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16/02/2023 | CJUE | N°C-767/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mme T. Ćapeta, présentées le 16 février 2023., Jérôme Rivière e.a. contre Parlement européen., 16/02/2023, C-767/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 16 février 2023 ( 1 )

Affaire C‑767/21 P

Jérôme Rivière,

Dominique Bilde,

Joëlle Mélin,

Aurélia Beigneux,

Thierry Mariani,

Jordan Bardella,

Jean-Paul Garraud,

Jean-François Jalkh,

Gilbert Collard,

Gilles Lebreton,

Nicolaus Fest,

Gunnar Beck,

Philippe Olivier

contre

Parlement européen

« Pourvoi – Droit institutionn

el – Parlement européen – Décision verbale du président du Parlement interdisant les drapeaux nationaux sur les pupitres des députés – Règlement intérieur du Parlement européen – Article 10...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 16 février 2023 ( 1 )

Affaire C‑767/21 P

Jérôme Rivière,

Dominique Bilde,

Joëlle Mélin,

Aurélia Beigneux,

Thierry Mariani,

Jordan Bardella,

Jean-Paul Garraud,

Jean-François Jalkh,

Gilbert Collard,

Gilles Lebreton,

Nicolaus Fest,

Gunnar Beck,

Philippe Olivier

contre

Parlement européen

« Pourvoi – Droit institutionnel – Parlement européen – Décision verbale du président du Parlement interdisant les drapeaux nationaux sur les pupitres des députés – Règlement intérieur du Parlement européen – Article 10, paragraphe 3 – Règles de conduite – Recours en annulation – Notion d’“acte attaquable” au sens de l’article 263 TFUE »

I. Introduction

1. Treize membres du Parlement européen (ci-après les « députés ») ont introduit le présent pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 octobre 2021, Rivière e.a./Parlement (T‑88/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:664).

2. Par cet arrêt, le Tribunal a déclaré irrecevable le recours en annulation de la mesure, adoptée le 13 janvier 2020 par le président du Parlement européen, qui interdit aux députés d’arborer des drapeaux nationaux sur leurs pupitres (ci-après la « mesure contestée »). Le Tribunal a considéré que cette mesure ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

3. Les requérants contestent cette conclusion. La présente affaire soulève donc la question, toujours actuelle, des actes attaquables devant la Cour de justice de l’Union européenne en vertu de l’article 263 TFUE.

4. Il y a beaucoup à dire sur cette question ( 2 ). Toutefois, dans le cadre de la procédure de pourvoi, la Cour est tenue de se limiter aux moyens et aux arguments invoqués par les requérants ( 3 ). La Cour ne peut pas interpréter le pourvoi des requérants, elle ne peut se prononcer que sur les moyens tels qu’ils sont présentés. Dans les circonstances de l’espèce, et pour les raisons que j’exposerai dans les présentes conclusions, je proposerai à la Cour de rejeter le pourvoi. J’estime que les
arguments invoqués par les requérants ne permettent pas de conclure que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant leur recours en première instance comme étant irrecevable. Je ne partage toutefois pas le raisonnement que suit le Tribunal pour parvenir à cette conclusion. Je proposerai donc à la Cour de substituer son propre raisonnement à celui du Tribunal sans annuler sa décision.

II. Les antécédents du litige et la procédure devant le Tribunal

5. M. Jérôme Rivière et les autres requérants sont des députés élus au Parlement.

6. Au cours de la séance plénière du 13 janvier 2020, le président du Parlement européen a averti oralement les députés de l’interdiction d’arborer des drapeaux nationaux sur les pupitres et leur a demandé de les retirer. Les requérants ont contesté cette mesure en introduisant un recours en annulation devant le Tribunal.

7. Lors de deux séances plénières ultérieures, les 29 et 30 janvier 2020, les vice-présidentes qui présidaient ces sessions ont invoqué, dans le cadre du maintien de l’ordre pendant les périodes de session, l’interdiction d’arborer des drapeaux nationaux sur les pupitres. Dans ce contexte, à deux reprises, le microphone de certains députés a été coupé.

8. Le Parlement a ensuite expliqué, ainsi que l’indiquent les requérants ( 4 ), que la mesure contestée n’était que la réaffirmation de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement. Cet article dispose :

« Les députés ne perturbent pas le bon ordre dans la salle des séances et s’abstiennent de tout comportement déplacé. Ils ne déploient ni banderoles ni bannières ».

9. Par requête du 13 février 2020, les requérants ont introduit devant le Tribunal un recours tendant à l’annulation de la mesure contestée.

10. À l’appui de leur recours, les requérants ont soulevé quatre moyens. Le premier moyen était divisé en deux branches, tirées, d’une part, de la dénaturation en droit et en fait de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement et, d’autre part, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, TUE. Le deuxième moyen était tiré d’une violation du principe de sécurité juridique, tandis que le troisième moyen était tiré d’un abus de pouvoir. Enfin, dans leur quatrième moyen, les
requérants ont invoqué la violation des principes d’égalité de traitement, de légalité et de bonne administration, le fumus persecutionis et la liberté d’expression des députés.

