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16/06/2022 | CJUE | N°C-289/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 16 juin 2022., IG contre Varhoven administrativen sad., 16/06/2022, C-289/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 juin 2022 ( 1 )

Affaire C‑289/21

IG

contre

Varhoven administrativen sad

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Politique énergétique – Promotion de l’efficacité énergétique – Directive 2012/27/UE – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un

recours effectif et à une protection juridictionnelle – Réparation du dommage causé par la violation du droit de l’Union – Modification d’une r...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 juin 2022 ( 1 )

Affaire C‑289/21

IG

contre

Varhoven administrativen sad

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Politique énergétique – Promotion de l’efficacité énergétique – Directive 2012/27/UE – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif et à une protection juridictionnelle – Réparation du dommage causé par la violation du droit de l’Union – Modification d’une réglementation nationale au cours d’un pourvoi en cassation »

1. Conformément au droit procédural bulgare, tel que décrit dans la demande de décision préjudicielle, les recours juridictionnels contre un acte réglementaire de rang inférieur à la loi deviennent, en principe, sans objet lorsque cet acte a été modifié avant que la décision juridictionnelle soit rendue.

2. Dans le litige au principal, la personne à laquelle cette règle procédurale a été appliquée a introduit, après qu’il a été constaté que son recours était devenu sans objet en raison de la modification de l’acte réglementaire, une action en responsabilité non contractuelle contre l’État.

3. La juridiction appelée à statuer sur cette demande cherche à savoir, en substance, si ladite règle procédurale est conforme au droit à une protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union : la directive 2012/27/UE

4. Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2012/27/UE ( 2 ) :

« Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d’énergie potentielles, les clients finals d’électricité, de gaz naturel, de chaleur et de froid ainsi que d’eau chaude sanitaire reçoivent, à des prix concurrentiels, des compteurs individuels qui indiquent avec précision la consommation réelle d’énergie du client final et qui donnent des informations sur le moment où l’énergie a été
utilisée. »

5. L’article 10 de la directive 2012/27 précise le contenu et les caractéristiques des informations devant être fournies aux clients dans leurs factures.

B.   Le droit bulgare

1. Le code de procédure administrative

6. L’article 156 de l’Administrativnoprotsesualen kodeks (code de procédure administrative bulgare) ( 3 ) dispose :

« 1.   [A]vec l’accord des autres défendeurs et des parties intéressées auxquelles l’acte attaqué est favorable, l’autorité administrative peut retirer intégralement ou partiellement l’acte attaqué ou délivrer l’acte dont la délivrance était refusée.

2.   Aux fins du retrait de l’acte après la tenue de la première audience dans l’affaire, le consentement de la partie requérante est également nécessaire.

3.   L’acte retiré ne peut être émis de nouveau qu’en présence de circonstances nouvelles.

4.   Lorsque le recours contre l’acte s’accompagne d’une demande de dommages et intérêts, la procédure concernant cette dernière se poursuit. »

7. L’article 187 du code de procédure administrative prévoit :

« 1.   Les recours dirigés contre des actes réglementaires d’exécution ne sont soumis à aucun délai.

2.   Un recours contre un acte réglementaire, après un premier recours pour les mêmes motifs, est irrecevable. »

8. Conformément à l’article 195 du code de procédure administrative :

« 1.   Un acte règlementaire d’exécution est considéré comme étant annulé à compter du jour de l’entrée en vigueur de la décision juridictionnelle.

2.   Les conséquences juridiques d’un acte réglementaire qui a été déclaré nul ou susceptible d’être annulé sont réglées d’office par l’autorité compétente dans un délai de trois mois maximum à compter de l’entrée en vigueur de la décision juridictionnelle. »

9. En vertu de l’article 204, paragraphe 3, du code de procédure administrative, lorsque les dommages ont été causés par un acte administratif nul ou retiré, l’illégalité de ce dernier est constatée par la juridiction devant laquelle le recours en réparation a été formé.

10. Aux termes de l’article 221, paragraphe 4, du code de procédure administrative :

« Lorsque l’autorité administrative, avec le consentement des autres parties défenderesses, retire l’acte administratif ou bien délivre l’acte dont la délivrance était refusée, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie) annule, en tant qu’entachée d’une irrégularité procédurale, la décision juridictionnelle prononcée relativement à cet acte ou à ce refus et met fin à l’affaire. »

2. La loi relative à la responsabilité de l’État et des communes pour les dommages causés

11. L’article 1er du Zakon za otgovornostta na darzhavata i na obshtinite za vredi (loi relative à la responsabilité de l’État et des communes pour les dommages causés) ( 4 ) énonce :

« 1.   L’État et les municipalités sont responsables des dommages causés aux citoyens et aux personnes morales par des actes illégaux, des actions ou des omissions de leurs organes et de leurs fonctionnaires dans le cadre ou à l’occasion de l’exercice de l’activité administrative [...].

2.   Les recours formés au titre du paragraphe 1 sont examinés conformément à la procédure prévue par le code de procédure administrative [...] »

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

12. Le Naredba no 16‑334 za toplosnabdyavaneto (décret no 16‑334 relatif à la fourniture de chauffage urbain), du 6 avril 2007 ( 5 ), adopté par le ministre de l’Économie et de l’Énergie de la République de Bulgarie, a intégré, à l’annexe 1 de son article 61, paragraphe 1, la méthode de répartition de l’énergie thermique dans des immeubles en copropriété (ci-après la « méthode de calcul »).

