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07/07/2022 | CJUE | N°C-404/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. P. Pikamäe, présentées le 7 juillet 2022., WP contre Istituto nazionale della previdenza sociale et Repubblica italiana., 07/07/2022, C-404/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 7 juillet 2022 ( 1 )

Affaire C‑404/21

WP

contre

Istituto nazionale della previdenza sociale,

Repubblica italiana

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Asti (tribunal ordinaire d’Asti, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Personnel de la BCE – Droits à pension acquis dans un régime national avant l’entrée au service de l’Union – Transfert au régime de pension de l’Union –

Réglementation ou pratique administrative nationale ne permettant pas ce transfert – Absence d’un acte législatif interne d’application ou d’un ...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 7 juillet 2022 ( 1 )

Affaire C‑404/21

WP

contre

Istituto nazionale della previdenza sociale,

Repubblica italiana

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Asti (tribunal ordinaire d’Asti, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Personnel de la BCE – Droits à pension acquis dans un régime national avant l’entrée au service de l’Union – Transfert au régime de pension de l’Union – Réglementation ou pratique administrative nationale ne permettant pas ce transfert – Absence d’un acte législatif interne d’application ou d’un accord spécifique entre l’État membre du travailleur ou de son institut de sécurité sociale et l’institution de l’Union »

I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle déférée par le Tribunale ordinario di Asti (tribunal ordinaire d’Asti, Italie) au titre de l’article 267 TFUE a pour objet l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, TUE, des articles 45 et 48 TFUE, de l’article 11 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et autres agents de l’Union (ci-après le « statut ») et de l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi du personnel de la Banque centrale européenne (BCE) (ci-après
les « conditions d’emploi de la BCE »).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant WP à l’Istituto nazionale della previdenza sociale [Institut national de la prévoyance sociale (INPS), Italie] ainsi qu’à la République italienne au sujet du transfert au régime de pension de la BCE du montant de l’équivalent actuariel correspondant aux droits à pension constitués en faveur du requérant dans le cadre du Fondo Pensioni Lavoratori Dipendenti (fonds de pension des travailleurs salariés) de l’INPS.

3. La juridiction de renvoi pose à la Cour deux questions relatives à la possibilité pour un membre du personnel de la BCE de faire transférer au régime de pension de la BCE ses droits à pension acquis auprès du régime de pension italien, en l’absence d’un accord prévoyant un tel transfert, conclu entre la BCE et la République italienne. La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser quelles sont les obligations des États membres envers la BCE en vertu du droit de l’Union lorsqu’il est
question d’adopter les mesures nécessaires pour assurer un tel transfert de droits à pension.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le protocole sur le SEBC et la BCE

4. L’article 36 du protocole no 4 sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, annexé aux traités UE et FUE ( 2 ) (ci-après le « protocole sur le SEBC et la BCE »), dispose :

« 36.   1Le conseil des gouverneurs [de la BCE] arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

[...] »

2. Le protocole sur les privilèges et immunités

5. L’article 14 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, annexé aux traités UE et FUE ( 3 ) (ci-après le « PPI »), énonce :

« Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation des institutions concernées, fixent le régime des prestations sociales applicables aux fonctionnaires et autres agents de l’Union. »

6. En vertu de son article 22, premier alinéa, le PPI s’applique également à la BCE, aux membres de ses organes et à son personnel, sans préjudice des dispositions du protocole sur le SEBC et la BCE.

3. Le statut

7. En vertu de son article 1er, le statut s’applique aux fonctionnaires de l’Union.

8. L’article 1er bis, paragraphe 1, du statut énonce :

« Est fonctionnaire de l’Union au sens du présent statut toute personne qui a été nommée dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d’une des institutions de l’Union par un acte écrit de l’autorité investie du pouvoir de nomination de cette institution. »

9. L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut dispose :

« [...]

2.   Le fonctionnaire qui entre au service de l’Union après avoir :

– cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

– exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser à l’Union le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension de l’Union au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du
capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

De cette faculté, le fonctionnaire ne pourra faire usage qu’une seule fois par État membre et par fonds de pension. »

4. Le RAA

10. L’article 1er du régime applicable aux autres agents de l’Union (ci‑après le « RAA ») dispose :

« Le présent régime s’applique à tout agent engagé par contrat par l’Union. Cet agent a la qualité :

– d’agent temporaire ;

– d’agent contractuel ;

[...] »

11. En vertu, respectivement, de l’article 39, paragraphe 2, et de l’article 109, paragraphe 2, du RAA, l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut s’applique aux agents temporaires et aux agents contractuels.

5. Les conditions d’emploi de la BCE

12. Agissant notamment sur le fondement de l’article 36, paragraphe 1, du protocole sur le SEBC et la BCE, le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté les conditions d’emploi de la BCE, dont l’article 9, sous c), dispose :

« Aucun droit national spécifique ne régit ces conditions d’emploi. La BCE appliquera (i) les principes généraux de droit communs aux États membres, (ii) les principes généraux du droit de l’Union et (iii) les règles figurant dans les règlements et directives de l’Union concernant la politique sociale adressées aux États membres. Chaque fois que cela est nécessaire, ces actes juridiques seront mis en œuvre par la BCE. Les recommandations de l’Union dans le domaine de la politique sociale seront
dûment prises en considération. Aux fins de l’interprétation des droits et obligations prévus par les présentes conditions d’emploi, il sera tenu compte des principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence applicables au personnel d’autres institutions de l’Union. »

13. L’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE énonce :

« (a) La BCE conclut des accords et convient de mesures appropriées avec d’autres régimes de retraite, d’autres organisations et gouvernements qu’elle détermine, aux fins de l’acceptation du transfert de sommes d’argent vers le [régime de pension de la BCE], pour les membres ayant achevé leur période d’essai à la BCE.

[...] »

B.   Le droit italien

14. L’article 1er de la legge n. 29 – Ricongiunzione dei periodi assicurativi dei lavoratori ai fini previdenziali (loi no 29, portant reconnaissance des périodes d’assurance des travailleurs ouvrant droit à pension), du 7 février 1979 ( 4 ) dispose :

« Le travailleur salarié du secteur public ou du secteur privé qui est ou a été affilié à des formes obligatoires de prévoyance équivalentes au régime général obligatoire d’assurance invalidité, vieillesse et survivants des travailleurs salariés géré par l’INPS ou qui ont donné lieu à l’exclusion ou à la dispense de cette affiliation a la faculté, aux fins de l’attribution et de la détermination du montant d’une pension unique, de demander à tout moment le regroupement de toutes les périodes de
cotisation obligatoire, volontaire et fictive auprès des susdites formes de prévoyance au moyen de l’affiliation au régime général obligatoire d’assurance et de la constitution, dans le cadre de ce dernier, de droits à pension correspondants. À cette fin, le ou les gestionnaires des régimes de provenance transfèrent au gestionnaire du régime général obligatoire d’assurance le montant des cotisations qu’ils détiennent [...] »

15. L’article 18 de la legge n. 115 – Disposizioni per l’adempimento degli obblighi derivanti dall’appartenenza dell’Italia all’Unione europea – Legge europea 2014 (loi no 115, portant dispositions pour l’exécution des obligations résultant de l’appartenance de l’Italie à l’Union européenne – Loi européenne 2014), du 29 juillet 2015 ( 5 ) dispose :

« 1.   À compter du 1er janvier 2016, les citoyens de l’Union européenne [...] qui sont ou ont été affiliés au régime général obligatoire d’assurance invalidité, vieillesse et survivants des travailleurs salariés [...] ont la possibilité de cumuler les périodes d’assurance accomplies dans le cadre de ces régimes d’assurance avec les périodes d’assurance accomplies auprès d’organisations internationales.

2.   Le cumul visé au paragraphe 1 peut être demandé, si cela est nécessaire, pour obtenir le droit à une pension de vieillesse, d’invalidité ou de survie, à condition que la durée totale des périodes d’assurance accomplies sous la législation italienne soit d’au moins cinquante-deux semaines et que les périodes à cumuler ne se superposent pas.

