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07/04/2022 | CJUE | N°C-19/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. N. Emiliou, présentées le 7 avril 2022., I et S contre Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid., 07/04/2022, C-19/21


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 7 avril 2022 (1)

Affaire C‑19/21

I,

S

contre

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Den Haag zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye, siégeant à Haarlem, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’asile – Critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’exam

en d’une demande de protection internationale – Règlement (UE) no 604/2013 (règlement Dublin III) – Article 8, paragraphe 2 – Mineur non accom...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 7 avril 2022 (1)

Affaire C‑19/21

I,

S

contre

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Den Haag zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye, siégeant à Haarlem, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’asile – Critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale – Règlement (UE) no 604/2013 (règlement Dublin III) – Article 8, paragraphe 2 – Mineur non accompagné soutenant qu’un proche se trouve légalement dans un autre État membre – Article 27 – Refus des autorités compétentes de cet autre État membre de prendre en charge le demandeur – Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit à un recours effectif »

I.      Introduction

1.        Au cours de ce que l’on appelle communément la « crise des réfugiés » de 2015, plus de 95 000 mineurs non accompagnés ont demandé une protection internationale, ce qui représentait 7 % de l’ensemble des demandes de protection internationale dans l’Union européenne (2). L’arrivée de mineurs non accompagnés est un phénomène persistant, particulièrement ressenti par la Grèce, qui a accueilli en 2020 plus de 20 % de tous les demandeurs d’asile de l’Union considérés comme étant des mineurs non
accompagnés, et a été confrontée aux chiffres les plus élevés parmi les États membres de l’Union (3).

2.        Le rechtbank Den Haag zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye, siégeant à Haarlem, Pays-Bas) a posé à la Cour de justice des questions relatives à l’interprétation de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III (4), qui confère aux demandeurs d’asile le droit à un recours effectif contre les « décisions de transfert » prises par les États membres, ainsi que de l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), qui
accorde à « toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés » le droit à un recours effectif devant un tribunal.

3.        La procédure au principal concerne un demandeur d’asile, I (ci‑après le « demandeur »), qui était un mineur non accompagné au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale en Grèce. En vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III, lorsqu’un proche d’un tel mineur se trouve légalement dans un autre État membre et peut s’occuper de lui, cet autre État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale du mineur, à condition que
ce soit dans l’intérêt supérieur de ce dernier.

4.        En l’espèce, le demandeur fait valoir qu’il a bien un tel proche, à savoir son oncle présumé, S, résidant aux Pays-Bas. En conséquence, les autorités helléniques ont demandé au Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas, ci-après le « secrétaire d’État ») de prendre en charge le demandeur afin que sa demande de protection internationale puisse être examinée aux Pays-Bas et qu’il puisse résider avec S pendant la durée de cet
examen. Le recours devant la juridiction de renvoi, introduit par le demandeur et son oncle contre le secrétaire d’État, a pour objet le refus opposé par ce dernier à cette demande.

5.        Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche à savoir si et, le cas échéant, sur le fondement de quelle base juridique (l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ou l’article 47, premier alinéa, de la Charte, lus séparément ou conjointement), le demandeur et S devraient se voir accorder un droit de recours contre le refus du secrétaire d’État.

6.        La présente affaire met en avant, une nouvelle fois (5), la question de l’équilibre délicat entre deux objectifs inhérents au règlement Dublin III, à savoir, d’une part, celui de disposer d’une procédure rapide aux fins de répartir la responsabilité entre les États membres en ce qui concerne l’examen des demandes de protection internationale et, d’autre part, celui d’assurer, en particulier lorsque les États membres font face à des situations impliquant des mineurs non accompagnés,
lesquels relèvent d’une catégorie particulièrement vulnérable de demandeurs d’asile, la protection des droits fondamentaux des personnes concernées.

7.        Comme je l’exposerai ci-après, je suis d’avis que, tandis que l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne couvre pas la situation en cause, l’article 47, premier alinéa, de la Charte exige qu’un mineur non accompagné soit en mesure de contester, en droit comme en fait, le refus des autorités d’un État membre de le prendre en charge en application de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, devant les juridictions de cet État membre.

II.    Le cadre juridique

8.        Les considérants 13, 14, 16, 19 et 39 du règlement Dublin III sont libellés comme suit :

« (13)      Conformément à la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989 et à la [Charte], l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale des États membres lorsqu’ils appliquent le présent règlement. Lorsqu’ils apprécient l’intérêt supérieur de l’enfant, les États membres devraient en particulier tenir dûment compte du bien-être et du développement social du mineur, de considérations tenant à la sûreté et à la sécurité et de l’avis du mineur en
fonction de son âge et de sa maturité, y compris de son passé. Il convient, en outre, de fixer des garanties de procédure spécifiques pour les mineurs non accompagnés, en raison de leur vulnérabilité particulière.

(14)      Conformément à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la [Charte], le respect de la vie familiale devrait être une considération primordiale pour les États membres lors de l’application du présent règlement.

[...]

(16)      Afin de garantir le plein respect du principe de l’unité de la famille et dans l’intérêt supérieur de l’enfant, l’existence d’un lien de dépendance entre un demandeur et son enfant, son frère ou sa sœur ou son père ou sa mère, du fait de la grossesse ou de la maternité, de l’État de santé ou du grand âge du demandeur, devrait devenir un critère obligatoire de responsabilité. De même, lorsque le demandeur est un mineur non accompagné, la présence sur le territoire d’un autre État membre
d’un membre de sa famille ou d’un autre proche pouvant s’occuper de lui devrait également constituer un critère obligatoire de responsabilité.

[...]

(19)      Afin de garantir une protection efficace des droits des personnes concernées, il y a lieu d’instaurer des garanties juridiques et le droit à un recours effectif à l’égard de décisions de transfert vers l’État membre responsable conformément, notamment, à l’article 47 de la [Charte]. Afin de garantir le respect du droit international, un recours effectif contre de telles décisions devrait porter à la fois sur l’examen de l’application du présent règlement et sur l’examen de la situation en
fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré.

[...]

(39)      Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus, notamment, par la [Charte]. En particulier, il vise à assurer le plein respect du droit d’asile garanti par l’article 18 de la [Charte] ainsi que des droits reconnus par ses articles 1^er, 4, 7, 24 et 47 [...] ».

9.        L’article 8 (intitulé « Mineurs »), paragraphe 2, de ce règlement dispose :

« Si le demandeur est un mineur [(6)] non accompagné dont un proche [(7)] se trouve légalement dans un autre État membre et s’il est établi, sur la base d’un examen individuel, que ce proche peut s’occuper de lui, cet État membre réunit le mineur et son proche et est l’État membre responsable, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur. »

10.      La section II du chapitre VI du règlement Dublin III, intitulée « Procédures applicables aux requêtes aux fins de prise en charge », comprend les articles 21 et 22, lesquels prévoient les obligations applicables aux États membres lors de la présentation et de la réponse à une requête aux fins de prise en charge. L’article 21, paragraphe 1, dispose, dans ses passages pertinents, que :

« L’État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout État de cause, dans un délai de trois mois [...], requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur.

[...] »

11.      L’article 22, paragraphe 1, prévoit que « [l]’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête ».

12.      La section IV du chapitre VI du règlement Dublin III, intitulée « Garanties procédurales », comprend l’article 27, dont le paragraphe 1 prévoit :

« Le demandeur [...] dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. »

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

13.      Le demandeur est un ressortissant égyptien, né en 2002. Le 23 décembre 2019, alors qu’il était encore mineur, il a introduit une demande de protection internationale en Grèce.

14.      Au cours de la procédure menée par les autorités grecques pour déterminer, en application des critères énoncés dans le règlement Dublin III, l’État membre responsable de l’examen de sa demande (ci-après la « procédure de Dublin »), le demandeur a indiqué aux autorités grecques qu’il souhaitait être réuni avec S, dont il affirme qu’il est son oncle et qui réside aux Pays-Bas.

15.      Le 10 mars 2020, les autorités grecques ont présenté, au titre de l’article 21 du règlement Dublin III, une requête aux fins de prise en charge aux autorités compétentes néerlandaises, à savoir le secrétaire d’État. La demande était fondée sur le critère de responsabilité figurant à l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement.

16.      Par lettre du 8 mai 2020, le secrétaire d’État a rejeté la requête aux fins de prise en charge au motif que le lien de parenté entre le demandeur et S ne pouvait être établi.

17.      Le 28 mai 2020, les autorités helléniques ont demandé au secrétaire d’État de procéder au réexamen de sa décision, conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n^o 1560/2003 (8) (ci-après le « règlement d’application »).

18.      Par lettre du 11 juin 2020, le secrétaire d’État a réitéré sa conclusion quant à l’absence de preuve suffisante du lien de parenté entre le demandeur et S et a rejeté la demande de réexamen.

19.      Le 24 juin 2020, le demandeur et S ont contesté le refus du secrétaire d’État de prendre en charge le demandeur. Par lettre du 26 juin 2020, le secrétaire d’État a déclaré cette objection manifestement irrecevable après avoir relevé que le règlement Dublin III ne contient aucune disposition visant à permettre aux demandeurs de protection internationale de contester le rejet d’une requête aux fins de prise en charge.

20.      Le même jour, le demandeur et S ont attaqué la décision contenue dans cette lettre devant la juridiction de renvoi (9).

21.      Devant cette juridiction, le demandeur (10) soutient qu’en refusant de le prendre en charge, le secrétaire d’État a omis de prendre en considération son intérêt supérieur, en violation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III. L’article 27, paragraphe 1, de ce règlement et l’article 47, premier alinéa, de la Charte exigeraient dès lors qu’un recours effectif contre le refus du secrétaire d’État lui soit accordé.

22.      Le demandeur fait également valoir que, à la suite des arrêts Ghezelbash (11) et Karim (12), la protection des droits des demandeurs d’asile au sein de l’Union a été renforcée, de sorte que ces personnes devraient être en mesure, en règle générale, de contester l’application erronée des critères énoncés au chapitre III du règlement Dublin III pour déterminer l’État membre responsable de l’examen de leur demande de protection internationale.

23.      Le secrétaire d’État estime que le demandeur n’a pas le droit d’exercer un recours contre son refus de le prendre en charge devant une juridiction. À cet égard, le secrétaire d’État fait valoir que l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne prévoit une voie de recours que lorsqu’une « décision de transfert », au sens de cette disposition, est adoptée. Le secrétaire d’État souligne que le processus de détermination de l’État membre responsable se déroule exclusivement au niveau
des autorités compétentes des États membres et n’ouvre aucun droit aux demandeurs d’asile de contester un refus de prise en charge par les autorités compétentes de l’État membre (13).

24.      La juridiction de renvoi indique que, selon les informations dont elle dispose, les autorités grecques ont décidé de ne pas examiner la demande de protection internationale du requérant tant que la procédure au principal serait pendante.