13. IG a contesté la méthode de calcul devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie, ci-après le « VAS ») dans le cadre du recours no 1372/2016.

14. Le 13 avril 2018, le VAS, siégeant en formation de trois juges, a fait droit au recours, estimant que la méthode de calcul ne satisfaisait pas à l’objectif des articles 9 et 10 de la directive 2012/27 (à savoir que l’énergie thermique doit être facturée en fonction de sa consommation réelle), ce qui entraînait sa nullité ex tunc ( 6 ).

15. Le ministre de l’Économie et de l’Énergie de la République de Bulgarie a introduit devant le VAS, siégeant en formation de cinq juges, le pourvoi en cassation no 1318/2019 contre le jugement de première instance.

16. Le 20 septembre 2019, un nouveau décret modifiant notamment la formule de la méthode de calcul est entré en vigueur.

17. Le 11 février 2020, une formation de cinq juges du VAS, compétente pour statuer sur le pourvoi, a constaté que le litige était devenu sans objet. Elle a fondé sa décision sur le fait que la modification du point 6.1.1 de la méthode de calcul avait entraîné son abrogation et que, conformément au droit national, les juridictions ne peuvent se prononcer sur le fond que relativement à des dispositions en vigueur.

18. Par conséquent, la formation de cinq juges du VAS a annulé le jugement de première instance, sans nécessité d’examiner la validité de la méthode de calcul. Cette décision est devenue définitive.

19. Dans ce contexte, IG a réclamé devant l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie) une indemnité de 830 leva bulgares (BGN) correspondant aux dépens de la première procédure (affaire no 1372/2016) et de 300 BGN au titre du préjudice moral causé ( 7 ) par l’arrêt rendu dans le cadre du pourvoi en cassation no 1318/2019.

20. L’action en réparation est dirigée contre le VAS, qui intervient devant la juridiction de renvoi en tant que partie défenderesse.

21. Dans ces conditions, l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La modification d’une disposition d’un acte normatif de droit national ayant fait l’objet, avant sa modification, d’une décision d’une juridiction d’appel la déclarant contraire à une disposition applicable du droit de l’Union exonère‑t-elle la juridiction saisie en instance de cassation de son obligation d’apprécier ladite disposition jusqu’au moment de sa modification et, notamment, sa conformité au droit de l’Union ?

2) Le fait de considérer la disposition en question comme retirée constitue-t-il un recours juridictionnel effectif en vue de défendre les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union (au sens des articles 9 et 10 de la directive [2012/27]) et, plus particulièrement, la possibilité, prévue par le droit national, d’apprécier la conformité au droit de l’Union de la disposition nationale avant sa modification uniquement lorsque le tribunal est saisi d’un recours concret en réparation des
préjudices causés par cette disposition et seulement à l’égard de l’auteur dudit recours constitue-t-elle un tel recours juridictionnel effectif ?

3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, la disposition en question peut-elle continuer à réglementer les relations sociales, durant la période entre son adoption et sa modification, à l’égard d’un cercle illimité de personnes qui n’ont pas saisi un tribunal d’une demande de réparation des préjudices qu’elle a causés, et que la conformité aux dispositions du droit de l’Union de cette disposition avant sa modification n’a pas été appréciée à l’égard desdites personnes ? »

III. La procédure devant la Cour

22. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée auprès du greffe de la Cour le 5 mai 2021.

23. Des observations écrites ont été déposées par IG, le VAS, le gouvernement polonais et la Commission européenne. À l’exception du gouvernement polonais, tous ont pris part à l’audience qui s’est tenue le 6 avril 2022.

IV. Analyse

A.   Observations liminaires

24. L’objet d’un renvoi préjudiciel découle naturellement du litige devant être tranché dans la procédure au principal. Le point débattu dans cette dernière est uniquement de savoir si IG a le droit d’obtenir réparation pour le préjudice que lui aurait causé l’arrêt rendu en application de la règle procédurale bulgare qui l’a empêché d’obtenir une décision au fond sur la validité de la méthode de calcul.

25. Le renvoi préjudiciel ne vise donc pas à déterminer : a) si le point 6.1.1 de la méthode de calcul est conforme à la directive 2012/27 ; ni b) si IG avait un droit à réparation pour violation de cette directive ; ni c) si des tiers autres qu’IG auraient droit à une telle réparation.

26. Le renvoi préjudiciel ne porte par conséquent pas sur la question du bien‑fondé ou non de l’indemnisation du préjudice causé par l’application d’une disposition réglementaire en matière d’efficacité énergétique, prétendument contraire au droit de l’Union. Le seul dommage dont IG demande réparation est, je le répète, celui (prétendument) causé par une règle procédurale nationale qui permet de priver d’effet un premier jugement constatant la nullité de la méthode de calcul de l’énergie facturée.

27. Pour se prononcer sur ce préjudice et son éventuelle réparation, la juridiction de renvoi doit savoir si la règle nationale en vertu de laquelle la constatation de la nullité de la méthode de calcul par le jugement de première instance a été privée d’effet est conforme au droit de l’Union ( 8 ).