3.   Le cumul des périodes d’assurance peut être effectué sur demande de l’intéressé, à présenter à l’institution italienne de sécurité sociale auprès de laquelle il a accompli des périodes d’assurance. Dans le cas où un ancien salarié d’une organisation internationale acquiert le droit aux prestations prévues par la législation italienne sans qu’il soit nécessaire de cumuler les périodes d’assurance accomplies auprès de l’organisation internationale, l’institution italienne de sécurité sociale
calcule la pension exclusivement sur la base des périodes d’assurance accomplies dans le cadre du régime de pension italien. Dans le cas où un ancien salarié d’une organisation internationale n’acquiert le droit aux prestations prévues par la législation italienne que moyennant le cumul des périodes d’assurance accomplies auprès de l’organisation internationale, l’institution italienne de sécurité sociale prend en considération les périodes d’assurance accomplies dans le cadre du régime de
pension de l’organisation internationale, à l’exception de celles qui ont fait l’objet d’un remboursement, comme si elles avaient été accomplies sous la législation italienne, et calcule le montant de la prestation exclusivement sur la base des périodes d’assurance accomplies sous la législation italienne.

4.   Les prestations de retraite liquidées conformément au présent article sont considérées comme des pensions pour tout ce qui concerne les effets découlant de l’application de la législation italienne.

5.   Les périodes d’emploi auprès d’une organisation internationale peuvent, dans la mesure où elles ne donnent pas droit à une prestation de retraite à la charge du fonds de pension de cette organisation internationale, être rachetées dans le cadre du régime de pension italien conformément à la législation régissant le rachat des périodes d’emploi accomplies à l’étranger. Le droit de rachat est exercé, notamment par les survivants du salarié de l’organisation internationale, dans les conditions
prévues par les règles de l’institution italienne de sécurité sociale à laquelle le rachat est demandé.

[...] »

16. La circulaire no 14 de l’INPS, du 23 janvier 2001, indique qu’un accord a été conclu le 24 novembre 2000 entre l’INPS et la Banque européenne d’investissement (BEI) aux fins du transfert des droits acquis par le personnel de la banque. L’article 2 de cet accord stipule :

« La demande de transfert de droits à pension pourra être présentée directement à l’INPS et communiquée pour information à la BEI par le membre du personnel en service au moment de la demande et ce pour les périodes d’assurance validées auprès de l’INPS qui n’ont pas donné lieu à la liquidation d’une pension.

La BEI demande à l’INPS l’équivalent actuariel correspondant aux droits acquis dans le cadre du fonds concerné [...], calculé en application des règles régissant les pensions dans le cadre du fonds concerné à la date de la présentation de la demande [...]

[...]

L’INPS communique à l’intéressé et à la BEI le montant à transférer, net des frais d’enregistrement, dans un délai de soixante jours à compter de la réception de l’acceptation de la part du demandeur et procède, dans les trois mois suivants, au transfert des sommes, qui sont majorées [des intérêts] au taux légal en vigueur en Italie pendant la période comprise entre la date de réception de l’acceptation et la [date de] valeur du crédit ; les sommes transférées ne peuvent pas excéder la valeur de
rachat calculée par la BEI conformément aux dispositions de son propre règlement. »

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

17. WP est membre du personnel de la BCE depuis le 1er mars 2012. Entre le 1er août 1982 et le 24 février 2012, il a occupé, en Italie, un poste de salarié d’un employeur privé, lequel a comporté le versement de cotisations obligatoires en sa faveur au fonds de pension des travailleurs salariés de l’INPS. Le 12 décembre 2016, WP a demandé à l’INPS le transfert au régime de pension de la BCE de l’équivalent actuariel correspondant aux droits à pension constitués en sa faveur dans le cadre de ce fonds
de pension ou, à titre subsidiaire, du capital actualisé résultant des cotisations de retraite versées au fonds de pension, calculés en application des règles régissant les pensions dans le cadre de ce fonds.

18. L’INPS a rejeté la demande de WP, au motif qu’il n’était pas possible de procéder au transfert demandé en l’absence d’une mesure législative spécifique ou d’un accord bilatéral. Le recours administratif de WP contre le rejet de sa demande, introduit le 28 novembre 2017, a été déclaré irrecevable, par décision du 11 avril 2018.

19. WP a ensuite formé un recours devant la juridiction de renvoi tendant, à titre principal, à faire constater et déclarer que l’INPS et/ou la République italienne étaient tenus d’adopter toutes les mesures nécessaires aux fins du transfert au régime de pension de la BCE d’un montant déterminé, correspondant aux droits à pension constitués en sa faveur, et à faire condamner l’INPS et/ou la République italienne, par conséquent, à adopter toutes les mesures nécessaires aux fins du transfert de ce
montant au régime de pension de la BCE. À titre subsidiaire, WP conclut à ce qu’il soit constaté et déclaré que l’INPS et/ou la République italienne sont tenus de transférer au régime de pension de la BCE un montant déterminé à titre de réparation du préjudice, et à ce que l’INPS et/ou la République italienne soient condamnés, par conséquent, à transférer ce montant, à titre de réparation du préjudice, au régime de pension de la BCE.

20. La juridiction de renvoi se demande si le droit de l’Union confère à un employé de la BCE un droit au transfert au régime de pension de celle-ci des droits à pension acquis auprès d’une institution de sécurité sociale d’un État membre et si ce droit doit également être reconnu indépendamment de l’adoption d’une règle nationale de transposition ou de la conclusion d’un accord spécifique entre l’État membre ou l’institution nationale de sécurité sociale concernés et la BCE, définissant les
modalités de mise en œuvre de ce droit. La juridiction de renvoi fait référence à plusieurs dispositions du droit de l’Union ainsi qu’à la jurisprudence y afférente, sans pour autant parvenir à une conclusion claire.

21. Considérant que l’issue du litige dépend d’une interprétation du droit de l’Union, le Tribunale ordinario di Asti (tribunal ordinaire d’Asti) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les articles 45 et 48 TFUE, l’article 4 TUE, l’article 11 de l’annexe VIII du [statut] et l’article 8 de l’annexe III bis des [conditions d’emploi de la BCE] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à une législation nationale ou à une pratique administrative nationale qui ne permettent pas à un travailleur d’un État membre qui a accumulé des cotisations auprès de l’institution nationale de sécurité sociale et qui travaille actuellement auprès d’une institution de
l’Union telle que la BCE de transférer au régime de pension de cette dernière institution les cotisations de retraite inscrites à son crédit dans le cadre du régime de prévoyance de son État d’origine ?

2) En fonction notamment de la réponse à la première question, le transfert des cotisations doit-il être rendu possible même en l’absence d’un acte législatif interne de mise en œuvre ou d’un accord spécifique entre l’État membre d’origine du travailleur ou son institution de retraite, d’une part, et l’institution de l’Union, d’autre part ? »

IV. La procédure devant la Cour

22. La décision de renvoi, datée du 13 janvier 2021, est parvenue au greffe de la Cour le 30 juin 2021.

23. Les parties au principal, les gouvernements italien, grec, espagnol, polonais et portugais, la Commission européenne et la BCE ont déposé des observations écrites dans le délai imparti conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

24. En application de l’article 76, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Cour a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries.

V. Analyse juridique

A.   Remarques préliminaires

25. Comme indiqué dans l’introduction, par sa demande préjudicielle, la juridiction de renvoi invite la Cour à préciser quelles sont les obligations des États membres en vertu du droit de l’Union lorsqu’il est question d’adopter des mesures nécessaires pour assurer un transfert de droits à pension d’un membre du personnel de la BCE, acquis auprès d’un régime de pension national, au régime de pension de la BCE. Dans le contexte de la présente l’affaire, il me paraît impératif de fournir des
éclaircissements, compte tenu de l’attitude particulièrement passive des autorités italiennes face à la proposition de la BCE de conclure un accord prévoyant précisément un tel transfert.

26. Dans l’intérêt d’une analyse structurée et cohérente des questions juridiques soulevées par la juridiction de renvoi, je propose de reformuler la première question préjudicielle en ce sens qu’il y a lieu de déterminer si l’article 4, paragraphe 3, TUE, les articles 45 et 48 TFUE, l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE doivent être interprétés en ce sens qu’un État membre qui se voit proposer par la BCE la
conclusion d’un tel accord est tenu de le conclure.

27. Dans l’affirmative, il faudra établir, dans le cadre de l’examen de la seconde question préjudicielle, si les dispositions susvisées doivent être interprétées en ce sens qu’elles autorisent la juridiction d’un État membre saisie par l’intéressé à ordonner le transfert au régime de pension de la BCE des droits à pension qu’il a acquis dans le régime de pension de cet État membre, même en l’absence d’une disposition du droit national ou d’un accord, conclu entre l’État membre concerné et la BCE,
prévoyant un tel transfert.