11. En réponse, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité, tirée, premièrement, de l’absence d’acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, deuxièmement, de l’absence de qualité à agir des requérants et, troisièmement, de leur défaut d’intérêt à agir. À titre subsidiaire, le Parlement a fait valoir que le recours n’était pas fondé.

12. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable au motif que la mesure contestée ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

13. Aux points 31 et 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord rappelé la jurisprudence constante selon laquelle le juge de l’Union est compétent pour contrôler la validité des actes du Parlement. Il a ensuite précisé que certains actes du Parlement sont toutefois exclus du contrôle juridictionnel, notamment ceux qui ne produisent pas d’effets juridiques ou ne produisent de tels effets qu’en ce qui concerne l’organisation interne des travaux du Parlement (point 33 de l’arrêt attaqué) ( 5 ).

14. Le Tribunal a également précisé, au point 34 de l’arrêt attaqué, que les actes du Parlement produisant des effets juridiques à l’égard de tiers sont soumis au contrôle du juge de l’Union. Il a ensuite rappelé que les députés sont de tels tiers lorsqu’il s’agit d’actes du Parlement ayant des effets juridiques sur les conditions d’exercice de leur mandat parlementaire (point 35 de l’arrêt attaqué) ( 6 ). Le Tribunal a dès lors considéré que la recevabilité du recours dépendait de la question de
savoir si les mesures contestées modifiaient les conditions d’exercice du mandat de député (point 37 de l’arrêt attaqué).

15. Le Tribunal a ensuite considéré, au point 38 de l’arrêt attaqué, que la mesure contestée consistait en une interdiction, adressée aux députés au titre de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement, d’arborer des bannières sur leurs pupitres et n’allait pas au‑delà de l’interdiction déjà énoncée à cet article. Dans la suite de l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété le règlement intérieur du Parlement afin d’étayer cette conclusion.

16. Ainsi, aux points 42 à 44 de l’arrêt attaqué, il a relevé qu’il ressort du règlement intérieur du Parlement, qui est fondé sur les traditions parlementaires communes aux États membres, que les députés s’expriment, en principe, en prenant la parole au Parlement. Il a également relevé que ceci résulte de l’article 171 de ce règlement. Toute restriction à d’autres moyens d’expression vise donc à garantir l’égalité des députés et le bon déroulement des travaux parlementaires.

17. Le Tribunal a en outre considéré, au point 45 de l’arrêt attaqué, qu’une image ou un objet, par le symbole qu’il représente ou le message qu’il communique, peut incontestablement servir de moyen d’expression, donnant ainsi aux députés qui l’utilisent la possibilité d’affirmer et de défendre leurs convictions politiques en dehors de leur temps de parole. Le Tribunal a également considéré, au point 50 de l’arrêt attaqué, que les drapeaux nationaux en cause relèvent de l’acception des termes
français « banderoles et bannières », et correspondent aux termes utilisés dans d’autres versions linguistiques du règlement intérieur du Parlement compte tenu de la fonction que les requérants attribuent à la présence de drapeaux nationaux sur leurs pupitres.

18. Pour toutes ces raisons, le Tribunal a jugé, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, que le comportement des requérants, en ce qu’il perturbait le bon déroulement des travaux parlementaires, relevait du champ d’application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement. Par conséquent, la mesure contestée s’inscrit dans le cadre de l’organisation interne des travaux du Parlement et n’a pas produit d’effets juridiques modifiant de façon caractérisée leur situation juridique
d’une manière qui affecterait les conditions d’exercice du mandat de député des requérants.

III. La procédure devant la Cour et les moyens et arguments des parties

19. Le 8 décembre 2021, les requérants ont formé un pourvoi devant la Cour par lequel ils demandent à cette juridiction d’annuler l’arrêt attaqué, de déclarer le recours en annulation recevable, d’annuler la mesure contestée pour défaut de base légale, et de condamner le Parlement aux dépens.

20. Le Parlement conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation des requérants aux dépens.

21. Les requérants avancent deux arguments de droit, sans toutefois préciser les moyens au soutien desquels ces arguments sont invoqués, ni en quoi ils les soutiennent (voir points 36 à 43 des présentes conclusions). Les requérants invoquent, en premier lieu, la dénaturation des faits et une erreur dans leur qualification juridique et, en second lieu, la violation et la dénaturation, par le Tribunal, de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement.

22. Le premier argument des requérants consiste, en substance, à reprocher au Tribunal de ne pas avoir tenu compte des conséquences de la mesure contestée sur le droit de s’exprimer des députés, étant donné que, les 29 et 30 janvier 2020, la vice-présidente du Parlement présidant la séance a fait couper les microphones de, respectivement, M. Nigel Farage ( 7 ) et M. Nicolaus Fest et n’a permis à M. Rivière de prendre la parole que parce que ce dernier avait enlevé son drapeau.