28. Le renvoi préjudiciel étant compris en ce sens, il n’y a pas lieu de retenir les objections d’irrecevabilité soulevées par le VAS, qui fait valoir, en substance : a) le non-respect de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour ; b) l’absence de lien entre la situation juridique au principal et le droit de l’Union ; c) l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 11 février 2020 ( 9 ).

29. Contrairement à ces objections, j’estime que :

– la décision de renvoi contient une explication suffisante des raisons ayant conduit la juridiction de renvoi à poser les questions préjudicielles. Elle satisfait donc à l’exigence prévue à l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour ;

– il existe un lien entre l’objet de la procédure au principal et le droit de l’Union, étant donné que le litige à l’origine de l’action en réparation ultérieure concernait l’application de la directive 2012/27. La viabilité de cette action peut dépendre de l’adéquation des voies de recours procédurales prévues en droit bulgare pour faire valoir le droit de l’Union ;

– l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du VAS du 11 février 2020 n’est pas contestée. Une chose distincte est de savoir, cette qualité étant reconnue, s’il y a lieu ou non de reconnaître le droit à réparation pour le préjudice qui pourrait découler de cet arrêt – en ce qu’il applique la règle procédurale litigieuse.

30. Pour le reste, je considère que les deux premières questions préjudicielles peuvent faire l’objet d’une réponse conjointe et que la troisième, comme je l’exposerai, est irrecevable, car hypothétique.

B.   Sur les première et deuxième questions préjudicielles

1. Les recours en annulation et les actions en réparation en tant que moyens de garantir le respect des droits du justiciable

31. Dans l’arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia ( 10 ), la Cour a rappelé que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE oblige les États membres à établir les voies de recours nécessaires pour assurer aux justiciables, dans les domaines couverts par le droit de l’Union, le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective ( 11 ).

32. Cette obligation des États membres est compatible avec le principe de l’autonomie procédurale, en vertu duquel il appartient aux États membres, sous réserve de l’existence de règles de l’Union en la matière, de régler les modalités procédurales de ces voies de recours ( 12 ).

33. La liberté de configuration dont jouissent les États membres va jusqu’à signifier que le droit de l’Union ne leur impose pas l’existence d’une action autonome ( 13 ) permettant de contester directement, à titre principal, des dispositions nationales contraires au droit de l’Union.

34. La Cour a jugé que l’absence d’une telle action autonome en droit national n’était pas contraire à l’article 47 de la Charte : « le principe de protection juridictionnelle effective ne requiert pas, en tant que tel, l’existence d’un recours autonome tendant, à titre principal, à contester la conformité de dispositions nationales aux normes de l’Union, pour autant qu’il existe une ou plusieurs voies de recours permettant, de manière incidente, d’assurer le respect des droits que les justiciables
tirent du droit de l’Union » ( 14 ).

35. Pour garantir les droits que « les justiciables tirent » des règles de l’Union, il suffit donc que d’autres voies de recours assurent, à titre incident, le respect de ces droits.

36. Parmi les voies de recours procédurales aptes à garantir, y compris de manière incidente, le respect des droits reconnus par les règles de l’Union figure l’engagement de la responsabilité de l’État membre pour les dommages causés aux particuliers par la violation de ces droits.

37. Par conséquent, « la pleine efficacité du droit de l’Union et la protection effective des droits que les particuliers en tirent peuvent [...] être assurées par le principe de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables, ce principe étant inhérent au système des traités sur lesquels cette dernière est fondée » ( 15 ).

38. L’application de cette jurisprudence détermine, en principe, la conformité à l’article 47 de la Charte d’une règle procédurale qui, sans prévoir de recours en annulation, établit des actions en réparation permettant aux personnes concernées de protéger efficacement leurs droits.

39. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard à ses caractéristiques, la voie procédurale en matière de réparation prévue par le droit bulgare soumise à son examen est apte à protéger efficacement les droits que le requérant tire de la réglementation de l’Union.

40. Dans le cadre de cette analyse, la juridiction de renvoi peut obtenir de précieuses considérations de l’arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev ( 16 ), qu’elle cite elle-même, d’autant plus qu’y sont traitées des questions relatives à la réglementation bulgare des actions en responsabilité non contractuelle dirigées contre l’État ( 17 ).

41. Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que :

– « le juge national peut vérifier si la personne lésée a fait preuve d’une diligence raisonnable pour éviter le préjudice ou en limiter la portée et si, notamment, elle a utilisé en temps utile toutes les voies de droit qui étaient à sa disposition » ( 18 );

– « [t]outefois, [...] il serait contraire au principe d’effectivité d’imposer aux personnes lésées d’avoir systématiquement recours à toutes les voies de droit à leur disposition quand bien même cela engendrerait des difficultés excessives ou ne pourrait être raisonnablement exigé d’elles » ( 19 );

– « l’obligation de faire préalablement constater l’annulation de l’acte administratif à l’origine du dommage n’est pas, en soi, contraire au principe d’effectivité. Toutefois, une telle obligation peut rendre excessivement difficile l’obtention de la réparation des dommages occasionnés par la violation du droit de l’Union si, en pratique, cette annulation est exclue » ( 20 ).