B.   Sur la première question préjudicielle

28. La juridiction de renvoi mentionne une série de dispositions qui relèvent toutes de l’ordre juridique de l’Union, mais se distinguent tout de même en ce qui concerne leur rang et leur valeur juridique. J’examinerai ci-après si ces dispositions imposent des obligations aux États membres susceptibles de soutenir les prétentions d’un membre du personnel de la BCE dans la situation de WP et, le cas échéant, de quel ordre. J’estime opportun d’examiner, dans un premier temps, l’applicabilité des
règles de la fonction publique régissant le transfert des droits à pension, et d’apprécier, dans un second temps, la pertinence des dispositions des traités.

1. Les règles de la fonction publique régissant le transfert de droits à pension

29. La BCE jouit, au motif de ses fonctions liées à la politique monétaire, d’un degré élevé d’autonomie dans le cadre institutionnel de l’Union ( 6 ) qui se reflète dans ses règles internes relatives au transfert de droits à pension. Toutefois, avant d’examiner ses spécificités, j’exposerai brièvement les règles générales applicables aux fonctionnaires et autres agents des institutions, ce qui permettra de tirer les conclusions pertinentes quant au traitement des membres du personnel de la BCE.
Dans ce contexte, se pose, en particulier, la question de savoir si ces derniers peuvent invoquer certains principes généraux relatifs au transfert des contributions de pension au sein de la fonction publique de l’Union bien que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, au moins d’un point de vue formel, ne s’applique pas à ceux-ci ( 7 ).

a) La faculté de transférer les contributions de pension en tant que « droit » reconnu aux fonctionnaires et aux autres agents de l’Union

30. Le droit des fonctionnaires et autres agents de l’Union d’opter pour le transfert des contributions de pension à l’Union trouve son fondement dans l’article 14 du PPI. Cette disposition confère au Parlement européen et au Conseil le pouvoir général de fixer le régime des prestations sociales applicables aux fonctionnaires et autres agents de l’Union. Le législateur de l’Union a assumé ce mandat en disposant dans le statut, à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII, que les fonctionnaires
qui quittent le service de l’Union ont le droit de faire transférer l’équivalent actuariel de leurs droits à pension d’ancienneté qu’ils ont acquis auprès de l’Union à une autre caisse de pension et les fonctionnaires qui entrent au service de l’Union ont la faculté de faire verser le capital représentant les droits à pension qu’ils ont acquis au titre des activités exercées précédemment au régime de pension de l’Union. La lecture conjointe de l’article 14 du PPI et de l’article 11,
paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ne laisse pas de place à l’interprétation quant au fait qu’il existe un droit à part entière des fonctionnaires et autres agents de l’Union de transférer les contributions de pension.

31. La portée de ces dispositions est particulièrement pertinente en ce qui concerne l’identification d’un droit « équivalent » pour les membres du personnel de la BCE. Il importe de relever à cet égard que le PPI, y compris son article 14, s’applique aux membres du personnel de la BCE, en vertu de son article 22, paragraphe 1, qui dispose que le PPI « s’applique également à la [BCE], aux membres de ses organes et à son personnel, sans préjudice des dispositions du protocole sur [le SEBC et la
BCE] » (mise en italique par mes soins). L’article 22, paragraphe 1, du PPI reflète clairement l’intention des auteurs des traités de veiller à ce que les membres du personnel de la BCE, en tant que personnes employées par une institution de l’Union, soient traités de manière égale à tout autre fonctionnaire ou agent de l’Union, à moins que les statuts du SEBC et de la BCE et les actes juridiques adoptés en vertu de ceux-ci n’en disposent autrement.

32. Étant donné que ni l’article 36 de ces statuts, sur la base duquel les conditions d’emploi de la BCE ont été adoptées, ni aucune autre disposition desdits statuts ne confient à la BCE le pouvoir d’adopter des règlements contraignants pour les tiers dans le domaine de la sécurité sociale, le champ d’application du PPI aux membres du personnel de la BCE inclut les questions relatives aux prestations sociales prévues à l’article 14 de celui-ci et, par là même, couvre également la faculté de
transférer les contributions de pension depuis les États membres vers une institution de l’Union ou vice versa. Le pouvoir d’engager les États membres dans ce domaine reste du ressort du législateur de l’Union, à savoir le Parlement européen et le Conseil, comme le prévoit l’article 14 du PPI, qui l’a exercé en introduisant, dans le statut, le droit au transfert des contributions de pension. Par conséquent, il convient de reconnaître ce droit de manière « équivalente » aux membres du personnel
de la BCE.

33. À cet égard, il convient de rappeler que l’égalité de traitement est un principe fondamental du droit de l’Union et est consacrée à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Conformément à une jurisprudence constante ( 8 ), le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne
soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Ce principe s’applique à la BCE, en tant qu’institution de l’Union, au titre de l’article 13 TUE, de la même manière qu’il s’applique aux institutions et organes soumis au statut des fonctionnaires de l’Union. En effet, comme la Cour l’a récemment rappelé, le principe général d’égalité de traitement désormais consacré à l’article 20 de la Charte s’applique, en vertu de son article 51, paragraphe 1,
à toutes les institutions et organes de l’Union, y compris la BCE ( 9 ). De même, les dispositions de la Charte s’appliquent aux États membres de l’Union, y compris à la République italienne, lorsqu’ils transposent le droit de l’Union.

34. En ce qui concerne les prestations sociales et les droits qui leur sont attachés, il me semble qu’un membre du personnel de la BCE qui cherche à transférer ses contributions de pension depuis l’INPS vers le régime de pension de la BCE se trouve dans la même situation que tout autre fonctionnaire ou agent de l’Union qui souhaite exercer le même droit. Dans les deux cas, il s’agit de personnes qui entrent au service d’une institution de l’Union, souhaitent transférer des contributions versées dans
les mêmes États membres et au même régime national de sécurité sociale, et exercent le droit fondamental à la libre circulation. Pour cette raison, une différence de traitement ne paraît, en principe, pas justifiée, sous réserve des modalités pratiques et conditions prévues par la réglementation applicable aux fins de la réalisation d’un tel transfert des contributions de pension au sein de la BCE. L’égalité de traitement doit également être assurée parmi les membres du personnel de cette
institution qui devraient bénéficier d’un droit de transfert qu’ils peuvent exercer librement et quel que soit le ou les États membres dans lesquels ils ont acquis des droits à pension avant d’être employés par la BCE elle-même.

35. Comme l’ont indiqué plusieurs parties intéressées dans leurs observations, la défense d’un tel droit des fonctionnaires et autres agents de l’Union s’avère d’autant plus nécessaire que l’article 298 TFUE garantit que « [d]ans l’accomplissement de leurs missions, les institutions, organes et organismes de l’Union s’appuient sur une administration européenne ouverte, efficace et indépendante ». La Cour a reconnu expressément cette nécessité dans sa jurisprudence lorsqu’elle a établi que la raison
d’être de la transférabilité des droits à pension réside dans la nécessité de « faciliter le passage des emplois nationaux, publics ou privés, à l’administration [de l’Union] et à garantir ainsi [à l’Union] les meilleures possibilités de choix d’un personnel qualifié déjà doté d’une expérience professionnelle appropriée » ( 10 ).

36. De même, la Cour a précisé que, afin d’avoir un plus grand choix parmi un personnel doté d’une expérience professionnelle adéquate, il est nécessaire de disposer d’« une flexibilité accrue en matière de portabilité des droits [vers les régimes de pension de l’Union et vice versa], mettant [également] fin aux incertitudes auxquelles certains agents devaient faire face au regard de l’éventualité d’une cessation de leur relation d’emploi et de l’impossibilité d’obtenir des droits à pension
d’ancienneté équivalents » ( 11 ). La possibilité de transférer les contributions de pension joue donc un rôle essentiel pour garantir qu’aucun obstacle lié à la jouissance des prestations de pension ne pèse sur le choix des personnes quant à l’opportunité et à la manière de travailler au service d’une institution de l’Union.