25.      Elle relève également que les États membres (et plus précisément, l’Allemagne, l’Autriche, la Suède et, auparavant, le Royaume-Uni) ont tous adopté des approches très différentes sur la question de savoir s’il y a lieu de prévoir une voie de recours dans le cas où un demandeur d’asile souhaite contester le refus d’un État membre de le prendre en charge.

26.      La juridiction de renvoi considère, en outre, que, indépendamment d’une éventuelle lecture en combinaison avec l’article 47, premier alinéa, de la Charte, les termes « décision de transfert » figurant à l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III doivent être interprétés largement. Une interprétation restrictive de l’article 27, paragraphe 1, de ce règlement serait, selon elle, arbitraire et injustifiée. Par ailleurs, dès lors que seules les autorités compétentes des États membres
sont en mesure d’engager la procédure de conciliation prévue à l’article 37, paragraphe 2, du règlement Dublin III, il serait impossible de conclure que cette disposition offre déjà aux demandeurs d’asile une voie de recours effective au sens de l’article 47, premier alinéa, de la Charte.

27.      Enfin, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant au point de savoir si le proche d’un mineur non accompagné bénéficie lui-même d’un droit à contester le refus de l’État membre dans lequel il réside de prendre en charge ce mineur sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III.

28.      Dans ces conditions, le rechtbank Den Haag zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye, siégeant à Haarlem) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Faut-il interpréter l’article 27 du règlement [Dublin III] en ce sens qu’il impose à l’État membre requis, en combinaison ou non avec l’article 47 de la Charte, de conférer au demandeur qui séjourne dans l’État membre requérant et souhaite être transféré au titre de [l’article 8, paragraphe 2,] du règlement [Dublin III], ou bien au membre de la famille du demandeur visé [par cette disposition], un recours juridictionnel effectif contre le rejet de la demande de prise en charge ?

2)      Si la première question appelle une réponse négative et que l’article 27 du règlement [Dublin III] ne peut servir de fondement à un recours effectif, faut-il interpréter l’article 47 de la Charte, en combinaison avec le droit fondamental à l’unité de la famille et l’intérêt de l’enfant (tels qu’inscrits aux articles 8 à 10 et au considérant 19 du règlement [Dublin III]), en ce sens qu’il impose à l’État membre requis de conférer au demandeur qui séjourne dans l’État membre requérant et
souhaite être transféré au titre de [l’article 8, paragraphe 2,] du règlement [Dublin III], ou bien au membre de la famille du demandeur visé [par cette disposition], un recours juridictionnel effectif contre le rejet de la demande de prise en charge ?

3)      Si la question [1] ou la question [2] appelle une réponse affirmative, de quelle manière et par quel État membre la décision de refus de l’État requis et la faculté d’introduire un recours contre celle-ci doivent-elles être portées à la connaissance du demandeur ou [du] membre de la famille du demandeur ? »

29.      La demande de décision préjudicielle, en date du 12 janvier 2021, a été enregistrée au greffe de la Cour le 13 janvier 2021. Le demandeur et S, les gouvernements hellénique, français, néerlandais et suisse ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Le demandeur et S, les gouvernements hellénique, néerlandais et belge ainsi que la Commission ont été représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 11 janvier 2021.

IV.    Appréciation

30.      Le règlement Dublin III établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’Union par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride. Ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement, celui-ci vise à assurer non seulement que toute demande formulée en ce sens soit examinée, mais également qu’un seul État membre (celui désigné par les critères énoncés au chapitre III du
règlement Dublin III) supporte cette responsabilité. Si un État membre dans lequel une demande de protection internationale est introduite estime, sur le fondement de ces critères, qu’un autre État membre est responsable de son examen, le premier État membre (ci-après l’« État membre requérant ») demande au second État membre (ci-après l’« État membre requis ») de prendre en charge le demandeur d’asile (en introduisant, à de telles fins, une « requête aux fins de prise en charge ») (14).

31.      En l’espèce, une telle requête aux fins de prise en charge a été adressée aux autorités néerlandaises par leurs homologues grecs. Cette demande était fondée sur l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III, qui contient un critère obligatoire de responsabilité (15) visant à protéger les mineurs non accompagnés en les réunissant avec leurs proches (16). Le secrétaire d’État a rejeté cette demande au motif que le lien de parenté entre le demandeur et son oncle présumé, S, n’était pas
établi. Tous deux souhaitent contester ce refus devant les juridictions néerlandaises, dans l’espoir que le demandeur soit transféré vers cet État membre et qu’il soit réuni avec S.

32.      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a soumis trois questions à la Cour. Les deux premières questions préjudicielles portent sur l’existence d’un droit à un recours effectif contre ce refus et sur la base juridique d’un tel droit. La troisième, qui dépend de la réponse aux deux premières questions préjudicielles, concerne les modalités pratiques de celui-ci.

33.      Dans les sections suivantes, j’examinerai successivement chacune de ces questions. Premièrement, j’expliquerai pourquoi, à mon avis, le champ d’application de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne saurait être étendu de manière à inclure un droit de recours dans le cas où un demandeur d’asile conteste le refus de l’État membre requis (en l’occurrence, le refus des Pays-Bas) de le prendre en charge (section A). Ensuite, j’établirai que, lorsque ce refus concerne une requête
aux fins de prise en charge fondée sur l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, cet État membre est néanmoins tenu, en vertu de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, lu en combinaison avec l’article 7 et l’article 24, paragraphe 2, de celle-ci (droits au respect de la vie privée et familiale et à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant) de permettre au mineur non accompagné d’exercer un recours effectif contre cette décision (section B). Enfin, j’examinerai les conséquences
pratiques de cette obligation au regard de l’économie générale du règlement Dublin III (section C).

A.      L’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III (première question préjudicielle)

34.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens qu’il impose à l’État membre destinataire d’une requête aux fins de prise en charge fondée sur l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, et qui rejette une telle demande, une obligation de fournir au mineur non accompagné en question et/ou à son présumé proche un recours effectif devant une juridiction.

35.      À l’instar de toutes les parties intervenantes, et contrairement au requérant et à S, je considère que l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III n’impose pas une telle obligation à cet État membre.

36.      Je relève que cette disposition prévoit que « le demandeur » ou une « autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d) » (c’est-à-dire, en substance, également un demandeur de protection internationale) dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction.

37.      Il découle de ce libellé, d’une part, que le proche d’un demandeur de protection internationale ne figure pas parmi les personnes visées par cette disposition. Seul le demandeur bénéficie d’un tel droit.

38.      D’autre part, l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III couvre une situation particulière. La notion de « décision de transfert », au sens de cette disposition, lue à la lumière de l’article 26, paragraphe 1, et de l’article 29, paragraphe 1, du règlement Dublin III (17), vise une décision i) prise par l’État membre dans lequel le demandeur d’asile est présent et ii) ayant pour objet son « transfert » vers l’État membre que les critères contenus dans ce règlement désignent comme
étant responsable de l’examen de sa demande de protection internationale (18). Une telle décision est adoptée dès lors que les autorités du premier (l’État membre requérant) ont adressé une requête aux fins de prise en charge (ou, le cas échéant, une requête aux fins de reprise en charge (19)) à leurs homologues du second État membre (l’État membre requis) et que cette requête a été acceptée par les autorités de celui-ci (20).

39.      Il s’ensuit que l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne saurait être interprété en ce sens qu’il prévoit une voie de recours, devant une juridiction de l’État membre requis (en l’occurrence, les Pays-Bas), contre une décision des autorités de cet État membre de rejeter une requête aux fins de prise en charge, qui aurait pour effet que le demandeur n’est pas transféré vers le second État membre. Les situations dans lesquelles un demandeur d’asile fait valoir qu’il devrait être
transféré vers un État membre donné, mais où cet État membre refuse de le prendre en charge (ou de le reprendre en charge) ne relèvent tout simplement pas du champ d’application de cette disposition.

40.      Même si la Cour a consacré une interprétation large de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III (21), et même si cette disposition doit être lue à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte (22), il me semble évident qu’interpréter l’article 27, paragraphe 1, de ce règlement en ce sens qu’un refus de l’État membre requis de prendre en charge un mineur tel que le demandeur pourrait faire l’objet d’un contrôle juridictionnel reviendrait à élargir le champ
d’application de cette disposition au-delà de ce que permet son libellé (23).

41.      Mon avis à cet égard est confirmé par le fait que, en vue de réformer le règlement Dublin III, la Commission a justement proposé d’insérer une nouvelle disposition prévoyant un recours effectif devant une juridiction dans les cas où le demandeur n’est pas transféré, mais fait valoir qu’un « membre de sa famille » ou, dans le cas des mineurs non accompagnés, un « proche » se trouve légalement dans un autre État membre (24).

42.      Cette proposition a été retirée (25). Néanmoins, à mon sens, elle signalait que l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III, dans sa forme actuelle, ne contient, ni expressément ni implicitement, un droit à un recours effectif dans de tels cas (26).

43.      Je vais à présent examiner la question de savoir si un tel droit peut être déduit du seul article 47, premier alinéa, de la Charte, lu en combinaison avec l’article 7 et l’article 24, paragraphe 2, de celle-ci.

B.      L’article 47, premier alinéa, de la Charte (deuxième question préjudicielle)

44.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47, premier alinéa, de la Charte, lu en combinaison avec l’article 7 et l’article 24, paragraphe 2, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il impose à l’État membre destinataire d’une requête aux fins de prise en charge, qui lui est adressée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III, l’obligation de permettre au mineur non accompagné concerné et/ou à son présumé
proche d’exercer un recours effectif contre son refus de faire droit à une telle requête.

45.      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’article 47 de la Charte, intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », a codifié le principe général de protection juridictionnelle effective précédemment établi par la Cour (27). Le droit à un recours effectif, garanti par le premier alinéa de cette disposition, correspond à celui prévu à l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome
le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH ») (28).

46.      Conformément à l’article 47, premier alinéa, de la Charte, « toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal ». Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour, le droit à un recours effectif peut être invoqué sur le seul fondement de cette disposition, sans qu’il soit nécessaire que son contenu soit précisé par d’autres dispositions du droit de l’Union ou par des dispositions du droit
interne de chaque État membre (29).

47.      Cela étant, l’existence ou non d’un tel droit suppose, dans un cas donné, comme cela ressort de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, que la personne qui l’invoque se fonde sur un ou plusieurs « droits et libertés garantis par le droit de l’Union » (30). Cela implique non seulement que la situation en cause relève du champ d’application du droit de l’Union, faute de quoi la Charte, dans son ensemble, serait inapplicable (31), mais également que le justiciable en question jouisse d’un
droit concret ou d’une liberté concrète, protégés par le droit de l’Union (32).

