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29/09/2022 | CJUE | N°C-78/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 29 septembre 2022., AS « PrivatBank » e.a. contre Finanšu un kapitāla tirgus komisija., 29/09/2022, C-78/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 29 septembre 2022 ( 1 )

Affaire C‑78/21

AS « PrivatBank »,

A,

B,

Unimain Holdings Limited

contre

Finanšu un kapitāla tirgus komisija

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie)]

« Renvoi préjudiciel – Articles 56 et 63 TFUE – Libre prestation des services – Libre circulation des capitaux et des paiements 

– Services financiers – Restrictions – Interdiction, pour un établissement de crédit, de nouer ou de maintenir des relations d’affaires avec toute personne...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 29 septembre 2022 ( 1 )

Affaire C‑78/21

AS « PrivatBank »,

A,

B,

Unimain Holdings Limited

contre

Finanšu un kapitāla tirgus komisija

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie)]

« Renvoi préjudiciel – Articles 56 et 63 TFUE – Libre prestation des services – Libre circulation des capitaux et des paiements – Services financiers – Restrictions – Interdiction, pour un établissement de crédit, de nouer ou de maintenir des relations d’affaires avec toute personne n’ayant pas de lien avec la Lettonie – Justification – Prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme – Article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE –
Directive (UE) 2015/849 – Proportionnalité »

I. Introduction

1. Le système de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme dans l’Union européenne se traduit par certaines exigences pour les systèmes de gestion des risques des banques, notamment l’obligation de vérifier l’identité des clients, avant l’établissement d’une relation d’affaires ou l’exécution d’une transaction, et d’obtenir des informations sur l’objet de la relation d’affaires. En cas d’impossibilité de procéder à cette vérification ou d’obtenir ces informations, les
banques ont l’interdiction d’exécuter les transactions concernées ou de nouer les relations d’affaires envisagées. L’intensité des mesures de vigilance requises dépend du profil de risque du client ; aux termes du considérant 22 de la directive (UE) 2015/849 ( 2 ), il convient de déterminer ce profil selon une approche fondée sur les risques globale.

2. En l’occurrence, l’autorité de surveillance prudentielle lettone chargée de la lutte contre le blanchiment de capitaux, la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (commission des marchés financiers et des capitaux, Lettonie, ci-après la « FKTK »), a constaté, sur une certaine durée, des défaillances dans le système de gestion des risques d’un établissement de crédit établi en Lettonie. Celui-ci n’était manifestement pas à même d’appliquer les mesures de vigilance requises à l’égard de sa clientèle.
En conséquence, cet établissement de crédit s’est vu imposer par la FKTK l’obligation de ne pas nouer de relations d’affaires avec toute personne dont il est établi qu’elle n’a pas de lien avec la Lettonie et que ses mouvements créditeurs mensuels dépassent un certain seuil, ainsi que de mettre immédiatement un terme à toute relation d’affaires nouée avec une telle personne après l’adoption de la décision de la FKTK. Cette décision soulève la question de savoir si une telle mesure est compatible
avec les libertés fondamentales et, le cas échéant, en quelles circonstances et sous quelles conditions.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le traité FUE

3. L’article 56, premier alinéa, TFUE dispose que, dans le cadre des dispositions de ce traité, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.

4. L’article 63, paragraphe 1, TFUE, quant à lui, dispose que toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

5. L’article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE, enfin, dispose que l’article 63 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique, ou de prendre des mesures justifiées par
des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.

2. La directive 2015/849

6. La directive 2015/849 (quatrième directive relative à la prévention du blanchiment de capitaux) est une refonte de la directive 2005/60/CE ( 3 ) (troisième directive relative à la prévention du blanchiment de capitaux). La directive (UE) 2018/843 ( 4 ) (cinquième directive relative à la prévention du blanchiment de capitaux) n’est pas encore applicable, ratione temporis, en ce qui concerne la présente affaire.

7. Le considérant 22 de la directive 2015/849 est rédigé comme suit :

« Le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme n’est pas toujours le même dans chaque cas. Il conviendrait, en conséquence, d’appliquer une approche fondée sur les risques qui soit globale. L’approche fondée sur les risques ne constitue pas une option indûment permissive pour les États membres et les entités assujetties. Elle suppose le recours à la prise de décisions fondées sur des preuves, de façon à cibler de façon plus effective les risques de blanchiment de capitaux
et de financement du terrorisme menaçant l’Union et les acteurs qui opèrent en son sein. »

8. L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 2015/849 énonce son objet :

« 1.   La présente directive vise à prévenir l’utilisation du système financier de l’Union aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

2.   Les États membres veillent à ce que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme soient interdits. »

9. L’article 5 de la directive 2015/849 dispose :

« Les États membres peuvent arrêter ou maintenir en vigueur, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dans les limites du droit de l’Union. »

10. L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2015/849 décrit l’évaluation des risques incombant aux États membres :

« 1.   Chaque État membre prend des mesures appropriées pour identifier, évaluer, comprendre et atténuer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels il est exposé, ainsi que tout problème relatif à la protection des données qui y est lié. Il tient à jour cette évaluation des risques. »

11. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2015/849 décrit l’évaluation des risques incombant aux établissements financiers :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les entités assujetties prennent des mesures appropriées pour identifier et évaluer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels elles sont exposées, en tenant compte de facteurs de risques y compris ceux liés à leurs clients, pays ou zones géographiques, produits, services, transactions ou canaux de distribution. Ces mesures sont proportionnées à la nature et à la taille des entités assujetties. »

12. Le chapitre II de la directive 2015/849 règle les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle. Dans sa section 1, intitulée « Dispositions générales », les articles 13 et 14 arrêtent les obligations normales de vigilance à l’égard de la clientèle. Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2015/849, ces obligations comprennent l’identification du client [sous a)] et du bénéficiaire effectif [sous b)], l’évaluation et, le cas échéant, l’obtention d’informations sur l’objet
et la nature envisagée de la relation d’affaires [sous c)], ainsi que l’exercice d’un contrôle continu de la relation d’affaires [sous d)].

13. L’article 14, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2015/849, règle les conséquences de l’impossibilité de se conformer aux obligations de vigilance énoncées à l’article 13 de cette directive :

« 4.   Les États membres exigent d’une entité assujettie qui n’est pas en mesure de se conformer aux obligations de vigilance à l’égard de la clientèle prévues à l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, point a), b) ou c), de ne pas exécuter de transaction par compte bancaire, de ne pas nouer de relation d’affaires ou de ne pas exécuter la transaction, et de mettre un terme à la relation d’affaires et d’envisager de transmettre à la [cellule de renseignement financier (CRF)] une déclaration
de transaction suspecte au sujet du client conformément à l’article 33. »

14. Les sections 2 et 3 du chapitre II de la directive 2015/849 définissent respectivement les obligations simplifiées de vigilance et les obligations de vigilance renforcées à l’égard de la clientèle.

15. S’agissant des obligations simplifiées, il résulte de l’article 15, paragraphes 1 et 2, de la directive 2015/849 que, lorsqu’un État membre ou une entité assujettie identifie des domaines présentant un risque moins élevé, ou lorsqu’une entité assujettie s’est assurée que la relation d’affaires ou la transaction présente un degré de risque moins élevé, cette entité assujettie peut être autorisée à appliquer des mesures simplifiées de vigilance à l’égard de la clientèle. Aux fins de l’évaluation
des risques, l’article 16 de cette directive renvoie aux facteurs de situations de risque potentiellement moins élevé énoncés à l’annexe II de ladite directive.