23. Les requérants soutiennent dès lors que le Tribunal aurait dû conclure que la mesure contestée a produit des effets juridiques de nature à affecter l’exercice de leur mandat.

24. Par leur deuxième argument, les requérants font valoir que la version française de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement ne s’applique pas aux drapeaux nationaux puisqu’il vise les bannières. Dès lors, la situation lors de la session parlementaire en cause ne relevait pas du champ d’application de cette règle.

25. Les requérants soutiennent qu’en l’espèce, la version française du règlement intérieur du Parlement devrait être déterminante, car il s’agit de la langue de travail du Parlement ( 8 ). Ils estiment qu’en analysant d’autres versions linguistiques de l’article 10, paragraphe 3, de ce règlement intérieur, le Tribunal a dénaturé les faits.

26. Les requérants font également valoir que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement, car celui-ci n’a pas pour but le maintien de l’égalité entre les députés, mais le maintien de l’ordre durant les sessions. L’égalité entre les députés constitue plutôt la finalité de l’article 171 de ce règlement intérieur qui, quant à lui, ne réglemente pas le maintien de l’ordre durant les sessions.

27. En outre, le Tribunal aurait dénaturé des faits et commis une erreur de droit en n’établissant pas en quoi l’utilisation de drapeaux nationaux perturbait l’ordre de la session.

28. Les requérants font enfin valoir que le Tribunal a qualifié à tort de « transnationales » les élections au Parlement européen et que l’existence de listes nationales, ainsi que l’article 4, paragraphe 2, TUE, renforcent leur caractère national.

29. De son côté, le Parlement considère, à titre principal, que le recours des requérants ne satisfait pas au seuil de recevabilité prévu à l’article 168 du règlement de procédure de la Cour, car il ne contient pas d’arguments juridiques à l’appui de leurs moyens.

30. S’agissant du premier argument des requérants concernant la dénaturation des faits, le Parlement fait valoir que la mesure contestée est uniquement la décision verbale du 13 janvier 2020 et non les mesures prises les 29 et 30 janvier 2020. Admettre le contraire reviendrait, selon le Parlement, à étendre l’objet du recours.

31. En outre, en ce qui concerne les séances des 29 et 30 janvier 2020, le Parlement fait valoir que les vice-présidentes qui ont présidé ces séances étaient habilitées, en vertu de l’article 175 du règlement intérieur du Parlement, à faire couper le microphone afin d’assurer le maintien de l’ordre en séance plénière. En tout état de cause, les microphones ont été coupés, non pas en raison de la présence d’un drapeau national sur le pupitre, mais en raison du dépassement du temps de parole imparti
(dans le cas de M. Farage) ou parce que les députés critiquaient la manière dont la vice-présidente conduisait la séance (dans le cas de M. Fest). Le Parlement a indiqué que M. Rivière a pris la parole à deux reprises lors de la séance du 30 janvier. La première fois, il a parlé avec un drapeau sur son pupitre, tandis que la seconde fois, il avait lui-même baissé le drapeau. En conséquence, le Parlement soutient qu’il n’existe aucun lien entre la mesure contestée et les mesures ayant entraîné la
coupure des microphones.

32. Le Parlement estime, dès lors, que le Tribunal n’a pas dénaturé les faits et que cet argument soulevé par les requérants doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

33. S’agissant du deuxième moyen, le Parlement soutient que l’article 10, paragraphe 3, de son règlement intérieur permet d’interdire la présence de drapeaux nationaux sur les pupitres des députés sans qu’il soit nécessaire de démontrer que cela perturbe le bon ordre des séances. Cet article tend à limiter la manière dont les députés expriment leurs opinions à la seule expression orale.

34. Enfin, le Parlement fait valoir que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en examinant d’autres versions linguistiques lorsqu’il a interprété l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur, étant donné qu’il serait contraire aux méthodes bien établies d’interprétation du droit de l’Union de se concentrer sur une des versions linguistiques.

35. Le Parlement conclut dès lors que le deuxième argument des requérants doit également être rejeté comme étant manifestement non fondé.

IV. Appréciation

A.   Observations liminaires

36. D’emblée, il importe de relever que, comme le Parlement le fait à juste titre observer, le présent pourvoi ne répond que marginalement aux exigences de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Conformément à ces dispositions, le pourvoi doit contenir des moyens clairement étayés par des arguments de droit et indiquant les éléments de l’arrêt du Tribunal qui sont contestés ( 9 ).

37. Le présent pourvoi présente deux arguments de droit, mais il ne précise pas le moyen que chacun d’eux soutient, ni la manière dont ils soutiennent ces moyens. Dès lors, la Cour pourrait légitimement décider de rejeter ce pourvoi en raison de ses irrégularités de forme.

38. Cependant, afin de considérer que le présent pourvoi est recevable, solution que je suggère à la Cour de choisir, il est possible de comprendre les moyens et arguments de la manière suivante.

39. Par leur premier argument, les requérants reprochent en substance au Tribunal d’avoir commis une erreur dans la qualification juridique de certains faits, ce qui l’aurait conduit à une conclusion juridiquement erronée. Par leur deuxième argument, ils font valoir, en substance, que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur.