48.      S’agissant de l’application de l’article 47, premier alinéa, de la Charte dans une situation telle que celle en cause au principal, j’expliquerai d’abord que, lorsqu’un État membre refuse de faire droit à une requête aux fins de prise en charge qui lui est adressée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III, non seulement ce refus relève manifestement du champ d’application du droit de l’Union puisque les autorités de l’État membre requis, lorsqu’elles adoptent
une telle décision, appliquent les dispositions du règlement Dublin III (33), mais il affecte également (et est, de ce fait, susceptible de violer) un certain nombre de « droits [concrets] [...] garantis par le droit de l’Union ». Ainsi, le mineur (mais pas son présumé proche) doit disposer, en vertu de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, d’un recours effectif contre ce refus, devant les juridictions de l’État membre requis (sous-section 1). Je détaillerai, ensuite, les raisons pour
lesquelles j’estime que le règlement Dublin III dans son ensemble ne s’oppose pas à l’exercice d’un tel droit de recours (34) et qu’il n’existe pas de conflit entre ce règlement et l’article 47, premier alinéa, de la Charte (sous-section 2). Enfin, j’expliquerai pourquoi, contrairement aux préoccupations exprimées par les parties intéressées devant la Cour, je suis d’avis qu’une telle interprétation n’aboutira pas à une refonte du système de Dublin (sous-section 3).

1.      Les « droits [...] garantis par le droit de l’Union » nécessitant un recours effectif

49.      Comme je l’ai indiqué au point 31 des présentes conclusions, l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III instaure un « critère obligatoire de responsabilité » aux fins d’établir quel État membre examine la demande de protection internationale introduite par un mineur non accompagné dont un proche réside légalement dans l’Union. Ce critère l’emporte sur tous les autres critères contenus dans ce règlement (35). Dès lors que les exigences énumérées à l’article 8, paragraphe 2, dudit
règlement sont remplies, cette disposition entraîne deux obligations claires, précises et inconditionnelles pour l’État membre de résidence du proche : il « réunit le mineur et son proche » et « est l’État membre responsable » de l’examen de la demande d’asile du mineur (36).

50.      Ces deux obligations sont, à mon sens, le corollaire de certains « droits [...] garantis par le droit de l’Union », au sens de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, en faveur des mineurs non accompagnés qui demandent à bénéficier d’une protection internationale sur le territoire de l’Union.

1)      Quels sont les « droits [...] garantis par le droit de l’Union » en jeu ?

51.      L’idée selon laquelle les demandeurs d’asile bénéficient de certains droits matériels individuels est inhérente au règlement Dublin III. Ce règlement vise notamment à assurer le « plein respect » de certains droits tirés de la Charte qui revêtent une importance particulière dans le cadre de son application (37). Ces droits sont protégés par diverses garanties procédurales (38), visant à assurer l’intervention des demandeurs d’asile dans le processus de détermination de l’État membre
responsable de l’examen de leur demande d’asile (39). Elles se reflètent également dans la conception même d’(au moins) une partie des règles que le législateur de l’Union a intégrées dans cet instrument juridique (40).

52.      Dans ce contexte, l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III a été adopté dans le but explicite de « garantir le plein respect du principe de l’unité de la famille et l’intérêt supérieur de l’enfant » (41) et, ainsi, de mettre en œuvre les droits fondamentaux figurant à l’article 7 et à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, qui devraient constituer des « considérations primordiales » des États membres lorsqu’ils appliquent les règles énoncées dans le règlement Dublin III (42).

53.      À cet égard, je rappelle, en premier lieu, que l’article 7 de la Charte garantit le droit fondamental au « respect de la vie familiale ». Ce droit correspond à celui prévu à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH. Partant, il devrait être interprété à la lumière de la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») (43). En vertu de cette jurisprudence, l’existence d’une « vie familiale » est une question de fait. Cette notion est ancrée dans
la protection du noyau familial (ou de la famille nucléaire). Toutefois, il a été reconnu que les « proches parents » en dehors de ce noyau peuvent également jouer un rôle et contribuer à la vie familiale (44). Ainsi, la notion de « vie familiale » peut inclure le rapport entre l’enfant et son « proche » qui sert de fondement au critère de responsabilité contenu à l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III (par exemple, le rapport entre un enfant et son oncle).

54.      En second lieu, l’article 24, paragraphe 2, de la Charte indique que dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Ce deuxième droit fondamental devrait être lu en combinaison avec le premier (45). En effet, la Cour a jugé qu’il découle des considérants 14 à 16 du règlement Dublin III et, notamment, de l’article 6, paragraphe 3, sous a) (46),
et de l’article 6, paragraphe 4 (47), ainsi que de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, que le respect de la vie familiale et, plus particulièrement, la préservation de l’unité du groupe familial est, en principe, dans l’intérêt supérieur de l’enfant (48). En d’autres termes, le principe de l’« intérêt supérieur » de l’enfant impose souvent aux États membres de donner plein effet au droit du mineur à la protection de sa vie familiale, en maintenant l’unité de sa famille et, dans certaines
circonstances, son regroupement avec les membres de sa famille ou ses proches.

55.      En adoptant l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III, le législateur de l’Union me semble ainsi avoir reconnu, conformément à la jurisprudence de la Cour EDH (49), que les mineurs non accompagnés sont des personnes particulièrement vulnérables (50), dont le bien-être dépend de la protection et des soins nécessaires des adultes et des conditions adéquates d’accueil. Nonobstant les garanties prévues par la directive « accueil » (51), il est évident que les besoins des mineurs non
accompagnés seront, en général, mieux servis et leur « développement social », leur « sûreté » et leur « sécurité » (52) garantis s’ils sont pris en charge, en l’absence d’un « membre de la famille » sur le territoire de l’Union (53), par un « proche » majeur (54) et non pas par une famille d’accueil ou (pire) par un centre d’hébergement dans un État membre autre que celui où se trouve leur « proche », pendant la période d’examen de leur demande de protection internationale.

56.      Il s’ensuit que, contrairement à ce que la Commission et les gouvernements des États membres ayant participé à la présente procédure ont fait valoir, l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III ne constitue pas une simple règle organisationnelle régissant la répartition des responsabilités entre les États membres. Les obligations qu’il impose aux États membres aux fins de réunir les mineurs non accompagnés et leurs proches visent à assurer le plein respect des droits fondamentaux de
ces mineurs à la « vie familiale » (article 7 de la Charte) et à protéger leur « intérêt supérieur » (article 24, paragraphe 2, de la Charte). Conformément aux conditions précises énumérées dans cette disposition, ces obligations se traduisent donc, selon moi, en droits concrets pour de telles personnes.

57.      Par souci d’exhaustivité, j’ajoute que je ne suis pas convaincu, en premier lieu, par l’argument de la Commission et des gouvernements belge et néerlandais selon lequel, puisque le législateur de l’Union a déjà prévu de faciliter la réunification des familles dans d’autres instruments du droit de l’Union tels que la directive 2003/86/CE (55), il n’a pas entendu encourager le regroupement familial des mineurs non accompagnés avec leurs proches dans le cadre du règlement Dublin III. Selon
eux, ce règlement viserait surtout à garantir un traitement rapide des demandes de protection internationale et non pas à regrouper les familles. En outre et en tout état de cause, si un mineur non accompagné obtenait gain de cause et obtenait le statut de « réfugié », il serait libre, en vertu de la directive 2011/95/UE (56), de se rendre dans les autres États membres et, ainsi, de rejoindre ses proches.

58.      J’avoue ne pas saisir en quoi le fait qu’un mineur non accompagné tire certains droits, respectivement, de la directive sur le regroupement familial et de la directive qualification s’opposerait à ce qu’il puisse invoquer la protection de ses droits à la « vie familiale » et bénéficier de la protection de son « intérêt supérieur » sur le fondement de la Charte, dans le cadre de l’application du règlement Dublin III.

59.      En effet, ces directives et ce règlement interviennent à des moments différents. Dans l’affaire au principal, le demandeur pourrait se prévaloir de la directive qualification ou de la directive sur le regroupement familial pour rejoindre son oncle aux Pays-Bas ou pour être rejoint en Grèce par d’autres membres de sa famille (par exemple sa mère ou son père) (57), après avoir obtenu (le cas échéant) le statut de « réfugié ». Toutefois, au moment de l’examen de sa demande de protection
internationale par les autorités grecques, ces deux directives ne lui seraient d’aucun secours et seul l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III pourrait garantir qu’il ne demeure pas, contre son intérêt supérieur, isolé d’un proche qui est en mesure de s’occuper de lui (58).

60.      À cet égard, je souhaite souligner l’impact négatif que le fait d’être séparé des « membres de sa famille » ou de ses « proches » au cours de l’examen de sa demande entraîne pour le mineur non accompagné. À ma connaissance, la durée de cet examen peut, en théorie, s’étendre jusqu’à six mois après l’introduction de la demande d’examen (59) et, en pratique, parfois beaucoup plus (60). Du point de vue d’un mineur, cette période peut, en fonction de l’âge, paraître extrêmement longue, voire
interminable (61).

61.      Je ne vois pas non plus , en deuxième lieu, en quoi cette interprétation reviendrait à reconnaître aux mineurs non accompagnés un droit à ce que leur demande soit examinée dans l’État membre de leur choix – ce qui serait contraire à l’économie générale du règlement Dublin III et encouragerait le « forum shopping ». Cette interprétation signifie seulement que, lorsqu’il en va de son intérêt supérieur (62), un mineur non accompagné a le droit, en vertu de la règle précisément adoptée par le
législateur de l’Union à cet égard, d’être regroupé avec un proche qui est en mesure de s’occuper de lui dans un autre État membre et de voir sa demande d’asile examinée par cet autre État membre, afin que son bien‑être soit assuré de la meilleure manière possible.

62.      En troisième lieu, je ne suis pas convaincu par l’argument selon lequel aucun droit matériel en faveur des mineurs non accompagnés ne saurait être déduit de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III, étant donné que l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement (communément appelé la « clause de souveraineté ») offre, en tout état de cause, à l’État membre dans lequel une demande de protection internationale est introduite la faculté de déroger aux critères fixés par ce règlement et
de se déclarer responsable de l’examen de la demande.

63.      Certes, la clause de souveraineté laisse aux États membres une certaine marge de manœuvre quant à l’application des règles du règlement Dublin III. Néanmoins, ainsi qu’il ressort du considérant 17 de ce règlement, cette clause devrait principalement être utilisée pour des motifs humanitaires et comme garantie contre d’éventuelles atteintes aux droits fondamentaux des demandeurs, par exemple dans le but de réunir les membres d’une famille – non pour les maintenir éloignés.

