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29/09/2022 | CJUE | N°C-555/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 29 septembre 2022., UniCredit Bank Austria AG contre Verein für Konsumenteninformation., 29/09/2022, C-555/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 29 septembre 2022 ( 1 )

Affaire C‑555/21

UniCredit Bank Austria AG

contre

Verein für Konsumenteninformation

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit conclus avec les consommateurs pour des biens immobiliers à usage résidentiel – Remboursement anticipé du montant du crédit 

Réduction du coût total du crédit – Réduction proportionnelle des frais – Réduction des dépenses qui ne dépendent pas de la durée du ...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 29 septembre 2022 ( 1 )

Affaire C‑555/21

UniCredit Bank Austria AG

contre

Verein für Konsumenteninformation

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit conclus avec les consommateurs pour des biens immobiliers à usage résidentiel – Remboursement anticipé du montant du crédit – Réduction du coût total du crédit – Réduction proportionnelle des frais – Réduction des dépenses qui ne dépendent pas de la durée du contrat – Frais dus aux tiers »

1. Le droit du consommateur ayant contracté un crédit de le rembourser de manière anticipée (avec réduction des intérêts et des frais dus pour la durée résiduelle du contrat) est reconnu depuis des années dans la réglementation de l’Union ( 2 ).

2. Cette reconnaissance concerne tant les crédits à la consommation, en général (directive 2008/48/CE) ( 3 ), que ceux qui sont accordés aux consommateurs pour des biens immobiliers à usage résidentiel, en particulier (directive 2014/17/UE) ( 4 ).

3. La Cour de justice s’est prononcée sur les conséquences juridiques du remboursement anticipé du crédit à la consommation dans l’arrêt du 11 septembre 2019 ( 5 ), en réponse à un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48 ( 6 ).

4. Elle est à présent invitée à se prononcer sur l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, lu en combinaison avec une clause prérédigée (clause type) qu’un établissement bancaire inclut dans ses contrats de prêt assortis d’une garantie hypothécaire. La juridiction de renvoi demande, en particulier, s’il convient de suivre la règle dégagée dans l’arrêt Lexitor.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive 2008/48

5. L’article 3, point g), de la directive 2008/48 indique :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

g) “coût total du crédit pour le consommateur” : tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire ; ces coûts comprennent également les coûts relatifs aux services accessoires liés au contrat de crédit, notamment les primes d’assurance, si, en outre, la conclusion du contrat de service est obligatoire pour
l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales. »

6. Conformément à l’article 16, paragraphe 1, de cette directive :

« Le consommateur a le droit de s’acquitter à tout moment, intégralement ou partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu du contrat de crédit. Dans ce cas, il a droit à une réduction du coût total du crédit, qui correspond aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat. »

2. La directive 2014/17

7. Les considérants 19, 50 et 66 de la directive 2014/17, en particulier, sont pertinents en l’espèce.

8. L’article 4 de cette directive définit, aux fins de ladite directive :

« [...]

13.   “coût total du crédit pour le consommateur” : le coût total du crédit pour le consommateur au sens de l’article 3, point g), de la directive [2008/48], y compris le coût de l’évaluation du bien immobilier lorsque cette évaluation est nécessaire pour obtenir le crédit, mais hors frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier. Ce montant exclut tous les frais à la charge du consommateur en cas de non‑respect des obligations prévues dans le contrat de crédit ;

[...]

15.   “taux annuel effectif global” (TAEG) : le coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, en tenant compte, le cas échéant, des frais visés à l’article 17, paragraphe 2, et qui correspond, sur une base annuelle, à la valeur actualisée de l’ensemble des engagements [prélèvements (drawdowns), remboursements et frais], existants ou futurs convenus par le prêteur et le consommateur ;

[...] »

9. L’article 25 de la directive 2014/17 prévoit ce qui suit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que le consommateur ait, avant l’expiration d’un contrat de crédit, le droit de s’acquitter, intégralement ou partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu dudit contrat. Dans ce cas, le consommateur a droit à une réduction du coût total du crédit pour le consommateur correspondant aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat.

2.   Les États membres peuvent prévoir que l’exercice du droit visé au paragraphe 1 est soumis à certaines conditions. Ces conditions peuvent notamment consister à limiter ce droit dans le temps, à prévoir un traitement différent selon le type de taux débiteur ou au moment où le consommateur exerce son droit et à prévoir un nombre restreint de circonstances dans lesquelles le droit peut être exercé.

3.   Les États membres peuvent prévoir que le prêteur a droit à une indemnisation équitable et objective, lorsque cela s’avère justifié, pour les éventuels coûts directement supportés du fait du remboursement anticipé du crédit, mais n’impose pas de pénalité au consommateur. À cet égard, l’indemnisation ne dépasse pas la perte financière du prêteur. Dans ces conditions, les États membres peuvent prévoir que l’indemnisation ne peut dépasser un certain niveau ou qu’elle ne peut être autorisée que
pour une certaine durée.

[...]

5.   Si le remboursement anticipé intervient dans une période durant laquelle le taux débiteur est fixe, les États membres peuvent prévoir que l’exercice du droit visé au paragraphe 1 est subordonné à l’existence d’un intérêt légitime chez le consommateur. »

B.   Le droit autrichien

10. L’article 20 de l’Hypothekar – und Immobilienkreditgesetz (loi relative aux crédits hypothécaires et immobiliers) ( 7 ), intitulé « Remboursement anticipé », disposait, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 :

« 1.   L’emprunteur dispose du droit, qu’il peut exercer à tout moment, de rembourser avant l’expiration du délai stipulé, intégralement ou partiellement, le montant du crédit. Le remboursement anticipé de l’intégralité du montant du crédit vaut résiliation du contrat de crédit. En cas de remboursement anticipé, les intérêts dus par l’emprunteur sont réduits proportionnellement à la réduction du montant dû et, le cas échéant, proportionnellement à la réduction de la durée du contrat ; les frais
dépendants de la durée du crédit sont réduits proportionnellement. »

II. Les faits, le litige et la question préjudicielle

11. UniCredit Bank Austria AG (ci-après « UniCredit ») utilise dans ses contrats de prêt avec garantie hypothécaire, destinés aux consommateurs, des modèles régissant le droit au remboursement anticipé du prêt, avec la réduction des intérêts dus et des frais qui dépendent de la durée du contrat.

12. Les contrats comportent la clause type suivante : « [i]l est précisé que les frais de traitement indépendants de la durée du crédit ne sont pas remboursés, même proportionnellement ».

13. Le Verein für Konsumenteninformation (ci-après « VKI ») est une association de défense des intérêts des consommateurs qui a assigné UniCredit devant le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche), en demandant qu’elle soit condamnée à cesser d’utiliser cette clause.

14. La juridiction de première instance a rejeté le recours. En revanche, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) a fait droit à l’appel de VKI et a accueilli les conclusions formulées dans la requête.

15. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) est appelé à statuer sur le recours formé par UniCredit contre l’arrêt d’appel, demandant que la décision rendue en première instance soit rétablie. Avant de le faire, il a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter l’article 25, paragraphe 1, de la directive [2014/17] en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale prévoyant que, en cas d’exercice du droit de l’emprunteur de rembourser, intégralement ou partiellement, le montant du crédit avant l’expiration du délai stipulé, les intérêts dus par l’emprunteur et les frais dépendants de la durée du crédit sont réduits proportionnellement, sans prévoir cela concernant les frais indépendants de la durée du crédit ? »

III. La procédure devant la Cour de justice

16. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 9 septembre 2021.

17. Des observations écrites ont été déposées par VKI, UniCredit, le gouvernement italien et la Commission européenne.

18. Une audience s’est tenue le 7 juillet 2022, à laquelle ont participé VKI, UniCredit, le gouvernement allemand, le gouvernement italien et la Commission.

IV. Analyse

A.   À titre liminaire

19. La première directive relative au crédit à la consommation date de 1987. Elle excluait de son champ d’application les contrats de crédit destinés à l’acquisition ou au maintien de droits de propriété d’un terrain ou d’un immeuble existant ou en projet, et à la rénovation ou à l’amélioration de biens immobiliers. Seules certaines de ses dispositions s’appliquaient aux contrats de crédit garantis par une hypothèque sur un bien immobilier qui, à titre exceptionnel, n’étaient pas déjà exclus par
cette disposition.

20. Près de trente ans plus tard, la directive 2014/17 établit (partiellement) un cadre réglementaire commun pour les contrats de crédit à la consommation garantis par une hypothèque ou par un autre type de sûreté comparable sur des biens immobiliers à usage résidentiel.

21. La réglementation séparée de ces derniers contrats s’explique généralement en invoquant les différences entre les marchés du crédit à la consommation et ceux du crédit à l’acquisition ou à la rénovation de logements et en soulignant les disparités existant entre les techniques de chaque catégorie de prêt et les sûretés usuelles garantissant l’un et l’autre.

22. En dépit de ces disparités, plusieurs dispositions de la directive 2014/17 ont été rédigées par le législateur sur la base de la directive 2008/48. Dans certains cas, il se contente d’opérer, dans la première, un renvoi à cette dernière, sans autre précision, ou introduit des nuances et des clarifications ( 8 ).

23. L’un des aspects communs aux deux directives, qui figurait déjà dans la directive 87/102, est le droit pour le consommateur de rembourser le crédit de manière anticipée. Dans les trois instruments, ce droit est lié à celui d’obtenir la réduction du coût total du crédit, qui :

– devait être équitable, selon la directive 87/102 (article 8),

– doit correspondre « aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat » (article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48),

– doit correspondre « aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat » (article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17).

24. La Cour s’est prononcée sur la notion de « coût total du crédit pour le consommateur » en matière de crédit à la consommation ( 9 ). Dans l’arrêt Lexitor, elle a livré, comme je l’ai déjà indiqué, une interprétation concernant la réduction de ce coût en raison de la liquidation anticipée des obligations découlant du contrat de crédit, laquelle est admise à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48.

25. Afin de répondre à la question préjudicielle que pose à présent la juridiction de renvoi, il convient, avant tout, d’aborder les notions de « coût total du crédit » ( 10 ) et de « réduction du coût total » ( 11 ) figurant à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17.

26. Avant de procéder à cette analyse, j’émettrai deux considérations au sujet de l’incidence de la directive 2008/48 dans cette affaire :

– en premier lieu, l’interprétation de la directive 2008/48 est (ou peut être) un élément à prendre en compte pour interpréter la directive 2014/17, notamment dans les passages où cette dernière reprend les termes employés par la première directive ( 12 ). Cela étant, ce n’est qu’un élément, qui doit être associé aux critères herméneutiques habituels, en les appliquant aux notions et aux principes en vigueur en matière de crédit immobilier ( 13 ),

– en second lieu, dans le présent litige, la discussion a pour origine la clause contractuelle qu’UniCredit utilise, le débat portant sur les sommes versées aux tiers ( 14 ). En revanche, dans l’affaire Lexitor, aucuns frais non liés au prêteur n’étaient en cause, et il n’était question d’aucun autre type de frais ( 15 ). Aux fins du présent renvoi, on peut légitimement soutenir que la valeur de cet arrêt est limitée.

B.   Coût total du crédit à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17

27. Dans la mesure où l’exercice du droit au remboursement anticipé entraîne une réduction correspondante du coût total du crédit pour le consommateur, il convient de déterminer les éléments (outre les intérêts) qui relèvent de cette dernière notion.

1. Interprétation littérale

28. L’expression « coût total du crédit pour le consommateur » est définie à l’article 4, point 13, de la directive 2014/17 par renvoi à la directive 2008/48, avec quelques précisions qui n’altèrent pas l’identité de principe ( 16 ).

29. Littéralement, le coût total d’un crédit hypothécaire comprend tous les frais dus au titre de ce crédit (sauf si le législateur les a exclus) qui remplissent deux conditions : ils engagent le consommateur et sont connus (ou doivent l’être) par le prêteur ( 17 ).

30. À titre d’exemples caractéristiques de ces frais, la directive 2008/48 évoque « les intérêts, les commissions, les taxes » ainsi que « les coûts relatifs aux services accessoires liés au contrat de crédit, notamment les primes d’assurance, si, en outre la conclusion du contrat de service est obligatoire pour l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales ». La rémunération des intermédiaires de crédit et les frais d’expertise du bien à hypothéquer ( 18 )
peuvent également relever de cette rubrique.

31. Il ressort de cette énumération que le caractère obligatoire des frais ne résulte pas nécessairement d’une obligation imposée unilatéralement par le prêteur en vue d’accroître ses propres bénéfices : le coût total du crédit peut comprendre des rémunérations versées, à des titres très divers, à des entités ou des personnes différentes des parties au contrat ( 19 ).

32. Le coût total du crédit, du point de vue littéral ici débattu, s’étend donc aux montants de services accessoires, dans les mêmes conditions de caractère obligatoire pour le consommateur ou de connaissance par le prêteur ( 20 ).

33. À titre d’exemples de ce type de frais sont mentionnés les primes d’assurance vie et incendie ( 21 ), les frais d’évaluation du bien immobilier sur lequel porte l’hypothèque ( 22 ), les frais d’ouverture et de tenue d’un compte, ceux liés à l’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer des transactions et des prélèvements, ainsi que les autres frais relatifs aux opérations de paiement ( 23 ).

34. En vertu de la décision expresse du législateur, alors qu’ils pouvaient théoriquement être rattachés à la notion de « coût total du crédit pour le consommateur », ne sont pas pris en compte dans son calcul :

– les frais de notaire, exclus en vertu de l’article 3, point g), de la directive 2008/48 ( 24 ),

– les « frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier » ( 25 ), exclus en vertu de l’article 4, point 13, de la directive 2014/17,

– les frais à la charge du consommateur en cas de non‑respect des obligations prévues dans le contrat de crédit ( 26 ).