37. Il est évident que toutes ces considérations, qui répondent aux exigences d’une administration européenne ouverte, efficace et indépendante, au sens de l’article 298 TFUE, sont également valables pour les membres du personnel de la BCE, qui sont des agents d’une institution de l’Union, au même titre que les fonctionnaires et les autres agents des institutions de l’Union relevant du statut. En conséquence, il n’existe, à mon avis, aucune raison objective pour refuser au personnel de la BCE la
reconnaissance de principe d’un droit « équivalent », bien entendu, sous réserve des modalités pratiques et conditions visées dans la réglementation respective, un sujet que j’aborderai plus en détail dans les présentes conclusions. À cet égard, il convient de relever que, tout comme les droits sociaux dont la réalisation nécessite souvent une concrétisation par la loi ( 12 ), le droit au transfert des contributions de pension requiert une réglementation spécifique aux fins de sa mise en œuvre.
Comme je l’expliquerai ci-après, les règles de la BCE régissant le transfert des droits à pension diffèrent sur certains aspects importants du reste de la fonction publique de l’Union, et plus concrètement en ce qui concerne sa mise en œuvre.

b) Les différences entre les règles générales de la fonction publique et celles de la BCE en matière de transfert de droits à pension

38. Il convient, d’emblée, de relever que la « faculté » mentionnée à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut a pour objet d’ouvrir, au profit des fonctionnaires, un droit dont l’exercice ne dépend que de leur propre choix. L’exercice de ce droit est rendu possible par le fait que le statut, en tant que règlement au titre de l’article 288 TFUE, a une portée générale, est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre ( 13 ). Il s’ensuit que, même si
l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ne conduit pas à une harmonisation de la réglementation nationale en matière de pensions, il n’en reste pas moins que le statut, en dehors des effets que celui-ci déploie dans l’ordre intérieur de l’administration de l’Union, oblige également les États membres dans la mesure où leur concours est nécessaire à sa mise en œuvre. La Cour a précisé, dans sa jurisprudence relative à cette disposition, qu’il en découle que, dans le cas où une
disposition du statut requiert des mesures d’application sur le plan national, les États membres sont tenus d’adopter toutes mesures générales ou particulières appropriées, en vertu de l’article 5 du traité CEE, qui correspond à l’article 4, paragraphe 3, TUE ( 14 ). Selon la Cour, au vu de la finalité de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, il incombe aux États membres de mettre en œuvre les moyens concrets permettant l’exercice de la faculté accordée aux fonctionnaires de
transférer les droits acquis dans le cadre national vers le régime de pension de l’Union ( 15 ).

39. Si l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE vise clairement à assurer un transfert des droits à pension au profit des membres du personnel de la BCE, il n’en reste pas moins qu’il n’ouvre pas ce droit de la même manière que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, étant donné que son exercice est subordonné à certaines modalités de mise en œuvre et conditions qu’il convient d’exposer. À cet égard, il importe de souligner que les conditions d’emploi de la
BCE n’ont que des effets purement internes dans la mesure où elles ne règlent que les relations entre cette institution et son personnel. En d’autres termes, les conditions d’emploi elles-mêmes ne produisent pas d’effets juridiques à l’égard des États membres, imposant des obligations à ces derniers. En outre, la BCE ne dispose pas, à la différence du Parlement et du Conseil, de la compétence d’adopter des règlements dans ce domaine. La compétence réglementaire de la BCE est circonscrite à des
cas très spécifiques liés à l’exercice de ses missions statutaires, énumérés de manière exhaustive à l’article 132, paragraphe 1, premier tiret, TFUE. En conséquence, la réalisation de ce droit de manière « équivalente » pour les membres de son personnel requiert le recours à un mécanisme juridique différent.

40. Pour remédier à l’absence d’effet contraignant des conditions d’emploi, la disposition précitée prévoit que la BCE « conclut des accords et convient de mesures appropriées avec d’autres régimes de retraite, d’autres organisations et gouvernements qu’elle détermine, aux fins de l’acceptation du transfert de sommes d’argent vers le [régime de pension de la BCE], pour les membres [du personnel de] la BCE ». La conclusion d’accords avec les États membres, c’est-à-dire la voie bilatérale, est donc la
méthode choisie par le législateur de l’Union dans ce cas. Cela est évident puisqu’il est exigé explicitement que le transfert soit « accepté ». Le fait que la BCE soit dotée de la personnalité juridique, en vertu de l’article 282, paragraphe 3, première phrase, TFUE, lui permet de conclure de tels accords en son nom propre et pour son compte propre avec les États membres.

41. Vu sous cet angle, il est logique de déduire que, en l’absence d’un tel accord réglant les conditions pour assurer le transfert des droits à pension, un membre du personnel de la BCE ne sera pas en mesure d’exercer un droit « équivalent » à celui prévu à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Dans la mesure où l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE fait, premièrement, uniquement référence à la compétence de la BCE de conclure ces accords, restant au
demeurant muet en ce qui concerne le rôle des États membres, et, deuxièmement, ne produit pas d’effets juridiques à l’égard des tiers, il y a lieu de retenir à ce stade de l’analyse, en tant que conclusion intermédiaire, que cette disposition ne constitue pas, à elle seule, une base juridique suffisante pour imposer à un État membre l’obligation de conclure un accord avec la BCE. Or, la participation de cet État membre est indispensable, au motif qu’un accord bilatéral requiert par définition
deux déclarations de volonté concordantes.

42. Pour les mêmes motifs, il convient de rejeter un recours à l’article 9, sous c), des conditions d’emploi de la BCE comme base juridique. Si cette disposition énonce que « les principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence applicables au personnel des institutions de l’Union sont dûment pris en considération pour l’interprétation des droits et obligations prévus par les présentes conditions d’emploi » (mise en italique par mes soins), il n’en reste pas moins que ladite
disposition, en tant que simple règle interprétative de ces conditions (internes) d’emploi, n’est pas susceptible de produire un effet juridiquement contraignant pour les États membres. On ne saurait, à plus forte raison, supposer qu’elle puisse remédier, à elle seule, à l’absence d’un accord bilatéral entre la BCE et un État membre. Cette disposition me paraît, dès lors, dénuée de pertinence dans le présent contexte.

43. Par souci d’exhaustivité, il importe de préciser que toute application par analogie me semble être exclue par l’absence d’une lacune, que cette analogie devrait justement combler, étant donné que, tout comme l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, la disposition pertinente en l’espèce, à savoir l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE, prévoit également le transfert des droits à pension. La différence entre les deux dispositions consiste avant tout, comme
je viens de l’expliquer, à indiquer la nécessité d’un accord avec l’État membre concerné, qui est prévu dans la seconde règle comme une condition pour effectuer le transfert en question, contrairement à ce qui est établi dans la disposition statutaire.

44. Ainsi, le recours à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut soit directement, soit par analogie, tel que suggéré par certaines parties intéressées, afin de contourner l’exigence explicite d’un accord entre la BCE et l’État membre concerné, réglant les conditions pour assurer le transfert des droits à pension, me paraît inadmissible au motif qu’une telle approche reviendrait à méconnaître la volonté expresse du législateur de l’Union ( 16 ). Malgré un intérêt légitime à assurer le
transfert des droits à pension pour l’ensemble de la fonction publique européenne, il me semble clair qu’il existe néanmoins des différences en ce qui concerne la réalisation de ce droit qui sont inhérentes à la structure institutionnelle de l’Union au stade actuel de son évolution.

45. Le principe de l’unicité de la fonction publique de l’Union, introduit par l’article 9, paragraphe 3, du traité d’Amsterdam, et selon lequel tous les fonctionnaires de toutes les institutions sont soumis à un statut unique et, ainsi, aux mêmes dispositions ( 17 ), n’empêche pas, en principe, l’adoption et donc l’application de régimes distincts pour le personnel lorsqu’une autonomie réglementaire est reconnue à l’institution en cause ( 18 ), comme c’est le cas de la BCE en vertu de l’article 36
du protocole sur le SEBC et la BCE.

46. Si les considérations évoquées dans les présentes conclusions, liées au principe d’égalité de traitement au titre de l’article 20 de la Charte ainsi qu’à l’intérêt public à disposer d’une « administration européenne ouverte, efficace et indépendante » au sens de l’article 298 TFUE peuvent s’avérer pertinentes lors de l’établissement des règles concrètes de transfert de droits à pension dans le cadre des négociations visant à conclure un accord entre la BCE et un État membre, notamment au soutien
d’un traitement non discriminatoire des membres du personnel de la BCE et dans l’intérêt de permettre à cette institution de profiter d’un personnel qualifié et recruté dans l’ensemble des États membres, il faut néanmoins reconnaître que les dispositions précitées ne sont pas susceptibles de servir, à elles seules, de base juridique pour obliger un État membre à conclure un tel accord.

c) Conclusion intermédiaire

47. Il ressort de cette analyse des règles de la fonction publique régissant le transfert des droits à pension que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut n’est pas applicable – ni directement ni par analogie – aux membres du personnel de la BCE. Par conséquent, aucune obligation pour un État membre consistant à conclure un accord avec cette institution ne saurait être tirée de cette disposition. L’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE ne constitue pas non
plus une base juridique suffisante pour lui imposer une telle obligation.