64.      En tout état de cause, l’utilisation de cette clause, contenue dans un acte de droit dérivé, est nécessairement circonscrite par les droits fondamentaux garantis par la Charte (63). Les intérêts (hypothétiques) qu’un État membre peut (exceptionnellement) invoquer pour déroger à l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III ne sauraient dès lors l’emporter sur l’intérêt supérieur d’un mineur non accompagné à être regroupé avec un proche en vertu de cette disposition (64). Ainsi, si la
Cour a jugé que le principe de l’« intérêt supérieur » de l’enfant ne saurait obliger les États membres à utiliser la « clause de souveraineté » (65), ce même principe peut parfaitement, dans de nombreuses circonstances, tout aussi bien s’opposer à l’utilisation de cette clause (66).

65.      Enfin, je relève que, dans une situation telle que celle en cause au principal, il existe, à mon sens, un autre « droit garanti par le droit de l’Union », au sens de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, à savoir le droit, pour un mine ur non accompagné, de voir traiter de manière appropriée, impartiale et équitable la requête aux fins de prise en charge qui le concerne.

66.      En effet, le règlement Dublin III impose (de même que le règlement d’application) certaines obligations aux autorités des États membres en ce qui concerne, notamment, l’application de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement. En particulier, un État membre recevant une requête aux fins de prise en charge fondée sur cette disposition est tenu de procéder aux « vérifications nécessaires » avant d’y répondre. Cet État membre doit « vérifie[r] [...] de manière exhaustive et objective, et en
tenant compte de toutes les informations qui lui sont directement ou indirectement disponibles » (67), s’il est satisfait aux critères de cette disposition (68). Ce faisant, il doit également respecter un ensemble d’autres règles matérielles (69), procédurales (70) et en matière de preuve (71) contenues dans ces deux instruments.

67.      À mon avis, ces obligations, conjuguées aux obligations inhérentes à l’article 7 (droit à la vie familiale) et à l’article 24, paragraphe 2 (« intérêt supérieur de l’enfant ») , de la Charte, n’exigent pas seulement que les autorités compétentes de l’État membre requis qui se trouvent confrontées à la situation d’un mineur non accompagné soient proactives dans l’identification de son intérêt supérieur et dans l’examen du point de savoir si les conditions de l’article 8, paragraphe 2, du
règlement Dublin III sont remplies ou non. Elles se traduisent également par un droit correspondant pour le mineur de voir sa requête aux fins de prise en charge traitée de manière impartiale et équitable, conformément à cet intérêt supérieur (72).

2)      La nécessité de prévoir un recours effectif devant une juridiction

68.      Il découle de l’explication fournie dans la section précédente que, lorsqu’un État membre refuse, pour quelque motif que ce soit, de faire droit à une requête aux fins de prise en charge fondée sur l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III, il est possible, si ce refus n’est pas étayé, est dépourvu de fondement ou, plus généralement, est illégal, que cet État membre porte atteinte aux droits d’un mineur non accompagné qui sont protégés par le droit de l’Union. Une telle décision a
alors pour effet, concrètement, que le demandeur n’est pas transféré et, partant, qu’il n’est pas réuni avec son proche. Le mineur doit donc disposer d’un recours juridictionnel effectif, conformément à l’article 47, premier alinéa, de la Charte, contre une telle décision (73).

69.      En revanche, l’oncle présumé d’un mineur non accompagné ne tire, à mon sens, aucun droit de l’application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III. Cette disposition se focalise sur le mineur non accompagné et la protection de son droit à voir son « intérêt supérieur » (article 24, paragraphe 2, de la Charte) et sa « vie familiale » (article 7 de la Charte) protégés. Elle ne vise pas ni n’accorde de droit aux « membres de sa famille » ou à ses « proches ».

70.      Je souligne que, dans une situation telle que celle en cause au principal, si le mineur non accompagné n’était pas autorisé à contester le refus des autorités de l’État membre requis de le « prendre en charge », il n’y aurait aucune possibilité pour lui de faire valoir ses droits devant une juridiction, puisque, en tout état de cause, aucune « décision de transfert » au sens de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne serait adoptée par les autorités de l’État membre
requérant (74).

71.      En outre, il me semble évident qu’une telle voie de recours doit être accordée par l’État membre requis (en l’occurrence, les Pays-Bas) devant une des juridictions de ce même État membre (telle que la juridiction de renvoi). En effet, elle ne saurait être accordée par l’État membre requérant devant ses propres juridictions. Bien que le système de Dublin repose sur la confiance mutuelle (75), il ne s’agit pas, à l’heure actuelle, d’un système pleinement intégré, dans lequel les juridictions
d’un État membre A pourraient examiner une décision adoptée par les autorités administratives de l’État membre B, et rendre des décisions contraignantes à l’égard de ces autorités.

2.      L’absence de conflit entre l’article 47, premier alinéa, de la Charte et le règlement Dublin III

72.      Après avoir établi que, dans une situation telle que celle en cause au principal, un demandeur de protection internationale dispose d’un droit à un recours effectif en vertu de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, lu en combinaison avec l’article 7 et l’article 24, paragraphe 2, de celle-ci, il me faut à présent rechercher si le libellé de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ainsi que son économie et ses objectifs généraux s’opposent à l’exercice d’un tel droit.

73.      Si tel devait être le cas, il y aurait alors un conflit entre le règlement Dublin III et l’article 47, premier alinéa, de la Charte. Ce règlement imposerait une limitation au droit garanti par cette disposition (76). Une telle limitation ne serait permise qu’à condition que les exigences strictes énumérées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte soient remplies, à savoir, premièrement, que la limitation soit « prévue par la loi », deuxièmement, qu’elle respecte le « contenu essentiel »
du droit et, troisièmement, qu’elle respecte le principe de proportionnalité. Or, selon moi, dans une situation telle que celle au principal, le fait de priver un mineur non accompagné d’un recours effectif porterait nécessairement atteinte au « contenu essentiel » de son droit à un tel recours. La Cour n’aurait d’autre choix que de déclarer invalide l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III (ou, le cas échéant, le règlement dans son ensemble).

74.      Plusieurs raisons m’amènent, toutefois, à écarter un résultat aussi drastique et à conclure qu’il n’existe, en réalité, aucun conflit entre le règlement Dublin III et l’article 47, premier alinéa, de la Charte.

75.      En premier lieu, rien dans le libellé de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III n’indique, à mon sens, que, parce que cette disposition prévoit uniquement un recours contre les « décisions de transfert » (77), elle exclut qu’un recours effectif soit accordé en l’espèce. En effet, ladite disposition a été expressément adoptée par le législateur de l’Union en vue de renforcer la protection juridictionnelle des demandeurs d’asile (78), et non de sorte qu’elle puisse être utilisée
comme un « joker » pour les priver d’un recours effectif dans d’autres affaires ne relevant pas de son champ d’application. Même si l’on devait considérer que le libellé de l’article 27, paragraphe 1, est ambigu sur ce point, il ne serait pas possible, à mon avis, d’interpréter cette disposition comme présentant un tel caractère exhaustif. En effet, il est de jurisprudence constante que, lorsqu’un texte du droit dérivé de l’Union est susceptible de plus d’une interprétation, il convient de donner la
préférence à l’interprétation qui rend la disposition conforme au droit primaire (y compris aux droits et libertés tirés de la Charte) plutôt qu’à celle conduisant à constater son incompatibilité avec celui-ci (79).

76.      En deuxième lieu, s’agissant à présent de l’économie et des objectifs généraux du règlement Dublin III, je relève que la plupart des arguments avancés par la Commission et les gouvernements des États membres, tant lors de l’audience que dans leurs observations, reposent sur la prémisse (à mon avis erronée) selon laquelle la possibilité d’exercer un recours serait incompatible avec l’objectif inhérent à ce règlement, de garantir la « célérité dans le traitement des demandes de protection
internationale » et de « détermination rapide de l’État membre responsable », de même qu’avec les délais stricts prévus à cet effet. Le gouvernement français fait notamment valoir que l’exercice d’un recours serait en pratique impossible étant donné que ces délais continueraient à courir et, de ce fait, pourraient éventuellement avoir un impact sur la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande (80).

77.      Or, à mon sens, ce raisonnement méconnaît le fait que ces délais ont été introduits par le législateur de l’Union afin, avant tout, de « garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale » (81) et de protéger les droits des demandeurs d’asile énoncés dans l’acquis du droit de l’Union en matière d’asile et dans la Charte (82).

78.      Si l’on admet, comme la Cour l’a fait dans l’arrêt Shiri, que les délais fixés par le règlement Dublin III visent expressément à protéger les demandeurs d’asile (83), on doit également reconnaître que ces mêmes délais ne peuvent pas être opposés aux demandeurs d’asile afin de les empêcher de disposer d’un recours effectif, surtout lorsqu’ils allèguent que leurs (autres) droits tirés de la Charte ont été violés (en l’occurrence, le droit à la « vie familiale » et le droit des mineurs à voir
leur « intérêt supérieur » pris en considération, conformément à l’article 7 et à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte).

79.      La conclusion inverse aboutirait à la situation quelque peu absurde dans laquelle un demandeur d’asile se verrait privé d’un recours effectif au prétendu motif que les procédures prévues par le règlement Dublin III doivent, dans son intérêt, être entamées rapidement et que, par conséquent, les autorités compétentes des États membres disposent d’un pouvoir discrétionnaire absolu à cet égard. Assurément, la meilleure approche ici serait celle qui tiendrait compte du fait que, si un demandeur
d’asile décide d’exercer son droit à un recours effectif, c’est parce qu’il estime que la protection juridictionnelle de ses droits et intérêts revêt plus d’importance qu’une détermination rapide de l’État membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale (84).

80.      La Cour a reconnu, dans le cadre de l’interprétation de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III, que les retards dans la détermination de l’État membre responsable sont une conséquence inévitable de l’obligation, pour les États membres, de prévoir un recours effectif (85). Cela ne l’a pas empêchée de conclure que le législateur de l’Union n’avait pas entendu, lors de l’adoption de ce règlement, « sacrifier la protection juridictionnelle des demandeurs d’asile à l’exigence de
célérité dans le traitement des demandes d’asile » (86). Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas, en l’espèce, retenir une interprétation similaire (87).

81.      Par ailleurs, je relève que l’article 12, paragraphe 2, du règlement d’application précise que le dépassement des délais applicables à l’adoption d’une réponse à une requête aux fins de prise en charge ou à la réalisation d’un transfert d’un mineur non accompagné ne fait pas nécessairement obstacle à la poursuite de la procédure de mise en œuvre d’un tel transfert. Pour moi, cette disposition confirme que, lorsqu’il s’agit de mineurs non accompagnés, le strict respect des délais fixés dans
les dispositions du règlement Dublin III ou dans le règlement d’application est secondaire par rapport à l’application correcte des règles contenues dans ces instruments et à la protection adéquate des personnes concernées. Ainsi, on ne saurait se prévaloir de ces délais pour empêcher un mineur non accompagné de contester un refus des autorités de l’État membre requis de le prendre en charge, lorsqu’un tel refus intervient après que l’État membre requérant a conclu que le « critère de
responsabilité » figurant à l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III désignait l’État membre requis comme étant l’État membre responsable.

