La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2022 | CJUE | N°C-460/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, TU et RE contre Google LLC., 08/12/2022, C-460/20


 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel – Directive 95/46/CE – Article 12, sous b) – Article 14, premier alinéa, sous a) – Règlement (UE) 2016/679 – Article 17, paragraphe 3, sous a) – Exploitant d’un moteur de recherche sur Internet – Recherche effectuée à partir du nom d’une personne – Affichage d’un lien menant vers des articles contenant des informations prétendument inexactes

dans la liste de résultats de recherche –
Affichage, sous la forme de vignettes (thumbnails), des photographies illust...

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel – Directive 95/46/CE – Article 12, sous b) – Article 14, premier alinéa, sous a) – Règlement (UE) 2016/679 – Article 17, paragraphe 3, sous a) – Exploitant d’un moteur de recherche sur Internet – Recherche effectuée à partir du nom d’une personne – Affichage d’un lien menant vers des articles contenant des informations prétendument inexactes dans la liste de résultats de recherche –
Affichage, sous la forme de vignettes (thumbnails), des photographies illustrant ces articles dans la liste de résultats d’une recherche d’images – Demande de déréférencement adressée à l’exploitant du moteur de recherche – Mise en balance des droits fondamentaux – Articles 7, 8, 11 et 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Obligations et responsabilités incombant à l’exploitant du moteur de recherche du traitement d’une demande de déréférencement – Charge de la preuve
pesant sur le demandeur de déréférencement »

Dans l’affaire C‑460/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 27 juillet 2020, parvenue à la Cour le 24 septembre 2020, dans la procédure

TU,

RE

contre

Google LLC,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice‑président, Mmes A. Prechal, K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi et M. D. Gratsias, présidents de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur), F. Biltgen, N. Piçarra, N. Jääskinen, N. Wahl, Mme I. Ziemele et M. J. Passer, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 janvier 2022,

considérant les observations présentées :

– pour TU et RE, par Mes M. Siegmann et T. Stöber, Rechtsanwälte,

– pour Google LLC, par Mes B. Heymann, J. Spiegel et J. Wimmers, Rechtsanwälte,

– pour le gouvernement hellénique, par Mmes S. Charitaki, A. Magrippi et M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par MM. G. Kunnert, A. Posch et Mme J. Schmoll, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et L. Liţu, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. A. Bouchagiar, F. Erlbacher, H. Kranenborg et D. Nardi, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 avril 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 3, sous a), du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, ci-après le « RGPD »), ainsi que de l’article 12, sous b),
et de l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31), lus à la lumière des articles 7, 8, 11 et 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant TU et RE à Google LLC au sujet d’une demande tendant à ce que, d’une part, des articles dans lesquels ils sont identifiés soient déréférencés des résultats fournis à l’issue d’une recherche effectuée à partir de leurs noms et, d’autre part, des photographies les représentant, affichées sous la forme de vignettes (« thumbnails »), soient supprimées des résultats d’une recherche d’images.

Le cadre juridique

La directive 95/46

3 L’article 1er de la directive 95/46, intitulé « Objet de la directive », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Les États membres assurent, conformément à la présente directive, la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel. »

4 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », disposait :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “données à caractère personnel” : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (personne concernée) ; [...]

b) “traitement de données à caractère personnel” (traitement) : toute opération ou ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel, [...]

[...]

d) “responsable du traitement” : la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel ; [...]

[...] »

5 Figurant dans la section I du chapitre II de ladite directive, intitulée « Principes relatifs à la qualité des données », l’article 6 de celle-ci était libellé comme suit :

« 1.   Les États membres prévoient que les données à caractère personnel doivent être :

[...]

d) exactes et, si nécessaire, mises à jour ; toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes, au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement, soient effacées ou rectifiées ;

[...] »

6 Figurant dans la section V du chapitre II de la même directive, intitulée « Droit d’accès de la personne concernée aux données », l’article 12 de celle-ci, lui-même intitulé « Droit d’accès », énonçait :

« Les États membres garantissent à toute personne concernée le droit d’obtenir du responsable du traitement :

[...]

b) selon le cas, la rectification, l’effacement ou le verrouillage des données dont le traitement n’est pas conforme à la présente directive, notamment en raison du caractère incomplet ou inexact des données ;

[...] »

7 Figurant dans la section VII du chapitre II de la directive 95/46, intitulée « Droit d’opposition de la personne concernée », l’article 14, premier alinéa, de celle-ci prévoyait :

« Les États membres reconnaissent à la personne concernée le droit :

a) au moins dans les cas visés à l’article 7 points e) et f), de s’opposer à tout moment, pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que des données la concernant fassent l’objet d’un traitement, sauf en cas de disposition contraire du droit national. En cas d’opposition justifiée, le traitement mis en œuvre par le responsable du traitement ne peut plus porter sur ces données ;

[...] »

Le RGPD

8 Conformément à son article 94, paragraphe 1, le RGPD a abrogé la directive 95/46 avec effet au 25 mai 2018. En vertu de son article 99, paragraphe 2, il est applicable depuis cette même date.

9 Les considérants 4, 39 et 65 de ce règlement énoncent :

« (4) Le traitement des données à caractère personnel devrait être conçu pour servir l’humanité. Le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu ; il doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Le présent règlement respecte tous les droits fondamentaux et observe les libertés et les principes reconnus par la Charte, consacrés par les
traités, en particulier le respect de la vie privée et familiale, du domicile et des communications, la protection des données à caractère personnel, la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’expression et d’information, la liberté d’entreprise, le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, et la diversité culturelle, religieuse et linguistique.

[...]

(39) [...] Il y a lieu de prendre toutes les mesures raisonnables afin de garantir que les données à caractère personnel qui sont inexactes sont rectifiées ou supprimées. [...]

[...]

(65) Les personnes concernées devraient avoir le droit de faire rectifier des données à caractère personnel les concernant, et disposer d’un “droit à l’oubli” lorsque la conservation de ces données constitue une violation du présent règlement ou du droit de l’Union ou du droit d’un État membre auquel le responsable du traitement est soumis. [...] Toutefois, la conservation ultérieure des données à caractère personnel devrait être licite lorsqu’elle est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté
d’expression et d’information [...] »

10 Figurant au chapitre I dudit règlement, intitulé « Dispositions générales », l’article 4 de celui-ci, lui-même intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

1) “données à caractère personnel”, toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable (ci-après dénommée “personne concernée”) ; [...]

2) “traitement”, toute opération ou tout ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou des ensembles de données à caractère personnel [...]

[...]

7) “responsable du traitement”, la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement ; [...]

[...] »

11 Figurant au chapitre II du même règlement, intitulé « Principes », l’article 5 de celui-ci, lui-même intitulé « Principes relatifs au traitement des données à caractère personnel », dispose :

« 1.   Les données à caractère personnel doivent être :

[...]

d) exactes et, si nécessaire, tenues à jour ; toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données à caractère personnel qui sont inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans tarder (exactitude) ;

[...]

2.   Le responsable du traitement est responsable du respect du paragraphe 1 et est en mesure de démontrer que celui-ci est respecté (responsabilité). »

12 La section 3 du chapitre III du RGPD, intitulée « Rectification et effacement », comporte, notamment, les articles 16 et 17 de celui-ci.

13 L’article 16 de ce règlement, intitulé « Droit de rectification », prévoit :

« La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes. Compte tenu des finalités du traitement, la personne concernée a le droit d’obtenir que les données à caractère personnel incomplètes soient complétées, y compris en fournissant une déclaration complémentaire. »

14 L’article 17 dudit règlement, intitulé « Droit à l’effacement (“droit à l’oubli”) », est libellé comme suit :

« 1.   La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais, lorsque l’un des motifs suivants s’applique :

a) les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d’une autre manière ;

b) la personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement, conformément à l’article 6, paragraphe 1, point a), ou à l’article 9, paragraphe 2, point a), et il n’existe pas d’autre fondement juridique au traitement ;

c) la personne concernée s’oppose au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 1, et il n’existe pas de motif légitime impérieux pour le traitement, ou la personne concernée s’oppose au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 2 ;

d) les données à caractère personnel ont fait l’objet d’un traitement illicite ;

e) les données à caractère personnel doivent être effacées pour respecter une obligation légale qui est prévue par le droit de l’Union ou par le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis ;

f) les données à caractère personnel ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information visée à l’article 8, paragraphe 1.

