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20/10/2022 | CJUE | N°C-412/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. A. M. Collins, présentées le 20 octobre 2022., Dual Prod SRL contre Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Cluj-Napoca – Comisia regională pentru autorizarea operatorilor de produse supuse accizelor armonizate., 20/10/2022, C-412/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 20 octobre 2022 ( 1 )

Affaire C‑412/21

Dual Prod SRL

contre

Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Cluj-Napoca, Comisia regională pentru autorizarea operatorilor de produse supuse accizelor armonizate

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunalul Satu Mare (tribunal de grande instance de Satu Mare, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Droits d’accise – Directive 2008/118/CE – Article 16 â€

“ Mesure de suspension de l’autorisation d’un entrepositaire agréé – Procédures parallèles – Charte des droits fondamentaux de l’Union ...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 20 octobre 2022 ( 1 )

Affaire C‑412/21

Dual Prod SRL

contre

Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Cluj-Napoca, Comisia regională pentru autorizarea operatorilor de produse supuse accizelor armonizate

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunalul Satu Mare (tribunal de grande instance de Satu Mare, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Droits d’accise – Directive 2008/118/CE – Article 16 – Mesure de suspension de l’autorisation d’un entrepositaire agréé – Procédures parallèles – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 48, paragraphe 1 – Présomption d’innocence – Article 50 – Principe ne bis in idem »

I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle formée par le Tribunalul Satu Mare (tribunal de grande instance de Satu Mare, Roumanie) s’inscrit dans le contexte suivant. Dual Prod SRL, société établie en Roumanie, est autorisée à exploiter un entrepôt fiscal dans lequel elle produit notamment de l’alcool. Après qu’une perquisition a révélé l’existence de plusieurs irrégularités dans les locaux, les autorités compétentes ont suspendu cette autorisation pour une période de huit mois. À la suite de
cette perquisition, des poursuites ont été engagées contre Dual Prod. Dans l’attente de l’issue de ces poursuites, l’autorisation de Dual Prod a été suspendue une seconde fois. Dans le cadre de la procédure devant la juridiction de renvoi, Dual Prod soutient que la seconde suspension est contraire à la présomption d’innocence figurant à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et viole le principe ne bis in idem figurant à
l’article 50 de celle-ci.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

2. L’article 16 de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE ( 2 ), dispose, aux paragraphes 1 et 2 :

« 1.   L’ouverture et l’exploitation d’un entrepôt fiscal par un entrepositaire agréé sont subordonnées à l’autorisation des autorités compétentes de l’État membre dans lequel l’entrepôt fiscal est situé.

Cette autorisation est soumise aux conditions que les autorités sont en droit de fixer afin de prévenir toute forme éventuelle de fraude ou d’abus.

2.   L’entrepositaire agréé est tenu :

a) de fournir, le cas échéant, une garantie afin de couvrir les risques inhérents à la production, à la transformation et à la détention des produits soumis à accise ;

b) de se conformer aux obligations prescrites par l’État membre sur le territoire duquel l’entrepôt fiscal est situé ;

c) de tenir, pour chaque entrepôt fiscal, une comptabilité des stocks et des mouvements de produits soumis à accise ;

d) d’introduire dans son entrepôt fiscal et d’inscrire dans sa comptabilité, dès la fin du mouvement, tous les produits soumis à accise circulant sous un régime de suspension de droits, sauf lorsque l’article 17, paragraphe 2, s’applique ;

e) de se prêter à tout contrôle et à toute vérification de ses stocks.

[...] »

B.   Le droit roumain

3. L’article 364, paragraphe 1, sous d), de la Legea nr. 227/2015 privind Codul fiscal (loi no 227/2015 portant code des impôts), du 8 septembre 2015 ( 3 ) (ci‑après le « code des impôts »), prévoit que l’autorisation d’entrepôt fiscal n’est pas délivrée si le demandeur a fait l’objet d’une condamnation définitive pour certaines infractions, dont des infractions au code des impôts.

4. L’article 369, paragraphe 3, sous b), du code des impôts prévoit que l’autorisation d’un entrepôt fiscal peut être suspendue pour une période d’un à douze mois lorsqu’il est constaté que l’un des actes visés notamment à l’article 452, paragraphe 1, sous i), de ce code a été commis ( 4 ). Conformément à l’article 369, paragraphe 3, sous c), du code des impôts, cette autorisation est suspendue jusqu’au règlement définitif de l’affaire pénale, lorsque l’action pénale a été engagée pour les
infractions visées à l’article 364, paragraphe 1, sous d), de ce code. Cette dernière disposition inclut les infractions prévues par le code des impôts.

5. L’article 452, paragraphe 1, sous h), du code des impôts pénalise la détention par toute personne en dehors de l’entrepôt fiscal ou la commercialisation sur le territoire roumain de produits soumis à accise et au marquage, lorsque ces produits ne sont pas marqués ou sont marqués de manière inappropriée, en quantités dépassant les seuils fixés par le code des impôts.

6. L’article 452, paragraphe 1, sous i), du code des impôts pénalise l’utilisation de conduites mobiles, de tuyaux élastiques ou d’autres conduites de ce type, l’utilisation de réservoirs non calibrés ainsi que la pose en amont des compteurs de canaux ou robinets par lesquels il est possible d’extraire des quantités d’alcool ou d’eaux-de-vie non couvertes par le système de comptage.