35. En appliquant cette typologie de postes correspondant à (ou exclus de) la notion de « coût total du crédit pour le consommateur » à ceux qui sont cités par la juridiction de renvoi, je considère que cette notion, au sens de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 :

– comprend les frais d’expertise du bien immobilier, lorsque cela est nécessaire pour obtenir le crédit et qu’ils sont connus du prêteur, ainsi que les frais de demande de prise de rang et d’inscription de l’hypothèque au registre foncier ( 27 ), normalement indispensables pour constituer la sûreté et garantir sa fonction,

– ne comprend pas les frais d’authentification notariale des signatures (frais de notaire) pour l’inscription de l’hypothèque au registre foncier.

2. Interprétation à la lumière des antécédents de la disposition

36. L’analyse de l’évolution de la notion de « coût total du crédit pour le consommateur » dans les travaux législatifs précédant l’adoption de la directive 2014/17 ( 28 ) explique que la juridiction de renvoi ait mentionné les « frais d’enregistrement de l’hypothèque » parmi les postes cités.

37. La proposition de la Commission concernant la (future) directive sur le crédit immobilier contenait, en la matière, un renvoi pur et simple à la directive 2008/48 ( 29 ).

38. La solution était conçue comme une mise en balance des avantages et des inconvénients liés aux options envisagées pour le calcul du TAEG ( 30 ). Il est également apparu qu’un texte parallèle à celui qui existait déjà (celui de la directive 2008/48) aiderait les consommateurs à comprendre et à comparer des crédits ( 31 ).

39. La notion s’est affinée par la suite, avec l’ajout ou la suppression de certains éléments, sans toutefois perdre le lien avec l’article 3 de la directive 2008/48.

40. Dans ce contexte, il me semble important que le premier rapport du Parlement européen sur la proposition de directive en matière de contrats de crédit immobilier exclue explicitement « les frais d’enregistrement de l’hypothèque ou autre sûreté comparable » ( 32 ).

41. En revanche, parmi les amendements adoptés figure celui indiquant que : « [l]e coût total du crédit pour le consommateur ne devrait pas comprendre les frais que paie le consommateur pour l’achat du bien immobilier ou du terrain, tels que les taxes y afférentes et les frais de notaire ou les coûts d’inscription au registre foncier » ( 33 ) (mise en italique par mes soins).

42. Rien n’indique que l’inclusion dans le coût total du crédit des « frais d’enregistrement de l’hypothèque » ou l’exclusion de ceux relatifs à l’acquisition de la propriété ait été discutée à un autre moment ( 34 ).

3. Interprétation contextuelle et téléologique

43. La notion de « coût total du crédit pour le consommateur » dans la directive 2014/17, comme dans la directive 2008/48, a une visée fonctionnelle. Elle sert, avant tout, à la formation de deux concepts :

– celui du « montant total dû par le consommateur », qui correspond à la même notion que celle définie à l’article 3, point h), de la directive 2008/48 ( 35 ),

– et celui du TAEG, qui correspond au coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit ( 36 ).

44. La Cour a associé la portée de cette notion à l’objectif d’une protection étendue du consommateur et l’a interprétée dans ce sens ( 37 ). La protection se traduit par la mise à sa disposition de l’information générale et, surtout, des informations précontractuelles, qui lui permettent (idéalement) de choisir le produit de crédit adapté à sa situation personnelle et à ses intérêts. Telle est, en définitive, la finalité principale de la notion de « coût total du crédit ».

45. La possibilité qui lui est offerte de comparer les offres aux niveaux national et transfrontalier fait partie du processus de sélection, par le consommateur, de la formule qui lui convient le mieux. La protection que lui confèrent les directives 2008/48 et 2014/17 s’inscrit dans le cadre de l’objectif global de création d’un marché intérieur du crédit ( 38 ). Le TAEG, qui indique le prix (coût total) du crédit selon une formule mathématique identique dans toute l’Union, est essentiel pour cette
comparaison.

46. Il existe cependant une certaine tension entre l’objectif visant à donner au consommateur la meilleure information possible et à le faire de façon à ce qu’il puisse comparer les offres des prêteurs dans un délai raisonnable.

47. Intuitivement, plus le TAEG comprendra de données (relatives aux frais s’ajoutant aux intérêts), meilleure sera la situation du consommateur et moins il devra consacrer de moyens à identifier par lui-même les autres frais liés au crédit, en particulier en dehors d’un environnement juridique qui se limite généralement à l’échelle nationale.

48. C’est ce qui explique que la notion de « coût total du crédit pour le consommateur » comprenne un large éventail de frais relatifs à l’opération de crédit. L’accès à l’information est plus simple pour le prêteur que pour le consommateur, bien qu’il ne s’agisse pas pour celui‑là non plus d’une opération gratuite ( 39 ).

49. Par ailleurs, l’inclusion dans le calcul du TAEG d’éléments qui, du fait de la réglementation nationale dont ils relèvent, sont très différents, nuit à la comparabilité des offres ( 40 ). Elle se révèle finalement préjudiciable à l’activité transfrontière des prêteurs et au démarchage dans d’autres États membres.

50. À mon avis, le législateur a opté pour une solution cherchant à concilier les différentes préoccupations en combinant plusieurs éléments :

– une conception large du coût total du crédit pour le consommateur, bien que limitée aux frais liés au contrat de crédit lui-même, en excluant les frais de l’opération financée par celui-ci,

– l’obligation pour le prêteur d’inclure dans cette notion les dépenses éligibles qu’il connaît ou devrait connaître en faisant preuve d’un niveau de diligence standard dans la profession,

– l’obligation de fournir au consommateur les informations précontractuelles personnalisées au moyen de la FISE figurant à l’annexe II de la directive 2014/17,

– l’énumération, dans la FISE, des frais encourus par le consommateur et qui devraient faire partie du TAEG, mais qui ne sont pas connus du cocontractant, sous la mention « Les frais suivants ne sont pas connus par le prêteur et ne sont donc pas pris en compte dans le TAEG » ( 41 ),

– l’ajout dans la FISE de cet avertissement : « Veuillez vous assurer que vous avez pris connaissance de tous les frais et taxes annexes liés à votre prêt » ( 42 ),

– l’obligation d’inclure, dans l’information générale sur les crédits hypothécaires, une indication des coûts éventuels pour le consommateur qui ne font pas partie du coût total du crédit ( 43 ).

51. Je considère que, dans ces conditions, le consommateur moyen dispose des informations dont il a besoin pour prendre une décision sur le contrat de crédit immobilier à l’issue d’une comparaison de produits fondée sur le TAEG ( 44 ). Il sait, en outre, qu’il peut y avoir des frais supplémentaires : soit qui font partie du TAEG, mais qui sont inconnus du prêteur, soit qui ne sont pas inclus dans le coût total du crédit et dont il est averti.

4. Conclusion intermédiaire

52. À la lumière de ce qui précède, j’estime que l’on pourrait répondre à la juridiction de renvoi, concernant les postes qu’elle évoque pour savoir s’ils font partie ou non du coût total du crédit pour le consommateur au sens de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, que :

– cette notion comprend les frais d’expertise du bien immobilier, de la demande de réserve de rang et d’inscription de l’hypothèque au registre foncier, lorsqu’ils sont nécessaires à l’octroi du crédit (c’est‑à-dire imposés à l’emprunteur) et pour autant que le prêteur en ait connaissance,

– elle ne comprend pas les frais d’authentification notariale des signatures aux fins de l’inscription de l’hypothèque au registre foncier.