2. Le double régime procédural du droit bulgare : les recours contre des actes réglementaires et les actions en réparation

42. Le droit bulgare prévoit un recours direct (autonome) qui facilite le contrôle de la conformité de la réglementation nationale au droit de l’Union. C’est précisément ce recours qui a rendu possible le jugement de première instance, du 13 avril 2018, qui a constaté la nullité du point 6.1.1 de la méthode de calcul, au motif que celui-ci ne respectait pas les objectifs de la directive 2012/27 ( 21 ).

43. Outre ledit recours direct, le droit bulgare prévoit également la voie incidente consistant à demander à l’État une indemnisation non contractuelle pour violation d’une règle de l’Union reconnaissant des droits aux particuliers.

44. Lors de l’audience, il a été souligné que la voie de l’action en réparation permet aux juridictions compétentes de constater, bien qu’incidenter tantum et avec effet entre les parties au litige, l’illégalité de l’acte réglementaire de rang inférieur à la loi dont découle le préjudice causé au requérant. Ces juridictions ne semblent pas être limitées par le fait que cet acte réglementaire ait été retiré ou modifié avant que la décision juridictionnelle soit rendue.

45. Ce double régime procédural serait, en principe, suffisant pour satisfaire au droit à la protection juridictionnelle, comme l’affirment le VAS, le gouvernement polonais et la Commission :

– selon le VAS, le droit national offre à toute personne qui s’estime lésée par un acte administratif prétendument illégal la possibilité d’obtenir la réparation du préjudice subi, au moyen d’un recours en réparation. Ce recours permet, en outre, de juger de la légalité de l’acte concerné et satisfait, notamment, aux principes d’équivalence et d’effectivité requis par le droit de l’Union ;

– selon le gouvernement polonais, l’article 47 de la Charte n’impose pas l’existence d’un recours autonome pour invoquer la non-conformité de dispositions nationales au droit de l’Union. Dans la mesure où le droit bulgare semble permettre que, à l’occasion d’un recours en réparation du préjudice causé par un acte administratif retiré, l’illégalité de ce dernier soit constatée, la réglementation nationale litigieuse est conforme aux exigences du droit à une protection juridictionnelle effective ;

– la Commission partage, en substance, l’approche du gouvernement polonais quant au caractère suffisant, au regard de l’article 47 de la Charte, d’un recours en réparation permettant l’examen de la légalité de la disposition réglementaire modifiée.

46. La jurisprudence susmentionnée de la Cour permettrait de corroborer cette appréciation. Pour autant qu’elle soit efficace, la voie de la responsabilité de l’État peut offrir un remède aux dommages causés aux particuliers si, par ce moyen, il reste possible de contrôler la conformité de la règle nationale au droit de l’Union.

47. Toutefois, cette réponse initiale doit être nuancée eu égard à l’éventuelle inefficacité ou aux effets perturbateurs du recours autonome, tel que régi par le droit bulgare, pour garantir pleinement le contrôle de la conformité d’une disposition réglementaire nationale au droit de l’Union. Ces effets perturbateurs s’étendent, en outre, à la voie de l’action en réparation, dans les termes que j’exposerai dans la suite des présentes conclusions.

48. Il est vrai, comme je l’ai rappelé dans les présentes conclusions, que le droit de l’Union n’impose pas l’existence d’un recours autonome. Toutefois, si un État membre en prévoit un, j’estime que la liberté des États membres pour régler les modalités procédurales des voies de recours prévue à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE est soumise aux principes d’équivalence et d’effectivité ( 22 ).

49. La voie de la responsabilité de l’État membre constitue un remède subsidiaire aux fins de la protection effective des droits des particuliers lorsque le droit national ne prévoit pas de recours autonome. S’il existe, ce dernier doit, j’insiste, satisfaire aux conditions d’équivalence et d’effectivité exigées par le droit de l’Union.

50. En outre, si le droit procédural national entrave, gêne ou retarde l’accès du particulier à la voie de recours en réparation, le droit à une protection juridictionnelle effective ne sera pas respecté et, par conséquent, un nouveau motif d’engagement de la responsabilité de l’État pourra apparaître. C’est précisément la responsabilité au titre de laquelle IG entend être indemnisé dans l’affaire au principal.

51. Le recours autonome prévu par le droit bulgare satisfait-il aux conditions d’équivalence et d’effectivité requises par le droit de l’Union ?

52. En ce qui concerne le principe d’équivalence, tout semble indiquer que la perte d’objet du recours (constatée par le VAS en l’espèce) n’est pas propre aux seuls recours dirigés contre des règles nationales non conformes au droit de l’Union.

53. Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il ressort des informations disponibles que cette perte d’objet se serait également produite si la disposition attaquée avait été invalide pour violation d’une règle nationale hiérarchiquement supérieure.

54. Quant au principe d’effectivité, le litige devant être tranché dans la procédure au principal montre que le recours autonome rend, en pratique, très difficile l’exercice du droit qu’IG tire des règles de l’Union lorsque la modification de la règle contestée interfère dans la mise en œuvre de ce droit, comme je l’examinerai dans la suite des présentes conclusions.

