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16/02/2023 | CJUE | N°C-530/22

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Dunaj-Finanse sp. z o.o. contre KG., 16/02/2023, C-530/22


 ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

16 février 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Transport ferroviaire – Droits et obligations des voyageurs – Règlement (CE) no 1371/2007 – Article 3, point 8 – Contrat de transport – Notion – Voyageur sans billet lors de sa montée à bord du train – Protection des consommateurs »

Dans l’affaire C‑530/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd

Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Śródmieście, siégeant à Varsovie, Pologne)...

 ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

16 février 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Transport ferroviaire – Droits et obligations des voyageurs – Règlement (CE) no 1371/2007 – Article 3, point 8 – Contrat de transport – Notion – Voyageur sans billet lors de sa montée à bord du train – Protection des consommateurs »

Dans l’affaire C‑530/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Śródmieście, siégeant à Varsovie, Pologne), par décision du 20 juin 2022, parvenue à la Cour le 9 août 2022, dans la procédure

Dunaj-Finanse sp. z o.o.

contre

KG,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et A. Kumin, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, point 8, du règlement (CE) no 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires (JO 2007, L 315, p. 14), ainsi que sur l’article 6, paragraphes 1 et 2, de l’appendice A figurant à l’annexe I de ce règlement.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Dunaj-Finanse sp. z o.o. à KG au sujet de suppléments tarifaires réclamés à ce dernier pour avoir voyagé en train sans titre de transport.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 1 à 3 du règlement no 1371/2007 énoncent :

« (1) Dans le cadre de la politique commune des transports, il importe de sauvegarder les droits des voyageurs ferroviaires et d’améliorer la qualité et l’efficacité des services ferroviaires de voyageurs afin d’aider à accroître la part du transport ferroviaire par rapport aux autres modes de transport.

(2) La communication de la Commission intitulée “Stratégie pour la politique des consommateurs 2002-2006” [JO 2002, C 137, p. 2] fixe l’objectif d’un niveau élevé de protection des consommateurs dans le domaine des transports, conformément à l’article 153, paragraphe 2, du traité.

(3) Le voyageur ferroviaire étant la partie faible du contrat de transport, il convient de sauvegarder ses droits à cet égard. »

4 L’article 1er, sous a), de ce règlement prévoit :

« Le présent règlement établit des règles en ce qui concerne :

a) les informations que doivent fournir les entreprises ferroviaires, la conclusion de contrats de transport, l’émission de billets et la mise en œuvre d’un système informatisé d’information et de réservation pour les transports ferroviaires ».

5 L’article 3 dudit règlement dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

2) “transporteur” : l’entreprise ferroviaire contractuelle avec laquelle le voyageur a conclu le contrat de transport ou une série d’entreprises ferroviaires successives qui sont responsables en vertu de ce contrat ;

[...]

8) “contrat de transport” : un contrat de transport à titre onéreux ou gratuit entre une entreprise ferroviaire ou un vendeur de billets et le voyageur en vue de la fourniture d’un ou de plusieurs services de transport ;

[...]

16) “conditions générales de transport” : les conditions du transporteur, qui se présentent sous la forme de conditions générales ou de tarifs juridiquement applicables dans chaque État membre et qui, par la conclusion du contrat de transport, sont devenues partie intégrante de celui-ci ;

[...] »

6 Le chapitre II du règlement no 1371/2007, intitulé « Contrat de transport, informations et billets », comprend les articles 4 à 10 de celui-ci. L’article 4 de ce règlement, intitulé « Contrat de transport », prévoit :

« Sous réserve des dispositions du présent chapitre, la conclusion et l’exécution d’un contrat de transport ainsi que la fourniture d’informations et de billets sont régies par les dispositions des titres II et III de l’annexe I. »

7 L’annexe I du règlement no 1371/2007, intitulée « Extrait des règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaire des voyageurs et des bagages (CIV) », est constituée des titres II à VII de l’appendice A de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF), du 9 mai 1980, telle que modifiée par le protocole de Vilnius du 3 juin 1999 (ci-après la « COTIF »). Dans cette annexe I figure ainsi le titre II de cet appendice, intitulé « Conclusion et
exécution du contrat de transport », qui contient les articles 6 à 11 dudit appendice.

8 Aux termes de l’article 6, intitulé « Contrat de transport », de l’appendice A de la COTIF :

« 1.   Par le contrat de transport, le transporteur s’engage à transporter le voyageur ainsi que, le cas échéant, des bagages et des véhicules au lieu de destination et à livrer les bagages et les véhicules au lieu de destination.