C.   Réduction exigée à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 – Frais faisant l’objet de la réduction

53. La juridiction de renvoi souhaite savoir si, lorsque l’emprunteur exerce son droit de rembourser, intégralement ou partiellement, le montant du crédit avant l’expiration de la durée prévue, la réduction proportionnelle ne s’étend qu’aux intérêts dus et aux frais qui dépendent de la durée du contrat ou également à ceux qui ne dépendent pas de cette durée.

54. En effet, le débiteur qui effectue un remboursement anticipé du crédit a droit à une réduction du coût total de ce crédit. Aux termes de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, la réduction correspond « aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat » ( 45 ).

55. Dans la mesure où l’article 25, paragraphe 1, de cette directive ne fait pas de distinction entre les différentes catégories de frais, cela pourrait sembler indiquer que la réduction s’applique à tout montant faisant partie du coût total du crédit (avec la réserve temporelle que je soulignerai immédiatement). Sans préjudice de ce que je ferai observer plus loin ( 46 ), je pense au contraire que la réduction ne s’applique pas de manière indifférenciée à chacun des postes qui, une fois
additionnés, indiquent au consommateur le coût total du crédit avant la conclusion du contrat.

56. La directive 2014/17 laisse certains aspects du régime du remboursement anticipé ouverts (à la discrétion des États membres) ( 47 ). Toutefois, l’existence même du droit de rembourser tout ou partie de la dette avant le délai convenu n’est pas laissée à l’appréciation de chaque législateur national, pas plus que les conséquences de l’exercice de ce droit (la réduction du coût total du crédit) ( 48 ).

57. Il n’y a donc pas de renvoi aux États membres pour qu’ils déterminent les postes de coûts à réduire. C’est pourquoi l’interprétation relative au contenu de la réduction doit être uniforme, comme celle de toute autre notion jouissant d’une autonomie dans le droit de l’Union.

1. Interprétation littérale

58. Comme je l’ai indiqué, l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 ne précise pas ceux des postes (constituant le coût total du crédit) qui feront l’objet de la réduction ( 49 ). Le texte permet seulement de déduire avec certitude que cette réduction ne portera pas sur des éléments qui ne font pas partie de ce coût ( 50 ).

59. La disposition contient néanmoins une précision temporelle qui me paraît importante : les intérêts et les frais à réduire, dans l’hypothèse d’un remboursement anticipé du crédit, sont ceux qui « sont dus pour la durée résiduelle du contrat ».

60. Le lien entre les postes de frais à réduire et la durée résiduelle du contrat me semble indiquer que lesdits frais sont dus au titre de services ou de prestations qui, au moment du remboursement anticipé, ne sont pas encore exécutés et qui ne le seront plus ( 51 ).

61. Cette logique se conçoit sans aucune difficulté quant aux intérêts du crédit. Le remboursement anticipé du capital (du principal de la dette) implique, de fait, que les intérêts sur cette somme ne courront plus à partir de cette date. La réduction des intérêts non échus au moment de l’amortissement anticipé n’est pas contestée, et je ne vois pas pourquoi la norme devrait s’entendre différemment concernant les autres frais.

62. L’élément littéral me semble donc essentiel : l’article 25 de la directive 2014/17 parle seulement de frais liés à la période postérieure (« durée résiduelle ») à l’exercice du droit au remboursement. Cela étant, dans la mesure où la plupart des versions linguistiques de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 sont identiques à celles de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48 et que, s’agissant de ce dernier, la Cour n’a pas jugé l’argument littéral convaincant ( 52 ),
je n’exclus pas que mon interprétation ne la convainque pas davantage aujourd’hui.

63. Dans cette éventualité, j’analyserai la norme dans son contexte et à la lumière de sa finalité ( 53 ).

2. Interprétation contextuelle et téléologique

64. La reconnaissance du droit au remboursement anticipé dans la directive 2014/17 répond, à l’instar de la directive dans son ensemble, à la volonté de promouvoir la création d’un marché intérieur des contrats de crédit pour des biens immobiliers à usage résidentiel.

65. Dans ce contexte, le droit au remboursement anticipé poursuit un objectif spécifique, que le considérant 66 de la directive 2014/17 décrit en faisant référence à la promotion de la concurrence, à la libre circulation des personnes et à la stabilité financière. Les avantages qu’en tire le consommateur sont relégués au second plan et se traduisent par la possibilité de changer de produit, en cherchant celui qui est le plus adapté à ses besoins à un moment donné.

66. Le législateur prévoit que le droit au remboursement anticipé est soumis à des conditions ( 54 ). Il le tempère, en outre, par l’éventuelle indemnisation du prêteur qui, dans certaines circonstances, peut représenter un montant dissuasif pour le consommateur ( 55 ).

67. Il découle de ce régime réglementaire que le droit à l’amortissement anticipé du crédit ne tend pas tant à corriger des asymétries dans une relation inégale qu’à apporter de la flexibilité à un contrat qui se prolonge dans le temps, en permettant au débiteur de s’acquitter de son obligation, avant l’expiration du délai convenu, sans avoir à invoquer ni à prouver l’existence d’une raison pour cela ( 56 ).

68. La directive 2014/17 ne présente pas la raison d’être de la réduction prévue à son article 25, paragraphe 1, comme le corollaire du droit au remboursement anticipé. Cet élément, combiné à l’absence de discussion au cours des travaux préparatoires, permet d’affirmer que cet ajustement est perçu comme une conséquence naturelle de l’anticipation du remboursement, qui entraîne, pour l’autre partie, la disparition ou la diminution (en cas de paiement anticipé partiel) du risque d’impayé. En outre, si
l’emprunteur devait supporter les intérêts restant dus et les autres frais encourus, cela générerait un enrichissement sans cause du prêteur, lequel est corrélativement dispensé (bien que par décision unilatérale de l’autre partie) de son obligation contractuelle réciproque ( 57 ).

69. En revanche, je ne pense pas que la réduction de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 vise à placer le consommateur dans la même situation que si le crédit avait été initialement accordé pour une durée moindre ou pour un montant inférieur ( 58 ). Le droit au remboursement anticipé ne transforme pas le contrat de crédit original en un autre qui aurait pu voir le jour, mais permet de l’adapter en fonction des circonstances qui sont survenues ( 59 ).

70. Ces considérations confortent ma conviction, déjà exprimée dans le cadre de l’interprétation littérale de la disposition, que la réduction applicable est limitée aux sommes que le consommateur aurait à payer au titre des prestations restant à réaliser en exécution du contrat lui‑même.

71. Je ne doute pas qu’une autre interprétation serait plus favorable au consommateur. Cependant, de même que celui-ci ne doit pas être pénalisé pour avoir amorti sa dette de manière anticipée ( 60 ), je ne pense pas non plus qu’il soit nécessaire, pour le protéger comme le voudrait la directive 2014/17, d’étendre le droit à réduction au point de le récompenser ( 61 ) pour un changement qu’il impose à l’autre partie ( 62 ).