2.   Lorsqu’il a rendu publiques les données à caractère personnel et qu’il est tenu de les effacer en vertu du paragraphe 1, le responsable du traitement, compte tenu des technologies disponibles et des coûts de mise en œuvre, prend des mesures raisonnables, y compris d’ordre technique, pour informer les responsables du traitement qui traitent ces données à caractère personnel que la personne concernée a demandé l’effacement par ces responsables du traitement de tout lien vers ces données à
caractère personnel, ou de toute copie ou reproduction de celles-ci.

3.   Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas dans la mesure où ce traitement est nécessaire :

a) à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information ;

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 TU est membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une société d’investissements ainsi que président d’une filiale de celle-ci, lesquelles constituent, ensemble et avec d’autres sociétés, un groupe de sociétés. Il est également l’associé unique d’une troisième société, laquelle est l’associée unique d’une quatrième société, cette dernière détenant à son tour 60 % des parts d’une cinquième société.

16 RE était la compagne de TU et, jusqu’au mois de mai 2015, fondée de pouvoir de cette quatrième société.

17 Les 27 avril, 4 juin et 16 juin 2015, trois articles qui présentaient de manière critique le modèle d’investissement mis en œuvre par la cinquième société et le groupe de sociétés, visés au point 15 du présent arrêt, ont été publiés sur le site Internet www.g...net (ci-après le « site g‑net »). L’article du 4 juin 2015 était en outre illustré de trois photographies de TU, respectivement, au volant d’une automobile de luxe, dans une cabine d’hélicoptère et devant un avion, ainsi que d’une
photographie de RE dans une automobile décapotable.

18 L’exploitant du site g-net est, selon les mentions légales (« Impressum »), G-LLC, ayant son siège à New York (États-Unis). L’objet social de G-LLC est, selon ses propres indications, de « contribuer durablement, par une diffusion active de l’information et une transparence de tous les instants, à la prévention de la fraude dans l’économie et la société ». Différentes publications ont rendu compte de manière critique du modèle d’entreprise de G-LLC, notamment en lui reprochant d’exercer un
« chantage » sur les entreprises en publiant d’abord des rapports négatifs sur celles-ci et en proposant ensuite, en échange d’une somme d’argent, d’effacer ces rapports ou d’empêcher la publication de ceux-ci.

19 Google référençait dans la liste de résultats les articles des 4 juin 2015 et 16 juin 2015 lors de la saisie dans son moteur de recherche des noms et prénoms des requérants au principal, tant isolément qu’en combinaison avec certains noms de sociétés, ainsi que l’article du 27 avril 2015 lors de la saisie de certains noms de sociétés, et renvoyait à ces articles au moyen d’un lien. En outre, lors d’une recherche d’images sur ce moteur, Google affichait dans la liste de résultats, sous la forme de
vignettes, les photographies des requérants au principal contenues dans l’article du 4 juin 2015. L’affichage de ces photographies a cessé au plus tard au mois de septembre 2017. Quant aux articles, ils ne seraient plus accessibles sur le site g‑net depuis le 28 juin 2018 au plus tard.

20 Les requérants au principal ont demandé à Google, en tant que responsable du traitement des données à caractère personnel effectué par son moteur de recherche, d’une part, de déréférencer de la liste des résultats de recherche les liens vers les articles en cause au principal, au motif que ceux-ci contiendraient des allégations inexactes et des opinions diffamatoires, et, d’autre part, de retirer les vignettes de la liste des résultats de recherche. Ils prétendaient avoir, eux aussi, subi un
« chantage » de la part de G-LLC.

21 Google a refusé de donner suite à cette demande, en renvoyant au contexte professionnel dans lequel s’inscrivaient les articles et les photographies en cause au principal et en arguant de son ignorance en ce qui concerne la prétendue inexactitude des informations que ces articles contenaient.

22 Au cours de l’année 2015, les requérants au principal ont saisi le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne) d’un recours tendant à ce qu’il soit enjoint à Google de déréférencer de ses listes de résultats de recherche les liens vers les articles en cause au principal et de mettre fin à l’affichage, sous la forme de vignettes, des photographies les représentant. Par un jugement du 22 novembre 2017, cette juridiction a rejeté le recours.

23 Les requérants au principal ont interjeté appel de ce jugement devant l’Oberlandesgericht Köln (tribunal régional supérieur de Cologne, Allemagne), qui les a déboutés par arrêt du 8 novembre 2018. Cette juridiction a souligné que le mode de fonctionnement spécifique d’un moteur de recherche et l’importance particulière que celui-ci revêt pour le fonctionnement d’Internet doivent peser de manière significative dans le cadre de la mise en balance des droits et des intérêts concurrents qu’il
convient d’opérer. Étant donné que l’exploitant du moteur de recherche n’a généralement aucun lien juridique avec les fournisseurs des contenus référencés et qu’il lui est impossible d’enquêter sur les faits et de les évaluer en tenant compte également de l’avis de ces fournisseurs, il ne serait soumis à des obligations de comportement spécifiques que lorsqu’il prend connaissance, à la suite d’une indication concrète de la personne concernée, d’une violation du droit flagrante et clairement
détectable au premier regard. Ces principes seraient également valables dans le cas où le moteur de recherche est utilisé uniquement pour rechercher des images, étant donné que les intérêts pertinents en présence seraient comparables.

24 La juridiction d’appel a ajouté que, pour autant qu’il convienne de tenir compte de manière déterminante de l’exactitude du fait allégué, la charge de la preuve à cet égard incombe au demandeur de déréférencement. Or, en l’occurrence, étant donné que les requérants au principal n’ont pas prouvé le caractère inexact des faits rapportés à leur sujet, Google serait dans l’impossibilité de procéder à une évaluation concluante des articles en cause au principal et, partant, ne serait pas tenue de
procéder à leur déréférencement. S’agissant des photographies affichées sous la forme de vignettes, celles-ci pourraient, en ce qu’elles accompagnent l’un de ces articles, être regardées comme étant des images d’actualité.

25 Les requérants au principal ont introduit un recours en Revision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), la juridiction de renvoi.

26 Cette juridiction fait observer que l’issue de ce recours dépend de l’interprétation du droit de l’Union, notamment de l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD ainsi que de l’article 12, sous b), et de l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46.

27 À titre liminaire, la juridiction de renvoi souligne que, de son point de vue, la demande tendant à ce qu’il soit enjoint à Google de déréférencer de la liste des résultats de recherche les liens vers les articles en cause au principal relève ratione temporis du RGPD, tandis que la demande tendant à ce qu’il soit enjoint à Google de supprimer les vignettes de la liste des résultats de la recherche d’images relève ratione temporis de la directive 95/46, étant donné que celles-ci n’étaient plus
affichées par le moteur de recherche exploité par Google à la date d’entrée en vigueur du RGPD. Toutefois, s’agissant de cette dernière demande, ladite juridiction demande à la Cour de fournir une réponse à ce sujet en tenant compte également de ce règlement.

28 La juridiction de renvoi fait ensuite observer que la circonstance que les articles en cause au principal ne sont plus disponibles sur le site g-net et que Google n’affiche plus les vignettes n’a pas fait disparaître l’intérêt des requérants au principal à poursuivre leur demande de déréférencement, étant donné que le site g-net se bornerait à indiquer que, pour différentes raisons, ces articles sont « pour l’instant » indisponibles. Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que lesdits
articles soient remis en ligne dans le futur et de nouveau référencés par le moteur de recherche de Google, étant d’ailleurs précisé que cette dernière société estime toujours que cette demande de déréférencement est injustifiée et qu’elle maintient son refus d’y faire droit.