2. Les dispositions sur la libre circulation de travailleurs

48. Il convient d’examiner ensuite si les articles 45 et 48 TFUE sur la libre circulation de travailleurs peuvent constituer une base juridique adéquate afin d’imposer à un État membre l’obligation d’assurer une réalisation du droit au transfert des droits à pension, comme le suggère la juridiction de renvoi. Dans ce contexte, il est nécessaire d’évoquer l’arrêt Gardella ( 19 ), dans lequel la Cour s’est prononcée sur la compatibilité avec les dispositions susmentionnées de l’impossibilité pour un
fonctionnaire d’une organisation internationale d’obtenir le transfert vers cette dernière des droits à pension acquis dans le cadre d’activités professionnelles précédemment exercées dans son État membre d’origine.

49. Dans ledit arrêt, la Cour a rappelé sa jurisprudence selon laquelle un ressortissant de l’Union travaillant dans un État membre autre que son État d’origine et qui a accepté un emploi dans une organisation internationale relève du champ d’application de l’article 45 TFUE ( 20 ). En conséquence, celui-ci ne saurait se voir refuser le bénéfice des droits et des avantages sociaux que lui procure cette disposition ( 21 ). Cela implique notamment l’interdiction de toute entrave à la libre circulation
des travailleurs à l’intérieur de l’Union, c’est-à-dire de toute mesure qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de cette liberté fondamentale garantie par le traité FUE ( 22 ).

50. Étant donné que WP, en tant que membre du personnel de la BCE, n’est pas soumis au statut, et ce au motif que la BCE dispose de règles autonomes pour son personnel, adoptées sur la base de l’article 36 du protocole sur le SEBC et la BCE, j’estime qu’il y a lieu de le considérer comme « travailleur » au sens de l’article 45 TFUE. Toutefois, il reste encore à déterminer si l’absence d’un accord entre la BCE et un État membre, comme dans les circonstances de l’espèce, est susceptible d’être
considérée comme une « entrave » au sens de la définition reproduite au point précédent des présentes conclusions. La Cour doit manifestement répondre par la négative à cette question car, dans l’arrêt précité, elle a jugé que l’article 45 TFUE n’oblige pas les États membres à permettre le transfert des droits à pension acquis dans l’État membre d’origine vers le régime de pension d’un autre employeur, qu’il s’agisse d’un autre État membre ou d’une organisation internationale ( 23 ).

51. La Cour a précisé que cette disposition n’impose pas l’obligation de conclure une convention internationale à cet effet ( 24 ), ce qu’il me paraît important de relever dans le contexte de l’examen de cette première question préjudicielle, au regard de l’exigence visée à l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE, consistant à conclure un accord bilatéral afin de rendre possible un tel transfert de droits à pension vers le régime de pension de la BCE. Cette conclusion
résulte d’une interprétation des obligations découlant de l’article 45 TFUE ainsi que de l’article 48 TFUE et des règlements adoptés en vertu de celui‑ci, qui ne prévoient pas un droit à la réalisation de ce transfert.

52. Dans la mesure où cette conclusion résulte d’une interprétation des dispositions pertinentes du droit primaire et ne découle pas du fait que, dans ce cas particulier, l’organisation concernée – à savoir l’Office européen des brevets (OEB) – était une entité extérieure aux institutions de l’Union, on ne saurait accueillir l’argument de WP, selon lequel, compte tenu du fait qu’en l’espèce la BCE est, au contraire, une institution de l’Union, une simple lecture a contrario de l’arrêt du 4 juillet
2013, Gardella (C–233/12, EU:C:2013:449) permettrait de conclure que le refus de l’INPS de lui accorder le transfert en cause est contraire à la libre circulation des travailleurs. L’absence d’obligation de consentir au transfert des droits à pension en vertu des dispositions du traité sur la libre circulation des travailleurs vaut donc également pour les institutions de l’Union auxquelles l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ne s’applique pas, comme l’a précisé la
jurisprudence ultérieure en matière de fonction publique ( 25 ).

53. Pour les raisons exposées ci-dessus, il convient de retenir comme conclusion intermédiaire que les dispositions visées aux articles 45 et 48 TFUE, relatives à la libre circulation des travailleurs, n’imposent pas à un État membre l’obligation d’assurer un transfert des droits à pension vers le régime de pension de la BCE par l’intermédiaire d’un accord bilatéral à conclure à cet effet.

3. L’obligation de coopération loyale

54. Les considérations exposées aux points précédents montrent que plusieurs dispositions peuvent être invoquées afin d’exiger la reconnaissance d’un droit « équivalent » d’un membre du personnel de la BCE à demander le transfert des droits à pension acquis auprès d’une institution de sécurité sociale d’un État membre au régime de pension de cette institution. Toutefois, il est indéniable que la conclusion d’un accord avec cet État membre est absolument nécessaire afin d’assurer la mise en œuvre de
ce droit. En d’autres termes, l’accord à conclure constitue une « condition indispensable » aux fins d’atteindre cet objectif.

55. Si l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE semble confier aux organes de la BCE la tâche de conclure des accords avec des États membres ( 26 ), le rôle de ces derniers aux fins de l’accomplissement de cette tâche s’avère néanmoins crucial. En effet, dans la mesure où un « accord » au sens de cette disposition requiert, d’un point de vue juridique, deux déclarations de volonté concordantes, créant un engagement mutuel, il est logique de supposer que la participation
active de l’État membre en cause, dans le cadre des négociations et de la conclusion de cet accord, est essentielle. Au regard de ce constat, se pose la question de savoir quelles sont les obligations précises que le droit de l’Union impose à l’État membre dans les circonstances visées par la disposition précitée.

56. Selon une jurisprudence constante, en vertu du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux institutions de l’Union d’accomplir leurs missions. En particulier, ainsi que la Cour l’a établi dans sa jurisprudence, ce principe fait obstacle aux comportements des États membres en matière de transfert de droits à pension qui ont pour effet de rendre plus difficile pour les institutions
de l’Union le recrutement de personnel ( 27 ).

57. En ce qui concerne spécifiquement les fonctionnaires potentiels des institutions de l’Union qui possèdent déjà une certaine expérience professionnelle, la Cour a récemment rappelé que, en vertu du principe de coopération loyale, les États membres ne sauraient rendre plus difficile « le recrutement, par l’Union, de fonctionnaires nationaux ayant une certaine ancienneté » ( 28 ). Je considère que les principes découlant de cet arrêt, rendu dans une affaire concernant un ancien membre d’une
administration nationale, devraient s’appliquer également à ceux qui, comme WP, ont une expérience professionnelle dans le secteur privé, puisque l’exigence consistant à ne pas priver les institutions de l’Union du concours de personnel expérimenté revêt un caractère général et s’applique indépendamment de la spécificité de l’expérience de l’intéressé.

58. Par ailleurs, il importe de relever que la coopération de l’État membre dans le présent contexte s’avère essentielle afin d’éviter une situation difficilement conciliable avec l’égalité de traitement, sur laquelle j’ai déjà attiré l’attention dans les présentes conclusions ( 29 ), à savoir le risque que les membres du personnel de la BCE ressortissants d’un État membre se voient traités d’une manière moins favorable que ceux originaires d’autres États membres, plus diligents, qui ont déjà conclu
un tel accord et, partant, permettent à leurs ressortissants employés par la BCE de bénéficier effectivement de la faculté visée à l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE.

59. Il est évident qu’une telle situation remettrait non seulement en cause l’objectif visé à l’article 298 TFUE de disposer d’« une administration européenne ouverte, efficace et indépendante » ainsi que le principe de l’unicité de la fonction publique, déjà évoqués dans les présentes conclusions ( 30 ), mais irait également à l’encontre de l’intérêt partagé de l’Union et de l’État membre à faciliter le recrutement de futurs membres de personnel provenant de cet État membre, assurant ainsi un
recrutement sur la base géographique la plus large possible, comme l’exige, d’ailleurs, l’article 27 du statut. Je tiens à souligner que ces considérations, liées à la politique de recrutement de l’Union, s’appliquent sans exception à toutes ses institutions, organes et organismes, y compris à la BCE. La conclusion d’un tel accord avec la BCE étant dans l’intérêt de l’État membre lui-même, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que celui-ci offre sa coopération sans réserve.