82.      Il existe, en tout état de cause, une solution évidente au problème des retards dans la détermination de l’État membre responsable imputable à la procédure juridictionnelle. En effet, selon moi, l’objectif d’un traitement rapide des demandes, inhérent au règlement Dublin III, exige, dans l’intérêt tant des mineurs non accompagnés que du bon fonctionnement général du régime mis en place par ce règlement, que le recours exercé en vertu de l’article 47, premier alinéa, de la Charte par ces
mineurs non accompagnés fasse lui aussi l’objet d’un examen rapide (88).

83.      À cet égard, il me semble également évident que l’exercice de ce recours a un effet suspensif sur la procédure de détermination de l’État membre responsable. Si les juridictions de l’État membre requis devaient finalement décider que les autorités compétentes de cet État membre ont commis une erreur en refusant de prendre en charge un mineur non accompagné tel que le demandeur, leur décision serait annulée (à moins qu’elle ne soit réformée) et ces autorités devraient présenter une nouvelle
réponse à la requête aux fins de « prise en charge » dans les délais impartis, lesquels s’appliqueraient de novo (89). Les conséquences qui découleraient du non-respect de ces délais seraient ainsi pleinement préservées.

84.      En troisième lieu, je considère que l’obligation pour les États membres de prévoir un recours effectif en l’espèce est conforme à l’objectif du législateur de l’Union d’associer les mineurs non accompagnés au processus menant à la détermination de l’État membre responsable de l’examen de leur demande. Cet objectif est sans doute exprimé le plus clairement par l’article 6, paragraphe 2, du règlement Dublin III et par l’article 12, paragraphe 3, du règlement d’application, ainsi que dans les
obligations spécifiques pour les États membres qu’ils contiennent (90).

85.      À mon avis, ces obligations pourraient précisément contribuer à assurer, en l’espèce, l’ effectivité du recours du mineur non accompagné, afin que ce recours ne soit pas seulement illusoire. Par exemple, il me paraît tout à fait possible de considérer, dès lors que ces dispositions sont rédigées en des termes suffisamment généraux et larges, qu’elles comportent une obligation concrète et précise, en pratique, pour l’État membre requérant, d’informer le représentant du mineur non accompagné
du fait que ses autorités ont présenté une requête aux fins de prise en charge sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III à un autre État membre (l’État membre requis) et, ensuite, de la réponse négative des autorités de cet autre État membre à cette requête. Une telle obligation permettrait au mineur non accompagné d’être informé du contenu de la décision de l’État membre requis et, s’il le souhaite, d’introduire un recours dans cet État membre.

86.      En quatrième lieu, et surtout, l’obligation pour les États membres de prévoir un recours effectif en l’espèce pourrait contribuer à une application correcte et efficace des règles contenues dans le règlement Dublin III et dans le règlement d’application. Il est évident que les « critères de responsabilité » et l’ensemble des autres règles matérielles, procédurales et en matière de preuve énumérées dans ces deux instruments (91) pour protéger les mineurs non accompagnés deviendraient, dans
une certaine mesure, inutiles et/ou privées d’effet utile si les autorités des États membres, lors de l’examen des requêtes aux fins de prise en charge, disposaient d’un pouvoir discrétionnaire absolu en ce qui concerne l’application de ces règles et échappaient systématiquement à toute forme de contrôle juridictionnel, sauf dans les cas où le mineur doit être transféré dans un autre État membre (ceux-ci relevant de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III). Globalement, l’objectif visant
à garantir que la détermination de l’État membre responsable soit effectuée en application de « critères objectifs et équitables » (92) pourrait être compromis : les disparités dans l’application de ces règles et critères seraient susceptibles de mettre en péril le bon fonctionnement du règlement Dublin III, qui repose sur les principes de coopération administrative (93), de solidarité (94) et de confiance mutuelle (95), et une situation de « blocage » pourrait même résulter des éventuelles
différences insurmontables entre les États membres, que la procédure de conciliation prévue à l’article 37, paragraphe 2, de ce règlement ne parviendrait pas à résoudre (96). Dans des cas extrêmes, un État membre pourrait, s’il le souhaitait, refuser systématiquement toute requête aux fins de prise en charge lui étant adressée (97).

87.      Au vu de l’ensemble de ces considérations, je doute qu’il convienne de maintenir une distinction entre la situation dans laquelle un mineur non accompagné va être transféré (et dispose d’un recours en vertu de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III) et celle dans laquelle l’État membre requis refuse de le prendre en charge sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, de sorte qu’il demeure dans l’État membre dans lequel il se trouve (et, selon les parties
intéressées, ne dispose d’aucune voie de recours). On pourrait aisément imaginer le cas d’un mineur non accompagné qui arriverait en Grèce et, par la suite, réussirait d’une manière ou d’une autre à atteindre les Pays-Bas où réside son présumé oncle. Ce mineur se livrerait exactement à ce que ce règlement vise à décourager, à savoir un « mouvement secondaire » (par l’introduction successive de demandes de protection internationale dans différents États membres). Or, si les Pays-Bas adressaient alors
une requête aux fins de reprise en charge à la Grèce et adoptaient une décision de transfert du mineur non accompagné vers la Grèce, une telle décision relèverait du champ d’application de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III et le mineur aurait la possibilité de se défendre devant les juridictions néerlandaises. Selon ces parties, le même mineur n’aurait, en revanche, aucune voie de recours à sa disposition si, comme l’a fait le demandeur dans l’affaire au principal, il respectait
les règles et restait en Grèce, alors que les Pays-Bas refusent tout simplement de le prendre en charge (98).

88.      Je pense, pour ma part, qu’une telle approche récompenserait ceux qui, en violation de la réglementation applicable, se livrent à un mouvement secondaire non autorisé. Cela créerait un « encouragement » supplémentaire, pour les mineurs non accompagnés, à se rendre illicitement – au risque de leur sûreté, de leur sécurité et de leur bien-être – vers l’État membre où réside le « membre de leur famille » ou leur « proche ».

89.      Pour conclure cette section, je souligne que ce ne serait pas la première fois que la Cour jugerait que l’article 47, premier alinéa, de la Charte impose aux États membres de prévoir un recours effectif dans une situation où cela n’est pas expressément prévu par la réglementation de l’Union applicable. Pour ne donner qu’un seul exemple, elle a récemment reconnu une telle portée à cette disposition dans l’arrêt Minister van Buitenlandse Zaken (99), qui concernait le code des visas.

3.      Vers une refonte du système de Dublin ?

90.      Une partie importante des préoccupations exprimées par les gouvernements des États membres au cours de la présente procédure me semblent découler, à tout le moins en partie, du fait que si la Cour devait conclure qu’un recours effectif doit être garanti en l’espèce, elle devrait également le faire dans une multitude d’autres affaires, ce qui pourrait aboutir, en définitive, à une refonte du système de Dublin.

91.      Toutefois, la solution que je propose n’aboutirait pas, à mon sens, à un tel résultat, et ce pour trois raisons principales.

92.      En effet, en premier lieu, il ne faut pas perdre de vue qu’une partie significative des demandes de « reprise en charge » ou de « prise en charge », si ce n’est la majorité, concerne des demandeurs d’asile qui se trouvent physiquement dans l’État membre dans lequel ils souhaitent voir examiner leur demande de protection internationale et qui cherchent à éviter d’être transférés vers un autre État membre [en application de l’article 13 ou de l’article 18, paragraphe 1, sous c) et d), du
règlement Dublin III]. Pour de telles situations, l’article 27, paragraphe 1, de ce règlement prévoit déjà une voie de recours et règle de manière exhaustive la question de savoir si et, le cas échéant, quand cette voie de recours doit être accordée (100). Ainsi que la Cour l’a souligné dans l’arrêt M.A. e.a. (101), pour autant qu’un recours effectif soit disponible à un moment quelconque au cours de la procédure de Dublin, cela suffit à protéger les droits individuels du demandeur de protection
internationale.

93.      En deuxième lieu, la solution que je propose est limitée à certains scénarios. Elle concerne l’application d’une disposition très spécifique du règlement Dublin III, à savoir son article 8, paragraphe 2, relatif à une catégorie particulière de demandeurs d’asile (les mineurs non accompagnés), visant à assurer le plein respect de certains droits fondamentaux (l’article 7 et l’article 24, paragraphe 2, de la Charte). Un tel recours ne devrait pas être ouvert à tous les demandeurs d’asile ni
en ce qui concerne tous les critères énoncés dans ce règlement.

94.      Il est vrai que les constatations qui m’ont conduit à conclure qu’un recours effectif devait être accordé en l’espèce pourraient, à mon sens, également s’appliquer dans le cas où un mineur non accompagné qui souhaite être transféré sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III fait valoir que ses droits fondamentaux (article 7 et article 24, paragraphe 2, de la Charte) sont affectés non pas par une décision de l’État membre requis (en l’espèce, les Pays-Bas), mais
par un acte ou une omission des autorités de l’État membre où il se trouve (en l’espèce, la Grèce) (102).

95.      Pour être clair, un mineur non accompagné pourrait avoir diverses raisons de former un recours dans une telle situation : il pourrait soutenir que les autorités de l’État membre où il se trouve ont omis d’adresser une requête aux fins de prise en charge sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III, ou qu’elles n’ont pas respecté les délais (soit pour soumettre cette requête, soit pour transférer le mineur), ou encore qu’elles ont fait une application erronée de la
clause de souveraineté figurant à l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement. Quelle qu’en soit la raison, la responsabilité de l’examen de la demande du mineur incombe alors à cet État membre. Une telle décision a naturellement une conséquence très concrète pour le mineur. Il n’est pas transféré vers un autre État membre et doit demeurer où il se trouve au moment du traitement et de l’examen de sa demande de protection internationale.

96.      Toutefois, force est de constater, en troisième lieu, que, même si un droit à un recours effectif devait être reconnu dans un tel cas (et non uniquement dans un cas tel que celui faisant l’objet de l’affaire au principal), toute décision d’un État membre, qu’il s’agisse de l’État membre requis ou de l’État membre requérant, n’est, à mon sens, susceptible de recours qu’une fois qu’elle est devenue définitive.

97.      À cet égard, force est de constater que des requêtes aux fins de prise en charge successives ne peuvent être présentées par l’État membre requérant que pour autant que le délai impératif prévu à cet effet à l’article 21, paragraphe 1, du règlement Dublin III n’est pas dépassé (103). Après l’expiration de ce délai, toute omission éventuelle de cet État membre de présenter une requête aux fins de prise en charge sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Dublin III devient
définitive et, donc, selon moi, potentiellement susceptible de recours. Aucune action ne serait cependant possible avant cette date. De même, une fois que le délai de réponse à la requête aux fins de prise en charge de l’État membre requérant expire (104) (ou, le cas échéant, une fois que l’intervalle de deux semaines pour répondre à une demande de réexamen prend fin) (105), le refus de l’État membre requis devient également définitif et ainsi susceptible de recours. Néanmoins, tout refus communiqué
avant cette date ne peut être attaqué qu’une fois converti en une telle décision finale.