29 Sur le fond, s’agissant, en premier lieu, de la demande de déréférencement de la liste de résultats de recherche des liens vers les articles en cause au principal, la juridiction de renvoi relève que les requérants au principal la justifient en invoquant, notamment, l’inexactitude de certaines affirmations figurant dans ces articles. Se poserait donc la question de savoir s’il leur appartenait de prouver l’inexactitude alléguée de ces affirmations ou, à tout le moins, d’établir un certain degré
d’évidence de cette inexactitude ou si, au contraire, Google aurait dû soit présumer l’exactitude des allégations des requérants au principal, soit chercher à éclaircir elle-même les faits.

30 Selon la juridiction de renvoi, l’exigence de mettre en balance, sur un pied d’égalité, les droits fondamentaux concurrents découlant des articles 7 et 8 de la Charte, d’une part, et des articles 11 et 16 de la Charte, d’autre part, n’est pas satisfaite si, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, la charge de la preuve pèse exclusivement sur l’une ou sur l’autre partie.

31 Partant, cette juridiction propose de retenir une solution visant à imposer à la personne concernée de résoudre au moins provisoirement la question de l’exactitude du contenu référencé en poursuivant son droit en justice auprès du fournisseur de contenu, pour autant que l’obtention d’une protection juridictionnelle à tout le moins provisoire soit pour elle une option raisonnable compte tenu des circonstances du cas d’espèce. Certes, dans la mesure où elle n’a pas de lien avec le fournisseur de
contenu, la personne concernée pourrait rencontrer les mêmes difficultés que l’exploitant du moteur de recherche à entrer en contact avec celui-ci. Toutefois, cette personne connaîtrait le caractère exact ou non du contenu référencé. Le point de savoir s’il peut être raisonnablement exigé de ladite personne de poursuivre son droit en justice auprès du fournisseur de contenu pourrait dépendre, par exemple, du point de savoir si celui‑ci peut être ou non sollicité sans difficulté particulière au
sein de l’Union européenne.

32 Dans cette optique, la juridiction de renvoi tend à considérer qu’il peut être, en règle générale, raisonnablement exigé de la personne concernée d’intenter une action en référé contre un fournisseur de contenu dont le nom est connu, mais non contre un fournisseur anonyme ou un fournisseur auquel il est impossible d’adresser des notifications. En revanche, serait sans incidence, pour les droits envers l’exploitant du moteur de recherche, la possibilité effective d’obtenir l’exécution d’une
éventuelle injonction d’effacement à l’encontre du fournisseur de contenu.

33 En second lieu, s’agissant de la demande tendant à ce qu’il soit enjoint à Google de mettre fin à l’affichage, sous la forme de vignettes, des photographies des requérants au principal contenues dans l’article du 4 juin 2015, la juridiction de renvoi fait observer, tout d’abord, que ces vignettes contiennent, certes, un lien, permettant d’accéder à la page Internet du tiers sur laquelle la photographie correspondante a été publiée et ainsi de prendre connaissance du contexte dans lequel cette
publication s’insère. Toutefois, dans la mesure où la liste des résultats d’une recherche d’images n’affiche que les vignettes, sans reprendre les éléments du contexte de ladite publication sur la page Internet du tiers, cette liste, en soi, serait neutre et ne permettrait pas de connaître le contexte de la publication initiale.

34 Ainsi, la question se poserait de savoir si, pour la mise en balance à effectuer dans le cadre de l’article 12, sous b), et de l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 ou de l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD, il convient de tenir compte seulement de la vignette en tant que telle dans le contexte neutre de la liste de résultats ou également du contexte initial de la publication de l’image correspondante.

35 À cet égard, la juridiction de renvoi constate que, dans l’affaire au principal, qui concerne des personnes qui ne sont pas connues du grand public, les photographies en question n’apportent, en elles-mêmes, aucune contribution au débat public et ne répondent pas à un besoin d’information prépondérant au sens des dispositions mentionnées au point précédent. Cependant, en lien avec l’article du 4 juin 2015 publié sur le site g-net, elles joueraient un rôle important pour étayer le message contenu
dans cet article, selon lequel les requérants au principal, grâce à leur qualité d’initiateurs et de dirigeants de la quatrième société et du groupe de sociétés visés au point 15 du présent arrêt, jouiraient d’un niveau de vie élevé et disposeraient de biens de luxe, tandis que les salariés, les distributeurs et les clients de ces sociétés s’interrogeraient sur la sécurité des investissements opérés. Partant, dans l’hypothèse où il devrait être tenu compte du contexte dans lequel ces
photographies ont été initialement publiées, leur publication en tant que vignettes dans la liste de résultats devrait être considérée comme étant justifiée, pourvu que le texte qu’elles accompagnent soit lui-même légal.

36 Selon la juridiction de renvoi, un élément plaidant en faveur d’une prise en compte du contexte de la publication initiale réside dans le fait que, techniquement, les vignettes constituent des liens renvoyant vers la page Internet du tiers. De même, il serait notoire que l’utilisateur moyen avisé d’un moteur de recherche d’images a connaissance du fait que les vignettes réunies par le moteur de recherche dans une liste de résultats sont extraites de publications de tiers et que les photographies
correspondant à ces vignettes sont présentées, dans ces publications, dans un certain contexte.

37 Toutefois, il conviendrait de tenir compte du fait que le contexte initial de la publication des images n’est ni indiqué ni autrement visible lors de l’affichage de la vignette, à la différence de ce qui est le cas pour les autres résultats référencés. Or, un utilisateur qui, dès le départ, ne s’intéresse qu’à l’affichage de l’image n’a en règle générale aucune raison de rechercher l’origine et le contexte initial de la publication.

38 Par conséquent, selon la juridiction de renvoi, il semble logique, aux fins de l’appréciation de la légalité du traitement de données par le responsable du moteur de recherche concerné, de n’inclure dans la mise en balance visée à l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 ou de l’article 17, paragraphe 3, du RGPD que les droits et les intérêts tels qu’ils ressortent de la vignette même.

39 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Dans le cadre de la mise en balance des droits et intérêts concurrents découlant des articles 7, 8, 11 et 16 de la Charte qu’il convient, conformément à l’article 17, paragraphe 3, sous a), du [RGPD], d’opérer lors de l’examen d’une demande de déréférencement présentée par la personne concernée contre le responsable d’un service de recherche sur Internet, est-il compatible avec le droit au respect de la vie privée (article 7 de la [Charte]) et à la protection des données à caractère
personnel (article 8 de la [Charte]) de cette personne de tenir compte de manière déterminante, lorsque le lien dont le déréférencement est demandé mène à un contenu qui contient des allégations et des jugements de valeur fondés sur ces allégations dont la véracité est contestée par celle-ci et conditionne la légalité dudit contenu, également du point de savoir si ladite personne concernée serait raisonnablement en mesure d’obtenir une protection juridictionnelle – par exemple par une
ordonnance de référé – contre le fournisseur de contenu et, ainsi, de résoudre au moins provisoirement la question de la véracité du contenu référencé par le responsable du moteur de recherche ?

2) Dans le cas d’une demande de déréférencement présentée contre le responsable d’un service de recherche sur Internet qui, en cas de recherche par nom, recherche des photographies de personnes physiques que des tiers ont mises sur Internet en association avec le nom de la personne, et qui, dans sa liste de résultats, affiche en tant que vignettes (“thumbnails”) les photographies qu’il a trouvées, convient-il, dans le cadre de la mise en balance des droits et intérêts concurrents découlant des
articles 7, 8, 11 et 16 de la Charte qu’il convient d’opérer en application de l’article 12, sous b), et de l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive [95/46] ou de l’article 17, paragraphe 3, sous a), du [RGPD], de tenir compte de manière déterminante du contexte de la publication initiale du tiers, même si la page Internet du tiers, lors de l’affichage de la vignette par le moteur de recherche, est certes indiquée sous la forme d’un lien, mais n’est pas concrètement désignée, et
que le contexte qui en ressort n’est pas conjointement affiché par le service de recherche sur Internet ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

Sur la recevabilité

40 Google émet des doutes quant à la recevabilité de la première question, au motif que le problème que celle-ci soulève serait de nature hypothétique. En particulier, la solution suggérée par la juridiction de renvoi se présenterait sous la forme d’un schéma abstrait et détaché des faits en cause dans l’affaire au principal. En outre, la Cour ne disposerait pas des éléments nécessaires pour donner une réponse utile à cette question.