60. Certes, si le principe de coopération loyale ne saurait être interprété en ce sens qu’il oblige l’État membre à accepter tout projet d’accord préparé par la BCE, éventuellement susceptible de poser des difficultés lors de sa mise en œuvre au niveau national, il n’en reste pas moins que l’État membre doit néanmoins coopérer activement et de bonne foi dans le cadre des négociations afin d’éliminer les obstacles existants. Ainsi que l’a rappelé la Cour, la coopération de l’État membre est surtout
nécessaire lorsqu’il est question de résoudre des questions pratiques, comme la détermination d’une méthode de calcul en vue de rendre possible le transfert de droits à pension au régime de pension des institutions de l’Union ( 31 ).

61. Si les États membres conservent leur compétence pour aménager leur système de sécurité sociale, en déterminant notamment les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale, ils doivent néanmoins, dans l’exercice de cette compétence, respecter le droit de l’Union ( 32 ). Le simple refus de mener des négociations ou d’examiner sérieusement une proposition concrète soumise par la BCE ne me paraît pas constituer une attitude conforme à l’esprit de coopération loyale auquel fait
appel l’article 4, paragraphe 3, TUE. En effet, une telle attitude ferait échec à l’accomplissement des tâches confiées aux organes de la BCE.

62. À cet égard, il convient de noter qu’il ressort des observations soumises à la Cour que la demande formelle de la BCE visant à parvenir à un accord date du 22 décembre 2005. À cette fin, la BCE aurait élaboré et communiqué un projet d’accord bilatéral à signer avec l’INPS, qui reposait largement sur l’accord en vigueur entre l’INPS et la BEI. Cela fait donc seize ans que la BCE demande à la République d’Italie de conclure un accord au titre de l’article 8 de l’annexe III bis des conditions
d’emploi de la BCE, sans obtenir de réponse, et ce parce que, selon les autorités italiennes, le transfert de droits à pension dans le cas présent ne pourrait avoir lieu sans une « initiative législative ».

63. Toutefois, outre le fait que les autorités italiennes n’ont pas été en mesure de trouver une solution sur ce point, une telle réponse est difficile à expliquer, étant donné que, premièrement, pour le personnel travaillant à la BEI, la conclusion d’un accord avec l’INPS ne semble avoir posé aucune difficulté particulière, à tel point qu’il a été obtenu et mis en œuvre au moyen d’une simple circulaire administrative ( 33 ). Deuxièmement, il convient de noter que, selon les informations fournies à
la Cour, presque tous les États membres de l’Union monétaire ont conclu depuis longtemps des accords avec la BCE pour autoriser le transfert des droits à pension. Troisièmement, il y a lieu de relever que, dans leurs observations écrites, ni le gouvernement italien ni l’INPS n’ont fourni d’explication justifiant ce retard dans la conclusion d’un accord avec la BCE. Ils n’ont pas non plus proposé une solution concrète pour sortir de l’impasse. Tous ces éléments semblent indiquer une absence de
coopération de la part de la République d’Italie.

64. Ainsi que plusieurs parties intéressées l’ont indiqué dans leurs observations, la situation dans laquelle se trouve actuellement la BCE par rapport à la République d’Italie, caractérisée par une longue période d’incertitude juridique quant à la possibilité d’assurer le transfert des droits à pension, est susceptible de dissuader les intéressés disposant déjà d’une certaine expérience professionnelle d’accepter un emploi auprès de la BCE. Cet effet dissuasif est d’autant plus considérable que les
autres institutions, organes ou organismes de l’Union, auxquels s’appliquent le statut et le RAA et avec lesquels la BCE se trouve, dans une certaine mesure, en concurrence pour le recrutement de personnel expérimenté, sont en mesure de garantir un tel transfert. Cette situation est aussi difficilement conciliable avec le principe d’égalité de traitement dans la mesure où les membres de son personnel, de nationalité italienne, sont traités d’une manière moins favorable que ceux originaires
d’autres États membres employés par la BCE elle-même ou que ceux qui travaillent auprès d’autres institutions de l’Union. Je tiens à constater à ce stade de l’analyse que les risques pour la BCE et les membres de son personnel, auxquels il a été fait référence dans les présentes conclusions, semblent s’être matérialisés dans ce cas concret.

65. Il ressort de ce qui précède que le principe de coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, constitue une base juridique appropriée dans la mesure où il permet d’exiger de l’État membre concerné de prendre toutes les mesures nécessaires afin de soutenir la BCE dans l’accomplissement de ses tâches. Cela vaut à plus forte raison pour les mesures qui requièrent une participation active de cet État membre, comme la conclusion d’accords bilatéraux visant à assurer le transfert des
droits à pension.

66. Eu égard aux considérations exposées ci-dessus, je considère qu’il y a lieu d’interpréter le principe de coopération loyale en ce sens que, sur proposition de la BCE, un État membre est tenu de participer activement et de bonne foi à des négociations visant à conclure avec celle-ci un accord tendant au transfert, à son régime de pension, des droits à pension acquis par son personnel auprès du régime de cet État membre.

4. Réponse à la première question préjudicielle

67. À la lumière de ce qui précède, je propose de répondre à la première question que l’article 4, paragraphe 3, TUE doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui se voit proposer par la BCE la conclusion d’un accord au titre de l’article 8, de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE tendant au transfert, à son régime de pension, des droits à pension acquis par son personnel auprès du régime de cet État membre, est tenu de participer activement et de bonne foi à des négociations
visant à conclure avec celle-ci un tel accord.

C.   Sur la seconde question préjudicielle

1. Considérations générales

68. Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 3, TUE, les articles 45 et 48 TFUE, l’article 11 de l’annexe VIII du statut et l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE doivent être interprétés en ce sens qu’ils autorisent la juridiction d’un État membre saisie par l’intéressé d’ordonner le transfert au régime de pension de la BCE des droits à pension acquis par l’intéressé dans le régime de pension de cet
État membre, même en l’absence d’une disposition du droit national ou d’un accord, conclu entre l’État membre concerné et la BCE, prévoyant un tel transfert.

69. Comme cela a été indiqué au point 54 des présentes conclusions, la signature d’un tel accord entre la BCE et l’État membre concerné constitue une « condition indispensable » à l’exercice du droit à un transfert de droits à pension. Déjà le libellé clair de l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE ne laisse aucun doute à cet égard. En effet, aucune des différentes dispositions qui ont été examinées dans le cadre de cette analyse ne permet, à elle seule, de remédier à
l’absence d’un tel accord. Le recours au principe de coopération loyale permet cependant d’exiger que l’État membre s’engage à contribuer au succès des négociations tendant à la conclusion de cet accord.

70. Cela étant dit, il convient néanmoins de tenir compte du fait que la seconde question préjudicielle vise une situation particulière, à savoir celle dans laquelle le défaut de conclusion d’un tel accord résulte de l’omission de l’État membre concerné d’accepter une proposition en ce sens de la BCE. Dès lors, je considère qu’il conviendrait, en réponse à cette question, d’éclairer la juridiction de renvoi sur les mesures qu’elle pourrait adopter face à une telle omission, contraire au droit de
l’Union.

2. Sur l’obligation de l’État membre d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union

71. À cet égard, je tiens à relever d’emblée que, selon une jurisprudence constante, il incombe aux juridictions des États membres, en vertu du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. L’article 19, paragraphe 1, TUE impose, par ailleurs, aux États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines
couverts par le droit de l’Union ( 34 ).

72. De même, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en l’absence de règles du droit de l’Union, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe
d’équivalence) et ne doivent pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité). En effet, pour ce qui est de ce dernier principe, il convient de rappeler que le droit à un recours effectif devant un tribunal impartial est consacré à l’article 47 de la Charte, qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective ( 35 ).

3. Sur la possibilité de demander à la juridiction compétente de contraindre les autorités administratives à négocier de bonne foi et à conclure un accord

73. À mon avis, il est loisible de déduire des considérations exposées aux points précédents que, lorsqu’une juridiction d’un État membre estime que les autorités compétentes de cet État membre ont omis, de manière contraire au droit de l’Union, de conclure avec la BCE un accord proposé par celle-ci en vue du transfert, vers son régime de pension, des droits à pension acquis par les membres de son personnel auprès du régime de pension dudit État membre ou, à tout le moins, de participer activement
et de bonne foi à des négociations visant à conclure avec celle-ci un tel accord, elle doit établir le caractère illégal de cette omission et, le cas échéant, prendre les mesures prévues par les règles procédurales nationales applicables, afin de contraindre ces autorités à entamer des négociations avec la BCE afin de parvenir à un accord et à procéder ensuite au transfert demandé.