16. En ce qui concerne les obligations renforcées, il résulte de l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2015/849 que, dans les cas visés aux articles 19 à 24 de cette directive et dans le cadre de relations avec des personnes physiques ou des entités juridiques établies dans les pays tiers répertoriés par la Commission comme étant des pays tiers à haut risque ainsi que dans d’autres cas de risques plus élevés identifiés par les États membres ou les entités assujetties, ces dernières sont tenues
d’appliquer des mesures de vigilance renforcées à l’égard de la clientèle afin de gérer et d’atténuer ces risques de manière adéquate. Aux fins de l’évaluation des risques, l’article 18, paragraphe 3, de ladite directive renvoie aux facteurs de situations de risque potentiellement plus élevé énoncés à l’annexe III de la même directive.

17. La section 4 du chapitre VI de la directive 2015/849, intitulé « Politiques, procédures et surveillance », définit les sanctions applicables. Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, seconde phrase, de cette directive, les sanctions ou mesures résultant des dispositions transposant cette dernière doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. L’article 59, paragraphe 2, de ladite directive établit une liste de sanctions et mesures administratives minimales pouvant être appliquées par
les États membres, notamment, aux termes de l’article 59, paragraphe 2, sous c), de la même directive, le retrait ou la suspension de l’agrément lorsqu’une entité assujettie est soumise à un agrément.

18. En outre, l’article 59, paragraphe 4, de la directive 2015/849 autorise l’imposition de sanctions administratives non prévues par la directive :

« 4.   Les États membres peuvent habiliter les autorités compétentes à imposer d’autres types de sanctions administratives outre celles visées au paragraphe 2, [sous] a) à d), ou à imposer des sanctions administratives pécuniaires dépassant les montants visés au paragraphe 2, [sous] e), et au paragraphe 3. »

19. Les annexes II et III de la directive 2015/849 contiennent chacune une liste non exhaustive des facteurs et des types d’éléments indicatifs d’un risque respectivement potentiellement moins élevé et potentiellement plus élevé. Selon le point 1, sous c), lu en combinaison avec le point 3, sous a), de l’annexe II de cette directive, les États membres se situent dans une zone géographique à risque moins élevé. Au titre des facteurs de situations de risque potentiellement plus élevé, le point 3,
sous b), de l’annexe III de ladite directive cite les « pays identifiés par des sources crédibles comme présentant des niveaux significatifs de corruption ou d’autre activité criminelle ».

B.   Le droit letton

20. L’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 12, point 2, de la Noziedzīgi iegūtu līdzekļu legalizācijas un terorisma un proliferācijas finansēšanas novēršanas likums (loi sur la prévention du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération du 17 juillet 2008, Latvijas Vēstnesis, 2008, no 116, ci-après la « loi anti-blanchiment ») dispose que les établissements de crédit effectuent et documentent l’évaluation des risques de blanchiment de capitaux ainsi que de
financement du terrorisme et de la prolifération et, sur la base de cette évaluation, mettent en place un système de contrôle interne destiné à la prévention du blanchiment de capitaux ainsi que du financement du terrorisme et de la prolifération, lequel tient compte, notamment, des risques liés au pays et à la zone géographique, c’est-à-dire du risque que le client ou son bénéficiaire effectif présente un lien avec un pays ou territoire dont les circonstances économiques, sociales, juridiques
ou politiques sont susceptibles d’indiquer un risque élevé, inhérent à ce pays ou territoire, de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et de la prolifération.

21. Par ailleurs, aux termes de l’article 5, de l’article 6, point 13, et de l’article 7, paragraphe 1, point 3, de la Finanšu un kapitāla tirgus komisijas likums (loi sur la FKTK du 1er juin 2000, Latvijas Vēstnesis, 2000, no 230/232), de l’article 45, paragraphe 1, point 1, de la loi anti-blanchiment ainsi que de l’article 991 et de l’article 113, paragraphe 1, point 4, de la Kredītiestāžu likums (loi sur les établissements de crédit du 5 octobre 1995, Latvijas Vēstnesis, 1995, no 163), la FKTK
vérifie et contrôle le respect, par les opérateurs des marchés financiers et de capitaux, des exigences prévues par la loi anti-blanchiment et peut imposer des restrictions aux droits et activités d’un établissement de crédit, y compris la suspension totale ou partielle de la fourniture de services financiers, ainsi que des restrictions à l’exécution des obligations.

III. Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

22. L’AS « PrivatBank » (ci-après « PrivatBank ») est un établissement de crédit établi en Lettonie. A et B, deux ressortissants chypriotes, ainsi qu’Unimain Holdings Limited, une société immatriculée à Chypre, sont actionnaires de PrivatBank.

23. Du 17 au 30 octobre 2017, la FKTK a procédé à un contrôle des activités de PrivatBank afin de vérifier si, dans le cadre de l’exercice de son devoir de vigilance à l’égard des clients présentant un lien avec ses actionnaires ainsi que de la surveillance de leurs transactions, la banque respectait les exigences des lois et règlements en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

24. Au cours de ce contrôle, la FKTK a constaté que PrivatBank avait notamment violé les dispositions relatives à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme contenues dans la loi sur les établissements de crédit ainsi que dans la loi anti-blanchiment. Selon la FKTK, cela faisait déjà un certain temps que le système de contrôle interne de PrivatBank concernant les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle et la surveillance des transactions n’était pas suffisamment
efficace pour garantir, au sein de la banque, le respect de l’ensemble des lois et règlements en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ainsi qu’une gestion efficace des risques en la matière. En particulier, PrivatBank aurait fait bénéficier une partie de ses clients, dont les bénéficiaires effectifs sont actionnaires de la banque, de conditions plus favorables en ce qui concerne tant la surveillance des opérations des clients existants que l’admission
de nouveaux clients au sein de ce cercle.

25. Par décision du 13 septembre 2019, la FKTK a infligé une amende à PrivatBank et lui a imposé toute une série d’obligations (ci-après la « décision litigieuse »). La banque s’est notamment vu imposer, dans l’attente de la mise en œuvre des mesures prévues dans la décision litigieuse et de sa validation par la FKTK, l’obligation de ne pas nouer de relations d’affaires avec toute personne dont il est établi qu’elle répond à l’un des critères suivants et de mettre immédiatement un terme à toute
relation d’affaires nouée avec une telle personne après l’adoption de la décision litigieuse :

– il s’agit d’une personne physique qui n’a pas de lien avec la Lettonie et dont les mouvements créditeurs mensuels dépassent 15000 euros ou d’une personne morale dont l’activité économique ne présente pas de lien avec la Lettonie et dont les mouvements créditeurs mensuels dépassent 50000 euros (décision litigieuse, point 4.4.1.2) ;

– il s’agit d’une société dont les bénéficiaires effectifs sont actionnaires de la banque ou des personnes liées à ces derniers (décision litigieuse, point 4.4.1.3).

26. PrivatBank s’est également vu imposer l’obligation de s’assurer que les mouvements créditeurs mensuels tant des clients dont les bénéficiaires effectifs sont actionnaires de la banque ou des personnes liées à ces derniers que des personnes relevant de la catégorie des clients liés aux clients précités ne dépassent pas, d’après les données fournies par la banque, le montant moyen des mouvements créditeurs mensuels du client concerné pour l’année 2019 (décision litigieuse, point 4.4.2).