40. Je comprends le premier argument comme étant soulevé à l’appui des deux premiers moyens, par lesquels les requérants demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de déclarer le recours initial recevable. Le deuxième argument est soulevé, à mon sens, à l’appui du troisième moyen, tendant à ce que la Cour annule la mesure contestée pour défaut de base légale.

41. La Cour peut en effet, si elle considère que le pourvoi est fondé et si elle dispose d’éléments suffisants, remplacer l’arrêt du Tribunal par son propre jugement au fond ou statuer sur le fond si le Tribunal a rejeté le recours pour des motifs de procédure et, pour cette raison, n’a pas statué sur le fond ( 10 ).

42. Toutefois, en l’espèce, le troisième moyen tendant à ce que la Cour statue sur le fond en annulant la mesure contestée ne peut être pris en considération que si la Cour accueille les deux premiers moyens. Comme je l’exposerai ci-dessous, j’estime que la Cour devrait rejeter les deux premiers moyens. Dans ce cas, il n’y aurait pas lieu de répondre au troisième moyen.

43. Néanmoins, si la Cour concluait différemment et accueillait le recours en annulation, je lui propose de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le fond.

B.   Sur la recevabilité du recours

1. Sur l’argument des requérants relatif à la dénaturation des faits

44. Le Tribunal a déclaré le recours introduit par les requérants en première instance irrecevable au motif que la mesure contestée ne constitue pas, selon lui, un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

45. Pour rappel, comme le confirme la jurisprudence, dans le cadre de la procédure visée à l’article 263 TFUE, la Cour peut contrôler tous les actes juridiquement contraignants des institutions et autres organes de l’Union ( 11 ). La Cour a en outre défini les actes attaquables comme des mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci ( 12 ).

46. En l’espèce, il est constant que les requérants contestent la mesure verbale adoptée par le président du Parlement européen lors de la séance du 13 janvier 2020. Le litige porte plutôt sur le point de savoir si cette mesure a produit des effets juridiques privant, ou susceptibles de priver, les requérants du droit de prendre la parole lors des sessions parlementaires.

47. Selon les requérants, même si cette mesure n’a pas eu de conséquences juridiques lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, elle a été maintenue lors de sessions ultérieures et a été une cause directe du fait que certains députés ont été privés de leur droit de prendre la parole au cours des sessions des 29 et 30 janvier 2020.

48. Dès lors, les requérants font valoir que la conclusion du Tribunal selon laquelle la mesure contestée n’est pas susceptible de produire des effets juridiques, et ne constitue donc pas un acte attaquable, est fondée sur des faits dont la qualification juridique est erronée.

49. Selon les requérants, cette dénaturation tient au fait que le Tribunal n’a pas considéré que les événements qui se sont déroulés lors des sessions parlementaires des 29 et 30 janvier 2020 étaient pertinents pour apprécier la nature de la mesure contestée. Si le Tribunal avait pris en considération ces faits, il aurait conclu que la mesure contestée avait produit des effets juridiques et qu’elle constituait donc un acte attaquable.

50. Au vu des arguments présentés par les requérants, tels que ceux‑ci les ont formulés, la Cour doit se prononcer sur la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur en concluant que le fait d’empêcher certains députés de prendre la parole lors des sessions des 29 et 30 janvier 2020 n’était pas une conséquence de la mesure verbale adoptée au cours de la séance plénière du 13 janvier 2020.

51. D’emblée, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits ( 13 ). À titre exceptionnel, la Cour peut contrôler si le Tribunal a dénaturé des faits ou des éléments de preuve qui lui ont été soumis, cette dénaturation devant toutefois ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle
appréciation des faits et des preuves ( 14 ). En outre, la partie qui allègue la dénaturation doit indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à une cette dénaturation ( 15 ).

52. Compte tenu de ce qui précède, il ne me semble pas que le Tribunal ait manifestement dénaturé les faits tels qu’ils ressortent du dossier soumis à la Cour et de l’arrêt attaqué.

53. Le Tribunal était conscient, ainsi qu’il ressort des points 3, 19 et 29 de l’arrêt attaqué, que les requérants se référaient aux sessions des 29 et 30 janvier 2020. Toutefois, s’il est clair que le Tribunal a entériné l’explication avancée par le Parlement et a conclu que le fait d’empêcher la prise de parole durant ces sessions et la mesure contestée n’étaient pas liés, il ne l’a malheureusement pas dûment expliqué ( 16 ).

54. En ce sens, même si la mesure contestée a subsisté au cours des sessions ultérieures du Parlement, elle était différente de celle qui a privé certains députés de leur droit de prendre la parole. Cela a conduit le Tribunal à apprécier séparément si la mesure contestée avait produit des effets juridiques en dehors de l’organisation interne des travaux du Parlement (points 37 et suivants de l’arrêt attaqué). Il a conclu que la mesure était conforme à l’article 10, paragraphe 3, du règlement
intérieur du Parlement, raison pour laquelle ses effets étaient limités à l’organisation interne des travaux de cette institution.

