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09/03/2023 | CJUE | N°C-356/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Pro Rauchfrei eV contre JS eK., 09/03/2023, C-356/22


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

9 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fabrication, présentation et vente de produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Étiquetage et conditionnement – Article 2, point 40 – Notion de “mise sur le marché” – Article 8, paragraphe 3 – Avertissements sanitaires devant figurer sur chaque unité de conditionnement d’un produit du tabac ainsi que sur tout emballage extérieur – Interdiction de dissimulation – Distributeur automatique de paquets de cigarettes – Paquets de cigarettes invisi

bles de l’extérieur »

Dans l’affaire C‑356/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au ...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

9 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fabrication, présentation et vente de produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Étiquetage et conditionnement – Article 2, point 40 – Notion de “mise sur le marché” – Article 8, paragraphe 3 – Avertissements sanitaires devant figurer sur chaque unité de conditionnement d’un produit du tabac ainsi que sur tout emballage extérieur – Interdiction de dissimulation – Distributeur automatique de paquets de cigarettes – Paquets de cigarettes invisibles de l’extérieur »

Dans l’affaire C‑356/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 24 février 2022, parvenue à la Cour le 2 juin 2022, dans la procédure

Pro Rauchfrei eV

contre

JS eK,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. D. Gratsias (rapporteur), M. Ilešič, I. Jarukaitis et Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour JS eK, par Me A. Meisterernst, Rechtsanwalt,

– pour la Commission européenne, par Mmes E. Schmidt, F. van Schaik et M. H. van Vliet, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO 2014, L 127, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pro Rauchfrei eV à JS eK, au sujet de l’utilisation, par JS, de distributeurs automatiques de paquets de cigarettes qui ont pour effet de dissimuler au consommateur les avertissements sanitaires qui figurent sur les emballages de cigarettes.

Le cadre juridique

3 L’article 1er de la directive 2014/40, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive a pour objectif le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant :

[...]

b) certains aspects de l’étiquetage et du conditionnement des produits du tabac, notamment les avertissements sanitaires devant figurer sur les unités de conditionnement et sur tout emballage extérieur, ainsi que les dispositifs de traçabilité et de sécurité qui s’appliquent aux produits du tabac afin de garantir le respect de la présente directive par ceux-ci ;

[...]

en vue de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes, et de respecter les obligations de l’Union découlant de la [convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac]. »

4 Aux termes de l’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

32) “avertissement sanitaire”, un avertissement à propos des effets indésirables sur la santé humaine d’un produit ou à propos d’autres conséquences non souhaitées de sa consommation, y compris les messages d’avertissement, les avertissements sanitaires combinés, les avertissements d’ordre général et les messages d’information, tels que prévus par la présente directive ;

[...]

40) “mise sur le marché”, le fait de mettre des produits, quel que soit leur lieu de fabrication, à la disposition des consommateurs de l’Union, à titre onéreux ou non, y compris par vente à distance ; [...]

[...] »

5 Le titre II de ladite directive, intitulé « Produits du tabac », contient un chapitre II, intitulé « Étiquetage et conditionnement », dont relève l’article 8, intitulé « Dispositions générales ». Cet article dispose, à ses paragraphes 1, 3 et 8 :

« 1.   Chaque unité de conditionnement d’un produit du tabac ainsi que tout emballage extérieur porte les avertissements sanitaires prévus au présent chapitre dans la ou les langues officielles de l’État membre dans lequel le produit est mis sur le marché.

[...]

3.   Les États membres veillent à ce que les avertissements sanitaires présents sur une unité de conditionnement ou tout emballage extérieur soient imprimés de façon inamovible, indélébile et pleinement visible et ne soient pas dissimulés ou interrompus, partiellement ou en totalité, par des timbres fiscaux, des étiquettes de prix, des dispositifs de sécurité, des suremballages, des enveloppes, des boîtes ou tout autre élément lors de la mise sur le marché des produits du tabac. Sur les unités de
conditionnement des produits du tabac autres que les cigarettes et le tabac à rouler en pochettes, les avertissements sanitaires peuvent être apposés au moyen d’adhésifs, à condition que ces derniers soient inamovibles. Les avertissements sanitaires restent intacts lors de l’ouverture de l’unité de conditionnement, sauf pour les paquets comportant un couvercle supérieur rabattable pour lesquels les avertissements sanitaires peuvent être interrompus par l’ouverture du paquet, mais uniquement d’une
façon qui garantisse l’intégrité graphique et la visibilité du texte, des photos et des informations concernant le sevrage.

[...]