41 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des
questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland, C‑709/20, EU:C:2021:602, point 54 et jurisprudence citée).

42 Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 15 juillet 2021, The
Department for Communities in Northern Ireland, C‑709/20, EU:C:2021:602, point 55 et jurisprudence citée).

43 En l’occurrence, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 22 de ses conclusions, la juridiction de renvoi a fourni un cadre suffisamment précis et complet du contexte factuel et juridique à l’origine du litige au principal et a suffisamment justifié de la nécessité, dans ce contexte, d’obtenir une réponse à la question posée.

44 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le traitement de données à caractère personnel effectué dans le cadre de l’activité d’un moteur de recherche se distingue de et s’ajoute à celui effectué par les éditeurs de sites Internet, consistant à faire figurer ces données sur une page Internet (arrêt du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 35). Lorsque la personne concernée agit contre l’exploitant du moteur de recherche, les droits, intérêts et restrictions en
présence ne sont, dès lors, pas nécessairement les mêmes que dans le cadre d’une action engagée contre un fournisseur de contenu, de sorte qu’une mise en balance spécifique aux fins de l’examen d’une demande de déréférencement au titre de l’article 17 du RGPD est nécessaire.

45 Or, il ressort des motifs exposés par la juridiction de renvoi que la réponse de la Cour à la question portant, d’une part, sur l’étendue des obligations et des responsabilités qui incombent à l’exploitant d’un moteur de recherche dans le traitement d’une demande de déréférencement fondée sur la prétendue inexactitude des informations figurant dans le contenu référencé et, d’autre part, sur la charge de la preuve imposée à la personne concernée en ce qui concerne cette inexactitude est
susceptible d’avoir une incidence directe sur l’appréciation, par la juridiction de renvoi, du recours au principal, et ce indépendamment du point de savoir si les requérants au principal seraient en mesure d’obtenir une protection juridictionnelle effective contre le fournisseur de contenu au sujet de la publication sur Internet du contenu prétendument inexact.

46 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 22 de ses conclusions, le fait que les interrogations de la juridiction de renvoi quant à la méthodologie qu’elle estime applicable dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal sont exprimées de manière générale et abstraite n’implique pas que la question soumise à la Cour à cet égard revête un caractère hypothétique.

47 Il s’ensuit que la première question est recevable.

Sur le fond

48 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la mise en balance qu’il convient d’opérer entre les droits visés aux articles 7 et 8 de la Charte, d’une part, et ceux visés aux articles 11 et 16 de la Charte, d’autre part, aux fins de l’examen d’une demande de déréférencement adressée à l’exploitant d’un moteur de recherche et visant à ce que soit supprimé de la liste
de résultats d’une recherche le lien menant vers un contenu comportant des allégations que la personne ayant introduit la demande estime inexactes, ce déréférencement est soumis à la condition que la question de l’exactitude du contenu référencé ait été résolue au moins à titre provisoire dans le cadre d’un recours intenté par cette personne contre le fournisseur de ce contenu, lorsqu’existe une possibilité raisonnable d’obtenir une telle protection juridictionnelle.

49 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, d’une part, que l’activité d’un moteur de recherche consistant à trouver des informations publiées ou placées sur Internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker temporairement et, enfin, à les mettre à la disposition des internautes selon un ordre de préférence donné doit être qualifiée de « traitement de données à caractère personnel », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 95/46 et de l’article 4, points 1 et 2,
du RGPD, lorsque ces informations contiennent des données à caractère personnel et, d’autre part, que l’exploitant de ce moteur de recherche doit être considéré comme étant le « responsable » dudit traitement, au sens de l’article 2, sous d), de cette directive et de l’article 4, point 7, de ce règlement [voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 41, ainsi que du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17,
EU:C:2019:773, point 35].

50 En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 du présent arrêt, le traitement de données à caractère personnel effectué dans le cadre de l’activité d’un moteur de recherche se distingue de et s’ajoute à celui effectué par les éditeurs de sites Internet, consistant à faire figurer ces données sur une page Internet. En outre, cette activité joue un rôle décisif dans la diffusion globale desdites données en ce qu’elle rend celles-ci accessibles à tout internaute effectuant une recherche à partir
du nom de la personne concernée, y compris aux internautes qui, autrement, n’auraient pas trouvé la page Internet sur laquelle ces mêmes données sont publiées. De plus, l’organisation et l’agrégation des informations publiées sur Internet effectuées par les moteurs de recherche dans le but de faciliter à leurs utilisateurs l’accès à celles-ci peuvent conduire, lorsque la recherche de ces derniers est effectuée à partir du nom d’une personne physique, à ce que ceux-ci obtiennent par la liste de
résultats un aperçu structuré des informations relatives à cette personne trouvables sur Internet leur permettant d’établir un profil plus ou moins détaillé de la personne concernée [voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, points 36 et 37, ainsi que du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 36].

51 Par conséquent, dans la mesure où l’activité d’un moteur de recherche est susceptible d’affecter significativement et de manière additionnelle par rapport à celle des éditeurs de sites Internet les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, l’exploitant de ce moteur en tant que personne déterminant les finalités et les moyens de cette activité doit assurer, dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités,
que celle‑ci satisfait aux exigences de la directive 95/46 et du RGPD pour que les garanties prévues par cette directive et ce règlement puissent développer leur plein effet et qu’une protection efficace et complète des personnes concernées, notamment de leur droit au respect de leur vie privée, puisse effectivement être réalisée [voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 38, ainsi que du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données
sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 37].

52 S’agissant de l’étendue de la responsabilité et des obligations concrètes de l’exploitant d’un moteur de recherche, la Cour a déjà précisé que cet exploitant est responsable non pas du fait que des données à caractère personnel figurent sur une page Internet publiée par un tiers, mais du référencement de cette page et, tout particulièrement, de l’affichage du lien vers celle-ci dans la liste des résultats présentée aux internautes à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une
personne physique, un tel affichage du lien dans une telle liste étant susceptible d’affecter significativement les droits fondamentaux de la personne concernée au respect de sa vie privée et à la protection des données à caractère personnel la concernant [voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 80, ainsi que du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 46].

53 Dans ces conditions, compte tenu des responsabilités, des compétences et des possibilités de l’exploitant d’un moteur de recherche en tant que responsable du traitement effectué dans le cadre de l’activité de ce moteur, les interdictions et les restrictions prévues par la directive 95/46 et le RGPD ne peuvent s’appliquer à cet exploitant qu’en raison de ce référencement et, donc, par l’intermédiaire d’une vérification à effectuer, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, sur la base
d’une demande formée par la personne concernée [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 47].

54 S’agissant d’une telle demande, le RGPD contient, à son article 17, une disposition qui régit spécifiquement le « droit à l’effacement », également dénommé « droit à l’oubli ». Or, si ledit article prévoit, à son paragraphe 1, que la personne concernée a, en principe, pour les motifs qui y sont énumérés, le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement de données à caractère personnel la concernant, il précise, à son paragraphe 3, que ce droit ne peut être invoqué lorsque le
traitement en cause est nécessaire pour l’un des motifs qu’il énumère, au nombre desquels figure, au point a) de ce dernier paragraphe, l’exercice du droit relatif, notamment, à la liberté d’information.

55 Ainsi, l’exploitant d’un moteur de recherche saisi d’une demande de déréférencement doit vérifier si l’inclusion du lien vers la page Internet en question dans la liste affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de la personne concernée est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page Internet au moyen d’une telle recherche, protégée par l’article 11 de la Charte [voir, par analogie, arrêt du
24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 66].