98.      Au vu de ces considérations, je pense que, si la Cour devait adopter la solution que je propose et juger qu’un recours effectif doit, en vertu de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, être fourni en l’espèce, cette solution ne provoquerait pas la refonte que craignent les gouvernements des États membres.

C.      Quelques observations quant aux modalités pratiques du recours (troisième question préjudicielle)

99.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur les modalités pratiques du recours qui, à mon sens, doit, en vertu de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, être accordé à un demandeur d’asile tel que le demandeur. Elle souhaite savoir, plus précisément, de quelle manière et par quel État membre la décision de l’État membre requis ainsi que le droit de former un recours contre celle-ci doivent être communiqués à cette personne. Mes observations en réponse à
cette question seront assez brèves, puisque j’ai déjà indiqué que, d’une part, ce recours devait être exercé devant les juridictions de l’État membre requis et, d’autre part, que cet État membre doit veiller à ce que la possibilité d’exercer rapidement son droit de recours soit offerte à un tel demandeur d’asile (106).

100. J’ajoute que, conformément à une jurisprudence constante, en l’absence d’harmonisation des règles nationales en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités des recours en justice, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition, toutefois, qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et, surtout, qu’elles ne rendent pas impossible en
pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (107).

101. Ces exigences d’équivalence et d’effectivité expriment l’obligation générale pour les États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Elles valent tant sur le plan de la désignation des juridictions compétentes pour connaître des actions fondées sur ce droit qu’en ce qui concerne la définition des modalités procédurales (108).

102. Il me semble évident qu’en l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter le droit national, de déterminer si et dans quelle mesure le système de contrôle aux Pays‑Bas satisfait à ces exigences et si elle est compétente pour contrôler une décision du secrétariat d’État de rejeter une requête aux fins de prise en charge (109). Cela étant précisé, je souhaite souligner qu’afin de garantir un recours véritablement effectif, le juge compétent doit, à mon
sens, procéder à un réexamen complet, en droit et en fait, d’une telle décision, afin d’apprécier si les droits (110) du demandeur ont été violés ou non – et, le cas échéant, d’annuler ou de réformer la décision litigieuse.

103. Par ailleurs, il est également de jurisprudence constante que l’effectivité de son recours (au titre de l’article 47, premier alinéa, de la Charte) exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande (111).

104. Sur ce point, je pense qu’il appartient aux autorités compétentes de l’État membre requérant (en l’occurrence, les autorités grecques), qui seules interagissent avec le mineur non accompagné, d’informer ce dernier du refus des autorités de l’État membre requis et de son droit d’exercer un recours contre cette décision (112).

105. Tel doit, à mon sens, être le cas pour deux raisons. D’une part, en adoptant le règlement Dublin III, le législateur de l’Union a souligné l’importance de la coopération administrative (113) et semble avoir été favorable à la création d’un mécanisme d’« accès unique », permettant aux demandeurs d’asile de n’être en contact qu’avec les autorités d’un seul État membre et d’accomplir toutes les formalités administratives en un lieu unique. D’autre part, il me semble qu’en l’espèce, cette
obligation épargnerait à un mineur non accompagné tel que le demandeur l’inconvénient de devoir faire face à la fois aux autorités compétentes de l’État membre requérant et à celles de l’État membre requis (chacune opérant selon des modalités différentes) au moins jusqu’à ce qu’il décide d’exercer son droit à un recours effectif. Globalement, il bénéficierait donc d’une protection renforcée, conformément aux objectifs du système de Dublin (114).

106. En outre, le principe de coopération administrative implique nécessairement, selon moi, que, si un recours est introduit par un mineur non accompagné tel que le demandeur, devant les juridictions de l’État membre requis (en l’espèce, les Pays-Bas), contre un refus de prise en charge adopté par les autorités compétentes de cet État membre, ces autorités doivent informer les autorités de l’État membre requérant (en l’espèce, la Grèce) qu’un tel recours a été introduit (115).

107. À mon sens, cela doit être effectué afin de permettre aux autorités de l’État membre requérant de suspendre la procédure relative à la détermination de l’État membre responsable pendant que le recours est pendant (116), cet effet suspensif étant lui-même nécessaire afin de garantir que lesdites autorités s’abstiennent de conclure à leur responsabilité s’agissant de l’examen de la demande de protection internationale du mineur non accompagné et, par conséquent, de procéder à l’appréciation du
bien-fondé de sa demande d’asile.

V.      Conclusion

108. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye, siégeant à Haarlem, Pays-Bas) de la manière suivante :

1)      L’article 27, paragraphe 1, du règlement (UE) n^o 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ne saurait être interprété comme obligeant les États membres à prévoir un recours effectif contre un refus de leurs autorités compétentes d’accepter une
requête aux fins de prise en charge, au sens de l’article 22, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement.

2)      Dans une telle situation, l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 7 et l’article 24, paragraphe 2, de celle-ci, exige toutefois qu’un tel recours effectif soit ouvert au mineur non accompagné en question (mais pas à son proche présumé) par l’État membre dont les autorités compétentes ont refusé de faire droit à la requête aux fins de prise en charge, devant les juridictions nationales de cet État membre.

3)      Les modalités pratiques d’une telle voie de recours relèvent de l’ordre juridique de chaque État membre, conformément au principe d’autonomie procédurale, sous réserve des principes d’effectivité et d’équivalence ainsi que de l’obligation, pour les autorités de l’État membre ayant transmis la requête aux fins de prise en charge, i) d’informer le mineur non accompagné en question de la réponse donnée par leurs homologues de l’État membre requis et ii) de suspendre la procédure de
détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande internationale du mineur tant qu’il n’a pas été statué sur son recours.

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1      Langue originale : l’anglais.

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2      Voir rapport annuel 2015 du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) sur la situation en matière d’asile dans l’Union européenne, page 109.

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3      Voir https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-eurostat-news/-/ddn-20210423-1.

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4      Règlement (UE) n^o 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31) (ci-après le « règlement Dublin III »).

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5      Voir notamment arrêts du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409) ; du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53), et du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218).

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6      Conformément à l’article 2, sous i) et j), du règlement Dublin III, aux fins de ce règlement, un « mineur » est un « ressortissant de pays tiers ou un apatride âgé de moins de 18 ans », tandis qu’un « mineur non accompagné » est « un mineur qui entre sur le territoire des États membres sans être accompagné d’un adulte qui [...] en a la responsabilité, et tant qu’il n’est pas effectivement pris en charge par un tel adulte ».

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7      Conformément à l’article 2, sous h), du règlement Dublin III, un « proche » est « la tante ou l’oncle adulte ou un des grands-parents du demandeur qui est présent sur le territoire d’un État membre [...] ».

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8      Règlement de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d’application du règlement (CE) n^o 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 222, p. 3), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) n^o 118/2014 de la Commission, du 30 janvier 2014 (JO 2014, L 39, p. 1).

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9      Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi indique également que, le 2 juillet 2020, les autorités grecques ont à nouveau demandé au secrétariat d’État de prendre en charge le demandeur. Le secrétariat d’État a rejeté cette demande le 9 juillet 2020. Ce rejet ne relève pas du recours devant la juridiction de renvoi.

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10      Comme je l’ai indiqué au point 20 des présentes conclusions, le demandeur et S sont tous deux parties à la procédure au principal. Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi n’a cependant rapporté que les arguments du requérant.

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11      Arrêt du 7 juin 2016 (C‑63/15, EU:C:2016:409).

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12      Arrêt du 7 juin 2016 (C‑155/15, EU:C:2016:410).

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13      Le secrétaire d’État fait valoir que, alors que les demandeurs d’asile ne bénéficient pas d’un droit de recours sauf dans les cas expressément visés à l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III, les autorités de l’État membre qui émet la requête de prise en charge ont la faculté, dans tous les cas, lorsque les autorités de l’État membre destinataire de la requête refusent de prendre en charge un demandeur d’asile, de solliciter un réexamen de la requête aux fins de prise en charge,
conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’application, ou de lancer la procédure de conciliation exposée à l’article 37, paragraphe 2, du règlement Dublin III.

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14      Voir article 21, paragraphe 1, et article 22, paragraphe 1, du règlement Dublin III (cités aux points 10 et 11 des présentes conclusions).

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15      Voir considérant 16 du règlement Dublin III.

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16      Je souligne que seule la date à laquelle est présentée la demande de protection internationale est pertinente afin d’apprécier si le demandeur est un « mineur » (voir, par analogie, arrêt du 12 avril 2018, A et S, C‑550/16, EU:C:2018:248, points 39 à 64). Par conséquent, le fait que, dans la procédure au principal, le demandeur ait désormais atteint l’âge de 18 ans, après l’introduction de sa demande de protection internationale en Grèce, est dépourvu de pertinence.

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17      L’article 26, paragraphe 1, du règlement Dublin III dispose que « lorsque l’État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d’un demandeur ou d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, [sous] c) ou d), l’État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l’État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale » (mise en italique par mes soins). L’article 29,
paragraphe 1, de ce règlement prévoit que le transfert de la personne concernée s’effectue « au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation [...] de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée » (mise en italique par mes soins).

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18      Voir également, à cet égard, le considérant 19 du règlement Dublin III, selon lequel le recours offert par l’article 27, paragraphe 1, de ce règlement couvre « l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré » (mise en italique par mes soins).

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19      Les articles 23 et 24 du règlement Dublin III décrivent la procédure s’appliquant aux requêtes aux fins de reprise en charge (qui ne peuvent être présentées que dans les cas relevant de l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement Dublin III). La présente affaire a pour objet une requête aux fins de « prise en charge », non de « reprise en charge ».

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20      Voir, à cet effet, arrêts du 31 mai 2018, Hassan (C‑647/16, EU:C:2018:368, point 60), et du 4 octobre 2018, Fathi (C‑56/17, EU:C:2018:803, point 54).

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21      Voir, notamment, arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, point 53).

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22      Il en est ainsi car, comme l’indique le considérant 19, l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III a été adopté afin de garantir le respect de l’article 47 de la Charte.

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23      En d’autres termes, une telle interprétation serait contra legem et, partant, inacceptable. Voir, par analogie, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, points 24 et 25 ainsi que jurisprudence citée).

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24      Voir article 28, paragraphe 5, de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) (COM/2016/0270 final).

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25      JO 2021, C 143, p. 4.

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26      Je relève que la plus récente proposition de la Commission ne contient pas de disposition équivalente [voir article 33 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion de l’asile et de la migration et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil et la proposition de règlement (UE) XXX/XXX [établissant le Fonds « Asile et migration »] (COM/2020/610 final)].