2.   Le contrat de transport doit être constaté par un ou plusieurs titres de transport remis au voyageur. Toutefois, sans préjudice de l’article 9, l’absence, l’irrégularité ou la perte du titre de transport n’affecte ni l’existence ni la validité du contrat, qui reste soumis aux présentes règles uniformes.

3.   Le titre de transport fait foi, jusqu’à preuve du contraire, de la conclusion et du contenu du contrat de transport. »

9 L’article 9 de cet appendice A, intitulé « Droit au transport. Exclusion du transport », dispose, à son paragraphe 1 :

« Dès le commencement du voyage, le voyageur doit être muni d’un titre de transport valable et doit le présenter lors du contrôle des titres de transport. Les [c]onditions générales de transport peuvent prévoir :

a) qu’un voyageur qui ne présente pas un titre de transport valable doit payer, outre le prix de transport, une surtaxe ;

b) qu’un voyageur qui refuse le paiement immédiat du prix de transport ou de la surtaxe peut être exclu du transport ;

c) si et dans quelles conditions un remboursement de la surtaxe a lieu. »

Le droit polonais

La loi portant code civil

10 L’article 117 de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. de 1964, no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à ses paragraphes 2 et 21 :

« § 2.   Au terme du délai de prescription, le débiteur peut se soustraire à son obligation, sauf s’il renonce à invoquer la prescription. [...]

§ 21.   Après l’expiration du délai de prescription, il n’est plus possible de faire valoir une créance contre un consommateur. »

La loi sur le droit des transports

11 Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, de l’ustawa Prawo przewozowe (loi sur le droit des transports), du 15 novembre 1984 (Dz. U. de 1984, no 53, position 272), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur le droit des transports ») :

« Le contrat de transport se conclut par l’achat d’un billet avant le début du voyage ou par le respect des autres conditions d’accès au moyen de transport prévues par le transporteur ou l’organisateur de transports publics collectifs ou, à défaut, simplement en prenant place dans le moyen de transport. »

12 L’article 33a, paragraphe 3, de la loi sur le droit des transports dispose :

« Lorsqu’il constate que le voyageur n’est pas muni d’un titre de transport valable, le transporteur ou l’organisateur de transports publics collectifs, ou une personne mandatée par lui, perçoit le prix du trajet ainsi que le supplément ou émet une demande de paiement. »

13 L’article 77, paragraphe 1, et paragraphe 3, point 4, de cette loi prévoit :

« 1.   Sans préjudice du paragraphe 2 et de l’article 78, les demandes fondées sur la présente loi ou sur ses dispositions d’exécution se prescrivent dans un délai d’un an.

[...]

3.   Le délai de prescription commence à courir :

[...]

4) pour des demandes de paiement ou de remboursement – à compter de la date du paiement ou, s’il n’y a pas eu paiement, à compter de la date à laquelle le paiement aurait dû être effectué. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

14 Le 10 septembre 2016, KG a effectué un voyage dans un train de la société Koleje Mazowieckie – KM sp. z o.o., qui est un transporteur ferroviaire, sans être muni d’un titre de transport valable. En application du tarif du transporteur ferroviaire, il lui a été réclamé la somme de 191,82 zloty polonais (PLN) (environ 40,50 euros), correspondant au prix du billet d’un montant de 6,82 PLN (environ 1,50 euro) majoré d’un supplément de 185 PLN (environ 39 euros).

15 Par contrat de cession du 2 janvier 2019, Dunaj-Finanse a acquis la créance du transporteur contre KG.

16 Par un recours du 16 juin 2021, Dunaj-Finanse a saisi le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Śródmieście, siégeant à Varsovie, Pologne), la juridiction de renvoi, d’une demande tendant à voir condamner KG au paiement de ladite somme, majorée des intérêts moratoires calculés au taux légal jusqu’à la date du paiement, au titre de l’article 33a, paragraphe 3, de la loi sur le droit des transports. Cette société a fait valoir que, en vertu de
l’article 16, paragraphe 1, de cette loi, aucun contrat de transport n’avait été conclu entre le transporteur ferroviaire et KG, de sorte que ce dernier ne pouvait être considéré comme étant partie à un contrat de transport ni, partant, comme un consommateur. Elle a ajouté que la disposition nationale prévoyant que le juge soulève d’office la prescription d’une créance invoquée contre un consommateur n’était donc pas applicable dans le cadre de l’affaire au principal.