8.   Les images d’unités de conditionnement et de tout emballage extérieur destinées aux consommateurs de l’Union sont conformes aux dispositions du présent chapitre. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

6 JS, gérant de deux supermarchés situés à Munich (Allemagne), a installé, depuis le 20 mai 2017, des distributeurs automatiques de paquets de cigarettes au niveau des caisses de ces supermarchés. Les paquets de cigarettes étaient stockés à l’intérieur de ces distributeurs si bien que ces paquets n’étaient pas visibles par les clients. Les touches de sélection desdits distributeurs permettaient certes d’identifier différentes marques de cigarettes avec une représentation graphique, mais sans
présenter les avertissements sanitaires réglementaires.

7 Pour acheter un paquet de cigarettes, le client devait solliciter le déblocage du distributeur auprès du personnel de caisse. Il devait ensuite appuyer lui-même sur la touche correspondante au paquet de cigarettes sélectionné, lequel était alors envoyé directement sur le tapis roulant de la caisse pour permettre au client de le payer.

8 Pro Rauchfrei est une association à but non lucratif qui défend les droits des fumeurs passifs. Elle a introduit une action devant le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne) aux fins qu’il soit fait interdiction à JS d’offrir à la vente des produits du tabac, notamment des cigarettes, dans des conditions telles que, lors de la mise en vente, les avertissements sanitaires qui figurent sur les unités de conditionnement et sur tout emballage extérieur des produits du tabac
sont dissimulés, en utilisant un dispositif tel que celui décrit au point 6 du présent arrêt. À titre subsidiaire, Pro Rauchfrei a demandé qu’il soit interdit à JS d’offrir à la vente de tels produits au moyen d’un dispositif qui ne reproduit que l’image d’unités de conditionnement de cigarettes, sans les avertissements sanitaires qui doivent y figurer.

9 Le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I) a rejeté cette action.

10 Pro Rauchfrei a interjeté appel de cette décision devant l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne) qui l’en a également déboutée. C’est dans ces conditions qu’elle a décidé de saisir la juridiction de renvoi, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), d’un recours en Revision contre cet arrêt.

11 Estimant que l’issue de ce recours dépendait de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, première phrase, et de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, cette juridiction a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle, enregistrée sous le numéro C‑370/20, par laquelle elle a posé à la Cour quatre questions préjudicielles.

12 Dans son arrêt du 9 décembre 2021, Pro Rauchfrei (C‑370/20, EU:C:2021:988), la Cour a répondu aux troisième et quatrième questions. Elle a ainsi dit pour droit, d’une part, que l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens que constitue une « image d’une unité de conditionnement », au sens de cette disposition, une image qui n’est pas une reproduction fidèle d’une unité de conditionnement de cigarettes, mais que le consommateur associe à une telle unité de
conditionnement en raison de son aspect, à savoir ses contours, ses proportions, ses couleurs ainsi que le logo de la marque et, d’autre part, que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’une image d’un paquet de cigarettes couverte par ladite disposition, mais qui ne porte pas les avertissements sanitaires prévus au titre II, chapitre II, de cette directive, n’est pas conforme à la même disposition, même si le consommateur a la possibilité de voir ces avertissements sur le paquet de
cigarettes correspondant à une telle image avant de l’acheter.

13 En revanche, la Cour a estimé que, eu égard à la réponse apportée aux troisième et quatrième questions, il n’y avait pas lieu de répondre aux première et deuxième questions.

14 Or, dans la demande de décision préjudicielle à l’origine de la présente affaire, la juridiction de renvoi indique que les règles procédurales régissant le litige au principal l’obligent à respecter l’ordre de priorité entre la demande et la demande subsidiaire. Dans la mesure où le bien-fondé du chef de conclusions avancé à titre principal par Pro Rauchfrei dépendrait de la réponse aux première et deuxième questions auxquelles la Cour n’a pas répondu dans l’arrêt du 9 décembre 2021, Pro
Rauchfrei (C‑370/20, EU:C:2021:988), et que la réponse aux troisième et quatrième questions ne seraient pertinentes que pour l’appréciation du bien-fondé du chef de conclusions avancé à titre subsidiaire par cette partie, une réponse à ces première et deuxième questions serait toujours nécessaire. En effet, la juridiction de renvoi doute de la signification de la notion de « mise sur le marché », au sens de l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40, ainsi que de la
portée de l’interdiction de dissimuler les avertissements par « tout autre élément », prévue par cette disposition.

15 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La notion de “mise sur le marché”, au sens de l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40, comprend-elle la mise en vente de produits du tabac par l’intermédiaire de distributeurs automatiques dans lesquels les unités de conditionnement de cigarettes, bien que présentant les avertissements réglementaires, sont stockées de telle manière qu’elles ne sont pas d’emblée visibles pour le consommateur, les avertissements présents sur les unités de conditionnement ne devenant
visibles qu’au moment où le distributeur, préalablement déverrouillé par l’hôte ou l’hôtesse de caisse, est actionné par le client et où, de ce fait, l’unité de conditionnement est éjectée sur le tapis de caisse avant que le client ne procède au paiement ?