27. PrivatBank a saisi l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie, ci-après la « juridiction de renvoi ») d’un recours en annulation de la décision litigieuse en ce qui concerne l’infraction constatée ainsi que l’amende infligée. A, B et Unimain Holdings ont également saisi la juridiction de renvoi d’un recours en annulation des obligations imposées aux points 4.4.1.2, 4.4.1.3 et 4.4.2 de la décision litigieuse. Les actionnaires de PrivatBank estiment que la décision
litigieuse viole les articles 18 et 63 TFUE. Selon eux, les restrictions adoptées dans la décision litigieuse ne sont fondées ni sur l’exercice d’une activité illégale, quelle qu’elle soit, ni sur les dispositions prohibitives relatives à la prévention du blanchiment de capitaux en vigueur au sein de l’Union, y compris en Lettonie. Ces restrictions auraient été prises et produiraient leurs effets à l’encontre de toute personne, physique ou morale, même si elle agit en toute légalité. Du fait de
l’obligation de ne collaborer qu’avec des ressortissants de la République de Lettonie et des sociétés commerciales établies en Lettonie, PrivatBank serait obligée de considérer automatiquement toutes autres personnes, y compris les ressortissants et les entreprises de l’Union européenne, comme des personnes en soi dangereuses et potentiellement à haut risque, puisqu’elle n’aurait pas le droit d’en décider autrement et d’entamer une collaboration avec ces personnes.

28. Au contraire, la FKTK soutient que la décision litigieuse ne saurait être considérée comme une restriction aux mouvements de capitaux, car, d’une part, elle viserait uniquement un établissement de crédit particulier et, d’autre part, elle ne concernerait qu’une catégorie limitée de clients de cet établissement. La décision litigieuse ne priverait pas ceux-ci du droit de déposer des fonds dans tout autre établissement de crédit agréé en Lettonie. Le but des obligations imposées par la décision
litigieuse serait de mettre un terme aux infractions aux lois et règlements commises par PrivatBank et de faire échec à d’éventuelles infractions futures, lesquelles seraient susceptibles d’avoir des répercussions importantes, non seulement en ce qui concerne le risque de voir la banque impliquée dans des affaires de blanchiment de capitaux ou de tentative de blanchiment de capitaux, de contournement ou de violation de sanctions internationales, mais aussi sur la réputation du secteur financier
dans son ensemble. Dès lors, la décision litigieuse constituerait une restriction justifiée et proportionnée au sens de l’article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE.

29. C’est dans ce contexte que, par décision du 11 janvier 2021, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les prêts et crédits financiers ainsi que les opérations en comptes courants et de dépôts auprès des établissements financiers (y compris les banques) énumérés à l’annexe I de la [directive 88/361/CEE] ( 5 ) doivent-ils également être considérés comme des mouvements de capitaux au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE ?

2) Une restriction (qui ne découle pas directement de la législation nationale) imposée par les autorités compétentes d’un État membre à un établissement de crédit particulier lui interdisant de nouer des relations d’affaires et l’obligeant à mettre un terme aux relations d’affaires existantes avec des personnes qui ne sont pas ressortissants de la République de Lettonie constitue-t-elle une mesure d’un État membre au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE qui, à ce titre, porte atteinte au
principe de libre circulation des capitaux entre les États membres que cette disposition vise à protéger ?

3) La restriction aux mouvements de capitaux au sens de l’article 63, paragraphe 1, [TFUE] peut-elle être justifiée pour atteindre l’objectif visant à prévenir l’utilisation du système financier de l’Union aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, énoncé à l’article 1er de la [directive 2015/849] ?

4) Le moyen choisi par l’État membre – l’obligation imposée à un établissement de crédit particulier de ne pas nouer des relations d’affaires avec des personnes qui ne sont pas ressortissants d’un État membre particulier (République de Lettonie) et de mettre un terme à de telles relations d’affaires – est-il adapté à la réalisation de l’objectif énoncé à l’article 1er de la [directive 2015/849] et constitue-t-il de ce fait une exception au titre de l’article 65, paragraphe 1, sous b), [TFUE] ? »

30. Le 10 mars 2022, à la demande de la Cour, la juridiction de renvoi a apporté des éclaircissements concernant les faits de l’affaire et précisé que la mesure contenue au point 4.4.1.2 de la décision litigieuse s’appuie non pas sur le critère de la nationalité lettone, mais sur celui du lien avec la Lettonie.

31. Dans le cadre de la procédure devant la Cour, PrivatBank et les gouvernements italien et letton ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites sur les questions posées par la juridiction de renvoi. A e.a., le gouvernement letton, la FKTK ainsi que la Commission ont également présenté des observations orales lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 27 avril 2022.

IV. Analyse juridique

32. La demande de décision préjudicielle porte sur la légalité de l’obligation faite à PrivatBank de ne pas nouer de relations d’affaires avec toute personne dont il est établi qu’elle n’a pas de lien avec la Lettonie et de mettre immédiatement un terme à de telles relations d’affaires. Ces restrictions ne s’appliquent qu’à partir du moment où les mouvements créditeurs mensuels dépassent un certain seuil : 15000 euros pour les personnes physiques, 50000 euros pour les personnes morales ( 6 ).

33. En réponse à une demande d’éclaircissements de la Cour, la juridiction de renvoi a confirmé que, pour identifier les personnes concernées, la décision litigieuse s’appuie non pas sur le critère de la nationalité, mais sur celui du lien avec la Lettonie.

34. Dans la suite des présentes conclusions, nous nous pencherons tout d’abord sur la question des libertés fondamentales applicables (section A), puis sur la question de leur restriction (section B). Enfin, nous examinerons si l’objectif de prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme est susceptible de justifier une telle restriction (section C).

A.   Sur la première question préjudicielle : les libertés fondamentales applicables

35. Tout d’abord, la juridiction de renvoi cherche à savoir si les prêts et crédits financiers ainsi que les opérations en comptes courants et de dépôts auprès des établissements financiers, notamment des banques, doivent être considérés comme des « mouvements de capitaux » au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

36. En l’absence, dans les traités, d’une définition de la notion de « mouvements de capitaux », la Cour a reconnu une valeur indicative à la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de la directive 88/361 ( 7 ). Aux termes de l’introduction de cette annexe, les mouvements de capitaux énumérés dans cette nomenclature s’entendent comme couvrant, notamment, l’ensemble des opérations nécessaires à la réalisation des mouvements de capitaux ainsi que les opérations de remboursement
des crédits ou prêts, sachant que ladite nomenclature n’est pas limitative de la notion de « mouvement de capitaux ». La section VI de l’annexe I énumère les « Opérations en comptes courants et de dépôts auprès des établissements financiers », tandis que sa section VIII porte sur les « Prêts et crédits financiers ». Par ailleurs, cette annexe précise notamment, dans la section intitulée « Notes explicatives », que les banques comptent au rang des « établissements financiers ». En outre, la Cour
a précédemment précisé que l’activité d’octroi de crédits à titre professionnel se rapporte, en principe, à la libre circulation des capitaux ( 8 ).

37. Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que les prêts et crédits financiers ainsi que les opérations en comptes courants et de dépôts auprès des établissements financiers, tels que les banques, doivent être considérés comme des « mouvements de capitaux », au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

38. Comme l’a précédemment jugé la Cour, l’activité consistant à octroyer des crédits constitue également un service, au sens de l’article 56 TFUE, et se rapporte, en principe, tant à la libre prestation des services, au sens des articles 56 et suivants du traité FUE, qu’à la libre circulation des capitaux, au sens des articles 63 et suivants du traité FUE ( 9 ).