55. Je suis d’avis, comme je l’exposerai ci-dessous ( 17 ), que le raisonnement du Tribunal est erroné en ce sens qu’il a confondu la question de fond (conformité de la mesure attaquée avec l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement) et la question procédurale de la recevabilité. Toutefois, le Tribunal n’a commis aucune dénaturation manifeste des faits résultant de l’absence de prise en considération des sessions des 29 et 30 janvier 2020, contrairement à ce que soutiennent les
requérants. Il a pris en considération les faits survenus au cours de ces sessions, mais les a qualifiés sur la base des arguments de la défenderesse, plutôt que sur ceux des requérants dans l’affaire en première instance. En d’autres termes, le Tribunal a jugé l’argument présenté par le Parlement plus convaincant que celui avancé par les requérants en première instance. Partant, le Tribunal n’a pas ignoré certains faits et il ne leur a pas donné de qualification juridique erronée.

56. L’argument selon lequel le Tribunal se serait fondé sur des faits dénaturés doit donc être rejeté.

57. Cet argument étant le seul avancé par les requérants au soutien de leurs premier et deuxième moyens, la Cour pourrait, sur ce seul fondement, rejeter le pourvoi.

58. Néanmoins, dans la suite des présentes conclusions, j’expliquerai pourquoi, à mon sens, la conclusion du Tribunal sur l’irrecevabilité est correcte, alors que le raisonnement qui l’a conduit à cette conclusion ne l’est pas.

2. Pourquoi le recours en annulation introduit dans la présente affaire était‑il irrecevable ?

a) Quelle a été l’erreur de raisonnement du Tribunal ?

59. Le raisonnement du Tribunal a principalement consisté à démontrer que la mesure contestée n’était pas un acte attaquable parce qu’elle ne sortait pas du champ d’application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement. Cela en faisait une mesure s’inscrivant dans le cadre de l’organisation interne des travaux du Parlement et, partant, un acte non susceptible de recours (voir, notamment, point 52 de l’arrêt attaqué). Par conséquent, le Tribunal a répondu à la question de
fond – que la mesure contestée était fondée à bon droit sur l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement – pour déclarer le recours irrecevable.

60. Selon moi, toute tentative de distinguer formellement les mesures d’organisation interne des travaux d’une institution, non susceptibles de recours, et les actes produisant, ou destinés à produire, des effets juridiques à l’égard de tiers, qui sont attaquables, est trompeuse.

61. La seule question pertinente me semble être celle de savoir si la mesure est susceptible d’affecter les droits et les obligations que les justiciables tirent du droit de l’Union. Une mesure ne peut être considérée comme une simple mesure interne que si elle ne produit pas de tels effets. Il ne faut donc pas rechercher s’il s’agit d’une mesure interne, mais s’il s’agit d’une mesure susceptible d’affecter les droits d’une personne.

62. La jurisprudence citée par le Tribunal ( 18 ) confirme, en substance, cette position. En effet, la méthodologie à laquelle recourt la Cour dans ces affaires n’exige pas d’examiner s’il s’agit d’une mesure interne, même si la Cour a en définitive conclu que certaines des mesures en cause dans ces affaires étaient de nature interne. Dans ces décisions, la Cour a constaté que, lorsqu’il s’agissait spécifiquement de mesures d’organisation interne des travaux du Parlement, les mesures n’affectaient
pas en même temps les droits de tiers. C’est pourquoi la Cour a refusé de les contrôler.

63. Permettez-moi d’illustrer ce point par l’arrêt Weber/Parlement, cité par le Tribunal. Dans cette affaire, la Cour a considéré que les mesures non susceptibles de contrôle juridictionnel sont celles « qui soit ne produisent pas d’effets juridiques, soit ne produisent des effets juridiques qu’à l’intérieur du Parlement en ce qui concerne l’organisation de ses travaux et sont soumis[es] à des procédures de vérification fixées par son règlement » ( 19 ).

64. En outre, la Cour a estimé qu’« une réglementation relative à l’indemnité de fin de mandat en faveur des députés du Parlement ainsi que des actes individuels d’application d’une telle réglementation produisent des effets juridiques allant au-delà de l’organisation interne des travaux de l’institution, dans la mesure où ils affectent la situation patrimoniale du député » ( 20 ).

65. En d’autres termes, dans cette affaire, les règles constituaient assurément des mesures d’organisation interne des travaux du Parlement. Toutefois, elles étaient attaquables parce qu’elles affectaient les droits qu’un député tire du droit de l’Union.

66. Afin de justifier sa position sur le caractère non attaquable de la mesure contestée à travers le prisme de son prétendu caractère interne, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 59 des présentes conclusions, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, sans nécessité, soulevé des questions de fond ( 21 ) pour finir par rejeter le recours pour des motifs de procédure. Même s’il n’est pas toujours possible d’éviter tous les éléments de fond au moment de statuer sur la recevabilité ( 22 ), en l’espèce, ce
n’était pas nécessaire.