2) La dissimulation complète de l’emballage des produits du tabac présentés dans un distributeur tombe-t-elle sous le coup de l’interdiction de “dissimuler [les avertissements] par tout autre élément” prévue à l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40 ? »

Sur les questions préjudicielles

16 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, l’autorité dont est revêtu un arrêt rendu en matière préjudicielle ne fait pas obstacle à ce que le juge national destinataire de cet arrêt puisse estimer nécessaire de saisir de nouveau la Cour avant de trancher le litige au principal, notamment lorsqu’il soumet à la Cour de nouveaux éléments d’appréciation susceptibles de la conduire à répondre différemment à une question déjà posée (arrêt du 6 mars
2003, Kaba, C‑466/00, EU:C:2003:127, point 39 et jurisprudence citée).

17 Il s’ensuit a fortiori que le juge national destinataire d’un arrêt préjudiciel de la Cour peut saisir cette dernière d’une nouvelle demande de décision préjudicielle par laquelle il lui soumet à nouveau les questions auxquelles la Cour a estimé, par cet arrêt, qu’elle n’avait pas à répondre compte tenu de la réponse apportée à d’autres questions, pour autant que ce juge présente, dans sa nouvelle demande, des éléments, tels que ceux exposés au point 14 du présent arrêt, dont il découle que la
réponse aux questions non examinées est effectivement nécessaire aux fins de la solution du litige au principal.

Sur la première question

18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens que la mise en vente de produits du tabac par l’intermédiaire de distributeurs automatiques dans lesquels les unités de conditionnement de ces produits sont stockées de manière à ne pas être visibles de l’extérieur relève de la notion de « mise sur le marché », au sens de cette disposition.

19 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la notion de « mise sur le marché » est définie à l’article 2, point 40, de la directive 2014/40 comme visant « le fait de mettre des produits, quel que soit leur lieu de fabrication, à la disposition des consommateurs de l’Union, à titre onéreux ou non, y compris par vente à distance ».

20 Conformément au sens usuel des termes « mettre [...] à la disposition », un produit du tabac doit être considéré comme ayant fait l’objet d’une « mise sur le marché », au sens de l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40, lorsque les consommateurs peuvent se le procurer. Ainsi, dès lors qu’un produit du tabac est disponible à la vente, il y a lieu de considérer qu’il a été mis sur le marché, même avant d’avoir été acheté et payé.

21 Par ailleurs, il convient de préciser que, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 2, point 40, et de l’article 8, paragraphe 3, de cette directive, les moyens par lesquels les produits du tabac sont proposés aux consommateurs n’emportent pas de conséquence pour ce qui est de la signification de la notion de « mise sur le marché », au sens ladite directive.

22 Par conséquent, en l’occurrence, le fait que les produits du tabac ne soient pas visibles à l’intérieur du distributeur automatique au moyen duquel ces produits sont rendus disponibles à la vente n’empêche pas de considérer que lesdits produits ont fait l’objet d’une « mise sur le marché », au sens de l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40.

23 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens que la mise en vente de produits du tabac par l’intermédiaire de distributeurs automatiques dans lesquels les unités de conditionnement de ces produits sont stockées de manière à ne pas être visibles de l’extérieur relève de la notion de « mise sur le marché », au sens de cette disposition.

Sur la seconde question

24 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens que les avertissements sanitaires présents sur une unité de conditionnement ou tout emballage extérieur d’un produit du tabac sont « dissimulés », au sens de cette disposition, au seul motif que le stockage de ce produit dans un distributeur automatique a pour effet de le rendre totalement invisible de l’extérieur.

25 L’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40 prévoit l’obligation des États membres de veiller à ce que les avertissements sanitaires présents sur une unité de conditionnement ou tout emballage extérieur d’un produit du tabac ne soient pas dissimulés ou interrompus, partiellement ou en totalité, par des timbres fiscaux, des étiquettes de prix, des dispositifs de sécurité, des suremballages, des enveloppes, des boîtes ou tout autre élément lors de la mise sur le marché des
produits du tabac.

26 Ainsi, la situation des produits du tabac qui, tout en comportant, sur leurs unités de conditionnement ou sur leur emballage des avertissements sanitaires, sont enfermés dans une unité de stockage, telle que le dispositif en cause au principal, de telle manière qu’ils ne sont pas visibles de l’extérieur, n’est pas expressément visée par cette disposition.

27 Il y a, néanmoins, lieu de déterminer si, dans une telle situation, les avertissements sanitaires doivent être considérés comme ayant été dissimulés par un « autre élément », au sens de ladite disposition.

28 Il convient de rappeler, à cet égard, que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 28 octobre 2022, Generalstaatsanwaltschaft München (Extradition et ne bis in idem), C‑435/22 PPU, EU:C:2022:852, point 67et jurisprudence citée].