39. Dès lors, se pose la question de savoir s’il convient d’examiner ces deux libertés fondamentales ou si, dans les circonstances de l’affaire au principal, l’une d’elles prévaut sur l’autre.

40. En effet, la Cour estime que l’on ne saurait déduire de l’article 57, premier alinéa, TFUE, aux termes duquel, « [a]u sens des traités, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes », que, de manière générale, la libre prestation des services présente un caractère subsidiaire par rapport à la libre
circulation des capitaux ( 10 ).

41. Au contraire, lorsqu’une mesure se rapporte à la fois à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux, la Cour examine la mesure en cause, en principe, au regard de l’une seulement de ces deux libertés uniquement s’il s’avère que, dans les circonstances de l’espèce, l’une de ces deux libertés est tout à fait secondaire par rapport à l’autre et peut lui être rattachée ( 11 ). En revanche, s’il n’apparaît pas que l’une de ces deux libertés fondamentales est tout à fait
secondaire par rapport à l’autre, il convient d’examiner les deux ( 12 ).

42. Dans certaines circonstances, la Cour a estimé que l’activité consistant à octroyer des crédits se rapportait avant tout à la libre prestation des services. La diminution des flux financiers transfrontaliers afférents à de telles prestations n’était alors qu’une conséquence inéluctable de la restriction à la libre prestation des services. C’est pourquoi l’examen n’a porté que sur cette dernière ( 13 ).

43. Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

44. En l’occurrence, l’interdiction frappant certaines relations d’affaires ( 14 ) concerne tout autant le recours aux services financiers de PrivatBank que le flux des mouvements de capitaux en tant que tel. En effet, premièrement, la décision litigieuse, en s’appuyant sur le critère du montant des mouvements créditeurs, vise directement les mouvements de capitaux, que le client ait ou non recours à des services de conseil. Deuxièmement, les restrictions imposées ont pour objectif de prévenir les
flux financiers transfrontaliers ayant pour objet la dissimulation d’opérations de blanchiment de capitaux. Troisièmement, la décision litigieuse, en s’appuyant sur le critère du montant des mouvements créditeurs, n’interdit pas seulement les opérations de crédit, mais toutes les relations d’affaires de PrivatBank impliquant des mouvements de capitaux sur les comptes des clients concernés, sans qu’il soit possible de déterminer, de manière globale, si ces relations d’affaires relèvent de la
libre prestation des services, de la libre circulation des capitaux ou des deux. Enfin, la directive 2015/849 elle-même part du principe que les deux libertés fondamentales précitées sont applicables dans le cadre de la prévention du blanchiment de capitaux ( 15 ).

45. En conséquence, nous partageons l’avis de la Commission et du gouvernement italien selon lequel la restriction des relations d’affaires de PrivatBank imposée par la mesure litigieuse relève tant des dispositions relatives à la libre prestation des services que des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux. C’est pourquoi, dans la suite des présentes conclusions, nous répondrons aux questions préjudicielles au regard de ces deux libertés fondamentales.

46. Partant, il n’y a pas lieu de déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure il pourrait être plus facile d’imposer des restrictions aux mouvements de capitaux lorsque seule est affectée la libre circulation des capitaux, comme cela semble notamment ressortir du libellé de l’article 65 TFUE ( 16 ).

B.   Sur la deuxième question préjudicielle : la restriction à la libre prestation des services et aux mouvements de capitaux

47. L’obligation faite à une banque de mettre un terme à ses relations d’affaires avec toute personne n’ayant pas de lien avec l’État membre sur le territoire duquel cette banque est établie et de ne pas nouer de telles relations d’affaires ne renvoie pas à la nationalité des personnes concernées. Par conséquent, il s’agit non pas d’une discrimination directe fondée sur la nationalité, mais d’une discrimination seulement indirecte, elle aussi interdite par l’article 56, premier alinéa, et par
l’article 63, paragraphe 1, TFUE ( 17 ).

48. À cet égard, comme l’a fait observer le gouvernement letton, le lien avec la Lettonie s’entend comme un rapport de nature économique ou personnelle. Tout comme d’autres facteurs, le fait de résider ou de détenir des biens dans le pays en question peut fonder un tel rapport. Partant, même un ressortissant letton peut ne pas avoir de lien avec la Lettonie si, par exemple, il vit à l’étranger et n’entretient aucune relation avec son pays d’origine.

49. Néanmoins, il convient de partir du principe qu’il est bien plus probable qu’un ressortissant letton présente le lien requis avec la Lettonie qu’une personne ne possédant pas la nationalité lettone. Ainsi, du fait qu’elle s’appuie sur le critère du lien avec la Lettonie, la mesure litigieuse concerne majoritairement des personnes dépourvues de la nationalité lettone.

50. L’on ne peut pas davantage faire valoir le point de vue de la FKTK, selon lequel les personnes ayant des liens avec la Lettonie et celles qui n’en ont pas ne se trouvent pas dans des situations comparables, pour nier l’effet indirectement discriminatoire de la mesure litigieuse. D’une part, la Cour a, dans une certaine mesure, cessé d’examiner le critère de la situation objectivement comparable en tant que condition supplémentaire de la discrimination ( 18 ). D’autre part, nous avons
précédemment émis, à plusieurs reprises, des réserves concernant l’application de ce critère, car il conduit, en définitive, à anticiper l’examen de la justification de la mesure en cause ( 19 ).

51. Ainsi, il est, certes, manifeste que les personnes ayant un lien avec la Lettonie et celles qui n’en ont pas ne se trouvent pas dans une situation comparable. Néanmoins, l’on ne saurait fonder sur ce critère l’examen visant à établir l’existence ou non d’une restriction à la libre prestation des services et aux mouvements de capitaux. Si l’on devait considérer que l’absence de lien avec l’État membre en question constitue une différence objective entre deux situations, suffisante, à elle seule,
pour établir l’absence de discrimination, les libertés fondamentales seraient, de fait, vidées de leur substance. En effet, celles-ci ont précisément pour objet de permettre la fourniture de services transfrontaliers et la mise en place de mouvements de capitaux vers les autres États membres ainsi que vers des pays tiers. C’est pourquoi elles interdisent les restrictions fondées sur l’absence de relation avec un État membre particulier (à moins que celles-ci ne soient justifiées).

52. Dès lors, la question qui se pose est, en réalité, celle de savoir si la restriction imposée par la mesure litigieuse est susceptible d’être justifiée en raison des différences existant entre les clients nationaux et les clients étrangers. En effet, il est plus difficile pour PrivatBank de se conformer à ses obligations de vigilance à l’égard de la clientèle étrangère qu’à l’égard de la clientèle nationale, comme l’a fait observer la FKTK à l’audience. Cependant, nous abordons là la question de
la justification de la mesure litigieuse et non pas la question de savoir si cette dernière constitue une restriction à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux.

53. L’argument avancé par le gouvernement letton pour faire valoir que la mesure litigieuse ne constitue pas une restriction, à savoir que les personnes concernées sont libres de s’adresser à tout autre établissement de crédit agréé en Lettonie pour bénéficier de ces services, n’est pas non plus convaincant. En effet, le fait de pouvoir décider soi-même, en tant que bénéficiaire, avec quelle banque on souhaite établir des relations, afin, par exemple, de bénéficier de conditions ou produits
spécifiques, relève de l’essence même de la libre prestation des services et de la libre circulation des capitaux.