67. Pour statuer sur la recevabilité dans la présente affaire, le Tribunal aurait dû se concentrer uniquement sur la question de savoir si la mesure contestée était susceptible de produire des effets juridiques consistant à priver les requérants de leur droit de s’exprimer, comme ils le prétendent.

68. S’il avait appliqué la jurisprudence définissant l’acte attaquable (voir point 45 des présentes conclusions), le Tribunal serait parvenu à la même conclusion, à savoir que la mesure attaquée ne produit pas d’effets juridiques modifiant la situation juridique des requérants, sans avoir à se prononcer sur le fond. Dès lors qu’un recours est rejeté comme étant irrecevable, le Tribunal n’est pas compétent pour en connaître au fond comme il l’a fait en l’espèce ( 23 ).

69. L’erreur de raisonnement du Tribunal ne devrait toutefois pas emporter l’annulation de l’arrêt attaqué. La Cour a jugé que cela n’est pas nécessaire lorsque le dispositif de cet arrêt demeure fondé ( 24 ). Je considère que tel est le cas en l’espèce.

70. Reste la question du raisonnement, emportant la même conclusion d’irrecevabilité, qu’il convient de substituer à celui du Tribunal dans l’arrêt attaqué.

b) Comment résoudre la question de la recevabilité en l’espèce ?

71. Il faut, selon moi, s’interroger sur la nature de la mesure contestée. Il ressort des faits de l’affaire, sans que ce soit contesté, qu’il s’est agi d’une instruction orale de retirer les drapeaux nationaux des pupitres parce qu’il était contraire à l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement de les y arborer. Cette disposition est directement applicable – elle interdit de déployer des bannières lors des sessions du Parlement, sans qu’il soit besoin de mesures d’exécution.
Dès lors, la mesure contestée devrait, à mon avis, être perçue comme étant l’interprétation par le président du Parlement de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur, selon laquelle les drapeaux nationaux tombent sous le coup de l’interdiction en cause.

72. Les requérants semblent toutefois en désaccord avec cette interprétation. Ils sont d’avis que l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement ne s’oppose pas à ce que des drapeaux nationaux soient placés sur les pupitres. C’est pourquoi les requérants ont décidé de contester cette interprétation en faisant valoir qu’elle affectait leur droit de prendre la parole lors des sessions du Parlement. Ce grief délimite, selon moi, la partie de l’affaire devant le Tribunal qui fait
actuellement l’objet du pourvoi. Il était uniquement demandé au Tribunal si la mesure contestée était effectivement susceptible d’affecter le droit des députés de prendre la parole lors des sessions parlementaires. Dans l’affirmative, la mesure était susceptible de faire l’objet d’un recours (et ce n’est que dans un second temps que le Tribunal devait se prononcer sur le fond). Dans la négative, la mesure n’était pas susceptible de recours, et l’affaire s’arrêtait là.

73. Est-il possible de déterminer si la mesure attaquée est en soi de nature à priver les députés de leur droit de prendre la parole, sans aborder la question de savoir s’il s’agit d’une interprétation correcte de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement ? J’estime que c’est possible et que cela découle tant de l’objet du recours en annulation que de la jurisprudence définissant la notion d’« acte attaquable ».

74. La logique du recours en annulation peut être déduite de l’arrêt Les Verts ( 25 ). Il est au cœur du principe de l’État de droit, qui constitue l’une des valeurs fondamentales qui sous-tendent l’ordre juridique de l’Union sur lequel la Cour s’est fondée dans cet arrêt, selon lequel toute personne estimant que les droits qu’elle tire du droit de l’Union ont été violés par une institution ou un organe de l’Union doit avoir accès à un juge.

75. Par ailleurs, comme cela a déjà été relevé (point 45 des présentes conclusions et jurisprudence citée), la Cour a défini la notion d’« acte attaquable » comme un acte de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci ( 26 ). Sans vouloir critiquer ici cette jurisprudence ( 27 ), son application au cas d’espèce conduit à considérer que la mesure contestée n’a pas modifié et ne pouvait pas, à elle seule, modifier la situation
juridique des députés en ce sens qu’elle les aurait privés de leur droit de prendre la parole. Pour cela, une autre mesure, prise par la personne présidant la séance, était nécessaire.

76. Les requérants font valoir que la mesure contestée est de nature à les priver de leur droit de s’exprimer en tant que députés. Je suis d’avis que, si tel était le cas, cette mesure devrait être qualifiée d’« acte attaquable ». Mais la mesure contestée a-t-elle privé les députés de leur droit de prendre la parole ? La privation de ce droit découle de la décision des vice-présidentes du Parlement des 29 et 30 janvier 2020, ordonnant de couper le microphone de deux députés au cours de deux sessions
différentes.