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

7. Dual Prod est un entrepositaire agréé qui produit de l’alcool et des boissons alcoolisées dans son entrepôt fiscal. Le 1er août 2018, lors d’une perquisition dans les locaux effectuée à la demande des autorités douanières, il s’est avéré qu’un système mobile de conduites et tuyaux avait été installé, au moyen duquel de l’alcool était extrait sans être dûment pris en compte. Une quantité d’alcool a également été trouvée dans un réservoir situé en dehors du périmètre de l’entrepôt fiscal.

8. Le lendemain, les autorités douanières ont ordonné la mise sous scellés des locaux de Dual Prod au motif d’une violation du régime spécial des produits soumis à accise prévu par le code des impôts. Dans une procédure ultérieure, la Curtea de Apel Oradea – Secția de Contencios administrativ (cour d’appel d’Oradea – chambre du contentieux administratif, Roumanie) a jugé que la mise sous scellés des locaux était illégale dès lors qu’elle violait la présomption d’innocence en l’absence de décision de
justice définitive s’agissant de la culpabilité de Dual Prod.

9. Le 5 septembre 2018, les autorités douanières ont suspendu l’autorisation de Dual Prod pour une période de douze mois, conformément à l’article 369, paragraphe 3, sous b), du code des impôts, lu en combinaison avec l’article 452, paragraphe 1, sous h), de ce code. Selon les observations écrites du gouvernement roumain, cette mesure administrative conservatoire a été prise au vu des éléments de preuve communiqués lors de la perquisition, qui soulevaient des doutes sérieux quant au respect par Dual
Prod du régime fiscal et des conditions de son autorisation en vertu de celui-ci. À la suite du recours introduit par Dual Prod contre cette suspension, la Curtea de Apel Oradea (cour d’appel d’Oradea) a réduit la durée de celle-ci à une période de huit mois.

10. La procédure pénale in rem a par la suite établi les circonstances prévues à l’article 452, paragraphe 1, sous h) et i), du code des impôts, qui mettaient en cause des personnes au sein de Dual Prod. Le 14 janvier 2020, Dual Prod a acquis la qualité de suspect. Le 21 octobre 2020, Dual Prod a été formellement accusée des infractions visées à l’article 452, paragraphe 1, sous h) et i), du code des impôts. Le 19 novembre 2020, l’autorisation de Dual Prod a été suspendue en application de
l’article 369, paragraphe 3, sous c), du code des impôts, dans l’attente de l’issue de cette procédure pénale.

11. Dual Prod a contesté cette seconde suspension devant le Tribunalul Satu Mare (tribunal de grande instance de Satu Mare), lequel a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions de l’article 48, paragraphe 1, de la [Charte] relatives au principe de la présomption d’innocence, lues en combinaison avec les dispositions de l’article 16, paragraphe 1, de la [directive 2008/118], peuvent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une situation juridique, telle que celle de l’espèce, dans laquelle une mesure administrative de suspension d’une autorisation d’exploitation en tant que producteur d’alcool peut être ordonnée sur le fondement de
simples présomptions faisant l’objet d’une enquête pénale en cours, sans qu’il y ait de décision de justice définitive de condamnation pénale ?

2) Les dispositions de l’article 50 de la [Charte] relatives au principe ne bis in idem, lues en combinaison avec les dispositions de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/118, peuvent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une situation juridique, telle que celle de l’espèce, qui implique que deux sanctions de même nature (la suspension de l’autorisation d’exploitation en tant que producteur d’alcool) sont infligées à la même personne pour les mêmes faits, la seule
différence étant [la durée des sanctions] ? »

12. Dual Prod, les gouvernements roumain et italien ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites.

13. En premier lieu, Dual Prod soutient que la suspension de son autorisation dans l’attente de l’issue d’une procédure pénale a de graves conséquences sur le fonctionnement de son entreprise et est contraire à la présomption d’innocence figurant à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte. En second lieu, le principe ne bis in idem est violé lorsqu’une personne est sanctionnée à deux reprises pour les mêmes faits, comme c’est le cas pour ce qui concerne les deux mesures de suspension prises
respectivement en vertu de l’article 369, sous b) et c), du code des impôts, indépendamment de la nature des sanctions à infliger. Dual Prod fait valoir par ailleurs que les suspensions sont de nature pénale, compte tenu de leur caractère punitif et de leur lien étroit avec la procédure pénale ouverte contre elle.

14. Les gouvernements roumain et italien ainsi que la Commission relèvent qu’il ressort des faits exposés dans la décision de renvoi que les suspensions ne revêtent pas un caractère pénal et ont été adoptées pour prévenir toute forme éventuelle de fraude et d’abus au sens de l’article 16 de la directive 2008/118. L’existence d’une procédure pénale en cours ne fait pas obstacle à l’imposition de telles mesures. La Commission ajoute que l’article 41 de la Charte est pertinent pour apprécier si les
suspensions, considérées cumulativement, respectent le droit à une bonne administration, en particulier le droit d’une personne de voir ses affaires traitées dans un délai raisonnable.

IV. Analyse juridique

A.   Application de l’article 48, paragraphe 1, et de l’article 50 de la Charte et des dispositions correspondantes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »)

15. L’Union n’a pas adhéré à la CEDH et cet instrument juridique n’a dès lors pas été formellement intégré dans son ordre juridique. En vertu de l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. L’article 52, paragraphe 3, de la Charte, qui dispose que les droits contenus dans celle-ci correspondant à des
droits garantis par la CEDH ont le même sens et la même portée que ceux que leur confère cette convention, vise à assurer la cohérence nécessaire entre ces droits respectifs sans porter atteinte à l’autonomie du droit de l’Union et de la Cour ( 5 ).