54. De même, le fait que seules sont concernées quelques personnes, à savoir les clients de PrivatBank qui n’ont pas de lien avec la Lettonie et dont les mouvements créditeurs mensuels dépassent le seuil fixé, ou encore le fait qu’il s’agit d’une mesure purement temporaire, ne saurait constituer un argument valable en faveur de l’absence d’effet restrictif de la mesure litigieuse. Selon une jurisprudence constante de la Cour, toute entrave, même d’importance mineure, à une liberté fondamentale est
prohibée ( 20 ). En tout état de cause, la mesure litigieuse s’applique potentiellement à toute personne sans lien avec la Lettonie souhaitant effectuer avec PrivatBank des opérations dont le montant dépasse le seuil fixé des mouvements créditeurs. Cela peut concerner un grand nombre de clients.

55. Par conséquent, une telle interdiction des relations d’affaires constitue une restriction tant à la libre prestation des services qu’à la libre circulation des capitaux.

C.   Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles : la justification de la restriction, notamment sa proportionnalité

56. Par ses troisième et quatrième questions préjudicielles, qui peuvent être examinées ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la restriction imposée par la mesure litigieuse peut être justifiée par l’objectif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ( 21 ), et en tant qu’exception prévue à l’article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE.

57. Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, une restriction aux libertés fondamentales ne peut être admise qu’à la condition, en premier lieu, d’être justifiée par une des raisons prévues par les traités ou par une raison impérieuse d’intérêt général et, en second lieu, de respecter le principe de proportionnalité. En particulier, elle doit être propre à garantir, de façon cohérente et systématique, la réalisation de l’objectif poursuivi et ne doit pas aller au-delà de ce qui est
nécessaire pour atteindre celui-ci ( 22 ).

1. Sur l’objectif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme

58. Selon la FKTK et le gouvernement letton, la restriction à laquelle sont soumises les relations d’affaires de PrivatBank a notamment pour objectif de mettre un terme aux infractions de cette dernière aux lois et règlements en matière de prévention du blanchiment de capitaux et de faire échec à toute violation future. Ces lois et règlements visent à prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, conformément à l’objectif énoncé à
l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2015/849.

59. La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme constitue un objectif légitime susceptible de justifier une entrave aux libertés fondamentales garanties par le traité FUE ( 23 ). La directive 2015/849 ne prévoyant qu’une harmonisation minimale ( 24 ), les États membres sont libres d’adopter des dispositions nationales plus ambitieuses à cet égard ( 25 ).

60. Outre l’objectif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, la restriction imposée par la mesure litigieuse vise à faire respecter les règles prescrites par l’autorité de surveillance prudentielle en matière de prévention du blanchiment de capitaux. Partant, elle poursuit également l’objectif requis par l’article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE ( 26 ), en ce qu’il s’agit d’une mesure prise pour faire échec aux infractions aux lois et règlements nationaux en matière
de contrôle prudentiel des établissements financiers.

2. Sur l’adéquation de la mesure

61. Une mesure nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi que si elle répond au souci d’atteindre cet objectif de manière cohérente et systématique ( 27 ).

62. Comme l’a fait observer le gouvernement letton à l’audience, l’un des principes au cœur de la directive 2015/849 est l’obligation pour les banques de connaître leurs clients [principe de connaissance du client (« know your customer »)]. C’est pour cette raison que l’article 8 de cette directive impose aux banques des obligations générales de vigilance, dont l’exécution est contrôlée par les États membres, conformément à l’article 7 de ladite directive.

63. Certes, la directive 2015/849 part du principe que les clients en provenance d’autres États membres ne présentent pas un risque plus élevé ( 28 ). Néanmoins, il peut s’avérer concrètement difficile pour un établissement financier d’obtenir des informations sur des clients qui n’exercent pas d’activité économique dans le pays dans lequel ils ouvrent un compte bancaire, qui n’y résident pas et qui n’y détiennent pas non plus de biens, et qui n’entretiennent pas par ailleurs de relation
significative avec ce pays. Les banques ayant plus de difficultés à obtenir des renseignements concernant les opérations et l’origine des ressources financières de leurs clients à l’étranger, les risques sont potentiellement plus élevés. Par exemple, le fait qu’un client soit géographiquement éloigné de la banque peut favoriser l’anonymat des transactions, ce qui peut à son tour entraîner un risque plus élevé de blanchiment de capitaux ( 29 ).

64. Ainsi, eu égard aux défaillances du système de gestion des risques de PrivatBank précédemment constatées, ainsi qu’au risque, identifié par la FKTK, que la banque ne se conforme pas à ses obligations de vigilance à l’égard de sa clientèle résidant à l’étranger ( 30 ), la mesure litigieuse nous apparaît comme étant propre à réduire le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

65. En outre, la FKTK a indiqué à l’audience que le fait que des comptes détenus par des personnes sans aucun lien avec la Lettonie enregistrent des mouvements créditeurs mensuels importants constitue déjà, en soi, un facteur de risque. En s’appuyant sur le critère du montant des mouvements créditeurs mensuels, la mesure litigieuse a permis à la FKTK de prendre également ce risque en considération.

66. Contrairement à ce que soutient la Commission, le fait que, en s’appuyant sur le critère du montant des mouvements créditeurs, la FKTK soustrait à la mesure litigieuse des clients de PrivatBank qui n’ont pas de lien avec la Lettonie et ne bénéficient que de mouvements créditeurs mensuels peu importants, mais qui pourraient présenter, eux aussi, un risque de blanchiment de capitaux, ne signifie pas que cette mesure ne poursuit pas l’objectif visé d’une manière cohérente et systématique.

67. D’une part, il ressort des annexes II et III de la directive 2015/849 que les États membres bénéficient d’une marge d’appréciation en ce qui concerne le choix des facteurs de risque qu’il convient de prendre en considération. Ainsi, les listes des facteurs et des types d’éléments indicatifs d’un risque potentiellement moins élevé ou plus élevé, respectivement, que contiennent ces annexes sont explicitement non exhaustives. C’est également ce que confirme l’article 5 de cette directive, aux
termes duquel les États membres peuvent arrêter des dispositions plus strictes pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dans les limites du droit de l’Union.

68. D’autre part, la directive 2015/849, dans son considérant 22, relève que le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme n’est pas toujours le même dans chaque cas. En conséquence, elle prévoit des obligations simplifiées de vigilance pour les situations présentant un risque peu élevé ( 31 ) ou pour les transactions exécutées à titre occasionnel ou à une échelle très limitée ( 32 ). En outre, on retrouve le montant de 15000 euros en tant que seuil déclencheur de
l’application de mesures de vigilance lors de l’exécution de transactions à titre occasionnel ( 33 ). Partant, le choix d’un seuil de mouvements créditeurs mensuels de 15000 euros pour les personnes physiques et de 50000 euros pour les personnes morales n’est pas déraisonnable et, qui plus est, moins restrictif que si la mesure litigieuse visait toutes les opérations.

69. Il résulte des considérations qui précèdent qu’une restriction des relations d’affaires telle que celle imposée par la mesure litigieuse peut être propre à garantir, de façon cohérente et systématique, la réalisation de l’objectif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, pour autant qu’il soit avéré que la banque n’est pas en mesure de se conformer à ses obligations de vigilance du fait de l’éloignement du client et que la définition de la catégorie des clients
visés par cette mesure corresponde au risque de blanchiment de capitaux identifié.