72. Pour les mêmes raisons, ma conviction s’étend aux frais qui ont été payés à des tiers au titre des taxes, frais administratifs ou services professionnels, tels que l’évaluation du bien immobilier ou l’intermédiation ( 63 ).

73. Je ne discute pas le fait que les frais versés aux tiers fassent partie du coût total du crédit : dans le cas contraire, le consommateur ne recevrait pas toute l’information dont il a besoin pour faire un choix entre les offres des différents prêteurs.

74. Je conteste, en revanche, que le droit à réduction consacré à l’article 25 de la directive 2014/17 soit, de ce fait, applicable à des frais ne correspondant pas à des services du prêteur non encore exécutés au moment du remboursement anticipé.

75. Certains de ces frais rémunèrent des prestations individuelles qui préparent la relation contractuelle future (l’intermédiation). D’autres contribuent au soutien de la dépense publique (taxes) ou rémunèrent des activités ou des services de l’administration publique, non seulement dans l’intérêt des parties, mais également de la société dans son ensemble et des transactions juridiques (inscription de l’hypothèque). Le fait que ces frais doivent être pris en compte pour informer le consommateur du
« prix » total du crédit, au sens de l’article 4, point 13, de la directive 2014/17, qu’il les verse au destinataire final directement ou par l’intermédiaire du prêteur, n’implique pas, j’insiste, qu’ils fassent partie de ceux qui feront l’objet d’une réduction en cas de remboursement anticipé.

76. Je ne vois aucune raison objective pour que la réduction proportionnelle des frais au titre de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 doive s’appliquer à des sommes étrangères aux contreparties du prêteur, correspondant à des services qu’il n’exécute pas et ne facture pas ( 64 ). Lorsque ces sommes sont mises à la charge de l’emprunteur par la loi, ma conviction est encore plus ferme : appliquer le droit à réduction à ces éléments du coût total du crédit conduirait l’administration
publique collectrice ou responsable de l’enregistrement, étrangère à la relation bilatérale entre prêteur et emprunteur, à devoir rembourser ces sommes proportionnellement.

D.   Application de l’arrêt Lexitor à la présente affaire

1. Coûts en faveur du prêteur

77. Selon moi, l’arrêt Lexitor ne modifie pas le point de vue que j’ai exposé. À mon avis, la Cour s’est prononcée ainsi en se fondant sur des considérations plutôt pragmatiques, comme le reflètent les arguments développés dans les points 31 à 33 de cet arrêt. À ceux-ci s’ajoute l’argument tiré de l’éventuel « désavantage disproportionné » du prêteur, dont les intérêts sous-tendent les dispositions prévoyant son indemnisation ( 65 ).

78. Ce raisonnement avait peut-être un sens dans le cas de figure alors analysé et pourrait, tout au plus, être généralisé à n’importe quel crédit à la consommation. J’estime qu’il ne saurait l’être dans le cas du crédit immobilier.

79. En premier lieu, en ce qui concerne la facilité ou la difficulté d’appliquer la réduction, je rappelle que la FISE (dont l’utilisation est obligatoire et que ni les États membres ni les prêteurs ne sont autorisés à modifier) reprend, en les ventilant, les informations relatives au crédit immobilier que le consommateur doit recevoir au stade précontractuel. En particulier, elle sépare les frais selon qu’ils ont un caractère récurrent ou non : elle facilite ainsi au consommateur, ou au juge,
l’identification de certains frais susceptibles d’être réduits ( 66 ).

80. En second lieu, il existe une différence importante entre les directives 2008/48 et 2014/17 concernant le droit du prêteur d’être indemnisé pour les frais directement liés au remboursement anticipé : la première prévoit elle-même ce droit ; la seconde, applicable au présent litige, ne le fait pas.

81. Cette différence essentielle entre les directives 2008/48 et 2014/17 n’empêche toutefois pas de percevoir le lien conceptuel entre « réduction » en faveur du consommateur et « indemnisation » en faveur du prêteur ( 67 ).

82. L’absence de réglementation harmonisée du droit à indemnisation dans la directive 2014/17 traduit probablement la difficulté de convenir de règles communes et découle, in fine, de la pluralité des mécanismes de financement hypothécaire et de la large gamme de produits ( 68 ), reflet des particularités des marchés financiers des contrats hypothécaires des États membres.

83. La marge d’action laissée aux États membres pour introduire, ou non, l’indemnisation dans les crédits immobiliers peut avoir des conséquences sur la pratique de certains ( 69 ), en éliminant le facteur d’équilibre qui, dans l’arrêt Lexitor, a conduit la Cour à se prononcer comme elle l’a fait. Ainsi, je le répète, cet arrêt ne peut pas être transposé à ces crédits.

2. Frais dus aux tiers

84. Accueillir la thèse défendue dans l’arrêt Lexitor ne devrait pas entraîner inéluctablement l’extension de la réduction inhérente au remboursement anticipé aux frais du crédit immobilier ayant pour objet la rémunération d’un tiers.

85. Outre le fait que, comme je l’ai dit, l’arrêt Lexitor ne concernait pas ces frais, dans les crédits garantis par des sûretés réelles, ce n’est pas le prêteur (en l’espèce, l’établissement bancaire) qui perçoit ces sommes, ni celui qui en fixe le montant : il ne peut pas réaliser de profits avec ces sommes ni les manipuler.

86. Je ne vois donc pas de raison de traiter les sommes versées à des tiers de la même manière que celles analysées dans l’arrêt Lexitor.

87. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un élément décisif, je considère que les travaux législatifs en cours sur la révision de la directive 2008/48 corroborent mon point de vue. Tant la Commission dans sa proposition ( 70 ) que le Conseil dans son orientation générale ( 71 ) précisent que la réduction affectera les intérêts et les frais imposés par le prêteur au consommateur. J’estime que la proposition est également applicable au crédit hypothécaire.

88. Certes, une situation telle que celle décrite par VKI peut survenir : afin de présenter une offre plus intéressante pour le consommateur, le prêteur conçoit le contrat de manière à ce que, à première vue, il supporte lui-même les frais versés aux tiers, mais qu’ensuite, dans l’exercice de la marge de manœuvre dont il dispose lors de la facturation, il les répercute sur l’emprunteur d’une manière déguisée ( 72 ).

89. Or, l’arrêt Lexitor n’est pas non plus de nature à mettre fin à cette pratique, non seulement frauduleuse du point de vue de chaque consommateur particulier, mais également du point de vue d’une concurrence non faussée. La réduction qui, selon les termes de l’arrêt Lexitor, porte sur toutes les dépenses payées au prêteur, s’applique au prorata de la durée résiduelle du contrat au moment du remboursement. En d’autres termes, par le jeu de la seule solution Lexitor, le consommateur ne récupérera
jamais l’intégralité de la somme que le prêteur a théoriquement supportée et finalement répercutée sur lui.

90. Je pense que le moyen de remédier à ces abus doit être celui que préconise l’article 41 de la directive 2014/17 : les États membres doivent veiller à ce que la protection que cette directive accorde au consommateur ne puisse être contournée « du fait du libellé des contrats ».