77. Les parties sont en désaccord sur la question de savoir si l’interdiction d’arborer des drapeaux sur les pupitres était la (seule) raison de ces décisions des vice-présidentes. Toutefois, même à supposer qu’il s’agisse du seul motif de ces dernières décisions, celles‑ci dépendaient du pouvoir d’appréciation exercé par les vice‑présidentes qui ont présidé les sessions des 29 et 30 janvier 2020. Il en va de même pour toute éventuelle privation ultérieure du droit de s’exprimer, qui n’est pas une
conséquence automatique de la présence de drapeaux nationaux sur les pupitres.

78. La mesure contestée n’a donc pas entraîné de privation automatique du droit de s’exprimer. Cette privation dépendait du choix effectué par la personne présidant la session parlementaire. Ce sont donc les mesures prises par les vice‑présidentes du Parlement les 29 et 30 janvier 2020 qui ont directement affecté le droit de prendre la parole de certains députés.

79. Par conséquent, il n’est pas possible de conclure que la mesure contestée a modifié de façon caractérisée la situation juridique des requérants en affectant la manière dont ils exercent leur mandat.

80. Par ailleurs, les requérants n’étaient pas privés de tout recours contre les mesures qui les ont privés du droit de prendre la parole.

81. Les députés auraient pu introduire des recours en annulation contre les mesures adoptées par les vice-présidentes au cours des séances des 29 et 30 janvier 2020. Ils auraient pu soulever la question de l’invalidité de l’interprétation donnée à l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement par la mesure contestée, si cette interprétation avait motivé les actes ultérieurs qu’ils auraient attaqués.

82. Le présent pourvoi aurait pu s’inscrire dans une autre perspective si les requérants avaient invoqué la liberté d’expression, au lieu de se prévaloir du droit de prendre la parole lors des sessions du Parlement. La mesure contestée n’a pas été, comme cela a été démontré, une cause directe de la violation alléguée de ce dernier droit. Toutefois, l’analyse aurait pu aboutir à une conclusion différente si les requérants avaient fait valoir que la mesure contestée portait une atteinte
disproportionnée à leur liberté d’expression, comprise comme le droit d’arborer un drapeau national sur le pupitre. Un tel grief aurait en fait indiqué qu’ils contestent la validité de l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur tel qu’interprété par le président du Parlement.

83. Toutefois, compte tenu des arguments soulevés dans le cadre du présent pourvoi, cette analyse dépasserait la portée de ce dernier.

V. Conclusion

84. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

– rejeter le pourvoi, et

– condamner les requérants aux dépens.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Comme en témoigne l’abondante littérature sur le sujet. Voir, par exemple, Arnull, A., « Private Applicants and the Action for Annulment under Article 173 of the EC Treaty », Common Market Law Review, vol. 32, no 1, 1995, p. 7 ; Albors‑Llorens, A., « Remedies Against the EU Institutions After Lisbon : A Era of Opportunity ? », Cambridge Law Journal, vol. 71, no 3, 2012, p. 507 ; Bergström, C. F., « Defending Restricted Standing for Individuals to Bring Direct Actions against “Legislative”
Measures : Court of Justice of the European Union Decision of 3 October 2013 in Case C‑583/11 P », European Constitutional Law Review, vol. 10, no 3, 2014, p. 481 ; Gentile, G., « Ensuring effective judicial review of EU soft law via the action for annulment before the EU courts : a plea for a liberal‑constitutional approach », European Constitutional Law Review, vol. 16, no 3, 2020, p. 466. Voir, également, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Belgique/Commission (C‑16/16 P,
EU:C:2017:959, points 67 à 79).

( 3 ) À l’exception de l’examen d’office des conditions de recevabilité d’un recours, voir, notamment, arrêt du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage (C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 101).

( 4 ) Les requérants se réfèrent à l’article de presse « Les eurodéputés ont-ils le droit de déployer un drapeau dans l’hémicycle du Parlement européen ? », publié le 14 janvier 2020 dans 20 minutes, qui rapporte cette explication du Parlement. L’article peut être consulté à l’adresse Internet suivante : https://www.20minutes.fr/monde/2695031‑20200114-eurodeputes-droit-deployer-drapeau-hemicycle-parlement-europeen.

( 5 ) Le Tribunal s’est ici référé aux ordonnances du 4 juin 1986, Groupe des droites européennes/Parlement (78/85, EU:C:1986:227, point 11), et du 22 mai 1990, Blot et Front national/Parlement (C‑68/90, EU:C:1990:222, point 11), ainsi qu’à l’arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement (C‑314/91, EU:C:1993:109, point 9).

( 6 ) Le Tribunal a cité ici l’arrêt du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement (T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 61).

( 7 ) Il convient de noter que M. Farage ne fait pas partie des députés qui ont introduit le recours en première instance ou sont intervenus dans le cadre de ce recours. En conséquence, il ne figure pas non plus parmi les requérants.

( 8 ) Les requérants se réfèrent au règlement (CEE) no 1, du 6 octobre 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, no 17, p. 385).

( 9 ) Voir ordonnance du 17 septembre 1996, San Marco/Commission (C‑19/95 P, EU:C:1996:331, point 37 et jurisprudence citée).