74. Une interprétation du droit de l’Union exigeant de la juridiction d’un État membre que celle-ci impose des obligations concrètes aux autorités administratives envers la BCE assurerait que cet État membre agisse en conformité avec le principe de coopération loyale. Le système traditionnel de répartition et d’équilibre des pouvoirs dans les États membres constitue, selon moi, une garantie de l’exécution effective des obligations qui incombent à l’État en vertu du droit de l’Union. Les règles
procédurales applicables pouvant varier d’un ordre juridique à l’autre, il incombe à la juridiction compétente de prendre les mesures les plus efficaces à sa disposition en vertu du droit national, y compris la possibilité d’adopter une injonction de procéder à la conclusion de l’accord et au transfert requis dans un délai déterminé, sous peine de sanctions ( 36 ).

75. Le pouvoir d’injonction est la possibilité donnée au juge d’enjoindre à une partie de faire ou de ne pas faire tel acte qu’il détermine, éventuellement sous la sanction d’une astreinte ( 37 ). Le juge saisi d’un litige peut ainsi donner l’ordre à un particulier ou à l’administration de prendre une mesure dans un sens déterminé lorsque le jugement implique nécessairement que l’une des parties au litige prenne cette mesure. Le principe selon lequel le juge national peut adresser une injonction ne
fait l’objet d’aucune réglementation de l’Union à l’heure actuelle. En outre, ce principe n’est pas appliqué de façon uniforme dans les États membres, notamment lorsque l’injonction est adressée à l’administration.

76. Toutefois, ce pouvoir d’injonction du juge à l’égard de l’administration est acquis dans plusieurs États membres ( 38 ). Selon l’ordre juridique national concerné, le juge dispose soit d’un pouvoir général d’injonction à l’égard de l’administration, soit d’un pouvoir plus restreint qui exclut le gouvernement et ses collaborateurs immédiats. En ce qui concerne la procédure au principal, il paraît opportun de confier au juge national la tâche de déterminer la nécessité et, le cas échéant, les
conditions dans lesquelles le pouvoir d’injonction peut être exercé dans le cadre de son ordre juridique interne et conformément aux principes d’effectivité et d’équivalence. Dans le cadre de cette appréciation, le juge national doit être soucieux de garantir la pleine exécution de ses décisions.

4. Sur la possibilité d’engager la responsabilité de l’État membre concerné pour violation du droit de l’Union en raison d’une omission de négocier en bonne foi

77. La possibilité, évoquée par certaines parties intéressées, d’engager la responsabilité de l’État membre concerné pour violation du droit de l’Union si cet État membre omet, de manière contraire au droit de l’Union, de conclure un accord et de consentir au transfert demandé, ne saurait non plus être exclue, pour autant que les conditions soient remplies. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, les particuliers lésés ont un droit à réparation pour des
dommages causés par des violations du droit de l’Union imputables à un État membre dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit de l’Union violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par ces particuliers ( 39 ). La mise en œuvre de ces conditions permettant d’établir la responsabilité des États membres pour les
dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union doit, en principe, être opérée par les juridictions nationales, conformément aux orientations fournies par la Cour pour procéder à cette mise en œuvre ( 40 ).

78. Je doute, toutefois, de l’efficacité de cette approche dans le contexte de la présente affaire et ce pour les raisons qui suivent. Premièrement, si la possibilité de transférer au régime de pension de la BCE des droits à pension acquis auprès du régime de pension d’un État membre constitue un droit « équivalent » au droit conféré aux fonctionnaires et aux autres agents de l’Union en vertu du statut et du RAA, il n’en reste pas moins que ce droit requiert une mise en œuvre par le biais d’un
accord dans lequel devrait être fixé, entre autres, le montant équivalant aux droits à pension à transférer au régime de pension de la BCE ( 41 ). Dans le cas où il s’avérerait impossible de déterminer un tel montant avec la certitude nécessaire, toute revendication de dédommagement se limiterait nécessairement à faire valoir, à titre général, la responsabilité de l’État membre concerné pour violation du droit de l’Union. Or, cela aurait pour conséquence qu’une exigence essentielle pour la
reconnaissance d’un droit à réparation, à savoir l’existence d’un dommage, ne serait pas satisfaite dans le cas particulier. Deuxièmement, dans la mesure où il ne saurait être exclu que le préjudice subi par l’intéressé ne se produise concrètement qu’au moment où il décide de partir à la retraite, il existe le risque qu’un recours intenté par celui-ci avant cette date, tendant à reconnaître un tel droit à réparation, soit rejeté par la juridiction compétente au motif que les conditions prévues
par la jurisprudence ne sont pas réunies.

79. Sans exclure a priori qu’une juridiction saisie d’une demande en réparation dirigée contre l’État membre transgresseur parvienne éventuellement à surmonter les obstacles susmentionnés, par exemple en fixant un certain montant équivalant au préjudice subi sur la base de certains critères reconnus par les parties litigeuses, j’estime que la première approche proposée dans les présentes conclusions sert au mieux les intérêts des membres du personnel de la BCE concernés. En effet, une telle approche
offre une solution à long terme pour l’ensemble du personnel, garantissant la sécurité juridique nécessaire. De surcroît, les négociations sur un accord permettent de réglementer également un transfert des droits de pension en sens inverse, c’est-à-dire du régime de pension de la BCE vers le régime de pension national, ce qui peut être intéressant pour tous les membres du personnel de la BCE qui souhaitent retourner dans leur État membre d’origine. Enfin, elle a l’avantage de permettre aux
autorités administratives de l’État membre concerné de remplir – au moins ultérieurement – leurs obligations découlant du principe de coopération loyale.

80. Toutefois, il appartient à la juridiction compétente d’examiner quelle approche paraît viable en vertu de son ordre juridique national et dans le but d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir d’assurer un transfert des droits à pension au régime de pension de la BCE des droits à pension acquis auprès du régime de pension de l’État membre concerné.

5. Réponse à la seconde question préjudicielle

81. Eu égard aux considérations précédentes, je propose de répondre à la seconde question préjudicielle que l’article 4, paragraphe 3, TUE doit être interprété en ce sens que, lorsque la juridiction d’un État membre est saisie par l’intéressé demandant le transfert au régime de pension de la BCE de ses droits à pension acquis dans le régime de pension de cet État membre, cette juridiction doit prendre toutes les mesures prévues par les règles procédurales nationales applicables, afin de contraindre
les autorités administratives à participer activement et de bonne foi à des négociations visant à conclure un accord au titre de l’article 8, de l’annexe III bis des conditions d’emploi de la BCE et à procéder au transfert demandé. Cette juridiction doit également évaluer la possibilité d’engager la responsabilité de l’État membre concerné pour violation du principe de coopération loyale en raison d’une omission de se conformer à ces obligations.

VI. Conclusion

82. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Tribunale ordinario di Asti (tribunal ordinaire d’Asti, Italie) :

1) L’article 4, paragraphe 3, TUE doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui se voit proposer par la Banque centrale européenne (BCE) la conclusion d’un accord au titre l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi du personnel de la BCE tendant au transfert, à son régime de pension, des droits à pension acquis par son personnel auprès du régime de pension de cet État membre, est tenu de participer activement et de bonne foi à des négociations visant à conclure avec celle-ci
un tel accord.

2) L’article 4, paragraphe 3, TUE doit être interprété en ce sens que, lorsque la juridiction d’un État membre est saisie par l’intéressé demandant le transfert au régime de pension de la BCE de ses droits à pension acquis dans le régime de pension de cet État membre, cette juridiction doit prendre toutes les mesures prévues par les règles procédurales nationales applicables, afin de contraindre les autorités administratives à participer activement et de bonne foi à des négociations visant à
conclure un accord avec la BCE et à procéder au transfert demandé. Ladite juridiction doit également évaluer la possibilité d’engager la responsabilité de l’État membre concerné pour violation du principe de coopération loyale en raison d’une omission de se conformer à ces obligations.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2016, C 202, p. 230.

( 3 ) JO 2016, C 202, p. 266.

( 4 ) GURI no 40, du 9 février 1979, p. 1317.

( 5 ) GURI no 178, du 3 août 2015, p. 1

( 6 ) Lenaerts, K., et Van Nuffel, P., European Union Law, 3e éd., Londres 2011, point 13‑097, p. 540, font référence à l’article 130 TFUE dont il ressort que la BCE, à l’instar des banques centrales nationales, exerce ses pouvoirs et accomplit ses missions et ses devoirs de manière complètement indépendante. Selon les auteurs, cette indépendance ne signifie pas que la BCE est entièrement détachée de l’Union, mais vise plutôt à protéger la BCE de toute influence politique dans l’accomplissement de
ses missions.