56 La circonstance que l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD prévoit expressément que le droit à l’effacement de la personne concernée est exclu lorsque le traitement est nécessaire à l’exercice du droit relatif, notamment, à la liberté d’information, garantie à l’article 11 de la Charte, constitue une expression du fait que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu, mais doit, ainsi que le souligne le considérant 4 de ce règlement, être considéré
par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 57 ainsi que jurisprudence citée].

57 Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet que des limitations peuvent être apportées à l’exercice de droits tels que ceux consacrés aux articles 7 et 8 de celle‑ci, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel desdits droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par
l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui [arrêt du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 58 ainsi que jurisprudence citée].

58 Le RGPD, et notamment son article 17, paragraphe 3, sous a), consacre ainsi explicitement l’exigence d’une mise en balance entre, d’une part, les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte, et, d’autre part, le droit fondamental à la liberté d’information, garanti à l’article 11 de la Charte [arrêt du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773,
point 59].

59 Il y a lieu d’ajouter que l’article 7 de la Charte, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, contient des droits correspondant à ceux garantis à l’article 8, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et que la protection des données à caractère personnel joue un rôle fondamental pour l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale consacré à
l’article 8 de la CEDH (Cour EDH, 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi oy et satamedia oy c. Finlande, CE:ECHR:2017:0627JUD000093113, § 137). Il convient donc, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, de donner audit article 7 le même sens et la même portée que ceux conférés à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il en va de même pour ce qui est de l’article 11 de la Charte et de l’article 10
de la CEDH (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, Buivids, C‑345/17, EU:C:2019:122, point 65 et jurisprudence citée).

60 Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que, s’agissant de la publication de données, aux fins d’effectuer la mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression et d’information, un certain nombre de critères pertinents doivent être pris en considération, tels que la contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne
concernée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication, le mode et les circonstances dans lesquelles les informations ont été obtenues ainsi que leur véracité (voir, en ce sens, Cour EDH, 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande, CE:ECHR:2017:0627JUD000093113, § 165).

61 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner dans quelles conditions l’exploitant d’un moteur de recherche est tenu de faire droit à une demande de déréférencement et donc d’effacer de la liste des résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de la personne concernée, le lien vers une page Internet, sur laquelle figurent des données à caractère personnel propres à cette personne, au motif que le contenu référencé contient des allégations que
ladite personne estime inexactes [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 60].

62 À cet égard, il importe de relever, tout d’abord, que, si les droits de la personne concernée protégés par les articles 7 et 8 de la Charte prévalent, en règle générale, sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à l’information en question, cet équilibre peut toutefois dépendre des circonstances pertinentes de chaque cas, notamment de la nature de cette information et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée ainsi que de l’intérêt du
public à disposer de ladite information, lequel peut varier, notamment, en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique [arrêts du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 81, ainsi que du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 66].

63 En particulier, lorsque la personne concernée joue un rôle dans la vie publique, cette personne doit faire preuve d’un degré de tolérance accru, dès lors qu’elle est inévitablement et en pleine connaissance de cause exposée au regard du public (voir, en ce sens, Cour EDH, 6 octobre 2022, Khural et Zeynalov c. Azerbaijan, CE:ECHR:2022:1006JUD005506911, § 41 et jurisprudence citée).

64 La question du caractère exact ou non du contenu référencé constitue également un élément pertinent dans le cadre de l’appréciation des conditions d’application prévues à l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD, en vue d’apprécier si le droit à l’information des internautes et la liberté d’expression du fournisseur de contenu peuvent prévaloir sur les droits du demandeur de déréférencement.

65 À cet égard, et ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 30 de ses conclusions, si, dans certaines circonstances, le droit à la liberté d’expression et d’information peut prévaloir sur les droits à la protection de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, notamment lorsque la personne concernée joue un rôle dans la vie publique, ce rapport s’inverse en tout état de cause lorsque, à tout le moins, une partie des informations visées par la demande
de déréférencement ne présentant pas un caractère mineur au regard de l’ensemble du contenu se révèlent inexactes. En effet, dans une telle hypothèse, le droit d’informer et le droit d’être informé ne sauraient être pris en compte, car ils ne peuvent inclure le droit de diffuser de telles informations et d’y avoir accès.

66 Il convient d’ajouter que, si le point de savoir si les affirmations figurant dans le contenu référencé sont ou non exactes présente une pertinence pour l’application de l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD, il y a lieu de distinguer entre affirmations de fait et jugements de valeur. En effet, si la matérialité des premiers peut se prouver, les seconds ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude (voir, en ce sens, Cour EDH, 23 avril 2015, Morice c. France,
CE:ECHR:2015:0423JUD002936910, § 126).

67 Ensuite, il y a lieu de déterminer, d’une part, si, et le cas échéant, dans quelle mesure, il incombe à la personne qui a introduit la demande de déréférencement de fournir des éléments de preuve pour corroborer son allégation portant sur l’inexactitude des informations figurant dans le contenu référencé et, d’autre part, si l’exploitant du moteur de recherche doit chercher à éclaircir lui-même les faits afin d’établir le caractère exact ou non des informations prétendument inexactes y figurant.

68 S’agissant, en premier lieu, des obligations incombant à la personne qui demande le déréférencement en raison de l’inexactitude d’un contenu référencé, il appartient à cette personne d’établir l’inexactitude manifeste des informations figurant dans ledit contenu ou, à tout le moins, d’une partie de ces informations ne présentant pas un caractère mineur au regard de l’ensemble de ce contenu. Toutefois, afin d’éviter de faire peser sur cette personne une charge excessive susceptible de nuire à
l’effet utile du droit au déréférencement, il lui incombe uniquement de fournir les éléments de preuve qu’il peut être, compte tenu des circonstances du cas d’espèce, raisonnablement exigé de celle‑ci de rechercher en vue d’établir cette inexactitude manifeste. À cet égard, cette personne ne saurait être tenue, en principe, de produire, dès le stade précontentieux, à l’appui de sa demande de déréférencement auprès de l’exploitant du moteur de recherche, une décision juridictionnelle obtenue
contre l’éditeur du site Internet en cause, même sous la forme d’une décision prise en référé. En effet, imposer une telle obligation à ladite personne aurait pour effet de faire peser sur celle-ci une charge déraisonnable.

69 S’agissant, en second lieu, des obligations et des responsabilités incombant à l’exploitant du moteur de recherche, il est vrai que ce dernier doit, aux fins de vérifier si un contenu peut continuer à être inclus dans la liste de résultats des recherches effectuées par l’intermédiaire de son moteur de recherche à la suite d’une demande de déréférencement, se fonder sur l’ensemble des droits et des intérêts en présence ainsi que sur l’ensemble des circonstances du cas d’espèce.

70 Toutefois, dans le cadre de l’appréciation des conditions d’application prévues à l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD, ce même exploitant ne saurait être tenu d’exercer un rôle actif dans la recherche d’éléments de fait qui ne sont pas étayés par la demande de déréférencement, aux fins de déterminer le bien-fondé de cette demande.

71 Ainsi, lors du traitement d’une telle demande, il ne saurait être imposé à l’exploitant du moteur de recherche concerné une obligation d’enquêter sur les faits et, à cette fin, d’organiser un échange contradictoire avec le fournisseur de contenu visant à obtenir des éléments manquants concernant l’exactitude du contenu référencé. En effet, en ce qu’elle contraindrait l’exploitant du moteur de recherche à contribuer à établir lui-même le caractère exact ou non du contenu référencé, une telle
obligation ferait peser sur cet exploitant une charge dépassant ce qui peut raisonnablement être attendu de lui au regard de ses responsabilités, compétences et possibilités, au sens de la jurisprudence rappelée au point 53 du présent arrêt. Ladite obligation comporterait ainsi un risque sérieux que des contenus qui répondent à un besoin d’information légitime et prépondérant du public soient déréférencés et qu’il devienne ainsi difficile de les trouver sur Internet. À cet égard, il existerait un
risque réel d’effet dissuasif sur l’exercice de la liberté d’expression et d’information si l’exploitant du moteur de recherche procédait à un tel déréférencement de manière quasi systématique, en vue d’éviter d’avoir à supporter la charge d’enquêter sur les faits pertinents pour établir le caractère exact ou non du contenu référencé.