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27      Voir, sur le principe général de la protection juridictionnelle effective, arrêt du 15 mai 1986, Johnston (222/84, EU:C:1986:206, point 18). Postérieurement, s’agissant de l’article 47 de la Charte, voir notamment arrêts du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, EU:C:2007:163, point 37), et du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453, point 45).

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28      Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le droit protégé par la Charte bénéficie du même sens et de la même portée que le droit garanti par la CEDH, même si le droit de l’Union peut offrir une protection plus étendue.

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29      Voir arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 54 et jurisprudence citée).

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30      Arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 55).

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31      Voir article 51, paragraphe 1, de la Charte, tel qu’interprété notamment dans l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, points 17 à 23).

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32      Voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, point 76). Néanmoins, cette dernière exigence a fait l’objet d’une interprétation plutôt large dans la jurisprudence de la Cour. La Cour a, par exemple, jugé qu’un justiciable pouvait se prévaloir du principe général de protection contre des interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique dans la sphère d’activités privées [voir, notamment, arrêt du 6 octobre 2020, État
luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, points 57 et 58)], ou des droits à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement découlant des articles 56 et 49 TFUE [voir arrêt du 14 juin 2017, Online Games (C‑685/15, EU:C:2017:452, point 58)].

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33      De telles autorités « mettent [donc] en œuvre le droit de l’Union » au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.

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34      Bien que l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne prévoie pas un tel recours (voir mon analyse de la première question préjudicielle).

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35      À l’exception de celui prévu à l’article 8, paragraphe 1, du règlement Dublin III, concernant la présence d’un « membre de la famille » dans un autre État membre.

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36      Mise en italique par mes soins. Ces obligations doivent être distinguées de la marge d’appréciation dont disposent les États membres, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III, pour déroger aux critères de responsabilité, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent et examiner une demande de protection internationale introduite sur son territoire ou sur le
territoire d’un autre État membre (voir considérant 17 de ce règlement).

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37      Voir considérant 39 du règlement Dublin III, qui mentionne plus spécifiquement les droits fondamentaux garantis par les articles 1, 4, 7, 18, 24 et 47 de la Charte.

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38      Au-delà de la reconnaissance du droit à un recours effectif dans certaines circonstances à son article 27, paragraphe 1, le règlement Dublin III contient des règles relatives au droit d’accès à la procédure d’asile (article 3), au droit à l’information (article 4) et au droit d’être entendu (article 5), des règles en matière de rétention (article 28) et des règles relatives à la sécurité des données à caractère personnel transmises (article 38).

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39      Voir arrêts du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409) ; du 7 juin 2016, Karim (C‑155/15, EU:C:2016:410), etdu 25 octobre 2017, Shiri (C‑201/16, EU:C:2017:805).

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40      Voir, à cet effet, considérants 9, 13, 14, 16 et 19 du règlement Dublin III.

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41      Voir considérant 16 du règlement Dublin III (mise en italique par mes soins).

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42      Voir considérants 13 et 14 de ce règlement.

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43      Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte.

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44      Voir, à cet égard, arrêt de la Cour EDH du 13 juin 1979, Marckx c. Belgium, (CE:ECHR:1979:0613JUD000683374, point 45). La Cour EDH a également confirmé que la « vie familiale » n’est pas limitée au rapport entre « membres de la famille » tels qu’ils étaient définis à l’article 2 du règlement (CE) n^o 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États
membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p. 1) [voir arrêt de la Cour EDH du 7 mai 2013, L.H. et V.S. c. Belgique (CE:ECHR:2013:0507DEC006742910, point 73)].

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45      Voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, point 34).

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46      Conformément à cette disposition, les États membres doivent, dans le cadre de l’examen de l’intérêt supérieur du mineur, prendre en considération notamment les possibilités de regroupement familial.

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47      Cette disposition prévoit qu’aux fins de l’application de l’article 8 du règlement Dublin III, l’État membre dans lequel le mineur non accompagné a introduit une demande de protection internationale prend dès que possible les mesures nécessaires pour identifier les membres de la famille, les frères ou sœurs ou les proches du mineur non accompagné sur le territoire des États membres, tout en protégeant l’intérêt supérieur de l’enfant.

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48      Arrêt du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53, point 89).

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49      La Cour EDH a jugé que les mineurs, en raison de leurs « besoins spécifiques » et de leur « situation d’extrême vulnérabilité », nécessitent davantage de protection que les autres demandeurs d’asile. Les autorités ont l’obligation de protéger les enfants et d’adopter des mesures adéquates au titre des obligations positives découlant de l’article 3 de la CEDH. Voir notamment arrêts de la Cour EDH du 19 janvier 2012,  Popov c. France (CE:ECHR:2012:0119JUD003947207, point 91), et du 4 novembre
2014, Tarakhel c. Switzerland (CE:ECHR:2014:1104JUD002921712, points 118 et 119).

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50      Voir considérant 13 du règlement Dublin III. Voir, de la même manière, directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte) (JO 2013, L 180, p. 96) (ci-après la « directive “accueil” »). D’après cette directive, qui s’applique aux demandeurs de protection internationale, y compris pendant la « procédure de Dublin » (voir considérant 11 du règlement Dublin et son
article 3 de cette directive), « les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés » (article 21), notamment en garantissant « un niveau de vie adéquat pour le développement physique, mental, spirituel, moral et social du mineur » (article 23).

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51      Plus spécifiquement, conformément à l’article 24, paragraphe 2, de la directive « accueil », les mineurs non accompagnés ne doivent, en principe, être placés au sein d’une famille d’accueil, dans des centres spécialisés dans l’hébergement des mineurs ou dans d’autres lieux d’hébergement adaptés aux mineurs que s’ils n’ont pas de parents adultes.

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52      Voir considérant 13 du règlement Dublin III.

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53      Lorsqu’un mineur non accompagné a un membre de sa famille dans un autre État membre, l’article 8, paragraphe 1, du règlement Dublin III exige que ces personnes soient réunies. De la même manière, l’article 23, paragraphe 5, de la directive « accueil » dispose notamment que les demandeurs mineurs soient logés avec leurs parents ou avec la personne majeure qui en est responsable, pour autant que cela soit dans leur intérêt supérieur.

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54      De la même manière, il découle de l’article 24, paragraphe 2, de la directive « accueil » que les mineurs non accompagnés qui présentent une demande de protection internationale sont placés auprès de parents adultes résidant sur le territoire du même État membre, pour autant, bien entendu, que cela soit dans leur intérêt supérieur.

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55      Directive du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12, ci-après la « directive sur le regroupement familial »).

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56      Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte) (JO 2011, L 337, p. 9, ci-après la « directive qualification »). Voir son article 33 (« Liberté de
circulation à l’intérieur de l’État membre »).

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57      Voir article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive sur le regroupement familial.

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58      Il semble d’ailleurs peu probable que l’oncle du requérant (qui réside légalement aux Pays-Bas) puisse invoquer les dispositions de la directive sur le regroupement familial afin que le demandeur (son neveu) le rejoigne et vive avec lui. En effet, d’après cette directive, les ressortissants de pays tiers résidant légalement dans un États membre bénéficient uniquement du droit d’être regroupés avec leur conjoint, leurs enfants mineurs et les enfants de leur conjoint dans leur État de
résidence. Les États membres ont également la faculté (mais pas l’obligation) d’autoriser le regroupement des partenaires non mariés et des enfants majeurs dépendants, ou des proches âgés dépendants.

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59      Voir article 31, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60). La procédure totale peut même durer jusqu’à vingt et un mois (article 31, paragraphe 5, de cette directive). Les États membres peuvent bien sûr donner la priorité à l’examen des demandes de mineurs non accompagnés [voir article 31, paragraphe 7, sous b), de cette
directive], mais ils n’y sont pas tenus.

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60      À cet égard, je ne partage pas le point de vue du gouvernement grec, selon lequel la procédure de Dublin ne serait qu’une procédure intermédiaire et ne constituerait qu’une étape du processus que suivent les demandeurs d’asile, à compter du moment où ils demandent la protection internationale jusqu’au moment où il est statué sur leur demande. Je considère que les conséquences de cette procédure peuvent être extrêmement concrètes pour les mineurs non accompagnés, surtout s’ils sont
particulièrement jeunes.

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61      Voir, par analogie, arrêt du 19 janvier 2012,  Popov c. France (CE:ECHR:2012:0119JUD003947207, point 100). Cette constatation est d’autant plus vraie lorsque l’État membre dans lequel se trouve physiquement le mineur non accompagné est confronté à un nombre particulièrement élevé de demandes de protection internationale et éprouve des difficultés à apporter au mineur tous les soins qu’exigerait son intérêt supérieur.

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62      Comme l’indique l’article 6, paragraphe 3, du règlement Dublin III, lorsqu’elles évaluent l’intérêt supérieur de l’enfant, les autorités compétentes des États membres doivent tenir compte d’un ensemble de facteurs, l’avis du mineur (en fonction de son âge et de sa maturité) n’étant qu’un facteur parmi d’autres.

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63      Voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 64 à 69 et 108).

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64      La Cour EDH a reconnu qu’en matière d’immigration, l’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prévaut sur toute [autre] considération [arrêt Cour EDH du 19 janvier 2012,  Popov c. France (CE:ECHR:2012:0119JUD003947207, point 91)].

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65      Voir arrêt du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53).

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66      En tout état de cause, cette disposition ne peut être appliquée que par un État membre dans lequel un demandeur d’asile a introduit une demande de protection internationale. Elle ne présente donc pas véritablement de lien avec la question de savoir si un demandeur d’asile dispose d’une voie de recours contre une décision de l’État membre requis (dans lequel aucune demande d’asile n’a été introduite).

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67      Voir article 3, paragraphe 2, du règlement d’application (mise en italique par mes soins). Voir également article 22, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

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68      En particulier, l’existence de liens de parenté avérés entre le mineur et son présumé proche, la présence dudit proche sur le territoire de cet État membre, sa capacité à prendre soin du mineur et le point de savoir si le regroupement serait dans l’intérêt supérieur de ce dernier.

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69      Voir, par exemple, article 6, paragraphe 3, du règlement Dublin III, qui détaille tous les éléments pertinents qui doivent être pris en compte pour évaluer l’intérêt supérieur d’un mineur non accompagné, ou article 3, paragraphe 2, et article 5, paragraphe 1, du règlement d’application, qui prévoient que ce n’est qu’« après vérification », et après avoir estimé que les éléments soumis ne permettent pas de conclure à sa responsabilité, que l’État membre requis peut refuser une requête aux
fins de prise en charge. Voir également article 12 du règlement d’application.

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70      Par exemple, les règles relatives au délai dans lequel un État membre doit répondre à une requête aux fins de prise en charge (article 22, paragraphe 1, du règlement Dublin III ou article 5, paragraphe 2, du règlement d’application).