16. Les questions posées par la juridiction de renvoi se réfèrent à l’« autorisation d’exploitation en tant que producteur d’alcool » de Dual Prod. Je comprends ce terme comme se référant à une autorisation au sens de l’article 16 de la directive 2008/118, laquelle a été retirée dans les conditions prévues par le droit national afin de prévenir toute forme éventuelle de fraude ou d’abus. En vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, la législation nationale applicable entre dans le champ
d’application du droit de l’Union. La Charte s’applique donc, en principe, aux problématiques posées par les questions dont la Cour est saisie ( 6 ).

17. L’article 48, paragraphe 1, de la Charte, auquel se réfère la première question préjudicielle, prévoit que tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Dès lors, il n’appartient pas au prévenu de prouver son innocence. Pour qu’une juridiction puisse infliger des sanctions pénales, l’accusation doit prouver à suffisance de droit que le prévenu est coupable des faits qui lui sont reprochés. Les déclarations des autorités selon lesquelles un prévenu est
coupable d’une infraction pénale avant qu’une procédure pénale n’ait abouti à une condamnation portent atteinte à cette présomption dès lors qu’elles peuvent influencer le juge du fond et inciter le public à croire que le prévenu est coupable ( 7 ).

18. La présomption d’innocence ne fait cependant pas obstacle à des mesures appropriées et proportionnées destinées à pallier un risque réel et concret que les personnes poursuivies commettent une nouvelle fois ou continuent à commettre l’infraction qui leur est reprochée, qu’elles se soustraient à la justice en s’abstenant de comparaître ou qu’elles influencent indûment le déroulement de leur procès. Les décisions de détention provisoire et de mise en liberté sous caution constituent des mesures de
ce type ( 8 ).

19. La Cour a jugé que les personnes morales bénéficient de la présomption d’innocence consacrée à l’article 48 de la Charte ( 9 ). Toutefois, cette disposition s’applique dans le contexte des procédures pénales et des poursuites pénales, de même que la disposition correspondante de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH ( 10 ).

20. L’article 50 de la Charte, auquel se réfère la seconde question préjudicielle, dispose que « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ». Le principe ne bis in idem interdit un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale pour les mêmes faits et à l’encontre d’une même personne ( 11 ). Il correspond à l’article 4, paragraphe 1, du protocole
no 7 à la CEDH ( 12 ).

B.   La seconde suspension revêt-elle un caractère pénal ?

21. Trois critères sont pertinents pour déterminer si une mesure revêt un caractère pénal au sens de la Charte et de la CEDH. Le premier est la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le deuxième la nature même de l’infraction et le troisième le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé ( 13 ). Le respect du premier critère n’est pas déterminant pour la question. Si l’infraction en cause n’est pas considérée comme étant de nature pénale en droit national, il
convient d’examiner si son caractère pénal peut être établi au regard des deux autres critères, appliqués cumulativement ou séparément ( 14 ).

22. En l’espèce, le droit national prévoit la suspension d’une autorisation dans l’attente de l’issue de la procédure pénale, lorsque l’action pénale a été engagée pour une infraction visée à l’article 364, paragraphe 1, sous d), du code des impôts. Rien dans la décision de renvoi ni dans les observations déposées devant la Cour n’indique que, au regard du droit national, la suspension d’une autorisation en cas de procédure pénale revêt un caractère pénal. C’est l’autorité compétente, laquelle, à
mon sens, est l’autorité qui a délivré l’autorisation, qui a le pouvoir de suspendre celle-ci et non l’autorité qui exerce l’action pénale pour des infractions au code des impôts.

23. J’examinerai donc comment les deux autres critères ont été appliqués dans la jurisprudence de la Cour et dans celle de la Cour EDH avant d’examiner comment cette jurisprudence pourrait s’appliquer à la suspension en cause devant la juridiction de renvoi.

1. La jurisprudence de la Cour

24. Les sanctions au titre de la politique agricole commune consistant en le paiement d’une majoration calculée sur la base du montant des aides indûment versées et l’exclusion d’un producteur du bénéfice de l’aide pour une période postérieure à la survenance d’une irrégularité n’ont pas été considérées comme étant des sanctions pénales ( 15 ). Dans le domaine des restitutions à l’exportation, une sanction déterminée en proportion du montant indûment perçu par l’exportateur n’a pas été considérée
comme ayant un caractère pénal ( 16 ). Dans le domaine des marchés publics, une décision d’exclusion de candidats d’une procédure de passation de marché sans un examen complet de leur offre en raison du fait qu’ils avaient été jugés coupables de fausses déclarations n’a pas été considérée comme étant une sanction pénale ( 17 ).

25. La décision d’une autorité de surveillance financière d’interdire à un directeur d’occuper un poste dans une entreprise d’investissement réglementée en raison du fait qu’il avait été jugé indigne de confiance n’est pas considérée comme relevant du droit pénal. En vertu de la directive 2004/39/CE ( 18 ), une autorité de surveillance peut refuser ou retirer un agrément délivré à une entreprise d’investissement lorsqu’elle n’est pas convaincue que les personnes qui dirigent cette entreprise
jouissent d’une honorabilité suffisante. Sans préjudice des procédures relatives au retrait d’un agrément ni du droit des États membres d’appliquer des sanctions pénales, des sanctions administratives appropriées peuvent être appliquées. La Cour a remarqué que les mesures que les autorités doivent prendre à la suite du constat qu’une personne ne remplit plus les exigences en matière d’honorabilité font partie des procédures relatives au retrait d’un agrément. Leur application n’avait pas trait à
des cas relevant du droit pénal, au sens de cette directive ( 19 ).