3. La perte d’objet du recours dirigé contre un acte réglementaire et les conséquences de la modification de ce dernier

55. En vertu des informations figurant dans le dossier, confirmées lors de l’audience, le recours contre les actes réglementaires de rang inférieur à la loi est conçu en droit bulgare de telle sorte que (comme cela a été le cas en l’espèce) il peut perdre son objet si l’acte attaqué est modifié avant que le juge ne statue définitivement sur le fond ( 23 ).

56. D’un point de vue abstrait, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’un État membre conçoive les recours en annulation d’actes réglementaires de manière à ce que, en règle générale, les juridictions compétentes aient à se prononcer uniquement sur la légalité des règles en vigueur au moment où elles statuent ( 24 ).

57. Il est toutefois possible, en fonction des caractéristiques spécifiques de cette règle en vertu du droit national, que son application entraîne une restriction sensible de la possibilité de contrôle par les juridictions, à titre principal et avec effet erga omnes, de la légalité de la disposition attaquée puis modifiée.

58. Il convient donc d’examiner si, au moyen de cette restriction, le droit bulgare garantit une protection juridictionnelle effective des droits conférés par l’Union contre les effets produits par une règle avant sa modification ou son abrogation.

59. Dans le litige au principal, il a suffi que la disposition attaquée par IG dans le cadre de la procédure no 1372/2016 soit modifiée avant que le pourvoi en cassation soit tranché pour que le jugement de première instance faisant droit à IG soit annulé. L’annulation de cette disposition par le jugement de première instance a été suivie de l’annulation de ce jugement, sans que la juridiction de cassation l’ait examiné au fond.

60. IG n’a donc pas pu obtenir, de manière définitive, l’annulation de l’acte réglementaire qu’il avait déjà obtenue en première instance. Au contraire, malgré ledit jugement, les effets produits pendant la période comprise entre l’entrée en vigueur de cet acte, contraire au droit de l’Union, et sa modification ultérieure se sont maintenus.

61. Ce résultat est dû à un régime réglementaire (ou, à tout le moins, à son interprétation juridictionnelle) qui, ainsi qu’il ressort du déroulement de l’audience, ne semble pas réunir les conditions de clarté et de prévisibilité nécessaires à la sauvegarde du droit à une protection juridictionnelle effective.

62. Lors de l’audience, il a été débattu du point de savoir quel était le fondement juridique en vertu duquel la formation de cinq juges du VAS avait décidé de constater la perte d’objet du litige. La représentante du VAS a soutenu, en réponse aux questions de la Cour, que ce fondement juridique ne se trouvait pas à l’article 221, paragraphe 4, du code de procédure administrative ( 25 ) et que la formation de cinq juges n’avait indiqué aucune autre disposition positive sur laquelle se fonder ( 26 ).

63. Les conséquences (négatives pour le requérant, qui est privé d’une réponse juridictionnelle sur le fond, bien qu’il ait eu gain de cause en première instance) du manque de clarté et de prévisibilité de la règle seraient accrues si, comme le soutient IG, cette dernière était appliquée sans qu’aient été préalablement entendues les parties au litige afin qu’elles formulent leurs observations sur l’incidence d’une telle règle sur le litige ( 27 ).

64. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la règle procédurale en cause est suffisamment claire et prévisible quant à ses effets ou si, au contraire, le particulier concerné par une disposition nationale non conforme au droit de l’Union est laissé au gré des positions différentes des juridictions, avec l’atteinte à la sécurité juridique en découlant.

65. Le point le plus délicat dans le cadre de l’appréciation de cette règle procédurale est toutefois qu’elle permet au pouvoir exécutif de priver d’effet, de manière rétroactive, une décision juridictionnelle déjà rendue, qui a constaté la violation du droit de l’Union. Il suffit pour cela que ce pouvoir ordonne, avant que la juridiction de cassation ne rende son arrêt, la simple modification ( 28 ) de la règle qui avait été annulée dans cette décision juridictionnelle.

66. Tel aurait été le cas en l’espèce : la modification de la méthode de calcul aurait été motivée « précisément en raison » du jugement de première instance ayant ordonné son annulation ( 29 ).

67. Si tel était le cas – ce que, une fois encore, il appartient à la juridiction de renvoi d’établir –, l’effectivité des recours en annulation dirigés contre des dispositions de rang inférieur à la loi dans le cadre desquels la non-conformité de ces dernières au droit de l’Union a été constatée dépendrait du bon vouloir de l’autorité ayant adopté la disposition attaquée.

68. Dans ces conditions, rien n’empêcherait cette autorité de décider de modifier l’acte réglementaire, précisément afin d’éviter les effets liés à l’annulation d’un premier jugement lui étant défavorable, avant que ce jugement ne soit confirmé par un arrêt en cassation définitif.

69. En d’autres termes, le régime procédural litigieux pourrait être instrumentalisé en tant que moyen de garantir l’absence d’effet d’une décision juridictionnelle préalable d’annulation fondée sur la violation du droit de l’Union. Dans la même mesure, il rendrait excessivement difficile, en violation du principe d’effectivité, la défense des droits des particuliers.

70. Il est vrai, comme le VAS l’a indiqué lors de l’audience, que le pouvoir exécutif ou, plus généralement, l’autorité gouvernementale qui adopte un acte réglementaire de rang inférieur à la loi est à tout moment habilité à le modifier ou à l’abroger.