( 7 ) S’il est vrai que la BCE bénéficie d’une autonomie fonctionnelle dans le cadre de laquelle a été établi un régime distinct par rapport à celui prévu par le statut, néanmoins, lorsqu’elle établit une réglementation pour ses agents qui, en substance, reproduit celle prévue pour les fonctionnaires, et même si les dispositions du statut ne sont pas directement applicables à ces agents, les enseignements découlant de la jurisprudence relative aux dispositions statutaires devraient demeurer
pertinents pour le personnel de la BCE, du moins lorsqu’ils portent sur une règle de droit ou un principe applicable à l’ensemble des institutions et organes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2021, BZ/BCE, T‑554/16, non publié, EU:T:2021:387, point 70).

( 8 ) Voir arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 191).

( 9 ) Voir arrêt du 6 octobre 2021, Veit/BCE (C‑272/20 P, EU:C:2021:814, point 55).

( 10 ) Voir arrêts du 16 décembre 2004, My (C‑293/03, EU:C:2004:821, point 44), et du 4 février 2021, Ministre de la Transition écologique et solidaire et Ministre de l’Action et des Comptes publics (C‑903/19, EU:C:2021:95, point 23).

( 11 ) Voir arrêt du 4 février 2021, Ministre de la Transition écologique et solidaire et Ministre de l’Action et des Comptes publics (C‑903/19, EU:C:2021:95, point 24).

( 12 ) Ainsi que l’indique l’avocate générale Trstenjak dans ses conclusions dans l’affaire Dominguez (C‑282/10, EU:C:2011:559, point 78), les normes consacrant des droits fondamentaux peuvent en principe être rédigées de manière très abstraite, notamment pour pouvoir tenir compte des changements politiques ou sociaux. Cela est d’autant plus vrai en matière de droits sociaux, lesquels appellent souvent des précisions, notamment parce que les dépenses qu’ils représentent peuvent en définitive
subordonner la réalisation de ces droits aux possibilités économiques effectives de l’État. Voir, concernant la mise en œuvre des droits sociaux par voie réglementaire, Frenz, W., Handbuch Europarecht, vol. 4 (Europäische Grundrechte), Vienne 2009, p. 135, point 444, et Tridimas, T., « On Constitutional Rights and Political Choices », European Papers – A Journal on Law and Integration, 2019, no 2, p. 568.

( 13 ) Voir arrêts du 20 octobre 1981, Commission/Belgique (137/80, EU:C:1981:237, point 7), et du 4 février 2021, Ministre de la Transition écologique et solidaire et Ministre de l’Action et des Comptes publics (C‑903/19, EU:C:2021:95, points 36 et 37).

( 14 ) Voir arrêt du 20 octobre 1981, Commission/Belgique (137/80, EU:C:1981:237, point 9).

( 15 ) Voir arrêt du 17 décembre 1987, Commission/Luxembourg (315/85, EU:C:1987:569, point 19).

( 16 ) Comme je l’ai expliqué dans mes conclusions dans l’affaire Commission/Hansol Paper (C‑260/20 P, EU:C:2022:13, point 127), dans la méthode d’interprétation juridique, le recours à l’analogie est généralement soumis à certaines conditions, à savoir la nécessité de combler une lacune juridique par l’application d’une norme de droit à une hypothèse différente, mais avec laquelle le cas non visé garde une ressemblance au niveau de la « ratio » ou de l’« identité essentielle ». Cela ne vaut
évidemment qu’à la condition que le législateur ne s’y soit pas formellement opposé.

( 17 ) Voir arrêt du 14 décembre 2017, RL/Cour de justice de l’Union européenne (T‑21/17, EU:T:2017:907, point 51).

( 18 ) Voir arrêt du 16 septembre 1997, Gimenez/Comité des régions (T‑220/95, EU:T:1997:130, point 73), et ordonnance du 11 octobre 2012, Cervelli/Commission (T‑622/11 P, EU:T:2012:538, point 25).

( 19 ) Arrêt du 4 juillet 2013 (C‑233/12, EU:C:2013:449).

( 20 ) Arrêt du 4 juillet 2013 (C‑233/12, EU:C:2013:449, point 25).

( 21 ) Voir arrêt du 6 octobre 2016, Adrien e.a. (C‑466/15, EU:C:2016:749, point 25).

( 22 ) Voir arrêt du 6 octobre 2016, Adrien e.a. (C‑466/15, EU:C:2016:749, point 26).

( 23 ) Arrêt du 4 juillet 2013, Gardella (C‑233/12, EU:C:2013:449, points 35 et 36).

( 24 ) Arrêt du 4 juillet 2013, Gardella (C‑233/12, EU:C:2013:449, point 35).

( 25 ) Voir arrêt du 16 janvier 2014, Guinet/BEI (F‑107/12, EU:F:2014:1, point 77), dans lequel le Tribunal de la fonction publique a jugé que ne ressort pas de l’article 45 TFUE l’obligation, pour un État membre, de prévoir la faculté pour un membre du personnel de la BEI de transférer le capital représentant ses droits à pension acquis préalablement vers le régime de pension de la BEI ni l’obligation de conclure un accord à cet effet.

( 26 ) Dans les versions en langues française (« La BCE conclut des accords ») et anglaise (« The ECB shall enter into agreements ») (mise en italique par mes soins).

( 27 ) Voir arrêt du 16 décembre 2004, My (C‑293/03, EU:C:2004:821, point 48), et ordonnance du président de la Cour du 18 septembre 2009, Ricci et Pisaneschi (C‑286/09 et C‑287/09, non publiée, EU:C:2009:566, point 33).

( 28 ) Arrêt du 4 février 2021, Ministre de la Transition écologique et solidaire et Ministre de l’Action et des Comptes publics (C‑903/19, EU:C:2021:95, point 34).

( 29 ) Voir points 34 et suiv. des présentes conclusions.

( 30 ) Voir points 36 et 46 des présentes conclusions.

( 31 ) Voir arrêt du 5 décembre 2013, Časta (C‑166/12, EU:C:2013:792, point 37).

( 32 ) Voir arrêts du 7 mars 2018, DW (C‑651/16, EU:C:2018:162, point 16), et du 13 février 2019, Rohart (C‑179/18, EU:C:2019:111, point 14).

( 33 ) Voir point 16 des présentes conclusions.

( 34 ) Voir arrêts du 19 novembre 2014, ClientEarth (C‑404/13, EU:C:2014:2382, point 52), et du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C‑243/15, EU:C:2016:838, point 50).

( 35 ) Voir arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a. (C‑723/17, EU:C:2019:533, point 54).

( 36 ) Voir arrêts du 19 novembre 2014, ClientEarth (C‑404/13, EU:C:2014:2382, point 58), et du 26 juin 2019, Craeynest e.a. (C‑723/17, EU:C:2019:533, point 56), dans lesquels la Cour a imposé aux juridictions nationales l’obligation de prendre, à l’égard des autorités administratives compétentes, toute mesure nécessaire, telle une injonction, afin d’assurer le respect du droit de l’environnement de l’Union. L’injonction à adopter par les juridictions nationales avait pour objet de contraindre les
autorités administratives à adopter des mesures concrètes prévues par la législation de l’Union, à savoir établir un plan relatif à la qualité de l’air et placer des postes de prélèvements permettant de mesurer la qualité de l’air.

( 37 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Wall (C‑91/08, EU:C:2009:659, points 132 et 133).

( 38 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Wall (C‑91/08, EU:C:2009:659, point 134).

( 39 ) Voir arrêts du 16 juillet 2020, Presidenza del Consiglio dei Ministri (C‑129/19, EU:C:2020:566, point 34), et du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka (C‑501/18, EU:C:2021:249, point 113).

( 40 ) Voir arrêt du 16 juillet 2020, Presidenza del Consiglio dei Ministri (C‑129/19, EU:C:2020:566, point 35).

( 41 ) Voir point 61 des présentes conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-404/21
Date de la décision : 07/07/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale Ordinario di Asti.

Renvoi préjudiciel – Personnel de la Banque centrale européenne (BCE) – Transfert de droits à pension acquis dans un régime national de pensions au régime de pension de la BCE – Article 4, paragraphe 3, TUE – Principe de coopération loyale – Conditions d’emploi de la BCE – Article 8 de l’annexe III bis – Absence d’une disposition du droit national ou d’un accord conclu entre l’État membre concerné et la BCE.

Principes, objectifs et mission des traités

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents

Sécurité sociale des travailleurs migrants

Libre circulation des travailleurs


Parties
Demandeurs : WP
Défendeurs : Istituto nazionale della previdenza sociale et Repubblica italiana.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pikamäe

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:542

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