26. La Cour est parvenue à cette conclusion en procédant à une interprétation contextuelle des dispositions pertinentes de ladite directive. Mme l’avocate générale Kokott, appliquant les critères Engel dans ses conclusions dans la même affaire, a également considéré que la décision des autorités ne revêtait pas de caractère pénal au sens de l’article 50 de la Charte. La décision en cause dans cette affaire n’était pas susceptible d’être prise à l’encontre de tout un chacun, ce qui est le propre de
toute règle pénale. Elle ne pouvait s’adresser qu’à ceux qui avaient décidé d’exercer des fonctions de direction dans des entreprises d’investissement soumises à agrément. La constatation selon laquelle le directeur n’était plus digne de confiance n’avait pas pour but de le condamner, mais plutôt de protéger les investisseurs et d’assurer la stabilité du système financier. Ce n’était qu’une conséquence juridique directe de cette même directive, qui ne permet qu’aux personnes jouissant d’une
honorabilité d’assumer certaines fonctions, sans objectif répressif. Si cette décision a eu de lourdes conséquences pour l’intéressé, elle ne lui a pas interdit d’exercer d’autres activités professionnelles et ne l’a pas non plus exclu durablement des activités de direction d’une entreprise d’investissement ( 20 ).

27. En revanche, la présomption d’innocence s’applique à l’imposition d’amendes dans des affaires relevant du droit de la concurrence, pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires pertinent ( 21 ). De la même façon, une amende pouvant atteindre un montant allant jusqu’à dix fois le produit ou le profit obtenu par la manipulation du marché a été considérée comme étant de nature pénale en raison de sa sévérité ( 22 ). En cas de non‑paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), une amende de
30 % de la TVA due a été considérée comme étant une sanction pénale ( 23 ). L’imposition de points de pénalité aux conducteurs de véhicules qui ont commis une infraction routière a été considérée comme opérant dans le contexte de la commission d’une infraction pénale, compte tenu du fait que : i) ces points sont imposés pour des infractions routières d’une certaine gravité ; ii) ils s’ajoutent à la peine prévue pour ces infractions, et iii) l’accumulation de points de pénalité a des conséquences
juridiques, telles que l’obligation de passer un examen de conduite ou l’interdiction de conduire ( 24 ). Dans une autre affaire, M. l’avocat général Bot a estimé dans ses conclusions qu’une infraction douanière, définie en des termes identiques à l’infraction pénale de contrebande et entraînant des sanctions pouvant aller jusqu’à dix fois le montant de la taxe due, était de nature pénale ( 25 ).

2. La jurisprudence de la Cour EDH

28. La Cour EDH considère que les infractions susceptibles de donner lieu à une inscription au casier judiciaire ou à l’imposition de peines privatives de liberté sont par définition pénales, de même que celles qui donnent lieu à une sanction pécuniaire conduisant à une peine privative de liberté en cas de défaillance ( 26 ).

29. La Cour EDH a jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH ne s’appliquait pas dans son volet pénal à une procédure disciplinaire pour faute professionnelle à l’encontre d’un avocat. Les dispositions en cause ne s’adressaient pas au grand public, mais aux membres d’un groupe professionnel disposant d’un statut particulier ; elles étaient destinées à assurer que les membres du barreau se conforment à des règles professionnelles spécifiques ; les sanctions applicables incluaient un blâme écrit,
une amende pouvant aller jusqu’à environ 36000 euros, la suspension temporaire du droit d’exercer ou la radiation. La Cour EDH a jugé que, à l’exception de l’amende, ces sanctions présentaient les caractéristiques de sanctions disciplinaires. En outre, le non‑paiement de l’amende n’entraînait pas l’imposition d’une peine privative de liberté ( 27 ). De même, une procédure disciplinaire conduisant au licenciement ou à la mise à la retraite d’office d’un fonctionnaire n’a pas été considérée comme
constituant une accusation pénale ( 28 ). Le retrait de l’autorisation de servir des boissons alcoolisées dans un restaurant parce que le titulaire de la licence avait été jugé inapte n’équivalait pas à une accusation en matière pénale ( 29 ) ; la révocation définitive de la licence d’un liquidateur n’a pas non plus été qualifiée de « peine » au sens de l’article 7 de la CEDH ( 30 ). En revanche, la Cour EDH a considéré que les infractions liées à une manipulation du marché qui ont conduit à des
amendes ayant des implications financières importantes étaient de nature pénale ( 31 ).

3. Application de la jurisprudence à la seconde suspension

30. S’il appartient en définitive à la juridiction de renvoi d’en décider, je ne suis pas convaincu, pour les raisons que j’exposerai ci-après, que la seconde suspension revêt un caractère pénal au sens de la jurisprudence précitée ( 32 ).

31. La directive 2008/118 vise à harmoniser les conditions relatives à la perception des droits sur les produits soumis à accise, afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. Le régime d’entrepôts soumis à l’agrément des autorités compétentes est un élément clé de ce système. L’article 16 de la directive 2008/118 prévoit que les autorisations doivent être soumises aux conditions que les autorités nationales sont en droit de fixer afin de prévenir toute forme éventuelle de fraude ou
d’abus. Cela vise à faciliter le bon fonctionnement du système des droits harmonisés sur les produits soumis à accise dans le marché intérieur et à assurer que ceux qui respectent les règles ne soient pas placés dans une position concurrentielle défavorable par rapport à ceux qui ne les respectent pas et qu’il n’y ait pas de perte de recettes publiques.