3. Récapitulation

91. En résumé, si l’arrêt Lexitor était réputé applicable aux crédits immobiliers, l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 s’opposerait à une norme nationale limitant la réduction proportionnelle liée au remboursement anticipé du crédit aux frais dépendants de la durée du contrat. Toutefois, même dans ce contexte (d’extension de la solution Lexitor aux crédits hypothécaires), la réduction ne porterait que sur les frais qui servent à rémunérer le prêteur, c’est‑à‑dire les frais autres que
ceux qui sont versés aux tiers.

E.   Limitation des effets de l’arrêt dans le temps

92. Si la Cour devait suivre la thèse que je défends, il serait inutile de faire droit à la demande du gouvernement italien quant à l’éventuelle limitation des effets de l’arrêt dans le temps. Au demeurant, je considère qu’une telle limitation ne serait pas appropriée, car il n’est pas établi que les conditions (en particulier les répercussions économiques graves) exigées par la jurisprudence de la Cour à cet égard soient remplies ( 73 ).

V. Conclusion

93. Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre à l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) en ces termes :

À titre principal :

L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010,

doit être interprété en ce sens que :

lorsque l’emprunteur exerce son droit de rembourser le montant du crédit, intégralement ou partiellement, avant l’expiration du délai prévu, la réduction proportionnelle ne s’étend qu’aux intérêts dus et aux frais qui dépendent de la durée du contrat.

À titre subsidiaire :

L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, lorsque l’emprunteur exerce son droit de rembourser le montant du crédit, intégralement ou partiellement, avant l’expiration du délai prévu, la réduction des intérêts et du coût total du crédit porte uniquement sur les frais qui dépendent de la durée du contrat. Il ne s’opposerait toutefois pas à une réglementation nationale qui limiterait cette
réduction aux frais qui, indépendamment de la durée du contrat, rémunèrent le prêteur, à l’exclusion de ceux qui sont dus aux tiers.

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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Il était initialement régi par l’article 8 de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48).

( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102 (JO 2008, L 133, p. 66).

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48 et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).

( 5 ) Arrêt Lexitor (C‑383/18, ci-après l’« arrêt Lexitor  ou la  solution Lexitor , EU:C:2019:702).

( 6 ) Dans ce renvoi, le débat portait sur une commission facturée par les banques prêteuses aux consommateurs. La Cour a déclaré que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48, « le droit du consommateur à la réduction du coût total du crédit en cas de remboursement anticipé du crédit inclut tous les frais imposés au consommateur ».

( 7 ) Loi du 26 novembre 2015 (BGBl. I, 135/2015). Le texte a été modifié par la Bundesgesetz, mit dem das Verbraucherkreditgesetz und das Hypothekar – und Immobilienkreditgesetz geändert werden (loi fédérale portant modification de la loi relative aux crédits à la consommation et de la loi relative aux crédits hypothécaires et immobiliers), du 5 janvier 2021 (BGBl. I, 1/2021).

( 8 ) Tel est le cas de la définition du « coût total du crédit pour le consommateur » figurant à l’article 4, point 13, de la directive 2014/17, ainsi que de l’article 25, paragraphe 1, de cette directive.

( 9 ) Notamment dans les arrêts du 26 février 2015, Matei (C‑143/13, EU:C:2015:127) ; du 16 juillet 2020, Soho Group (C‑686/19, EU:C:2020:582), et du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska (C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631).

( 10 ) L’opinion que j’exposerai au sujet de la transposition de l’arrêt Lexitor aux frais payés aux tiers me dispenserait, en fait, d’examiner lesquels de ces frais entrent dans la catégorie du « coût total du crédit ». Toutefois, je procéderai à cet examen pour le cas où la Cour adopterait un point de vue différent et que cela se révélerait utile.

( 11 ) La directive 2014/17 semble utiliser « coûts » et « frais » comme des termes interchangeables. Parmi les versions linguistiques que j’ai pu analyser, seul l’article 25, paragraphe 1, de cette directive dans sa version en langue française mentionne la réduction des « frais dus » (dans la version en langue espagnole : « gastos debidos ») comme faisant partie du « coût [total du crédit pour le consommateur] », tandis que les versions en langues allemande, espagnole, anglaise, italienne et
portugaise utilisent respectivement les termes « Kosten », « costes », « costs », « costi » et « custos ».

( 12 ) Voir, à cet égard, considérant 19 de la directive 2014/17.

( 13 ) C’est ce qui résulte du considérant 22 de la directive 2014/17.

( 14 ) La juridiction de renvoi cite, notamment, les frais d’expertise, les frais d’authentification des signatures aux fins de l’inscription de l’hypothèque au registre foncier, les frais de demande de prise de rang et d’inscription de l’hypothèque au registre foncier.

( 15 ) Dans les conclusions de l’avocat général Hogan (C‑383/18, EU:C:2019:451) non plus.

( 16 ) Il s’agit de précisions sans pertinence pour les contrats de crédit à la consommation, parce qu’elles font référence à des éléments qui, par définition, n’existent pas dans ces contrats.

( 17 ) Article 3, point g), de la directive 2008/48. Voir, aussi, considérant 50 de la directive 2014/17, qui précise en outre les critères d’évaluation de la connaissance du prêteur.

( 18 ) Considérant 50 et article 4, point 13, de la directive 2014/17.

( 19 ) C’est ce que rappelle l’arrêt du 26 février 2015, Matei (C‑143/13, EU:C:2015:127, point 48), concernant la directive 2008/48. La notion de « coût total du crédit pour le consommateur » est « définie de manière particulièrement large, de sorte que la somme totale de tous les coûts ou frais à la charge du consommateur et afférents à des paiements effectués par ce dernier tant au prêteur qu’à des tiers soit clairement mentionnée dans les contrats de crédit à la consommation ». Mise en italique
par mes soins.

( 20 ) Dans ce cadre, un service accessoire peut être qualifié d’« obligatoire » lorsque l’obtention du crédit en soi, ou avec certains avantages, dépend de la souscription de ce service. Article 3, point g), de la directive 2008/48 et considérant 50 de la directive 2014/17.

( 21 ) Considérant 50 de la directive 2014/17.

( 22 ) Lorsque cette évaluation est nécessaire pour obtenir le crédit, comme le rappelle l’article 4, point 13, de la directive 2014/17.

( 23 ) Considérant 50 et article 17, paragraphe 2, de la directive 2014/17, qui est consacré au calcul du TAEG. Une disposition équivalente figure à l’article 19, paragraphe 2, de la directive 2008/48. Dans les deux cas, la mention semble n’avoir qu’un but pédagogique ou de confirmation. Je n’ai trouvé aucun indice dans les travaux antérieurs à la directive, ni aucun argument (hormis celui tiré de l’emplacement systématique) laissant supposer que ces éléments font partie du coût total du crédit
uniquement aux fins du calcul du TAEG.