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71      Voir règles contenues, notamment, à l’annexe II, liste A.I.1, du règlement d’application qui détaillent les différents moyens de preuve pouvant être invoqués pour établir la présence d’un « membre de la famille », d’un « proche » ou d’une « relation » d’un requérant mineur non accompagné.

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72      Voir, à cet égard, principe général du droit de l’Union de bonne administration, cité notamment dans l’arrêt du 8 mai 2014, N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, point 50).

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73      Il me semble évident, à l’instar de la juridiction de renvoi (voir point 26 des présentes conclusions), que la procédure de conciliation prévue à l’article 37, paragraphe 2, du règlement Dublin III ne constitue pas un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte. Si cette procédure est incontestablement « importante, tant pour les États membres que pour les demandeurs concernés » (voir considérant 37 de ce règlement), je relève i) que cette procédure se déroule uniquement à
l’initiative des États membres et n’est pas ouverte aux demandeurs (pas plus qu’elle ne les implique d’une quelconque manière) et ii) qu’elle ne se déroule pas devant une « juridiction » impartiale qui sanctionnerait l’application incorrecte de la loi. Il s’agit d’un simple dialogue entre différentes administrations.

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74      Voir, par analogie, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 290).

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75      Voir note 95 des présentes conclusions.

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76      La Cour doit encore trancher cette question, dès lors que dans l’arrêt du 4 octobre 2018, Fathi (C‑56/17, EU:C:2018:803, point 54), elle s’est limitée à relever que le règlement Dublin III « ne comporte [...] pas [...] de telles garanties procédurales spécifiques lorsque [...] l’État membre qui procède à la détermination de l’État membre responsable aboutit à la conclusion qu’il n’y a pas lieu d’opérer un transfert du demandeur vers un autre État membre » (c’est-à-dire lorsqu’aucune
« décision de transfert » au sens de l’article 27, paragraphe 1, de ce règlement n’est adoptée).

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77      Voir section IV, partie A, des présentes conclusions.

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78      Cela ressort manifestement du considérant 19 du règlement Dublin III, selon lequel l’article 27, paragraphe 1, de ce règlement est adopté « afin de garantir une protection efficace des droits des personnes concernées ».

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79      Voir arrêt du 14 mai 2019, M e.a. (Révocation du statut de réfugié) (C‑391/16, C‑77/17 et C‑78/17, EU:C:2019:403, point 77 et jurisprudence citée).

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80      En effet, dans le cadre de l’application du règlement Dublin III, les délais constituent davantage qu’un simple ensemble de garanties procédurales. Si un État membre ne respecte pas les délais applicables, la responsabilité de l’examen d’une demande de protection internationale peut lui être imputée, plutôt qu’à l’État membre en principe désigné par cet instrument (voir, par exemple, article 21, paragraphe 1, troisième alinéa, et article 22, paragraphe 7, du règlement Dublin III).

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81      Voir considérant 5 du règlement Dublin III.

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82      Voir, à cet effet, considérant 21 du règlement Dublin III.

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83      Voir arrêt du 25 octobre 2017, Shiri (C‑201/16, EU:C:2017:805, point 44).

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84      Je relève que, au vu de son libellé actuel, le règlement Dublin III permet en tout état de cause à des retards d’apparaître dans le cadre de la détermination de l’État membre responsable dans des situations où l’État membre requérant décide de déclencher la procédure de conciliation en application de l’article 37 du règlement Dublin III. Toutefois, à la différence des cas dans lesquels le demandeur d’asile introduit un recours devant une juridiction, celui-ci n’a pas son mot à dire dans le
cadre de cette procédure.

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85      Voir arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, point 56).

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86      Voir arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, point 57).

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87      Il est vrai que, dans l’arrêt du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53), la Cour a refusé de reconnaitre l’existence d’une voie de recours contre une décision de ne pas faire usage de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III (ibid., point 79), notamment en ce que l’objectif de célérité dans le traitement des demandes invite à ne pas multiplier les voies de recours (ibid., point 76). La Cour a toutefois insisté sur le fait qu’une
telle décision pourrait, le cas échéant, être contestée, en application de l’article 27, paragraphe 1, de ce règlement, à l’occasion d’un recours contre la décision de transfert qui devrait nécessairement être adoptée (ibid., points 78 et 79). Partant, je doute que la Cour ait entendu affirmer, dans cet arrêt, que la mise à disposition d’une voie de recours devrait être découragée dans tous les cas, y compris lorsque, comme en l’espèce (voir point 70 des présentes conclusions), il n’y aurait
autrement aucune possibilité de contester devant une juridiction les décisions prises à quelque étape que ce soit de la procédure Dublin III.

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88      Voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2017, Shiri (C‑201/16, EU:C:2017:805, point 44).

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89      C’est-à-dire dans le délai de deux mois prévu par l’article 22 du règlement Dublin III.

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90      De telles obligations comprennent la désignation d’un représentant personnel qui représente et/ou assiste le mineur non accompagné dans toutes les procédures prévues par le règlement, ainsi que la possibilité pour ce représentant d’accéder au dossier du mineur et d’être impliqué dans le processus de détermination de l’État membre responsable « dans toute la mesure du possible » (voir, à cet égard, article 12, paragraphe 3, du règlement d’application).

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91      Voir point 66 des présentes conclusions.

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92      Voir considérant 5 du règlement Dublin III.

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93      Voir chapitre VII du règlement Dublin III intitulé « Coopération administrative ».

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94      Voir considérants 7 à 9 du règlement Dublin III.

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95      Voir considérant 22 du règlement Dublin III. Voir également den Heijer, M., « Remedies in the Dublin Regulation : Ghezelbash and Karim » [Voies de recours dans le règlement Dublin III : Ghezelbash et Karim], Common Market Law Review, vol. 54, 2017, p. 869.

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96      Conformément à cette disposition, la « procédure de conciliation » peut être déclenchée uniquement à la demande d’un État membre. Toutefois, il est évident que les membres du comité désignés pour trancher de tels différends, lequel se compose d’États membres n’étant pas parties prenantes au désaccord en question, ne sont pas soumis aux mêmes règles de conduite que celles qui s’appliqueraient à un juge impartial dans le cas où un demandeur d’asile disposerait lui-même d’une voie de recours.

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97      À l’instar de la Commission et du gouvernement grec, je pense que les règles relatives à la « coopération administrative » contiennent un certain nombre de garanties destinées à assurer la protection des droits des demandeurs d’asile. Toutefois, je ne pense pas que ces garanties excluent que parallèlement un recours effectif soit ouvert à un mineur non accompagné tel que le demandeur.

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98      Il est vrai que le recours en cas de requête aux fins de reprise en charge a un champ d’application plus restrictif que celui en cas de requête aux fins de prise en charge, dès lors que la première ne peut être introduite que dans les situations relevant expressément de l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement Dublin III et que les juridictions nationales ne contrôleront pas si le « critère de responsabilité » prévu au chapitre III du règlement Dublin III a été dûment appliqué
par l’État membre dans lequel a été introduite la première demande de protection internationale (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2019, H. et R., C‑582/17 et C‑583/17, EU:C:2019:280, point 68). Néanmoins, cela ne change rien, selon moi, au fait qu’un mineur non accompagné « désobéissant » (qui voyage illégalement d’un État membre A à un État membre B et demande la protection internationale dans ces deux États) aura l’opportunité d’aller devant une juridiction, tandis qu’un mineur non accompagné
« obéissant » (qui, comme le demandeur, reste dans l’État membre A), n’en bénéficiera pas.

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99      Arrêt du 24 novembre 2020 (C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 52). La Cour a jugé que le demandeur qui se voit refuser un visa en raison de l’objection manifestée par un État membre pour l’un des motifs de refus applicables devrait pouvoir prendre connaissance de ce motif devant cet État membre. Voir également, pour un autre exemple, arrêt du 25 octobre 2017, Shiri (C‑201/16, EU:C:2017:805, point 44), dans lequel la Cour a jugé que tant l’article 27, paragraphe 1, du règlement
Dublin III (lu à la lumière du considérant 19 de ce règlement) que l’article 47, premier alinéa, de la Charte exigeaient qu’une voie de recours effective et rapide soit ouverte à un demandeur d’asile dont le transfert vers un autre État membre avait eu lieu en violation du délai de six mois fixé à l’article 29, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

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100      Voir, notamment, arrêts du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409) ; du 7 juin 2016, Karim (C‑155/15, EU:C:2016:410), et du 25 octobre 2017, Shiri (C‑201/16, EU:C:2017:805).

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101      Arrêt du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53, points 76 à 79).

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102      Selon moi, l’interprétation proposée dans les présentes conclusions pourrait également s’appliquer, par analogie, à la situation dans laquelle un mineur non accompagné souhaite être transféré au motif qu’il a un « membre de sa famille » (article 8, paragraphe 1, du règlement Dublin III) dans un autre État membre.

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103      Voir arrêt du 13 novembre 2018, X et X (C‑47/17 et C‑48/17, EU:C:2018:900, en particulier le dispositif).

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104      Conformément à l’article 22, paragraphe 1, du règlement Dublin III, il doit statuer dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête.

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105      Dans l’affaire au principal, je considère que le refus du secrétariat d’État de prendre le demandeur en charge est devenu définitif précisément à ce moment.

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106      Voir respectivement points 71 et 82 des présentes conclusions.

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107      Voir arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, point 26 et jurisprudence citée).

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108      Voir arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, point 28 et jurisprudence citée).

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109      Voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, point 31).

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110      Voir section IV, partie B.1, des présentes conclusions.

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111      Arrêt du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken (C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43 et jurisprudence citée).

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112      Voir point 85 des présentes conclusions.

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113      Voir point 86 des présentes conclusions.

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114      Voir notamment considérant 13 du règlement Dublin III.

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115      Il me semble que c’est ainsi qu’ont procédé les autorités néerlandaises en l’espèce, dès lors que les autorités grecques ont décidé de s’abstenir d’examiner la demande de protection internationale du requérant aussi longtemps que la procédure au principal ne serait pas tranchée (voir point 24 des présentes conclusions).

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116      Voir point 83 des présentes conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-19/21
Date de la décision : 07/04/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le rechtbank Den Haag zittingsplaats Haarlem.

Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 604/2013 – Critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale – Article 8, paragraphe 2, et article 27, paragraphe 1 – Mineur non accompagné dont un proche se trouve légalement dans un autre État membre – Rejet par cet État membre de la demande de prise en charge de ce mineur – Droit à un recours effectif dudit mineur ou de ce proche contre la décision de rejet – Articles 7, 24 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Intérêt supérieur de l’enfant.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Politique d'asile

Charte des droits fondamentaux

Droits fondamentaux


Parties
Demandeurs : I et S
Défendeurs : Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:279

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