32. Lorsqu’il est suspecté que les conditions dont est assortie une autorisation ont été violées ou risquent de l’être à l’avenir, la suspension temporaire d’une autorisation est une mesure visant à garantir que les objectifs décrits au point précédent des présentes conclusions ne soient pas compromis. De telles circonstances sont comparables à la déchéance temporaire d’un dirigeant dans le contexte d’une infraction d’abus de marché, qui a été considérée comme étant une mesure préventive devant être
prise dès que possible afin d’empêcher de nouveaux comportements fautifs dommageables dans l’attente d’une procédure pénale portant sur les mêmes faits ( 33 ). De la même façon, des personnes se trouvant dans une position de confiance à l’égard de leurs clients ou du public, telles que les médecins, les vétérinaires, les enseignants ou les agents des forces de l’ordre, peuvent être suspendues de leurs fonctions dans l’attente de l’enquête sur de prétendus agissements qui, s’ils étaient avérés,
seraient susceptibles d’avoir lésé ceux envers qui elles ont un devoir professionnel.

33. En outre, les suspensions s’adressent à des personnes qui, de leur plein gré, ont obtenu une autorisation et ont accepté de respecter les conditions y applicables. Les conséquences du non‑respect des engagements pris volontairement ne sont pas pénalisantes de la même manière que l’imposition d’une peine privative de liberté ou d’une amende élevée pour des faits portant préjudice au grand public. Une suspension dans l’attente d’une enquête ou de l’issue de poursuites n’est pas inappropriée s’il
est tenu compte des responsabilités de l’entrepositaire agréé dans le cadre du système administratif des droits harmonisés sur les produits soumis à accise. Elle ne pourrait pas non plus être qualifiée de particulièrement sévère, étant donné que la personne dont l’autorisation a été suspendue reste libre d’exercer une activité commerciale et d’utiliser les locaux, les équipements et le personnel de l’entreprise à des fins autres que la production et la détention d’alcool, dont le paiement des
droits a été suspendu.

34. À mon sens, les mêmes considérations s’appliquent, mutatis mutandis, à la première suspension, adoptée en vertu de l’article 369, paragraphe 3, sous b), du code des impôts.

C.   La première question préjudicielle

35. La juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/118, s’oppose à l’adoption d’une mesure de suspension d’une autorisation d’exploitation en tant que producteur d’alcool sur le fondement de simples présomptions faisant l’objet d’une enquête pénale en cours.

36. En vertu de l’article 16 de la directive 2008/118, il appartient aux autorités compétentes des États membres d’autoriser l’ouverture et l’exploitation d’entrepôts fiscaux sur leur territoire. Ces autorisations sont expressément soumises à des conditions que ces autorités sont en droit de fixer afin de prévenir toute forme éventuelle de fraude ou d’abus. Dans la mesure où la directive 2008/118 reconnaît et encourage cet objectif, les juridictions et les autorités nationales sont habilitées à
suspendre ou à retirer les agréments lorsqu’il est démontré à suffisance de droit que les conditions applicables ont été ou risquent d’être enfreintes ( 34 ).

37. Le droit de l’Union ne prévoyant pas de règles relatives aux modalités de l’administration des preuves en matière de suspension ou de retrait des autorisations au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/118, les autorités doivent respecter les règles de preuve prévues par le droit national, sous réserve du respect par celles-ci des principes généraux du droit de l’Union tels que les principes d’effectivité, de proportionnalité et le droit à une bonne administration ( 35 ).

38. La décision de renvoi ne contient aucune indication quant aux règles de preuve applicables en ce qui concerne tant les suspensions que les poursuites pénales. Si la juridiction de renvoi laisse entendre que la seconde suspension de l’autorisation de Dual Prod reposait sur de « simples présomptions » d’agissements fautifs, la décision de renvoi ne précise pas comment ces présomptions opèrent. L’article 369, paragraphe 3, sous c), du code des impôts mentionne que les autorisations sont suspendues
jusqu’au règlement définitif de l’affaire pénale, lorsque l’action pénale a été engagée pour une infraction. En l’espèce, l’autorisation de Dual Prod a été suspendue à la suite d’une enquête de l’administration, après qu’une procédure pénale in rem avait constaté l’existence des circonstances prévues à l’article 452, paragraphe 1, sous h) et i), du code des impôts et après que Dual Prod avait été formellement accusée d’avoir commis une infraction pénale. À ce stade, il n’est pas déraisonnable,
compte tenu de la nature du système et des intérêts en jeu, que la loi prévoie la possibilité de suspendre une autorisation. Il me semble que cela ne repose pas sur de « simples présomptions » d’infraction, mais plutôt sur le fait que les règles de preuve régissant l’engagement de poursuites pénales constituent en effet les règles de preuve justifiant l’imposition d’une suspension au titre de l’article 369, paragraphe 3, sous c), du code des impôts.

39. Il peut se révéler tout aussi pertinent que la Cour a jugé qu’un système d’amendes administratives fondé sur une responsabilité objective peut être compatible avec le droit de l’Union et avec le principe général de proportionnalité, pourvu que les objectifs poursuivis revêtent un intérêt général pouvant justifier l’instauration d’un tel système ( 36 ).