3. Sur le caractère nécessaire de la mesure

70. Par ailleurs, l’État membre doit démontrer que l’objectif invoqué ne peut être atteint par des mesures moins restrictives ( 34 ).

71. La Commission a émis des réserves concernant la nécessité d’une interdiction générale des relations d’affaires avec les personnes n’ayant pas de lien avec la Lettonie et l’obligation de mettre un terme à de telles relations d’affaires. Selon elle, la mesure litigieuse n’a été précédée d’aucune évaluation individuelle des risques dans le cas concret, client par client ; d’autres mesures, moins restrictives, sont envisageables, telles que les obligations de vigilance renforcées prévues à
l’article 18 de la directive 2015/849.

72. Ainsi que nous l’avons relevé dans l’introduction, le système de mesures de prévention prévu par la directive 2015/849 s’appuie sur une évaluation des risques effectuée selon une approche fondée sur les risques globale. Comme l’a récemment relevé l’avocat général Pitruzzella, l’évaluation des risques précitée constitue la condition préalable de l’adoption de mesures de prévention appropriées – c’est-à-dire de mesures de vigilance à l’égard de la clientèle – destinées à éviter ou, à tout le
moins, à entraver autant que possible le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En fait, en l’absence d’une évaluation des risques, il n’est possible ni pour l’État membre concerné ni, le cas échéant, pour une entité intéressée de décider au cas par cas quelles mesures appliquer ( 35 ).

73. Dans ce contexte, la directive 2015/849 distingue trois types de mesures de vigilance ( 36 ) que les entités assujetties peuvent être tenues d’appliquer à l’égard de leur clientèle, en fonction du niveau de risque identifié : les mesures normales, les mesures simplifiées et les mesures renforcées ( 37 ).

74. Or, ces différentes mesures ont toutes un point commun : elles requièrent une évaluation des risques au cas par cas et doivent donc être individualisées. Ainsi, cette évaluation porte sur des situations concrètes et n’est pas réalisée dans l’abstrait ( 38 ).

75. S’il est vrai que la mesure litigieuse apparaît similaire à l’injonction de mettre un terme à certaines relations d’affaires prévue à l’article 14, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2015/849, cette dernière suppose toutefois que la banque ne soit pas en mesure de se conformer, dans un cas concret, à l’une des obligations de vigilance prévues à l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à c), de cette directive. Par conséquent, l’impossibilité de se conformer aux obligations
de vigilance doit concerner un client spécifique. C’est ce que confirme l’économie de l’article 14, paragraphe 4, premier alinéa, de ladite directive, qui contient explicitement l’expression « au sujet du client » dans sa dernière partie relative aux déclarations des transactions suspectes. Aux termes de l’exposé des motifs de l’insertion de cette disposition dans la directive 2005/60 ( 39 ) (troisième directive relative à la prévention du blanchiment de capitaux), il s’agissait de garantir
qu’il serait mis un terme à la relation d’affaires si la procédure d’identification du client ne pouvait finalement être réalisée de façon satisfaisante ( 40 ).

76. C’est pourquoi, comme la Commission, nous considérons que la mesure litigieuse ne peut être fondée sur l’article 14, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2015/849. En effet, elle ne se rapporte pas à un client spécifique, mais impose les obligations en cause de manière globale, pour une catégorie de clients définie selon des critères généraux.

77. De manière générale, la mesure litigieuse ne s’inscrit pas dans le cadre du régime des obligations de vigilance à l’égard de la clientèle prévu par la directive 2015/849. En effet, même les mesures de vigilance renforcées que celle‑ci prévoit renforcent la portée et la nature du contrôle d’une relation d’affaires spécifique. Il s’agit, par exemple, de déterminer l’origine des avoirs concernés par la relation d’affaires ou la transaction. Dès lors, l’application de ces mesures suppose en tout
état de cause qu’un risque plus élevé ait été identifié dans le cas concret ( 41 ).

78. Certes, la directive 2015/849 permet également de prendre en considération des facteurs géographiques. Par exemple, le point 3, sous b), de l’annexe III de cette directive cite les « pays identifiés par des sources crédibles comme présentant des niveaux significatifs de corruption ou d’autre activité criminelle » à titre de facteur indicatif d’un risque plus élevé ( 42 ). Or, la restriction imposée par la mesure litigieuse vise au moins potentiellement des clients provenant de tels pays.

79. Cependant, la mesure litigieuse couvre aussi nécessairement les territoires d’autres États membres, lesquels, selon la conception qui sous-tend la directive 2015/849, correspondent à des zones géographiques à risque moins élevé [point 1, sous c), lu en combinaison avec point 3, sous a), de l’annexe II de cette directive].

80. Ainsi, il convient toujours de répondre à la question fondamentale de savoir si une mesure qui, en s’appuyant sur le critère, large, de l’« absence de lien » avec la Lettonie, est susceptible de viser également des personnes qui, d’après la directive 2015/849, ne présentent a priori pas de risque plus élevé de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme peut néanmoins être considérée comme nécessaire.

81. Le gouvernement letton a fait observer que, dans la présente affaire, des mesures moins restrictives ont déjà été imposées par le passé, mais en vain, car elles n’étaient pas suffisamment efficaces pour lutter contre les risques identifiés. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier cela.

82. Conformément à l’économie de la directive 2015/849, en cas d’inapplication grave, répétée ou systématique des mesures de vigilance à l’égard de la clientèle, l’étape suivante consiste normalement à imposer des sanctions administratives au titre de l’article 59, paragraphe 1, de cette directive.

83. À cet égard, les États membres bénéficient d’une grande marge de manœuvre. Ils peuvent fixer un niveau de protection plus élevé que celui choisi par le législateur de l’Union, autoriser ou imposer d’autres mesures de vigilance à l’égard de la clientèle que celles prévues par la directive 2015/849, ou identifier d’autres situations présentant un risque élevé dans le cadre de la marge d’appréciation qui leur est laissée ( 43 ). En outre, il ressort de l’article 59, paragraphe 4, de cette directive
que sont admis d’autres types de sanctions administratives que ceux visés dans cette disposition.

84. Aux termes de l’article 59, paragraphe 2, sous c), de la directive 2015/849, il est aussi possible d’envisager, lorsqu’une entité assujettie est soumise à un agrément, le retrait ou la suspension de cet agrément.

85. En comparaison, l’interdiction de nouer des relations d’affaires avec des personnes n’ayant pas de lien avec la Lettonie ou l’obligation de mettre un terme à de telles relations d’affaires apparaît comme le moyen le moins restrictif des deux.

86. En outre, tant la Commission que le gouvernement letton ont confirmé à l’audience que, en Lettonie, les établissements financiers sont particulièrement confrontés au risque du blanchiment de capitaux. Le gouvernement letton a précisé que, en raison de ces circonstances, la République de Lettonie a fait usage de la possibilité de mettre en place d’autres mesures.

87. Ainsi, d’après les informations dont dispose la Cour, la situation se caractérise par le fait que des facteurs de risque particuliers ont été identifiés et que PrivatBank pourrait se voir retirer son agrément. Il ne semble pas exister de moyen qui soit moins restrictif que la mesure litigieuse, mais tout aussi efficace, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Dans ces conditions, nous estimons qu’une telle interdiction temporaire des relations d’affaires avec des personnes
n’ayant pas de lien avec l’État membre dont relève l’autorité de surveillance prudentielle est nécessaire ( 44 ).