17 La juridiction de renvoi expose qu’il ressort de l’article 77 de ladite loi que la créance réclamée était prescrite à la date de l’introduction du recours le 16 juin 2021 mais que, au titre de l’article 117, paragraphe 21, de la loi portant code civil, dans sa version applicable au litige au principal, elle ne peut constater cette prescription d’office, et donc rejeter le recours, que si KG peut être considéré comme un consommateur, ce qui suppose que ce dernier ait conclu un contrat de transport
avec le transporteur ferroviaire. En revanche, s’il doit être retenu qu’aucun contrat n’a été conclu et que, partant, KG ne peut être considéré comme un consommateur, il ne peut être tenu compte de la prescription de la créance que si KG l’invoque, ce qu’il n’a pas fait, de sorte qu’il y aurait lieu d’accueillir le recours.

18 À cet égard, la juridiction de renvoi précise que, bien qu’un contrat de transport puisse être conclu tacitement conformément aux règles générales du droit national, l’article 16, paragraphe 1, de la loi sur le droit des transports, tel qu’interprété notamment par le Sąd Okręgowy w Kielcach (tribunal régional de Kielce, Pologne) dans un arrêt du 1er septembre 2019, ne permettrait pas de conclure à l’existence d’un tel contrat dans une situation où le passager a pris place dans un train sans avoir
acheté de titre de transport, alors que les conditions générales de transport en cause prévoyaient que la condition de la conclusion d’un contrat est l’achat d’un billet et sa légalisation ou son activation.

19 Ainsi, ladite juridiction se demande si une telle réglementation nationale est conforme au règlement no 1371/2007, en particulier à l’article 3, point 8, de ce règlement, définissant la notion de « contrat de transport », tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a. (C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936).

20 La juridiction de renvoi ajoute qu’il y aurait lieu de considérer que les dispositions dudit règlement s’opposent à cette réglementation nationale, une telle solution étant, en particulier, soutenue par le principe d’efficacité. En effet, cette juridiction relève que l’objectif principal du règlement no 1371/2007 est d’assurer un niveau élevé de protection et de sécurité aux passagers qui sont la partie faible des contrats de transport. Or, cet objectif serait partiellement réduit à néant si une
partie au moins des dispositions de ce règlement n’était pas applicable à une catégorie donnée de passagers. Par ailleurs, le passager voyageant sans titre de transport ne pourrait pas être regardé comme un « consommateur » en vertu d’autres dispositions du droit de l’Union, telles que celles de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), de sorte que la position juridique de ce
passager serait d’autant plus affaiblie.

21 Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Śródmieście, siégeant à Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 3, point 8, du règlement [no 1371/2007], l’article 6, paragraphes 1 et 2, de l’appendice A figurant à l’annexe I du règlement no 1371/2007, l’article 169, paragraphe 1, [TFUE], les articles 20 et 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que les principes d’effectivité, d’égalité en droit et de cohérence du système juridique doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition de droit national en vertu de laquelle aucun contrat de
transport n’est conclu entre un transporteur et un passager qui prend place dans un train sans avoir l’intention d’acheter un billet ? »

Sur la question préjudicielle

22 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

23 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

24 À titre liminaire, il convient de relever que, dans sa question, la juridiction de renvoi s’est référée au règlement no 1371/2007 ainsi qu’à l’article 169, paragraphe 1, TFUE, aux articles 20 et 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi qu’aux principes d’effectivité, d’égalité en droit et de cohérence du système juridique. Toutefois, il ressort de la demande de décision préjudicielle que seule est en cause dans le cadre de la présente affaire la notion de « contrat de
transport », au sens de ce règlement.

25 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêts du 8 juin 2017, Freitag, C‑541/15, EU:C:2017:432, point 29, et du
18 novembre 2021, A. S.A., C‑212/20, EU:C:2021:934, point 36 ainsi que jurisprudence citée).

26 Il convient, par conséquent, de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, point 8, du règlement no 1371/2007, lu conjointement avec l’article 6, paragraphes 1 et 2, de l’appendice A de l’annexe I de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition de droit national en vertu de laquelle aucun contrat de transport n’est conclu entre un transporteur et un passager qui prend place dans un train sans avoir l’intention
d’acheter un billet.