40. Par ailleurs, le droit à une bonne administration, prévu à l’article 41 de la Charte, exige d’une autorité administrative qu’elle procède, dans le cadre des obligations de vérification qui lui incombent, à un examen diligent et impartial de tous les aspects pertinents de sorte qu’elle s’assure de disposer, lors de l’adoption de sa décision de suspendre une autorisation, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire ( 37 ).

41. Tout aussi pertinent est le fait que, dans des situations analogues, la Cour a jugé que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale puisse, dans le cadre d’une procédure administrative, afin de constater l’existence d’une pratique abusive, utiliser des preuves obtenues dans le cadre d’une procédure pénale parallèle non encore clôturée, sous réserve du respect systématique des droits garantis par le droit de l’Union ( 38 ).

42. Au vu de ce qui précède, je suis d’avis, à condition que la juridiction nationale vérifie les éléments mentionnés aux points 37 à 41 des présentes conclusions, que la circonstance qu’une législation nationale prévoit que des poursuites pénales peuvent être engagées contre des personnes prétendument impliquées dans la production et la détention illégales d’alcool ne signifie pas qu’une autorisation d’exploiter un entrepôt fiscal au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/118 ne
puisse être suspendue qu’une fois que cette procédure pénale a abouti à une condamnation. En effet, la logique qui sous‑tend l’argumentation de Dual Prod semble être que, accusée d’une infraction pénale dans le cadre de l’activité qu’elle exploite en vertu d’une autorisation ( 39 ), elle peut néanmoins continuer à exercer cette activité jusqu’à ce qu’elle ait été condamnée pour cette infraction. Aucune interprétation de l’article 16 de la directive 2008/118 n’autorise une telle conclusion, qui
risquerait en outre de porter sensiblement atteinte à l’efficacité du régime d’entrepôt autorisé prévu par cette directive et à la confiance en celui-ci ( 40 ).

43. En vertu du devoir d’impartialité et de la présomption d’innocence, le juge du fond, au cours de procédures pénales ultérieures ou parallèles, ne doit pas considérer les suspensions comme étant des indices de culpabilité du prévenu dans le cadre d’une procédure pénale. Tel semble être le seul contexte dans lequel la présomption d’innocence peut être pertinente dès lors qu’elle ne trouve pas à s’appliquer dans la procédure administrative ayant donné lieu à l’imposition de la seconde suspension.

44. Il est également pertinent que la Cour a jugé que le principe de la présomption d’innocence ne s’oppose pas à ce qu’opère, dans les affaires pénales, une présomption légale qui transfère la charge de la preuve au prévenu, dès lors que cette présomption est réfragable et que les droits de la défense sont assurés ( 41 ). De telles présomptions opèrent, par exemple, dans le domaine du droit de l’Union régissant l’identification et la répression des ententes ( 42 ). De la même façon, la Cour EDH a
relevé que les présomptions de fait ou de droit opèrent dans tout système juridique et que la CEDH n’interdit pas d’y recourir. En revanche, les États sont tenus d’enserrer de telles présomptions dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu pour le prévenu et préservant les droits de la défense dans le cadre d’une procédure pénale ( 43 ). Par ailleurs, il n’est pas interdit aux autorités de tirer des conclusions raisonnables de tous les éléments de preuve disponibles (
44 ). Bien que ces considérations aient été développées dans le contexte de procédures pénales et de sanctions, elles s’appliquent également en matière non pénale.

45. À la lumière de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/118, ne s’oppose pas à l’imposition d’une sanction administrative de suspension d’une autorisation afin de prévenir toute forme éventuelle de fraude ou d’abus avant qu’une condamnation pénale définitive n’ait été prononcée, ni à l’application d’une présomption dans ce contexte.

D.   La seconde question préjudicielle

46. La juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 50 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/118, s’oppose à ce que les autorités suspendent deux fois une autorisation pour les mêmes faits.

47. Dans la mesure où je considère qu’aucune des suspensions n’est de nature pénale, le principe ne bis in idem figurant à l’article 50 de la Charte et à l’article 4, paragraphe 1, du protocole no 7 à la CEDH n’est pas applicable, pas plus que la jurisprudence qui a été développée dans des situations où des procédures pénales et non pénales étroitement liées résultent des mêmes faits ( 45 ). Je partage également les observations formulées par le gouvernement italien, selon lesquelles la décision de
renvoi n’explique pas suffisamment pourquoi les faits ayant donné lieu à chacune des deux suspensions sont les mêmes, étant donné que, conformément à la décision de renvoi, la première suspension a été adoptée en application de l’article 452, paragraphe 1, sous i), du code des impôts, relatif à l’utilisation d’équipements au moyen desquels des quantités d’alcool ou d’eaux‑de-vie peuvent être extraites sans être dûment prises en compte, et la seconde en application de l’article 452, paragraphe 1,
sous i) et h), du code des impôts, ce dernier concernant la détention de produits soumis à accise en dehors de l’entrepôt fiscal. La seconde question préjudicielle est par conséquent hypothétique, même dans le cas où les suspensions, ou l’une d’entre elles, seraient considérées comme revêtant un caractère pénal ( 46 ).