71. Cette faculté ne peut toutefois pas être utilisée en tant que moyen de neutraliser des décisions juridictionnelles déjà rendues ayant constaté la violation des règles de l’Union, si ce mécanisme empêche dans le même temps :

– la révision du jugement de première instance par une juridiction supérieure (ici, le VAS en formation de cinq juges), qui constate sa nullité non pour des motifs de fond, mais en raison d’une circonstance totalement étrangère à la procédure et dépendant uniquement de la volonté unilatérale de l’auteur de la règle, qui est, en outre, le requérant en cassation, et

– la production des effets inhérents à la nullité de l’acte réglementaire attaqué, telle que constatée par la juridiction de première instance, y compris des effets correspondant à la période pendant laquelle cet acte était en vigueur.

72. Le résultat obtenu est qu’un recours en annulation formé alors que l’acte réglementaire était en vigueur, recours accueilli par un jugement de première instance rendu à un moment où cet acte était toujours en vigueur, est déclaré sans objet en raison de la modification dudit acte ayant eu lieu après le prononcé du jugement de première instance.

73. En résumé, l’autorité qui a initialement adopté l’acte et qui le modifie en « réaction » au jugement de première instance (contre lequel cette autorité a formé un pourvoi en cassation) parvient à priver ce jugement d’effet, bien qu’aucune juridiction supérieure ne se soit prononcée sur son contenu.

74. L’issue du recours en annulation serait, en définitive, soumise à un aléa inacceptable. Elle ne dépendrait pas de l’appréciation juridictionnelle du recours au fond, mais de l’éventualité d’une modification réglementaire par l’autorité ayant adopté la disposition attaquée, après avoir constaté que la procédure en première instance lui a été défavorable.

75. Il s’ensuit, selon moi, que, dans les circonstances que je viens d’analyser, le recours autonome prévu par le droit bulgare ne semble pas offrir une protection effective à la personne alléguant la violation des droits que lui confère le droit de l’Union.

76. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi d’apprécier si le régime procédural national peut être interprété de telle manière que, dans les circonstances du litige dont elle est saisie, la modification de la règle attaquée n’empêche pas une décision juridictionnelle définitive sur le fond du recours.

77. À cette fin, il conviendrait de déterminer avec exactitude si les conséquences du régime litigieux quant à la perte d’objet des recours encore pendants sont suffisamment claires et précises et disposent d’un fondement juridique solide.

78. On pourrait, enfin, considérer l’éventualité, si le recours en annulation échoue en raison de la disparition de son objet, que la personne lésée soit renvoyée, en tant que mécanisme subsidiaire de protection des droits violés, à la voie de la responsabilité de l’État.

79. Comme je l’ai indiqué dans les présentes conclusions, l’action en réparation servirait à indemniser le préjudice subi par IG du fait d’avoir été contraint d’utiliser une voie de recours procédurale s’étant en fin de compte révélée, en raison de circonstances totalement étrangères au comportement d’IG, infructueuse.

80. Selon moi, la responsabilité du préjudice causé par l’application d’une réglementation non conforme au droit de l’Union ne devrait être engagée par la voie de l’indemnisation que si le régime procédural litigieux n’admettait pas d’interprétation conforme aux exigences du droit à une protection juridictionnelle effective.

81. En outre, il conviendrait de préciser si, en raison de la particularité du régime d’application des directives, le droit national permet de satisfaire à l’intérêt légitime des personnes qui, à l’instar d’IG, ne peuvent faire valoir les droits qu’elles tirent d’une directive qu’en cas de constatation de la nullité de la disposition nationale non conforme à cette directive.

82. En effet, même si la directive dont découlent les droits reconnus au particulier était directement applicable, IG pourrait difficilement l’invoquer à l’encontre d’un particulier tel que le fournisseur d’énergie à qui ont été versés les montants résultant de l’application du point 6.1.1 de la méthode litigieuse ( 30 ).

83. En définitive, pour que les particuliers puissent obtenir la protection des droits qu’ils tirent du droit de l’Union, ils devraient, en vertu du double régime procédural décrit dans la décision de renvoi :

– demander, dans un premier temps, l’annulation de la disposition réglementaire non conforme au droit de l’Union au moyen d’un recours qui, même s’il était accueilli en première instance, pourrait inopinément devenir sans objet en raison d’une modification de cette disposition visant à éviter les effets de son annulation, et

– solliciter, dans un second temps, la réparation du préjudice subi au moyen de l’engagement de la responsabilité de l’État ( 31 ).

84. Dans ces conditions, j’estime que la réglementation procédurale litigieuse rend l’obtention de la protection juridictionnelle trop difficile pour garantir la protection des droits découlant du droit de l’Union.

85. Ce qui précède s’applique aux particuliers qui ont tenté d’obtenir l’annulation juridictionnelle de la réglementation non conforme au droit de l’Union, non à ceux qui se sont conformés à cette dernière, qui devront, le cas échéant, essayer d’obtenir réparation par la voie de l’engagement de la responsabilité de l’État.