72 Ainsi, dans le cas où la personne ayant introduit une demande de déréférencement présente des éléments de preuve pertinents et suffisants, aptes à étayer sa demande et établissant le caractère manifestement inexact des informations figurant dans le contenu référencé ou, à tout le moins, d’une partie de ces informations qui ne présente pas un caractère mineur au regard de l’ensemble de ce contenu, l’exploitant du moteur de recherche est tenu de faire droit à cette demande de déréférencement. Il en
va de même lorsque la personne concernée présente une décision de justice prise contre l’éditeur du site Internet et qui repose sur le constat que des informations figurant dans le contenu référencé, qui ne présentent pas un caractère mineur au regard de l’ensemble de celui-ci, sont, au moins à première vue, inexactes.

73 En revanche, dans le cas où le caractère inexact de telles informations figurant dans le contenu référencé n’apparaît pas de manière manifeste au vu des éléments de preuve fournis par la personne concernée, l’exploitant du moteur de recherche n’est pas tenu, en l’absence d’une telle décision de justice, de faire droit à une telle demande de déréférencement. Lorsque les informations en cause sont susceptibles de contribuer à un débat d’intérêt général, il y a lieu, au regard de l’ensemble des
circonstances du cas d’espèce, d’accorder une importance particulière au droit à la liberté d’expression et d’information.

74 Il convient d’ajouter que, conformément à ce qui a été exposé au point 65 du présent arrêt, il serait également disproportionné de procéder au déréférencement d’articles, avec pour conséquence de rendre difficile l’accès à l’intégralité de ceux-ci sur Internet, dans la situation où seules certaines informations d’importance mineure au regard de l’ensemble du contenu figurant dans ces articles s’avèrent inexactes.

75 Il y a lieu, enfin, de préciser que, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche ne donne pas suite à la demande de déréférencement, la personne concernée doit pouvoir saisir l’autorité de contrôle ou l’autorité judiciaire pour que celles-ci effectuent les vérifications nécessaires et ordonnent à ce responsable d’adopter les mesures qui s’imposent (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 77). En effet, c’est notamment aux autorités
judiciaires qu’il appartient d’assurer la pondération des intérêts concurrents, celles-ci étant les mieux placées pour effectuer une mise en balance complexe et approfondie, qui tienne compte de tous les critères et de tous les éléments établis par la jurisprudence pertinente de la Cour ainsi que de la Cour européenne des droits de l’homme.

76 Toutefois, dans le cas où une procédure administrative ou juridictionnelle portant sur le caractère prétendument inexact d’informations figurant dans un contenu référencé est engagée et où l’existence de cette procédure a été portée à la connaissance de l’exploitant du moteur de recherche concerné, il incombe à cet exploitant, aux fins notamment de donner aux internautes des informations toujours pertinentes et actualisées, d’ajouter, dans les résultats de la recherche, un avertissement portant
sur l’existence d’une telle procédure.

77 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la mise en balance qu’il convient d’opérer entre les droits visés aux articles 7 et 8 de la Charte, d’une part, et ceux visés à l’article 11 de la Charte, d’autre part, aux fins de l’examen d’une demande de déréférencement adressée à l’exploitant d’un moteur de recherche et tendant à ce que
soit supprimé de la liste de résultats d’une recherche le lien menant vers un contenu comportant des allégations que la personne ayant introduit la demande estime inexactes, ce déréférencement n’est pas soumis à la condition que la question de l’exactitude du contenu référencé ait été résolue, au moins à titre provisoire, dans le cadre d’un recours intenté par cette personne contre le fournisseur de contenu.

Sur la seconde question

Sur le droit applicable ratione temporis

78 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation de l’article 12, sous b), et de l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 ainsi que de l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD. Elle précise, à cet égard, que, si la demande tendant à ce que Google déréférence durablement les liens vers les articles en cause dans l’affaire au principal relève ratione temporis du RGPD, la demande tendant à ce que Google mette fin à l’affichage, sous la forme de
vignettes, des photographies des requérants au principal contenues dans l’article du 4 juin 2015 relève ratione temporis de la directive 95/46, étant donné que ces photographies, contrairement auxdits liens, n’étaient plus affichées par le moteur de recherche exploité par Google à la date de l’entrée en vigueur du RGPD.

79 À cet égard, il n’y a pas lieu d’opérer de distinction entre les dispositions de la directive 95/46 et celles du RGPD évoquées dans la seconde question préjudicielle, l’ensemble de ces dispositions devant être considérées comme revêtant une portée similaire pour les besoins de l’interprétation que la Cour est amenée à donner dans le cadre de la présente affaire (voir, par analogie, arrêt du 1er août 2022, Vyriausioji tarnybinės etikos komisija, C‑184/20, EU:C:2022:601, point 58 et jurisprudence
citée).

80 Partant, en vue de fournir des réponses utiles à la seconde question, il y a lieu d’examiner celle-ci sous l’angle tant de la directive 95/46 que du RGPD.

Sur la recevabilité

81 Google émet également des doutes quant à la recevabilité de la seconde question, au motif que le problème que celle-ci soulève serait de nature hypothétique. En effet, tout d’abord, le litige au principal aurait pour objet non pas une demande de déréférencement des résultats d’une recherche d’images effectuée à partir du nom des requérants au principal, mais une demande d’interdiction générale d’afficher les vignettes correspondant à des photographies illustrant l’un des trois articles en cause
au principal. Ensuite, les vignettes ne seraient plus disponibles sur le site g-net depuis le mois de septembre 2017 et les articles depuis le 28 juin 2018. Enfin, depuis l’année 2018, Google aurait introduit une nouvelle version de son moteur de recherche d’images selon laquelle, sur la page des résultats, sont affichés, sous chaque vignette, le titre abrégé de la page Internet concrètement référencée ainsi que l’adresse Internet ou une partie de celle-ci, sous la forme d’un lien supplémentaire.

82 En application des principes dégagés par la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 41 et 42 du présent arrêt, il y a lieu de constater, tout d’abord, que, en l’occurrence, il ne ressort pas de manière manifeste du dossier dont dispose la Cour que l’interprétation des dispositions de la directive 95/46 et du RGPD, telle que sollicitée par la juridiction de renvoi dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé de la demande tendant à faire cesser l’affichage des photographies, soit sans
rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

83 S’agissant, en particulier, du fait que les photographies et les articles en cause au principal n’apparaissent plus sur le site g-net, il importe de relever que, comme l’a fait observer la juridiction de renvoi, la suppression de ces contenus semble être seulement temporaire, comme en témoigne la mention figurant sur le site g-net selon laquelle il est impossible « pour l’instant » d’accéder à ces articles. Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que lesdits articles soient remis en ligne
dans le futur et de nouveau référencés par le moteur de recherche exploité par Google, et ce d’autant plus que cette dernière estime toujours que la demande de déréférencement en cause au principal est injustifiée et qu’elle maintient son refus d’y faire droit.

84 Au demeurant, l’intérêt d’une réponse de la Cour portant sur l’interprétation des dispositions pertinentes de la directive 95/46 et du RGPD dans le cadre de la demande tendant à ce qu’il soit mis fin à l’affichage, sous la forme de vignettes, des photographies en cause dans l’affaire au principal ne saurait être remis en cause ni par la circonstance, invoquée par Google, que les requérants au principal n’ont pas limité leur demande aux recherches à partir de leur nom, ni par le fait que Google a
introduit une nouvelle version de son moteur de recherche d’images en vertu de laquelle, sur la page des résultats, sont affichés, sous chaque vignette, le titre abrégé de la page Internet concrètement référencée ainsi que l’adresse Internet ou une partie de celle-ci, sous la forme d’un lien supplémentaire.