( 24 ) Voir, dans le même ordre d’idées, considérant 50 de la directive 2014/17. L’exclusion est claire, même si elle est discutable dans le domaine du crédit hypothécaire, où, contrairement au crédit à la consommation, l’intervention d’un officier public pour la constitution de la garantie, ou pour son inscription, n’est généralement pas facultative. Voir, pour une tentative d’explication dans ce domaine, note en bas de page 40 des présentes conclusions.

( 25 ) Il ne faut pas confondre ces frais avec les frais correspondant à l’enregistrement de la garantie hypothécaire. Le terme « frais » a, dans ce contexte, une signification très large.

( 26 ) Article 4, point 13, de la directive 2014/17. Dans la directive 2008/48, ces frais sont exclus du coût total du crédit pour calculer le TAEG, en vertu de l’article 19, paragraphe 2, de cette directive.

( 27 ) La fiche d’information standardisée européenne (FISE), dans la partie A de l’annexe II de la directive 2014/17, et les instructions pour la compléter, dans la partie B de cette même annexe, étayent cette affirmation.

( 28 ) La première définition apparaît dans la directive 87/102. Le texte original a ensuite été modifié au fil des tentatives visant à uniformiser le calcul du pourcentage annuel des charges financières. Les travaux préparatoires en vue de l’adoption de la directive 2008/48 font ressortir les va‑et‑vient relatifs à l’inclusion dans les coûts ou à l’exclusion de ceux-ci, des frais payables aux tiers, notamment les taxes et les frais de notaire. Le texte final admet les taxes comme solution de
compromis, alors qu’il ne comporte aucune indication sur la raison pour laquelle les frais de notaire ont été exclus. Voir communication de la Commission au Parlement européen conformément à l’article 251, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité CE relative à la position commune arrêtée par le Conseil en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative aux contrats de crédit aux consommateurs, COM(2007) 546 final, point 3.2.

( 29 ) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, COM(2011) 142 final, article 3, sous k). Le considérant 23 de la proposition réunissait des éléments du considérant 20 et de l’article 3, point g), de la directive 2008/48.

( 30 ) Document de travail accompagnant la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, SEC(2011) 356 final, volume II, p. 130 et suiv.

( 31 ) Op. cit., p. 134. Certains États membres avaient étendu, ou envisageaient d’étendre, certaines règles spécifiques au crédit à la consommation aux crédits hypothécaires ; voir Study on the costs and benefits of the different policy options for mortgage credit, Final Report, novembre 2009, p. 29 et suiv.

( 32 ) Premier rapport du Parlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel [COM(2011)0142 – C7‑0085/2011 – 2011/0062(COD)], document PE469.842v04‑00, amendement 48.

( 33 ) Amendements adoptés par le Parlement européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel [COM(2011)0142 – C7‑0085/2011 – 2011/0062(COD)], document P7_TA(2013)0341, du 13 septembre 2013 ; voir considérant 50 et article 4, point 13, de la directive 2014/17. Aucune justification n’a été fournie concernant la mention expresse de cette exclusion, qui, à mon avis, s’explique par l’absence de lien
direct entre les frais susmentionnés et le crédit lui-même. Il est peut-être utile de rappeler le statu quo concernant les facteurs qui, avant l’adoption de la règle uniforme, étaient pris en compte pour le calcul du TAEG (ou le concept analogue) dans les systèmes juridiques des États membres. Parmi ceux-ci figuraient, bien que dans une minorité d’États, les frais de notaire et les taxes relatives au transfert de propriété ; voir tableau 39 de Study on the costs and benefits of the different policy
options for mortgage credit, Final Report, novembre 2009.

( 34 ) Différents documents du Conseil de l’Union européenne mentionnent l’exclusion des frais liés à l’acquisition du bien immobilier, tels que les frais d’inscription au registre, les taxes liées à l’achat et les frais de notaire ; voir considérant 23 de la proposition de compromis de la présidence du Conseil, note du secrétariat général aux délégations, du 3 novembre 2011, document 16325/11, et considérant 34 de l’orientation générale du Conseil relative à la proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel (directive sur le crédit hypothécaire – DCH), note du secrétariat général aux délégations, du 30 mai 2012, document 10587/12.

( 35 ) Les notions de « montant total du crédit » et de « montant total dû par le consommateur » de la directive 2014/17 incluent simplement celles de la directive 2008/48, par référence à l’article 4, paragraphes 12 et 14, respectivement, de la directive 2014/17. Concernant le rapport entre ces notions, voir arrêts du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283, points 85 et 86), ainsi que du 16 juillet 2020, Soho Group (C‑686/19, EU:C:2020:582, points 38 et 42).

( 36 ) Article 4, point 15, de la directive 2014/17.

( 37 ) Voir, en lien avec la directive 2008/48, arrêts du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty (C‑779/18, EU:C:2020:236, point 39 et jurisprudence citée), ainsi que du 16 juillet 2020, Soho Group (C‑686/19, EU:C:2020:582, point 31).

( 38 ) Cette finalité sous-tend la totalité des textes. Cela ressort de manière explicite des considérants 1 à 9 de la directive 2008/48 et des considérants 2 et 5 à 8 de la directive 2014/17.

( 39 ) Parmi les raisons de la faible utilisation transfrontière des contrats de crédit hypothécaire figurent, du point de vue des prêteurs, les risques et les difficultés liées au fait de devoir appliquer un droit étranger de manière juridiquement correcte, ce qui diminue la rentabilité des transactions transfrontières ; voir rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le réexamen de la directive 2014/17, COM(2021) 229 final, section 2.2.

( 40 ) En effet, il est possible que l’exclusion des frais de notaire du coût total du crédit pour le consommateur s’explique par le fait qu’ils sont susceptibles de nuire à la comparabilité des produits. Les différences entre les honoraires des notaires peuvent être importantes : non seulement entre États membres, mais aussi à l’intérieur d’un même État lorsqu’ils sont négociables (totalement ou partiellement) entre le notaire et le client. En réponse à une question posée à l’audience, la
Commission a également évoqué cette explication comme étant la plus probable.

( 41 ) Point 4 de la FISE, « Taux d’intérêt et autres frais ».

( 42 ) Loc. cit.

( 43 ) Article 13, paragraphe 1, sous h), de la directive 2014/17.

( 44 ) Comme je l’ai déjà fait observer [conclusions dans l’affaire DenizBank (C‑287/19, EU:C:2020:322)], il ne faut pas oublier que toute cette construction juridique a, en réalité, un substrat factuel très pauvre. À moins qu’ils ne disposent d’une solide formation dans le domaine de la finance, une grande partie des débiteurs hypothécaires auront beaucoup de mal à comprendre les catégories juridiques qui sont utilisées dans le cadre de l’octroi de leurs crédits garantis par une hypothèque.

( 45 ) Comme je l’ai déjà souligné, cette formulation fait écho à celle de la directive 2008/48 qui remplace, à son tour, l’expression « réduction équitable » de la directive 87/102.

( 46 ) Concernant la transposition de la solution Lexitor aux contrats de crédit immobilier.

( 47 ) Il appartient aux États membres de décider si l’origine du droit est une disposition légale, ou peut être contractuelle, ainsi que certaines conditions de son exercice.