29 En ce qui concerne les termes de l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40, ceux-ci visent la dissimulation, partielle ou intégrale, des avertissements sanitaires présents sur les unités de conditionnement de produits du tabac ou sur tout emballage extérieur et non pas la dissimulation des unités de conditionnement en tant que telles.

30 Par ailleurs, pour ce qui est, en particulier, de la référence, à l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40, à « tout autre élément » susceptible de dissimuler les avertissements sanitaires figurant sur une unité de conditionnement ou sur l’emballage extérieur d’un produit du tabac, il y a lieu de constater que les éléments énumérés à titre non exhaustif dans cette disposition, à savoir les timbres fiscaux, les étiquettes de prix, les dispositifs de sécurité, les
suremballages, les enveloppes ou les boîtes sont tous susceptibles soit d’être apposés directement sur l’unité de conditionnement d’un produit du tabac ou sur son emballage extérieur, soit d’englober cette unité ou son emballage. En revanche, aucun de ces éléments ne saurait avoir pour effet de rendre une telle unité de conditionnement totalement inaccessible et invisible pour le public, comme dans le cas où elle est enfermée dans une unité de stockage telle que, en l’occurrence, un distributeur
automatique.

31 Cette interprétation est corroborée par le contexte dans lequel s’insère cet article 8, paragraphe 3. En effet, la question de la dissimulation des avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement des produits du tabac à laquelle est consacrée cette disposition se distingue de celle relative à l’éventuelle absence des avertissements sanitaires sur des images d’unités de conditionnement de produits du tabac qui peuvent figurer sur l’extérieur d’un dispositif de vente automatique dans
lequel sont stockées de telles unités. Cette dernière question relève de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 9 décembre 2021, Pro Rauchfrei (C‑370/20, EU:C:2021:988).

32 Pour ce qui est de l’objectif poursuivi par l’interdiction de dissimulation des avertissements sanitaires, prévue à l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40, cette directive poursuit, selon son article 1er, une double finalité, consistant à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes (arrêt du 9 décembre 2021,
Pro Rauchfrei, C‑370/20, EU:C:2021:988, point 27 et jurisprudence citée).

33 À cet égard, la Cour a déjà précisé, au point 30 de l’arrêt du 9 décembre 2021, Pro Rauchfrei (C‑370/20, EU:C:2021:988), en substance, que les avertissements sanitaires qui doivent figurer sur les unités de conditionnement des produits du tabac ou sur leur emballage servent à contrecarrer le désir d’achat suscité chez un consommateur par la vue d’une telle unité de conditionnement ou d’une image de celle-ci.

34 Or, la réalisation de cet objectif n’est pas compromise si une unité de conditionnement est enfermée dans une unité de stockage, telle qu’un distributeur automatique, de telle manière qu’elle est totalement invisible de l’extérieur. Dans la mesure où, dans cette hypothèse, le consommateur ne peut pas voir cette unité de conditionnement, il n’éprouvera pas, de ce fait, un désir d’achat que les avertissements sanitaires servent à contrecarrer.

35 Dès lors, il convient de répondre à la seconde question que l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens que les avertissements sanitaires présents sur une unité de conditionnement ou tout emballage extérieur d’un produit du tabac ne sont pas « dissimulés », au sens de cette disposition, au seul motif que le stockage de ce produit dans un distributeur automatique a pour effet de le rendre totalement invisible de l’extérieur.

Sur les dépens

36 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE,

doit être interprété en ce sens que :

la mise en vente de produits du tabac par l’intermédiaire de distributeurs automatiques dans lesquels les unités de conditionnement de ces produits sont stockées de manière à ne pas être visibles de l’extérieur relève de la notion de « mise sur le marché », au sens de cette disposition.

  2) L’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40,

doit être interprété en ce sens que :

les avertissements sanitaires présents sur une unité de conditionnement ou tout emballage extérieur d’un produit du tabac ne sont pas « dissimulés », au sens de cette disposition, au seul motif que le stockage de ce produit dans un distributeur automatique a pour effet de le rendre totalement invisible de l’extérieur.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-356/22
Date de la décision : 09/03/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Fabrication, présentation et vente de produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Étiquetage et conditionnement – Article 2, point 40 – Notion de “mise sur le marché” – Article 8, paragraphe 3 – Avertissements sanitaires devant figurer sur chaque unité de conditionnement d’un produit du tabac ainsi que sur tout emballage extérieur – Interdiction de dissimulation – Distributeur automatique de paquets de cigarettes – Paquets de cigarettes invisibles de l’extérieur.

Rapprochement des législations

Droit d'établissement

Libre prestation des services


Parties
Demandeurs : Pro Rauchfrei eV
Défendeurs : JS eK.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina
Rapporteur ?: Gratsias

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:174

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