C.   Sur la troisième question préjudicielle

86. La juridiction de renvoi cherche à savoir si « la disposition en question peut [...] continuer à réglementer les relations sociales, durant la période entre son adoption et sa modification, à l’égard d’un cercle illimité de personnes qui n’ont pas saisi un tribunal d’une demande de réparation des préjudices qu’elle a causés ».

87. Compte tenu de la réponse aux première et deuxième questions préjudicielles que je suggère, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de répondre à la troisième.

88. En tout état de cause, l’interrogation soulevée dans la troisième question préjudicielle revêt un caractère purement hypothétique dans le contexte du renvoi préjudiciel.

89. Pour se prononcer sur la demande de réparation d’IG (qui, je le rappelle, fait l’objet de la procédure au principal), peu importe le régime des rapports juridiques de tiers non requérants ou le fait que la « conformité aux dispositions du droit de l’Union de cette disposition avant sa modification n’a pas été appréciée à l’égard desdites personnes ».

90. En effet, l’issue du recours d’IG à l’origine du renvoi préjudiciel est étrangère au sort des « personnes qui n’ont pas saisi un tribunal d’une demande de réparation ». La juridiction de renvoi ne doit se prononcer que sur le recours d’IG.

91. Par conséquent, j’estime que, formulée dans les termes que je viens de reproduire, la troisième question préjudicielle est irrecevable.

V. Conclusion

92. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie) dans les termes suivants :

Le principe de protection juridictionnelle effective et, notamment, l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne requièrent pas, en tant que tels, l’existence d’un recours autonome tendant, à titre principal, à contester la conformité de dispositions nationales aux règles de l’Union, pour autant qu’il existe une ou plusieurs voies de recours permettant, de manière incidente, d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union.

Une réglementation nationale prévoyant un recours autonome pour contester la conformité de dispositions nationales aux règles de l’Union doit garantir l’effectivité de ce mécanisme de contestation mis à la disposition des particuliers.

Cette effectivité n’est pas garantie lorsque, en vertu de la réglementation nationale, le jugement de première instance par lequel la non-conformité au droit de l’Union d’un acte réglementaire n’ayant pas rang de loi a été constatée, jugement contre lequel un pourvoi en cassation a été formé, peut être annulé, sans entrer dans l’examen de sa motivation, par la seule modification de l’acte réglementaire ordonnée, après le prononcé de ce jugement, par la même autorité que celle ayant adopté l’acte
attaqué, qui, ce faisant, prive ledit jugement d’effet et empêche son examen au fond dans le cadre du pourvoi en cassation.

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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE (JO 2012, L 315, p. 1).

( 3 ) DV no 30, du 11 avril 2006, ci-après le « code de procédure administrative ».

( 4 ) DV no 60, du 5 août 1988.

( 5 ) DV no 34, du 24 avril 2007.

( 6 ) Lors de l’audience, le VAS a fait valoir que le jugement du 13 avril 2018 avait été fondé sur d’autres motifs. La décision de renvoi est toutefois catégorique sur ce point et la Cour doit s’en tenir à l’exposé des éléments rapportés par la juridiction de renvoi. Il est indiqué au point 5 de cette décision : « Par décision [...] du 13 avril 2018 [...], la formule utilisée au point 6.1.1. [...] a été annulée au motif qu’elle ne réalisait pas l’objectif visé aux articles 9 et 10 de la directive
2012/27, transposée par l’article 155, paragraphe 2, du Zakon za energetikata (loi sur l’énergie) ».

( 7 ) Le préjudice invoqué consistait en « la déception, la colère et l’injure éprouvées à cause du comportement des juges suprêmes [de la formation du VAS], qui n’ont pas garanti l’effectivité du droit de l’Union et qui, au lieu de trancher le litige, ont refusé d’exercer leur contrôle sur l’action du pouvoir exécutif ».

( 8 ) Le point 17 de la décision de renvoi fait état d’un débat jurisprudentiel national concernant les effets des modifications réglementaires sur les procédures d’annulation en cours. IG soutient que, dans un autre arrêt du 26 juin 2020, le VAS a examiné sur le fond le pourvoi en cassation no 14350/2019, analysant la légalité de certains articles du décret no 16‑334 qui avaient été abrogés ou modifiés avant la date du prononcé de l’arrêt. Toutefois, ce point a été discuté lors de l’audience et
tout semble indiquer que le pourvoi no 14350/2019 concernait des dispositions qui, à la date de clôture de la phase orale de la procédure, n’étaient pas concernées par l’abrogation ou la modification.

( 9 ) Le VAS, après avoir souligné que l’arrêt du 11 février 2020 a acquis autorité de la chose jugée, fait valoir que le droit de l’Union n’exige pas la non-application des règles nationales conférant une telle qualité aux décisions de justice nationales.

( 10 ) C‑497/20, ci-après l’« arrêt Randstad Italia », EU:C:2021:1037.

( 11 ) Arrêt Randstad Italia, point 56, citant l’arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 32).

( 12 ) Arrêt Randstad Italia, point 58 : « sous réserve de l’existence de règles de l’Union en la matière, il appartient, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des voies de recours visées au point 56 du présent arrêt, à condition, toutefois, que ces modalités ne soient pas, dans les situations relevant du droit de l’Union, moins favorables que dans des situations similaires soumises au droit interne
(principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) ».