85 En effet, premièrement, à supposer même que la demande des requérants au principal de mettre fin à l’affichage, sous la forme de vignettes, des photographies les représentant ne soit pas limitée aux recherches effectuées à partir de leur nom, il n’en demeure pas moins que cette demande couvre un affichage résultant de telles recherches. Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que l’interprétation sollicitée au titre de cette seconde question n’a manifestement aucun rapport avec la
réalité ou l’objet du litige au principal.

86 Deuxièmement, s’agissant de l’introduction d’un lien supplémentaire dans la recherche des images indiquant la page Internet de leur publication initiale, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, c’est aux juridictions nationales qu’il revient d’établir les faits sur la base desquels le litige au principal doit être tranché et de décider dans quelle mesure des développements ultérieurs du moteur de recherche concerné sont pertinents à cet égard.

87 Il s’ensuit que la seconde question est recevable.

Sur le fond

88 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12, sous b), et l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 ainsi que l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de la mise en balance qu’il convient d’opérer entre les droits visés aux articles 7 et 8 de la Charte, d’une part, et ceux visés aux articles 11 et 16 de la Charte, d’autre part, aux fins de l’examen d’une demande de
déréférencement adressée à l’exploitant d’un moteur de recherche et tendant à ce que soient supprimées des résultats d’une recherche d’images effectuée à partir du nom d’une personne physique des photographies affichées sous la forme de vignettes qui représentent cette personne, il convient de tenir compte de manière déterminante du contexte initial de la publication de ces photographies sur Internet.

89 La question ainsi posée s’inscrit dans le cadre d’une demande tendant à ce que soient supprimées des résultats de la recherche d’images effectuée à partir du nom des requérants au principal les photographies, affichées sous la forme de vignettes, qui illustraient l’article publié sur le site g‑net le 4 juin 2015. À cet égard, la juridiction de renvoi cherche, en particulier, à savoir s’il convient, aux fins d’apprécier le bien-fondé de cette demande, de prendre en considération seulement la
valeur informative des vignettes en tant que telles, dans le contexte neutre de la liste de résultats, ou s’il y a lieu également d’avoir égard au contexte initial de la publication des photographies, lequel ne ressort pas du seul affichage des vignettes dans le cadre de la liste des résultats.

90 À titre liminaire, il convient de constater, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 53 de ses conclusions, que les recherches d’images effectuées par l’intermédiaire d’un moteur de recherche sur Internet à partir du nom d’une personne sont soumises aux mêmes principes que ceux applicables aux recherches de pages Internet et des informations qui y sont contenues. La jurisprudence de la Cour rappelée aux points 49 à 61 du présent arrêt vaut, par conséquent, également pour le traitement
d’une demande de déréférencement tendant à ce que soient supprimées des résultats d’une recherche d’images des photographies affichées sous la forme de vignettes.

91 À cet égard, il importe de constater, tout d’abord, que l’affichage, dans les résultats d’une recherche d’images, sous la forme de vignettes, de photographies de personnes physiques constitue un traitement de données à caractère personnel pour lequel l’exploitant du moteur de recherche concerné, en tant que « responsable » au sens de l’article 2, sous d), de la directive 95/46 et de l’article 4, point 7, du RGPD, doit répondre, dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses
possibilités, au regard du respect des exigences énoncées par ces dispositions.

92 Il y a lieu de préciser, ensuite, que la question posée porte sur le mode de recherche spécifique d’images proposé par certains moteurs de recherche, tels que celui en cause dans l’affaire au principal, à l’aide duquel l’internaute peut rechercher des informations de toute nature se présentant sous la forme d’un contenu graphique (photographies, représentations de peintures, dessins, graphiques, tableaux, etc.). Lors d’une telle recherche, le moteur de recherche génère une liste de résultats
composée de vignettes, renvoyant, par un lien, à des pages Internet sur lesquelles se trouvent à la fois les termes de recherche utilisés et les contenus graphiques repris dans cette liste.

93 À cet égard, il a été jugé que, dans la mesure où l’inclusion dans la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, d’une page Internet et des informations qui y sont contenues relatives à cette personne facilite sensiblement l’accessibilité de ces informations à tout internaute effectuant une recherche sur cette personne et peut jouer un rôle décisif pour la diffusion desdites informations, elle est susceptible de constituer une ingérence plus
importante dans le droit fondamental au respect de la vie privée de la personne concernée que la publication par l’éditeur de cette page Internet (arrêt du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 87).

94 Or, il en va d’autant plus ainsi en cas d’affichage, à la suite d’une recherche par nom, sous la forme de vignettes, de photographies de la personne concernée, cet affichage étant de nature à constituer une ingérence particulièrement importante dans les droits à la protection de la vie privée et des données à caractère personnel de cette personne visés aux articles 7 et 8 de la Charte.

95 En effet, l’image d’un individu est l’un des attributs principaux de sa personnalité du fait qu’elle exprime son originalité et lui permet de se différencier des autres personnes. Le droit de la personne à la protection de son image constitue ainsi l’une des conditions essentielles de son épanouissement personnel et présuppose principalement la maîtrise par cette personne de son image, laquelle comprend notamment la possibilité pour celle-ci d’en refuser la diffusion. Il s’ensuit que, si la
liberté d’expression et d’information comprend indubitablement la publication de photographies, la protection du droit à la vie privée revêt dans ce contexte une importance particulière, les photographies étant susceptibles de transmettre des informations particulièrement personnelles, voire intimes, sur un individu ou sa famille (voir, en ce sens, Cour EDH, 7 février 2012, Von Hannover c. Allemagne, CE:ECHR:2012:0207JUD004066008, §§ 95, 96 et 103 ainsi que jurisprudence citée).

96 Partant, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche est saisi d’une demande de déréférencement tendant à ce que soient supprimées des résultats d’une recherche d’images effectuée à partir du nom d’une personne des photographies affichées sous la forme de vignettes qui représentent cette personne, il doit vérifier si l’affichage des photographies en question est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à ces
photographies au moyen d’une telle recherche, protégée par l’article 11 de la Charte [voir, par analogie, arrêt du 24 septembre 2019, GC e.a. (Déréférencement de données sensibles), C‑136/17, EU:C:2019:773, point 66].

97 À cet égard, la contribution à un débat d’intérêt général constitue un élément primordial à prendre en considération dans la mise en balance des droits fondamentaux concurrents, aux fins de l’appréciation du point de savoir si doivent prévaloir les droits de la personne concernée au respect de sa vie privée et à la protection de ses données à caractère personnel ou bien les droits à la liberté d’expression et d’information.

98 Or, dans la mesure où le moteur de recherche affiche des photographies de la personne concernée en dehors du contexte dans lequel celles-ci sont publiées sur la page Internet référencée, le plus souvent en vue d’illustrer les éléments textuels que contient cette page, il y a lieu de déterminer si ce contexte doit néanmoins être pris en considération lors de la mise en balance des droits et des intérêts concurrents à effectuer.

99 Dans ce cadre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 54 de ses conclusions, la question de savoir si ladite appréciation doit également inclure le contenu de la page Internet dans laquelle figure la photographie dont la suppression de l’affichage sous la forme d’une vignette est demandée dépend de l’objet et de la nature du traitement en cause.

100 S’agissant, en premier lieu, de l’objet du traitement en cause, il y a lieu de relever que la publication de photographies en tant que moyen de communication non verbal est susceptible d’avoir un impact plus fort sur les internautes que les publications textuelles. Les photographies sont en effet, en tant que telles, un moyen important d’attirer l’attention des internautes et peuvent susciter l’intérêt à accéder aux articles qu’elles illustrent. Or, en raison notamment de la circonstance que les
photographies se prêtent souvent à plusieurs interprétations, leur affichage dans la liste des résultats de la recherche en tant que vignettes peut, conformément à ce qui a été souligné au point 95 du présent arrêt, entraîner une ingérence particulièrement grave dans le droit de la personne concernée à la protection de son image, ce qui doit être pris en compte dans le cadre de la mise en balance entre les droits et les intérêts concurrents.