48. La Commission estime que l’imposition de deux sanctions administratives, en cas d’identité de l’auteur de l’infraction, des faits matériels et de l’intérêt protégé, devrait être limitée par référence aux principes de proportionnalité et de bonne administration afin d’assurer que leur durée cumulée ne soit pas excessive ( 47 ). À mon avis, l’objection formulée au point précédent des présentes conclusions est applicable : dès lors qu’il existe une incertitude majeure quant à la question de savoir
si les faits matériels ayant donné lieu à chacune des deux suspensions sont les mêmes, l’application éventuelle d’une loi administrative équivalente au principe ne bis in idem revêt un caractère hypothétique. Il ne serait dès lors pas utile d’examiner ce point dans le cadre du présent renvoi préjudiciel, compte tenu du fait que seule la Commission a soulevé cette problématique et que la juridiction de renvoi n’a pas inclus de question alternative en ce sens.

V. Conclusion

49. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre en ces termes aux questions posées à titre préjudiciel par le Tribunalul Satu Mare (tribunal de grande instance de Satu Mare, Roumanie) :

L’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose ni à l’imposition d’une sanction administrative de suspension d’une autorisation afin de prévenir toute forme éventuelle de fraude ou d’abus avant qu’une condamnation pénale définitive n’ait été prononcée, ni à l’application d’une présomption dans ce contexte.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2009, L 9, p. 12.

( 3 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 688 du 10 septembre 2015.

( 4 ) L’acte visé à l’article 452, paragraphe 1, sous h), ne figure pas parmi les actes énumérés.

( 5 ) Voir, par exemple, arrêt du 2 février 2021, Consob (C‑481/19, EU:C:2021:84, point 36 et jurisprudence citée).

( 6 ) Arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, points 17 à 23 et jurisprudence citée).

( 7 ) Dans le contexte de la présomption d’innocence des personnes physiques dans le cadre de procédures pénales, voir article 4 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1). Voir également, par exemple, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence) (C‑377/18, EU:C:2019:670, point 43
et jurisprudence citée).

( 8 ) Dans le contexte de la présomption d’innocence des personnes physiques dans le cadre de procédures pénales, voir considérant 16 de la directive 2016/343, faisant référence à des décisions préliminaires de nature procédurale, qui se fondent sur des soupçons ou des éléments de preuve à charge, tels que les décisions de détention provisoire, ainsi que considérants 18 et 19 de cette directive, faisant référence à la diffusion publique des informations sur les procédures pénales. Voir également,
par exemple, arrêt du 28 novembre 2019, Spetsializirana prokuratura (C‑653/19 PPU, EU:C:2019:1024).

( 9 ) Voir, par exemple, arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission (C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 150 et jurisprudence citée).

( 10 ) Voir explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17). Voir également, par exemple, arrêt du 9 septembre 2021, Adler Real Estate e.a. (C‑546/18, EU:C:2021:711, point 46 et jurisprudence citée), et article 3 de la directive 2016/343.

( 11 ) Arrêt du 20 mars 2018, Menci (C‑524/15, EU:C:2018:197, point 25 et jurisprudence citée).

( 12 ) Voir explications relatives à la Charte des droits fondamentaux.

( 13 ) Arrêt du 5 juin 2012, Bonda (C‑489/10, EU:C:2012:319, point 37 et jurisprudence citée). Ces trois critères sont également connus sous le nom de « critères Engel », d’après l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») du 8 juin 1976, Engel et autres c. Pays-Bas (CE:ECHR:1976:0608JUD000510071). Les critères Engel ont été adoptés pour établir l’existence d’une accusation en matière pénale au sens de l’article 6 de la CEDH. Afin de faciliter l’interprétation
cohérente de la CEDH, la Cour EDH a jugé que ces critères régissent l’applicabilité de l’article 7 de la CEDH et du principe ne bis in idem énoncé à l’article 4, paragraphe 1, du protocole no 7 à celle-ci [Cour EDH, 25 juin 2020, Ghoumid et autres c. France (CE:ECHR:2020:0625JUD005227316, § 68 et jurisprudence citée)].

( 14 ) Arrêt du 20 mars 2018, Menci (C‑524/15, EU:C:2018:197, points 29 et 30 et jurisprudence citée).

( 15 ) Arrêts du 27 octobre 1992, Allemagne/Commission (C‑240/90, EU:C:1992:408, points 25 à 27) ; du 11 juillet 2002, Käserei Champignon Hofmeister (C‑210/00, EU:C:2002:440, points 36 à 44 et jurisprudence citée), et du 5 juin 2012, Bonda (C‑489/10, EU:C:2012:319, points 40 à 46).

( 16 ) Arrêt du 6 décembre 2012, SEPA (C‑562/11, EU:C:2012:779, point 25 et jurisprudence citée).

( 17 ) Arrêt du 26 septembre 2014, Flying Holding e.a./Commission (T‑91/12 et T‑280/12, EU:T:2014:832, points 60 à 63 et jurisprudence citée).

( 18 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1).

( 19 ) Arrêt du 13 septembre 2018, UBS Europe e.a. (C‑358/16, EU:C:2018:715, point 46).

( 20 ) Conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire UBS Europe e.a. (C‑358/16, EU:C:2017:606, points 60 à 71 et jurisprudence citée). Voir, également, Cour EDH, 1er février 2007, Storbråten c. Norvège (CE:ECHR:2007:0201DEC001227704).

( 21 ) Arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2012:72, point 94 et jurisprudence citée).

( 22 ) Arrêt du 20 mars 2018, Garlsson Real Estate e.a. (C‑537/16, EU:C:2018:193, point 35).

( 23 ) Arrêt du 20 mars 2018, Menci (C‑524/15, EU:C:2018:197, point 33).

( 24 ) Arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, points 86 à 93 et jurisprudence citée), et Cour EDH, 23 septembre 1998, Malige c. France (CE:ECHR:1998:0923JUD002781295, §§ 35 à 40 et jurisprudence citée).