27 Il importe de rappeler que, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

28 Tout d’abord, s’agissant du libellé de l’article 3, point 8, du règlement no 1371/2007, d’une part, le terme « contrat », dans son sens courant, désigne un accord de volontés concordantes destiné à produire des effets juridiques. D’autre part, dans le cadre du domaine régi par ce règlement et eu égard au libellé de cette disposition, cet effet consiste principalement en l’obligation pour l’entreprise ferroviaire de fournir au voyageur un ou plusieurs services de transport et en l’obligation pour
le voyageur de s’acquitter du paiement du prix, à moins que le service de transport ne soit fourni à titre gratuit (arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 36).

29 Ainsi, d’une part, en laissant un libre accès à son train, et, d’autre part, en montant à bord de celui-ci en vue d’effectuer un trajet, tant l’entreprise ferroviaire que le voyageur manifestent leurs volontés concordantes d’entrer dans une relation contractuelle, de sorte que les conditions nécessaires pour établir l’existence d’un contrat de transport sont, en principe, satisfaites. Le libellé de l’article 3, point 8, du règlement no 1371/2007 ne permet toutefois pas de déterminer si la
détention, par le voyageur, d’un billet est un élément indispensable pour pouvoir considérer qu’il existe un « contrat de transport », au sens de cette disposition (arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 37).

30 Ensuite, concernant le contexte dans lequel s’insère cet article 3, point 8, il découle clairement de celui-ci que le billet, également désigné, dans l’appendice A de l’annexe I de ce règlement, par les termes « titre de transport », n’est que l’instrument qui matérialise le contrat de transport, au sens dudit règlement (arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 48).

31 À cet égard, les termes « contrat de transport » figurent dans plusieurs autres dispositions du même règlement, notamment à son article 4 prévoyant que, « [s]ous réserve des dispositions du [chapitre II du règlement no 1371/2007], la conclusion et l’exécution d’un contrat de transport ainsi que la fourniture d’informations et de billets sont régies par les dispositions des titres II et III de l’annexe I » de ce règlement. Or, dans cette annexe I, est notamment reproduit le titre II de
l’appendice A de la COTIF, relatif à la conclusion et à l’exécution du contrat de transport, dont l’article 6 indique, à son paragraphe 1, que, « [p]ar le contrat de transport, le transporteur s’engage à transporter le voyageur [...] au lieu de destination » et précise, à son paragraphe 2, que le contrat de transport doit être constaté par un ou plusieurs titres de transport remis au voyageur et que, sans préjudice de l’article 9 de cet appendice, l’absence, l’irrégularité ou la perte du titre de
transport n’affecte ni l’existence ni la validité du contrat, qui reste soumis aux règles uniformes établies par la COTIF (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, points 38, 40 et 41).

32 Quant à l’article 9 de cet appendice A, si celui-ci prévoit, à son paragraphe 1, première phrase, que, dès le commencement du voyage, le voyageur doit être muni d’un titre de transport valable, cet article 9 précise, à son paragraphe 1, seconde phrase, sous a) et b), que les conditions générales de transport peuvent prévoir qu’un voyageur qui ne présente pas un titre de transport valable doit payer, outre le prix de transport, une surtaxe, et qu’un voyageur qui refuse le paiement immédiat du prix
de transport ou de la surtaxe peut être exclu du transport (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 45).

33 Dans la mesure où un voyageur qui ne présente pas de titre de transport valable ou refuse le paiement immédiat du titre de transport peut ainsi se voir opposer, en vertu de cet article 9, les conditions générales de transport, et dans la mesure où celles-ci, selon l’article 3, point 16, de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 3, point 2, de celui-ci, deviennent, aux fins dudit règlement, partie intégrante du contrat de transport entre l’entreprise ferroviaire et le voyageur par la
conclusion de celui-ci, il en résulte qu’une telle entreprise qui laisse un libre accès à ses trains et un voyageur qui monte à bord d’un tel train en vue d’effectuer un trajet doivent être considérés comme étant parties à un « contrat de transport », au sens du même règlement, dès que ce voyageur se trouve ainsi à bord du train. En effet, dans le cas contraire, ledit voyageur ne saurait, sur la base du règlement no 1371/2007, se voir opposer ces conditions générales de transport (arrêt du
7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 47).

34 Le libellé de l’article 3, point 8, du règlement no 1371/2007 et le contexte dans lequel s’insère cette disposition conduisent, par conséquent, à considérer que la notion de « contrat de transport », au sens de ladite disposition, doit, aux fins de ce règlement, s’entendre comme étant indépendante de la détention, par le voyageur, d’un billet et en ce sens qu’elle englobe une situation dans laquelle un voyageur monte à bord d’un train librement accessible en vue d’effectuer un trajet sans s’être
procuré de billet (arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 49).