4. Sur la proportionnalité au sens strict

88. Enfin, outre l’examen du caractère adéquat et nécessaire de la mesure litigieuse, il reste à contrôler la proportionnalité au sens strict ( 45 ). Selon ce principe, il convient de s’assurer que l’interdiction des relations d’affaires avec des personnes qui n’ont pas de lien avec la Lettonie ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts légitimes de PrivatBank et de ses clients (potentiels). À ce titre, il faut parvenir à un équilibre respectueux à la fois des intérêts de la banque et des
personnes concernées, d’une part, et de l’objectif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, d’autre part.

89. L’interdiction faite à PrivatBank de nouer des relations d’affaires avec les personnes concernées et l’obligation de mettre un terme à de telles relations d’affaires n’a été imposée par l’autorité de surveillance prudentielle lettone que pour une durée limitée. Cette interdiction ne s’appliquait qu’à compter de l’adoption de la décision litigieuse. En outre, il ne devait être mis un terme qu’aux seules relations d’affaires nouées après l’adoption de la décision litigieuse, c’est-à-dire en
violation de cette dernière. Par ailleurs, ces deux obligations étaient applicables uniquement jusqu’à la mise en œuvre des autres mesures, simultanément imposées, visant à corriger les dysfonctionnements constatés dans la gestion des risques de PrivatBank ( 46 ). Cette limitation dans le temps revêtait un caractère disciplinaire pour la banque, celle-ci étant elle-même en mesure d’influencer la levée des restrictions. D’après la FKTK, celles-ci ont été levées depuis.

90. En outre, l’intensité de la mesure frappant PrivatBank n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, à savoir la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. D’une part, PrivatBank pouvait maintenir les relations d’affaires qu’elle avait précédemment nouées, même avec des clients sans lien avec la Lettonie dont les mouvements créditeurs mensuels étaient élevés, puisque l’interdiction ne s’appliquait qu’aux relations d’affaires établies après l’adoption
de la décision litigieuse. D’autre part, elle était libre de nouer de nouvelles relations d’affaires avec des personnes n’entretenant aucun rapport avec la Lettonie, pourvu que leurs mouvements créditeurs mensuels soient inférieurs au seuil fixé dans la décision litigieuse. Comparé à ces restrictions, le retrait de l’agrément de la banque représenterait une mesure bien plus intense, que la mesure litigieuse permet précisément d’éviter ( 47 ).

91. Par ailleurs, en enfreignant sur une longue période de temps, comme l’a constaté la FKTK, les lois et règlements en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, PrivatBank a elle-même contribué, de manière fautive, à la situation de risque à laquelle l’autorité de surveillance prudentielle lettone a été contrainte de réagir ( 48 ).

92. Même du point de vue des clients, les inconvénients liés à l’interdiction de certaines relations d’affaires ne l’emportent pas sur les avantages qu’apporte une lutte efficace contre le blanchiment de capitaux. Si la libre circulation des capitaux protège le libre choix de l’établissement de crédit, elle ne confère pas pour autant le droit de nouer des relations d’affaires avec une banque particulière, sans égard aux circonstances concrètes.

5. Conclusion relative aux troisième et quatrième questions préjudicielles

93. Il résulte des considérations qui précèdent que l’interdiction des relations d’affaires avec des personnes qui n’ont pas de lien avec l’État membre sur le territoire duquel la banque visée par cette mesure est établie n’est pas contraire à la libre prestation des services ni à la libre circulation des capitaux, pour autant qu’une telle mesure soit proportionnée au regard de l’objectif de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ce qu’il appartient à la
juridiction de renvoi d’examiner au regard de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. À cet égard, doivent être pris en considération, notamment, le risque de blanchiment de capitaux identifié, le caractère réitéré des infractions de la banque aux lois et règlements en matière de prévention du blanchiment de capitaux et les mesures déjà prises, en vain, par le passé, ainsi que la durée de la restriction et son intensité comparée à celle d’autres moyens dont l’efficacité est équivalente.

V. Conclusion

94. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions posées par l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie) :

1) Les prêts et crédits financiers ainsi que les opérations en comptes courants et de dépôts auprès des établissements financiers, tels que les banques, sont des « mouvements de capitaux » au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

2) L’injonction par laquelle l’autorité compétente d’un État membre impose à un établissement de crédit particulier l’interdiction de nouer des relations d’affaires avec des personnes qui n’ont pas de lien avec cet État membre et l’obligation de mettre un terme à de telles relations d’affaires lorsqu’elles ont été nouées après l’adoption de cette injonction constitue une restriction tant à la libre prestation des services, au sens de l’article 56, premier alinéa, TFUE, qu’à la libre circulation
des capitaux, au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

3) Une telle restriction est susceptible d’être justifiée par l’objectif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et de relever de l’exception prévue à l’article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE, pour autant que la banque ne soit pas en mesure de se conformer à ses obligations de vigilance, du fait de l’absence de lien des clients concernés avec l’État membre en question, et que la définition de la catégorie des clients visés par cette mesure corresponde au risque
de blanchiment de capitaux identifié. Par ailleurs, le principe de proportionnalité doit être respecté.

4) Lors de l’examen de la proportionnalité, il convient de tenir compte, notamment :

– du risque de blanchiment de capitaux identifié ;

– du caractère réitéré des infractions de la banque aux lois et règlements en matière de prévention du blanchiment de capitaux et des mesures déjà prises, en vain, par le passé ;

– de l’intensité et de la durée de la restriction.

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( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015, L 141, p. 73), modifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2019/2177 du Parlement européen et du
Conseil, du 18 décembre 2019 (JO 2019, L 334, p. 155). Concernant la version de la directive 2015/849 applicable à la présente affaire, voir point 6 des présentes conclusions.

( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (JO 2005, L 309, p. 15).

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2015/849 ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE (JO 2018, L 156, p. 43). Les modifications apportées à la directive 2015/849 par la directive (UE) 2019/2177 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2019, modifiant la directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), la directive 2014/65/UE concernant les marchés
d’instruments financiers et la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (JO 2019, L 334, p. 155), ne sont, elles non plus, pas encore applicables, ratione temporis, en ce qui concerne la présente affaire.

( 5 ) Directive du Conseil du 24 juin 1988 pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [CEE] (JO 1988, L 178, p. 5).

( 6 ) Décision litigieuse, point 4.4.1.2.

( 7 ) Voir arrêts du 15 février 2017, X (C‑317/15, EU:C:2017:119, point 27), et du 16 septembre 2020, Romenergo et Aris Capital (C‑339/19, EU:C:2020:709, point 32).

( 8 ) Arrêts du 3 octobre 2006, Fidium Finanz (C‑452/04, EU:C:2006:631, point 43) ; du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes – und Hypothekenbank (C‑625/17, EU:C:2018:939, point 23), et du 14 février 2019, Milivojević (C‑630/17, EU:C:2019:123, point 53).

( 9 ) Arrêts du 3 octobre 2006, Fidium Finanz (C‑452/04, EU:C:2006:631, points 39 et 43) ; du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes – und Hypothekenbank (C‑625/17, EU:C:2018:939, point 23), et du 14 février 2019, Milivojević (C‑630/17, EU:C:2019:123, point 53). Voir aussi arrêts du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson (C‑484/93, EU:C:1995:379, point 11), et du 9 juillet 1997, Parodi (C‑222/95, EU:C:1997:345, point 17).

( 10 ) Voir arrêt du 3 octobre 2006, Fidium Finanz (C‑452/04, EU:C:2006:631, points 31 et 32).