( 25 ) Conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Kapnoviomichania Karelia (C‑81/15, EU:C:2016:66, points 44 à 46 et jurisprudence citée).

( 26 ) Cour EDH, 8 juin 1976, Engel et autres c. Pays-Bas (CE:EHCR:1976:0608JUD000510071, § 82), et 31 mai 2011, Žugić c. Croatie (CE:ECHR:2011:0531JUD000369908, § 68).

( 27 ) Cour EDH, 19 février 2013, Müller-Hartburg c. Autriche (CE:ECHR:2013:0219JUD004719506, §§ 45 à 49 et jurisprudence citée).

( 28 ) Cour EDH, 15 décembre 2020, Pişkin c. Turquie (CE:ECHR:2020:1215JUD003339918, §§ 105 à 109 et jurisprudence citée).

( 29 ) Cour EDH, 7 juillet 1989, Tre Traktörer Aktiebolag c. Suède (CE:ECHR:1989:0707JUD001087384, § 46).

( 30 ) Cour EDH, 4 juin 2019, Rola c. Slovénie (CE:ECHR:2019:0604JUD001209614, §§ 60 à 67 et jurisprudence citée).

( 31 ) Cour EDH, 4 mars 2014, Grande Stevens c. Italie (CE:ECHR:2014:0304JUD001864010, §§ 95 à 101 et jurisprudence citée).

( 32 ) Arrêt du 20 mars 2018, Menci (C‑524/15, EU:C:2018:197, point 27 et jurisprudence citée).

( 33 ) Voir point 26 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

( 34 ) Voir, également, articles 2, 7 et 8 de la recommandation de la Commission du 29 novembre 2000 fixant des orientations relatives à l’agrément des entrepositaires, conformément à la directive 92/12/CEE du Conseil en ce qui concerne les produits soumis à accise (JO 2000, L 314, p. 29).

( 35 ) Voir, par analogie, arrêts du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary (C‑189/18, EU:C:2019:861, point 37 et jurisprudence citée), et du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal) (C‑430/19, EU:C:2020:429, point 45).

( 36 ) Voir, par exemple, arrêt du 9 février 2012, Urbán (C‑210/10, EU:C:2012:64, points 45 à 59 et jurisprudence citée).

( 37 ) Voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2020, Agrobet CZ (C‑446/18, EU:C:2020:369, points 42 et 44 et jurisprudence citée).

( 38 ) Arrêts du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 68), et du 24 février 2022, SC Cridar Cons (C‑582/20, EU:C:2022:114, point 37 et jurisprudence citée).

( 39 ) Ou, dans le contexte de la première suspension adoptée en vertu de l’article 369, paragraphe 3, sous b), du code des impôts, ayant commis un acte visé à l’article 452, paragraphe 1, sous i), du code des impôts.

( 40 ) Voir, dans le même sens, dans le contexte de sanctions pénales infligées par un organe administratif, Cour EDH, 28 juin 2018, G.I.E.M. S.r.l. et autres c. Italie (CE:ECHR:2018:0628JUD000182806, § 254 et jurisprudence citée).

( 41 ) Arrêt du 23 décembre 2009, Spector Photo Group et Van Raemdonck (C‑45/08, EU:C:2009:806, points 43 et 44 et jurisprudence citée).

( 42 ) Voir, par exemple, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 81 et jurisprudence citée), et du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group/Commission (C‑595/18 P, EU:C:2021:73, points 31 à 33 et jurisprudence citée).

( 43 ) Cour EDH, 7 octobre 1988, Salabiaku c. France (CE:ECHR:1988:1007JUD001051983, § 28 et jurisprudence citée).

( 44 ) Cour EDH, 8 février 1996, John Murray c. Royaume-Uni (CE:ECHR:1996:0208JUD001873191, § 54).

( 45 ) Cour EDH, 15 novembre 2016, A et B c. Norvège (CE:ECHR:2016:1115JUD002413011), et 18 mai 2017, Jóhannesson et autres c. Islande (CE:ECHR:2017:0518JUD002200711).

( 46 ) Ordonnance du 7 octobre 2013, Società cooperativa Madonna dei miracoli (C‑82/13, EU:C:2013:655, point 12 et jurisprudence citée).

( 47 ) Voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission (C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 181 et 182 et jurisprudence citée). Voir également principe no 3 de la recommandation no R (91) 1, adoptée le 13 février 1991 par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui énonce qu’une personne ne peut être soumise à une sanction administrative deux fois pour un même fait, sur la base d’une même règle de droit ou de règles de droit protégeant le
même intérêt social.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-412/21
Date de la décision : 20/10/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Satu Mare.

Renvoi préjudiciel – Droits d’accise – Directive 2008/118/CE – Article 16, paragraphe 1 – Autorisation d’agir en tant qu’entrepôt fiscal de produits soumis à accise – Mesures de suspension successives – Caractère pénal – Articles 48 et 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – – Principe de la présomption d’innocence – Principe ne bis in idem – Proportionnalité.

Rapprochement des législations

Droits fondamentaux

Charte des droits fondamentaux

Fiscalité

Principes, objectifs et mission des traités


Parties
Demandeurs : Dual Prod SRL
Défendeurs : Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Cluj-Napoca – Comisia regională pentru autorizarea operatorilor de produse supuse accizelor armonizate.

Composition du Tribunal
Avocat général : Collins

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:821

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