( 13 ) On entend par là l’action ou le recours dirigé à titre principal contre la règle elle-même et pas seulement contre ses actes individuels d’application.

( 14 ) Arrêt du 21 novembre 2019, Deutsche Lufthansa (C‑379/18, EU:C:2019:1000, point 61).

( 15 ) Arrêt du 19 décembre 2019, Deutsche Umwelthilfe (C‑752/18, EU:C:2019:1114, point 54).

( 16 ) C‑571/16, EU:C:2018:807.

( 17 ) Ces considérations, en ce qu’elles sont générales, restent valables, même si la réglementation bulgare en la matière a été modifiée, comme cela a été souligné lors de l’audience.

( 18 ) Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C‑571/16, EU:C:2018:807, point 140).

( 19 ) Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C‑571/16, EU:C:2018:807, point 142).

( 20 ) Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C‑571/16, EU:C:2018:807, point 143).

( 21 ) Voir note en bas de page 6 des présentes conclusions.

( 22 ) Arrêts Randstad Italia (point 58) et du 10 mars 2022, Grossmania (C‑177/20, EU:C:2022:175, point 49).

( 23 ) La modification survenue permet ainsi le maintien des effets produits jusqu’alors par la disposition attaquée. Le VAS affirme, dans ses observations écrites, que, dans le système procédural de l’Union, sur le fondement de l’article 149 du règlement de procédure de la Cour, cette dernière reconnaît la perte d’objet d’un recours direct si l’acte attaqué a été modifié avant le prononcé de l’arrêt. Cela étant, et indépendamment du fait que cette solution s’applique lorsqu’il n’y a pas eu de
décision de première instance, conformément à la jurisprudence de la Cour, un recours en annulation d’un acte qui n’est plus en vigueur ne perd pas nécessairement son objet de ce fait, si le requérant conserve son intérêt à l’annulation de cet acte. En ce sens, voir Leanerts, K., Maselis, I., et Gutman, K., EU Procedural Law, Oxford University Press, Oxford, 2014, point 7.10 et jurisprudence citée.

( 24 ) Dans certains États membres, la même règle s’applique au contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois. L’abrogation de celles-ci après l’introduction du recours entraîne, en principe, le classement de ce dernier, au motif que, dans le cadre d’une procédure visant à l’épuration objective de l’ordre juridique, il n’y a pas lieu de statuer sur un texte légal qui n’est pas en vigueur. Ce critère peut toutefois ne pas s’appliquer si, malgré son abrogation, la loi continue à avoir un
certain effet (ultra-activité) ou s’il est nécessaire de déterminer, étant entendu qu’elle s’appliquait aux faits litigieux conformément au principe « tempus regit factum », si elle était conforme à la Constitution.

( 25 ) Je rappelle que cette disposition, reproduite au point 10 des présentes conclusions, prévoit que l’autorité administrative « retire » l’acte attaqué, auquel cas le VAS annule la décision juridictionnelle prononcée relativement à cet acte.

( 26 ) Conformément à la décision de renvoi (point 9), le VAS avait affirmé qu’il existait, dans le litige, un acte réglementaire retiré auquel l’article 204, paragraphe 3, du code de procédure administrative s’appliquait. Aux termes de cette disposition, lorsque les dommages ont été causés par un acte administratif retiré, l’illégalité de ce dernier doit être constatée par la juridiction connaissant du recours en réparation.

( 27 ) Lors de l’audience, IG a déclaré que la formation du VAS a statué sans l’entendre sur l’éventuelle perte d’objet du recours.

( 28 ) Ainsi qu’il ressort du débat ayant eu lieu lors de l’audience, une modification minime de la disposition réglementaire suffirait pour que la procédure judiciaire en cours devienne sans objet. IG a soutenu (point 45 de ses observations écrites) que la modification apportée n’en était pas une, puisque le nouveau décret adoptait la même méthode de calcul. La juridiction de renvoi affirme toutefois que le décret publié le 20 septembre 2019 a modifié le précédent, « notamment » en ce qui concerne
le point 6.1.1 de la méthode de répartition de l’énergie thermique dans les immeubles en copropriété (point 6 de l’ordonnance de renvoi).

( 29 ) Point 4 des observations écrites d’IG, qui a insisté sur ce point lors de l’audience. Selon moi, ses allégations n’ont pas été infirmées au cours du débat qui a suivi.

( 30 ) Voir, à cet égard, à titre général, arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631).

( 31 ) Lors de l’audience, le VAS a fait valoir que la personne qui conteste devant lui la légalité d’une disposition réglementaire peut également demander l’indemnisation correspondante. Toutefois, comme il l’a expliqué, le VAS devrait transférer cette demande à la juridiction compétente, qui déterminerait l’existence ou non d’un cas de responsabilité de l’État.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-289/21
Date de la décision : 16/06/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Administrativen sad Sofia-grad.

Renvoi préjudiciel – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne Protection juridictionnelle effective – Règle procédurale nationale prévoyant qu’un recours tendant à contester la conformité d’une disposition nationale avec le droit de l’Union est privé d’objet si la disposition est abrogée en cours de procédure.

Énergie


Parties
Demandeurs : IG
Défendeurs : Varhoven administrativen sad.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:482

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