 2, de la directive « autorisation », et ce indépendamment du fait qu’elle contrôle, le cas échéant, une autre entreprise qui est présente sur ce marché, et

– qui a fait l’objet d’une décision de l’ARN refusant d’enregistrer sa candidature dans le cadre de ladite procédure au motif qu’elle ne satisfait pas aux conditions requises, laquelle décision est devenue définitive à la suite d’une décision de justice rejetant un recours dirigé contre cette décision,

afin de contester la décision ultérieure par laquelle l’ARN en question a attribué le marché concerné par la procédure d’enchères à des tiers, à condition que le recours introduit par cette entreprise ne porte pas atteinte à l’autorité de la chose jugée qui s’attache à cette décision de justice.

Sur les dépens

62 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 7 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et services de communications électroniques, telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009,

doit être interprété en ce sens que :

– une procédure de sélection aux fins de l’attribution de droits d’utilisation de fréquences et la décision d’attribution à laquelle cette procédure aboutit visent à promouvoir et à développer une concurrence effective et non faussée, dans le respect des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ;

– le fait qu’une telle procédure comprend une étape d’examen de la conformité des éventuelles candidatures au cahier des charges y afférent n’est pas contraire à cet objectif, à condition que ladite procédure soit, dans son ensemble, conforme aux exigences et conditions prévues à cet article 7.

  2) L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, telle que modifiée par la directive 2009/140, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doit être interprété en ce sens qu’il confère un droit de recours à une entreprise :

– qui a participé, en se portant candidate, à une procédure d’enchères dans le secteur des communications électroniques menée par l’autorité réglementaire nationale d’un État membre autre que celui dans lequel cette entreprise est établie et conduit ses opérations ;

– qui ne fournit pas elle-même un service de communications électroniques sur le marché de l’État membre concerné par cette procédure mais qui remplit les conditions objectives auxquelles est soumise, dans cet État membre, l’autorisation générale visée à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2002/20, telle que modifiée par la directive 2009/140, et ce indépendamment du fait qu’elle contrôle, le cas échéant, une autre entreprise qui est présente sur ce marché, et

– qui a fait l’objet d’une décision de l’autorité réglementaire nationale refusant d’enregistrer sa candidature dans le cadre de ladite procédure au motif qu’elle ne satisfait pas aux conditions requises, laquelle décision est devenue définitive à la suite d’une décision de justice rejetant un recours dirigé contre cette décision,

afin de contester la décision ultérieure par laquelle l’autorité réglementaire nationale en question a attribué le marché concerné par la procédure d’enchères à des tiers, à condition que le recours introduit par cette entreprise ne porte pas atteinte à l’autorité de la chose jugée qui s’attache à cette décision de justice.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-329/21
Date de la décision : 20/04/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Fővárosi Törvényszék.

Renvoi préjudiciel – Télécommunications – Réseaux et services de communications électroniques – Directive 2002/21/CE (directive “cadre”) – Article 4, paragraphe 1 – Directive 2002/20/CE (directive “autorisation”) – Article 7 – Attribution de droits d’utilisation de fréquences – Procédure d’enchères – Société holding non enregistrée en tant que fournisseur de services de communications électroniques dans l’État membre concerné – Exclusion de la procédure d’attribution – Droit de recours contre la décision d’attribution.

Télécommunications

Libre prestation des services

Droit d'établissement

Droits fondamentaux

Rapprochement des législations

Charte des droits fondamentaux


Parties
Demandeurs : DIGI Communications NV
Défendeurs : Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Hivatala.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella
Rapporteur ?: Gratsias

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:303

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