( 48 ) Voir, toutefois, la possibilité pour les États membres de subordonner l’exercice de ce droit à l’existence d’un intérêt légitime chez le consommateur, dans l’hypothèse prévue à l’article 25, paragraphe 5, de la directive 2014/17.

( 49 ) Pas plus que ne le fait le considérant 66 de la directive 2014/17, qui est consacré au droit au remboursement, à la réduction des frais et à l’indemnisation du prêteur.

( 50 ) C’est-à-dire ceux qui font partie du montant total du crédit et qui, ajoutés au coût total, constituent le montant total dû par l’emprunteur ; voir, sur le caractère d’exclusion mutuelle que présentent les notions de « montant total » et de « coût total du crédit », arrêts cités dans la note en bas de page 35 des présentes conclusions.

( 51 ) Les modalités ou le moment du paiement ne sont pas pertinents : le montant dû au titre d’un service récurrent peut être versé à chaque fois que ce service est exécuté, ou un paiement unique au début ou à la fin de la relation peut être fixé, sans que cela modifie la nature du service. Si la rémunération a été versée au début de la relation, le droit à réduction se transforme en un droit au remboursement de sommes avancées.

( 52 ) Arrêt Lexitor, points 24 et 25.

( 53 ) L’examen de ses antécédents et de son évolution, depuis la première rédaction figurant à l’article 8 de la directive 87/102 (où la réduction était « équitable ») jusqu’à la version actuelle, n’apporte pas d’éclaircissements sur la nature des coûts à réduire. Le débat a porté sur le droit à l’existence du remboursement et de l’indemnisation du prêteur. Le point de départ révèle une forte divergence de solutions entre les États membres ainsi que dans les positions des négociateurs sur la
manière de trouver un équilibre entre les intérêts des parties au contrat, et sur la nature des répercussions que le remboursement anticipé aurait sur l’activité de prêt en général.

( 54 ) Parmi celles-ci figure celle de l’article 25, paragraphe 5, de la directive 2014/17, qui requiert, dans un cas de figure spécifique, « l’existence d’un intérêt légitime chez le consommateur ».

( 55 ) L’indemnisation vise à neutraliser les pertes subies par le prêteur. Dans la directive 2014/17, cette indemnisation ne se limite pas nécessairement au montant de l’intérêt que le consommateur aurait payé pendant la période comprise entre le remboursement anticipé et la date de fin de contrat convenue. Étant donné qu’il doit être préalablement informé des conditions de remboursement, le consommateur rationnel préférera ne pas exercer le droit au remboursement anticipé si son obligation
d’indemniser le prêteur atteint un montant tel qu’il ne réalise en fait aucune économie.

( 56 ) Avec la réserve, déjà soulignée, de l’article 25, paragraphe 5, de la directive 2014/17.

( 57 ) En outre, en théorie, le prêteur pourra à nouveau prêter le capital récupéré, éventuellement avec un bénéfice plus important que dans le prêt précédent. Cette représentation de la réalité est peut‑être trop simpliste, comme en témoigne le débat sur ce sujet concernant la directive 2014/17, auquel j’ai fait référence dans la note en bas de page 53 des présentes conclusions.

( 58 ) C’est-à-dire avec un taux d’intérêt et des commissions différents et qui pourraient être inférieurs. Le montant des taxes, dont la base imposable correspond à la somme prêtée, aurait également été différent.

( 59 ) Techniquement, chaque État membre décide si le paiement anticipé entraîne la résolution du contrat ou, si ce paiement est partiel, une novation extinctive ou seulement modificative.

( 60 ) Voir article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17.

( 61 ) C’est ce qui se passerait, avec la réduction, si on devait lui rembourser, même proportionnellement, des frais dont le montant aurait été le même pour n’importe quel contrat de crédit.

( 62 ) Le mécanisme d’indemnisation pesant sur l’emprunteur est conçu comme une réponse aux conséquences négatives du remboursement pour le prêteur dont la situation juridique est modifiée. Voir note en bas de page 55 des présentes conclusions.

( 63 ) À ne pas confondre avec la possibilité que les contrats conclus avec des tiers, accessoires au contrat de prêt et devant être exécutés pendant la même période, prenant donc fin de manière anticipée lors du remboursement du prêt, ouvrent au consommateur le droit à une réduction du montant encore dû. La directive 2014/17 ne prévoit rien à cet égard.

( 64 ) Le critère, suggéré lors de l’audience, tendant à déterminer qui a un intérêt dans la prestation du tiers me semble peu judicieux (les deux parties ont un intérêt dans la conclusion du contrat) et extrêmement incertain.

( 65 ) Arrêt Lexitor, point 34.

( 66 ) Une information normalisée est également prévue dans la directive 2008/48. Toutefois, elle n’a pas le même niveau de détail s’agissant de la nature des frais.

( 67 ) Voir note en bas de page 53 des présentes conclusions.

( 68 ) Voir considérant 66 de la directive 2014/17.

( 69 ) D’après l’étude Evaluation of the Mortgage Credit Directive (Directive 2014/17/EU), de Risk & Policy Analysts (RPA), 2021, Annexe I, tableau 163, en octobre 2020, vingt États membres avaient adopté des dispositions pour indemniser le prêteur en cas de remboursement anticipé. Quatre ne l’avaient pas fait, il n’y avait pas d’information concernant les trois autres. Conformément aux interventions de ses représentants à l’audience, la République italienne ne prévoit pas de droit à indemnisation,
à la différence de la République fédérale d’Allemagne et de la République d’Autriche (droit qui est, dans ce dernier pays, soumis à des limites strictes).

( 70 ) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux crédits aux consommateurs, COM(2021) 347 final, article 29, paragraphe 1 : « Tous les frais imposés par le prêteur au consommateur sont pris en compte lors du calcul de cette réduction ».

( 71 ) Note du Comité des représentants permanents au Conseil, du 7 juin 2022, document 9433/1/22 Rev 1, point 13, sous c) : « les délégations ont jugé important de clarifier que la réduction du coût total du crédit en cas de remboursement anticipé concerne les frais imposés par le prêteur, et non les taxes ou redevances dues à des tiers parties » (mise en italique par mes soins).

( 72 ) Point 4.4 de ses observations écrites. Cette fraude peut également se produire, en théorie, lorsque les frais versés aux tiers sont mis à la charge du prêteur en vertu de la loi.

( 73 ) Voir arrêts du 16 septembre 2020, Romenergo et Aris Capital (C‑339/19, EU:C:2020:709, point 49) ; du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C‑511/18, C 512/18 et C 520/18, EU:C:2020:791, point 216), et du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, point 132).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-555/21
Date de la décision : 29/09/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberster Gerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 2014/17/UE – Contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel – Article 25, paragraphe 1 – Remboursement anticipé – Droit du consommateur à une réduction du coût total du crédit correspondant aux intérêts et aux frais dus pour la durée résiduelle du contrat – Article 4, point 13 – Notion de “coût total du crédit pour le consommateur” – Frais indépendants de la durée du contrat.

Protection des consommateurs

Rapprochement des législations

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : UniCredit Bank Austria AG
Défendeurs : Verein für Konsumenteninformation.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:742

Source

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