101 Partant, une mise en balance distincte des droits et des intérêts concurrents s’impose selon que sont en cause, d’une part, des articles pourvus de photographies publiées par l’éditeur de la page Internet et qui, insérées dans leur contexte d’origine, illustrent les informations fournies dans ces articles et les opinions qui y sont exprimées, et, d’autre part, des photographies affichées sous la forme de vignettes dans la liste de résultats par l’exploitant d’un moteur de recherche en dehors du
contexte dans lequel celles-ci ont été publiées sur la page Internet d’origine.

102 À cet égard, il y a lieu de rappeler que non seulement le motif justifiant la publication d’une donnée à caractère personnel sur un site Internet ne coïncide pas forcément avec celui qui s’applique à l’activité des moteurs de recherche mais que, même lorsque tel est le cas, le résultat de la mise en balance des droits et des intérêts en cause à effectuer peut diverger selon qu’il s’agit du traitement effectué par l’exploitant d’un moteur de recherche ou de celui effectué par l’éditeur de cette
page Internet, étant donné que, d’une part, les intérêts légitimes justifiant ces traitements peuvent être différents et, d’autre part, les conséquences qu’ont lesdits traitements pour la personne concernée, et notamment pour sa vie privée, ne sont pas nécessairement les mêmes (arrêt du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 86).

103 S’agissant, en second lieu, de la nature du traitement effectué par l’exploitant du moteur de recherche, il y a lieu de constater, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 55 de ses conclusions, que, en repérant les photographies de personnes physiques publiées sur Internet et en les affichant séparément, dans les résultats d’une recherche d’images, sous la forme de vignettes, l’exploitant d’un moteur de recherche offre un service impliquant un traitement de données à caractère
personnel autonome et distinct du traitement de l’éditeur de la page Internet dont sont extraites les photographies ainsi que du traitement, dont cet exploitant est également responsable, relatif au référencement de cette page.

104 Par conséquent, une appréciation autonome de l’activité de l’exploitant du moteur de recherche, consistant à afficher des résultats d’une recherche d’images sous la forme de vignettes, s’impose, étant donné que l’atteinte additionnelle aux droits fondamentaux qui résulte d’une telle activité peut être particulièrement intense du fait de l’agrégation, lors d’une recherche par nom, de toutes les informations relatives à la personne concernée qui se trouvent sur Internet. Dans le cadre de cette
appréciation autonome, il y a lieu de tenir compte du fait que l’affichage sur Internet de photographies sous la forme de vignettes constitue en soi le résultat recherché par l’internaute, indépendamment de sa décision ultérieure d’accéder ou non à la page Internet d’origine.

105 Il importe d’ajouter qu’une telle mise en balance spécifique, qui prend en compte la nature autonome du traitement auquel procède l’exploitant du moteur de recherche, est sans préjudice de la pertinence éventuelle d’éléments textuels pouvant directement accompagner l’affichage d’une photographie dans la liste des résultats d’une recherche, de tels éléments étant susceptibles d’apporter un éclairage sur la valeur informative de cette photographie pour le public et, partant, d’influer sur la mise
en balance des droits et des intérêts en présence.

106 En l’occurrence, il ressort des constatations figurant dans la décision de renvoi que, si les photographies des requérants au principal contribuent, dans le contexte de l’article du 4 juin 2015 dans lequel elles s’inscrivent, à transmettre les informations et les opinions qui y sont exprimées, ces mêmes photographies n’ont, hors de ce contexte, lorsqu’elles apparaissent seulement sous la forme de vignettes dans la liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée par le moteur de
recherche, qu’une faible valeur informative. Il s’ensuit que, si la demande de déréférencement de cet article devait être rejetée, au motif que la liberté d’expression et d’information doit prévaloir sur les droits des requérants au principal au respect de leur vie privée et à la protection de leurs données personnelles, cette circonstance serait sans préjudice de l’issue qu’il convient de réserver à la demande de suppression de ces photographies affichées sous la forme de vignettes dans la
liste de résultats.

107 En revanche, si la demande de déréférencement de l’article du 4 juin 2015 devait être accueillie, l’affichage, sous la forme de vignettes, des photographies contenues dans celui-ci devrait être supprimé. En effet, en cas de maintien de cet affichage, l’effet utile du déréférencement de l’article serait compromis dès lors que les internautes continueraient à avoir accès, par le lien que les vignettes contiennent vers la page Internet sur laquelle est publié l’article dont elles sont issues, à
l’intégralité de ce dernier.

108 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 12, sous b), et l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 ainsi que l’article 17, paragraphe 3, sous a), du RGPD doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de la mise en balance qu’il convient d’opérer entre les droits visés aux articles 7 et 8 de la Charte, d’une part, et ceux visés à l’article 11 de la Charte, d’autre part, aux fins de l’examen
d’une demande de déréférencement adressée à l’exploitant d’un moteur de recherche et tendant à ce que soient supprimées des résultats d’une recherche d’images effectuée à partir du nom d’une personne physique des photographies affichées sous la forme de vignettes qui représentent cette personne, il y a lieu de tenir compte de la valeur informative de ces photographies indépendamment du contexte de leur publication sur la page Internet d’où elles sont extraites, mais en prenant en considération
tout élément textuel qui accompagne directement l’affichage de ces photographies dans les résultats de recherche et qui est susceptible d’apporter un éclairage sur la valeur informative de celles-ci.

Sur les dépens

109 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

  1) L’article 17, paragraphe 3, sous a), du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données),

doit être interprété en ce sens que :

dans le cadre de la mise en balance qu’il convient d’opérer entre les droits visés aux articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, d’une part, et ceux visés à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, d’autre part, aux fins de l’examen d’une demande de déréférencement adressée à l’exploitant d’un moteur de recherche et tendant à ce que soit supprimé de la liste de résultats d’une recherche le lien menant vers un contenu comportant des allégations que la
personne ayant introduit la demande estime inexactes, ce déréférencement n’est pas soumis à la condition que la question de l’exactitude du contenu référencé ait été résolue, au moins à titre provisoire, dans le cadre d’un recours intenté par cette personne contre le fournisseur de contenu.

  2) L’article 12, sous b), et l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et l’article 17, paragraphe 3, sous a), du règlement 2016/679

doivent être interprétés en ce sens que :

dans le cadre de la mise en balance qu’il convient d’opérer entre les droits visés aux articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux, d’une part, et ceux visés à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, d’autre part, aux fins de l’examen d’une demande de déréférencement adressée à l’exploitant d’un moteur de recherche et tendant à ce que soient supprimées des résultats d’une recherche d’images effectuée à partir du nom d’une personne physique des photographies affichées sous la
forme de vignettes qui représentent cette personne, il y a lieu de tenir compte de la valeur informative de ces photographies indépendamment du contexte de leur publication sur la page Internet d’où elles sont extraites, mais en prenant en considération tout élément textuel qui accompagne directement l’affichage de ces photographies dans les résultats de recherche et qui est susceptible d’apporter un éclairage sur la valeur informative de celles-ci.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-460/20
Date de la décision : 08/12/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel – Directive 95/46/CE – Article 12, sous b) – Article 14, premier alinéa, sous a) – Règlement (UE) 2016/679 – Article 17, paragraphe 3, sous a) – Exploitant d’un moteur de recherche sur Internet – Recherche effectuée à partir du nom d’une personne – Affichage d’un lien menant vers des articles contenant des informations prétendument inexactes dans la liste de résultats de recherche – Affichage, sous la forme de vignettes (thumbnails), des photographies illustrant ces articles dans la liste de résultats d’une recherche d’images – Demande de déréférencement adressée à l’exploitant du moteur de recherche – Mise en balance des droits fondamentaux – Articles 7, 8, 11 et 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Obligations et responsabilités incombant à l’exploitant du moteur de recherche du traitement d’une demande de déréférencement – Charge de la preuve pesant sur le demandeur de déréférencement.

Charte des droits fondamentaux

Droits fondamentaux

Rapprochement des législations

Protection des données

Principes, objectifs et mission des traités


Parties
Demandeurs : TU et RE
Défendeurs : Google LLC.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella
Rapporteur ?: Ilešič

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:962

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award