( 11 ) Arrêts du 3 octobre 2006, Fidium Finanz (C‑452/04, EU:C:2006:631, point 34) ; du 12 juillet 2012, SC Volksbank România (C‑602/10, EU:C:2012:443, point 70) ; du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes – und Hypothekenbank (C‑625/17, EU:C:2018:939, point 24), et du 14 février 2019, Milivojević (C‑630/17, EU:C:2019:123, point 54).

( 12 ) Voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson (C‑484/93, EU:C:1995:379, points 8 à 19) ; du 7 février 2002, Commission/Italie (C‑279/00, EU:C:2002:89, points 36 et suiv.) ; du 4 mars 2004, Commission/France (C‑334/02, EU:C:2004:129, points 25 et 34), ainsi que du 11 juin 2009, X et Passenheim-van Schoot (C‑155/08 et C‑157/08, EU:C:2009:368, point 40).

( 13 ) Arrêts du 3 octobre 2006, Fidium Finanz (C‑452/04, EU:C:2006:631, point 48) ; du 12 juillet 2012, SC Volksbank România (C‑602/10, EU:C:2012:443, point 71) ; du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes – und Hypothekenbank (C‑625/17, EU:C:2018:939, point 25), et du 14 février 2019, Milivojević (C‑630/17, EU:C:2019:123, point 55).

( 14 ) Décision litigieuse, point 4.4.1.2.

( 15 ) Voir considérant 2 de la directive 2015/849.

( 16 ) Voir, à cet égard, nos conclusions dans les affaires Q (C‑133/13, EU:C:2014:2255, point 48) et AllianzGI-Fonds AEVN (C‑545/19, EU:C:2021:372, points 64 à 71 et 107), ainsi que Kokott, J., EU Tax Law, Beck, Munich, 2022, p. 150 et 151, point 85, ainsi que p. 152 et 153, point 88. En ce qui concerne les situations impliquant uniquement des pays tiers, voir arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774, points 170 et 171), ainsi que du
18 décembre 2007, A (C‑101/05, EU:C:2007:804, points 37 et 60).

( 17 ) Voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative) (C‑78/18, EU:C:2020:476, points 52 et 53).

( 18 ) Arrêts du 15 mai 2008, Lidl Belgium (C‑414/06, EU:C:2008:278, points 18 à 26) ; du 23 octobre 2008, Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt (C‑157/07, EU:C:2008:588, points 27 à 39), et du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank (C‑350/11, EU:C:2013:447, points 18 à 34).

( 19 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Vodafone Magyarország (C‑75/18, EU:C:2019:492, point 105).

( 20 ) Arrêt du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA (C‑544/19, EU:C:2021:803, point 65).

( 21 ) Voir article 1er de la directive 2015/849.

( 22 ) Voir arrêts du 25 avril 2013, Jyske Bank Gibraltar (C‑212/11, EU:C:2013:270, point 60) ; du 6 mars 2018, SEGRO et Horváth (C‑52/16 et C‑113/16, EU:C:2018:157, points 76 et suiv.), ainsi que du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative) (C‑78/18, EU:C:2020:476, point 76 et jurisprudence citée).

( 23 ) Arrêts du 25 avril 2013, Jyske Bank Gibraltar (C‑212/11, EU:C:2013:270, point 64), et du 31 mai 2018, Zheng (C‑190/17, EU:C:2018:357, point 38).

( 24 ) Voir, notamment, article 5 et article 59, paragraphe 4, de la directive 2015/849.

( 25 ) Voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative) (C‑78/18, EU:C:2020:476, point 89 et jurisprudence citée).

( 26 ) Arrêt du 7 juin 2012, VBV – Vorsorgekasse (C‑39/11, EU:C:2012:327, point 30).

( 27 ) Voir arrêts du 10 mars 2016, Safe Interenvíos (C‑235/14, EU:C:2016:154, point 104), et du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA (C‑544/19, EU:C:2021:803, point 73 et jurisprudence citée).

( 28 ) Point 1, sous c), lu en combinaison avec point 3, sous a), de l’annexe II de la directive 2015/849.

( 29 ) Voir article 13, paragraphe 6, de la directive 2005/60, que la directive 2015/849 a remplacée (note en bas de page 3 des présentes conclusions).

( 30 ) Voir point 24 des présentes conclusions.

( 31 ) Articles 15 à 17 de la directive 2015/849.

( 32 ) Voir, notamment, article 2, paragraphe 3, de la directive 2015/849.

( 33 ) Voir article 11, sous b), i), de la directive 2015/849.

( 34 ) Arrêt du 14 mars 2000, Église de scientologie (C‑54/99, EU:C:2000:124, point 18).

( 35 ) Conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Rodl & Partner (C‑562/20, EU:C:2022:381, point 36).

( 36 ) Les mesures normales sont énoncées aux articles 13 et 14 de la directive 2015/849, les mesures simplifiées, aux articles 15 à 17 de cette directive, et les mesures renforcées, aux articles 18 et suivants de ladite directive.

( 37 ) Pour un exposé de ces différents types de mesures, voir conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Rodl & Partner (C‑562/20, EU:C:2022:381, points 38 et suiv.).

( 38 ) Conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Rodl & Partner (C‑562/20, EU:C:2022:381, points 60 et 71).

( 39 ) Note en bas de page 3 des présentes conclusions.

( 40 ) Voir proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme (présentée par la Commission) [COM(2004) 448 final, p. 5].

( 41 ) Voir, notamment, considérants 22, 29 et 31 de la directive 2015/849, ainsi que conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Rodl & Partner (C‑562/20, EU:C:2022:381, point 41).

( 42 ) La version en langue allemande de la directive 2015/849 vise les « pays tiers » (« Drittländer »), tandis que d’autres versions linguistiques ne parlent que de « pays » (voir, par exemple, outre la version en langue française, « valstis » dans la version en langue lettone et « countries » dans la version en langue anglaise). Toutefois, cette différence est sans effet puisque, selon l’annexe II de cette directive, les États membres se situent dans une zone géographique à risque moins élevé
(voir point 79 des présentes conclusions).

( 43 ) Voir conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Rodl & Partner (C‑562/20, EU:C:2022:381, point 50).

( 44 ) Voir à cet égard, en ce qui concerne la répartition des fonctions entre la Cour et les juridictions de renvoi nationales, arrêts du 11 septembre 2018, IR (C‑68/17, EU:C:2018:696, point 56), et du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA (C‑544/19, EU:C:2021:803, point 72).

( 45 ) Voir nos conclusions dans l’affaire G4S Secure Solutions (C‑157/15, EU:C:2016:382, point 112).

( 46 ) Voir point 25 des présentes conclusions.

( 47 ) Voir points 84, 85 et 87 des présentes conclusions.

( 48 ) Voir point 24 des présentes conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-78/21
Date de la décision : 29/09/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Administratīvā apgabaltiesa.

Renvoi préjudiciel – Articles 56 et 63 TFUE – Libre prestation des services – Libre circulation des capitaux – Mesure nationale faisant obligation à un établissement de crédit de mettre fin aux relations d’affaires ou de ne plus nouer de telles relations avec des non-ressortissants – Restriction – Article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE – Justification – Directive (UE) 2015/849 – Prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme – Proportionnalité.

Rapprochement des législations

Libre circulation des capitaux


Parties
Demandeurs : AS « PrivatBank » e.a.
Défendeurs : Finanšu un kapitāla tirgus komisija.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:738

Source

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