( 10 ) Article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Voir, par exemple, arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission (C‑24/11 P, EU:C:2012:266, point 50), par lequel la Cour a statué elle-même, et arrêt du 26 juin 2012, Pologne/Commission (C‑336/09 P, EU:C:2012:386, point 43), dans lequel la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

( 11 ) Voir arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32, point 42).

( 12 ) Cette définition est utilisée dans la jurisprudence de la Cour, depuis l’arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 9). Voir, également, arrêts du 15 janvier 2003, Philip Morris International/Commission (T‑377/00, T‑379/00, T‑380/00, T‑260/01 et T‑272/01, EU:T:2003:6, point 77) ; du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission (C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 54) ; du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P,
EU:C:2019:78, point 51) ; du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage (C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 63), et du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 39).

( 13 ) Voir, à cet égard, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post (C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 63).

( 14 ) Voir, à cet égard, arrêt du 29 octobre 2015, Commission/ANKO (C‑78/14 P, EU:C:2015:732, point 54).

( 15 ) Voir arrêt du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol (C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 55).

( 16 ) Voir point 38 de l’arrêt attaqué.

( 17 ) Voir titre IV.B.2, sous a), des présentes conclusions.

( 18 ) Point 33 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y cite les ordonnances du 4 juin 1986, Groupe des droites européennes/Parlement (78/85, EU:C:1986:227, point 11), et du 22 mai 1990, Blot et Front national/Parlement (C‑68/90, EU:C:1990:222, point 11), ainsi que l’arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement (C‑314/91, EU:C:1993:109, point 9).

( 19 ) Arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement (C‑314/91, EU:C:1993:109, point 10).

( 20 ) Arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement (C‑314/91, EU:C:1993:109, point 11), mise en italique par mes soins. En revanche, la Cour a par exemple considéré qu’une décision du Parlement d’organiser un débat d’urgence ne produisait pas d’effets allant au-delà de son organisation interne dans l’arrêt du 22 septembre 1988, France/Parlement (358/85 et 51/86, EU:C:1988:431, point 17).

( 21 ) Telles que la question de savoir si l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement aurait pu servir de fondement à la mesure en cause, celle de l’objectif de cet article ou encore celle de savoir si le terme « bannières » inclut les drapeaux nationaux. À cet égard, voir points 15 à 18 des présentes conclusions.

( 22 ) La Cour a confirmé que, pour apprécier si un acte attaqué vise à produire des effets juridiques afin de se prononcer sur sa recevabilité, il convient d’examiner son contenu. Arrêt du 9 octobre 1990, France/Commission (C‑366/88, EU:C:1990:348, point 11).

( 23 ) L’analyse du fond effectuée par le Tribunal a engendré une confusion supplémentaire dans le cadre de la présente procédure de pourvoi devant la Cour, car les requérants, dans les arguments relatifs à leur troisième moyen, répondent à certaines constatations du Tribunal sur le fond. Ils ne le font toutefois pas afin de contester la décision sur la recevabilité, mais plutôt afin de proposer à la Cour des arguments visant à résoudre le litige au fond. Voir point 42 des présentes conclusions.

( 24 ) Voir ordonnances du 15 février 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission (C‑208/11 P, non publiée, EU:C:2012:76, point 35) ; du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil (C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564, points 23 et 24), et du 4 février 2021, Pilatus Bank/BCE (C‑701/19 P, non publiée, EU:C:2021:99, point 38).

( 25 ) Arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166).

( 26 ) Cette jurisprudence a commencé avec l’arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264), dans lequel la Cour a examiné si un acte produisait des effets juridiques à l’égard de la partie requérante plutôt que de façon abstraite, comme cela avait été fait dans des affaires antérieures. Voir, à cet égard, la description de la jurisprudence dans les conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Reynolds Tobacco e.a./Commission (C‑131/03 P, EU:C:2006:228, points 101
à 103).

( 27 ) Selon Arnull, la question du caractère attaquable d’un acte ne devrait pas dépendre de la situation du requérant, laquelle devrait relever de la question de la qualité à agir. Arnull, A., « When is an act not an act ? », European Law Review, vol. 32, no 1, 2007, 1, p. 2. Selon cette position, à laquelle j’adhère personnellement, le Tribunal aurait pu conclure à l’irrecevabilité du recours en se fondant sur l’absence de qualité à agir des requérants, dans la mesure où l’acte attaqué ne les
concernait pas directement.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-767/21
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Droit institutionnel – Députés du Parlement européen – Règlement intérieur du Parlement européen – Règles de conduite – Article 10, paragraphe 3 – Interdiction de déployer des banderoles et des bannières au cours des séances du Parlement – Mesure verbale du président du Parlement interdisant aux députés d’arborer un drapeau national sur leur pupitre – Recours en annulation – Article 263 TFUE – Notion d’“acte attaquable”.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Jérôme Rivière e.a.
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Ćapeta

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:119

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