35 Cette interprétation est confortée par les objectifs poursuivis par le règlement no 1371/2007. D’une part, aux termes de son article 1er, sous a), ce règlement a notamment pour objet d’établir des règles en ce qui concerne la conclusion de contrats de transport. D’autre part, le considérant 1 dudit règlement souligne notamment que, dans le cadre de la politique commune des transports, il importe de sauvegarder les droits des voyageurs ferroviaires. De plus, il ressort du considérant 2 du même
règlement qu’un niveau élevé de protection des consommateurs dans le domaine des transports doit être atteint et, selon le considérant 3 de celui-ci, le voyageur ferroviaire étant la partie faible du contrat de transport, il convient de sauvegarder ses droits à cet égard (arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 50).

36 Il serait contraire à ces objectifs de considérer que la notion de « contrat de transport », au sens du règlement no 1371/2007, doit être interprétée en ce sens qu’elle n’englobe pas une situation dans laquelle un voyageur monte à bord d’un train librement accessible en vue d’effectuer un trajet sans s’être procuré de billet. En effet, s’il était permis de considérer qu’un tel voyageur peut, au seul motif qu’il ne dispose pas d’un billet lorsqu’il monte à bord du train, être considéré comme
n’étant pas partie à une relation contractuelle avec l’entreprise ferroviaire ayant laissé ses trains en libre accès, ce voyageur pourrait, pour des circonstances qui ne lui sont pas imputables, être privé des droits que ce règlement attache à la conclusion d’un contrat de transport, ce qui heurterait l’objectif de protection des voyageurs ferroviaires poursuivi par ledit règlement et rappelé aux considérants 1 à 3 de celui-ci (arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18,
EU:C:2019:936, point 51).

37 Il s’ensuit que la notion de « contrat de transport », au sens de l’article 3, point 8, du règlement no 1371/2007, qui constitue une notion autonome du droit de l’Union devant être interprétée de manière uniforme dans tous les États membres, englobe une situation dans laquelle un voyageur monte à bord d’un train librement accessible en vue d’effectuer un trajet sans s’être procuré de billet, que ce voyageur ait ou non l’intention d’acheter un tel billet (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre
2019, Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 53).

38 Par conséquent, un État membre ne saurait prévoir qu’une situation dans laquelle un passager monte à bord d’un train librement accessible en vue d’effectuer un trajet sans s’être procuré de billet et sans avoir l’intention d’en acheter un est exclue de cette notion de « contrat de transport ».

39 Par ailleurs, il convient de rappeler que l’interprétation visée au point 37 de la présente ordonnance, en l’absence de dispositions à cet égard dans le règlement no 1371/2007, est sans préjudice de la validité de ce contrat ou des conséquences pouvant être attachées à l’inexécution, par l’une des parties, de ses obligations contractuelles, lesquelles, en l’absence de dispositions à cet égard dans ce règlement, demeurent régies par le droit national (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019,
Kanyeba e.a., C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936, point 52).

40 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 3, point 8, du règlement no 1371/2007, lu conjointement avec l’article 6, paragraphes 1 et 2, de l’appendice A de l’annexe I de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition de droit national en vertu de laquelle aucun contrat de transport n’est conclu entre un transporteur et un passager qui prend place dans un train librement accessible sans avoir l’intention d’acheter un
billet.

Sur les dépens

41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

  L’article 3, point 8, du règlement (CE) no 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, lu conjointement avec l’article 6, paragraphes 1 et 2, de l’appendice A de l’annexe I de ce règlement,

  doit être interprété en ce sens que :

  il s’oppose à une disposition de droit national en vertu de laquelle aucun contrat de transport n’est conclu entre un transporteur et un passager qui prend place dans un train librement accessible sans avoir l’intention d’acheter un billet.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-530/22
Date de la décision : 16/02/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Sąd Rejonowy dla Warszawy - Śródmieścia w Warszawie.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Transport ferroviaire – Droits et obligations des voyageurs – Règlement (CE) no 1371/2007 – Article 3, point 8 – Contrat de transport – Notion – Voyageur sans billet lors de sa montée à bord du train – Protection des consommateurs.

Transports


Parties
Demandeurs : Dunaj-Finanse sp. z o.o.
Défendeurs : KG.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella
Rapporteur ?: von Danwitz

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:129

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